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UNIVERSIT DU QUBEC MONTRAL
LA MICROFINANCE AU GABON: L'ACCS DES FEMMES AU MICROCRDIT
DANS
LE PROJET D'APPUI AU DVELOPPEMENT DU MICROCRDIT AU GABON
(PADMG)
MMOIRE PRSENT COMME EXIGENCE PARTIELLE DE LA MATRISE EN SCIENCE
POLITIQUE
PAR HYACINE KACOU-AMONDJI
AVRIL 2011
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UNIVERSIT DU QUBEC MONTRAL Service des bibliothques
Avertissement
La diffusion de ce mmoire se fait dans le' respect des droits de
son auteur, qui a sign le formulaire Autorisation de reproduire et
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Rv.1-26). Cette autorisation stipule que conformment l'article 11
du Rglement no 8 des tudes de cycles suprieurs, [l'auteur] concde
l'Universit du Qubec Montral une licence non exclusive
d'utilisation et de publication oe la totalit ou d'une partie
importante de [son] travail de recherche pour des fins pdagogiques
et non commerciales. Plus prcisment, [l'auteur] autorise
l'Universit du Qubec Montral reproduire, diffuser, prter,
distribuer ou vendre des copies de [son] travail de recherche des
fins non commerciales sur quelque support que ce soit, y compris
l'Internet. Cette licence et cette autorisation n'entranent pas une
renonciation de [la] part [de l'auteur] [ses] droits moraux ni
[ses] droits de proprit intellectuelle. Sauf entente contraire,
[l'auteur] conserve la libert de diffuser et de commercialiser ou
non ce travail dont [il] possde un exemplaire.
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REMERCIEMENTS
La ralisation de ce mmoire a t un parcours complexe durant
lequel j'ai reu le soutien de plusieurs personnes auxquelles
j'aimerais exprimer ma gratitude par ces mots. Je tiens
particulirement remercier ma directrice de recherche, Chantal
Rondeau, d'avoir accept de superviser mon travail et de m'avoir
prodigue des
conseils aviss afin de mener bien mon projet de recherche. Sa
patience et son soutien ont t trs prcieux.
Sur le terrain, au Gabon, mes recherches n'auraient pas t
possibles sans la
contribution de personnes qui ont gracieusement mis
l'information ncessaire ma
disposition. Sans elles, mes visites dans les bibliothques, les
ministres et les
tablissements de microfinance n'auraient pas t fructueuses. Je
remercie Mr.
Fabrice Ngoyi du Projet d'appui au dveloppement du microcrdit au
Gabon (PADMG), de m'avoir accueillie et guide dans cette belle
ville qui m'tait inconnue. Je ne saurais oublier les femmes de
Tchibanga qui se sont montres trs
collaboratrices et trs enthousiastes lors de nos rencontres. Mon
souhait est de
pouvoir illustrer conectement leur dynamisme et leurs
ralisations travers ce
mmoire.
Je dcerne une palme ma mre, Brigitte Fanguinovny pour son appUI
indfectible. Par la mme occasion, j'offre des lauriers toute ma
famille d'ici et d'ailleurs pour son soutien tout au long de mon
parcours canadien.
Ma reconnaissance va Dieu pour Sa faveur dans ma vie.
Je n'y suis pas parvenue parce que c'tait facile, mais bien
parce que mme
lorsque cela tait difficile, j'ai toujours cru que je pourrais
yarriver!
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TABLE DES MATIRES
Remerciements ii
Liste des tableaux v
Liste des abrviations et sigles vi
Rsum viii
Introduction 1
Chapitre 1 - Cadre conceptuel, lments mthodologiques
et femmes dans la socit gabonaise 5
1.1 - Le cadre d' analyse 5
1.1.1 - La microfinance 8
1.1.2 - Le microcrdit 10
1.1.3 - Le genre 13
1.1.4 - L'empowerment 13
1.1.5 - Le secteur informel 15
1.1.6 - Les tontines 16
1.1.7 - Le capital social. 17
1.1.8 - Le renforcement des capacits 18
1.2 - Le choix de l'tude de cas 20
1.3 - La mthodologie de recherche 20
1.3.1 - La recherche documentaire 20
-
iv
1.3.2 - Les entrevues 21
1.3.3 - L'observation 24
1.3.4 - L'chantillonnage 25
1.4 - Les femmes dans la socit gabonaise 27
1.5 - Le statut juridique des femmes gabonaises 35 1.6 - La
reprsentation politique des Gabonaises 37
1.7 - La vie associative au sein de la socit gabonaise 42
Chapitre II - Contexte conomique et social du Gabon et promotion
de la microfinance 45
2.1 - Profil du pays 45
2.1.1 - Situation conomique 46
2.1.2 - Situation sociale 49
2.2 - La microfinance au Gabon: tat des lieux 52
2.2.1 - Rglementation et promotion des activits de microfinance
54
2.2.2 - L'volution du secteur. 55
2.2.3 - Les tablissements de microfinance (EMF) 61 2.2.4 - La
microfinance pour les femmes au Gabon 64
Chapitre III - L'accs des femmes au microcrdit travers le PADMG
66
3.1 - Contexte local de la province de la NYANGA 66
3.1.1 - Cadre et objectifs du projet 69 3.1.2 - La structure
organisationnelle du PADMG 74
3.2 - Les caractristiques socio-conomiques des bnficiaires
74
3.3 - valuation de l'impact du microcrdit sur les bnficiaires 89
3.3.1 - L'empowerment des femmes 96
-
v
3.4 - L'volution et la critique du PADMG 101
Conclusion 105
Annexes 107
Annexe 1 - La carte du Gabon 108
Annexe 2 - Le questionnaire 109
Annexe 3 - lments d'observation 111 Annexe 4 - Les locaux du
PADMG 112
Annexe 5 - Image du bar d'une bnficiaire de Tchibanga 112
Annexe 6 - Agricultrices dans une plantation de manioc 113
Annexe 7 - Plantation de manioc 113
Annexe 8 - tal d'une bnficiaire au grand march de Tchibanga 114
Annexe 9 - Vente de vivres domicile 114
Annexe 10 - Atel ier de couture d'une des premires bnficiaires
115
Annexe Il - Restaurant Le Semeur. 115
Bibliographie 116
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LISTE DES TABLEAUX
Tableau 1 : Les trois paradigmes dominants en microfinance 6
Tableau 2 : Classification des tablissements de microcrdit..
55
Tableau 3 : L'volution des activits de microfinance 57
Tableau 4: Les phases de financement du PADMG 72
Tableau 5 : L'intervalle d'ge 75
Tableau 6 : La situation matrimoniale des femmes 76
Tableau 7 : Nombre d'enfants 77
Tableau 8 : Le niveau d'instruction des rpondantes 78
Tableau 9 : La structure des associations 80
Tableau 10 : Domaines d'activits des bnficiaires 82
Tableau 11 : Les difficults rencontres par les bnficiaires
85
Tableau 12: Indicateurs du niveau d'empowerment.. 98
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LISTE DES ABRVIATIONS ET SIGLES
ACDI: Agence canadienne de dveloppement intemational
AGAPF : Association pour le planning familial
ALUCAF : Association nationale pour la lutte contre les cancers
fminins
APEMG : Association professionnelle des tablissements de
microfinance du Gabon
AREC: Associations rotatives d'pargne et de crdit
BAD: Banque africaine de dveloppement
BGD : Banque gabonaise de dveloppement
CAMCCUL: Cameroon Cooperative Credit Union League
CEA : Commission conomique des Nations unies pour l'Afrique
CEDEF: Convention sur l'limination de toutes les formes de
discrimination
l'gard de la femme
CEMAC : Communaut des tats de l'Afrique centrale CENAF: Centre
d'appui aux organisations des femmes du Gabon
CFEC : Caisse FEMO d'pargne et de crdit
CECAG: Caisse d'pargne et de crdit de l'association des
assistants de services
sociaux du Gabon
CGAP: Consultative Group to Assist the Poor
CNM : Comit national de la microfinance
CNPM : Cellule nationale de promotion de la microfinance
COBAC : Commission bancaire de l'Afrique centrale
CORFEM : Coordination des ong et associations fminines
DGSEE: Direction gnrale de la statistique et des tudes
conomiques
DIF : Direction des institutions financires
DSCRP : Document de stratgie de croissance et de rduction de la
pauvret
EDSG : Enqute dmographique de sant Gabon
EGEP: Enqute gabonaise pour l'valuation et le suivi de la
pauvret
-
viii
EPP : Enqute sur la perception de la pauvret
FED: Femmes et dveloppement
FAGA : Fonds d'aide et de garantie
FIDA: Fond international de dveloppement agricole
FNUAP : Fonds des Nations unies pour la population
FODEX: Fonds d'expansion et de dveloppement des petites et
moyennes
entreprises
GAD: Gender and Development
GED : Genre et dveloppement
IFD : Intgration de la femme au dveloppement
MFPEPF: Ministre de la famille, de la protection de l'enfance et
de la promotion de
la femme
MGBEF: Mouvement gabonais pour le bien-tre familial
UMAC : Union montaire de l'Afrique centrale
ODEFPA : Observatoire national des droits de la femme et de la
parit
OMD : Objectif du millnaire pour le dveloppement ONG :
Organisation non gouvernementale
ONU: Organisation des Nations unies
OPEP: Organisation des pays exportateurs de ptrole
PADMG: Projet d'appui au dveloppement du microcrdit au Gabon
PNUD : Programme des Nations unies pour le dveloppement
RGPH : Recensement gnral de la population et de l'habitat
RNDHG : Rapport national sur le dveloppement humain au Gabon
SEWA : Self Employed Women's Association
TBE : Tableau de bord de l'conomie
UEMOA: Union conomique et montaire ouest africaine
WAD: Women and Development
Will: Women in Development
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RSUM
Ce mmoire de recherche est une tude descriptive dont le but est
d'valuer comment l'accs au microcrdit permet aux femmes de
Tchibanga bnficiaires du Programme d'appui au dveloppement du
microcrdit au Gabon (PADMG) d'amliorer leurs conditions de vie.
Notre dmarche tente de rpondre la question suivante: comment se
dveloppe la microfinance au Gabon, et quel est son rle dans la
promotion de la condition des femmes, en particulier les
bnficiaires du PADMG? Dans cette optique, nous dressons un portrait
de la microfinance au Gabon et prsentons des lments cls du contexte
conomique, social et politique. partir d'une analyse du concept
d'empowerment, ainsi que d'une recherche terrain qui a permis de
recueillir des donnes qualitatives, notamment grce aux entrevues
menes dans la ville de Tchibanga, cette tude est parvenue mieux
cerner l'impact du projet sur les femmes.
