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s e p t e m b r e 2 0 1 3 : N ° 1 1
Marseille et la Méditerranée
t e r r i t o i r e s
portrait
portrait
La faiblesse des relations entre les ports du Nord et du sud de
la médi-
terranée (7 % de la totalité des trafics de marchandises)
témoigne que
l’extraordinaire potentiel de développement de cette région n’en
est en-
core qu’à ses balbutiements. De nombreuses démarches, de
nombreuses
initiatives individuelles ou collectives, économiques,
culturelles ou diplo-
matiques ont souligné à la fois ses atouts et les difficultés,
de toute nature,
à faire évoluer les choses.
Or, une partie de l’avenir de marseille va s’écrire dans ce
dialogue euro-mé-
diterranéen. Les difficultés rencontrées ne doivent ni faire
oublier les suc-
cès des relations économiques et culturelles dans de nombreux
domaines
ni se détourner de l’objectif principal : faire jouer à
marseille un rôle de
premier plan. méditerranée intégrée, méditerranée des projets
(avec l’es-
poir que la crise ne vienne les compromettre), méditerranée de
la réussite
(ou des échecs), le sort de l’europe du sud est en partie
conditionné par les
développements de toute nature que pourra connaître la rive
sud.
Dans cette publication consacrée aux liens de marseille et de la
médi-
terranée, l’Agam a fait le choix de centrer son propos sur la
question de
l’identité méditerranéenne de marseille, sur le rôle qu'elle
occupe dans cet
espace euroméditerranéen continuellement émergent, sur la
nécessité de
travailler sur les deux rives sur la question du développement
durable, de
l'économie, et des spécificités de l’urbanisme
méditerranéen.
ÉditoLe "focus Méditerranée" apporté notamment par les
manifestations culturelles organisées en 2013 à Marseille
confirme en quoi le passé, le présent et les projets pour
Marseille et son espace métropolitain sont intimement liés
à son accroche méditerranéenne.
Si la culture est ainsi un mode de rapprochement
essentiel entre les deux rives, de nombreux autres modes de
relations se développent dans le domaine scientifique
et médical notamment.
Chacun sait, que dans le domaine économique, elles pour-
raient être plus importantes, mais qu’un certain nombre de
considérations géostratégiques entravent leur dynamique,
au bénéfice d’autres partenaires lointains de la rive Sud
comme les Etats-Unis ou la Chine, tandis que la Turquie
renforce son influence, dans la partie orientale.
Mais depuis quelques années émerge un nouveau centre
d’intérêt lié aux questions urbaines qui prennent une tour-
nure particulière tant la pression sur le littoral est
impor-
tante, au Nord comme au Sud de la Méditerranée.
L’Agam s’y implique et se tient prête à renforcer son
partena-
riat et partager son savoir-faire avec ses voisins du Sud.
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t e r r i t o i r e s
2 Marseille et la Méditerranée
Marseille, une identité méditerranéenne originale
Que n’a-t-on dit sur l’identité méditerranéenne de
marseille ! L’exercice reste pourtant difficile. Non seu-
lement l’identité de marseille est difficile à définir, mais
il en est plus encore de l’identité méditerranéenne !
bien que célébrée aujourd’hui, celle-ci relève, pour
partie sans doute, de "représentations" qu’une analyse
scientifique s’emploierait à déconstruire, voire d’un
"construit identitaire". Néanmoins, selon l’enquête
menée par le Laboratoire méditerranéen d’études de
sociologie à propos de l’image de marseille vue par les
marseillais, le plus grand nombre d’entre eux la définit
comme une "ville méditerranéenne", plutôt qu’euro-
péenne ou que capitale régionale.
Qu’est-ce qui en fait une ville méditerranéenne ? Qu’en-
tend-on par "ville méditerranéenne" ? et que signifie
identité méditerranéenne ?
L’histoire de marseille, d’abord, est pleinement méditer-
ranéenne dès l’origine. Le récit de sa fondation il y a 2
600
ans, qui voit le mariage de Gyptis et protis, célèbre
l’alliance
de l’étranger, le marin grec, et de la native, la paysanne
ligure. L’union de la mer et du terroir. Au 13e siècle,
c’est
une ville quasi indépendante, à l’instar des cités-états
méditerranéennes, italiennes en particulier. marseille
est évidemment méditerranéenne, aussi, par sa géogra-
phie. La mer, le soleil, une végétation méditerranéenne,
le climat, la lumière. et un site exceptionnel – une
cuvette entourée de massifs, avec des affleurements
rocheux jusqu’en cœur de ville. Cet enclavement, qui
caractérise de nombreuses villes maritimes méditerra-
néennes, s’est sans doute conjugué avec une dimension
portuaire pour marquer une identité urbaine affirmée.
Car marseille est d’abord une ville portuaire de commer-
çants et de dockers, qui tire son revenu de la mer, du né-
goce, de l’étranger. D’un cosmopolitisme qui constitue
une autre caractéristique majeure des villes portuaires
méditerranéennes. Il s’agit d’une réalité ancienne dans
une ville qui comptait déjà 10 % d’étrangers en 1851 et
199 000 sur 803 000 habitants en 1931, sans parler des
immigrés arrivés précédemment et naturalisés.
successivement, Italiens, espagnols Arméniens, Corses,
Algériens, pieds-noirs et plus récemment Africains,
s'établissent dans la ville. Ces vagues migratoires suc-
cessives font partie de l'identité d’une ville "fière de son
identité multiculturelle fédératrice, qui est louée dans le
discours médiatique".
