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34 Adduction d’eau en haut Gard rhodanien L’aqueduc privé de la villa de Mayran Loïc Buffat Université de Provence, UMR 5140 « Archéologie des sociétés méditerranéennes » Hervé Petitot Inrap Laurent Vidal Inrap, UMR 6578 « Anthropologie bioculturelle » 1. Localisation et tracé général de l’aqueduc. Les dimensions de son canal paraissent énormes en comparaison des autres aqueducs privés languedociens mais il s’agit probablement d’une contrainte technique : la partie enterrée de l’ouvrage devait pouvoir être régulièrement visitée pour l’entretien en raison de l’ensablement prévisible. Lau Laud Laud Laud La La La Lau au au au au au au Lau Laud Laud Laud d d Laud Laud La aud L Lau au au aud La a au a a La a d Lau a d du u un un un un n n un n n n n n n Lau Lau Lau Lau Laud L Laud aud a La a a a a a a au u au Lau ud au ud ud ud Laud Laud d aud Laud a a a a a a a au aud L La au a a un un un u un un un n un n n u un n un u un n n un n n n n G G G G G G Ga Ga Gau G G G G Ga Ga Ga Ga Gau au au u uj uj Gauj Gauj Gau G Ga G uj au a ac ac ac ac ac c c c c c c c ac a a G G G G G G G G G G G Ga Ga Ga Ga a au au auj j Gauj uj auj G Gau au G uj G uj G G G G uj Gau ac ac c c c c c c c ac c c ac ac c c ac R R R Ro o oqu oqu o R emau emaure re R R R Ro Ro oqu qu Ro emau emau e re re St-V St-V St-V St-V St-V St-V St-V St-V St-V St-V St-V tV tV tV t V t-V tV tV tV tV tV St-V St-V St-V St-V V V t-V tV St-V -V St-V tV -V tV t-V St-V t t-V t-V V t-V St V t-V -V V V icto icto icto icto icto ic icto icto icto cto to ct to o o to o icto icto ict to to to to to icto icto icto icto ict ict ct ct to o to o icto ic ict ict icto i icto icto ic ict ic ic ic ict i ic c ic ic o ct icto t r r- r r- r-la r-la r-la r-la r-la r-la r- r-la r-la r-la r-la r-la r-la r-la r-la r-la r-la r-la l r-la a r-la r-la r-la -la r-la r-la r-la r-la r a r-la r-la - -la -la r-la r-la -l -l r-la - - -l - - -l l -la - -l l -Co -C C C C C C Cos Cos Co Cos -Cos -Cos -Cos Cos Cos Cos -Co -Cos -Co Cos C -Cos -C -Cos -C Cos -Cos -Cos -Cos Cos -Cos -Cos - -Cos Cos Co -Cos -Cos -Cos - -Cos o -Cos -Co -Cos -Cos Cos Cos Cos C Cos C Cos C C Cos Cos C Cos Cos te t te te te te te te te e te te e e te te te te te e te te te e te te te e t t te t t te e te e t t t te te a-C y y y y y y y y ay y y y yran ran ran ran an n n r ay ay ay y y y y ran r ran ran n n n M M M M Ma M M Ma Ma Ma Ma Ma M M M M Ma M M Ma M M M M M M M M M M M M M M M M M M M M M M M M M M M M M M M M M Ma Ma Ma Ma M Ma M M M ay es es res res res r ques ques ques que q q qu q q q q q ues T T T T T T T Tr T T T T T Tr C C C C C C C C C C ll ll ll l Ca C Ca Cavi Cavi Cavi Cavi Cavi Cavi Cav Cavi avi C Cav Cavi i C Cavi C Cavi v C v llar llar llar llar llar la lla a llar llar l llar llar lar lar lla lla la lar lla l l lar a l ll l l gues gues gues gues gues ues ues ue es gues s s gue es g gues ues ues gues g C 1 1 1 1 1 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 3 3 3 4 5 5 5 5 5 5 5 6 6 6 6 6 6 6 6 6 6 6 6 6 7 7 7 7 7 7 7 7 7 7 Tave Cèze Rhône 1 1 St-Pons-la-Calm 2 Le Pin 3 Connaux 4 St-Paul-les-Fonts 5 Monfaucon 6 St-Geniès-de-Comolas 7 St-Laurent-des-Arbres Oppida / agglomération Etablissements romains (>1ha) Etablissements romains (<1ha) Limites d’étude (communes, basse vallée) Villages actuels 0 10 km 115 110 105 100 95 90 85 80 0 200 Zone à plus de 30 % de galets Zone à plus de 30 % d’éclats de calcaire
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Loîc Buffat, Hervé Petitot, Laurent Vidal ._ Adduction d'eau en haut Gard rhodanien. L'aqueduc privé de la villa de Mayran

