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Linstantan cinmatographique :relire tienne-Jules Marey
Maria Tortajada
RSUMLes travaux dtienne-Jules Marey sont essentiels pour la com
-prhension du cinma au stade chronophotographique et per -mettent
dobserver au plus prs comment le cinma se dgage de la photographie.
En sappropriant la technique de linstantanphotographique, Marey en
vient concevoir une forme de ci -nma dtermine par les prsupposs
conceptuels et mthodo -logiques de sa dmarche scientifique. On
apprhende en gnralle photogramme comme une image fixe, que lon
oppose limage en mouvement reconstitue et dfinitoire du cinma.Mais
en relisant Marey, il apparat que ce qui fondamentalementdistingue
le cinma de la photographie nest pas simplementlillusion du
mouvement. Le statut mme de la photographie, delimage fixe, se voit
transform par le dispositif cinmatogra -phique : le photogramme est
une photographie instantane denature paradoxale. Lanalyse passe par
la redfinition de la notiondinstant, associe la technique de
linstantan, et dterminepar le temps de pose. En construisant les
concepts associs linstant de lclairement dans divers travaux de
synthse deMarey, en les faisant apparatre dans un systme de
relations,dans diverses propositions scientifiques lies
linstantanphotographique, la chronophotographie sur plaque fixe,
puis la pellicule , cet article entend montrer que lon peut
penserun instant qui dure. Cest ce que le bergsonisme cartera, spa
-rant radicalement linstant du passage du temps.
For English abstract, see end of article
Nous sommes dans un contexte o photographie et cinmasopposent
comme image fixe et image en mouvement. Lorsque,en 1970, Roland
Barthes tente de saisir la spcificit du cinmadans le photogramme,
dans cette image fixe dont la mise ensrie est indispensable la
projection cinmatographique, ilsouligne loriginalit de sa dmarche,
qui se situe, crit-il, contre lopinion courante , laquelle voit
dans le mouvement projet
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des images lessence sacre du cinma (Barthes 1982, p. 59).Nous ne
manquons pas de rfrences pour renvoyer une ide du cinma qui,
aujourdhui, apparat encore commedominante et qui, sous linfluence
du bergsonisme, fait du mou -vement considr dans sa continuit la
caractristique essen tielledu cinma. En tmoignent les travaux dAndr
Bazin et deGilles Deleuze, qui ont marqu la rflexion thorique. Le
pre -mier accorde une supriorit au cinma par rapport la photo -gra
phie, car le film prend, dit-il, lempreinte du mouvement. Lesecond
privilgie ce quil appelle l image moyenne (Deleuze1983, p. 11 ;
1985), toute de continuit et de flux, par rapportaux coupes
immobiles que sont les photogrammes.Pour produire lillusion dun
mouvement continu, le cinma
procde par projection trs rapide dune srie dimages photo
-graphiques : en ce sens, la photographie est partie prenante
dudispositif cinmatographique 1. Elle est aussi un passage
obligdans sa constitution historique. Le rle dtienne-Jules
Mareydemeure en cela essentiel, qui, avec son travail sur la chrono
-photographie, pose les jalons techniques et thoriques pour
lasynthse du mouvement. En sappropriant la technique delinstantan
photographique, il en vient penser une forme de cinma dtermine par
les prsupposs conceptuels etmthodologiques de sa dmarche
scientifique. Cet tat du cinma dans son actualisation symbolique et
discursive im -plique de construire une ide de la photographie en
retour.Sil parat vident que le passage ce quon appelle la photo
-graphie anime est une condition de possibilit du cinma to -graphe,
ce qui fondamentalement distingue celui-ci de la photo -graphie
nest pas simplement lillusion du mouvement. Lapprochepistmologique
rvle que les deux procds se distinguent djdans le statut mme de
limage photographique qui leur estpropre : le photogramme est une
photographie instantane denature paradoxale.
