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165 TECHNOLOGIE CHAPITRE VIII LITS DE SÉCHAGE PLANTÉS Ives Magloire Kengne et Elizabeth Tilley Objectifs pédagogiques Savoir ce qu’est un lit de séchage planté pour la déshydratation des boues. Avoir un aperçu des espèces végétales qui peuvent être utilisées, de leur rôle dans la déshy- dratation des boues et des critères pour les sélectionner. Connaître les besoins en suivi-évaluation lors de l’exploitation-maintenance des lits de sé- chage plantés. Être capable de dimensionner un lit de séchage planté selon les objectifs de traitement sou- haités. 8.1 INTRODUCTION Les lits de séchage plantés (LSP), parfois aussi appelés « lits de déshydratation plantés », « lits de séchage plantés de roseaux » ou « lits d’humification plantés » sont des bassins constitués de matériaux granulaires poreux (par exemple du sable et du gravier) dans lesquels des macrophytes émergents sont plantés. Les LSP sont alimentés en boues qui s’y accumulent en couches, s’y déshydratent et s’y stabilisent par l’effet de nombreux mécanismes physiques et biologiques (Kadlec et Knight, 1996). Les LSP ont tout d’abord été développés pour déshydrater et stabiliser les boues des petites stations d’épuration par boues activées en Europe et aux États-Unis (Kadlec et Knight, 1996 ; Lienard et Payrastre, 1996 ; Nielsen, 2003). Le procédé a ensuite été adapté avec succès dans d’autres parties du monde et pour d’autres types de boues, notamment les boues de vidange (BV) en provenance des dispositifs d’assainissement des ménages. Dans les climats tempérés, les LSP montrent des taux de déshydratation, de digestion des solides et d’oxydation plus éle- vés en été qu’en hiver (Edwards et al., 2001), ce qui les prédisposent aux pays tropicaux où les écarts climatiques saisonniers sont moindres et le rayonnement solaire plus constant. Depuis 1996, Eawag-Sandec (Département assainissement, eau & déchets pour le développement de l’Institut fédéral suisse des sciences et technologies de l’eau) et ses partenaires de recherche tra- vaillent ensemble sur le terrain pour mieux connaître les performances de traitement et définir les méthodes pour la conception du procédé pour le traitement des boues de vidange ainsi que les recommandations de fonctionnement. Une installation à échelle pilote fonctionne avec succès en Thaïlande depuis près d’une décennie (Koottatep et al., 2005). En Afrique, des tests sur modèles réduits ont été réalisés à l’Université de Yaoundé I au Cameroun (figure 8.1) et un suivi à échelle réelle a été réalisé sur le site de la station de traitement de Cambérène à Dakar, Sénégal (Eawag- Sandec, 2009 ; Kengne et al., 2008).
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LITS DE SÉCHAGE PLANTÉS · TECHNOLOGIE CHAPITRE VIII LITS DE SÉCHAGE ... caractéristiques des boues. Les paramètres de gestion opérationnelle ont ... dange sur des lits plantés

Sep 12, 2018

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LêHạnh
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T E C H N O L O G I E

CHAPITRE VI I I

LITS DE SÉCHAGE PLANTÉSIves Magloire Kengne et Elizabeth Tilley

Objectifs pédagogiques

• Savoir ce qu’est un lit de séchage planté pour la déshydratation des boues.

• Avoir un aperçu des espèces végétales qui peuvent être utilisées, de leur rôle dans la déshy-dratation des boues et des critères pour les sélectionner.

• Connaître les besoins en suivi-évaluation lors de l’exploitation-maintenance des lits de sé-chage plantés.

• Être capable de dimensionner un lit de séchage planté selon les objectifs de traitement sou-haités.

8 .1 INTRODUCTION

Les lits de séchage plantés (LSP), parfois aussi appelés « lits de déshydratation plantés », « lits de séchage plantés de roseaux » ou « lits d’humification plantés » sont des bassins constitués de matériaux granulaires poreux (par exemple du sable et du gravier) dans lesquels des macrophytes émergents sont plantés. Les LSP sont alimentés en boues qui s’y accumulent en couches, s’y déshydratent et s’y stabilisent par l’effet de nombreux mécanismes physiques et biologiques (Kadlec et Knight, 1996).

Les LSP ont tout d’abord été développés pour déshydrater et stabiliser les boues des petites stations d’épuration par boues activées en Europe et aux États-Unis (Kadlec et Knight, 1996 ; Lienard et Payrastre, 1996 ; Nielsen, 2003). Le procédé a ensuite été adapté avec succès dans d’autres parties du monde et pour d’autres types de boues, notamment les boues de vidange (BV) en provenance des dispositifs d’assainissement des ménages. Dans les climats tempérés, les LSP montrent des taux de déshydratation, de digestion des solides et d’oxydation plus éle-vés en été qu’en hiver (Edwards et al., 2001), ce qui les prédisposent aux pays tropicaux où les écarts climatiques saisonniers sont moindres et le rayonnement solaire plus constant. Depuis 1996, Eawag-Sandec (Département assainissement, eau & déchets pour le développement de l’Institut fédéral suisse des sciences et technologies de l’eau) et ses partenaires de recherche tra-vaillent ensemble sur le terrain pour mieux connaître les performances de traitement et définir les méthodes pour la conception du procédé pour le traitement des boues de vidange ainsi que les recommandations de fonctionnement. Une installation à échelle pilote fonctionne avec succès en Thaïlande depuis près d’une décennie (Koottatep et al., 2005). En Afrique, des tests sur modèles réduits ont été réalisés à l’Université de Yaoundé I au Cameroun (figure 8.1) et un suivi à échelle réelle a été réalisé sur le site de la station de traitement de Cambérène à Dakar, Sénégal (Eawag-Sandec, 2009 ; Kengne et al., 2008).

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Bien que les exemples de LSP en fonctionnement à échelle réelle ne soient pas nombreux aujourd’hui, les recherches récentes ont donné des résultats prometteurs. Une multiplication du procédé à travers le monde est probable, en particulier dans les régions tropicales des pays à revenu faible.

Les boues de vidange sont déversées à la surface des LSP de façon séquencée, les lames de boues pouvant aller jusqu’à 20 cm (Kadlec et Wallace, 2009). Elles s’y accumulent pendant plusieurs années, en fonction de la charge appliquée, de la capacité de la station et de la miné-ralisation effective (Nielsen, 2003). Le nombre aujourd’hui limité de stations en fonctionnement et la grande variabilité des situations rendent difficile, voire impossible, la prédiction du taux d’accu-mulation des boues. La capacité d’infiltration à travers le lit est maintenue dans le temps grâce à la dynamique du système racinaire des plantes en développement constant, qui génère des canaux au sein des boues, améliorant ainsi la percolation. Le volume de boues accumulées à la surface du LSP diminue dans le temps en raison de la déshydratation et de la digestion. Les plantes maintiennent la porosité de la couche de boue, ce qui permet de ne pas avoir à curer les bassins avant un nouveau déversement, contrairement aux lits de séchage non-plantés (qui eux impliquent un curage des boues toutes les deux ou trois semaines, Strauss et al., 1997). En comparaison avec les lits non-plantés, les macrophytes émergents permettent une efficacité élevée des LSP en termes de stabilisation et de réduction des germes pathogènes. Les plantes évitent aussi le colmatage des lits.

Les performances des LSP concernant la déshydratation, la stabilisation organique et la miné-ralisation dépendent de nombreux facteurs comme le type et la granulométrie des matériaux de filtration, le type de plantes, la maturation des boues dans les lits, les facteurs climatiques et les caractéristiques des boues. Les paramètres de gestion opérationnelle ont aussi une influence, comme la charge hydraulique, la charge massique et la fréquence d’alimentation (Breen, 1997 ; Prochaska et al., 2007 ; Van Cuyk et al., 2001). À mesure que les boues se transforment au sein des lits, les communautés microbiennes s’établissent et se stabilisent. Les paragraphes suivants traitent en détail des conditions de fonctionnement et des paramètres de dimensionnement qui constituent actuellement les bonnes pratiques en matière de lits de séchage plantés pour le trai-tement des boues de vidange.

Figure 8.1  : Pilote de lits de séchage plantés pour le traitement des boues de vidange de l’université de Yaoundé I (photo : Linda Strande).

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8.2 MACROPHYTES

Les macrophytes sont des plantes qui se développent dans les zones humides, les mares et les marécages. Elles ont la capacité de se développer partiellement ou totalement immergées. On distingue quatre types de macrophytes : les plantes librement flottantes, celles qui sont sub-mergées, celles à feuilles flottantes et celles qui sont émergentes. Les macrophytes librement flottants ont des feuilles qui flottent et le plus souvent des racines immergées. Les macrophytes submergés sont généralement enracinés dans le sol et principalement constitués de parties vé-gétales immergées. Les macrophytes à feuilles flottantes sont enracinés mais leurs feuilles flottent à la surface. Enfin, les macrophytes émergents sont enracinés dans le sol, à faible profondeur, avec des feuilles et des tiges qui poussent au-dessus de la surface de l’eau.