Jan 12, 2023

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Page 1: Loîc Buffat, Hervé Petitot, Laurent Vidal ._ Adduction d'eau en haut Gard rhodanien. L'aqueduc privé de la villa de Mayran

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Adduction d’eau en haut Gard rhodanien L’aqueduc privé de la villa de MayranLoïc Buffat Université de Provence, UMR 5140 « Archéologie des sociétés méditerranéennes »

Hervé Petitot Inrap

Laurent Vidal Inrap, UMR 6578 « Anthropologie bioculturelle »

1. Localisation et tracé général de l’aqueduc. Les dimensions de son canal paraissent énormes en comparaison des autres aqueducs privés languedociens mais il s’agit probablement d’une contrainte technique : la partie enterrée de l’ouvrage devait pouvoir être régulièrement visitée pour l’entretien en raison de l’ensablement prévisible.

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1 St-Pons-la-Calm2 Le Pin3 Connaux4 St-Paul-les-Fonts5 Monfaucon6 St-Geniès-de-Comolas7 St-Laurent-des-Arbres

Oppida / agglomérationEtablissements romains (>1ha)Etablissements romains (<1ha)Limites d’étude (communes, basse vallée)Villages actuels

0 10km

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Zone à plus de 30 % de galetsZone à plus de 30 % d’éclats de calcaire

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1. Partie fi xe en forme de cône, mais dans notre cas évidée, d’un moulin à tract ion animale (mola asinaria) dont la partie mobile (catillus) est en forme de sablier.

Située dans la vallée de la Tave, au nord-est du département du Gard, le site de Mayran est un établissement rural, occupé depuis la fi n du ier siècle de notre ère jusqu’au Moyen Âge, connu notamment pour la découverte ancienne d’un puits romain alimenté par une galerie. Il a été délimité par prosp ect ions pédest res et une partie du site a été fouillée en sauvetage programmé de 1995 à 1998 sur 1130 m2 (Buff at et al, 2006). Ce programme a livré des éléments permettant de rest ituer toute son hist oire. L’Antiquité tardive, phase d’occupation la plus prégnante, se caract érise par des st ruct ures de product ion viticole, une forge et un aqueduc. Ce dernier avait été découvert anciennement lors de travaux agricoles : l’enlèvement d’une épaisse dalle gênant un charruage avait révélé un puits cuvelé colmaté. Le dégagement de ce puits, en 1992, montra qu’il aboutissait à un canal maçonné souterrain dans lequel un homme pouvait travailler. C’est à l’occasion de l’arrachage d’une longue parcelle de vigne dans laquelle il se trouvait, que la fouille a été entreprise et a permis d’étudier, entre autres, ce disp ositif hydraulique [ill. 1]. Celui-ci a été repéré sur plus de 160 m de long. Dans la partie sud du tracé, seul le comblement de la tranchée de mise en place a été observé, puis, en allant vers le nord, la maçonnerie du canal apparaît proche de la surface du fait de la déclivité du terrain naturel [ill. 2]. Le tracé débouchait à l’air libre par le biais d’un disp ositif architect ural à l’évolution particulière. En aval de cet endroit, l’eau était guidée au sein d’un large fossé ouvert dans une canalisation, ouverte également, en céramique.

La canalisation maçonnéeSa mise en place a nécessité le creusement

d’une tranchée dans les sables fl uviatiles pliocènes dont la profondeur atteint environ 5 m par rapport au sol antique, au niveau des bâtiments romains qu’elle traversait.