Certains lments socio-conomiques sont prsents dans le but de
mieux comprendre le contexte local, particulirement la dynamique
entrepreneuriale des Gabonaises. Il est galement mis en vidence,
l'mergence et la structuration rcentes du secteur de la
microfinance. Les diffrentes mutations de la socit gabonaise,
introduisent des comportements nouveaux chez les populations et
entranent un essor de l' entrepreneuriat fminin.
partir d'une analyse des principaux tablissements de
microfinance (EMF) et de la situation des bnficiaires du PADMG, ce
travail fait ressortir deux principaux rsultats. Les initiatives de
microfinance menes au Gabon, ne permettent pas encore d'assurer la
couverture du territoire en matire de services financiers
dcentraliss. Ensuite, les bnficiaires de Tchibanga parviennent
entreprendre des activits rmunratrices, sur lesquelles plane un
risque de saturation notamment cause de l'troitesse du march, la
concurrence et des difficults d'coulement vers d'autres centres
urbains. Ainsi, les possibilits de rentabilit long terme et de
prennit s'en trouvent compromises.
Mots-cls: Microfinance, microcrdit, Gabon femmes,
empowerment
-
INTRODUCTION
L'engouement international pour la microfinance se traduit par
une expansion
sans prcdent de ses activits, au point que certains auteurs la
qualifient de
rvolution de la microfinance (Robinson, 2001). En effet, elle
permet aux populations exclues du systme bancaire traditionnel,
d'avoir accs des services financiers dont elles sont prives par
manque de garantie, ou parce qu'ils ne sont pas
adapts leurs besoins (Yunus, 1997 ; Khandker, 1998; SaIT ,1998;
Nowak, 2005).
L'accroissement des ingalits dans le monde reprsente un dfi
majeur pour les institutions internationales ainsi que les acteurs
du dveloppement, car les ingalits
entravent la participation effective des populations locales au
dveloppement de
leurs pays (ONU, 2007 :34) , plus prcisment celle des femmes,
dont la situation est particulirement proccupante, parce qu'elles
sont victimes des ingalits de
genre et majoritairement prives de l'accs au capital ainsi que
des ressources productives (Yunus, 1997; Khandker,1998 ;Rahman,
1999; SaIT, 1998 ; Kabeer (b), 2005). Les femmes sont plus
vulnrables face la pauvret, laquelle se manifeste avec plus d'acuit
dans leur vie, car non seulement elles ne bnficient pas des
mmes droits que les hommes, mais en plus elles en prennent
conscience plus
difficilement (notamment cause de la hirarchisation de la socit
et du carcan culturel) et prouvent des difficults les faire valoir
(Gurin (c), 2002). Leur situation est d'autant plus difficile que
la pauvret qu'elles affrontent rsulte de
phnomnes conomiques, politiques et sociaux interagissant, et
souvent se
renforant les uns les autres, aggravant ainsi le dnuement
(Banque mondiale, 2008 :1).
La mise l'agenda des questions lies la problmatique de la
pauvret se
traduit par l'adoption, en 2000, par les pays membres de l'ONU
de l'objectif 3 visant promouvoir l'galit des sexes et
l'autonomisation des femmes, parmi les
-
2
Objectifs du Millnaire pour le dveloppement (OMD) (PNUD, 2005).
Le microcrdit est prsent comme un outil efficace pouvant contribuer
l'atteinte de
cet objectif et les projets de microfinance destins aux femmes
se sont multiplis.
Le succs de la Grameen Bank', au Bangladesh, a rvl la fiabilit
de la moiti
de la population jusque l peu considre ou encore ignore par les
banques: les femmes (Yunus, 1997 ; Khandker, 1998 ; Gilbert, 2008).
En effet, les emprunteuses de cette banque sont parvenues financer
leurs activits, et ainsi amliorer leurs
conditions de vie, ainsi que celles de leurs familles (Kabeer
(a), 2005). Observant le comportement des femmes bnficiaires de
microcrdits et la transformation qui
s'oprait dans leur vie, Muhammad Yunus (1997) affirma que le
crdit lorsqu'il passait par les femmes, amenait plus rapidement des
changements que lorsqu'il
passait par les hommes (Yunus, 1997 :114). En outre, les taux de
remboursement levs emegistrs auprs de la clientle fminine ont
dmontr sa rentabilit (Yunus, 1997; Nowak, 2005 Gilbert, 2008).
Cette exprience de microfinancement des femmes, porteuse d'un
changement dans les rapports sociaux, a trouv cho auprs
des diffrents acteurs de dveloppement et explique leur
engouement promouvoir
l'accs des femmes aux microcrdits.
Il existe des disparits dans le dveloppement de la microfinance
au sein de la
Communaut des tats de l'Afrique centrale. Certains pays,
notamment le Gabon, ont connu une mergence tardive de ce secteur
(Banque de France, 2003). Toutefois, au regard des changements
conomiques et des mutations sociales qui sont survenus
dans ce pays, le contexte actuel est favorable au dveloppement
des activits de
La Grameen Bank est une institution fonde au Bangladesh par
Muhammad Yunus, rcipiendaire du Prix Nobel de la Paix en 2006. Ses
premires activits ont dbut en 1976 dans le village de Jobra, et
elle a dvelopp une approche innovatrice car elle est la premire
institution avoir instaur un systme de prts bancaires destin aux
pauvres, et particulirement les femmes (Yunus, J997 ; Gilbert,
2008)
1
-
3
microfinance, particulirement l'gard des femmes. Dans cette
optique, le
Ministre de la famille, de la promotion de la femme et de la
protection de l'enfance
(MFPFPE) en partenariat avec le Programme des nations unies pour
le dveloppement (PNUD), a initi le Programme d'appui au
dveloppement du microcrdit au Gabon (PADMG), dont la premire phase
a t lance en 2005 dans la province de la Nyanga.
Il apparat donc judicieux de s'intresser l'mergence de la
microfinance au Gabon, prcisment pour les femmes gabonaises. Ce
mmoire de type descriptif
poursuit un double objectif: tablir un portrait de la
microfinance au Gabon et analyser de faon spcifique l'impact du
projet de microcrdit destin aux femmes de la ville de Tchibanga. La
question qui le sous-tend est la suivante: comment se
dveloppe la microfinance au Gabon, et quel est son rle dans la
promotion de la
condition des femmes, en particulier les bnficiaires du
PADMG?
La pertinence de ce travail rside dans le fait que les travaux
portant sur l'accs
des femmes au microcrdit sont nombreux (Gurin, 2002 (b) ; Mayoux
1998,2000 ; Kabeer(a), 2005). Cependant, compte tenu du
dveloppement rcent de la microfinance au Gabon, peu de recherches
sont disponibles pour y illustrer l'impact
du microcrdit. Il nous est apparu ncessaire de procder une
recherche sur les
activits de microfinance, plus spcifiquement sur la contribution
du microcrdit au
financement d'activits gnratrices de revenus pour les femmes
gabonaises. Par
ailleurs, le foisonnement de programmes de promotion de la
condition fminine,
parmi lesquels s'insre le PADMG, est un lment propice l'analyse
du rle de
transformation du microcrdit dans la vie des femmes
gabonaises.
Notre travail est divis en trois parties. Dans le premier
chapitre nous
prsenterons: les outils conceptuels et les lments thoriques qui
permettront
-
4
d'analyser les informations recueillies. Cette partie traitera
entre autres du concept de
l'empowermenr et dfinira les principaux termes qui seront
utiliss dans ce travail.
Enfin. elle explorera la situation des femmes gabonaises.
Le deuxime chapitre prcise le contexte de la recherche, il
dresse un portrait
conomique et social du Gabon, puis dcrit le processus d'volution
du secteur de la
microfinance, et en identifie les principaux acteurs.
Le troisime chapitre dcrira plus spcifiquement le PADMG et
prsentera les
rsultats de notre enqute terrain. Il s'attellera aussi valuer
l'impact de l'accs des
femmes de Tchibanga au microcrdit et mesurer le niveau
d'empowerment atteint. L'analyse de la situation mnera ainsi la
conclusion de ce mmoire.
2 Il existe plusieurs traductions en franais de ce terme
anglais, mais nous avons prfr l'utiliser dans sa version anglaise.
Nous le dfinissons au chapitre 1.
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- CHAPITRE 1 CADRE CONCEPTUEL, LMENTS MTHODOLOGIQUES
ET FEMMES DANS LA SOCIT GABONAISE
Cette section prsente le cadre d'analyse adopt pour rpondre
notre question
de recherche. La dfinition des concepts cls est essentielle afin
de mettre en
vidence la comprhension que nous en avons et la signification
qu'ils prennent dans
notre travail. Ensuite, la mthodologie, le choix des techniques
et outils de recherche
sont prsents. Enfin, nous dressons un tat des lieux de la
situation des femmes dans
la socit gabonaise.
1.1- Le cadre d'analyse
La principale caractristique des nombreux projets de microcrdit
financs par les acteurs internationaux et locaux de dveloppement,
est qu'ils ciblent majoritairement la clientle fminine (Mayoux,
2000; Falquet (c), 2003;Kabeer, 2005; Leblanc Dominguez, 2005). Il
s'agit d'une tendance qui entre dans l'approche genre et
dveloppement et a pour but de renforcer le pouvoir et l'autonomie
des femmes en les
amenant tre plus indpendantes.
Le cadre d'analyse utilis dans ce mmoire a t dvelopp par Linda
Mayoux
(1998), dans son article intitul L'empowerment des femmes contre
la viabilit? Vers un nouveau paradigme dans les programmes de
micro-crdit. L'auteure y fait
ressortir les trois paradigmes sous-jacents la microfinance, il
s'agit: du paradigme de la viabilit financire (jinancial
self-sustainability), de la rduction de la pauvret (poverty
alleviation) et de l'empowerment des femmes (jeminist empowerment).
Chacun d'eux correspond une dfinition distincte de l'empowerment,
et Linda
Mayoux prsente les changements qui s'oprent dans la vie des
femmes, au niveau
-
6
conomique, individuel, social et politique. Dans la pratique, un
cercle vertueux peut
se mettre en place en agissant sur les diffrents volets en mme
temps, dans la
mesure o les trois approches sont fortement lies entre
elles.
Nous prsentons ICI un tableau synthtisant les caractristiques
des trois
paradigmes:
Tableau 1 - Les trois paradigmes dominants en microfinance
Paradigmes
Objectifs
Caractristiques
Motifs du choix des femmes comme groupe cible Viabilit
Dfinition de l'empowerment
Viabilit financire
-Mettre en place des programmes de microfinance viables -
Amliorer l'accs aux services de microcrdit pour un grand nombre de
dmunis. Prpondrant actuellement dans la plupart des agences
donatrices, sousjacent dans les modles de micro-finance dfendus
dans les publications d'USAID et de CGAP.
Les considrations d'efficacit grce au haut taux de remboursement
des femmes. La viabilit financire du programme.
Empowerment conomique, plus grandes possibilits de choix
individuel et plus grande capacit.
Rduction de la pauvret
La microfinance comme partie d'un programme intgr de lutte
contre la pauvret et la vulnrabilit et pour l'amlioration du
bien-tre pour les fo-Vers les plus pauvres Programmes intgrs de
lutte contre la pauvret par le dveloppement communautaire.