Bien que les macrophytes produisent de nombreuses graines, leur reproduction n’a générale-ment pas lieu par germination, car l’environnement aquatique est un élément limitant (Hutchinson et Dalziel, 1972). Leur reproduction s’effectue habituellement par boutures et via les stolons ou les rhizomes. Les rhizomes sont des tiges denses et souterraines à partir desquelles des tiges se développent vers le haut et des racines vers le bas. Sur ces tiges, les nouveaux bourgeons se for-ment au niveau des nœuds. L’espace entre les nœuds est appelé l’« entre-nœud ». Les rhizomes ont un rôle important car ils fournissent une grande surface d’accroche pour le développement des bactéries, qui dans les LSP sont responsables de la dégradation des matières organiques et de la minéralisation des boues. La « rhizosphère » est le nom donné à la zone proche des rhi-zomes, là où l’oxygène est plus concentré car libéré par les racines (paragraphe 8.3.4). La figure 8.2 montre des photos de rhizomes et de cette structure de nœuds et d’entre-nœuds, points caractéristiques des macrophytes.

Les macrophytes émergents sont généralement les mieux adaptés aux LSP car ce sont les macrophytes les plus productifs. Leur vitesse de multiplication et de développement en termes de biomasse est très élevée. Leurs racines et leurs rhizomes s’établissent et s’étendent au sein des couches de boues et leurs tiges percent et se développent au-dessus. Les feuilles qui poussent au niveau aérien utilisent le rayonnement solaire pour la photosynthèse et la transpiration.

Figure 8.2  : Gauche  : Structure du rhizome de E. pyramidalis comportant des racines et deux nouveaux bour-geons. Droite : Déversement de boues de vi-dange sur des lits plantés de jeunes plants avec leurs nœuds et leurs entre-nœuds (photos : Ives Kengne).

Bien que de nombreuses espèces de macrophytes existent dans la nature, seuls certains macro-phytes émergents peuvent se développer dans les conditions particulières des LSP, qui fluctuent entre aérobie, anoxie et anaérobie (selon les phases du cycle alimentation-repos), avec de plus des niveaux de pH, de salinité et de nutriments variables (De Maeseneer, 1997 ; Uggetti et al., 2012). Les niveaux de nutriments élevés et très variables dans les boues impliquent, pour l’es-pèce utilisée, de pouvoir se développer dans une large gamme de conditions et résister aux

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chocs engendrés par la succession entre périodes d’alimentation en boues et séchage. Les boues des toilettes publiques, par exemple, sont fortement concentrées en sels (conductivité jusqu’à 15 mS/cm) et en ammoniaque (2 à 5 000 mg/L), qui sont des éléments toxiques pour la plupart des plantes (Clarke et Baldwin, 2002). Pour pallier ces conditions potentiellement létales et préserver les conditions de développement des macrophytes dans les lits, les boues de toi-lettes publiques doivent être préalablement diluées avec des boues moins concentrées en sels et en ammoniaque (des boues de fosses septiques par exemple).

Dans les stations de traitement pour lits de séchage plantés en Europe, les espèces les plus couramment utilisées sont les roseaux (Phragmites sp.) et les massettes (Typha sp.) (Kadlec et Knight, 1996 ; Kim et Smith, 1997 ; Koottatep et al., 2005). L’utilisation de Phragmites australis

est limitée aux États-Unis et en Nouvelle-Zélande où elle est considérée comme envahissante (Uggetti et al., 2012). D’autres plantes indigènes sont en cours d’évaluation, comme l’herbe à antilope (Echinochloa sp.) et le papyrus (Cyperus papyrus). Sur la base des premiers résultats, ces deux espèces sont prometteuses pour une utilisation dans les LSP.

Pour être utilisable dans un LSP, un macrophyte doit présenter les caractéristiques suivantes (De Maeseneer, 1997) :

• Croissance rapide dans des conditions diverses ;

• Haute capacité de transpiration ;

• Tolérance à des niveaux hydriques et des conditions de sécheresse variées ;

• Tolérance aux pics de pH et de salinité ;

• Rhizome et système racinaire à développement rapide ;

• Capacité à créer de nouvelles racines à partir de ses nœuds au sein des boues ;

• Facilement disponible, indigène et non-invasif.

Si le Phragmites australis (roseaux) est l’espèce la plus utilisée dans les LSP (De Maeseneer, 1997  ; Hardej et Ozimek, 2002), d’autres espèces locales non encore testées présentent des caractéristiques les rendant potentiellement capables d’atteindre des niveaux de traitement simi-laires, sinon meilleurs. Le tableau 8.1 présente une synthèse des macrophytes les plus couram-ment utilisés pour le traitement des boues de vidange.

Tableau 8.1  : Macrophytes habituellement mentionnés pour le traitement des boues de vidange (Kengne et al., 2008  ; Nielsen, 2005 ; Koottatep et al., 2005).

ESPÈCE VÉGÉTALE

NOM COMMUN

TYPE D’EAU

HABITAT D’ORIGINE RÉGIME HYDRIQUE

Phragmites sp. RoseauxFraîche à saumâtre.

Étang, marécage.

Inondation saisonnière ou permanente, jusqu’à 60 cm.

Typha sp. MassetteFraîche à

stagnante.Bordure de

bassin.Inondation saisonnière ou

permanente, jusqu’à 30 cm.

Cyperus papyrus PapyrusFraîche à

stagnante.

Bordure de bassin,

lac.

Inondation saisonnière ou permanente, jusqu’à 30 cm.

Echinochloa sp.Herbe à antilope

Fraîche à saumâtre.

Étang, marécage.

Inondation saisonnière ou permanente, jusqu’à 30 cm.

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8.3 MÉCANISMES DE TRAITEMENT

Le traitement des boues dans les LSP est réalisé par une combinaison de processus physiques et biologiques. Dans les climats humides ou pluvieux, les macrophytes jouent un rôle essentiel dans quasiment tous les processus. Ils sont à l’origine de niveaux de traitement plus élevés qu’en lits de séchage non-plantés en termes de stabilisation et de réduction des pathogènes (Brix, 1997 ; Kadlec et Knight, 1996). Les macrophytes jouent notamment un rôle important pour :

• Stabiliser les lits afin d’éviter l’érosion des matériaux et le colmatage, ainsi que pour augmen-ter la capacité de drainage ;

• Augmenter la déshydratation (via l’évapotranspiration, par opposition à l’évaporation seule des lits de séchage non-plantés) ;

• Fournir une surface d’accroche pour le développement des microorganismes au sein de la couche de boues ;

• Transférer de l’oxygène dans la couche de boues (c’est-à-dire au sein de la rhizosphère) ;

• Absorber les métaux lourds et les nutriments.

Si les LSP sont intéressants pour extraire l’humidité des boues via la transpiration, notamment dans les climats humides ou pluvieux, le risque de flétrissement et de mort des macrophytes existe pour les climats trop secs, en particulier si les boues n’apportent pas suffisamment d’eau. Il est toutefois possible d’éviter cela en maintenant les lits en eau (en mode dit « ponding »), en fermant la vanne de sortie ou en réglant le niveau de sortie du système de drainage des lits. On peut ainsi pallier les épisodes de sécheresse même en climat très sec.

Les paragraphes qui suivent présentent les principaux mécanismes de traitement qui ont lieu dans les LSP et la manière dont les macrophytes y contribuent. Il sera important ensuite d’appré-cier ces informations vis-à-vis des autres solutions de traitement présentées dans cet ouvrage. La filière de traitement adaptée doit en effet être retenue sur la base des conditions locales (chapitre 17).

8.3.1 Infiltration (percolation)

Après que les boues ont été déversées sur les lits, la fraction liquide s’écoule verticalement à travers les matériaux filtrants, pour être collectée en vue d’un traitement ultérieur, et les particules solides sont retenues à la surface de la matrice filtrante (qui est soit le substrat granulaire, soit la couche de boues déjà existante - Kadlec et Knight, 1996).

Dans les lits de séchage non-plantés il se peut que des canaux d’érosion se forment en surface du lit et conduisent à des passages préférentiels et donc à un traitement inégal. Dans les LSP par contre, le système racinaire dense des macrophytes empêche l’érosion et contribue à la structu-ration mécanique des couches de boues. Le mouvement naturel des plantes sous l’effet du vent ainsi que la croissance des racines facilitent le drainage de la fraction liquide le long des tiges et des espaces tubulaires qui les entourent. Au fil de leur développement, les macrophytes brisent et détassent les boues qui s’accumulent, ce qui contribue aussi au maintien des conditions de filtration (Brix, 1994). Lorsque les macrophytes meurent, les racines et les rhizomes en décompo-sition laissent de petits espaces poreux et de petits canaux qui faciliteront l’infiltration mais aussi la circulation de l’air, et contribueront ainsi aux conditions aérobies (Brix, 1994).