Les murs du canal sont const itués d’assises irrégulières de blocs de pierre liés au mortier, plus soignés en amont, où ils sont plus réguliers. Dans cette partie, le plancher de la canalisation est const ruit en grandes dalles de pierre alors qu’il est const itué, en aval, par les st rates en grès du terrain pliocène. En amont, sur l’ensemble des points d’observation, la canalisation présente des dimensions qui varient assez peu : l’intérieur du conduit mesure 0,85-0,90 m de haut sur 0,47 m de large, soit environ 3 pieds romains sur 1,5. En aval, près du point de débouché à l’air libre, la largeur est identique et, si la hauteur s’accroit (1,1 m), c’est en fait le résultat d’un aff ouillement du fond occasionné par l’érosion hydraulique. Aucune trace d’enduit hydraulique n’a été observée sur les parois du canal.

Dès l’origine, la sortie du canal dans le fossé à l’air libre a été aménagée. L’eau passait à travers une meta asinaria¹ en remploi [ill. 3]. Le fi l de l’eau se situait au même niveau que la base des murs. Le débit moyen semblait modest e si l’on en juge par la faible hauteur des dépôts carbonatés.

La vasque formée par la meta servait alors de petit bac de décantation. Par la suite, le fonct ionnement est marqué par une forte érosion qui se traduit, en amont de la meta, par un creusement progressif du fond de la canalisation, sur une trentaine de centimètres. À certains endroits (quand le subst rat est friable), elle présente un profi l caract érist ique en « trou de serrure ».

De grandes dalles de grès, rect angulaires, (d’environ 0,8 sur 1 m) forment la couverture là où le conduit est profondément enfoui. Alors qu’elles sont soigneusement jointoyées au mortier de chaux à certains endroits, à d’autres ce sont de petites pierres calcaires et des fragments de tegulae qui colmatent les interst ices. Ceci pourrait relever d’un souci d’économie ou const ituer un disp ositif complémentaire de drainage des eaux souterraines, ce qui n’est pas rare dans la const ruct ion des aqueducs romains (Andrieu, 1995, p. 138).

Le bassin de réception décanteurDans un second temps, on a subst itué au petit

aménagement modest e de sortie de la canalisation, un aménagement hydraulique plus important : un bassin de plan rect angulaire mesurant 6,6x5,5 m, conservé sur 1,1 m de hauteur et d’une capacité de 40 m3 environ [ill. 4]. À cette période, le fi l de l’eau de la conduite a été sensiblement remonté. L’accumulation du sable a comblé le canal souterrain sur près de 0,8 m de hauteur. La sect ion d’écoulement s’est trouvée réduite à 0,45x0,5 m. À l’embouchure du bassin, l’eau se heurtait à la dalle en orthost ate, qui servait vraisemblablement de premier seuil de décantation. À l’intérieur du bassin, il n’y a pas de trace d’un fond en dur, mais le sol limoneux pouvait être suffi samment imperméable.

Au nord, l’eau s’écoule du bassin dans une canalisation en terre cuite à profi l en « U », dont les deux premiers éléments sont pris dans la maçonnerie. Cette canalisation est inst allée dans le comblement de l’ancien fossé. Ce syst ème de canalisation en « U » est assez fréquent dans certains tronçons d’aqueducs domaniaux de la région (Puech Quinau, prés de Béziers, Hérault ; Bizanet, non loin de Narbonne, Aude). À Mayran, aucun disp ositif ne venait couvrir le canal en céramique, contrairement à Puech Quinau ou Bizanet. Apparemment l’eau pouvait librement déborder de la canalisation.