Le taux de pauvret est plus grand parmi les femmes, et celles-ci
sont responsables du bien-tre du foyer. La mise en place
d'institutions participatives au niveau local, dans un but
d'autonomie communautaire long terme et d'autodtermination pour les
dmunis
Bien-tre accru, dveloppement communautaire et autonomie
(financire)
Empowerment des femmes
-Utiliser le micro-crdit comme point de dpart pour l'
empowerment conomique
Prend naissance dans le mouvement international des femmes (Sen
& Grown, 1988) et est sous-jacent dans les politiques de genre
de nombreuses ONG. Ce paradigme n'a pas t impos par le Nord. Il
caractrise les premiers programmes de micro-crdit dans le Sud, en
particulier SEWA en Inde. La recherche de l'galit entre hommes et
femmes, et les droits de l'homme.
Le dveloppement d'organisations participatives et indpendantes
de femmes, en relation avec un mouvement plus large des lemmes,
dans le but d'une transformation des relations entre les genres. La
transformation des relations de pouvoir dans toute la socit.
Source: Tableau constitu partir du texte de Linda Mayoux( 1998)
: L'empowerrnent des femmes contre la viabilit? Vers un nouveau
paradigme dans les programmes de micro-crdit.
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7
Nous avons choisi d'utiliser le paradigme de la rduction de la
pauvret comme
cadre d'analyse parce qu'il justifie le recours au microcrdit
comme tant un moyen de lutter contre la pauvret fminine et
d'engendrer des amliorations au niveau du
bien-tre familial (Mayoux, 1999; Kabeer (b), 2005). Les femmes
tant majoritairement victimes de la pauvret, elles ont besoin
d'accder aux ressources financires dont elles sont prives (Yunus,
1997; Mayoux, 1998, Rahman, 1999). Ainsi, by providing access to
financing for income-generating activities,
microfinance institutions can significantly reduce women's
vulnerability to poverty
(Cheston et Kuhn, 2002 dans Leblanc Dominguez, 2005:22). Le
projet de microcrdit destin aux femmes de Tchibanga, s'inscrit dans
une
optique de lutte contre la pauvret, ce qui explique le choix du
deuxime paradigme
de Mayoux (1998). Les femmes sont identifies comme groupe cible
car en leur donnant un accs plus large au microcrdit cela entraine
des effets importants au
niveau cognitif, au sein du foyer et de la communaut (Yunus,
1997; Mayoux, 2000;Gurin (c), 2002, Kabeer (b), 2005). Le cadre
d'analyse propos par le paradigme de rduction de la pauvret est
donc pertinent en ce qui concerne le sujet tudi.
Toutefois, l'auteure mentionne que le paradigme de la rduction
de la pauvret et
celui de l'empowerment des femmes sont complmentaires. En effet,
selon
l'approche de l'empowerment fministe, l'empowerment est vu comme
un
processus de changement individuel interne (le pouvoir en),
d'augmentation des capacits (le pouvoir de) et la mobilisation
collective des femmes, et des hommes quand c'est possible (le
pouvoir avec), dans le but de remettre en cause et de changer la
subordination lie au genre (le pouvoir sur) (Mayoux, 1998 :76). Il
dpasse le domaine conomique, et s'attaque des enjeux plus
importants, tels que la remise en question des ingalits de genre.
Le microcrdit est donc peru comme un outil
permettant aux femmes de transformer les rapports de pouvoir au
sein de la socit.
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8
Dans l'valuation du niveau d'empowerment atteint par les femmes
bnficiaires
du PADMG, nous utiliserons les lments issus de ce cadre
d'analyse pour
dterminer les changements qui s'oprent dans la vie des
emprunteuses savoir: le
bien-tre accru, le dveloppement communautaire et l'autonomie
financire.
Il est ncessaire de dfinir les concepts cls que nous
utiliserons, afin de les
circonscrire dans le cadre de notre mmoire. Les diffrentes
approches dominantes en
microfinance font rfrence plusieurs notions. Nous prsenterons
entre autres les
concepts suivants: le microcrdit, l' empowerment, le capital
social, et le
renforcement des capacits.
1.1.1 - La microfinance
La microfinance, souvent confondue avec le microcrdit, s'impose
de plus en
plus comme un outil d'inclusion financire des personnes exclues
du systme
bancaire (Robinson 2001 ; Mayoux, 2001 ; Nowak, 2005). En effet,
en septembre 2005, durant l'anne internationale du microcrdit, le
Groupe consultatif d'assistance
aux pauvres (CGAP) dfinissait la microfinance de la faon
suivante:
On entend par microfinance l'offre de services financiers
(microcrdit, micro assurance, etc.) aux populations pauvres,
exclues du systme bancaire, sans ressource ni droit de proprit. Les
gens vivant dans la pauvret, comme tous les autres, ont besoin
d'une gamme diverse d'instruments financiers pour diriger leurs
affaires, stabiliser leur consommation et se protger contre des
risques. Les services financiers dont les pauvres ont besoin
incluent des prts de fonds de roulement, le crdit la consommation,
l'pargne, l'assurance, et des services de transfert d'argent (CGAP
dans Sine, 2008 : p.152)
Une autre dfinition plus large est propose par Gentil (2004) :
La microfinance constitue[ ... ]actuellement un secteur financier
entre le secteur bancaire et le secteur endogne!informel (tontines,
banquiers ambulants, prts personnels taux nul ou
usuraires,gardes-monnaie,[ ... ]11 assure des services financiers
de proximit, crdit, pargne et un peu d'assurance pour les exclus du
systme bancaire[ ... ]Les montants du crdit sont le plus souvent de
faibles montants (entre 50 et 100 dollars) et ils sont destins
principalement des populations pauvres (Gentil, 2002, dans Leblanc
Dominguez, 2005 :15).
-
9
On entend aussi par microfinance un ensemble trs diversifi de
dispositifs
offrant des capacits d'pargne, de prt ou d'assurance de larges
fractions des
populations rurales, mais aussi urbaines, n'ayant pas accs aux
services financiers des
tablissements soumis des contraintes de rentabilit immdiates et
certains ratios
prudentiels (Servet et Gentil :2002). Cette offre de services
financiers (crdit, pargne, assurances, etc.) est ainsi accessibles
aux exclus, prcisment les femmes, travers les institutions de
microfinance (IMF).
La dfinition d'Hofmann et Marius-Gnanou (2003 :5) est celle que
nous retenons dans le cadre de notre travail. Selon ces auteurs, la
microfinance dsigne: l'octroi
de services financiers (gnralement du crdit et/ou de l'pargne),
des personnes dveloppant une activit productive, le plus souvent de
l'artisanat ou du commerce,
et n'ayant pas accs aux institutions financires commerciales en
raison de leur profil
socio-conomique .
L'engouement suscit par la microfinance et les performances
sociales qui lui
sont attribues rsident dans le fait qu'elle comporte un idal
d'inclusion financire
des populations les plus pauvres (Roy, 2006; Jgourel, 2008).
Selon Servet (2006 :225) trois critres caractrisent le secteur de
la microfinance: le faible montant des oprations, la proximit non
seulement spatiale, mais aussi mentale et
sociale entre l'organisation et sa population cible, et la
pauvret suppose des
client(e)s ou l'exclusion qu'elles ou ils subissent. Il ne
s'agit pas d'un mouvement local, mais bien international, dans la
mesure o
la microfinance connat un vritable essor et est considre par les
gouvernements,
les bailleurs de fonds ainsi que les ONG, comme un des leviers
importants de lutte
contre la pauvret (Mayoux, 2001 ; Gentil et Servet, 2005).
Aussi, dans les pays en dveloppement, les structures de
microfinance sont devenues de plus en plus
attrayantes par leur proximit, et leur flexibilit. Il ressort
que ce secteur al' avantage
-
10
d'largir le champ de possibilits offertes aux populations car
d'un point de vue
conomique et financier, la microfinance permet de desserrer une
contrainte
fondamentale: l'absence de services financiers de qualit pour la
majorit des populations, a priori considre comme dnue de projet
rentable par les banques (Gentil et Servet, 2002 : 759).
1.1.2 - Le microcrdit
Le microcrdit est l'outil de microfinance le plus rpandu mais
aussi le plus
populaire, car il rpond aux besoins des populations, en
ressources financires. Il a
pris son essor dans les annes 70 sous la houlette de Muhammad
Yunus, un
conomiste bangladais, qui cra la Grameen Bank, en 1983, dans le
but de rpondre
aux besoins en ressources financires des populations locales, et
particulirement des
femmes bangladaises. Son initiative a commenc par le prt d'une
sonune d'environ
27$ de l'argent des personnes a priori insolvables selon les
banques. Le taux de remboursement fut de 100% et cette exprience
rvlatrice des capacits
entrepreneuriales des femmes, mais aussi de leur fiabilit, est
devenue une source
d'inspiration ainsi que le symbole d'un succs qui suscite un
engouement
international pour le microcrdit. Les expriences de
microfinancement se multiplient
travers le monde, et elles ont en commun de cibler de la
clientle fminine dont il
s'agit gnralement d'un premier accs au crdit productif (Gurin et
Palier, 2007 :28), pouvant amliorer leurs revenus et leur
productivit (Khandker, 1998). Considrant les nombreuses russites
enregistres, plusieurs le voient comme la
solution pour radiquer la pauvret; au point que Kabeer (a) (2005
:1) ait utilis l'expression magic bullet (balle magique).
Le microcrdit dsigne une somme d'argent, dont le montant est
variable, prte
de faon individuelle ou collective pour le dmmTage ou
l'expansion d'activits
gnratrices de revenus. Les femmes investissent gnralement cet
emprunt dans le
-
11
dveloppement d'activits artisanales, agricoles ou commerciales.
Elles sont
devenues les clientes privilgies des IMF, premirement cause de
l'exclusion
bancaire dont elles sont couramment victimes, ensuite cause de
la pauvret qui les
frappe de faon plus accrue, et enfin parce qu'elles se sont
rvles tre fiables dans
le remboursement de leurs emprunts (Yunus, 1997 ; Mayoux, 1998
;Kabeer, 2005). Au-del du simple prt d'un montant d'argent, dans
notre mmoire, nous
abordons le microcrdit comme une assistance financire et
technique permettant le
renforcement des capacits des femmes, en leur procurant les
outils ncessaires pour
mettre en valeur leur capital humain (Mayoux, 2001) de mme que
leur potentiel entrepreneurial.
Le microcrdit revt une double fonction: conomique et sociale; il
traverse les
barrires culturelles et transforme la hirarchisation de la socit
(Yunus, 1997; Mayoux, 2001 ; Nowak, 2005). Les auteurs (Yunus,
1997; Mayoux, 1999,2001 ; Robinson, 2001 ; Kabeer(a), 2005 ; Gurin,
2005) s'accordent reconnatre que le microcrdit permet: d'augmenter
les revenus des femmes et faciliter leur
indpendance financire, de stabiliser et professionnaliser leurs
activits
entrepreneuriales, d'amliorer leur statut au sein de la famille
et de renforcer l'estime
qu'elles ont d'elles-mmes.