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8.3.2 Évapotranspiration

La transpiration est le processus par lequel l’eau est diffusée dans l’atmosphère depuis la surface des feuilles et des tiges d’une plante. La présence de macrophytes favorise donc le séchage des boues en absorbant, puis en évacuant l’humidité via la transpiration. Dans les climats tempérés, le taux d’évapotranspiration (la somme de l’évaporation et de la transpiration) des roseaux peut atteindre 2,5 cm/jour les jours les plus chauds (De Maeseneer, 1997). Ce taux pourrait être encore plus élevé dans les régions tropicales avec des conditions climatiques favorables, notamment au regard de la vitesse du vent et du degré hygrométrique. L’évapotranspiration par les macrophytes permet un séchage et une réduction en volume plus importants qu’avec des lits de séchage non-plantés. Dans une étude comparant l’efficacité des lits plantés et des lits non-plantés pour le traitement de boues d’épuration, une réduction de volume des boues de 95 % sur une année (6 mois d’alimentation, 6 mois de repos) a été observée dans les LSP pour une charge de 493 cm. Dans les lits de séchage non-plantés, la réduction était inférieure à 90 %. Les siccités obtenues étaient supérieures à 69 % dans les lits plantés et de 31 % dans les lits non-plantés. Ces meilleures performances des LSP sont attribuées à l’évapotranspiration des macrophytes et à la meilleure percolation qu’ils induisent (Stefanakis et Tsihrintzis, 2012a). La majorité des connaissances sur le LSP proviennent de recherches avec des boues d’épuration. Les exemples utilisés dans ce chapitre en sont issus, même si les boues d’épuration ne sont pas forcément directement comparables aux boues de vidange.

8.3.3 Stabilisation/minéralisation

La stabilisation est la transformation de la matière organique initiale en composés organiques plus stables. La minéralisation correspond au processus de libération des nutriments biologiquement disponibles lors de la dégradation de la matière organique (par exemple  : la dégradation des acides aminés qui entraîne la libération d’azote). Le processus de stabilisation et de minéralisation conduit à la libération de nutriments, éléments nutritifs essentiels pour les plantes et les microor-ganismes qui contribuent à une meilleure fertilité. Les boues de vidange qui présentent encore une DBO élevée peuvent nécessiter une stabilisation supplémentaire, même si elles ont subi une décomposition bactérienne pendant des années (dans une fosse septique par exemple). La sta-bilisation réduit également les odeurs des boues et détruit les organismes pathogènes. En effet, il semblerait que la durée de stockage contribue à l’affaiblissement des membranes extérieures des œufs d’helminthe, qui peuvent donc être dégradés par les bactéries et les champignons présents dans la couche de boues (Sanguinetti et al., 2005).

La surface des rhizomes constitue une zone d’accroche pour les bactéries et autres microor-ganismes. La meilleure densité microbienne et l’activité plus élevée qui en résultent facilitent la minéralisation des boues ainsi que l’absorption d’eau et de nutriments (Bialowiec et al., 2007 ; Brix, 1997 ; Chen et al., 2007 ; Gagnon et al., 2007).

Les mesures de minéralisation ne sont pas standardisées. Les indicateurs utilisés pour carac-tériser le degré de minéralisation des boues dans un LSP sont les matières volatiles (MV) et leur proportion par rapport aux matières sèches (MS). Le suivi de ces indicateurs renseigne sur l’évolution de la dégradabilité de la matière. La minéralisation se produit principalement pendant les périodes de repos entre les alimentations en boues, car elle est accélérée par les conditions aérobies. L’oxygène est moins disponible pendant les phases d’alimentation en boues des lits,

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qui entraînent une saturation en eau et apportent de fortes concentrations de matière organique biodégradable. Une étude avec des boues d’épuration rapporte une diminution de la teneur en matières volatiles (MV/MS) de 74 % à 59 % (Stefanakis et Tsihrintzis, 2012a). Une autre observe un taux final de 52 % (Uggetti et al., 2012). Il est aussi constaté que la teneur en MV est beaucoup plus faible dans les couches inférieures du lit de boues que dans les couches supérieures ; la durée de stockage des boues est en effet plus grande dans les couches inférieures et permet une meilleure oxydation (Stefanakis et al., 2009).

8.3.4 Transfert d’oxygène

Les boues de vidange non-traitées ne contiennent pas ou peu d’oxygène dissous. Elles sont gé-néralement anoxiques ou anaérobies. De l’oxygène peut néanmoins être transféré dans les boues par différents mécanismes physiques et biologiques, pour créer des zones anoxiques et aérobies. Ces variations en concentrations d’oxygène permettent à des processus complexes (notamment la nitrification et la dénitrification) d’avoir lieu dans les LSP, conduisant à des niveaux de traitement plus élevés qu’avec des lits non-plantés.

Les macrophytes enracinés se sont adaptés aux conditions saturées en eau des sols, dont les espaces poreux sont remplis d’eau et où les conditions sont donc anaérobies. Les rhizomes et les racines des macrophytes sont alimentés en oxygène par un système de transfert interne qui l’achemine depuis les feuilles. Ce système de circulation interne peut occuper jusqu’à 60 % du volume tissulaire total selon les espèces (Brix, 1994). Une partie de l’oxygène qui arrive au niveau des racines s’échappe dans la rhizosphère. Il génère alors des conditions aérobies à proximité des racines et contribue au développement de bactéries aérobies, qui permettent une dégrada-tion aérobie et une nitrification. Ce transfert d’oxygène se produit principalement au niveau de la racine. Son importance dépend entre autres de la perméabilité des parois des racines et de leur concentration interne en oxygène. Ce taux est difficile à quantifier, mais des taux de transfert d’oxygène compris entre 0,02 et 12 g/m2/jour ont néanmoins été calculés pour des racines de Phragmites (Brix, 1994).

La couche supérieure de boue se fissure au fur et à mesure de son séchage, ce qui crée des es-paces grâce auxquels l’oxygène peut pénétrer dans la couche de boue (figure 8.3). Ces fissures sont plus prononcées dans les climats chauds et arides. Elles sont plus nombreuses dans les zones encore peu colonisées par les rhizomes, puisque ceux-ci ont un effet cohésif sur les boues (Stefanakis et Tsihrintzis, 2012a). Les conditions chaudes et sèches sont donc bénéfiques pour le transfert d’oxygène induit par la fissuration. Trop prononcées, ces conditions peuvent néanmoins provoquer le flétrissement et la mort des plantes. Cela illustre l’importance des conditions locales dans le choix entre lits de séchage plantés et lits de séchage non-plantés.

8.4 INDICATEURS DE PERFORMANCE

La performance d’un LSP est généralement appréhendée à travers la teneur en eau des boues traitées, la quantité et la forme des nutriments, le degré de stabilisation et le taux d’élimination des agents pathogènes. Les paragraphes suivants expliquent plus en détail comment ces indicateurs de performance peuvent être mesurés et analysés. Deux études de cas (Thaïlande et Cameroun) permettent d’illustrer les performances obtenues sur le terrain.

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8.4.1 Déshydratation

La déshydratation des boues fait référence à l’évacuation de l’eau des boues dans le but de faciliter leur manipulation et leur réutilisation. On l’évalue généralement à travers la mesure de la teneur en MS (ou siccité). Cette teneur est l’un des principaux paramètres de dimensionnement des stations de traitement des boues de vidange. Avec des LSP dans les régions tropicales, il est possible d’atteindre des siccités (proportion massique de matière sèche contenue dans la boue) d’au moins 30 % (Kengne et al., 2009a).

Figure 8.3  : Exemple de craquelle-ments en formation dans des lits de séchage plantés avec E. pyramidalis (photo : Ives Kengne).

8.4.2 Rétention des nutriments

La prise en compte des nutriments dans le traitement des boues de vidange est très importante, car ils sont déterminants pour la réutilisation des boues et pour le traitement ultérieur des effluents. L’azote (N) et le phosphore (P) sont intéressants à valoriser dans la réutilisation, mais ont aussi des impacts potentiellement négatifs sur les eaux de surface et les eaux souterraines quand ils sont re-jetés dans l’environnement. On rapporte une réduction de 35 à 42 % en azote total Kjeldahl (NTK) dans un LSP alimenté en boues d’épuration avec une charge comprise entre 30 et 75 kg MS/m2/an et une teneur en azote initiale de 55 mg NTK/g de MS. Une réduction de 24 % est observée dans un lit non-planté, ce qui illustre le rôle des macrophytes dans le cycle des nutriments. Les prin-cipaux processus de transformation de l’azote dans les LSP sont supposés être l’absorption et l’assimilation par les plantes et les colonies microbiennes, la volatilisation et la dénitrification dans les zones anaérobies (Kadlec, 2009). Les macrophytes jouent également un rôle dans la dénitri-fication, par exemple en tant que sources de carbone et lieux d’accroche des microorganismes dénitrifiants. L’abattement en phosphore se révèle par contre assez similaire entre lits plantés et lits non-plantés. Le principal mécanisme d’abattement du phosphore semble être la sorption sur les matériaux granulaires et les racines des plantes (Stefanakis et Tsihrintzis, 2012a).