La cuisine est soulignée souvent comme l’un des creu-
sets méditerranéens. Les plats peuvent être différents
mais les ingrédients sont les mêmes : huile d’olive, ail,
poissons et crustacés, fruits et légumes frais, fromages
de chèvre et de brebis, graines, céréales. marseille ne
fait pas exception…
Mémoire, cosmopolitisme et manière d’être
Ajoutons un zeste de religiosité à ce "cocktail" – les
ex-voto à la bonne mère rappellent ainsi le culte de
la vierge marie à séville ou celui des saints à Naples –
et de ferveur pour les processions religieuses, les
grandes parades officielles, les fêtes populaires, les cor-
tèges protestataires… existe-t-il, d'ailleurs un "esprit"
“ Marseille est définie par les Marseillais comme une "ville
méditerranéenne", plutôt qu'européenne ou que capitale régionale.
”
© A
gam
N vue sur les collines du 7e arrondisseMent
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3Marseille et la Méditerranée
t e r r i t o i r e s
du lieu relevant d’éléments matériels (habitat, architec-
ture, urbanisme) ou immatériels qui caractériseraient
une "ville méditerranéenne" ?
Force est de constater que les premiers, un urbanisme
singulier, d’anciens villages progressivement intégrés
à la ville, la division sociologique entre quartiers sud
résidentiels et quartiers Nord plus populaires, l'hétéro-
généité de habitat ne sont pas significatifs pour com-
parer marseille et ses consœurs méditerranéennes.
A priori, rien ne semble la rapprocher d’elles. seules
l'ambiance de certains quartiers collinaires situés
en fond d’anse ou de vallon et donnant sur la mer
(endoume, malmousque, Vauban, Vallon-des-Auffes),
en rappelle d’autres, comme elle évoque aussi certaines
médinas des villes maritimes du sud – tanger, rabat ou
Alger par exemple.
malgré sa longue histoire, marseille possède peu de
monuments patrimoniaux. elle n’est certes pas sans mo-
numents ni points de repères mais elle n'apparaît pas
"gorgée d’histoire" comme d’autres grandes cités médi-
terranéennes. L’immeuble à trois fenêtres qui constitue,
ici, l’architecture extérieure traditionnelle reste assez
sobre comparativement aux traditions architecturales
des autres grandes villes méditerranéennes.
Celles-ci dessinent un paysage caractérisé par des
dômes et des clochers, etc. Les couleurs et la déco-
ration y traduisent des origines méditerranéennes et
donnent à l’espace architectural et au sky-line un esprit
particulier, facile à reconnaître. A cet égard, l’ambiance,
les sons, les odeurs, la lumière de certains quartiers
typiques et la mixité de la population du centre de mar-
seille incarnent la méditerranée.
Ainsi, cette identité méditerranéenne de marseille re-
pose plus sur une culture et une histoire, sur le port et
le cosmopolitisme, sur une manière d’être et de vivre
ensemble, sur une certaine théâtralité et un brassage
des populations, sur un savoir-vivre et un accueil, que
sur son urbanisme et son habitat.
la culture, facteur de paix et de dialogue ? La Méditerranée
représente une unité culturelle à condition de ne pas envisager une
culture commune mais la mise en commun de ce qui a constitué une
marque distinctive. Le "continent méditerranéen" est une unité
culturelle non par nature mais par vocation.
Le destin de ce territoire marin est de conjuguer des courants
culturels, des vagues de pensée ou des vents philosophiques et
religieux qui ont fini par lui donner, après plus de deux
millénaires, une position unique dans l’histoire. Il ne s’agit
d’abord pas tant d’inventer une culture médi-terranéenne que de
reconnaître la culture de l’autre, les cultures médi-terranéennes.
à commencer par la culture arabe, qui fut l’un des principaux
passeurs du legs antique à l’Occident...
Mais il s’agit aussi de com-prendre que la culture de l‘autre
n’est pas figée et que différentes cultures s‘inter-pénètrent au
Sud comme au Nord. D’où la notion d’inter-culturalité,
caractéristique d’une culture méditerra-néenne en devenir.
La culture constitue ainsi en Méditerranée, un facteur puissant
de rapprochement des peuples dans une région unie par la mer mais
éternel-lement conflictuelle aussi, sans compter les écarts de
développement entre les deux rives. Mar-seille est, de ce point de
vue en mesure de jouer un rôle éminent, grâce à son rôle de
capitale européenne de la culture en 2013, qui aura mis la
Méditerranée à l’honneur, ainsi que le brassage culturel qui la
caractérise. Et surtout grâce à deux prestigieux équipements
culturels : le Mucem et la Villa Méditerranée.
Plus qu’un musée national, le Mucem est une véritable cité
culturelle qui s’appuie sur les sciences humaines et en mobilisant
les expressions artistiques des deux rives de la Méditerranée. Plus
encore, il est une manière nouvelle de considérer la Méditerranée
comme espace d’ou-verture et de partage, d’envisager une histoire
commune, de percevoir le dialogue des civilisations, d’en expliquer
les enjeux, de donner leur profondeur de champ aux phénomènes
contemporain, et de façonner un nouvel espace public.
La Villa Méditerranée complète cette offre muséale par un lieu à
l’architecture audacieuse. C’est un lieu d’échanges ouvert à tous
les réseaux travaillant sur la coopération internationale en
Méditerranée qui doit contribuer par le dialogue, à bâtir la
Méditerranée de demain.