Le microcrdit s'octroie gnralement par diffrentes institutions
pouvant tre
classes selon trois grands types:
-Les caisses locales et rseaux d'pargne et de crdit (Pamecas au
Sngal, Nyesigiso et Kafo Jiginew au Mali, CAMCCUL au Cameroun... );
-Les banques de microfinance (Grameen Bank au Bangladesh, Bancosol
en Bolivie ... ); -Les Ong, les fondations et autres
organisations.
-
12
Gurin (2002) (a) propose deux catgories de microcrdit:
individuel et collectif:
Le crdit individuel
Il est accord une personne faible revenu, ou un entrepreneur
disposant dj d'une entreprise. L'emprunteur est le seul responsable
du remboursement du prt
contract. En y accdant il peut crer une microentreprise,
agrandir une entreprise dj existante ou augmenter le volume de ses
affaires. Le crdit individuel est gnralement accord des personnes
qui n'ont pas d'pargne et ne prsentent pas de
garanties suffisantes pour que les banques classiques leur
accordent un prt.
Le crdit collectif
Contrairement au crdit individuel, le crdit collectif est accord
un groupe de
personnes qui font office de caution solidaire. Cette formule
consiste octroyer un
microcrdit, non pas individuellement chaque demandeur, mais un
groupe dont
les membres sont solidairement responsables du remboursement du
prt par
l'ensemble du groupe (Gurin, 2003). Le crdit collectif s'adresse
des groupes, d'environ cinq personnes et plus, dont les membres se
portent mutuellement garants
du crdit contract. En cas de dfaut de paiement de l'un des
membres, les autres
membres doivent endosser la responsabilit du remboursement. Cet
engagement
collectif fait office de garantie ou encore de caution solidaire
(Yunus, 1998; Gurin, 2003). l'inverse du crdit individuel, le crdit
collectif prsente davantage de garanties car le groupe reprsente
une pression sociale sur chacun de ses membres.
De nombreux groupes de femmes se sont forms dans plusieurs pays
pour bnficier
de cette forme de crdit.
-
13
1.1.3 - Le genre
Le genre est un concept fondamental pouvant tre dfini comme la
construction
sociale et culturelle de la catgorie masculin et fminin par
comparaison au sexe qui
ne comprend que les aspects physiologiques diffrenciant les
hommes des femmes
(Dagenais et Pich, 1994 ; Falquet, 2003). Il est plus global car
il tient compte de la construction identitaire et des rles sociaux,
plutt qu'aux simples questions
biologiques (Bisiliat et Verschuur, 2000, Kabeer, 2003). Sa
comprhension permet d'identifier les aspects socioculturels qui
engendrent des ingalits dans les relations
de pouvoir et bloquent la participation effective des femmes au
dveloppement.
1.1.4 - L'empowerment
L'utilisation du concept d'empowerment a commenc dans les pays
du Sud,
prcisment en Inde, au sein du rseau DAWN3 (Bisilliat, 2002 ;
Hofmann et MariusGnanou, 2002) et fait aujourd'hui l'objet de
nombreux dbats (Mayoux, 1998). Il s'insre dans l'approche genre et
dveloppement4, et est intgr dans un nombre
croissant de programmes crs par les ONG ainsi que les
organisations
internationales.
Depuis la Confrence de Pkin, en 1995, l' empowerment s'est impos
comme
une stratgie cl de dveloppement. La dclaration de Pkin affirmait
dans son
paragraphe 13 que: l'empowerment des femmes et leur pleine
participation dans des
3 Le DAWN est un rseau d' alternatives pour le dveloppement avec
les femmes l'aube d'une re nouvelle cr par un groupe de sociologues
et d'conomistes Bangalore en Inde (Hofmann, 2003: 1)
4 Depuis les annes 70 trois paradigmes dominants ont marqu les
recherches sur le thme des femmes et du dveloppement. Il s'agit des
approches Intgration de la femme au dveloppement (IFD ou WID) ;
femmes et dveloppement (FED ou WAD) ; et genre et dveloppement (GED
ou GAD). Cette dernire vise assurer une rpartition gale des
opportunits, et des ressources travers une intervention de l'tat.
Elle favorise l'implication des femmes dans le dveloppement, ainsi
que leur empowerment.
-
14
conditions d'galit dans toutes les sphres de la socit, incluant
la palticipation aux
processus de dcision et l'accs au pouvoir, sont fondamentaux
pour l'obtention de
l'galit, du dveloppement et de la paix.
L'utilisation de l'empowerment est devenue courante mais aucune
dfinition ne
fait l'unanimit (Mayoux, 1998). La traduction en franais de ce
terme anglais propose plusieurs termes: attribution de pOUVOir
(Bisilliat, 2003), l' autonomisation ou l' mancipation, lesquels ne
sont pas assez clairs (Hofmann et Marius-Gnanou, 2007), ni complets
pour reprsenter les changements entrans par l'empowerment .Ce
concept qui fait l'objet de dbats regroupe un vaste ventail
d'idologies et de disciplines qui en font une notion difficile
cerner (Leblanc Dominguez, 2005 : 33). Il s'agit d'un concept
central dans l'tude du microcrdit et des femmes, dans la mesure o
il est utilis comme un indicateur pour valuer les
transformations qui s'oprent dans leur vie, suite leur accs
cette ressource
financire.
Isabelle Gurin (2007 :28) dfinit l' empowerment comme tant le
processus d'accs plus de pouvoir, la notion de pouvoir tant
entendue au sens large
conomique, social et politique. Dans ce mmoire, nous utiliserons
donc
l'empowerment selon la dfinition suivante: le processus par
lequel les personnes
prives de ressources accdent plus de pouvoir de dcision et
d'action dans leur vie.
Il se caractrise par un contrle des ressources matrielles et non
matrielles.
Les auteurs s'accordent reconnatre que l'une des caractristiques
essentielles
de l' empowerment est l'appropriation du pouvoir de dcision par
les femmes
bnficiaires de microcrdit (Mayoux, 1998 ; Kabeer, 2005).
-
15
Les niveaux d'empowerment
En analysant les programmes et la littrature sur la
microfinance, nous constatons
qu'il n'existe pas d'unanimit au sujet de la nature de
l'empowerment vis. Linda Mayoux (1998) en distingue trois niveaux:
-L' empowerment conomique individuel : on suppose que faciliter
l'accs des
femmes aux programmes de microcrdit financirement viables leur
permettra
d'augmenter leur revenu et d'accrotre leur contrle sur le revenu
et les ressources
impliques;
-L'empowerment par l'amlioration du bien-tre : l'accs plus large
la
microfinance permettrait aux femmes d'augmenter le bien-tre de
leur foyer et par la
suite d'amliorer leur statut au sein du mnage et de la
communaut. C'est pourquoi
on postule que l'empowerment des femmes et la rduction de la
pauvret se
renforcent mutuellement et ncessairement;
-L'empowerment social et politique implique la capacit de
changer et de remettre en
cause la soumission des femmes. Cette dimension d'empowerment va
au-del de
l'essor conomique et de l'amlioration du bien-tre.
1.1.5 - Le secteur informel
La notion de secteur informel a t employe pour la premire fois
en 1971, dans
une tude de Keith Hart sur le Ghana. Elle fut reprise par le
Bureau international du
travail (BIT) dans un rapport, publi en 1972, sur la situation
de l'emploi urbain au Kenya. Le secteur informel ou l'conomie
informelle est li au dveloppement
spontan de petits mtiers urbains, d' activits des travailleurs
pauvres qui exercent
un travail pnible mais dont les activits n'taient ni reconnues,
ni enregistres, ni
protges, ni rglementes par les pouvoirs publics (OIT, 2004 :1).
Le terme secteur informel, voluera trs vite, dsignant des activits
htrognes, parmi lesquelles
apparaissent des stratgies collectives qui ont permis de crer
des groupes (SELF
-
16
Help's group, en Inde), des associations, telles que les
Associations rotatives d'pargne et de crdit (ARECi au Cameroun et
au Sngal (Lelart, 1990), ainsi que des coopratives, des mutuelles
et des rseaux d'entraide, encore appels tontines. La
finance informelle (les prts usuraires, les tontines ...) est
une rponse l'inadquation des systmes financiers formels et occupe
aujourd'hui une grande place dans les pays en dveloppement, et est
organise en dehors de toute
rglementation et de tout contrle (Lautier, 2006). Les femmes
sont trs impliques dans ce secteur (Rondeau, 1995), mais
l'absence
de chiffres sur l'conomie informelle ne permet pas d'en mesurer
l'implication.
Gurin (a) (2002) fait d'ailleurs remarquer la souplesse des
modes de financement informels.
1.1.6 - Les tontines
La forme la plus courante de la finance informelle est
l'association rotative
d'pargne et de crdit (AREC), plus souvent dsigne par
l'expression tontine. Il s'agit d' une association de personnes
qui, unies par des liens familiaux, d'amitis,
de profession, de clan ou de religion, se retrouvent des priodes
d'intervalle plus ou
moins variables afin de mettre en commun leur pargne en vue de
la rsolution des
problmes particuliers ou collectifs (Bouman dans Yanga Ngary,
2008 :87).
Trs dveloppes dans les pays africains, surtout en Afrique de
l'ouest (SaIT, 1998) et au Cameroun (Mayoux, 2000), les tontines
sont une pratique informelle d'pargne et de crdit formes par des
regroupements de femmes qui s'engagent de
manire rotative, verser une somme prdtermine une frquence donne.
Le
phnomne tontinier est en pleine expansion au Gabon,
particulirement chez les
femmes. Chaque membre touche son tour, les dividendes du capital
investi et la
5 Associations rotatives d'pargne et de crdit (AREC, ou ROSCAs
en anglais).
-
17
tontine prend fin lorsque chacune des participantes a peru sa
part. Il existe des
tontines pour tous les montants d'argent et fonctionnant
hebdomadairement,
mensuellement ou selon la priode fixe par ses membres.
Par ailleurs, ces tractations sont bases sur la confiance et les
rseaux informels
qui sont par ailleurs trs bien organiss et structurs dans les
milieux locaux
(Provost, 2006 :91). D'une manire gnrale, il s'agit d'un
financement utilis pour faire face aux dpenses courantes
(alimentation, habillement), pour subvenir aux dpenses sociales
(mariages, enterrement, baptmes ... ) (Sarr, 1998), ou pour
s'assurer le capital ncessaire au dmarrage d'une activit
rmunratrice (Yanga Ngary, 2008). Au Gabon, les deux formes de
tontines principalement utilises sont la tontine commerciale et la
tontine mutuelle, cette dernire tant le modle auquel les
populations adhrent majoritairement (Mezui Me Sima, 1997).