Le paradigme du continu et du discontinu : la notion dinstantLa
place historique dHenri Bergson est considrable dans la
constitution dun modle cinmatographique. Non seulementBergson se
rfre-t-il explicitement au cinmatographe et la
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photographie, mais il les saisit partir de ce qui structure
saphilosophie, lopposition entre continuit et discontinuit
dumouvement et du temps. Or, lopposition entre le continu et
lediscontinu est rcurrente dans lhistoire du cinma. Elle a ttrs
productive dans le renouvellement historiographique destrente
dernires annes, mais elle a t aussi utilise bien avant,notamment
par ceux quon pourrait appeler les enfants du berg -sonisme. Si
Deleuze en 1983 et 1985, relisant Bergson contreBergson, fait du
cinma le reprsentant de la continuit, Bazinfonde la dfinition de la
ralit sur lintuition bergsonienne de lacontinuit temporelle. Il
nexiste pas dtude spcifique sur laplace de Bergson dans lhistoire
du cinma. Il faut pourtantinsister sur limprgnation des milieux
intellectuels dans lesannes 1910 et 1920 par la pense du philosophe
(voir Benda1914). Les milieux du cinma ny chappent pas. Au
momentmme o se cre progressivement une critique cinmatogra -phique
dans la presse, Marcel LHerbier (1946), Paul Souday etmile
Vuillermoz sopposent sur le statut du cinma en tantquart 2. Ils se
rclament de Bergson soit pour insister sur lamachine, soit pour
renvoyer le cinmatographe une concep -tion bergsonienne de la vie.
En 1946, Jean Epstein suit gale -ment les traces de Bergson dans un
ouvrage quil intitule Lin -telli gence dune machine et dont il
titre la deuxime partie Lequipro quo du continu et du discontinu .
Bergson, en effet,nest pas seulement allgu par les chantres de la
continuit etdu flux, il est aussi relu pour son analyse de la
machine cinma -tographique comme modle abstrait.On fait rfrence ici
au clbre chapitre IV de Lvolution
cratrice (1907), qui fait du mcanisme cinmatographique lemodle
du fonctionnement de la pense, modle qui est aussicelui de la
science. Bergson est un excellent analyste du dispo sitif.Il
associe la dcomposition du mouvement par la machinecinmatogra
phique, la srie de photogrammes qui en rsulte, lanalyse du
mouvement dans le domaine de la science. La sciencene fait que
morceler ce qui nexiste que sous forme de continu etde dure. Elle
dcompose en instants discrets ce qui doit tredcrit comme lexprience
immdiate du temps. Cette thsesexprime pour Bergson ds 1889, dans
ses Essais sur les donnes
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immdiates de la conscience, travers la critique des para doxes
deZnon. Dans Lvolution cratrice (1907), le cinma en est lemodle
ngatif : le photogramme, image fixe arrache unmouvement, et que
Bergson appelle en fait photo graphie , estlquivalent de linstant
de Znon, le lieu et le moment o lemouvement sannule. La dis
continuit du cinma, qui ne pro duitlillusion du mouvement qu partir
dune srie dinstants, est cequi soppose la philo sophie bergsonienne
fonde sur lintuitionde la dure. Cest dire que pour Bergson,
linstant est cette image,cette vue prise au mouvement, un arrt, un
point gom -trique . Lins tant, asso ci limage photo gra phique, sop
poseirrducti ble ment la dure, au mouvement continu. On peutdire
que le concept dinstant chez Bergson radicalise la signifi -cation
de ce terme, oppos couramment celui de dure.Du coup, le modle
bergsonien du cinmatographe impose
une certaine dfinition du photogramme. Celui-ci,
synonymedinstant, devient alors lultime indcomposable, le lieu o
ladure comme le mouvement sont impossibles. On peut dire quecette
hypothse traverse lhistoire du cinma et que la philoso -phie
bergsonienne en fournit le sous-texte.Anson Rabinbach (2004, p.
196) a montr que derrire cette
critique de la dcomposition du mouvement se trouve le
travaildtienne-Jules Marey. Physiologiste et scientifique rput,
Mareyvoue toute son uvre la comprhension du mouve ment, quiltudie
dabord travers la mthode graphique, dont il proposeune synthse en
1878, puis travers ce quil nomme la chrono -photographie, qui
devient pour lui une mthode scientifique 3.Elle sappuie sur la mise
au point dap pareils qui enregistrent lemouvement travers la
dcomposition de ses phases.Avec la chronophotographie, on peut
prendre, une certaine
frquence, une srie dimages photographiques dun corps enmouvement
et rendre ainsi divers moments du mouvement dece mobile grce la
juxtaposition et la mise en srie des imagesfixes obtenues. Lhomme
qui court ou saute un obstacle, loiseaudans son vol, le cheval au
galop, tous sont saisis dans une sriede figures photographiques
juxtaposes, qui renvoient des instants dtermins (que Marey appelle
images ) 4 : lachronophotographie doit exprimer la position [dun]
mobile
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sur sa trajectoire des instants dtermins (Marey 2002,p. 71). Ces
chronophotographies ont marqu lart du XXe sicle,mais ce nest pas ce
qui va nous intresser ici.Marey impose un lment essentiel la
chronophotographie :
il veut que lintervalle entre les images soit toujours le
mme,cest--dire que louverture de lobturateur soit faite une fr
-quence rgulire. Pour pouvoir effectuer des mesures, Marey fa
-brique des instruments qui justement permettent de contrler
lavariable temporelle dans la production dimages en srie. Or,cette
condition qui fonde la dmarche scientifique de Marey estaussi une
des conditions de possibilit du cinmatographe : cestgrce la
rgularit de lintervalle quil est possible non seule -ment de
dcomposer le mouvement photographi, mais de lesynthtiser, et de
projeter des images animes. Cest un lmentessentiel qui distingue
Marey notamment de Muybridge. Lasynthse du mouvement est aussi une
tape importante pourMarey 5. Ds les dbuts de sa recherche, il
utilise donc des appa -reils fonds sur le principe de la
persistance rtinienne et quelon classe dans la catgorie du pr-cinma
: zootropes ou ph na -kistiscopes. Ces appareils permettent de
reconstituer le mou ve -ment partir dimages fixes, transformant des
images dis conti -nues en une image anime dun mouvement
continu.Aussi bien Bergson que Marey associent le terme
dinstant
limage photographique, quivalent du photogramme. La dsi -gnation
bergsonienne de linstant par un point gomtrique pourrait tre
illustre par un certain type de chronophoto gra -phie. Pour
expliquer comment la chronophotographie dcom -pose le mouvement dun
mobile, Marey compare la photo -graphie instantane du mouvement
prise en une seule ouverturede lobturateur, et produisant une ligne
courbe, et la chrono -photographie de ce mme mouvement, qui rsulte
en une sriede points (figure 1).Ces points renvoient effectivement
une srie dinstants du
mouvement de la boule. Il existe plusieurs variantes de
cettedmonstration, rgulirement reprise par Marey en relation avec
cequil appelle la photographie des trajectoires. Cette compa
raisondonne une figuration trs efficace de lopposition entre le con
tinudu mouvement et le discontinu de la trace chronophoto
graphique.
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Or, si linstant , oppos la dure, est synonyme dunmoment tir du
mouvement dun mobile, si linstant est unenotion qui se trouve
associe une image photographiqueinstantane, en somme si ce terme a
la mme signification sousla plume de Bergson que dans le discours
de Marey, on peutmontrer que le concept dinstant, lui, sest modifi
entre lem -ploi quen fait Marey et celui quen fait Bergson.On peut
montrer en effet que linstant de Marey, celui auquel
renvoie limage photographique dune srie chronophoto gra -phique,
nest pas linstant de Bergson : cest un instant paradoxalparce quil
est labor comme une dure par le scientifique.Pour construire le
concept dinstant, il ne faut pas se baser sur
le simple fait que limage photographique renvoie un
momentdtermin du mouvement dun mobile ; il faut se demandercomment
se constitue ce rapport, qui nest pas seulement unrapport de
signification. Lapproche pistmologique peut appor -ter une rponse :
le concept dpend du projet et de la pratique duscientifique, de ce
quil cherche et veut analyser, des moyens quilse donne, des
difficults quil rencontre et du type de solutionsquil propose. Le
concept pistmologique est un tissu de liens et derapports qui font
intervenir toutes ces questions. Il se dgage delanalyse des
discours dans le sens foucaldien.Ce qui importe, ce nest pas de
situer le moment premier des
inno vations et dcouvertes, mais de savoir ce que Marey lui-
136 CiNMAS, vol. 21, no 1
Figure 1 : Le mouvement (Marey 2002, p. 72). Cette figure porte
le numro 37(p. 55) dans ldition originale du Mouvement (Paris, G.
Masson, 1894). Dansldition de Jacqueline Chambon, on a modifi
lordre des illustrations.
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mme met en avant lorsquil parle de limage photographique,quels
aspects techniques il retient lorsquil rend compte de sa d -marche.
Il sagit dobserver les variations dans les dfinitions dela
chronophotographie quil propose au fil des annes : laprsentation de
la dfinition peut changer, sans que change latechnique. Le concept
pistmologique est dtermin par unepratique et une manire de la
raconter. Par exemple, il ne fautpas sarrter au constat que le
principe de lintervalle rgulier estpos ds le dpart. Il faut voir
justement ce qui varie autour dece noyau de dfinition. Il faut
situer le concept dans son pro -cessus dlaboration et saisir tout
particulirement la finalit quile guide. Gaston Bachelard (1993, p.
17) lexprime propos duconcept scientifique : une mme poque, sous un
mmemot, il y a des concepts si diffrents ! Ce qui nous trompe,
cestque le mme mot la fois dsigne et explique. La dsignationest la
mme ; lexplication est diffrente. Nous voudrions icitenter de
mettre en lumire lexplication du concept dinstantchez Marey, du
moins dans un de ses aspects. cette fin, nous interrogerons, dans
le discours de Marey, le
statut de linstantan au sein de la chronophotographie, qui
inclutau tournant du sicle le cinmatographe. Dans cette
perspective,les sources les plus importantes ne sont pas les
articles scienti -fiques qui rendent au jour le jour chaque rsultat
avanc, maisplutt les moments forts de prise de parole, les moments
les pluslourds symboliquement. Nous en retiendrons quatre 6 ici :1.
Dveloppement de la mthode graphique par lemploi de la
photographie (Marey 1885), premire synthse sur la chro -no
photographie.
2. Le vol des oiseaux (Marey 1890).3. Le mouvement (Marey 2002
[1894]), synthse majeure surcette question.
4. Le texte du Muse centennal de la classe 12 pour lExposi -tion
universelle de 1900 (Marey s.d.). La classe 12, dontMarey est le
prsident, est celle de la photographie. Cetteprsentation est la
plus importante concrtement et sym bo -liquement aprs 1895, anne de
linvention du Cinmato -graphe Lumire. Elle accompagne une
exposition dobjetset dimages 7.
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La vise de ces textes est apparemment diffrente, mais
touscomportent une synthse importante sur la chronophoto gra -phie,
avec lexplication de la mthode, la prsentation desappareils et de
leurs diverses applications et la tentative renou -vele dcrire
lhistoire de la chronophotographie. Marey esthistorien de la
chronophotographie. Et justement, il ne racontepas lhistoire chaque
fois de la mme faon.Pour la question de linstantanit, les liens
dfinis avec la
photographie sont essentiels. Nous ne mentionnerons que
deuxaspects. Si Marey opte trs vite pour une criture de lhistoire
dela chronophotographie, il commence par la situer dans lhistoirede
la photographie (Marey 1885) en la prsentant comme uneappli cation
de celle-ci. Par ailleurs, la dmonstration quil fait dela pratique
chronophotographique, et donc lexposition essen -tielle de la
mthode, en passe toujours par la photographie destrajec toires, qui
souligne justement la diffrence entre photo gra -phie instantane et
chronophotographie. Cest dire quen suivantla constitution du
concept dinstant, nous allons pouvoir obser -ver com ment une ide
du cinma, appel notamment chro -nophotographie ce moment
historique, se dgage de la pho to -graphie. Nous sommes en cette
fin du XIXe sicle dans le contextedmergence de linstantan
photographique, et cest la notiondinstantanit qui permet de
construire le concept dinstant.
Linstantan photographiqueLide dinstantan photographique renvoie
des images
daccidents, de sauts, de chutes, dvnements en somme carac -triss
par leur brivet et saisis sur le vif ; cette iconographie,qui
commence se constituer ds les annes 1880, se populariseautour de
1900. Mais linstantan est aussi associ un autretype dimages,
produit par la pratique scientifique et diffusdans la presse. Cest
ainsi que les figures de Marey acquirentune trs bonne visibilit. Du
point de vue technique, lins tan -tan se dfinit galement par la
vitesse : lhistoire montre quil afallu la fabrication de nouveaux
supports, des innovations enoptique et des amliorations radicales
dans la technique desobtu rateurs pour permettre la rapidit de
lclairement et de laraction chimique 8.
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On peut certes admettre que la photographie na pas attendula
technique de linstantan pour associer limage obtenue lide dinstant
9. Mais la peinture na pas attendu non plus laphotographie pour
reprsenter un instant. Cependant, aveclinstantan photographique, un
lment du dispositif vientsurdterminer le statut de limage produite
par une carac tris -tique de sa fabrication : cest la brivet du
moment de pro -duction de limage, ce que le terme instantan
affirme. Ceterme qualifie notamment, la fin du XIXe sicle, les obtu
rateurstrs rapides, comme il dsigne les images obtenues par
unecourte exposition. En somme, limage photographique renverra
linstant non pas seulement comme un moment trs bref dumouvement
photographi, mais aussi comme un momentinstantan de la prise
photographique. Louverture de lobtu -rateur dfinit la dure de
lclairement, cest--dire le temps depose, moment o sinscrit limage
photographique sur la surfacesensible. La construction du concept
dinstant passe par la com -prhension de ce processus technique li
au temps de pose. Cestce dernier que nous tentons de problmatiser
ici.Lorsque la dure dexposition est brve, nous avons une
image instantane. Mais comment qualifier cette brivet ?Quand on
dfinit linstantan photographique, on ne se con -tente pas de
mentionner la notion de rapidit. Linstan tanit,ce trait qui fonde
le concept dinstant, se pense travers unerelation : celle qui
rapporte la dure de lclairement la vitessedu mouvement du mobile
(Frizot 2001). Si on veut obtenir uneimage nette dun mouvement, il
faut que la vitesse de lobtu -rateur soit suffisamment rapide pour
que le mouvement dumobile ne sinscrive pas sur limage travers un
boug ou unflou.Ce rapport li linstantan photographique est
justement
pos ds le dpart par Marey 10. Pour le scientifique Mareycomme
pour tous les photographes de linstantan, louverturede lobturateur
est dcrite comme une dure, elle est mmeconstamment mesure en
fractions de seconde. Nous sommesdans lespace de la
microtemporalit, tel quon lexplore auXIXe sicle, ce dont tmoigne
Marey de manire enthousiastedans La mthode graphique. La
microtemporalit implique que
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lon puisse penser la seconde en fractions de seconde, et
quunefraction de seconde soit son tour une dure dcomposable
11.Renvoyer le moment de la production de limage une dure,cela peut
paratre paradoxal dans le contexte de linstantan. Dupoint de vue
technique, cest bien ce qui se passe. Cest mmeun sujet
dinterrogation dans les manuels de photographie :comment matriser
la dure du temps de pose 12 ? Mais juste -ment, tout tient la
finalit de la pratique de linstantan.Lorsquon la prcise mais ceci
est une vidence cettedure est conue comme devant tre
particulirement brve,ainsi que lindique le terme dinstantan ; et
cette brivet estpense par rapport la vitesse du mobile (figure 2).
Cette viseest essentielle dans la constitution du concept dinstant
associ la photo graphie. La constitution du concept nest pas
seulementune question technique. Elle est lie au contexte dfini par
ceuxqui utilisent la technique, ce qui fait sa dimension pistmo
-logique.Si en 1885 Marey souligne lancrage de sa pratique dans
lhistoire de la photographie alors quil insiste au mmemoment sur
la ncessit dun temps de pose trs bref, danslexpos de 1900, il se
contente de citer les images photo -graphiques ins tantanes comme
lments dfinitoires de lachro nopho to graphie. La brivet de
lclairement est simple -ment pr sup pose. Du point de vue
technique, certes lexigenceperdure, mais lorsquil sagit de dfinir
la chronophotographie,
140 CiNMAS, vol. 21, no 1Figure 2 : Tableau de synthse, daprs
Mannoni 2009.
Instantanit(concept dinstant)
Temps de poseVise de la pratique
lments pertinentspremiers
Instantanphotographique Trs bref
Temps de pose/Mobile (vitesse)
Instantanchronophotographique Trs bref
Temps de pose/Dure de lintervalle
Instantancinmatographique
Temps de pose // Temps darrt
Temps darrt : trs long
Arrt intermittentET
Dure de lintervalle
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autre chose prend le dessus. Cela a des consquences sur le sta
-tut de limage photographique lintrieur de la chronopho to
-graphie.
Linstantan chronophotographiqueDe la technique de linstantan,
Marey retient principalement
la question de lobturateur, car cest par lobturateur que passe
laconstruction du concept dinstant dans la chronopho to
graphie.Dans le travail de Marey, la vitesse de lobturateur trouve
une
deuxime ncessit propre la logique chronophotographique :si on
veut prendre plusieurs images en trs peu de temps(50 images par
seconde, par exemple), lobturateur doit souvriret se refermer de
manire extrmement rapide pour produireune srie dimages
photographiques. Do la ncessit, pourMarey, de fabriquer un
obturateur spcial sur le modle dudisque fentr du phnakistiscope :
une fois la rotation lance grande vitesse, linertie du systme est
rduite au minimum. