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RENFORCEMENT DE LA RSILIENCE PAR UN APPRENTISSAGEPOST-CRISE :
UNE TUDE LONGITUDINALE SUR DEUX PRIODESDE TURBULENCE
Gulsun Altintas et Isabelle Royer
AIMS | M@n@gement
2009/4 - Vol. 12pages 266 293
ISSN
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http://www.cairn.info/revue-management-2009-4-page-266.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Pour citer cet article
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Altintas Gulsun et Royer Isabelle, Renforcement de la rsilience
par un apprentissage post-crise : une tudelongitudinale sur deux
priodes de turbulence , M@n@gement, 2009/4 Vol. 12, p. 266-293. DOI
:
10.3917/mana.124.0266--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
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une tude longitudinale sur deux priodes de turbulence
M@n@gement vol. 12 no. 4, 2009, 266-293Special Issue: Fiabilit
et rsilience comme dimensions
de la performance organisationnelle
Renforcement de la rsilience par un apprentissage post-crise :
une tude longitudinale sur deux priodes de turbulence
Gulsun Altintas
Isabelle Royer
IAE de [email protected]
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Les recherches sur les crises ont beaucoup tudi la prvention et
la gestion des crises qui permettent lorganisation dabsorber le
choc et ainsi de faire preuve de rsilience. Des travaux plus rcents
et moins nombreux se sont intresss la phase suivante que constitue
lapprentissage post-crise. Notre recherche prolonge ces travaux en
tudiant les consquences de la gestion de crise et de lapprentissage
post-crise sur limpact et la gestion de la turbulence suivante.
Pour cela, nous avons men une tude longitudinale rtrospective de
quatre processus de gestion de crise dans le secteur du tourisme,
depuis le dclenchement de la crise jusqu la gestion de la
turbulence suivante. Nos analyses montrent quune crise issue dune
turbulence de lenvironnement peut renforcer la rsilience de
lorganisation par deux processus complmen-taires lis : un
apprentissage de renforcement positif au niveau de labsorption du
choc et un apprentissage double boucle incluant des changements
strat-giques permettant de rduire la vulnrabilit de
lorganisation.
Mots cls : crise, rsilience, apprentissage, changement
stratgique, industrie du tourisme.
Research on organizational crises has so far focused on
prevention and on management, highlighting how businesses could
absorb jolts and show resi-lience. More recently, a few studies
have been devoted to post-crisis learning. In this article, we
extend previous work by focusing on the consequences crisis
management and learning have on the impact and management of the
subse-quent environmental jolt. To do so, we conducted a
longitudinal retrospective analysis of four cases in the tourism
industry, from the inception of the crisis up to the management of
the subsequent environment jolt. Our analyses show that an
organization can reinforce its resilience following an external
crisis through two related processes: 1/positive reinforcement
learning at the time of impact absorption, and 2/double loop
learning including strategic change to reduce the vulnerability of
the organization.
Key words: crisis management, resilience, learning, strategic
change, tourism industry
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performance organisationnelle
INTRODUCTION
Notre recherche sintresse lapprentissage issu dune crise
dorigine externe, en dautres termes la capacit apprendre dune crise
pour augmenter la rsilience de lorganisation face une nouvelle
turbu-lence. La rsilience organisationnelle est entendue ici comme
la capa-cit dune organisation rsister une menace ou retrouver un
tat de stabilit aprs lavoir subie (Hollnagel, 2006). Notre
recherche pro-longe les tudes empiriques sur les crises et
turbulences, qui se sont focalises sur les priodes prcdentes :
prvention et prparation, gestion de crise puis apprentissage
post-crise. Ainsi, le courant des organisations hautement fiables
(HRO) sest intress aux facteurs de rsilience permettant dviter une
catastrophe (e.g., Weick, 1987, 1990 ; Rochlin, 1988 ; Roberts,
1990). Une grande partie de la littrature sur la crise concerne la
prparation et la gestion de crise, cest--dire les facteurs de
rsilience qui permettent de retrouver un tat de stabilit (e.g.,
Pearson et Mitroff, 1993). Enfin, des travaux plus rcents
sint-ressent lapprentissage post-crise (e.g., Roux-Dufort, 1996,
2004) qui a pour objectif daugmenter la rsilience des
organisations, bouclant ainsi le cycle de gestion des crises par un
retour la prvention et la prparation. Toutefois, ces travaux
sarrtent gnralement lap-prentissage, cest--dire aux changements
effectus suite aux leons tires de la crise, et ne vrifient pas leur
efficacit, cest--dire leur effet positif suppos sur la rsilience.
Ltude des catastrophes successives de Challenger et Columbia la
NASA constitue une exception notable dans laquelle Vaughan (2005)
explique linefficacit de lapprentissage post-crise par des problmes
situs au niveau de la structure profonde de lorganisation.
Contrairement cette tude des checs successifs de la NASA, notre
tude se focalise sur les crises dorigine externe. Les recherches
sur les crises dorigine externe ou sur les turbulences sont plus
rares, bien que certaines soient clbres, telles que lincendie de
Mann Gulch (Weick, 1993) ou la grve des mdecins hospitaliers de San
Francisco (Meyer, 1982). Les crises issues de lenvironnement ne
semblent pourtant pas moins pertinentes que celles dorigine interne
dans la mesure o les organisations doivent faire face un
environ-nement de plus en plus turbulent (e.g., Hamel et Vlikangas,
2003), caractris par la prolifration de ruptures technologiques, de
chocs conomiques et de conflits politiques (Duncan, 1972 ; Hamel et
Vli-kangas, 2003).Notre recherche vise tendre les connaissances
relatives leffica-cit de lapprentissage effectu dans le cadre dune
crise dorigine ex-terne. Plus prcisment, elle tudie comment la
gestion dune crise issue dune turbulence de lenvironnement affecte
limpact et la gestion dune nouvelle turbulence. Pour mener cette
tude, nous avons tudi quatre processus de gestion de crise dans le
secteur du tourisme, de-puis la turbulence ayant provoqu une crise
jusqu la turbulence sui-vante et sa gestion. Ainsi, nos
observations stendent au-del de la priode habituelle tudie dans les
travaux empiriques. Nos analyses montrent les processus et la
nature des changements qui ont permis de renforcer la rsilience
dans les entreprises tudies.
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de la performance organisationnelle
La littrature sur la gestion des crises et turbulences servant
de cadre thorique est prsente dans la premire partie. La deuxime
partie dcrit la mthodologie et prsente les cas tudis. Les analyses
sont prsentes dans une troisime partie.
CADRE THORIQUE : LA GESTION DES CRISES ET TURBULENCES DE
LENVIRONNEMENT
La littrature sur les crises et turbulences distingue trois
phases : pr-vention et prparation, gestion de crise, apprentissage
post-crise. Nous avons regroup les deux premires qui se focalisent
sur la comprhen-sion de la rsilience de lorganisation alors que la
troisime sintresse la possibilit dapprendre dune crise pour
accrotre la rsilience de lorganisation.
Turbulence, crise et rsilience organisationnelle Suivant de
nombreux auteurs (Meyer, 1982 ; Weick, 1993 ; Weick et al., 1999 ;
Boin et McConnell, 2007), nous considrons la rsilience
or-ganisationnelle comme la capacit surmonter un danger manifeste.
Plus prcisment, la rsilience est la capacit dune organisation
garder ou retrouver un tat de stabilit dynamique qui lui permet de
poursuivre ses oprations pendant et aprs un incident majeur ou en
prsence dun stress continu (Hollnagel, 2006 : 16). Sur le plan
thorique, cette capacit comporte deux dimensions (Meyer, 1982) : la
capacit rsister ou limiter limpact dun incident et la capacit
rsorber limpact. La dfinition retenue est donc large dans la mesure
o elle ne limite pas la rsilience la rsorption de limpact ou la
rduction des pertes (Mileti, 1999 ; Burby et al., 2000) mais inclut
la ca-pacit viter les chocs (Roux-Dufort, 2003). Suivant cette
dfinition, toute entreprise qui parvient surmonter une crise ou une
turbulence fait preuve de rsilience mais faible dans la mesure o
une plus forte rsilience lui aurait permis dviter la crise. Les
sources de rsilience variant en partie en fonction de lorigine de
la crise, nous prcisons les diffrents types de crise avant de
prsenter les travaux relatifs la crise et la rsilience.Les crises
et turbulences de lenvironnementLa crise revt des acceptions
varies. Elle est dfinie ici comme la perception dune rupture de la
normalit (Boin, 2005) qui menace la viabilit de lorganisation
(Hermann, 1963 ; Shrivastava, 1992 ; Pear-son et Clair, 1998 ;
Nathan, 2000 ; Boin, 2005) et semble requrir des actions immdiates
(Hermann, 1963 ; Pearson et Clair, 1998). Ainsi, notre dfinition ne
prend pas en considration le fait que la crise soit parfois
considre comme un vnement (Hermann, 1963 ; Mitroff et al., 1988 ;
Pearson et Clair, 1998) ou comme un processus (Perrow, 1984 ;
Pauchant, 1988 ; Pauchant et Mitroff, 1992), mais se focalise sur
la perception dune discontinuit ou rupture par rapport la nor-male
(Pauchant, 1988 ; Boin, 2005). Enfin, la crise a une issue
ind-termine qui peut tre aussi bien ngative que positive (Boin,
2005 ;
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performance organisationnelle
Boin et McConnell, 2007). Elle se distingue ainsi dune
catastrophe qui qualifie un jugement collectif sur lissue ngative
dune crise (Boin, 2005 ; Ursacki-Bryant et al., 2008 : 175). Les
turbulences de lenvironnement sont des perturbations transitoi-res
dont loccurrence est difficile prvoir et dont les effets perturbent
lorganisation . Ce sont des vnements extrieurs qui se distin-guent
de leurs interprtations varies dans les organisations comme des
opportunits, menaces, crises ou catastrophes (Meyer, 1982 : 515).