L’absorption par les plantes de l’azote et du phosphore dans les LSP représente entre 0,2 et 5 % de la charge initiale en nutriments, ce qui dépend des conditions climatiques, des charges appli-quées et d’autres facteurs (Stefanakis et Tsihrintzis, 2012a). Bien qu’aucune donnée spécifique pour les LSP n’existe, l’abattement des nitrates dans les zones humides artificielles peut représen-ter de 60 à 70 % de l’abattement total en azote. Des taux d’abattement similaires pourraient être attendus dans les LSP selon leur niveau de saturation en eau.

On peut récupérer les nutriments absorbés par les plantes en les faucardant. Si on laisse les plantes mourir et se décomposer à la surface des lits, les nutriments seront recyclés dans les boues. Le faucardage des plantes et leur utilisation comme fourrage ou autre est une possibilité offerte par les LSP. Une étude menée au Cameroun avec des lits de séchage plantés de papyrus (C. papyrus) et d’herbe à antilope (E. pyramidalis) fait état d’une récolte annuelle de papyrus de 20 à 30 t/ha de biomasse aérienne sèche et de 80 à 150 t/ha de biomasse souterraine sèche (les rhizomes sont laissés en place pour une croissance continue).

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La récolte complète des tiges de E. pyramidalis trois fois dans l’année a généré au total au moins 100 à 150 t/ha de biomasse sèche pour une quantité de 30 à 70 t/ha de biomasse souterraine sèche. Entre 236 et 383 g de N/m2/an et 60 à 92 g de P/m2/an ont été extraits des lits via la récolte de papyrus. La récolte d’herbe à antilope a quant à elle permis d’extraire entre 216 et 330 g de N/m2/an et 55 à 84 g de P/m2/an. L’extraction des racines et des rhizomes lors du curage des lits générera un supplément de 55 à 124 g de N/m2/an et de 33 à 36 g de P/m2/an (Kengne et al., 2008).

Le phosphore qu’on ne retrouve pas dans le percolat, se trouve principalement dans la couche de boues sous forme particulaire ou a été absorbé par le matériau granulaire et le système racinaire. L’azote est principalement transformé à travers les processus de nitrification et de dénitrification, tous deux améliorés par la présence des plantes, ce qui explique la meilleure qualité de percolat en sortie des LSP.

Étude de cas 8.1 : Test de fréquences d’alimentation en Thaïlande.(Adapté de Koottatep et al., 2005).

Les lits de séchage plantés utilisés à Bangkok, Thaïlande, sont plantés de massettes (Typha) et traitent des boues de vidange de concentrations moyennes suivantes : 15,4 g de MS/L ; 18,7 g de DCO/L ; 1,1 g de NTK/L et 0,4 g N-NH3/L.

Soumis à des charges de 80 et 250 kg de MS/m2/an, les lits plantés ont présenté les rendements suivants : 66 à 88 % en MS, 78 à 99 % en DCO, 82 à 99 % en NTK et 40 à 98 % en N-NH3. Environ 65 % du volume initial a été drainé pour produire un percolat aux caractéristiques suivantes : 1,9 à 6,01 g de MS/L ; 0,1 à 2,2 g de DCO/L ; 0,006 à 0,25 g de NTK/L et 0,005 à 0,2 g de N-NH3/L. Les 35 % restants ont été évacués par évapotranspiration ou conservés dans la couche de boues accumulées.

Une variation de la fréquence d’alimentation d’une à trois fois par semaine n’a pas eu d’impact significatif sur les performances de traitement. Une fréquence de deux alimentations par semaine a facilité la croissance des massettes sans mettre les lits en eau (ce qui peut être fait en fermant la vanne de sortie des drains). Néanmoins, dans un objectif de diminution de l’effort de travail par l’alimentation, la fréquence d’alimentation a été réduite à une fois par semaine, avec une rétention permanente du percolat au fond des lits pour permettre l’alimentation en eau des massettes pen-dant la saison sèche.

8.4.3 Devenir des métaux lourds

Les métaux lourds sont généralement peu concentrés dans les boues de vidange, sauf quand ils proviennent de sources industrielles (Kroiss, 2004 ; Molla et al., 2002 ; Towers et Horne, 1997). On peut néanmoins y retrouver de faibles concentrations en métaux comme le chrome (Cr), le cadmium (Cd), le plomb (Pb), le cuivre (Cu), le nickel (Ni), le manganèse (Mn), le zinc (Zn) et le fer (Fe), en raison des additifs ajoutés dans les dispositifs d’assainissement des ménages, des produits chimiques ou des piles électriques parfois jetés dedans, de l’exposition des camions à des contaminants (camions qui transportent également des boues industrielles) ou simplement parce que ces métaux ont été ingérés puis excrétés par les personnes.

Des recherches menées sur des lits plantés de Phragmites australis alimentés en boues de station d’épuration à boues activées ont montré que les métaux Cr, Cd, Pb, Cu, Ni, Mn, Zn et Fe étaient répartis de façon hétérogène dans le LSP et ne s’accumulaient pas de manière significative dans les macrophytes. C’est une assimilation inégale des métaux dans les plantes qui a été observée avec, par ordre d’importance : Cr > Fe > Zn > Mn > Cu > Pb > Ni > Cd. Il a été constaté que les

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roseaux étaient assez tolérants aux concentrations en métaux et qu’ils ne présentaient aucun signe de toxicité bien que l’absorption de métaux augmentait chaque année. L’analyse a montré que les métaux étaient plus concentrés dans les racines, puis dans les feuilles et les tiges. Les quantités absorbées par les plantes n’ont cependant pas été significatives. Elles représentaient moins de 3 % de la quantité de métaux présents dans les boues (Stefanakis et Tsihrintzis, 2012b).

La teneur en métaux dans les boues augmente en général au fil du temps, car la matière orga-nique se décompose. Une étude a permis de constater que les matériaux granulaires constitutifs du lit étaient le principal siège d’accumulation, avec un stockage de 47 % des métaux contenus dans les boues déversées. La sédimentation, l’adsorption et la précipitation (en tant qu’oxydes métalliques, carbonates et sulfures) sont les principaux mécanismes par lesquels les couches de gravier et de sable piègent et retiennent les métaux lors de leur passage à travers le lit. Seulement 16 % des métaux entrants ont été observés dans le percolat (Stefanakis et Tsihrintzis, 2012b).

8.4.4 Abattement des germes pathogènes

Dans un but de réutilisation des boues, il est recommandé de déterminer l’objectif de qualité à travers une approche multi-barrière plutôt qu’en appliquant des valeurs limites strictes. Par exemple, les boues qui sont destinées à être utilisées comme combustible ou pour faire pousser du fourrage pour animaux ne nécessitent pas le même degré de désinfection que les boues sus-ceptibles d’entrer en contact avec des produits agricoles destinées à la consommation humaine. Le chapitre 10 (« Destination finale des produits issus du traitement ») aborde ce sujet plus en détail.

L’utilisation des boues en agriculture dépend principalement de leur teneur en germes patho-gènes. La prédation, la déshydratation et le temps de séjour sont les principaux mécanismes responsables de la réduction des agents pathogènes des boues de vidange dans les LSP. Un temps de séjour plus important permet une meilleure réduction des germes pathogènes. Les œufs d’helminthe sont très résistants au stress environnemental (notamment à la siccité et à la chaleur). Ils constituent un indicateur important de la qualité des boues.

À travers une synthèse de plusieurs rapports, Ingallinella et al. (2002) montrent que le traitement des boues de vidange dans un LSP permet de réduire les concentrations en œufs d’helminthe depuis une plage de 600 à 6 000 œufs d’helminthe/L de boues à 170 œufs/g de MS, avec un taux de viabilité des œufs après traitement entre 0,2 et 3,1 %. D’autres recherches montrent que les LSP permettent une rétention des œufs d’helminthe dans les boues accumulées et une absence totale dans le percolat. Kengne et al. (2009b) mesurent une teneur en œufs d’helminthe dans les boues accumulées de 79 œufs/g de MS.

8.4.5 Autres considérations

Outre leur rôle direct dans le traitement des boues de vidange, les macrophytes sont visuellement esthétiques et peuvent constituer un habitat pour des espèces animales comme les oiseaux et les reptiles (Brix,1994). La présence d’insectes et d’autres vecteurs de maladies (comme les rongeurs et les moustiques) pourrait constituer un risque potentiel pour la santé si elle n’est pas correctement gérée. Les communautés voisines d’un LSP accepteront sans doute plus facile-ment une technologie de traitement qui semble être « naturelle ». Dans de nombreux cas, il est même possible qu’elles ne sachent pas que les LSP sont artificiels et utilisés pour le traitement des boues de vidange (De Maeseneer, 1997). Même si l’on ne peut pas mesurer l’intégration pay-sagère, la valeur esthétique des LSP est un avantage supplémentaire qui doit être pris en compte lors du choix de la filière de traitement.

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T E C H N O L O G I E

Le tableau 8.2 synthétise les performances des LSP sur la base de mesures dans diverses condi-tions expérimentales.

Tableau 8.2 : Synthèse des performances des lits de séchage plantés à travers le monde.