Crédits photo : Love the difference - Mar Mediterraneo,
Michelangelo Pistoletto, 2003-2007, miroir, bois, métal,
osier, cuir et laine, "FNAC 07-472" Centre national des arts
plastiques © Michelangelo Pistoletto/CNAP/photo :
GalerieofMarseille, Marseille © Michelangelo
Pistoletto/CNAP/photo : Galerie of Marseille, Marseille
N table MÉditerranÉe - MuceM
T MarchÉ de noailles
© A
gam
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4 Marseille et la Méditerranée
t e r r i t o i r e s
Marseille au cœur d’un espace euro-méditerranéen émergent
Depuis le milieu des années 90, la méditerranée est
de plus en plus identifiée comme un espace écono-
mique et politique à part entière. Des politiques glo-
bales et des institutions tendent même à émerger à
l’échelle régionale, même si se suivent des périodes
d’accélération et des périodes de ralentissement.
si le "rêve méditerranéen" de l’europe est ancien
depuis la mare Nostrum romaine, les relations de
l’Union européenne avec les pays du sud et de l’est
de la méditerranée ont connu plusieurs phases et des
tentatives de structuration qui n’ont pas pleinement
abouti à un cadre permanent de coopération régionale.
La première phase est marquée par des relations ex-
clusivement bilatérales entre l’europe et ces pays.
Des tentatives de dialogue multilatéral naissent dans
les années 70. en décembre 1973, d’abord, avec le
lancement d’un « dialogue euro-arabe » qui fait suite
à la crise pétrolière. A travers la mise en œuvre, en
1975 ensuite du "plan d’action pour la méditerranée"
(le futur plan bleu) sous l’égide des Nations unies, des-
tiné à protéger la mer contre la pollution marine. La
"politique méditerranéenne rénovée" qui s’engage
après la guerre du Golfe des années 90-91, constitue
la première tentative d’action cohérente et globale de
l’europe à l’égard de son sud. Des programmes de coo-
pération méditerranéenne sont ainsi lancés tels que
"med Urbs", "med Invest" ou "med media".
en novembre 1995, la conférence de barcelone marque
une nouvelle étape avec la création d’un "partena-
riat euro-méditerranéen". Objectif : faire de la "région
euro-méditerranéenne" une "zone de prospérité par-
tagée". Il s’appuie sur un volet "politique et sécurité",
un volet "économique et financier" qui institue une zone
“ Objectif : faire de la "région euro-méditerranéenne" une "zone
de prospérité partagée" ”
N les organisMes internationaux sont regroupÉs principaleMent à
la villa valMer
le "bruxelles de la Méditerranée" Bien que concurrencée par
d’autres métropoles riveraines, Barce-lone notamment, Marseille a
revendiqué dès les années 90 un rôle dans la construction de
l’espace méditerranéen. A travers l’opé-ration Euroméditerranée,
par exemple, ou l’accueil de nombreux organismes internationaux en
lien avec la Méditerranée – Banque mondiale, Plan Bleu, Forum
euroméditerranéen des instituts de sciences économiques (FEMISE),
Centre de Marseille pour l'intégra-tion en Méditerranée (CMI),
Institut de recherche pour le dévelop-pement (IRD), Office de
coopération économique pour la Méditerra-née et l'Orient (OCEMO),
Agence des villes et territoires méditerra-néens durables (AVITEM),
Institut de la Méditerranée, etc.
Ce positionnement s’appuie d’abord sur un rayonnement né d’un
large faisceau d’atouts : premier port de Méditerranée jusqu’en
2011, deuxième ville diplomatique française après Paris avec plus
de 60 consulats, positionnement géostratégique au cœur des arcs
méditerranéen et latin et de la Méditerranée occidentale,
dyna-mique métropolitaine, expérience ancienne de la relation avec
le Sud. Elle dispose, en outre, d’un tissu diversifié d’organismes
internationaux et d’associations engagées dans des coopérations
méditerranéennes.
Marseille bénéficie ainsi d’un pool de compétences reconnues
pour appuyer techniquement des institutions telles que l’Union pour
la Méditerranée. Et accueille régulièrement de nombreux événe-ments
euro-méditerranéens – sommets, réunions ministérielles ou
parlementaires, conférences, colloques. Capitale européenne de la
culture en 2013, elle devient aussi, grâce à des équipements
culturels prestigieux comme le Mucem ou la Villa Méditerranée, l’un
des principaux lieux d’élaboration des politiques culturelles
euroméditerranéennes. Autant d’atouts qui pourraient contribuer à
faire d’elle, demain, le "Bruxelles de la Méditerranée".
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5Marseille et la Méditerranée
t e r r i t o i r e s
de libre échange en 2010, et un volet consacré au rappro-
chement des sociétés civiles.
Doté d’un programme financier (meda), ce dernier n’a pas
réellement abouti, hormis les accords de libre-échange
signés avec la tunisie, le maroc et la Jordanie. Outre les
blocages résultant du conflit israélo-palestinien, cette
poli-
tique a été progressivement englobée dans la "politique
européenne de voisinage".
Union pour la Méditerranée
en 2007 enfin, l’Union pour la méditerranée, lancée par
Nicolas sarkozy marque une nouvelle étape. Initialement
destinée à ne regrouper que les pays riverains, elle s’est
finalement étendue à l’ensemble de l’europe et a pris le
nom de "processus de barcelone-Union pour la méditerra-
née", dont le premier sommet s’est réuni en juillet 2008.
six
axes stratégiques y seront proposés : la protection civile,
les autoroutes maritimes et terrestres, la dépollution de
la méditerranée, le plan solaire méditerranéen, l’initiative
pour l’expansion des affaires en méditerranée et l’univer-
sité euro-méditerranéenne.
Comme le processus de barcelone, l’Union pour la médi-
terranée s’est heurtée à de nombreux obstacles – et no-
tamment à la persistance du conflit israélo-palestinien,
avec la guerre de Gaza en 2009. elle a fait l’objet d’une
relance récente à travers la première réunion des prési-
dents des parlements des pays riverains, les 6 et 7 avril
2013
à marseille. La période actuelle est à la redéfinition de
ces
politiques dans un contexte marqué, notamment, par les
conséquences des printemps arabes.
paradoxalement, une organisation intergouvernementale
comme les "5 + 5" centrée sur la méditerranée occidentale,
et dégagée du conflit israélo-palestinien, semble connaître
plus de résultats.