titre dillustration les attentats du 11 septembre constituent une
catastrophe. Cette catastrophe a gnr des turbulences de
lenviron-nement du secteur touristique, par exemple un blocage de
lespace arien aux tats-Unis et une chute de la demande mondiale de
trans-port passager. Ces turbulences ont provoqu des perturbations
plus ou moins importantes dans les entreprises de tourisme qui ont
t inter-prtes comme des crises ou pas. Les crises issues dune
turbulence de lenvironnement qui font lobjet de notre recherche
constituent des crises dorigine externe selon la typologie de
Mitroff, Pauchant et Shrivastava (1988) qui distinguent les crises
en fonction de lorigine interne ou externe lorganisation de
lin-cident dclencheur. Cette distinction en fonction de lorigine de
la crise a des consquences sur la gestion de crise qui mritent dtre
signa-les, la plus simple tant la possibilit pour lorganisation de
diminuer loccurrence dincidents gnrateurs de crise. En effet, alors
quune or-ganisation peut diminuer loccurrence dincidents gnrateurs
de crise dorigine interne par des mesures prventives, elle na pas
demprise sur loccurrence dincidents extrieurs qui sont par
dfinition en dehors de son contrle.Crise et rsilienceLes travaux
sur la gestion des crises et des turbulences comportent de nombreux
points communs concernant les rponses qui permettent de rsorber un
choc, mais ils prsentent galement quelques particulari-ts selon
lorigine de la crise au niveau des facteurs de prvention et dimpact
relatifs la vulnrabilit de lorganisation. La littrature est riche
de recommandations pouvant favoriser labsorp-tion dun choc (e.g.,
Pearson et Mitroff, 1993). La rapidit de dcision des rponses mettre
en uvre constitue un lment cl (Weick et Sutcliffe, 2001). Ces
rponses concernent aussi bien la communica-tion pour satisfaire les
demandes externes que les actions visant rsorber le choc. En plus
des rponses spcifiques chaque crise, les rponses incluent
gnralement une rationalisation des frais (Huy et Mintzberg, 2003 ;
Meyer et al., 1990) et une relance de lactivit par une stratgie
marketing (Smart et Vertinsky, 1984). Ces rponses oprationnelles
rapides gagnent seffectuer dans le cadre dune cen-tralisation
temporaire de lautorit (Barnard, 1938 ; Hermann, 1963 ; Meyer et
al., 1990). Toutefois, dautres travaux montrent une tendance oppose
des dcideurs qui consiste viter de prendre des dcisions et laisser
dautres la responsabilit des oprations (Forgues, 1993). Les rponses
oprationnelles dpendent de caractristiques organisa-tionnelles
telles que le slack organisationnel qui fournit les ressources
ncessaires durant la pnurie, une structure qui facilite la
coordination
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de la performance organisationnelle
des activits et une idologie participative dans le cadre de la
mission de lorganisation (Meyer, 1982).Les travaux relatifs la
prvention et limpact prsentent des par-ticularits selon lorigine
interne ou externe de la crise. Dans les cri-ses dorigine interne,
les sources de rsilience se focalisent sur lop-timisation du systme
de production pour viter ou contenir lincident (Weick, 1987 ;
Rochlin, 1988 ; Weick, 1990 ; Roberts, 1990). Ainsi, le courant des
organisations hautement fiables (HRO) montre limpor-tance de
lentranement, de la simulation, de la redondance (Rochlin, 1988 ;
Roberts, 1990), et dune culture de conscience du risque et de
vigilance collective (Weick, 1987 ; Grabowski et Roberts, 1999).
Ces caractristiques permettent ces organisations dapprendre de faon
continue, y compris de quasi-accidents. La rsilience en tant que
ca-pacit viter la crise est ainsi le rsultat dun apprentissage
continu. Contrairement aux crises dorigine interne, la principale
source de r-duction de limpact des turbulences externes est
structurelle et concer-ne le dcouplage des activits avec
lenvironnement (Meyer, 1982). Par exemple, des activits diversifies
permettent de rduire limpact dune turbulence de lenvironnement
(Meyer, 1982). Toutefois, sur un plus long terme, une forte
rsilience qui permet dviter les consquen-ces ngatives dun
environnement turbulent requiert des changements continus
ncessitant veille informationnelle et exprimentations (Ha-mel et
Valikangas, 2003).La distinction thorique pertinente entre limpact
et la rsorption du choc est toutefois difficile observer car
limpact mesur prend n-cessairement en compte des effets des rponses
de rsorption. Ces rponses ont gnralement un effet positif, mais
elles peuvent aussi tre inadquates et aggraver la situation (e.g.,
Meyer, 1982 ; Gotham et Greenberg, 2008).Notre comprhension de la
littrature sur les sources de rsilience en gestion des crises et
turbulences montre une convergence concernant les rponses visant
rsorber un choc et des contingences lorigine de la crise concernant
la vulnrabilit. Lamlioration de la rsilience suite une crise fait
lobjet de lapprentissage post-crise.
Turbulence, crise et apprentissage post-crise Lapprentissage
post-crise commence gnralement aprs la mise en place des rponses
durgence visant absorber le choc. Toutefois, cest davantage son
contenu que sa temporalit qui distingue la phase dapprentissage
post-crise de celle o lorganisation fait preuve de sa capacit de
rsilience, les deux phases pouvant se chevaucher. Elle est en effet
le lieu privilgi des apprentissages et adaptations de
lor-ganisation (Meyer, 1982 ; Pauchant, 1988 ; Richardson, 1994 ;
Roux-Dufort, 1996). Les travaux relatifs cette phase sont toutefois
moins nombreux que ceux qui sintressent la rsilience et prsentent
des rsultats divergents ou parcellaires concernant la capacit des
organi-sations apprendre efficacement dune crise. La difficult
dapprendre dune crise Un petit ensemble de travaux a montr que la
crise peut tre un mo-ment privilgi pour dcouvrir ce qui en temps
normal demeurait invisi-
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ble et par suite pour introduire des changements dans le but de
pallier des dfaillances organisationnelles (Meyer, 1982 ; Morin,
1994 ; Roux-Dufort, 1996, 2004). La crise peut constituer une
source essentielle dapprentissage organisationnel destin aussi bien
prvenir les crises qu rduire leur impact ou les grer plus
efficacement (Roux-Dufort, 2004 ; Ursacki-Bryant et al., 2008). En
dautres termes, elle peut ainsi tre le lieu de changements visant
rendre lorganisation plus rsi-liente. Par exemple, Meyer (1982) et
Meyer et al. (1990) montrent que la grve massive des anesthsistes
des hpitaux San Francisco en 1975 a parfois t source dadaptations
des oprations, ainsi que d-clencheur dautres changements latents.
Roux-Dufort (2004) prsente plusieurs exemples trs diffrents
dapprentissage, y compris une crise ayant provoqu un pisode
cosmologique (Weick, 1993). Il montre en effet que lentreprise
Herbapol a perdu tous ses repres lors de sa pri-vatisation mais a
ensuite russi sadapter la nouvelle conomie de march polonaise par
un apprentissage double boucle.Dautres travaux sur lapprentissage
post-crise insistent sur la difficult dapprendre dune crise. Ainsi,
plusieurs recherches indiquent que les organisations ne tirent
souvent aucun enseignement de la crise quelles ont surmonte
(Elliott et Smith, 1993, 1997, 2006 ; Roux-Dufort, 2000) ou bien
que les modifications organisationnelles suite une crise
im-portante sont gnralement limites (Bourrier, 2002). Les freins
lap-prentissage sont nombreux (Smith et Elliott, 2007) et
produisent des rationalisations errones (Pearson et Mitroff, 1993).
Par exemple, des comportements de dfense limitent la collecte
dinformation ncessaire la comprhension : des individus ayant
souffert prfrent oublier plu-tt que se remmorer les vnements et
dautres peuvent craindre des poursuites (Bourrier, 2002). La
rigidit des croyances et valeurs rduit la cration de sens (Smith et
Elliott, 2007). Des processus de normali-sation de la crise peuvent
aussi conduire chercher un bouc missaire plutt que des explications
(Roux-Dufort, 2000 ; Bourrier, 2002). Les freins potentiels tant
tels au niveau de la direction, Lagadec (1996) d-fend lide que seul
un engagement rel de la direction gnrale peut amener une
organisation apprendre dune situation de crise. Lapprentissage
post-crise, malgr lopportunit que celui-ci reprsente daccrotre la
rsilience dune organisation, apparat ainsi comme un phnomne peu
probable et limit. De plus, ces travaux ne sintres-sent gure
lefficacit de lapprentissage lorsquil a t ralis. Linefficacit de
lapprentissage post-criseSi les recherches sur lapprentissage
post-crise sont moins nombreu-ses que celles portant sur la
rsilience, celles portant sur lefficacit de lapprentissage sont
rares. En effet, la phase dapprentissage post-crise est destine
augmenter la rsilience de lorganisation en prve-nant les crises, en
rduisant leur impact ou en les grant plus efficace-ment (Meyer,
1982 ; Roux-Dufort, 2004 ; Ursacki-Bryant et al., 2008). Les
recherches se limitent toutefois lapprentissage, cest--dire aux
changements mis en uvre, elles ntudient pas son efficacit sur la
prvention dune crise ou la gestion dune crise suivante, lexception
notable de ltude des accidents de Challenger et Columbia la NASA
(Farjoun et Starbuck, 2005).