PAYSCHARGE

(kg MS ⁄ m2/an)

% DE RÉTENTION PARTICULAIREET HUMIDITÉ

% DE RÉTENTION DES NUTRIMENTS ET DES MATIÈRES

ORGANIQUES

AUTRES MESURES

PLANTES UTILISÉES RÉFÉRENCES

France1 ≈ 70 85 % (MS)70 % (DCO)79 % (NTK)

66 % (N-NH4)

Phragmites australis

Lienard et Payrastre,

1996

USA1 9,8 à 65 99 % (MES) 95 % (DCO)90 % (NTK)

42 % (N-NH4)

Phragmites australis

Burgoon et al., 1997

USA1 16 à 106 46 à 49 % (MVS) 15 à 47 % (MS)

Phragmites australis

Kim et Smith, 1997

Pologne1 -

94,6 % (réduction de volume),

43 à 65 % (taux d’humidité)

Phragmites australis

Obarska- Pempkowiak et

al., 2003

Thailande2 250

74 à 86 % (MS)96 à 99 % (MES) 20 à 25 % (siccité

après 4 ans)

78 à 99 % (DCO) 70 à 99 % (NTK)50 à 99 % (NH3)

< 6 œufs d’helminthe

viables/g de MS

Typha augustifolia

Koottatep et al., 2005

Cameroun2 200

70,6 à 99,9% (MS)78,5 à 99,9 %

(MES) 30 % (siccité

atteinte)

73,4 à 99,9 % (DCO)

69,2 à 99,3 % (NTK)

50 à 99 % (NH3)

100 % (œufs

d’helminthe)

Echinochloa pyramidalis

Kengne et al., 2009b

Sénégal2 200 97 % (MS) 99 % (MES)

99 % (DCO)91 % (NH4

+) 97 % (PO4

3-)

Echinochloa pyramidalis

Abiola, 2009

1 Boues d’épuration. 2 Boues de vidange.

Étude de cas 8.2 : Tests de charges au Cameroun.(Adapté de Kengne et al., 2011).

Des charges allant de 100 à 200 kg de MS/m2/an ont été testées sur des lits plantés de C. papyrus et d’E. pyramidalis avec des boues de vidange en provenance de divers types de dispositifs d’as-sainissement à la parcelle (fosses septiques, latrines publiques et latrines traditionnelles).

Les résultats ont montré que la charge appliquée n’avait pas d’impact significatif sur la performance de la déshydratation lorsque les lits étaient alimentés une fois par semaine. Les concentrations en MS et en MES sont passées respectivement de 3,7 % et 27,6 g/L dans les boues brutes à moins de 0,5 % et 2,1 g/L dans le percolat. Les concentrations en DCO sont passées de 31 g/L dans les boues brutes à moins de 0,8 g/L dans le percolat et les concentrations en NH4

+ de 0,6 g/L à moins de 0,09 g/L. La concentration en NTK dans le percolat était en moyenne comprise entre 0,1 et 0,2 g/L. Une bonne nitrification a été obtenue avec une concentration moyenne comprise entre 0,2 et 0,5 g/L, probablement en raison d’une augmentation de la concentration d’oxygène lors du passage de l’effluent à travers les matériaux filtrants.

Chargés à 100 kg de MS/m2/an, les lits ont rarement colmaté et ont permis d’atteindre une siccité de plus de 30 %. Environ 50 % du volume de boues déversées ont été drainés. Les charges su-périeures à 200 kg de MS/m2/an ont entraîné des colmatages plus fréquents sur les lits plantés de papyrus que sur ceux plantés d’E. pyramidalis avec, par conséquent, un moindre drainage de la fraction liquide à travers les lits.

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8.5 CONCEPTION ET CONSTRUCTION

La technologie LSP a connu un grand succès en Europe et a récemment été adaptée pour le trai-tement des boues de vidange dans les pays à revenu faible. Pourtant les LSP pour le traitement des boues de vidange commencent seulement à se développer. Peu d’études ont été réalisées sur des stations opérationnelles à échelle réelle. Trop peu de stations ont fait l’objet d’un suivi adéquat ou ont été exploitées suffisamment longtemps pour que des recommandations abouties puissent être formulées pour la conception et la construction.

Les coûts de construction sont en général plus faibles que pour les stations de traitement des boues de vidange conventionnelles. Les LSP demandent une surface moindre que le lagunage. Bien que simple au plan mécanique (même si quelques parties mobiles existent), la technologie nécessite, pour être efficace, un soin particulier dans sa conception, sa construction et sa période d’acclimatation. Le tableau 8.3 dresse la liste des points généraux à prendre en compte pour le dimensionnement, sur la base des résultats constatés sur les stations existantes. Un exemple de dimensionnement d’un LSP est présenté dans l’étude de cas 8.3.

Tableau 8.3 : Points généraux pour le dimensionnement des lits de séchage plantés (Adapté de Davis, 1995).

FACTEURPARAMÈTRES À PRENDRE EN COMPTE

REMARQUES

Choix du site

Usage du terrain et

accès

• Localisation centrale pour réduire les distances de transport.• Localisation éloignée des zones habitées pour éviter la diffusion

d’odeurs et d’insectes.• Localisation avec accès adapté pour les camions et éloignée des

zones résidentielles pour réduire l’impact sonore.

Disponibilité foncière

• Le site doit être assez grand pour la situation actuelle et la situation future.

Topographie du site

• Choisir autant que possible un site qui permette l’écoulement gravitaire pour éviter les coûts énergétiques et de pompage.

Structure

Casiers

• Les casiers peuvent être construits en déblai ou en remblai pour créer de la profondeur.

• La revanche doit être suffisante pour permettre l’accumulation des boues pendant 3 à 4 ans. En général, une revanche de 1,5 à 2 m est recommandée.

• Plusieurs casiers doivent être construits en parallèle, pour permettre leur alimentation séquencée et des périodes de repos.

• Des digues permettront de séparer les casiers et d’éviter les courts-circuits.

• Le radier doit être en pente (1 à 3 %).• Maintien d’un espace entre les casiers pour le passage des

engins et les activités de maintenance (par exemple : faucardage, curage, etc.).

Membranes

• Elles doivent être scellées pour éviter de contaminer des eaux de nappe ou d’avoir des intrusions d’eau dans les lits. Les membranes synthétiques sont préférables, mais l’argile compactée peut aussi être une solution.

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T E C H N O L O G I E

Dispositifs hydrauliques

Entrée• Les dispositifs de contrôle des flux doivent être simples et faciles

à régler. Des vannes placées sur les canaux ou les canalisations sont généralement utilisées.

Sorties

• Un seuil, un déversoir ou une réhausse de canalisation réglable doivent permettre le réglage des niveaux d’eau dans les lits si besoin (c’est-à-dire la mise en eau du casier pour éviter le flétrissement des plantes).

Vie de l’installation

• La durée de fonctionnement des lits est déterminée par la charge appliquée, le degré de stabilisation et le nombre de lits ; ce nombre doit être déterminé en fonction de la quantité de boues à traiter prévue.

Climat et météo

• La mise en eau des casiers peut être nécessaire pour éviter les effets négatifs de la sécheresse ou des températures élevées (voir « Sorties » ci-dessus).

• Augmenter la période de repos (durée entre deux alimentations consécutives) lorsque les précipitations sont fortes.

Matrice de filtration

• Les matériaux filtrants sont le sable, les graviers (granulométries moyennes à grossières) et d’autres matériaux grossiers.

• La couche supérieure doit avoir un coefficient d’uniformité supérieur à 3,5 afin d’éviter un colmatage rapide (ceci peut être réalisé après tamisage ou lavage pour éliminer les fines particules).

• Une petite quantité de terre ou de matière organique peut être nécessaire pour faciliter le début de croissance des plantes lors du démarrage.

• Le lit doit rester humide, mais sans être saturé en eau, jusqu’à ce que les graines aient germé ou que les segments de rhizomes aient généré de nouvelles pousses.

Végétaux

• Choisir des macrophytes indigènes et non-invasifs, dont la capacité à se développer sur des boues est démontrée.

• Sélectionner des pousses ou des segments qui ne présentent pas visuellement de signes d’attaque de nématodes.

• Réaliser la plantation ou le faucardage durant la saison des pluies afin de faciliter le développement ou la repousse.

Ventilation• Un meilleur débit d’air ainsi qu’un meilleur drainage de la fraction

liquide peuvent être obtenus en utilisant des blocs creux ou des tuyaux de ventilation*.

Dispositif d’alimentation

• Une répartition uniforme des boues (alimentation de préférence au milieu des lits) est importante pour éviter les zones mortes et le développement hétérogène des plantes.

• La fréquence d’alimentation est d’une à trois fois par semaine, selon la saison.

* Des études comparatives concernant l’effet de canalisations d’aération (colonnes PVC perforées qui acheminent l’air à travers les matériaux constitutifs du lit) ont montré que cela n’augmentait pas directement la déshydratation, mais per-mettait en revanche une meilleure croissance des plantes, donc une meilleure évapotranspiration (Stefanakis et Tsihrintzis, 2012a). Les colonnes PVC peuvent être intégrées à la conception des lits, même si elles ne sont pas nécessaires.