Dans son dernier état, le bassin a été doté d’un fond en béton de tuileau [ill. 2d] et sa capacité a été réduite avec la const ruct ion de deux murs. Ils ramènent sa surface à un rect angle de 3,35 par 5,4 m. Les parois sont enduites avec du béton hydraulique. L’étanchéité, au niveau du contact fond-paroi, est assurée par un boudin en quart de rond de même nature. La chape de fond, épaisse de 8 cm, a été coulée sur un hérisson de pierres et de galets. Elle présente une pente assez marquée, du sud vers le nord (15 cm de dénivelé). Lors de ces travaux, l’embouchure en plein cintre du bassin

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2. L’aqueduc et ses aménagements. a. Le bassin avec cupule et le puits (margelle reconstruite). b. Les différents états des évacuations du bassin de décantation. c. Le canal maçonné, la couverture étant enlevée. d. Du fossé comblé au bassin au fond en béton de tuileau. e. Plan général du dispositif hydraulique.

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2. Resp onsable du département géophysique Fondasol Montfavet (Vaucluse).

est oblitérée par de la maçonnerie. Au centre de ce bouchage, un tuyau circulaire sert de nouvel orifi ce d’admission d’eau. Sa hauteur suggère que le fi l d’eau est remonté très haut, plus haut d’ailleurs que le sommet des murs du canal. À cette période, les dalles de couverture ont certainement été enlevées et l’eau circulait seulement dans un simple fossé. En aval, l’évacuation a également été modifi ée. Deux tuyaux, du même type que celui de l’entrée dans le bassin, ont été inst allés dans la partie centrale du mur. Le premier se situe au même niveau que le fond du bassin, const ituant une bonde de vidange. Le second est inst allé 30 cm plus haut. La fonct ion première de ce bassin de réception (Salvador, Cauvin, 1923, p. 89), à partir duquel débute l’adduct ion proprement dite, était l’épuration par décantation des eaux plus ou moins chargées. C’est une inst allation importante du disp ositif hydraulique permettant une pérennité de l’ouvrage.

L’alimentation en eauLe calage précis du tracé de la conduite

souterraine permet de proposer une localisation pour la zone de captage. En admettant que la galerie suive un tracé rect iligne, en amont du tronçon étudié (hypothèse qu’aucun élément ne contredit), l’alimentation peut être située à une centaine de mètres plus au sud, là où il rejoint le ruisseau de Cubèle (les prosp ect ions par géoradar eff ect uées par Eric Bornichon² confi rment sa présence jusque-là). La profondeur de l’ouvrage montre que la galerie act ive (Leveau, à paraître) doit récupérer des eaux souterraines, probablement grâce à un syst ème de galerie drainante remontant sous le lit du ruisseau comparable aux cimbras de l’Esp agne médiévale (Bazzana et alii, 1987, p. 54-56, fi g. 7). Ainsi, une alimentation continue est assurée en captant direct ement la nappe aquifère des sables ast iens. À l’heure act uelle, les eaux plus superfi cielles const ituent une ressource inst able : en saison froide, le débit du ruisseau de Cubèle est faible et irrégulier, en saison chaude, il est nul. Un puits act uel, creusé à quelques mètres du ruisseau, atteint l’eau à 2 m.

Le calcul du débit de cet aqueduc rest e une opération délicate. On peut tout de même avoir une idée de son débit en employant la formule de Manning-Strickler, même si cette dernière est utilisée pour calculer un débit de canalisation uniforme et rect iligne sur toute sa longueur. Ainsi, en prenant en référence la canalisation en terre cuite, on note une déclivité de 1,7 cm par mètre. Nous savons, d’après un mince dépôt de concrétion calcaire pouvant atteindre 1,5 mm d’épaisseur, que la hauteur d’eau contenue dans cette même canalisation était par moments d’au moins 5 cm. Sur cette base, la sect ion d’eau peut être est imée à 0,80 cm2 (16x5 cm). La diffi culté majeure pour calculer le débit de la canalisation consist e, une fois la sect ion d’eau connue, à déterminer la vitesse d’écoulement. Elle peut être appréhendée avec la formule de Strickler, soit V=KxI1/2xR2/3. K