T colloque - union pour la MÉditerranÉe
N projet taparura - sFax
des métropoles en quête d’attractivité
Barcelone et Alger sont les métropoles émergentes en
Méditer-ranée occidentale – la partie orientale étant dominée par
Is-tanbul. Si Le Caire est la plus grande ville de Méditerranée,
elle pâtit de son éloignement du littoral. De leur côté,
Casablanca, Tunis et Beyrouth sont en forte croissance et vont
chercher à se positionner parmi les principales agglomérations
euro-mé-diterranéennes. Quant à Athènes, Alexandrie, Rome,
Marseille et Tripoli, elles connaissent un développement plus
progressif.
Cette croissance des métropoles présente des opportunités
intéressantes pour les investisseurs internationaux. Le Bas-sin
méditerranéen constitue, en effet, la troisième région à l’échelle
mondiale en termes de produit intérieur brut et de flux
d’investissements étrangers, après l’Amérique du Nord et l’Union
européenne. Une dynamique qui s’incarne principale-ment dans les
villes du littoral, points d’entrée privilégiés de la
mondialisation.
Les grandes métropoles méditerranéennes se lancent ainsi, au
Nord comme au Sud, dans des politiques qui visent à dévelop-per
leur attractivité à travers l’implantation d’équipements de congrès
ou d’espaces technopolitains, l’organisation de grands événements
semblables à Istanbul 2010 ou Marseille Provence, capitales
européennes de la culture, et la mise en valeur de leurs façades
littorales et du patrimoine bâti de leurs centres historiques.
Cette compétition s’exerce également au travers de "méga-projets",
qu’ils soient urbains (Euroméditerranée à Marseille, Taparura à
Sfax, etc.) ou économiques comme le com-plexe portuaire de Tanger
Med...
Cette dynamique d’attractivité concerne, d’ailleurs, de plus en
plus de villes de moindre dimension comme Tanger, Oran ou Sfax. Ce
qui tend à uniformiser les modèles urbains. Le risque de fracture
s’accroît ainsi entre des zones urbaines entièrement insérées dans
la mondialisation et des villes déconnectées de ce mouvement
d’internationalisation.
© A
mer
Gro
up
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En quoi Marseille est-elle mieux qualifiée que les autres
grandes villes du sud de l’Europe pour jouer un rôle en
Méditerranée ?
“ Marseille n’est que la préfiguration de ce que seront les
villes européennes demain, compte tenu de la structure de sa
population. Elle est parfois appelée la "10e wilaya" en Algérie.
Marseille est par essence la ville multiculturelle
méditerra-néenne, ce qui n’est pas le cas de Barcelone ou Milan.
Les solutions qui seront expérimentées ici sont valables partout,
au Nord comme au Sud. Marseille est un laboratoire et pour-quoi pas
le laboratoire de la Méditerranée ? ”Comment s’est construit le
positionnement euro-médi-terranéen de Marseille ?
“ Marseille est la ville européenne qui a le mieux assumé ses
responsabilités de ville cosmopolite sur la Méditerranée. Au début
des années 90, la question posée était : est-ce qu’on assume notre
qualité méditerranéenne, ou est-ce qu’on joue, au contraire, notre
intégration dans le Nord ? On a choisi la première direction. Cette
orientation nette a été suivie par tous les groupes politiques sans
exception. Toutes les autorités ont joué ce jeu-là. Marseille a
opéré une très nette orientation en faveur de la Méditerranée.
”Comment cela s’est-il traduit ?
“ Marseille a pris une place exceptionnelle dans la coo-pération
méditerranéenne. L’Institut de la Méditerranée, issu du partenariat
de Barcelone, avec un certain nombre d’autres organismes ont été
crées dans les années 94-95 : FEMISE (Forum Euroméditerranéen des
Instituts de Sciences Économiques), réseau Euromesco, fondation
Anna Lindh, Anima. Tout s’est mis en place en même temps :
Euromé-diterranée, l’école de commerce est devenue Euromed
ma-nagement dont les noms ne sont pas anodins ! On a attiré à la
Villa Valmer l'Agence française de développement et l'Institut de
recherche pour le développement. On a créé l'Office de coopération
économique pour la Méditerranée et l'Orient, ainsi que le Centre de
Marseille pour l'Intégration en Méditerranée. On a une force de
frappe que personne n’a ! Mais, on n’a pas vu arriver de grandes
institutions. Le siège de l’Union pour la Méditerranée (UPM) est à
Barcelone. ”Quels sont les résultats de cet engagement
euro-médi-térranéen ?
“ Beaucoup d’actions positives. L’orientation de Marseille est
reconnue et affiche ses résultats. L’exemple de l’École de la
deuxième chance est marquant. Ce dispositif pour aider à
l’inté-gration professionnelle des jeunes sortis du système
éducatif a fait "école" en France avec 70 structures créées.
Aujourd’hui, avec le réseau Ocemo, les écoles s’étendent aux pays
du Sud. Après est venu le projet de candidature de Marseille à la
capi-tale européenne de la culture. Le projet s’est logiquement
tourné vers la Méditerranée. On aurait pu faire un autre choix.
C’est encore ce choix qui a prévalu. Notre vraie moder-nité à
Marseille, c’est cela aujourd’hui. ”Que peut faire Marseille dans
le contexte actuel ?