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Lanalyse des accidents successifs de Challenger et Columbia
mon-trent quun apprentissage nest pas ncessairement efficace
(Vaughan, 2005). Ainsi, malgr la volont de tirer des leons, une
importante col-lecte dinformations, des analyses pertinentes, de
nombreuses modi-fications organisationnelles montrant quun
apprentissage important a eu lieu, cet apprentissage na pas permis
dviter un nouvel accident (Vaughan, 2005). Ces travaux rcents
montrent que toutes les leons ne sont pas toujours tires, notamment
concernant les causes les plus profondes telles que lenvironnement
institutionnel, la structure orga-nisationnelle et la culture
(Vaughan, 1996, 2005). Les leons peuvent galement tre fausses et
donner lieu un apprentissage superstitieux (March et Olsen, 1976).
Par ailleurs, les changements ncessaires ne sont pas toujours
correctement effectus en raison de difficults de mise en uvre ou de
conflit avec dautres priorits (Farjoun et Star-buck, 2005). De
plus, dans de tels systmes complexes avec des cou-plages forts, les
changements effectus peuvent accrotre la complexi-t et favoriser de
nouveaux accidents dit normaux (Perrow, 1984 ; Vaughan, 2005).
Enfin, le dsapprentissage des mauvaises habitudes nest pas toujours
ralis (Farjoun et Starbuck, 2005). Ces travaux, qui expliquent ou
montrent les limites de lefficacit de lapprentissage, reposent sur
des cas de crise dorigine interne. notre connaissance, il nexiste
pas de recherche similaire dans le cadre des crises dorigine
externe.Au total, notre analyse de la littrature sur la gestion des
crises et turbulences montre une grande richesse sur les antcdents
et les r-ponses qui permettent aux organisations dabsorber le choc.
En revan-che, la priode dapprentissage post-crise a t moins tudie,
notam-ment son efficacit dans le cadre dune crise dorigine externe.
Alors que la littrature suppose que lapprentissage post-crise vient
boucler le cycle de gestion de crise dans lobjectif de renforcer la
rsilience, cette relation na pas t vrifie empiriquement. Notre tude
quali-tative, qui explore les consquences de la gestion dune crise
issue dune turbulence sur limpact et la gestion de la turbulence
suivante, prolonge ainsi les travaux prcdents en sintressant
lefficacit de lapprentissage. Les crises issues des turbulences de
lenvironnement prsentant des particularits par rapport aux crises
dorigine interne en termes dantcdents, notre analyse utilise le
cadre thorique de Meyer (1982) sur les turbulences, enrichi des
rponses traditionnelles des travaux sur les crises. Toutefois,
alors que Meyer (1982) mobilise son cadre thorique pour tudier les
antcdents de la rsilience et de ladaptation, nous le dployons sur
la priode suivante pour tudier les consquences de la gestion dune
crise sur limpact et la gestion de la turbulence suivante.
MTHODOLOGIE
Lobjectif de la recherche tant danalyser les consquences de la
ges-tion dune crise sur limpact et la gestion de la turbulence
suivante, nous avons choisi une dmarche dtude de cas (Yin, 2003).
Un cas est ici
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266-293Special Issue: Fiabilit et rsilience comme dimensions de la
performance organisationnelle
le processus de rponse dune organisation deux turbulences layant
successivement affecte. Limprvisibilit des turbulences a conduit
adopter une dmarche rtrospective. Un cas unique tant souvent
criti-qu en raison de son caractre idiosyncrasique, nous lavons
complt par lanalyse de trois autres processus afin denrichir les
catgories danalyses mises en vidence dans ltude du premier cas
(Glaser et Strauss, 1967) et dtendre la validit des rsultats en
montrant la trans-frabilit des rsultats dautres organisations
(Leonard-Barton, 1990).
Choix du terrainNous avons slectionn les quatre processus tudis
dans le secteur du tourisme. Notre recherche impliquant que
lorganisation ait connu deux turbulences qui lont affecte, dont
lune ayant conduit une cri-se, nous avons choisi un secteur
connaissant des perturbations fr-quentes. Le secteur du tourisme
remplit cette condition. En effet, au cours des dix dernires annes,
les entreprises du secteur ont subi de multiples chocs externes
majeurs de nature varie tels que des catas-trophes naturelles
(tsunami, 2004), des conflits arms (guerre dIrak, 2003), des crises
conomiques (crise mondiale, 2001), des pidmies (SRAS, 2003) ou
encore des actes de terrorisme (attentats du 11 sep-tembre 2001 aux
tats-Unis). Parmi les acteurs du secteur, notre choix sest opr sur
les voyagistes qui sont la figure emblmatique du sec-teur (Dornier
et Karoui, 2005) en raison de leur activit qui consiste assembler
les diffrents lments qui composent un voyage.
Slection des casLe design de recherche repose sur une tude de
cas longitudinale r-trospective complte par ltude de trois autres
processus dont les principales caractristiques sont prsentes dans
le tableau 1. Le premier cas, appel ici Monde Exotic , a t choisi
en raison de labsence de spcificit marquante de son organisation
qui la ren-drait atypique. Ainsi, lentreprise est un voyagiste
gnraliste, de taille moyenne selon la dfinition du secteur (Dornier
et Karoui, 2005), ayant le statut juridique ordinaire de SA.
Implante en France, lentreprise se dfinissait comme un
multispcialiste du voyage disposant dune agence intgre. Elle
proposait initialement des sjours et vols secs vers des
destinations lointaines dont plus de 30 % vers les tats-Unis.
Lentreprise a t fonde par cinq amis, qui dtiennent toujours plus de
la moiti du capital, dont trois participent aux dcisions
stratgiques. Les trois autres processus ont t slectionns selon des
critres tho-riques de comparaison par rapport au premier cas
(Eisenhardt, 1989 ; Giroux, 2003). Ce sont galement des voyagistes
implants sur le territoire franais afin de faciliter les
comparaisons. En revanche, ils varient en termes de taille, de degr
de spcialisation et de type de spcialisation afin denrichir les
analyses et dtendre la validit des rsultats. La taille et la
diversification ont en effet une incidence po-sitive sur la crise
et sa gestion (Meyer, 1982). Une taille leve a une incidence
positive sur la capacit de lorganisation rsister un choc
(Levinthal, 1997), notamment en raison dun plus grand slack
organisa-tionnel (Meyer, 1982). La diversification, quant elle,
rduit limpact de
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Renforcement de la rsilience par un apprentissage post-crise :
une tude longitudinale sur deux priodes de turbulence
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et rsilience comme dimensions
de la performance organisationnelle
lvnement sur lorganisation en diminuant le risque que lensemble
des activits soit touch (Meyer, 1982). La premire entreprise,
appe-le ici Oriental, est une petite entreprise familiale dirige
par un des membres de la famille en concertation avec les autres et
spcialise sur le Moyen-Orient. La deuxime, appele Plongial, est une
socit par actions simplifie appartenant un groupe du mme secteur.
La dernire, appele Agora, est un oprateur gnraliste initialement
sp-cialis sur la Turquie et dirig par le patron fondateur et
propritaire de lentreprise. Le tableau 1 prsente les quatre cas
tudis.
Tableau 1. Caractristiques des quatre voyagistes et des
turbulences les ayant affects Monde Exotic Oriental Plongial
Agora
Date de crationGouvernance
TailleSpcialisation
Turbulence 1 (crise perue)1
Perception de rupture de lactivit normale 1
Impact dclar de la turbulence sur le CA 1
Impact mesur 2 (volu-tion du CA)Retour au mme niveau de CA2
Retour aux bnfices 2
Turbulence 2(pas de crise perue)1
Impact mesur 2 (volu-tion du CA)Retour aux bnfices 2
1979SA dirige par cinq amis actionnaires
ma-joritairesMoyenneMultispcialiste
Attentats du 11 septem-bre (2001) Le 12 septembre, il ny avait
plus personne dans lagence.
30 %
36 %
3 ans
< 1 anTsunami (2004)
> 0
< 1 an
1991SARL familiale
PetiteSpcialiste du Moyen-Orient
Attentats du 11 septem-bre (2001) On na plus eu de ventes.
22 %
22 %
3 ans
1 anGuerre en Irak (2003)
0,1 %
< 1 an
1982
SAS appartenant un groupe
PetiteSpcialiste de la plon-ge en Mditerrane
Attentats en gypte (2005) Les ventes ont baiss... et pendant six
mois ctait trs difficile de vendre lgypte.
30 %
ND
ND
ND
Grippe aviaire (2005)
ND
ND
1983
SARL dtenue par un patron propritaire majoritairePetiteGnraliste
initiale-ment spcialiste de la TurquieGuerre du Golfe (1991)
Il ny avait plus beau-coup de demandes sur la Turquie.
60 %
34 % et 7 % en t + 14 ans
2 ansTremblement de terre en Turquie (1999)> 0
< 1 anSources : 1.interview, 2.comptable.