La discipline et les eXigences de ce mode d'accumulation, est
aussi un bon
prtexte pour chapper aux sollicitations familiales, dans le
mesure o une femme
engage dans une tontine, peut invoquer ce motif pour ne pas
rpondre aux demandes
financires. Cependant, la tontine reste un intermdiaire
financier imparfait dont le
caractre informel n'en permet pas une tude exhaustive
(Mbouombouo Ndam: 27). Il est donc difficile de dterminer les
montants qui transitent par ces rseaux d'pargne et de crdit.
1.1.7 - Le capital social
Le capital social fait rfrence la structure des relations entre
les personnes
issues d'un ou de plusieurs groupes d'organisation sociale, tels
que les rseaux ou
encore les associations (Ndeye, 2001). L'existence du capital
social dans la forme de rseaux informels ou de normes associatives
est perue comme un substitut des
garanties financires au moment de la slection des bnficiaires,
du dboursement et
-
18
du recouvrement des prts (Mayoux, 2001 :438). Dans le secteur de
la microfinance, les tenants des courants institutionnalistes et
welfaristes, reconnaissent
le rle du capital social dans la constitution du capital
financier, mais surtout en tant
que garantie de remboursement des emprunts. Il est prsent comme
un moyen de
mutualiser les risques, de renforcer les liens entre les
individus, mais surtout de
garantir une pression intragroupe, peer pressure, laquelle
favorise le remboursement
d'un prt octroy l'un des membres (Yunus, 1997; Mayoux 2001;
Kabeer (b), 2005). Ainsi les membres partagent l'obligation du
remboursement des emprunts, de sorte que le capital social se
substitue la richesse en tant que garantie (Banque mondiale, 2008 :
172).
Toutefois, il y a des dbats sur les inconvnients potentiels du
capital social et
trois dimensions principales en ressortent:
-Les rseaux sociaux bass sur la connaissance ou la rputation de
leurs membres
risquent d'exclure de nouvelles personnes;
-Les traditions peuvent tre des facteurs d'touffement de la
croissance individuelle
et la pression de la communaut peut entrainer des problmes aux
personnes qui
n'observent pas les rgles de fonctionnement;
-Les communauts, ethniques ou religieuses, au sein desquelles le
capital social est
important peuvent tre nuisibles la socit.
1.1.8 - Le renforcement des capacits
Le soutien apport aux emprunteurs est trs important dans la
mesure o il
favorise le renforcement des capacits humaines, le renforcement
des capacits
organisationnelles collectives, et finalement, le renforcement
des capacits
conomiques. Les populations seront ensuite mieux disposes
prendre part activement leur dveloppement (Roy, 2006 :125). Les
dfinitions de la notion de renforcement des capacits diffrent selon
les organisations. Selon le Rseau sur la
-
19
Gouvernance du CAD-OCDE, le renforcement des capacits a trait
aux processus par
lesquels les individus, les organisations et la collectivit dans
son ensemble librent,
crent, renforcent, adaptent et prservent les capacits au fil des
ans. Le soutien au
renforcement des capacits recouvre trois dimensions : les
capacits humaines, les
capacits organisationnelles et les capacits institutionnelles en
gnral.
Danny Roy (2006) souligne le caractre multidimensionnel des
institutions de microfinance (lMF), et leur rle dans le
renforcement des capacits des femmes. travers les programmes labors
pour la clientle fminine, certains IMF et projets de microcrdit,
l'instar du Projet d'appui au dveloppement du microcrdit au Gabon
(PADMG), visent favoriser une approche pmticipative des femmes au
dveloppement, de mme qu'un renforcement de leurs comptences. Le
terme
capacits est utilis pour dsigner les comptences et les
ressources, pouvant tre
individuelles ou organisationnelles (alphabtisation, formation,
ressources financires, etc.) (Djerareou, 2006).
La dfinition que nous retenons du renforcement des capacits est
celle qu'en
donne Ian Smillie (dans Ndeye, 2001), c'est--dire le processus
par lequel une organisation ou un individu parvient amliorer sa
performance dans la gestion de
ses ressources et mieux exploiter son potentiel. Dans cette
optique au-del du
simple prt d'un montant d'argent, dans notre mmoire, nous
abordons le microcrdit
comme une assistance financire et technique permettant le
renforcement des
capacits des femmes, en leur procurant les outils ncessaires
pour mettre en valeur
leur capital humain ainsi que leur potentiel
entrepreneurial.
-
20
1.2 - Le choix de l'tude de cas
Notre recherche est base sur l'tude du projet pilote du
Programme d'appui au dveloppement du Microcrdit au Gabon (PADMG),
ayant pour cadre la province de la Nyanga, et prcisment le cas des
femmes bnficiaires de microcrdits dans la
ville de Tchibanga. L'utilisation de l'tude de cas se justifie
parce qu'elle permet de se pencher sur une unit particulire. En
outre, Gauthier (2002: 160) la dfinit comme tant une approche
mthodologique qui consiste tudier une personne,
une communaut, une organisation ou une socit individuelle .
Ce choix nous apparat plus pertinent, dans la mesure o il
favorise l'tude de
l'accs des femmes gabonaises au microcrdit, dans le cadre d'une
initiative majeure mene dans un pays o la microfinance est encore
peu dveloppe. De plus, compte
tenu de la raret des donnes ce sujet il est apparu ncessaire de
procder une tude terrain.
1.3 - La mthodologie de recherche
La dmarche mthodologique laquelle nous avons eu recours s'est
faite en utilisant trois techniques: la recherche documentaire,
l'entrevue semi-dirige et
l'observation. Ce mmoire comporte un volet analytique qui
devrait nous permettre
de rpondre notre question de recherche.
1.3.1 - La recherche documentaire
La premire tape a t de procder une recherche documentaire, grce
laquelle nous avons rassembl des informations sur le secteur de la
microfinance et
prcisment le lien entre les femmes et le microcrdit. Les sources
utilises sont
essentiellement des monographies, des articles scientifiques et
des rapports
-
21
institutionnels. Elles comprennent certains textes
incontournables de la littrature sur
le microcrdit et l'empowerment, notamment ceux portant sur la
Grameen Bank.
Compte tenu de l'closion rcente de la microfinance au Gabon,
la
documentation spcifique ce secteur est essentiellement constitue
de rapports
d'activits produits par les tablissements de microfinance (EMF),
ou par les diffrentes structures de promotion de ce secteur. Il est
ncessaire de souligner que
l'obtention de certains documents a t difficile et cette
situation confirme les propos
de Jean-Ferdinand Mbah (2000 :123): le problme de la
documentation au Gabon constitue, sur ce plan, un rel handicap
autant qu'une difficult pour le chercheur.
Nanmoins, nous devons nuancer cette affirmation en soulignant la
collaboration,
apprcie, de plusieurs acteurs du secteur de la microfinance,
lesquels ont mis notre
disposition les documents dont ils disposaient au moment de
notre sjour au Gabon.
L'information disponible sur la microfinance dans ce pays tant
majoritairement quantitative, il tait plus appropri d'utiliser des
mthodes qualitatives pour recueillir
des informations. Dans cette optique nous avons effectu une
enqute-terrain qui
s'est droule en deux tapes, la premire tant caractrise par un
stage effectu, en
2008 au Gabon, au sein de la Cellule nationale de promotion de
la microfinance
(CNPM). Nous avons ainsi pu accder des donnes internes du
Ministre de l'conomie et des finances, et avons rencontr diffrents
acteurs de la microfinance.
Par la suite nous avons entrepris un sjour Tchibanga afin de
complter nos recherches, en rencontrant les emprunteuses de
microcrdit.
1.3.2 - Les entrevues
Il s'agit d'un outil direct et efficace dans la collecte
d'informations sur des sujets humains. Les entrevues permettent une
interaction avec les acteurs d'une situation
donne, Elles sont galement un moyen d'obtenir, de complter ou de
clarifier des
donnes. Dans cette optique, nous avons retenu deux styles
d'entrevues: libres et
-
22
semi-diriges. Les premires, faites auprs des professionnels de
la microfinance
nous ont donn l'opportunit de mieux cerner l'volution et la
structuration de ce
secteur. Ensuite, les entretiens mens auprs des femmes
bnficiaires du PADMG
visaient principalement : dterminer les diffrents changements
qui sont survenus
dans leur vie et les difficults auxquel1es elles sont confrontes
dans l'exercice de
leurs activits gnratrices de revenus.
Les entrevues libres font rfrence toutes les rencontres
organises par le
chercheur et dont le contenu n'est pas analys de manire
scientifique. Dans le but
d'obtenir des informations sur l'volution de la microfinance au
Gabon et pour
comprendre les ralits locales dans le secteur, nous avons
sol1icit des rencontres
auprs des principaux acteurs des IMF. Ces rencontres ont t
utiles pour obtenir des
documents ayant servi de SUPPOlt ce travail.
Une autre source importante de renseignements provient des
diverses entrevues
semi-diriges menes dans la ville de Tchibanga auprs des
emprunteuses du
PADMG. En effet, on ne peut plus tudier les transformations
sociales et les
microsystmes sociaux avec un instrument qui mise uniquement sur
la rgularit, la
stabilit et le grand nombre: il faut s'approcher du terrain, se
faire plus inductif et se
laisser imprgner de l'air du temps (Deslauriers ,1991 :5).
L'entrevue a donc t la mthode la plus indique car elle permet
d'avoir un
contact direct et personnel avec les rpondants. Savoie-Zajc
(dans Gautier, 2003 :296) la dfinit comme suit: une interaction
verbale anime de faon souple par le chercheur [...] dans le but
d'aborder, sur un mode qui ressemble celui de la conversation, les
thmes gnraux qu'il souhaite explorer avec le participant la
recherche. Grce cette interaction, une comprhension riche du
phnomne l'tude sera construite conjointement avec [' interview.
-
23
Il tait impratif de se rapprocher de notre sujet d'tude, en nous
rendant la source de l'information. En outre, la dmarche
participative tait approprie pour
comprendre les transformations qui se sont opres chez les
emprunteuses. La
deuxime tape de cette enqute s'est ainsi droule durant notre
sjour Tchibanga, de fvrier mars 2009. l'aide d'un questionnaire
pr-tabli (voir annexe 2) divis en trois thmes: le profil des
bnficiaires, la description des activits et l'usage du
prt, ainsi que l'impact du microcrdit; nous avons procd des
entrevues semi
diriges, d'une dure d'environ 30 minutes chacune, auprs d'une
vingtaine de
femmes. Par la suite nous avons slectionn les donnes fournies
par les bnficiaires
qui ont eu accs au microcrdit lors des deux premires phases de
financement.