corresp ond à l’indice de fl uidité (celui retenu est 25) ; I à la pente et R au rayon hydraulique (qui équivaut au rapport de la surface mouillée sur le périmètre mouillé). Concernant notre canalisation, nous obtenons une vitesse de 6,6 cm par seconde. Cette vitesse multipliée par la sect ion en eau nous permet de proposer un débit de 0,5 litre par seconde. Ce résultat n’est bien sûr qu’indicatif. Si on admet que le débit de l’aqueduc devait varier en fonct ion des saisons, on peut penser que celui-ci devait fl uct uer entre 0,25 et 2 litres par seconde. Cela n’est pas en contradict ion avec les dimensions des déversoirs aménagés dans la meta asinaria remployée du premier état et dans la pierre disp osée de chant du deuxième état, ainsi que les canalisations d’entrée et de sortie du troisième état. En eff et, ces st ruct ures paraissent adaptées pour cet ordre d’écoulement. L’hypothèse retenue act uellement sur l’aboutissement de l’aqueduc est qu’il approvisionne aussi un autre établissement connu à plusieurs centaines de mètres au nord.

La sect ion d’écoulement du tronçon d’aqueduc, en céramique, paraît très réduite (0,16x0,1 m). Mais, à considérer d’autres aqueducs domaniaux, elle n’a fi nalement rien d’inhabituel. L’aqueduc maçonné d’el Khous, en Algérie, disp ose d’un canal de 0,28 m de large pour 0,18 m de haut (Leveau, 1984, p. 253-254 et p. 422-423). Celui de Loupian est large d’environ 0,2 m, pour une hauteur de l’ordre de 0,2 à 0,4 m (Pellecuer, 2000, p. 26, p. 422, fi g. 11-18).

L’entretien et l’utilisationL’aqueduc de Mayran nécessitait un entretien

const ant. Les infi ltrations importantes de sable et autres limons impliquaient de fréquents curages. Tout porte à croire que la conduite enterrée a été const ruite, non pas en fonct ion de la quantité de l’eau transp ortée, mais pour permettre la circulation d’un homme accroupi ou à « quatre pattes ». En dehors de l’accès possible par la sortie du canal, commode dans la première phase, on ne connaît pour le moment qu’un seul autre accès. Il s’agit du puits à l’origine de la découverte, qui pouvait jouer le rôle de regard de visite sur la galerie passive. Il servait à puiser l’eau pour les besoins de la villa comme le démontre le petit bassin le jouxtant [ill. 2] et le fond de dolium disp osé dans le plancher de la canalisation, à la verticale de l’ouverture. Aucun élément n’autorise à rest ituer le syst ème de puisage. L’absence de la margelle originelle et la disp arition des niveaux d’occupation interdisent de trancher entre les solutions possibles : pompe, appareillage à poutres et chèvre, puisage au seau...

Un aqueduc pour deux établissements ?La conduite prend, au delà des limites de la villa,

la direct ion d’un autre établissement gallo-romain situé 800 m au nord : l’établissement de Gragnon 2 [ill. 1]. Il s’agit d’une villa assez étendue (1,5 ha), occupée du ier jusqu’au ve siècle. En limite est de ce gisement, une dalle en pierre calcaire d’1,2 x 0,5 m a été observée. Par ses dimensions,

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383 3. Au débouché de

la conduite à l’air libre, la meta asinaria réemployée. En position renversée (partie conique en bas), elle est encadrée par deux murets semi-circulaires protégeant la paroi du fossé dans lequel elle s’écoule. Le fond de la partie creuse de la meta, pourvue d’une chape de béton de tuileau, sert de réserve d’eau et est dotée d’un petit déversoir.4. Le bassin installé au débouché de la conduite maçonnée. Les murs de ce bassin sont constitués par des assises irrégulières de blocs liés au mortier. La liaison avec le canal est marquée par un arc en plein cintre constitué de claveaux en calcaire coquillier. Sous cet arc, une dalle disposée de chant comprend, dans sa partie haute, une petite encoche qui faisait offi ce de déversoir.