Pour slectionner les cas, vingt voyagistes implants en France,
r-pertoris sur Internet, ont t contacts par e-mail. Les cinq
premiers acceptant de participer aprs relance tlphonique et
rpondant aux critres de slection ont t enquts. Aprs entretien, le
cinquime cas a t supprim en raison de son manque de conformit avec
les critres de slection, en loccurrence avoir connu deux
turbulences dont la premire avait entran une crise.Notre dfinition
de la crise comportant une dimension subjective lie la perception
de rupture de la normalit (Boin, 2005), ce sont les in-terlocuteurs
qui ont choisi la priode tudie en indiquant la premire
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performance organisationnelle
turbulence quils ont qualifie de crise et la turbulence suivante
ayant affect leur organisation. Indpendamment de la dfinition
retenue de la crise et contrairement ltude des turbulences de
lenvironnement (Meyer, 1982), ltude de crises ne permet pas au
chercheur de s-lectionner des turbulences communes lensemble des
cas dans la mesure o une mme turbulence nentrane pas ncessairement
une crise dans toutes les organisations. Cette caractristique, qui
distingue les crises des turbulences, rduit les possibilits de
comparaisons prin-cipalement des lments qualitatifs.Le cinquime
cas, un spcialiste des tats-Unis, na pas t retenu car,
contrairement toute attente, la premire turbulence (les attentats
du 11 septembre 2001) na pas t considre comme une crise par
lin-terlocuteur mais seulement la seconde (la loi sur les
passeports biom-triques en 2005). Au moment des attentats,
lentreprise avait un surcrot dactivit d une opration exceptionnelle
qui a trs bien russi et a mme conduit un accroissement de son
chiffre daffaires de 2001 par rapport 2000. Lentreprise na pas peru
de situation de crise, na pas entrepris de modification stratgique
ou structurelle mais a t affecte lanne suivante par la baisse de la
demande rgulire destination des tats-Unis qui sest traduite par une
chute de 25 % de son chiffre daffaires par rapport 2000 et des
profits ngatifs. Bien que ce cas ne puisse pas tre retenu pour les
analyses suivantes portant sur les consquences de la gestion dune
crise sur limpact et la gestion de la turbulence suivante, il
illustre labsence de lien systmatique entre une turbulence et les
entreprises du secteur quelle affecte. Il naffaiblit pas nos
analyses dans la mesure o il suggre, conformment la littrature, que
les rponses rsultent davantage de la perception de la situation de
crise plutt que de la turbulence ou de ses consquences
financires.
Collecte des donnesLes donnes du premier cas reposent sur six
entretiens semi-directifs raliss auprs de la directrice de la
communication et des directeurs rgionaux (tats-Unis et monde
arabe), complts par des articles de presse issus de la presse
quotidienne (Le Monde par exemple) et dun magazine spcialis dans le
secteur du tourisme, Lcho touristique. Les donnes des trois autres
cas reposent sur un entretien conduit auprs du directeur ou du
grant de lentreprise. Elles ont t com-pltes par des articles de
presse. Les entretiens semi-directifs ont t mens en face face,
enregistrs et retranscrits en intgralit par le premier auteur. Tous
les interlocuteurs ont t interviews en 2007 aprs la deuxime
turbulence. Toutes les personnes interroges exer-aient leur
fonction actuelle au moment de la crise, except la directrice de la
communication du premier cas qui exerait la fonction de direc-teur
des ressources humaines.Le guide dentretien a t labor de manire
respecter la chronologie des vnements pour favoriser la mmoire
(Pettigrew, 1990 ; Pentland, 1999). Il a t structur en quatre
parties. La premire partie concernait le dclenchement de la crise :
son impact sur le chiffre daffaires, ses rpercussions sur le
personnel, lambiance au sein de lentreprise. La
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Renforcement de la rsilience par un apprentissage post-crise :
une tude longitudinale sur deux priodes de turbulence
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et rsilience comme dimensions
de la performance organisationnelle
deuxime sintressait aux rponses de lorganisation durant la crise
(attitude lgard des informations manant de lenvironnement, mise en
place dune cellule de crise, prises de dcisions, actions mises en
uvre pour enrayer la crise). La troisime partie concernait les
chan-gements intervenus durant la phase dapprentissage post-crise.
Enfin, la dernire partie tait consacre la seconde turbulence : son
impact, sa gestion puis limpact peru de la crise prcdente sur ces
deux aspects.
Codage des donnesLes donnes collectes ont t codes en unit de
sens (Allard-Poesi, 2003). Dans les rcits des rpondants, nous avons
cherch identifier des expressions ou des phrases relatives aux
concepts cls contenus dans la littrature prsente prcdemment. Dans
un premier temps, nous avons vrifi si les situations qualifies de
crise par les interlocu-teurs prsentaient les critres qui
permettent de qualifier une situation de crise selon la littrature
: une perception de rupture de la normalit qui menace la viabilit
de lorganisation (Boin, 2005). Conformment la littrature, ce que
les interlocuteurs ont caractris de crise sest traduit par une
rupture de lactivit normale. Ainsi, la directrice de la
communication de Monde Exotic dcrit la crise suite aux attentats du
11 septembre : Du jour au lendemain et quasiment dune heure lautre,
a a t un rel traumatisme dans lentreprise. Le tlphone sest arrt de
sonner, plus de passage dun jour lautre entre le 11 et le 12
septembre. Le 12 septembre, il ny avait plus personne dans lagence.
a a t vraiment quelque chose de physiquement, de vi-suellement
palpable. Dun seul coup, tout sest arrt. a a t un rel traumatisme
au niveau international et national et du coup, au niveau du voyage
et du loisir, il y a eu une vraie priode de flottement. Nous avons
mesur limpact des turbulences par lincidence dclare sur le chiffre
daffaires que nous avons ensuite triangul avec les sour-ces
comptables. Les deux sources convergent pour indiquer un fort
impact ngatif des turbulences qualifies de crise et une absence
dim-pact significatif pour les turbulences qualifies de non-crise,
confor-mment au critre relatif la menace de la viabilit de
lorganisation (e.g., Pearson et Clair, 1998). La rsilience a t
mesure par la dure de retour lactivit prcdant la crise (Meyer,
1982) laquelle nous avons ajout le retour aux bnfices qui marque le
retour la stabilit, conformment la dfinition de la rsilience que
nous avons retenue (Hollnagel, 2006). Les turbulences ont conduit
des impacts diffrents et des dures de rsorption plus ou moins
longues selon les organi-sations (voir tableau 1). Toutefois, il
est difficile de comparer la rsi-lience des diffrentes
organisations en raison de la nature diffrente des vnements les
ayant affectes. Seules Monde Exotic et Oriental peuvent tre
compares. De mme, la deuxime turbulence tant dif-frente de la
premire, la comparaison des impacts et rsiliences entre les deux
turbulences est insuffisante pour en dduire une amlioration de la
rsilience des organisations. Par suite, les conclusions reposent
essentiellement sur les descriptions et explications fournies par
les di-rigeants interrogs.
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performance organisationnelle
Nous avons cod les rponses la crise des organisations tudies
selon celles prsentes dans notre cadre thorique concernant la
r-silience. Il est apparu dans les cas des changements en termes
dac-tivit et de positionnement durant la phase dapprentissage
post-crise que nous avons qualifis de stratgiques suivant Mintzberg
et Westley (1992) qui distinguent les changements stratgiques des
changements organisationnels ou structurels. Enfin, les antcdents
organisationnels des rponses ont t classs selon les catgories de
Meyer (1982). Afin de rduire les biais rtrospectifs, nous avons
ralis une analyse de la cohrence interne des entretiens, notamment
la correspondance entre les actions dclares au dbut de lentretien
et la perception de lincidence des actions lors de la deuxime
turbulence. Cette compa-raison nous a par exemple permis de
constater des omissions concer-nant les licenciements. Pour limiter
les biais, nous avons galement effectu une triangulation des
entretiens du premier cas, qui se sont rvls converger, en plus de
la triangulation entre entretiens et docu-ments effectue pour
lensemble des cas. Le premier cas a ensuite t compar aux trois
autres processus pour identifier les similarits et les
diffrences.
ANALYSES
Lanalyse des consquences de la gestion dune crise issue dune
tur-bulence de lenvironnement sur limpact et la gestion de la
turbulence suivante implique une analyse chronologique et la
comparaison entre la premire et la seconde turbulence qui sont
prsentes successi-vement. Les analyses sont illustres par des
citations du cas Monde Exotic. Les trois processus complmentaires
tudis figurent essen-tiellement sous forme synthtique dans les
tableaux comparatifs. Ces analyses montrent que la gestion de la
crise a gnr des apprentissa-ges simple boucle de rsorption du choc
et double boucle incluant des changements stratgiques qui ont
permis daccrotre la rsilience de lorganisation lors de la
turbulence suivante.
Turbulence 1 : gestion de la criseSuivant le cadre thorique
prsent prcdemment, nous prsentons successivement la priode durant
laquelle les entreprises montrent leur capacit de rsilience,
notamment au travers des rponses visant rsorber le choc, puis la
phase dapprentissage post-crise.La rsilienceLanalyse des cas montre
des rsultats conformes la littrature, que ce soit en termes de
rponses ou dantcdents organisationnels. Les attentats du 11
septembre ont frapp fortement Monde Exotic par un arrt brutal de
lactivit qui sest ensuite traduit par une chute du tiers de son
chiffre daffaires. Cet impact fort provient notamment de la part
importante des destinations vers les tats-Unis qui reprsentaient
plus du tiers du chiffre daffaires. Lincidence ngative dune forte
dpen-dance est cohrente avec la faible diversification identifie
dans la lit-trature (Meyer, 1982).