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Étude de cas 8.3 : Conception et construction d’un lit de séchage planté en Thaïlande.

En 1996, l’Institut asiatique de technologie (Asian Institute of Technology, AIT), en collaboration avec Eawag-Sandec, a construit un LSP pilote pour traiter les boues de vidange de Bangkok. Le système de traitement est constitué des unités suivantes : i) prétraitement par dégrillage (rétention des matériaux grossiers)  ; ii) bassin d’équilibrage et de mélange (pour obtenir un certain degré d’homogénéisation des boues en provenance d’origines diverses)  ; et iii) trois LSP reliés à une lagune et un filtre planté à écoulement vertical pour le traitement poussé du percolat. Chaque LSP mesure 5 m × 5 m à la surface du lit (et 6,2 m × 6,2 m au niveau supérieur des parois) et est étanché par une couche de ferrociment.

La hauteur des couches de filtration est de 65 cm, afin d’éviter que les racines et les rhizomes des massettes n’atteignent le fond du lit (la longueur de la racine est comprise entre 30 et 40 cm). Chaque lit est constitué de haut en bas de 10 cm de sable fin, 15 cm de gravier fin et 40 cm de gravier grossier. La hauteur de la zone d’accumulation des boues déshydratées est d’un mètre. Des massettes à feuilles étroites (Typha augustifolia), récoltées dans une zone humide naturelle voisine, ont été plantées en partie supérieure de la couche de sable à une densité initiale de 8 pieds/m2.

Le dispositif de drainage et de ventilation installé au fond des lits est constitué de blocs de béton creux de dimension 20 cm × 40 cm × 16 cm et de tuyaux PVC perforés d’un diamètre de 20 cm. Des colonnes de ventilation du même diamètre sont posées sur le système de drainage et re-montent à environ un mètre au-dessus de la bordure supérieure des lits afin de faciliter le tirage naturel, réputé augmenter le taux d’oxygène dans la couche de boue et diminuer les conditions anaérobies. Le percolat issu de chaque lit est récupéré dans un réservoir de béton de 3 m3 à des fins de prélèvement et d’analyse.

Figure 8.4  : Lit planté pilote de l’Institut asiatique de technologie avec ses colonnes de ventilation, aujourd’hui non-utilisé (photo : Linda Strande).

Tableau 8.4 : Synthèse des éléments de conception des lits de séchage plantés de Thaïlande.

ÉLÉMENT DÉTAILSPente du radier 1 à 3 %.

Pente des parois 50 à 100 %

Dispositif de drainage Gravier grossier, parpaing creux ou tuyaux perforés.

Ventilation Colonnes de ventilation reliées au dispositif de drainage.

Matériaux de filtration De bas en haut : Gravier grossier (dia. = 5 cm), épaisseur de 45 cm ;Gravier moyen (dia. = 2 cm), épaisseur de 15 cm ;Sable (dia. = 0,1 cm), épaisseur de 10 cm.

Végétaux Massettes (Typha augustifolia)

Revanche 1 m.

Dispositif d’alimentation Répartition uniforme (au centre de chaque lit).

Prétraitement Dégrillage grossier.

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Étude de cas 8.4 : Démarrage de lits de séchage plantés en Afrique de l’Ouest.(Adapté de Eawag-Sandec, 2009).

Au Cameroun, les jeunes pieds ou des segments de pieds de E. pyramidalis qui ont été utilisés présentaient au moins un entre-nœud. D’autre part, C. papyrus a aussi été planté à partir d’an-ciens segments de rhizomes, pour un poids frais de 300 à 350 g. Avant de déverser des boues, les plantes ont été laissées 6 semaines dans un milieu saturé en eaux usées domestiques. Durant les six mois qui ont suivis, les boues de vidange ont été déversées avec des charges croissantes pour atteindre les charges nominales prévues, entre 100 et 200 kg de MS/m2/an selon les lits (Kengne et al., 2011). La densité de pieds avant les déversements en boues était de 11 pieds par mètre carré pour E. pyramidalis et de 9 rhizomes (chacun comportant 1 à 4 bourgeons) par mètre carré pour C. papyrus.

Au Sénégal, la phase de démarrage du LSP à échelle réelle planté de E. pyramidalis a nécessité quatre mois d’alimentation avec le surnageant du bassin de sédimentation-épaississement des boues de vidange. Après cette période, les LSP ont reçu des boues de vidange à des charges al-lant progressivement de 13 à 235 kg/m2/an. La densité initiale des plants était de 9 à 12 pieds/m2.

8.6 EXPLOITATION-MAINTENANCE

Comme pour toute technologie de traitement, une exploitation ad hoc et une maintenance régu-lière sont les éléments essentiels pour l’atteinte des performances optimales et le bon vieillisse-ment de l’ouvrage. Le cycle de vie d’un LSP comprend en général une phase de démarrage à moindre charge pour permettre l’acclimatation des plantes, suivie d’une période de fonctionne-ment à la charge nominale (charge de dimensionnement) qui comprend des faucardages régu-liers, puis un curage des lits. Ces différents aspects sont abordés dans les paragraphes suivants.

8.6.1 Démarrage

Si les LSP peuvent paraître techniquement simples, ils mettent en jeu des mécanismes biolo-giques complexes. Ils doivent donc être soigneusement exploités pendant la phase de démar-rage, dont l’objectif est d’acclimater les macrophytes à leurs nouvelles conditions et aux boues de vidange. Lors de la phase de démarrage, les lits peuvent être alimentés en eaux usées ou en boues de vidange diluées. Une étude rapporte un démarrage de LSP avec des effluents de porcherie, dont la charge était de 25 mm deux fois par mois durant les 8 mois qui ont suivi la plantation. Cette durée d’acclimatation et cette charge réduite (3 kg de MS/m2/an) ont été jugées adaptées pour préparer les macrophytes à un fonctionnement à charge nominale (Edwards et al., 2001). Il est recommandé de réaliser la plantation des macrophytes lors de la saison des pluies afin de faciliter l’adaptation des plantes à leurs nouvelles conditions. En fonction du climat et des conditions de fonctionnement, la phase de démarrage peut durer de quelques mois à une année entière avant de pouvoir passer à la charge prévue au dimensionnement.

Une durée de démarrage de 6 mois est recommandée en moyenne (Kengne et al., 2011). Il a été constaté que les massettes étaient plus sensibles que les roseaux pendant cette phase d’ac-climatation. Elles peuvent avoir besoin de plus de temps avant de pouvoir supporter la charge nominale. Deux ou trois mois d’acclimatation se sont parfois révélés suffisants, comme le montre l’étude de cas 8.4 (Stefanakis et Tsihrintzis, 2012a). La densité de plantation est aussi un élé-ment important. Les pieds peuvent être plantés à raison de 4 à 12 par mètre carré (Edwards et al., 2001). Pour s’assurer qu’ils survivent et se développent, les pieds jeunes et vigoureux,

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exempts de parasites, doivent être préférés. Plus les plantes grandissent et se densifient, plus l’évapotranspiration augmente (Stefanakis et Tsihrintzis, 2012a). L’étude de cas 8.4 présente deux exemples de paramètres pour la mise en fonctionnement des LSP en Afrique de l’Ouest.

8.6.2 Charges applicables et accumulation des boues

Préalablement à leur déversement dans les lits, les boues de vidange peuvent être dépotées dans un réservoir de stockage et de mélange équipé d’un dégrillage pour la rétention des matériaux grossiers et des ordures, et ainsi protéger les lits plantés du colmatage. Ce réservoir joue aussi le rôle avantageux de bassin tampon pour réguler les flux de boues envoyées sur les lits. Il devrait toujours être mis en place dans ce type de station.

Figure 8.5 : Réservoir de stockage et de mélange utilisé au Sénégal, avec un dégrillage pour éviter le colmatage des lits par des ordures (photo : Linda Strande).

Les données sur les LSP fonctionnant à charge nominale sont différentes selon la zone, ce qui il-lustre l’importance du climat sur les paramètres d’exploitation. En général, les conditions chaudes et sèches qui donnent lieu une grande évapotranspiration permettent d’appliquer une charge de boues plus grande. En Europe, les charges appliquées en boues d’épuration sont généralement faibles (pas plus de 80 kg/m2/an). Les résultats en pays tropicaux montrent que cette charge pourrait être quasiment triplée.

Au cours d’une série d’expériences conduites par l’Institut asiatique de technologie, un LSP plan-té de massettes a par exemple été soumis à des charges allant jusqu’à 250 kg/m2/an (Koottatep et al., 2005). De même à Dakar, les tests de LSP plantés de E. pyramidalis ont bien fonctionné jusqu’à des charges de 235 kg/m2/an. Au Cameroun, le traitement de boues de vidange à échelle réduite montre qu’un LSP planté de C. papyrus peut fonctionner efficacement à une charge de 100 kg/m2/an et un lit planté de E. pyramidalis à 200 kg/m2/an.