Sur le terrain, nous avons ds le dpart d dfinir notre statut de
chercheur et
clarifier les ambigits qui apparaissaient chez certaines femmes,
qui pensaient que
nous faisions partie de l'quipe du PADMG. D'ailleurs lors de
notre premire visite
au grand march de Tchibanga, plusieurs d'entre elles voulaient
tre interroges,
pensant que cette dmarche leur permettrait de bnficier d'un
microcrdit. Ds lors,
nous leur avons expliqu le but de notre prsence et l'orientation
de nos entrevues
vers les bnficiaires et non les postulantes. Toutes nos
rpondantes savaient que
nous venions de l'tranger et manifestrent un certain
enthousiasme rpondre aux
questions, tout en partageant leur histoire de vie.
Les femmes s'exprimaient couramment en franais et nous n'avons
donc pas eu
besoin d'interprte. Il a fallu souligner ds le dbut l'objet de
la recherche et l'importance que revtait leur participation. En
fonction de chaque interlocutrice,
nous devions parfois adapter notre langage et utiliser des
termes pouvant faciliter leur
comprhension, mais aussi favoriser notre change. Cette tape
correspond l'tape d'ouverture que Savoie-Zajc (dans Gautier, 2003 :
307) dcrit comme tant une tentative d'tablir un climat propice pour
stimuler la description riche de
-
24
l'exprience de l'interview. Les entretiens se sont drouls
principalement sur les
lieux d'activits des femmes: le march de la ville, leurs
restaurants, bars et
choppes. Certaines rencontres ont eu lieu leur domicile,
notamment pour celles qui
travaillent la maison. Notre recherche s'est galement porte sur
la structure
organisationnelle du PADMG, son offre de services et les
lments
d' oprationnalisation du projet. De ce fait, nous avons fait de
l'observation directe lors des rencontres entre les responsables du
programme et les femmes. De mme, en
ctoyant les populations locales nous avons t un tmoin privilgi
de leur mode de
vie, ce qui a favoris l'interaction dans le milieu de notre
tude. En vivant au
quotidien Tchibanga, nous avons russi comprendre les ralits
locales et cerner
la dynamique socio-conomique.
Le profil des bnficiaires est vari, mais l'unit d'analyse
retenue est la priode
de l'emprunt. En effet, le PADMG a accord des crdits en trois
phases et nous avons
jug qu'il tait pertinent de retenir les bnficiaires des deux
premires phases, soit 2006 et 2007, dans la mesure o l'impact du
microcrdit paraissait plus valuable
auprs d'elles. Cela se justifie aussi par le fait que les
empnmteuses sont plus susceptibles d'avoir volu dans leurs activits
et d'avoir fini de rembourser leur
crdit.
1.3.3 - L'observation
L'observation aide crOlser et confirmer les informations
recueillies par
d'autres moyens, tout en ajoutant le cas chant quelques dtails
ou de nouvelles questions (Wilde, 1997 :36 dans Leblanc Dominguez,
2005 :150). Il existe deux types d'observation: directe et
participante. La premire est une technique de
perception d'un ensemble de comportements analyser de faon
objective. Tandis que l'observation participante, plus complte,
comprend selon Lapierre (dans Gauthier, 2003) une immersion totale
du chercheur dans le milieu de vie des
-
25
personnes tudies, ou des objets d'analyse, ce qui facilite une
relle apprhension de la ralit.
Il nous a donc paru judicieux d'opter pour l'observation directe
parce qu'elle laisse la place une description objective des sujets
observs. En effet, cette mthode dans l'tude des situations
sociales, a t dveloppe par l'anthropologie pour
dchiffrer la culture et les routines sociales de communauts sur
lesquelles on ne
possdait pas de connaissances systmatiques (Lapierre dans
Gauthier, 2003: 269)>>. Cette perspective pistmologique
entraine une adaptation du chercheur son milieu
d'observation, et lui confre un angle privilgi pour la
description de faits, lieux,
personnes, environnements ...
Notre prsence quasi-quotidienne dans les bureaux du PADMG, et
sur le terrain
avec le responsable local de ce projet a t l'occasion d'en
comprendre le fonctionnement, mais aussi d'tre tmoin des changes
avec les emprunteuses. Les
informations recueillies de mme que les faits relevs tout au
long du processus
d'observation directe ont t consigns dans notre journal de bord.
Ce document comprend l'ensemble de nos donnes, et nous y avons
retrac l'essentiel des
entrevues accordes.
1.3.4 - L'chantillonnage
L'chantillon pour les entrevues semi-diriges a fait l'objet
d'une slection minutieuse, afin de ne conserver que les personnes
reprsentatives de notre tude,
c'est--dire que les caractristiques mmes de la population soient
prsentes dans
l'chantillon ou puissent y tre retrouves moyennant certaines
modifications
(Beaud dans Gauthier, 2003 :221). Il est compos d'un groupe de
23 femmes bnficiaires dont les caractristiques spcifiques sont
qu'elles sont membres d'une
association et bnficient de microcrdit depuis au moins deux ans
(2006-2007). Le
-
26
critre de la date de l'emprunt a t retenu parce que nous devions
analyser les
rsultats provenant de bnficiaires dont l'exprience tait beaucoup
plus pertinente
pour notre tude. La traabilit de ces emprunteuses a parfois t
difficile, dans la
mesure o nous n'arrivions pas rejoindre certaines bnficiaires
correspondant nos critres, principalement parce qu'elles avaient
quitt la ville temporairement ou
indfiniment, mais aussi pour cause de dmnagement. Souvent, les
femmes
susceptibles de connatre d'autres bnficiaires que nous
recherchions, n'taient pas
en mesure de les localiser.
Les femmes sont toutes d'origine gabonaise malS proviennent
d'ethnies
diffrentes. Par ailleurs, leur lieu de rsidence est la ville de
Tchibanga mais certaines
d'entre elles n'en sont pas originaires, et y vivent pour des
raisons professionnelles
ou familiales. Ce sont les femmes elles-mmes qui constituent les
associations en
fonction des critres de leur choix: l'appartenance ethnique, le
type d'activits, leur
lieu de provenance ou encore sur la base d'une adhsion
volontaire. Il est important
de souligner que certaines associations ont t cres sous
l'impulsion du Ministre
de la famille, dans le cadre de la mise en place du PADMG,
tandis que d'autres
existaient avant ce projet.
Nous avons choisi les femmes de Tchibanga, car elles ont bnfici
d'outils de
formation aux activits entrepreneuriales, ainsi que de
microcrdits, mais aussi parce
que pour des raisons logistiques il tait impossible de se rendre
dans les autres villes
de la province. Compte tenu de la multitude de trajectoires
observables, et aussi des diffrences gographiques et sociologiques,
il nous apparat ncessaire de prciser
que cet chantillon n'est pas reprsentatif des femmes issues de
toute la province de
la Nyanga et encore moins du Gabon.
-
27
1.4 - Les femmes dans la socit gabonaise
Les femmes reprsentent 52% de la population gabonaise pour une
population
fminine active s'levant 41,2% (DGSEE, 2001 ; MFPEPF, 2002 :2).
Cette ralit dmographique octroyant aux Gabonaises une place
prpondrante dans la socit,
contraste nanmoins avec leur faible participation dans la prise
de dcisions
publiques. Selon la division traditionnelle de la socit
gabonaise, les femmes grent
les activits domestiques, s'occupent de l'ducation des enfants,
et des activits
productrices (Yanga Ngary, 2008). Cependant, la structure de la
famille se modifie progressivement et l'on assiste une croissance
de la monoparentalit, ainsi qu' un
alourdissement du poids des responsabilits familiales. Le
premier rapport national
de progrs des OMD indique un taux lev de clibat de l'ordre de 45
% (PNUD Gabon, 2006 :43). L'interprtation de ces chiffres montre
qu'il existe de plus en plus de femmes clibataires qui sont chefs
de famille et doivent lever seules leurs
enfants.
Les questions de genre sont des enjeux transversaux, dans la
mesure o elles mettent l'agenda la ncessit d'assurer des
opportunits gales, aux femmes et aux
hommes, en termes de droits et de contrle des ressources. Elles
sont largement
insres dans des politiques nationales et des programmes de
dveloppement. Au
Gabon, l'institutionnalisation de l'approche genr est un
processus qui se traduit
entre autres par l'laboration d'une politique nationale d'galit
et d'quit du genre,
en cours d'laboration par le MFPEPF en partenariat avec le PNUD.
Ce document
servira de guide dans la dfinition des grandes orientations
adopter en matire de
genre et proposera des stratgies sectorielles adaptes. Son
application permettra
aussi d'atteindre l'OMD 3 des Objectifs du Millnaire l'horizon
2015.
6 L'objectif de la politique de genre est de crer un
environnement institutionnel, juridique et socioculturel favorable
l'galit et ['quit de genre est amlior (PNUD Gabon, 2007 : 2).
-
28
L'accs l'ducation
L'ducation est accessible tous sans ingalits de genre, et le
taux
d'alphabtisation des femmes s'lve 66 % (DOSEE, 2001 :3). Selon
une rcente tude dmographique et de la sant ralise avec la
participation du Fonds des
Nations unies pour la population (FNUAP), plus de 31 % de filles
atteignent le niveau suprieur contre 49% de garons (DOSEE, 2001:
19). Ces chiffres indiquent que les filles ne sont pas dfavorises
quant l'accs l'ducation, par contre elles sont plus
vulnrables au dcrochage scolaire. En effet, les statistiques et
les diffrentes tudes
sur ce sujet indiquent que le nombre de filles diminue des
effectifs scolaires mesure que le niveau d'tudes augmente. Cette
dperdition scolaire s'explique par trois
facteurs principaux: la pauvret, le dcrochage scolaire et les
grossesses prcoces.
Les filles, et les adolescentes ont plus de propension arrter
leurs tudes; l'enqute
dmographique sur la sant rvle que plus de 41 % des jeunes filles
sont dj sexuellement actives 17 ans, 52% le sont l'ge de 19 ans
alors que 46% des filles
ont dj eu un enfant cet ge (FNUAP, 2007:6). Dans le but de
prvenir et d'enrayer le flau des grossesses prcoces, plusieurs
activits de sensibilisation sont
organises travers le pays. En outre, pour favoriser le maintien
de la scolarisation
des filles mres 7le ministre de la famille a cr un rseau
national de haltes
garderies, accueillant leurs enfants, afin de leur permettre
d'alterner maternit et
tudes.
En dpit du fait que les Oabonaises sont prsentes dans divers
corps de mtiers
(cadres, ingnieures, pilotes d'avion, chefs d'entreprise,
militaires, dputs ... ), notamment ceux gnralement rservs aux
hommes, l'analyse de l'orientation des
filles dans l'enseignement, montre que celles-ci sont
majoritairement diriges vers les filires d'tudes littraires, au
dtriment des filires scientifiques. Cela contribue
7 Terme gnralement utilis pour dsigner les adolescentes
mres.
-
29
renforcer leur prsence dans des secteurs typiquement fminins
gnralement
faibles revenus.