“ Le contexte actuel est difficile. Après les printemps arabes,
tout est devenu politique en Méditerranée, et les médias ne
s’intéressent qu’aux enjeux politiques (chiites-sunnites, etc.) et
à ce qui est immédiat. En outre, les politiques
euro-méditerranéennes sont actuellement éclatées. Mais la
Méditerranée est en train de prendre beaucoup de retard sur le plan
économique par rap-port à l’Asie. Il est nécessaire d’avoir un
pilotage écono-mique raisonnable. Il faut positionner Marseille
dans cette logique là : innovation, culture, environnement, etc. ”
Que préconisez-vous comme actions ?
“ Développer la coopération décentralisée, valoriser nos
expériences pour en faire profiter les autres, cela concerne
notamment l’Agam. Il faut mettre en place de vrais méca-nismes de
transfert de technologie. Il faut également dé-velopper la
coopération entre les labos de recherche et le développement des
bourses de recherches post-doc. Ce se-rait beaucoup plus utile que
les programmes Erasmus, trop lourds. Nos meilleurs étudiants
aujourd’hui sont d’origine marocaine. ”Comment voyez-vous les pays
du Sud de la Méditerra-née ?
“ L’enjeu est de reconstruire le contrat social. Il faut
en-courager la jeunesse, la liberté, la créativité. Il faut que ces
pays rentrent dans une phase de créativité, d’innovation. On a
besoin aujourd’hui, au Nord comme au Sud, de chefs d’entreprise
plus innovants et plus créatifs. La jeunesse a toutes les armes
intellectuelles. Au lieu de rester repliée sur elle même. Le devoir
de l’Europe, c’est de les aider à se mettre dans le processus de
liberté et de créativité. ”
eNtretieN JEan-LouiS REiffERS
Doyen honoraire de la faculté de sciences économiques
d’Aix-Marseille Université, Président des Comités scientifiques de
l’Institut de la Méditerranée (Marseille),
et du FEMISE, vice-Président de l’OCEMO.
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t e r r i t o i r e
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7
Des enjeux communs de développement durable
L’espace méditerranéen constitue (jusqu’à la limite des
oliviers ?) une unité géographique certaine. D’abord
parce que les pays riverains ont en commun une mer
qu’il faut protéger. Parce qu’ils partagent ensuite un
climat, un ensoleillement, une végétation – bref, un
écosystème commun mais fragile. Avec les 12 000 es-
pèces maritimes qu’elle abrite (soit 7 à 8 % des espèces
connues) pour 0,8 % de la surface et 0,3 % du volume
des eaux océaniques, la Méditerranée constitue l’un des
points forts de la biodiversité planétaire. Les facteurs
de pollution y sont très nombreux et proviennent ma-
joritairement des terres. Elle fonctionne comme une
gigantesque machine à évaporation – 3 130 km3 par an
comblés par les apports hydrologiques de la mer Noire
et de l’océan Atlantique. Si bien qu’il faut un siècle pour
que ses eaux se renouvellent.
La littoralisation de l’urbanisme (et l’anthropisation du
littoral) constitue également l’une des caractéristiques
communes de l’espace méditerranéen. Les causes en
sont nombreuses et varient du Nord au Sud : déve-
loppement du tourisme, polarisation de la croissance
urbaine sur le littoral, macrocéphalie au sud, etc.
De 1970 à 2000, la population des pays riverains est
ainsi passée de 285 à 427 millions d’habitants – soit 50 %
d’augmentation. Elle devrait tendre vers 523,7 millions
pour 2025 ! Les flux touristiques génèrent également
une forte pression sur l’environnement. Le Bassin mé-
diterranéen concentre 31 % du tourisme mondial (275
millions de visiteurs) pour 5,7 % des terres émergées.
D’où l’urbanisme démesuré du littoral au regard des
besoins des populations résidentes et les tensions qui
pèsent toujours plus lourdement sur une utilisation de
l’eau résultant d’habitudes de consommation très spéci-
fiques – golf, piscines, etc.
Risques écologiques
L’espace méditerranéen est particulièrement soumis, en
outre, aux risques liés au réchauffement climatique, à
la rareté de l’eau et aux risques naturels et technolo-
giques. L’élévation inéluctable du niveau de la mer et
le réchauffement de l’atmosphère ont déjà conduit à
une augmentation de la température et de la salinité de
la mer jusqu’à 2 000 mètres de profondeur. A terre, les
conséquences s’annoncent également nombreuses sur
le cycle de l’eau, la désertification, la biodiversité ter-
restre et marine, la forêt et les risque d’incendie, l’agri-
culture et la pêche, l’attractivité touristique…
D’ici à 2025, l’accroissement de la population au Sud
devrait entraîner une augmentation de 25 % de la de-
mande en eau, alors que 60 % de la population mon-
diale des pays pauvres en eau s’y regroupent déjà. Dans
certains pays (Egypte, Israël, Libye notamment), elle
dépasse déjà les ressources mobilisables. Mais plus de
la moitié des pays méditerranéens devraient connaître,
eux aussi, des situations de pénurie structurelles.
Depuis quelques années, on assiste, dans l'espace médi-
terrannéen, à une forte croissance des sinistres liés à
des risques naturels : tremblements de terre, inonda-
tions, sécheresses, feux de forêts. Autant d’enjeux qui
impliquent la mise en œuvre de politiques d’adapta-
tion-prévention à l’échelle méditerranéenne. Or si cette
prise de conscience est ancienne, la gouvernance et les
moyens restent encore peu efficaces.