Les tentatives d’augmenter la charge à 300 kg/m2/an ont par contre généralement entraîné un colmatage sévère des lits (Kengne et al., 2011). Entre 1996 et 2003, l’Institut asiatique de tech-nologie de Bangkok, Thaïlande, a suivi des lits de séchage expérimentaux en mesurant les ma-tières solides en entrée (kg de MS/m²) et dans le percolat. Les bilans massiques obtenus sont présentés dans le tableau 8.5.

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Tableau 8.5 : Bilan massique sur les matières sèches (MS) pour des lits de séchage plantés recevant des boues de vidange de fosses septiques après 300 jours de fonctionnement (Adapté de Koottatep et al., 2005).

LIT #1 LIT #2 LIT #3 MOYENNE(kg de MS/m2) (%) (kg de MS/m2) (%) (kg de MS/m2) (%) (%)

Boues de vidange 187 115 112 -

Boues séchées 93 50 60 52 43 38 47

Percolat 20 11 14 12 13 12 12

Non-comptabilisé 74 39 41 36 56 50 42

Il est intéressant de noter qu’en moyenne environ 47 % des matières sèches ont été retenues dans la couche de boues séchées, environ 12 % ont migré à travers le lit et ont été récupérées dans le percolat (voir le paragraphe 8.6.6 ci-dessous sur le percolat) et 42  % restent «  non- comptabilisées ». Les matières sèches absentes du bilan massique peuvent avoir été minéra-lisées ou absorbées dans ou sur la matrice de filtration. Ces résultats illustrent la raison pour laquelle la régénération des matériaux de filtration est nécessaire et soulignent l’importance d’un traitement ultérieur du percolat qui présente de fortes concentrations en matières sèches.

8.6.3 Fréquence d’alimentation et période de repos

L’alimentation des LSP est toujours réalisée de manière séquencée, avec une fréquence qui va-rie d’un site à l’autre. En général, l’alimentation a lieu une à trois fois par semaine au moyen de vannes et de siphons ou de dispositifs de pompage installés dans un réservoir tampon, ce qui est préférable au déversement direct à partir du camion. Une fois la couche de boue déversée à sa surface, le lit est laissé au repos et se draine. Pendant cette période, les espaces poreux de la matrice filtrante se vident du liquide et se remplissent d’air. L’application suivante de boues viendra au contact de ces petites poches d’air. L’oxygène, élément déterminant de la nitrification, sera alors rapidement consommé (Kadlec et Wallace, 2009). Une période de repos entre chaque séquence d’alimentation est donc nécessaire pour éviter le colmatage biologique et permettre le rechargement en oxygène des espaces poreux (Stefanakis et Tsihrintzis, 2012a).

Néanmoins, si l’on augmente la durée de repos entre alimentations, un plus grand nombre de lits plantés est nécessaire à capacité de traitement égale. Sur la base d’une équation semi- empirique, des chercheurs ont déterminé que la durée optimale entre alimentations pour maximi-ser le séchage, tout en minimisant les coûts, était de 11 jours (Giraldi et Iannelli, 2009). Ceci est conforme aux autres pratiques rapportées, qui mentionnent un temps de repos compris entre une et trois semaines (Stefanakis et Tsihrintzis, 2012a).

8.6.4 Faucardage et reprise des plantes

Comme indiqué au paragraphe 8.4.2, un avantage des LSP est de produire des macrophytes qui peuvent être récoltés et avantageusement réutilisés (point développé plus en détail au chapitre 10). Les macrophytes qui poussent dans les LSP produisent deux à trois fois plus de biomasse qu’en zones humides naturelles, en raison de la disponibilité des nutriments dans les boues, en particulier de l’azote et du phosphore (Warman et Termeer, 2005). Le faucardage est gé-néralement réalisé à des moments précis (par exemple lors du curage), mais il est possible de

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l’envisager en fonction d’autres considérations comme les besoins du marché de la réutilisation (par exemple le marché du fourrage animalier) ou la gestion des attaques d’insectes (Altieri et Nicholls, 2003 ; Pimental et Warneke, 1989). Un impact important des insectes a été observé sur les grandes installations, en particulier pour des monocultures denses. Lors d’une attaque d’insectes, il convient de faucarder les plantes pour permettre aux plants jeunes et plus vigoureux de prendre le dessus. L’espèce E. pyramidalis, très recherchée comme fourrage dans certaines régions, peut être récoltée jusqu’à trois fois par an (Kengne et al., 2008).

Le faucardage est encore aujourd’hui réalisé manuellement, puisque la plupart des LSP sont des pilotes ou des modèles expérimentaux. Des moyens mécanisés seront probablement utilisés pour les stations importantes. Le faucardage doit se faire en coupant les plantes à la surface des lits, sans les arracher. Cela évite d’endommager la matrice de filtration et permet aux rhizomes laissés en place de redonner des tiges et des feuilles.

8.6.5 Curage des lits

Déterminer la charge applicable optimale est important pour l’exploitation-maintenance des LSP, cela permet d’éviter un épaississement trop rapide de la couche de boues nécessitant un curage précoce. Des expérimentations ont permis de constater qu’une charge de 100 kg de MS/m2/an engendrait une accumulation d’environ 30 à 40 cm de boues par an, et qu’une charge de 200 kg de MS/m2/an donne lieu à une accumulation de 50 à 70 cm/an. Sur des lits avec une revanche de 1,5 m à 2 m, cela correspond à des cycles de fonctionnement de 3 à 5 ans (Kengne et al., 2011).

Les boues peuvent être laissées pendant plusieurs mois sans alimentation préalablement à l’opé-ration de curage, pour une meilleure réduction des germes pathogènes et du taux d’humidité. On a par exemple constaté une augmentation significative de la siccité, de 25 à 43 %, sur des lits pilotes laissés au repos pendant un mois avant leur curage. La teneur en œufs d’helminthe (Ascaris) est alors passée de 79 œufs/g de MS (avec 67 % de viabilité) à 4 œufs viables/g de MS (Kengne et al., 2009b).

Le curage des boues est encore aujourd’hui réalisé manuellement mais des engins pourraient être utilisés. Selon la manière dont le curage aura été réalisé, la reconstitution de la matrice de filtration pourrait s’avérer nécessaire en complétant ou en remplaçant la couche supérieure (sable ou gravier fin) ou bien en remplaçant entièrement la matrice.

8.6.6 Percolat

Le percolat est la partie liquide qui filtre à travers la couche de boue et les matériaux filtrants. Il convient de le récupérer et de le traiter avant de le rejeter dans l’environnement. Le percolat peut néanmoins être utilisé pour l’irrigation ou l’aquaculture (ce qui est expliqué plus en détail au chapitre 10). Il peut être traité avec les eaux usées quand les LSP sont installés à proximité d’une station d’épuration. Il est aussi possible d’utiliser des traitements spécifiques comme le lagunage (chapitre 5 ; Strauss et al., 1997).

Les analyses de l’évolution de la qualité du percolat dans le temps montrent que la plupart des paramètres (DCO, PO4

3-, MS, MVS) atteignent un pic juste après l’alimentation du lit en boues, puis diminuent rapidement. Ceci caractérise un phénomène de rinçage et/ou la dynamique des mécanismes de traitement en cours au sein du lit. Une étude avec des boues d’épuration a permis de constater un abattement de 80 % de la DCO (concentration initiale de 2 500 mg/L)

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pendant les 10 premières minutes suivant l’alimentation et plus de 92 % deux jours plus tard. Les concentrations en ammonium, supérieures à 350 mg/L dans les boues, ont rapidement diminué pour atteindre 90 % d’abattement dans les 10 premières minutes après l’alimentation. Cette di-minution de l’ammonium s’est accompagnée d’une augmentation de la concentration de nitrate, reflétant ainsi un processus de nitrification rapide (Stefanakis et Tsihrintzis, 2012a). Les tests conduits à l’Institut asiatique de technologie ont montré que le percolat pouvait contenir environ 12 % des matières sèches initialement présentes dans les boues (tableau 8.5).

Les mêmes tests sur des lits en parallèle ont permis d’observer que 45 % du volume des boues déversées pouvaient être drainés et évacués (pour 5 % stockés dans les boues accumulées et 50 % évacués par l’évapotranspiration). En ce qui concerne l’azote, seulement 5 % de l’azote total a été retrouvé dans le percolat. La quantité la plus importante est supposée être absorbée (82 %), car la couche de boues accumulées en retient 13 % (Koottatep et al., 2004). En général, le drainage est terminé un ou deux jours après l’alimentation. La production de percolat est très variable. Il est recommandé de prendre en compte la possibilité de pics en concentration et en débit pour la conception de l’étage de traitement aval.

Tableau 8.6 : Paramètres de fonctionnement d’un lit de séchage planté.

ELÉMENT DU TRAITEMENT DÉTAILS REMARQUE

Charge appliquée 60 à 250 kg de MS/m2/an.En fonction de l’origine des boues et des conditions.

Fréquence d’alimentation 1 à 3 fois par semaine.En fonction des conditions météo, de la siccité des boues et de l’espèce de macrophyte.

Repos 2 jours à plusieurs semaines.En fonction des conditions météo, de la siccité des boues et de l’espèce de macrophyte.