La pauvret
Les femmes demeurent les plus touches par la pauvret,
principalement chez les
sous-groupes suivants: les jeunes filles-mres, les femmes veuves
et les femmes divorces (PNUD Gabon, 2006), entre autres parce
qu'elles ne bnficient toujours pas un accs privilgi aux diffrentes
ressources. Face la monoparentalit
grandissante, elles doivent assumer des charges importantes,
gnralement en
l'absence d'un filet de scurit sociale. Dans le cas des femmes
actives, lorsqu'elles
ont droit des allocations pour leurs enfants, celles-ci sont
gnralement peu leves, en total dcalage avec leurs besoins rels et
ne sont pas adaptes pas au cot de la
vie.
Backiny-Yetna et Wodon (2009: 8) montrent que l'incidence de la
pauvret est de 37% dans les mnages dirigs par des femmes, contre 31
% dans ceux dirigs par
des hommes. Cette situation s'explique par le fait qu'elles ont
un capital humain en
moyenne plus faible et sont victimes de discriminations sur le
march du travail.
Selon les indicateurs du PNUD Gabon, le taux de chmage chez les
femmes est de
18% contre 16% chez les hommes.
En dpit de la forte concentration urbaine enregistre cause de
l'exode rural,
les femmes rurales comptent pour 27,64% de la population fminine
au Gabon
(CEDAW, 2003 :23). Vivant dans des conditions prcaires, elles
sont confrontes beaucoup de difficults cause de l'enclavement et
l'isolement des zones rurales d
au mauvais tat du rseau routier et l'insuffisance des
infrastructures; l'intrieur du
pays est victime de la mauvaise couverture des services de base
(sant et ducation) (PNUD Gabon, 2003). L'enqute dmographique et de
sant du Gabon (EDSG) rvle que trs peu de femmes vivant dans des
communauts rurales disposent d'un
hpital/centre de sant/centre mdical moins de 5 kilomtres (9 %,
contre 71 % en
-
30
milieu urbain). Pour illustration, 48 % de ces femmes doivent
parcourir 30 kilomtres ou plus pour atteindre un centre de sant.
(EDSG, 2001: 245l
Le travail
l'instar des femmes issues de plusieurs pays en dveloppement,
les Gabonaises oscillent entre le secteur formel (public et priv),
o elles exercent en tant que fonctionnaires, secrtaires, parfois
cadres.. .. et l'informel o elles font de
l'agriculture, du petit commerce, de la prestation de services
ou une multitude
d'autres activits rmunratrices. Elles occupent gnralement des
postes faible
rmunration et exigeant un faible niveau de comptences9. La
situation des
Gabonaises est bien illustre par cette citation: entre 60 et 80
% des femmes (africaines urbaines) exercent un travail irrgulier,
indpendant, marginal ou salari non protg... ainsi, dans la majorit
des capitales africaines .. .les femmes sont davantage localises
dans des activits vulnrables en termes de protection, de contrle de
travail et de rgularit des revenus (Lachaud, dans Provost, 2006
:79).
Une combinaison de facteurs entrane des ingalits diverses
auxquelles les
femmes sont plus souvent exposes (Yunus, 1997; Kabeer (a),
2005), il s'agit des ingali ts de revenus, d'accs la proprit, ou
encore d'accs l'ducation et aux
soins de sant. Des tudes empiriques (Ango-Obiang, 1998; Provost,
2006) soulignent l'existence de discriminations l'emploi et au
niveau des revenus. Elles
rvlent qu'il Ya des barrires l'embauche, bases sur les critres
physique, sexuel,
ethnique ou encore l'existence de relations et rseaux de
contacts prexistants
L'observation de la socit gabonaise a conduit Ango-Obiang (1998
:6) dclarer que: la discrimination des revenus rsultant des prjugs
socio-conomiques et culturels l'endroit des femmes au Gabon, est
l'une des sources de mauvaise
condition de vie actuelle de celles-ci. De plus, malgr leur
prsence dmographique
8L'EDSG a t publie, en 2001, par la Direction Gnrale de la
Statistique et des tudes conomiques.
9 Les revenus des femmes sont gnralement faibles, ce qui limite
leur capacit investir ailleurs que dans la satisfaction de leurs
besoins lmentaires.
-
31
importante, ainsi que leurs qualifications, les femmes gagnent
encore des salaires
moins levs que les hommes.
Pendant plusieurs dcennies les Gabonaises, prcisment celles
vivant en milieu
urbain, ont privilgi le travail de bureau, car tout le monde
voulait tre
fonctionnaire! Ce phnomne a entrain le monopole de certains
domaines d'activits
par les femmes provenant de pays trangers, souvent le Cameroun
et le Bnin
(Provost, 2006). Nanmoins, depuis quelques annes un constat
s'impose: le nombre de femmes gabonaises occupant des petits mtiers
et autres activits, est croissant.
Par ailleurs, elles sont de plus en plus nombreuses occuper des
postes
traditionnellement rservs aux hommes (lectriciennes, chauffeurs
de bus, mcaniciennes ... ) (Les Cahiers panafricains: 62). Le pays
assiste un veil des consciences, caractris par la capacit des
Gabonaises s'engager dans de nouvelles
activits professionnelles, et trouver des voies alternatives
pour contrer la pauvret,
l'aide d'activits de subsistance, de mcanismes d'entraide et de
dbrouillardise. Il
s'agit d'un systme nouveau que Yanga Ngary (2008 :93 ) dsigne
comme tant un bricolage conomique de proximit.
Le faible apport de capital initial est l'une des
caractristiques importantes des
entreprises gres par les femmes. Celles qui arrivent s'organiser
parviennent
s'assurer une bonne clientle, source de revenus substantiels. Il
est devenu
impossible d'arpenter les quartiers de Libreville, Port-Gentil,
Lambarn ou encore
Tchibanga sans trouver une choppe dresse la sauvette, un local
de coiffure ou
encore de pdicure. Pour russir elles doivent bnficier d'une
clientle bien tablie,
savoir bien s'organiser et diversifier leurs activits, tout en
ayant des avantages
comparatifs par rapport aux autres. Cependant, cette
prolifration d'activits
similaires entraine malheureusement une saturation des secteurs
hautement fminins.
Crise conomique oblige, il est devenu courant de rencontrer des
femmes qUi coulent la production de leur exploitation marachre au
bureau, ou vendent des
-
32
vtements et autre accessoires (draps, serviettes) venus du
Cameroun lO, de France ou encore de Duba, la nouvelle destination
attitre des commerantes Il. Nanmoins,
lorsque l'on compare le commerce fminin gabonais celui des
autres pays africains,
on constate qu'en dpit d'une volution due aux changements
socio-conomiques,
celui-ci est encore marginal. Il existe des cas de russite dans
le commerce, mais la
plupart des femmes exercent encore des activits de subsistance
peu orientes vers le
long terme (Yanga Ngary, 2008). Consquemment, des pans
importants de ce secteur sont encore aux mains de femmes issues
d'autres paysl2.
La reprsentation identitaire des femmes
Comprendre la constmction identitaire des femmes gabonaises
donne un aperu
de cet aspect cognitif qui rvle leur rle social, les rapports
qu'elles entretiennent
entre elles, mais aussi leurs relations avec les hommes. Provost
(2006) apporte un clairage intressant sur l'identit des femmes au
Gabon, et leurs rapports sociaux.
Les croyances traditionnelles sont encore trs prsentes dans les
murs. Force est
de constater que les femmes urbaines, issues des diffrentes
chelles de la socit et
mme lorsqu'elles sont trs instruites accordent beaucoup
d'importance la tradition.
Elles perptuent certaines pratiques initiatiques, telles que le
Ndjemb/3 chez les
10 Par sa proximit et le cot abordable des marchandises
alimentaires, mais aussi du textile, il est une destination
privilgie des commerantes gabonaises. qui s'approvisionnent surtout
au March mondial, situ prs de la frontire entre les deux pays.
Il Depuis quelques annes, les commerantes gabonaises commencent
tre visibles dans les circuits d'approvisionnement asiatiques, mais
aussi des mirats arabes unis, longtemps monopolises par les
commerantes ouest-africaines.
12 Pour illustration, le secteur de l'alimentation est domin par
les Camerounaises, tandis que celui des pagnes est monopolis par
les Bninoises et Togolaises.
13 Ce terme dsigne une socit initiatique rserve aux femmes, que
l'on retrouve dans le groupe ethnique Omyn issu des provinces de
l'Estuaire, du Moyen Ogoou et de l'Ogoou-Maritime (voir annexe
1).
-
33
myns et le Bwit/4. La prsence du mystique, et de l'irrationnel
est trs palpable. Il
est commun de voir les femmes assister des rituels ou autres
pratiques rserves
aux inities, le samedi, et d'assister la messe le dimanche
matin. La particularit de
la socit gabonaise est qu'elle fonctionne selon un parfait
syncrtisme, et de
nombreuses femmes alternent tradition et modernit. Les coutumes
sont bien
enracines dans les mentalits, la culture et la famille.
Les pressions familiales et sociales sont considrables et l'on
assiste une crise
des valeurs dans une socit o la pauvret atteint des proportions
importantes, et
affecte la distribution des rles. Dans un contexte de dgradation
gnrale des
conditions de vie, les femmes sont financirement vulnrables, ce
qui accrot les
relations de dpendance. Au-del de cet aspect, il faut souligner
que certaines
femmes acceptent de vivre aux dpends des hommes, et dans
certains cas multiplient
les relations qu'elles expliquent par la ncessit du chic, du
choc et du chque 15.
En dpit de la croissance de la monoparentalit, voque prcdemment
(section 1.4) le mariage reste une institution valorise (Ngou,
2007) car il est l'accomplissement d'une femme (Provost, 2006 :57).
Les femmes s'y dfinissent comme pouses et mres, leur reconnaissance
sociale provenant de leur capacit
trouver un mari et procrer. Cette reprsentation se justifie,
notamment, parce que la socit gabonaise stigmatise les femmes
clibataires, et il est mal vu qu'une femme
soit seule. Dans un pays o la moyenne est de 4,8 enfants par
femme, la strilit se
14 Il s'agit d'un rite initiatique originaire du groupe ethnique
mitsogo, et qui est maintenant largement rpandu au Gabon. L'une des
particularits du bwiti est que lors de l'initiation ou de crmonies
diverses, les participants doivent absorber une plante hallucinogne
appele iboga.
15 Cette expression fait rfrence la mentalit selon laquelle Pour
qu'une femme soit comble, il lui faut trois partis: le chque, le
chic et le choc. Le chque est l'homme qui pourvoit ses besoins
financiers. Il doit lui donner de l'argent pour ses dpenses
quotidiennes. Il est souvent plus g, on dit que c'est un Monsieur .
Le chic est un autre homme qui reprsente un bon parti, qui est
prsentable, qui sait discuter et qui est apprci de l'entourage. Et
finalement, le choc est l'homme avec qui la femme partage une
passion et qu'elle apprcie plus particulirement (Provost, 2006
:7374; Ngou, 2007)
-
34
vit comme un drame et plusieurs unions se rompent pour cette
raison. Il existe trois
formes de mariages : le coutumier ou traditionnel, le civil et
le religieux, avec une
prdominance pour les deux premiers. Dans certaines ethnies
(entre autres les fangs et les myns) le mariage coutumier revt une
importance capitale car il est un moyen d'honorer la famille de la
femme. Les tractations diffrent d'une rgion
l'autre, mais en gnral la famille de l'homme doit s'acquitter de
la dot l6 .