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une tude longitudinale sur deux priodes de turbulence
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et rsilience comme dimensions
de la performance organisationnelle
En revanche, lentreprise a fait preuve dune capacit de rsorption
de limpact relativement rapide. Bien que lentreprise nait retrouv
son niveau de chiffre daffaires quaprs trois annes, elle a retrouv
son quilibre financier ncessaire sa survie en quelques mois. En
effet, elle a ralis des bnfices lanne de la turbulence malgr la
chute de 36 % de son chiffre daffaires (voir tableau 1). Pour cela,
lentreprise a mis en uvre des rponses de rationalisation des frais
et dactions commerciales influences par ses antcdents
organisationnels (voir tableau 2). Les rponses ont t
particulirement rapides et efficaces, comme lin-dique la directrice
de la communication : On a eu la chance grce nos dirigeants daller
trs, trs vite, de prendre lampleur de lvne-ment. Au dbut, dans le
secteur du tourisme on les traitait de fous. Ds le 15 septembre,
leur plan dattaque, leur plan de riposte tait prt. On gle les
recrutements... Au dbut, on disait : cest une dcision totalement
prcipite, nimporte quoi, ils saffolent, etc., etc.... Plus on a
avanc dans le temps, plus on sest rendu compte, aussi bien en
interne et ailleurs dans le secteur, que cest eux qui avaient
raison. Ces rponses ont t dcides et mises en uvre dans le cadre
dune centralisation temporaire de lautorit, conformment aux
recomman-dations de nombreux auteurs (Barnard, 1938 ; Hermann, 1963
; Meyer et al., 1990) : Toutes nos quipes avaient besoin dtre
rassures, donc davoir une parole couter. La question de tout le
monde ctait : Quest-ce quon fait ? Donc cest pour a que a a t trs,
trs important que ce soit nos dirigeants qui ds le dpart prennent
les rnes et tiennent lentreprise pendant cette priode-l. Cette
rapi-dit, qui favorise la rsilience, provient de lidologie
entrepreneuriale ouverte sur lenvironnement. Ainsi, notre
interlocutrice dclare : Pour garder notre position, pour continuer
dvelopper notre chiffre daf-faires, on doit tre en veille
permanente dinnovation, de mouvements et de rponses des changements
qui se passent sur le march, tout le temps, tout le temps, tout le
temps. Donc a, a fait partie de no-tre culture de bouger tout le
temps. Cette idologie entrepreneuriale ouverte sur lenvironnement
et le changement est de plus soutenue par une organisation qui
permet de traiter linformation en temps rel : Nous avons un
dispositif interne qui nous permet dtre informs en temps rel du
chiffre daffaires de lentreprise. Les jours qui ont suivi le 11
septembre, ce chiffre tait... ngatif, cest--dire que nous avions
plus de clients qui avaient dj rserv leurs voyages et qui venaient
se faire rembourser que de nouveaux clients. Cette situation est
trs, trs exceptionnelle et a fait comprendre tout le monde dans
lentre-prise que la situation tait trs grave et quil fallait ragir
vite et bien. Cette ouverture sur lenvironnement saccompagne dune
analyse pru-dente des informations, comme le souligne notre
interlocutrice : Nos dirigeants ont dvelopp des sources
dinformations varies et quils croisaient pour se faire leur propre
opinion : des mdias, des concurrents mais aussi des autres secteurs
dactivit, statisticiens et professionnels de la prospective
conomique. Les solutions de rationalisation des frais ont privilgi
la flexibilit et la solidarit. On a donc pris des dcisions de
premier niveau rapi-
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performance organisationnelle
dement. a a t de geler les recrutements..., de ne pas reconduire
les contrats dure dtermine quand on avait des contrats dure
dtermine en cours, bref de limiter les cots pour viter des
licen-ciements secs Et on sest relay pour faire du front line et de
la hot line de 9 heures du matin 8 heures du soir pendant les 15
jours qui ont suivi cet vnement-l. On leur a demand beaucoup de
flexibilit, on leur a demand : Bon coute ! En ce moment, sur ton
activit de commercial, tu nas plus grand-chose faire. On a besoin
de monde en comptabilit, on ne va pas recruter la compta, tu vas la
compta. On va te former, tu vas faire de la comptabilit. Ces
rponses qui favorisent la flexibilit et la solidarit sont cohrentes
avec lidologie participative qui reflte la structure de gouvernance
particulire de len-treprise, dtenue par cinq amis qui possdent plus
de la moiti du ca-pital de lentreprise. Par ailleurs, la
multispcialisation de la structure a galement favoris la rsorption
du choc en permettant la raffectation de certains clients vers
dautres destinations ainsi que le redploiement du personnel : On a
redploy nos forces vers lEurope, vers les les, vers les
destinations qui paraissaient plus scurisantes nos clients, vers
lesquelles ils acceptaient quand mme daller pour reporter leur
voyage. Enfin, les donnes comptables montrent que Monde Exotic
disposait de ressources financires qui ont contribu mettre en place
ses rponses oprationnelles (voir tableau 2).Les trois cas
complmentaires corroborent les observations de Monde Exotic.
Limpact du choc provient notamment de leur spcialisation ex-trme ou
relative (voir tableau 2, ligne stratgie ). Les entreprises sont
parvenues rsorber le choc par des rponses de nature simi-laire de
rationalisation des frais et dactions commerciales, mme si elles
prennent des formes parfois diffrentes mais cohrentes avec les
antcdents organisationnels de lentreprise. Par exemple, Oriental a
pouss trs loin la rationalisation des frais en cohrence avec le
ca-ractre artisanal et familial de lentreprise. Vraiment, on a fait
des conomies drastiques, et sur tous les points. Tout lhiver, on na
pas chauff. On teignait les lampes en permanence. Enfin, tout ce
quon pouvait faire comme conomies mme drisoires, on les a faites.
Sur le plan commercial, plusieurs entreprises ont eu recours la
pu-blicit rdactionnelle. Par exemple, le dirigeant de Plongial
explique : On envoie tout de suite des journalistes dans le pays,
ils sont nos invits, donc une dizaine de journalistes. Au retour,
ils crivent dans les journaux comme Le Figaro, Le Monde... Ils
crivent des articles sur lgypte en disant : Oui il y a eu des
attentats tout a, mais [] la vie continue. Ya des articles dans ce
sens-l, pour rassurer un peu les gens. Enfin, Agora, o le style de
management tait plus autoritaire, a adopt le licenciement comme
premier recours au lieu du dernier pour Monde Exotic : Tout dabord,
il y a eu des licenciements , indique notre interlocuteur chez
Agora.Au total, les cas prsentent des rsultats similaires entre eux
et confor-mes la littrature sur la gestion des crises et des
turbulences, que ce soit en termes de rponses ou dantcdents
favorisant ces rponses (Meyer, 1982). On note toutefois que la
diversification ne semble pas seulement avoir une incidence au
niveau de limpact, mais aussi sur
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Renforcement de la rsilience par un apprentissage post-crise :
une tude longitudinale sur deux priodes de turbulence
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et rsilience comme dimensions
de la performance organisationnelle
les rponses par le redploiement quelle permet aussi bien au
niveau de la clientle que du personnel. Certaines de ces rponses
nouvelles ont impliqu un apprentissage durant la crise, cest
notamment le cas de la raffectation temporaire du personnel mise en
uvre au sein de Monde Exotic. Toutefois ces apprentissages
disparaissent lorsque le choc est rsorb (Meyer, 1982),
contrairement aux apprentissages post-crise qui visent
perdurer.
Tableau 2. Turbulence 1 : gestion de crise et apprentissage
post-criseMonde Exotic Oriental Plongial Agora
AntcdentsStratgie
Structure
Idologie
Slack
Impact dclarturbulence 1
Multispcialiste des voy-ages dans des destinations
lointaines
Dpartements par zone gographiqueSystme dinformation trs
dveloppImportance de lenvironnement Idologie entrepre-neuriale
participa-tive et solidaire
Rserves financires
Attentats du 11 septembre (2001) 30 %
Spcialiste du Moyen-Orient
Structuresimple
Importance de lenvironnement Idologie entrepreneuriale
familiale
Absence de rserves financiresUne marque commerciale peu
utiliseAttentats du 11 septembre (2001) 22 %
Spcialiste de la plonge en Mditerrane
Structuresimple
Importance de lenvironnement Idologie entrepreneuriale
Rserves au niveau du groupe
Attentats en gypte (2005) 30 %
Spcialiste de la Turquie avec prestations immobil-ires
intgres
Structuresimple
Importance de lenvironnement Idologie entrepreneuriale
autoritaire
Rserves financires
Guerre du Golfe (1991) 60 %
Rponses oprationnelles (effectues dans un dlais dun mois) :
absorption du chocInformation des clients1
Rationalisation des frais2
Raffectation des clients3
Transfert du personnel4
Promotions sur les desti-nations sinistres4
Communication4
Front lineHot lineArrt des recrutementsArrt des CDDLicenciements
Vers lEurope
Conseillers tats-Unis et monde arabe vers Europe et
comptabilit
Rduction de 10 15 % sur les tats-Unis et le Moyen-Orient
Standard
Dparts ngocisBaisse du budget de fonctionnement et des
rmunrationsVers lgypte
Standard
Optimisation des vols (annulation de vols et re-groupement de
voyageurs)
Rduction de 150 200 sur lgypte
Articles de presse et autres supports mdias
Standard
LicenciementsBaisse des budgets de fonctionnement et de
com-munication
Rduction de 150 200 sur la Turquie
Articles de presse
Apprentissage post-crise : changements commencs plus dun mois
aprs la turbulenceDfaillances identifies
Changements strat-giques
Changements organisa-tion-nels
Trop forte dpendance vis--vis dune destinationCloisonnement des
d-partements gnrateur de rigidits DiversificationCration de la
destination FranceDveloppement des destina-tions EuropePlafond pour
chaque desti-nation 15 % du CA
Flexibilit structurelleFusion des services en double
destination
Trop forte dpendance vis--vis de la zone gographique
Diversification Lancement dune activit de rceptif finance par la
vente de la marque com-merciale
Manque dattractivit de loffre
Diffrenciation Cration de sjours orig-inaux incluant des
activits complmen-taires la plonge
Trop forte dpendance vis--vis de la destinationTrop
dinvestis-sements immobiliers
DiversificationRachat dun voyagiste gnraliste financ par une
augmentation du capital du propritaireRduction de lintgration
Rduction des investisse-ments immobiliers au profit de la
location
Notes : 1 dans la journe, 2 dans la semaine, 3 dans la
quinzaine, 4 dans le mois suivant la turbulence.