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elle est proche des dalles de couverture de l’aqueduc. On signalera également que le site en quest ion est implanté sur des terrasses de galets où les ressources en eau sont très faibles. La topographie ne dément pas cette hypothèse : la villa de Gragnon se trouve à une altitude d’environ 82 m NGF et le point le plus aval de l’aqueduc que nous avons pu observer se situe à une altitude de 90,3 m NGF. Les deux points étant séparés par 600 m, un calcul rapide permet d’établir la pente théorique à 1,3 . C’est une valeur importante par rapport à ce qui est généralement préconisé pour les aqueducs, mais qui rest e acceptable. L’hypothèse d’un aqueduc alimentant deux établissements devra évidemment trouver des éléments de confi rmation archéologiques. Mais il n’est pas impossible qu’un tel ouvrage, assurément coûteux, ait été const ruit et fi nancé par plusieurs propriétaires, pour répondre aux besoins resp ect ifs de leurs domaines ou bien d’un même propriétaire pour deux établissements de son fundus.

La datation de l’ouvrageLe mobilier qui permet de dater la const ruct ion

de l’aqueduc est peu abondant. Quelques indices attest ent clairement d’une const ruct ion tardive : un fragment de bol en céramique claire engobée (Py, 1993, forme B11), présent dans le comblement de la tranchée, un bord de plat en céramique à pisolithes (Py, 1993, forme C2c) retrouvé dans la tranchée de fondation de l’un des jambage de l’aqueduc. Cette dernière n’apparaissant dans les sites de consommation que dans la seconde moitié du ive siècle conduit à fi xer le terminus post quem à cette date (Raynaud, 1993, p. 527). Les autres éléments sont insuffi sants pour entrer dans le détail chronologique des modifi cations de l’ouvrage. Des remblais, const itués majoritairement de déchets métallurgiques, sont venus, dans le courant du ve siècle, remplir des dépressions. Le mobilier recueilli dans le comblement du dernier état du bassin permet de dater son abandon d’un large ve siècle, probablement avant le dernier tiers de ce siècle.

Les travaux menés sur l’aqueduc de Mayran apportent des éclaircissements sur la morphologie et le fonct ionnement d’une partie de cet ouvrage. Même si sa zone de captage a fait seulement l’objet d’une invest igation par géoradar, il est manifest e que son inst allation très en profondeur est liée à une recherche des eaux souterraines qui alimentent le ruisseau de Cubèle. Les const ruct eurs ont voulu s’assurer un approvisionnement pérenne en captant direct ement la nappe phréatique des sables ast iens. Les sondages pratiqués sur la canalisation, montrent que diff érentes solutions techniques ont été utilisées. Dans la partie souterraine, le canal inst allé dans une tranchée comblée est maçonné. En revanche, sitôt que l’ouvrage retrouve un tracé à ciel ouvert, des solutions plus simples et moins onéreuses ont

été adoptées : simple fossé dans un premier temps, puis petites canalisations en terre cuite. Mayran illust re une nouvelle fois que les aqueducs domaniaux peuvent se réduire, dans certains tronçons, à des aménagements très simples, notamment dans des sect eurs où les contraintes techniques sont faibles. Il vient ainsi étoff er le corpus de ce que l’on pourrait appeler les aqueducs « multiformes » qui alternent const ruct ions élaborées et disp ositifs plus simples (notamment des conduites en céramique). Les étapes de fonct ionnement du bassin de réception décanteur, situé au sortir de la sect ion souterraine et au nord des bâtiments de la villa, mettent également en lumière les vicissitudes subies. L’ensablement a représenté un problème const ant auquel sa mise en place a tenté de remédier. Pourtant, ceci n’a pas empêché l’eau de continuer à circuler, mais la sect ion mouillée s’est progressivement réduite. La datation tardive de l’ouvrage (probablement la seconde moitié du ive siècle) montre le dynamisme de l’établissement au Bas-Empire. Fixer la durée de fonct ionnement de l’équipement hydraulique demeure une entreprise délicate. Plusieurs indices tendent à montrer qu’il n’a pas fonct ionné très longtemps. Une durée d’un siècle est une est imation raisonnable au vu des tessons de céramique recueillis dans les diff érents niveaux. Ceci témoigne, malgré l’ampleur de l’invest issement, des diffi cultés posées par la conception originelle de l’ouvrage, peut-être par son principe de captage et la nécessité d’un entretien régulier.

Références bibliographiquesAndrieu J.-L., 1995, « Aménagement et maîtrise de l’eau

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