N la desertiFication une des consÉquences du rechauFFeMent
cliMatique
“ Les pays riverains partagent un écosystème commun mais fragile
”
Marseille et la Méditerranée
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8 Marseille et la Méditerranée
t e r r i t o i r e s
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Les défis de l'urbanisation
Les villes du Nord et du sud de la méditerranée ne
présentent ni les mêmes caractéristiques ni les mêmes
étapes de développement. mais des préoccupations
communes émergent. D’après les études prospectives
du plan bleu, le taux d’urbanisation des pays riverains
atteindra 75 % en 2030, avec 470 millions d’urbains at-
tendus à l’horizon 2050. Quant à la périurbanisation, elle
s’est intensifiée sur tout le pourtour du bassin méditer-
ranéen où le processus de littoralisation s’est généralisé.
sur la rive septentrionale, les croissances urbaines se
stabilisent mais l’étalement se poursuit malgré la mise
en œuvre de politiques de densification et de renouvel-
lement urbain. sur les rives méridionale et orientale, cet
étalement des agglomérations se manifeste aussi dans
un contexte de croissance démographique élevée et
alimentée par l’exode rural. Il est renforcé, au sud, par
l’ampleur d’une construction illégale non réglementée,
Le pourtour méditerranéen compte une trentaine
d’aires urbaines de plus d’un million d’habitants – et
pour la moitié d’entre elles, plus de deux millions. Villes
portuaires ou offrant un débouché portuaire, les trois
quarts d’entre elles s’y répartissent de manière homo-
gène, de Casablanca à Istanbul et de barcelone au Caire,
dans le cadre d’une littoralisation forte. Une homogé-
néité qui résulte d’un rattrapage net des rives sud et
est de la méditerranée et qui reflète d’autant mieux la
poursuite d’un exode rural que la croissance naturelle y
a fortement reculé au cours des dernières années.
Un double phénomène se manifeste ainsi entre les dif-
férentes rives de la méditerranée, marqué à la fois par un
contraste Nord-sud et par une forte urbanisation autour
de métropoles majeures à l’échelle régionale.
Les grandes villes méditerranéennes mettent toutes en
œuvre des politiques de planification urbaine que cer-
taines engagent même à l’échelle de l’aire métropoli-
taine – les schémas directeurs d'aménagement des aires
métropolitaines, en Algérie, par exemple.
Quelques-unes d’entre elles ont pris quelques lon-
gueurs d’avance, soit parce qu’elles sont déjà orga-
nisées comme les grandes villes turques, regroupées
depuis 2012 en 29 municipalités métropolitaines, soit
parce qu’elles ont adopté des plans stratégiques comme
Alger, Istanbul ou barcelone.
Développement urbain durable
partout, en tous cas, on se préoccupe toujours plus d’un
développement urbain durable. La première confé-
rence ministérielle de l’Union pour la méditerranée sur
ce thème, en novembre 2011, a ainsi appelé à "l’élabo-
ration d’une stratégie urbaine durable euro-méditerra-
néenne". et une agence des villes et des territoires médi-
terranéens durables a été créée, à marseille, à l’initiative
de la Datar et de l’lnstitut de la méditerranée.
Les impacts négatifs des phénomènes d’étalement ur-
bain littoral non maîtrisés sont désormais pointés dans
tous les documents de planification. et des programmes
de gestion côtière durable sont mis en œuvre, même
s’ils demeurent peu efficaces pour l’instant.
L’organisation de la mobilité devient une préoccupa-
tion au Nord comme au sud, où se sont récemment
multipliés les projets de transports en commun de type
métro ou tramway. Alger, Casablanca ou Oran rejoignent
ainsi d’autres métropoles bien équipées comme tunis,
Istanbul ou Le Caire. et partout s’impose la conviction
que ce n’est plus l’automobile qui structure la ville, mais
les transports publics et les continuités naturelles.
plusieurs projets affichés comme "éco-quartiers" ou
"quartiers durables" ont vu le jour au cours des cinq der-
nières années dans les pays de la rive sud – et notam-
ment dans le monde arabe. C’est le cas à Anfa, Zenata
ou bouregreg, au maroc, et au parc el Aznar, en egypte.
Apparu en 2006 à Abu Dabi, masdar représente le pre-
mier signal de ce nouveau type de développement du-
rable. Celui d’une ville "zéro carbone" correspondant à
l’importation des nouveaux standards de l’urbanisme
international, empreints de préoccupations environne-
mentales nouvelles.
enfin, des pratiques innovantes émergentes se déve-
loppent en faveur d’une préservation et d’une meilleure
“ Le pourtour méditerranéen compte une trentaine d’aires
urbaines de plus d’un million d’habitants ”
“ On se préoccupe toujours plus d’un développement urbain
durable ”
-
projet "cat-Med" : préparer ensemble la ville durable de
demainOnze villes méditerranéennes ont décidé de mutualiser leurs
ré-flexions et leurs efforts pour promouvoir un modèle urbain à la
fois durable, compact et multifonctionnel. Le projet "Cat Med" –
"Change Mediterranean Metropolises Around Time" –, lancé à Malaga
en 2009, propose ainsi d’identifier des solutions opération-nelles
permettant de modifier les modèles actuels pour réduire l’impact de
l’urbanisation sur l’environnement et lutter contre le risque
climatique.
Chacune d’entre elles a retenu, dans ce cadre, un territoire
d’expé-rimentation – l’opération Euroméditerranée, pour Marseille.
Des groupes de travail transnationaux ont établi aussi vingt
indicateurs communs afin de qualifier un développement durable à la
fois urbain et méditerranéen. Une démarche nourrie par chacun des
partenaires malgré les difficultés propres à cette réflexion –
terri-toires variables, données disponibles hétérogènes, etc.
Un groupe de réflexion marseillais a ainsi été déployé dans la
phase locale du projet "Cat-Med". Espace de concertation, il a
réuni une quarantaine d’acteurs clés du développement urbain afin
d’y
décliner cette "grille de lecture" commune. Les espaces publics
ont constitué le thème central de leur réflexion autour d’"espaces
de respiration" destinés à contreba-lancer une ville compacte et
struc-turée sur la proximité, d’espaces confrontés aux impératifs
des normes et de la réglementation, et d’espaces adaptés aux
usages. Des échanges où s’inscrivent constamment, en filigrane, la
lutte contre le changement cli-matique et l’adaptation du
ter-ritoire à ses effets.