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266-293Special Issue: Fiabilit et rsilience comme dimensions de la
performance organisationnelle
Lapprentissage post-criseLanalyse des cas montre un
apprentissage post-crise visant aug-menter la rsilience de
lorganisation une nouvelle turbulence. Aprs les rponses durgence
destines rsorber limpact de la turbulence, Monde Exotic a entrepris
des changements stratgiques et organisation-nels pour rsoudre les
faiblesses de lorganisation identifies lors de la crise. Face la
dpendance de son activit vis--vis des tats-Unis et plus largement
du contexte international, Monde Exotic a diversifi ses zones
dactivit par la cration dune nouvelle destination : la France, et
le dveloppement dautres destinations de proximit plus sres en cas
de nouveau choc international : On a cr des nouvelles destinations,
notamment la France. Le lancement de la destination France a t
im-mdiatement une consquence du 11 septembre. Si les gens se
replient chez eux, autant quon soit aussi prsent dans ce march-l,
alors quon ntait pas du tout prsent sur le march franais La seconde
a a t de, on tait dj prsent sur les voyages en Europe, mais pas ce
niveau-l. On a mis beaucoup, beaucoup de moyens sur lEurope, en
disant que ce sera une destination de repli pour quon soit plus
fort l-dessus. Ce dveloppement de destinations nouvelles et le
renforce-ment de destinations faibles sinscrivent dans un plan
stratgique plus global visant rduire la dpendance de lorganisation
vis--vis dune destination particulire, comme lindique la directrice
de la communica-tion : Cest--dire quaucune de nos destinations ne
devait reprsenter elle seule plus de 15 % du chiffre daffaires de
lensemble des desti-nations.En plus des changements stratgiques, la
crise a gnr une prise de conscience de la faiblesse dune structure
trs spcialise par destina-tion en cas de problme dans une zone. Par
suite, Monde Exotic a en-gag des modifications organisationnelles
destines accrotre sa flexi-bilit pour mieux rpondre un nouveau choc
ventuel : Une fois que tout le travail des annulations tait fait,
on avait une quipe de vendeurs qui navait plus rien faire. Et l, on
sest rendu compte dune vraie fai-blesse de notre organisation...
Cest la suite du 11 septembre quon a commenc retravailler toute
notre organisation interne pour faire des binmes de destinations
pour que tous nos conseillers voyageurs soient susceptibles, si
leur destination principale est en crise, de travailler sur une
autre destination, de reporter nos forces sur une autre
destination. Donc on a coupl nos destinations entre elles, par
exemple lAustralie fonctionne avec locan Indien, lle Maurice Les
trois autres cas prsentent des rsultats similaires dans la mesure o
tous ont engag des changements stratgiques. Plusieurs ont opr une
diversification des activits pour rduire leur dpendance vis--vis de
leur destination principale. Toutefois, les activits choisies
diffrent dune entreprise lautre (voir tableau 2, suite). Ainsi,
contrairement aux autres entreprises qui ont diversifi leurs zones
gographiques dans le cadre dune diversification concentrique,
Oriental a cr une activit de rceptif qui consiste organiser des
sjours en France pour les voya-geurs en provenance de ltranger. En
plus des activits, les modalits de mise en uvre varient en fonction
des ressources : raffectation des ressources pour Monde Exotic,
dveloppement interne financ par la
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une tude longitudinale sur deux priodes de turbulence
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et rsilience comme dimensions
de la performance organisationnelle
cession dune marque pour Oriental et acquisition finance par
aug-mentation des fonds propres du propritaire pour Agora. En plus
de la diversification commune plusieurs cas, Agora a augment sa
flexibi-lit en diminuant son intgration amont dans le parc htelier
au profit de la location: On a cinq htels en Turquie, [] nos
confrres, eux, ne travaillent pas avec leur propre structure,
contrairement nous, on travaille avec nos propres htels, nos
salaris... La leon cest [...] pas beaucoup dinvestissement sur une
destination, malheureuse-ment cest comme a. Cette anne [...], on a
deux htels nous et les autres, on les a lous. Enfin, contrairement
aux autres voyagistes, Plongial na pas choisi de diversifier ses
activits. En effet, son diri-geant, passionn de plonge, a prfr
diffrencier son offre en crant des sjours originaux incluant des
activits complmentaires la plon-ge telles que la photographie ou la
biologie. Ces nouveaux produits, des tarifs 30 % suprieurs aux
prcdents, ont attir une clientle plus fidle, comme lindique le
dirigeant : a nous a permis de nous positionner sur un march
diffrent du march moyen. Ces analyses indiquent un apprentissage
post-crise dans les quatre cas. Elles montrent de plus que la crise
peut tre une opportunit de changements stratgiques o lentreprise
modifie son portefeuille dac-tivits ou sa stratgie gnrique alors
que les recherches prcdentes montrent des adaptations de nature
essentiellement organisationnelle et oprationnelle (Meyer, 1982 ;
Roux-Dufort, 2004). Toutefois, conna-tre lefficacit de cet
apprentissage implique de mesurer ses cons-quences au cours de la
priode suivante.
TURBULENCE 2 : LEFFICACIT DE LAPPREN-TISSAGE
Pour estimer lefficacit de lapprentissage, nous avons demand aux
voyagistes dindiquer quelle tait la turbulence suivant la crise les
ayant affects. Tous ont dclar que cette turbulence navait pas
entran de crise, contrairement la premire. Ces dclarations sont
cohrentes avec lvolution du chiffre daffaires des donnes
compta-bles qui ne montrent pas de baisse, hormis pour Oriental.
Cette baisse est toutefois trs limite : 0,1 % (voir tableau 1). Ces
donnes sont cohrentes avec une augmentation de la rsilience dans la
mesure o limpact de la nouvelle turbulence est beaucoup plus faible
que celui de la prcdente. Toutefois, elles sont insuffisantes pour
en dduire une efficacit de lapprentissage dans la mesure o la
deuxime turbulen-ce nest pas identique la premire. Cest pourquoi
nos conclusions reposent sur les arguments fournis par les
interlocuteurs et la compr-hension des mcanismes dapprentissage qui
ont permis daccrotre la rsilience de lentreprise.
La rduction de limpact grce aux changements stra-tgiquesLa
diversification des activits effectue pour limiter la baisse des
ventes a permis de rduire limpact de la turbulence suivante.
Ainsi,
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performance organisationnelle
Monde Exotic estime que les activits de diversification ont
rduit limpact du tsunami car : Au moment du tsunami, les
destinations asiatiques ne reprsentaient plus que 15 % alors
quavant elles reprsentaient 25 %. De faon similaire, Oriental et
Agora ont bnfici de la rduction de la part de la destination touche
par la nouvelle turbulence (voir tableau 3). En plus de cet effet
structurel mcanique de rduction du pour-centage de lactivit touche,
les interlocuteurs insistent sur son effet positif sur la rsorption
du choc.
Tableau 3. Turbulence 2 : gestion de la turbulence et
apprentissage post-turbulence
Monde Exotic Oriental Plongial AgoraAntcdents et leur volution
par rapport la turbulence 1*Stratgie
Structure
Idologie
Slack
Impact turbulence 2
Effet des diversifica-tions sur limpact
Multispcialiste des voyages tous conti-nents, Dpendance dune
zone : 15 % CA maximum
Dpartements regroupant au moins deux zones gographiques
Inchange
Rserves financires
Tsunami (2004)Pas de baisse de CA
15 % de lactivit affec-te au lieu de 25 %
Spcialiste du Moyen Orient avec activits de rceptif en
France
Deux divisions
Inchange
Rserves financires
Guerre en Irak (2003)Baisse de CA de 0,1 %
50 % de lactivit affec-te au lieu de 100 %
Spcialiste de la plon-ge en Mditerrane Diffrenciation et
exten-sion de loffre produit
Structuresimple inchange
Inchange
Rserves au niveau du groupe
Grippe aviaire (2005)ND
Activits diversifies tous continentsBaisse de la part des
investissements im-mobiliers
Structuresimple inchange
Inchange
Rserves financires
Tremblement de terre en Turquie (1999)Pas de baisse de CA
70 % de lactivit affec-te au lieu de 100 %
Rponses oprationnelles et leur volution par rapport la
turbulence 1*Rponses utilises lors de la turbulence 1*
Nouvelles rponses
Apprentissage post-turbulence
Ractivation des rponses opra-tionnelles, except le
licenciement
Mise en place dune procdure de localisa-tion des clients
Modification du sys-tme de rmunration
Ractivation des rponses opra-tionnelles, except les dparts
Ractivation des rponses opra-tionnelles
Ractivation des rponses opra-tionnelles
Raffectation des clients vers dautres destinations
Note : Italique : volutions des antcdents et rponses de la
turbulence 2 issues des changements stratgiques raliss durant
lapprentissage post-crise turbulence 1 (voir tableau 2
apprentissage post-crise).* Voir tableau 2 pour les analyses de la
turbulence 1.