Acclimatation végétale

Démarrage avec une densité de 4 à 12 pieds/m2.Appliquer tout d’abord des eaux usées domestiques, puis monter en charge progressivement avec des boues de vidange jusqu’à ce que les plantes atteignent une hauteur de 1 m.

Démarrer la station en saison des pluies est recommandé.

Faucardage des plantesJusqu’à 3 fois par an, après quelques années de fonctionnement, puis lors des opérations de curage.

En fonction du type de plante, de l’état de développement et des possibilités de valorisation. Concerne en particulier Echinochloa pyramidalis.

8.6.7 Facteurs affectant la performance

Le mauvais fonctionnement des LSP est principalement causé par des défauts de construction des lits, des liaisons capillaires déficientes, un nombre de lits insuffisant, une surface de lit trop faible et une surcharge pendant la phase de démarrage ou en phase de fonctionnement normal (Nielsen, 2005). D’autres facteurs ont aussi été observés comme étant responsables du colma-tage (Molle et al., 2006). Il s’agit par exemple de la décantation des particules, de la création d’un biofilm à développement rapide, de la précipitation chimique suivie de la formation de sels et de la trop forte densité des racines. Les problèmes de fonctionnement peuvent être évités par un

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dimensionnement ad hoc des stations, qui ne repose pas seulement sur les estimations de la production de boues mais tiennent compte aussi de la capacité des boues à se déshydrater. Le calendrier d’alimentation doit permettre d’éviter les accumulations trop rapides de boues qui inhi-beraient le développement des macrophytes. Le tableau 8.6 synthétise les éléments qui doivent être pris en compte pour l’exploitation et propose des paramètres pour le fonctionnement.

8.7 COÛTS ET BÉNÉFICES

En comparaison avec les autres technologies de traitement des boues, les LSP ont l’avantage d’être peu coûteux à l’investissement, en exploitation-maintenance, en supervision et en énergie (Stefanakis et Tsihrintzis, 2012a). Les LSP n’ont pas besoin de floculants chimiques, ni de centri-fugeuses ou de filtres presses (Edwards et al., 2001). Les LSP peuvent toutefois être plus coûteux que les lits de séchage non-plantés en investissement (pour l’achat additionnel de macrophytes par exemple) comme en exploitation-maintenance (notamment pour le faucardage des plantes et le désherbage, ou encore pour les mesures de gestion des vecteurs). Ils ont néanmoins l’avan-tage de nécessiter moins d’opérations de curage (après quelques années seulement et non pas toutes les deux ou trois semaines comme les lits non-plantés).

Une étude réalisée en Italie a tenté de quantifier les coûts associés à la construction et à l’exploitation-maintenance d’un LSP utilisé pour des boues d’épuration. Bien que non- représentative des coûts en d’autres contextes, elle fournit des éléments intéressants. Les coûts de construction, de fourniture (dont les plantes) et de main-d’œuvre ont été estimés dans ce contexte à 350 USD/m2, et les coûts d’exploitation à 180 USD/m2, en tenant compte du fau-cardage des plantes, de l’acheminement des boues sur le site et de l’enlèvement des produits traités (Giraldi et Iannelli, 2009). Sur la base d’une production de boue du traitement primaire de la station d’épuration de 16 kg de MS/habitant/an et d’une charge appliquée comprise entre 30 et 75  kg de MS/m2/an, on peut estimer que ces LSP ont fonctionné à un taux de 1,7 à 4  habitants/m2 (Stefanakis et Tsihrintzis, 2012a). Les coûts locaux de transport ont une influence significative sur ce résultat, les coûts d’exploitation étant largement liés au transport (par exemple pour acheminer les boues à la station et évacuer les produits traités). Les coûts de construction varieront selon la disponibilité et le coût de la main-d’œuvre locale et des fourni-tures (Giraldi et Iannelli, 2009).

8.8 EXERCICE

L’exercice pratique ci-dessous permet d’illustrer les calculs nécessaires pour dimensionner un LSP. Le tableau 8.7 fournit les informations nécessaires aux calculs.

8.8.1 Question pratique

Après avoir réalisé une étude préalable, une municipalité aimerait concevoir un LSP pour déshy-drater des boues dont les caractéristiques sont les suivantes :

Volume annuel estimé : 5 000 m3/an.

Concentration moyenne en MS dans la boue brute : 30 000 mg/L (soit 30 kg de MS/m3).

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En utilisant cette information :

Déterminer la quantité totale de matière sèche par an.

5 000 m3/an × 30 kg de MS/m3 soit 150 000 kg de MS/an.

Déterminer la surface requise pour un lit de séchage de boues planté.

Choisir la charge applicable de : 200 kg de MS/m2/an

Surface requise : 150 000 kg de MS/an x = 750 m2.

Cette surface totale doit être répartie en plusieurs lits, en accord avec la topographie du site. En considérant que celle-ci est uniforme, 5 lits de 150 m2 chacun peuvent être envisagés. Une surface supplémentaire d’au moins 20 % doit être ajoutée pour le dégrilleur, les réservoirs de mélange et l’accès des camions de vidange.

Tableau 8.7 : Paramètres suggérés pour le dimensionnement des lits de séchage plantés pour la déshydratation des boues de vidange.

PARAMÈTRE DE DIMENSIONNEMENT PLAGE SUGGÉRÉE UNITÉ

Taux de production des BV 1,5 L/habitant/jour

Concentration en MS 30 mg/L

Charge applicable 100 kg de MS/m2/an

Fréquence d’alimentation 1 à 2 Nombre par semaine

8.9 CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

Les LSP sont relativement nouveaux pour le traitement des boues de vidange en provenance des fosses septiques et autres dispositifs d’assainissement des ménages des pays à revenu faible ou intermédiaire. L’expérience, bien développée en Europe et aux USA, fournit des résultats solides mais qui ne sont pas directement applicables aux traitements des boues de vidange, puisque les types et la concentration en boues ainsi que les conditions climatiques sont différentes. On trouve aujourd’hui de nombreux lits à échelle expérimentale et pilote dans divers endroits du monde, en particulier dans les pays tropicaux où les radiations solaires et l’évapotranspiration sont élevées. Les LSP sont connus depuis longtemps pour être une solution robuste pour le traitement des boues. Ils sont devenus de plus en plus intéressants pour la GBV dans les villes à croissance rapide des pays à revenu faible ou intermédiaire, en raison de leur coût de construction plus faible que les autres filières de traitement des boues d’épuration, parce qu’ils peuvent être construits avec les matériaux et la main-d’œuvre locale, que leur besoin en maintenance est faible et qu’ils n’ont pas ou peu besoin d’additifs chimiques et d’énergie pour fonctionner. Si les macrophytes nécessitent un certain temps d’acclimatation à un milieu riche en nutriments, les LSP peuvent fonctionner jusqu’à 10 années consécutives sans être curés, et les macrophytes peuvent être récoltés et valorisés. Les boues stabilisées peuvent également être utilisées comme amendement de sol et comme engrais organique.

1

200 kg de MS/m2/an

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Néanmoins, les LSP demandent une surface importante (0,25 à 1 m2/habitant), ce qui peut être une difficulté dans les zones urbaines denses. Les stations doivent être accessibles aux camions de vidange, donc construites à proximité de voies d’accès capables de supporter le trafic. Bien que résistants, les macrophytes peuvent être sujets aux attaques d’insectes ou de parasites. L’exploitant doit donc être en capacité de réagir rapidement.

Ces dernières années, la recherche s’est intensifiée pour déterminer les paramètres de concep-tion et de fonctionnement pour concevoir des LSP aussi robustes que possible. Il reste cepen-dant des questions encore non-traitées comme :

• Les effets de la fréquence d’alimentation sur les performances des lits ; • La vulnérabilité et la résistance des macrophytes aux attaques d’insectes ; • Les impacts de la forte salinité et de l’ammoniaque ;• Les meilleures possibilités de traitement du percolat ;• La performance à long terme des lits ;• L’analyse coûts-bénéfices de la filière de traitement.

Chacun de ces aspects devrait faire l’objet de tests à différentes charges, avec différents types de boues de vidange et sous différentes conditions climatiques. Même si l’effort de recherche reste important, la priorité aujourd’hui est plutôt de passer à l’échelle réelle et de considérer la solution LSP à chaque fois qu’elle semblera adaptée. Les connaissances sur les LSP sont aujourd’hui suffisantes pour que l’on puisse travailler avec et disséminer, sans attendre les mises au point technologiques de détail.

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Questions pour l’autoévaluation

1. Décrire les principaux composants des lits de séchage plantés et les bases fondamentales de leur exploitation.

2. Qu’est-ce qu’un macrophyte ? Lister quatre fonctions essentielles pour leur utilisation dans le traitement des boues de vidange.

3. Citer quatre indicateurs de performance importants pour le suivi des objectifs de traitement des LSP.

4. Définir la charge applicable optimale est important pour l’exploitation-maintenance des LSP : expliquer pourquoi.

5. Quels sont les défis et les avantages liés à l’utilisation des LSP pour la GBV dans les zones urbaines denses ?