Véritable engagement poli-tique transnational, le projet
"Cat-Med" s’est concrétisé par la signature de la Charte de Malaga,
en février 2011. Preuve de sa vocation à se perpétuer dans la
durée, certains partenaires ont déjà amorcé l’actualisation des
indicateurs.
9
t e r r i t o i r e s
Marseille et la Méditerranée
gestion de la ressource en eau dans les villes médi-
terranéennes. La réutilisation des eaux usées, l’emploi
de techniques alternatives d'assainissement pluvial par
infiltration locale plutôt que par évacuation hors de la
ville ou d'assainissement décentralisé, dans les zones à
faible densité de population par exemple.
Une gestion de la "demande en eau urbaine" a été enga-
gée dans certaines villes comme tel Aviv ou tunis, à
travers une réduction de l’utilisation par habitant. elle
contribue à limiter les tensions sur l’eau ou à accroître le
nombre d’usagers desservis sans redimensionnement
des réseaux.
Ainsi, les questionnements se font désormais communs
et appellent des réponses communes, à l’échelle médi-
terranéenne, en faveur d’un nouvel urbanisme médi-
terranéen. Comment organiser, densifier et intensifier
les villes ? Comment concilier attractivité et développe-
ment local pour les populations résidentes ? Comment
promouvoir des modèles urbains durables ?
N traMway - oran
-
10
t e r r i t o i r e s
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Marseille et la Méditerranée
Économie : inégalités et complémentarités
La méditerranée reste marquée par de fortes inégalités
de développement et par des liens de dépendance entre
le Nord et le sud. Depuis quelques années, émerge tou-
tefois l’idée de complémentarités économiques dans
la compétition mondiale avec les autres blocs (Chine,
États-Unis, etc.) du fait d’une proximité géographique,
culturelle ou linguistique entre les deux rives. elles sont
manifestes notamment dans des secteurs économiques
tels que l’automobile, le textile, l’électronique ou l’aéro-
nautique.
Les niveaux de développement restent très inégaux
entre les deux rives de la méditerranée. Le niveau de vie
varie de un à huit entre leurs différents pays. Les perfor-
mances de croissance sont toutefois encourageantes
malgré une productivité encore faible et un environne-
ment institutionnel peu favorable.
Des freins persistent néanmoins au sud en matière
d’éducation et de développement de l’économie de la
connaissance. Quant aux indices synthétiques des ins-
titutions internationales, ils démontrent que les écono-
mies sont inégalement compétitives autour du bassin
méditerranéen…
Les relations économiques, ici, ont longtemps été carac-
térisées par des liens de dépendance. Le Nord importait
des matières premières (hydrocarbures et phosphates),
le sud des produits manufacturés ainsi que des pro-
duits agricoles. mais depuis une quinzaine d’années, cet
état de fait change. La majeure partie des importations
européennes (en valeur) en provenance de tunisie et
du maroc sont aujourd’hui des produits manufacturés
composés principalement de textile et cuir, mais aussi
des produits électroniques, électriques et mécaniques.
Le bassin méditerranéen constitue la troisième région
mondiale en termes de produit intérieur brut et de flux
d’investissements étrangers après l’Amérique du Nord
et l’Union européenne. son espace économique pré-
sente des complémentarités évidentes entre régions du
Nord et territoires du sud qu’il est important de valoriser.
Les premières sont riches de ressources humaines très
qualifiées. elles sont au cœur d’un réseau de communi-
cations reliant l’Afrique du Nord à l’europe et disposent
d’un tissu industriel et scientifique dense, hautement
performant. Les seconds offrent une main d’oeuvre bon
marché, un ensemble d’entreprises ayant vocation à la
sous-traitance, des zones franches industrielles et des
“points francs”, des échanges commerciaux intenses
avec l’europe.
Demain, la coopération
Cette complémentarité est renforcée encore par une
proximité géographique qui réduit les coûts de trans-
port, culturelle ou linguistique – quatre des pays de
la rive sud sont majoritairement francophones. elle
est manifeste, en tous cas, dans certains secteurs
économiques. renault possède ainsi des usines de
fabrication à tanger med où elle produit la Logan,
à brousse, en turquie, et à Oran depuis 2013. Quant à
Airbus, il possède des unités de fabrication (joint-ven-
tures) ou des filiales à tanger, à tunis et à Naples.
Fondée sur les avantages de localisation offerts par cha-
cune des deux rives, cette complémentarité constitue
un facteur supplémentaire d’attractivité de l’espace mé-
diterranéen pour les investissements directs étrangers,
susceptibles de bénéficier tant au Nord qu’au sud du
bassin. elle se conjugue à un faisceau d’atouts communs
pour tracer les grandes lignes d’une politique de co-
localisation intelligente entre les deux rives de la médi-
terranée, voire même d’une coopération pour aller à la
conquête des marchés africains.
“ Le Bassin méditerranéen constitue la troisième région mondiale
en termes de produit intérieur brut et de flux d’investissements
étrangers après l’Amérique du Nord et l’Union européenne ”
T radès
-
un atlas des villes portuaires du sud et de l’est de la
Méditerranée Des ports qui souffrent de sous-investissement et
d’enclavement urbain, des hubs de transbordement qui émergent, des
échanges avec l’Union européenne (hors hydrocarbures) qui restent
faibles : les enseignements de l’étude sur les ports du Sud et de
l’Est de la Méditerranée sont nombreux. Outre la constitution d’une
base de données sur les trafics, ils permettent de comparer les
stratégies de développement portuaire, d’interface ville-port, de
localisation dans les aires métropolitaines et de positionnement
méditerra-néen.