Lamlioration de la rsorption du choc grce aux chan-gements
stratgiquesLa diversification permet aussi doffrir un plus large
choix de reports pour la clientle dsireuse dannuler son voyage.
Aprs le tsunami, les gens ne voulaient plus aller en Thalande ou en
Indonsie mais ils avaient quand mme prvu des voyages, donc ils
voulaient aller
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une tude longitudinale sur deux priodes de turbulence
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et rsilience comme dimensions
de la performance organisationnelle
ailleurs. Aprs, si lentreprise [...] est suffisamment ractive
pour chan-ger, pour proposer autre chose, une autre partie du monde
qui corres-pond la demande des clients qui ne veulent plus partir
en Thalande ou en Indonsie, on va rcuprer du chiffre daffaires.
Dans le cas de Monde Exotic, les modifications organisationnelles
de regroupe-ment gographique facilitent les reports dans la mesure
o un mme conseiller peut proposer une destination diffrente. Ainsi,
au sein du dpartement Asie, les conseillers voyageurs ont russi
reporter une partie de leur clientle pour lIndonsie sur la Chine,
destination qui t couple lIndonsie suite la crise du 11
septembre.De faon similaire, lentreprise Agora estime que la
seconde turbu-lence a t mieux gre essentiellement parce que, vu
quon sest diversifi, on pouvait proposer plus de destinations, on a
pu reporter sur dautres destinations . Plongial, quant elle, estime
que lentre-prise est mieux parvenue rorienter les clients vers
dautres sites de plonge lors de lvnement suivant (grippe aviaire,
2005) en raison de la diffrenciation de son offre.Ainsi, pour les
quatre voyagistes, les changements stratgiques et or-ganisationnels
mis en place aprs la crise ont rduit limpact et amlio-r la
rsorption de la nouvelle turbulence (voir tableau 3). Ces rpon-ses
efficaces sont conformes aux recommandations de la littrature en
stratgie qui consistent diversifier les zones gographiques pour
rduire limpact global dune zone risque (Lozato-Giotart et Balfet,
2007) et permettre de redployer les forces de lorganisation en
fonc-tion de la conjoncture (Lengnick-Hall et Beck, 2005 ; Sheffi,
2007). La flexibilit de la structure est galement une
recommandation stra-tgique pour sadapter aux variations (Grabowski
et Roberts, 1999). Les changements stratgiques et organisationnels
des cas tudis montrent ainsi lexistence dun apprentissage
post-crise efficace qui augmente la rsilience.
Lamlioration de la rsorption du choc grce la rac-tivation des
rponses oprationnellesLaccroissement de la rsilience est galement d
lapprentissage effectu au niveau des rponses oprationnelles
destines rsorber le choc. Les cas tudis montrent un apprentissage
de renforcement positif qui consiste ractiver plus rapidement des
solutions positives dveloppes durant la gestion de crise prcdente.
Au moment du tsunami, on a ractiv la procdure du transfert des
conseillers voya-geurs, on a t beaucoup plus rapide La formation a
t plus rapide au cours du tsunami parce quon savait que, on lavait
vu pendant le 11 septembre, quon tait dans une situation qui serait
relativement lon-gue. Il a fallu ragir tout de suite, former les
gens assez rapidement... On sest appuy sur leurs connaissances
personnelles, par exemple untel qui tait parti au Mexique pour ses
vacances, on sest appuy sur ses connaissances pour le former sur le
Mexique , indique notre interlocutrice de Monde Exotic.La plus
grande efficacit des rponses oprationnelles, ajoute une moins
grande vulnrabilit due aux changements stratgiques, impli-
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performance organisationnelle
que une rduction des rponses ncessaires pour absorber le choc.
Ainsi, Monde Exotic na pas eu besoin de recourir aux licenciements,
mesure que lentreprise essaie dviter. Aprs le tsunami, on a pu
conserver tous les emplois de lentreprise grce justement aux
change-ments quon a faits. Le fait de rquilibrer les destinations,
eh bien, a a permis de rduire les pertes au niveau des rsultats du
dpartement Asie. [...] Aprs on a eu un sureffectif moins important
car les gens fonctionnaient en binmes. Mais cest surtout les
reports [vers dautres destinations] qui nous ont permis de rcuprer
du chiffre daffaires. La ractivation de la plupart des procdures de
rsorption du choc d-veloppes durant la crise est galement prsente
dans les autres cas (voir tableau 3). Ces procdures dj exprimentes
par lorganisation sont plus efficaces dans la mesure o elles sont
prises plus rapidement, ce qui contribue augmenter la rsilience
(Weick et Sutcliffe, 2001).Cette ractivation des anciennes rponses
nempche pas le dvelop-pement de nouvelles rponses aux nouveaux
problmes perus. Ainsi, Monde Exotic a dvelopp lors du tsunami une
procdure de localisa-tion de ses clients dont elle navait pas peru
limportance durant les attentats du 11 septembre. Aprs [...] le 11
septembre, [...] il a fallu quon vrifie si personne ntait touch
parmi nos clients. Mais a, a nous a pris une demi-journe, [...]
donc on ne sen est pas rellement rendu compte. a a t beaucoup plus
compliqu avec le tsunami [...] et effectivement la suite du tsunami
on a vraiment commenc tra-vailler avec le Quai DOrsay, une procdure
commune pour pouvoir dans des zones justement qui ntaient pas des
pays dvelopps, enfin pas aussi dvelopps que New York en termes
dinfrastructures, de moyens de communication, etc., pour pouvoir
recenser trs, trs vite nos voyageurs o ils sont, dans quel tat ils
sont et les rapatrier.
De nouveaux apprentissages post-crise mais sans changement
stratgiqueLes cas tudis montrent une absence dadaptation stratgique
et de faibles ajustements organisationnels suite la deuxime
turbulence. Ainsi, relance sur de nouveaux changements stratgiques,
notre in-terlocutrice de Monde Exotic rpond : On na pas fait de
changements ou de choses comme a. En revanche, on a mis en place un
systme de prquation de prime sur rsultat... En cas de crise
internationale majeure ou catastrophe naturelle affectant une
destination, on a mis en place un systme de solidarit interne qui
fait que les autres destina-tions qui [...] ont justement augment
par le dport de clients de la zone tsunami vers dautres zones vont
contribuer au rsultat de la zone Asie touche par la catastrophe. De
mme, les trois autres entreprises nont pas engag de change-ments
stratgiques suite la nouvelle turbulence. Ces analyses confir-ment
lopportunit de la prise de conscience de problmes et de chan-gement
que constitue la crise (Morin, 1984 ; Roux-Dufort, 2004) et suggre
quen labsence de perception de difficults les changements
stratgiques et organisationnels sont moins probables.
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une tude longitudinale sur deux priodes de turbulence
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et rsilience comme dimensions
de la performance organisationnelle
DISCUSSION
Lensemble des analyses est rsum dans la figure 1 qui dploie le
modle de Meyer (1982) partir de limpact dune premire turbulence
dans lorganisation jusqu la phase de rajustement suite une se-conde
turbulence. Ce modle est plus spcifique que celui de Meyer (1982)
tant donn que la premire turbulence a un impact fort inter-prt
comme une situation de crise par lorganisation. Surtout,
contrai-rement au modle de Meyer (1982) dont lobjectif est de
montrer leffet des antcdents organisationnels au cours du processus
dadaptation, notre modle vise montrer comment la gestion de crise
affecte lim-pact et la gestion de la turbulence suivante, notamment
via le chan-gement des antcdents stratgiques (flches vers le haut
figure 1). Partant des quatre antcdents organisationnels (stratgie,
structure, idologie et slack) et des trois phases du processus
dadaptation (anti-cipation, rponse, rajustement) de Meyer (1982),
notre modle dcrit deux modes dapprentissage qui tous deux
augmentent la rsilience de lorganisation aux crises issues dune
turbulence de lenvironnement.