En dpit de leur modernit affiche, les Gabonaises sont encore
attaches la
distribution traditionnelle des rles: l'homme reste le principal
pourvoyeur de la
famille. Au moment du mariage, les poux choisissent ensemble le
rgime qu'ils
veulent: la polygamie ou la monogamie, cependant en cours
d'union, le mari a la
possibilit de changer d'option. Plusieurs femmes se retrouvent
dans des situations
difficiles et sont contraintes accepter la venue d'une seconde
femme, cause des enfants mais aussi de la pression sociale. Bien
qu'il existe de farouches opposantes
la polygamie, cette pratique est largement rpandue dans les
murs. En milieu
urbain, les femmes (mme les plus duques) acceptent d'tre dans
des foyers polygames par peur de la solitude, mais aussi parce
qu'il s'agit souvent d'un moyen
d'accder l'aisance financire.
Aussi, il faut admettre que la fidlit au masculin, ce n'est pas
un concept
gabonais. Au Gabon, l'infidlit des hommes fait partie du
quotidien. Le milieu
gabonais encourage en quelque sorte les relations multiples et
simultanes en
valorisant les hommes qui entretiennent plusieurs femmes
(Provost, 2006 :69).
16 La dot comprend un ensemble de marchandises, et cadeaux exigs
par la famille de la femme lors d'un mariage coutumier. La liste
des exigences varie d'une ethnie une autre.
-
35
1.5 - Le statut juridique des femmes gabonaises
Depuis plusieurs annes, le Gabon s'est engag assurer aux femmes
une galit
juridique et une protection de leurs droits. C'est dans cette
optique qu'il a ratifi, en 1982, la Convention sur l'limination de
toutes les formes de discrimination l'gard
des femmes (CEDEF)17. Ce document reprsente un vritable
plaidoyer des droits des femmes, qui a entrain, en 1990,
l'introduction dans l'article 2 de la Constitution
gabonaise de l'galit de tous les citoyens sans distinction
d'origine, de race, de
sexe, d'opinion ou de religion (CEDAW, 2003). Suite la Confrence
nationale de 1990, ayant marqu l'avnement du
multipartisme dans le pays, le principe de l'galit de tous les
citoyens sans
distinction de sexe a t introduit dans la Constitution (MFPEPF,
2002 :3). En effet, la Rpublique gabonaise assure l'galit de tous
les citoyens devant la loi, sans
distinction d'origine, de race, de sexe, d'opinion ou de
religion (Article 2, alina 2).
Du point de vue juridique, les femmes ont le mme statut que les
hommes au niveau de la fonction publique. Conformment la Loi N3/94,
articles 1 et 9, du 21
novembre 1994, du code du travail (modifi par la loi N 1212000
du 12 octobre 2000). De jure tous les travailleurs sont gaux devant
la loi et bnficient de la mme protection et des mmes garanties.
Toute discrimination en matire d'emploi
et de condition de travail fonde notamment sur la race, la
couleur, le sexe, la
religion, l'opinion politique, l'ascendance nationale ou
l'origine sociale est interdite
(Article 8 du code du travail). De facto les Gabonaises ne sont
pas privilgies par rapport l'accs aux postes, particulirement les
plus importants en responsabilits,
et les mieux rmunrs. En effet, le poids des traditions
(ethniques, rgionales ou
17 La CEDEF a t adopte le 18 dcembre 1979 par l'Assemble gnrale
des Nations unies, et ratifier par une centaine de pays. Elle vise
favoriser les droits de la personne, en supprimant toutes les
pratiques et attitudes discriminatoires fondes sur le sexe et
particulirement dfavorables aux femmes. Site de l'ONU, page
consulte Je 05 fvrier 2009 :
http://www.un.org/womenwatch/daw/cedaw/text/fconvention.htm
-
36
sociologiques) empche le respect scrupuleux de toutes les
dispositions lgislatives en faveur de la femme (PNUD Gabon, 2005).
L'absence de dispositions juridiques relatives aux problmatiques
dont elles sont les principales victimes, cr un vide
quant la protection de leurs droits. titre d'exemple, le code du
travail au Gabon ne comporte aucune disposition concernant le
harclement sexuel, ce qui entrane des
complications, souvent des licenciements abusifs lorsque les
femmes sont victimes
de ce prjudice. Sous un autre aspect, le sort des femmes est peu
enviable en particulier
lorsqu'elles deviennent veuves. En dpit des textes de lois qui
les protgent, au
moment de la succession leur situation reste proccupante car
elles sont
rgulirement humilies et spolies par la belle-famille, au mpris
des lois et perdent
souvent l'usufruit des biens laisss par l'poux dfunt (CEDAW,
2003). D'un autre ct, en cas de divorce, il est courant que leurs
biens soient confisqus par l'ex-mari.
Ces situations illustrent la ncessit de veiller l'application et
au respect de la
lgislation en faveur des femmes dans la mesure o des pratiques
avilissantes et
rtrogrades sont imbriques dans la socit gabonaise.
Au chapitre des textes discriminatoires l'gard des femmes, le
Code civil
reconnat l'galit des droits et des devoirs des poux, mais
comporte des
contradictions dans la mesure o il autorise la polygamie. Ainsi,
l'article 232 stipule
que l'homme, quel que soit le rgime matrimonial choisi lors du
mariage, peut
changer d'option en cours de mariage , ce qui montre suffisance
les contradictions
juridiques qui lsent les femmes. S'il est vrai que la polygamie
est une pratique courante au Gabon et que les hommes multiplient
les seconds bureauxl8 nombreuses
sont les femmes qui se sont opposes, dans les annes 90, au
projet de Loi Nzouba, visant lgaliser la polygamie.
18 Ce terme est utilis pour dsigner les matresses, ou secondes
pouses, lesquelles sont parfois maries selon la coutume, et dotes
(dans les traditions africaines une femme dote est celle pour
laquelle un prix symbolique a t pay par un homme et sa famille pour
qu'elle devienne son pouse).
-
37
L'inventaire des principales dispositions lsant les femmes men
par le Ministre
charg de la promotion fminine, a entrain des changements
lgislatifs et des
rformes juridiques (CEDAW, 2005), tels que la rvision du code de
la nationalit l9 , ainsi que le projet de rvision du code civil.
Dans cette dmarche, les Gabonaises bnficient du soutien de l'DEFPA,
un organe de dfense et de promotion des
droits des femmes qui contribue la diffusion des textes de lois
et des dispositions
relative la protection des femmes.
Le chemin vers les changements juridiques en faveur des femmes a
t amorc mais dans la ralit il est confront de nombreux obstacles et
pesanteurs
socioculturels, retardant ainsi le processus d'limination des
discriminations l'gard des femmes gabonaises; d'autant plus que
diverses rsistances se retrouvent dans les
textes de lois et dans la pratique quotidienne (PNUD Gabon, 2007
:4).
1.6 - La reprsentation politique des Gabonaises
La sous-reprsentation des femmes en politique, notamment au sein
du lgislatif
et de l'excutif est un fait avr. l'exception des pays
scandinaves et du Rwanda2o, il est gnralement admis que les femmes
sont moins visibles que les hommes en
politique. Selon Ba et Diop (Tremblay, 2005 :131) les femmes
sont de trs grandes lectrices qui sont trs peu lues (Ba et Diop
dans Tremblay, 2005: 131). La Constitution gabonaise garantit aux
citoyens des deux sexes l'galit des droits
politiques. Ainsi les femmes gabonaises disposent du droit de
vote et sont ligibles
dans les mmes conditions que les hommes, auprs de tous les
organismes publics. Si
19 Cette disposition a abrog la Loi no 89/1961 du 2 mars 1962
portant Code de la Nationalit gabonaise dterminant les modalits
d'application du Code de la Nationalit Gabonaise.
20 Ce pays fait figure d'exception en matire de reprsentation
politique des femmes. Il est un modle international de par sa forte
reprsentativit fminine au parlement et par la quasi parit de son
Assemble lgislative (Tremblay, 2005 :1 JI). En 2003 les Rwandaises
ont remport la quasi-parit avec 48.8% contre 56.3% en 2008, ce qui
les classe au 1er rang mond ial en termes de reprsentation des
femmes au parlement (http://www.ipu.org/wmn-f/classif.htm).
-
38
la participation des Gabonaises la vie politique n'est entrave
par aucune
discrimination lgislative, au niveau institutionnel, le taux de
reprsentation des
femmes aux postes de dcision, est faible (CEDAW, 2003 ; Aug,
2005 ; Provost, 2006, PNUD Gabon, 2007).
La volont politique affiche d'intgrer les femmes au dveloppement
et la
gestion des affaires publiques semble tre un vu pieux, tant la
ralit sur le terrain
tmoigne de la faible reprsentation des Gabonaises des postes de
haute
responsabilit. En fait, il apparat que seule une volont ou un
consensus politique
forts, qui se traduisent la fois par des dispositions
constitutionnelles ou lgislatives
en faveur de la participation des femmes, par la mise en place
de structures ddies
aux droits et la cause des femmes et par un soutien des partis
la politique de
promotion des femmes travers les investitures qu'ils accordent,
permettent
d'amliorer de manire sensible la prsence des femmes dans les
assembles.
Le phnomne de la gopolitique sous-tend la logique de partage du
pouvoir au
Gabon, Cependant nous pensons que la reconnaissance de pluralit
socio -ethnique
(Aug, 2005 :103) reprsente un frein la reprsentation politique
des Gabonaises, dans la mesure o le recrutement de l'lite se fait
sur des bases discriminatoires
privant les femmes d'opportunits de participation, ou de
nomination des postes de
dcision.
En dpit de leur poids dmographique, les femmes n'obtiennent que
trop peu de
postes-cls au sein de l'administration gabonaise, et des
entreprises. L'engagement
politique des Gabonaises est troitement reli au contexte
socioculturel.
Les femmes dans le processus de dmocratisation
Paradoxalement, le poids dmographique des Gabonaises et leur
militantisme
politique contrastent avec leur faible prsence des mandats
lectifs, ainsi qu' la tte d'institutions politiques. Pourtant,
elles ont toujours particip librement au
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processus politique et ont dtenu des postes divers tous les
niveaux de l'tat. Leur participation aux scrutins ainsi que leur
activisme politique, qualifi par Okumba
d'Okwatsegue (1993 :303) de militantisme tapageur, taient
courants, particulirement l'poque du parti unique21 Le processus de
dmocratisation
amorc en 1990 peut tre divis en deux phases importantes: la
confrence nationale
et les lections lgislatives multipartistes. Les Gabonaises ont
pris une part active
cette confrence nationale en tant que membres des in