Les rapports entre ports et territoires se révèlent ainsi en
pleine évolution. Ils se traduisent par une volonté de réconcilier
la ville avec la mer et des velléités de transférer les ports de
commerce ou les trafics hors des villes-centres. Pourtant, des
contradictions subsistent entre l’appropriation du littoral par les
habitants et l’émergence de grands programmes immobiliers de
prestige – avec la "couture" avec les quartiers d'arrière port
qu'ils recèlent.
De même, des questions subsistent autour des stratégies
d’attrac-tivité métropolitaine fondées, notamment, sur de grands
projets urbains, touristiques et balnéaires de front de mer. Et sur
leur compatibilité avec l’indispensable développement des ports du
Sud et de l’Est de la Méditerranée, quelle que soit leur
localisation – portes d’entrée vitales et outils majeurs de
développement global.
Mieux comprendre les relations entre villes, ports et
territoires dans l’espace méditerranéen : telle est ainsi
l’ambition de l’Atlas des villes portuaires du Sud et de l’Est de
la Méditerranée comman-dité par la Ville de Marseille, le Grand
port maritime de Marseille, le Centre de Marseille pour
l’intégration méditerranéenne et l’Asso-ciation internationale des
villes ports. Il s’agit en effet de valoriser les bonnes pratiques
entre villes portuaires du Nord et du Sud et d’échanger sur les
complémentarités à promouvoir.
Réalisé par l’Agam en 2012 et 2013, ce document concerne le
Maroc, l’Algérie, la Tunisie, l’Égypte, le Liban et la Turquie. Des
pays où l’agence a conduit une série de missions afin d’établir son
diagnos-tic. Ses spécialistes y ont ainsi rencontré ceux qui
mettent en œuvre le développement portuaire et urbain, et visité
les ports choisis pour chaque pays : Tunis et Sfax, Casablanca et
Tanger, Istanbul, Oran et Alger.
T les ports à conteneurs en MÉditerranÉe en 2010
*EVP : équvalent vingt pieds
*
11Marseille et la Méditerranée
t e r r i t o i r e s
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T radès
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Bibliographie Les viLLes MÉditerranÉennes
• Atlas des villes portuaires de l’Est et du Sud de la Méditerranée, Agam,
Ville de Marseille, CMI, GPMM, AIVP, octobre 2013
• Marseille, ville méditerranéenne ? Claire Bulle, Rives
méditerranéennes n°42, juillet 2012
• Histoire des migrations à Marseille, Emile Témime, éditions
Edisud, 1990
• Revue géographique des pays méditerranéens : http://mediterranee.revues.org/
dÉveLoppeMent duraBLe
• La pollution de la Méditerranée, état et perspectives à l’horizon 2030, rapport
parlementaire au Sénat
de M. Roland Courteau, juin 2011
• Changement climatique et littoral méditerranéen : comprendre
les impacts, construire l’adaptation, programme de recherche
Circle Med 2008-2011
• Problèmes de l’eau en Méditerranée, Institut méditerranéen de
l’Eau, Mohammed Benblidia, Jean Margat, octobre 2008
• Le projet CAT-MED à l'échelle du territoire marseillais, Agam,
CAT-MED, février 2012
ÉConoMiE
• Europe-Méditerranée : l’avenir est au sud, La Tribune,
juillet-août 2013
• Quand les métropoles méditerranéennes s’éveilleront, econostrum.info,
10 avril 2013
• La Méditerranée à l’aube d’une métamorphose, IAU-IDF, note
rapide économie N° 594, juin 2012
portrait
portrait
en savoir plus
m une semaine consacrée aux enjeux économiques autour de la
Méditerranée
La 7e édition de la Semaine économique de la Méditerranée
se tiendra à Marseille à la Villa Méditerranée du 6 au 9
novembre prochain. Des personnalités référentes de toute
la région y seront accueillies autour d'un thème central :
"La culture comme facteur de développement économique
en Méditerranée". Entrepreneurs, chercheurs, élus, écono-
mistes, étudiants, experts venus de 30 pays prendront ainsi
part aux rencontres, rendez-vous, ateliers et conférences.
L’Agam sera au rendez-vous avec la présentation de l’Atlas
sur les villes portuaires du Sud et de l’Est de la Méditer-
ranée aura lieu le 7 novembre à partir de 8h30, dans le
cadre du Forum des professionnels portuaires européens
et méditerranéens organisé par l’Union Maritime pour la
Méditerranée.
m Les deux rives de la Méditerranée vues par une artiste Du 21
novembre 2013 au 14 janvier 2014, l’artiste al-
gérienne Amina Ménia présentera le travail issu de sa
résidence de trois mois à l’Agam, au sein de la galerie
"Art-Cade", co-partenaire du projet. Dans le cadre des
Ateliers de l’Euroméditerranée mis en place par Mar-
seille Provence 2013, cette Algéroise est venue s’impré-
gner des activités de l’agence d’urbanisme pour enrichir
le regard qu'elle porte sur les deux rives de la Méditer-
ranée. L'exposition s'intitule "Un écorché". L’artiste tente
de reconstituer et de réconcilier notre époque avec un
passé, en revisitant l’histoire du bâti et de ses
bâtisseurs.
Elle pose le constat d’une histoire commune entre Mar-
seille et Alger, et nous invite à une réflexion collective.
Art-cade Galerie des Grands Bains Douches de la Plaine - 35 rue de
la Bibliothèque 13001 Marseille
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t e r r i t o i r e s
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Directeur de la publication : Christian
BrunnerRédaction : Xavier MoirouxConception / réalisation :
Pôle graphique AgamMarseille - septembre 2013Numéro ISSN :
2266-6257