Figure 1. Consquences de la gestion dune crise issue de
lenviron-nement sur limpact et la gestion de la turbulence
suivante
Lgende :mode dapprentissage : 1 simple boucle renforcement
positif, 2 double bouclea : priode dapprentissage, b et c :
utilisation des apprentissages, a nouvelle priode dapprentissage+/
: effet des apprentissages de la turbulence 1 sur gestion de la
turbulence suivante
Le premier mode dapprentissage est un apprentissage de
renforce-ment positif en simple boucle (Argyris et Schn, 1978 ;
Roux-Dufort, 2004) o les rponses oprationnelles ayant donn
satisfaction sont stockes dans le rpertoire dactions de la
structure (1a). Ces rponses (voir tableau 2, rponses
oprationnelles) sont ensuite partiellement ractives lors de la
seconde turbulence (voir tableau 3, rponses uti-lises lors de la
turbulence 1) pour rsorber limpact (1b) avec une plus grande
rapidit et une plus grande efficacit due lexprience. En amliorant
ainsi les rponses, lapprentissage de renforcement positif
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performance organisationnelle
participe la rduction des rponses oprationnelles utilises pour
ab-sorber le choc () et laccroissement de la rsilience (+).Le
second mode dapprentissage est un apprentissage double boucle o
lorganisation modifie sa stratgie et sa structure (2a) dans
lobjec-tif daugmenter sa rsilience (voir tableau 2, apprentissage
post-crise, et tableau 3, antcdents en italique). Les modifications
stratgiques, notamment la diversification des activits, affectent
la rsilience de lor-ganisation en rduisant sa vulnrabilit, en plus
de faciliter la rsorp-tion de limpact. En effet, les changements
stratgiques et organisa-tionnels agissent dabord au niveau de
limpact (2b) qui est rduit (). Par exemple, les diversifications
entrainent une rduction mcanique de limpact dune perturbation
locale (de 10 % 50 % du CA dans les entreprises tudies, voir
tableau 3, effet des diversifications sur limpact). Les changements
affectent galement les rponses (2c) en augmentant le rpertoire de
rponses oprationnelles (par exemple la possibilit de raffecter des
passagers vers dautres destinations, voir tableau 3, nouvelles
rponses) ou en facilitant leur mise en uvre (par exemple en
rduisant les transferts de personnels en raison de leur double
comptence). Les deux modes dapprentissage post-crise, simple boucle
et double boucle, permettent chacun daugmenter la rsilience de
lorganisation. Les modifications stratgiques et structurelles
permettent de rduire limpact de la nouvelle turbulence (). La
rduction de limpact, conju-gue des rponses oprationnelles plus
adaptes et plus efficaces dues aux deux modes dapprentissage, rduit
lintensit des rponses ncessaires pour rsorber le choc () tout en
augmentant la rsilience (+). Enfin, un plus faible impact () et une
plus forte rsilience aux tur-bulences (+) rduisent le dveloppement
de nouveaux apprentissages post-turbulence ().Ces rsultats
confirment les travaux qui considrent la crise comme une source
essentielle dapprentissage et de changements organi-sationnels
(Meyer, 1982 ; Morin, 1994 ; Roux-Dufort, 2004 ; Ursacki-Bryant et
al., 2008). Inversement, un faible impact et une rsorption ra-pide
de celui-ci sont moins favorables de nouveaux apprentissages,
notamment stratgiques, parce quils ne sont pas ncessaires ou pas
perus comme tels. Notre tude ajoute que les entreprises rsilientes
une crise sont capables dapprendre efficacement de la crise et de
sa gestion pour augmenter leur rsilience des turbulences
ultrieures. Lapprentissage apparat ainsi comme un lment fondamental
de la construction de la rsilience (Hollnagel, 2006). Au travers de
lappren-tissage, notamment double boucle, les organisations font
preuve dan-ticipation. Ces anticipations et les apprentissages
quelles induisent permettent aux organisations non seulement de
ractiver des solutions prouves mais aussi de faciliter
limprovisation de nouvelles solutions grce lextension des
ressources disponibles. Ainsi, lanticipation, loin de sopposer la
rsilience dans sa dimension ractive (Marcus et Nichols, 1999), peut
participer son amlioration en tendant les pos-sibilits
dimprovisation de nouvelles solutions ex-post et en facilitant leur
mise en uvre.
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Renforcement de la rsilience par un apprentissage post-crise :
une tude longitudinale sur deux priodes de turbulence
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de la performance organisationnelle
CONCLUSION
Alors que la rsilience a fait lobjet de nombreux travaux
convergents en gestion de crise et de turbulence, la possibilit dun
apprentissage post-crise est plus controverse dans la littrature en
raison de nom-breux freins lapprentissage dus prcisment la crise
(Lagadec, 1996 ; Bourrier, 2002 ; Elliott et Smith, 1993, 1997,
2006 ; Roux-Dufort, 2000) auxquels sajoute une inefficacit de cet
apprentissage (Farjoun et Starbuck, 2005). Notre tude auprs des
voyagistes, qui porte sur deux priodes de turbulence successives,
complte les recherches prcdentes en montrant comment des
entreprises rsilientes ont ac-cru leur rsilience principalement par
un apprentissage post-crise in-cluant des changements stratgiques.
Cette tude apporte une contribution empirique la littrature sur la
gestion de crise et ladaptation aux turbulences par lextension des
analyses deux turbulences successives. Cette extension empirique a
permis de tester lefficacit de lapprentissage. Celle-ci tait
jusqualors suppose thoriquement dans la littrature sous forme dune
boucle de rtroaction de la phase dapprentissage post-crise la phase
de prvention ou danticipation dans le cycle de gestion des crises
ou des turbulences (Meyer, 1982 ; Pauchant, 1988), la seule tude
notre connaissance sur lefficacit de lapprentissage post-crise
expliquant son inefficacit (Farjoun et Starbuck, 2005). Notre tude
contribue galement la littrature sur la gestion de crise par la
nature de lapprentissage post-crise mise en vidence : le
chan-gement stratgique, notamment la modification du portefeuille
dac-tivits et la diffrenciation. Ce nouveau domaine de
lapprentissage post-crise vient complter les travaux existants,
montrant des appren-tissages au niveau organisationnel dans le cas
de crises dorigine in-terne (Elliott et Smith, 1993, 1997, 2006 ;
Vaughan, 2005) aussi bien quexterne (Meyer, 1982 ; Roux-Dufort,
2004).Enfin, notre tude indique que la rsilience participe la
performance de lorganisation. En absorbant les chocs, la rsilience
constitue une capacit ncessaire la survie dans un environnement
turbulent. Au-del, notre tude suggre quen rduisant la vulnrabilit
et en aug-mentant la capacit dabsorption par lapprentissage, la
rsilience contribue plus largement la performance de lorganisation.
En effet, la rsilience est souvent perue comme grevant la
performance parce quelle requiert un slack organisationnel (quil
soit financier, humain ou structurel) qui rduit dautant
lefficience. Mais, inversement, ce slack organisationnel est
favorable lapprentissage et limprovisation de solutions nouvelles
qui constituent des caractristiques du chan-gement continu (Weick
et Quinn, 1999) observ dans les entreprises performantes (Hamel et
Vlikangas, 2003). Lincidence moyen terme de la rsilience semble
donc plus positive dans la mesure o elle per-met potentiellement
daugmenter lefficience de lorganisation. tout le moins, il existe
des relations complexes entre rsilience et efficience qui
mriteraient de plus amples investigations.Notre tude atypique, qui
permet denrichir la littrature, prsente des limites. Le fait davoir
tudi deux turbulences successives, qui est un
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Gulsun Altintas, Isabelle RoyerM@n@gement vol. 12 no. 4, 2009,
266-293Special Issue: Fiabilit et rsilience comme dimensions de la
performance organisationnelle
lment indispensable pour observer lefficacit de lapprentissage,
in-troduit un biais de slection. Nous navons ainsi pu retenir que
des entreprises rsilientes dans la mesure o elles ont toutes survcu
une crise. Bien que le fait davoir survcu nimplique pas
ncessai-rement davoir appris, il le rend plus probable.
Lapprentissage dans les entreprises tudies a de plus t efficace
dans la mesure o les changements stratgiques ont permis daccrotre
durablement leur r-silience. Mme au-del de la priode tudie, aucune
dentre elles na connu de nouvelle crise, bien que plusieurs aient
rencontr dautres turbulences. Elles lexpliquent par leur
apprentissage, comme lindique notre interlocuteur chez Agora : Ce
nest pas le 11 septembre qui nous a affects le plus, vu quon tait
dj habitu... on avait appris des vnements prcdents. Cet
apprentissage russi ne prjuge toutefois pas de loccurrence dune
nouvelle crise, mme sil laisse sup-poser que lorganisation montrera
davantage de capacits de rsorp-tion que dautres. En effet,
lapprentissage des entreprises tudies a augment leur rsilience
envers des turbulences de lenvironnement relativement similaires et
ne prjuge pas de leur capacit surmonter des turbulences de nature
trs diffrente ou des accidents dorigine interne, affectant leur
systme dinformation par exemple. Par ailleurs, au cours du temps,
de nouveaux changements organisationnels moti-vs par de nouvelles
priorits stratgiques peuvent rduire la rsilience de lorganisation
(Farjoun et Starbuck, 2005). Nanmoins, la capacit mobiliser les
ressources quelles ont montre pour improviser des rponses une crise
et laccroissement de la varit des ressources disponibles suggrent
que ces entreprises seraient capables de sur-monter une nouvelle
crise. Ensuite, le secteur dactivit et lorigine de la crise, qui
contribuent loriginalit de la nature de lapprentissage, limitent la
transfrabilit des rsultats des contextes similaires, cest--dire des
crises issues de turbulences dans des secteurs qui en sont
frquemment affects. Nos analyses du contexte suggrent que la
relative facilit dapprentis-sage post-crise et la nature de
lapprentissage sont contingentes ces deux particularits. En effet,
les crises tudies tant dorigine externe lorganisation,
lapprentissage ne connat pas les freins dus aux rac-tions dfensives
issues de la responsabilit potentielle de lorganisation concernant
lorigine de la crise (Bourrier, 2002). Par ailleurs, lorigine
externe de la crise explique en partie la nature de lapprentissage
post-crise qui ne peut consister empcher lincident dclencheur mais
seulement attnuer son impact en modifiant sa position dans
lenvi-ronnement. La stratgie de diversification, mise en uvre par
la plupart des entreprises tudies, constitue une solution classique
de gestion du risque capable de rduire lincidence des turbulences
de lenviron-nement par un simple effet mcanique sur la part que
reprsente lac-tivit affecte (Hoskisson et Hitt, 1990). Enfin, le
fait que les quatre cas tudis appartiennent un secteur turbulent,
rgulirement perturb par des incidents, accidents ou catastrophes,
rduit le frein lappren-tissage relatif au caractre exceptionnel
peru de la situation de crise (Pearson et Mitroff, 1993 ; Bourrier,
2002).Ces environnements turbulents susceptibles de gnrer des
crises
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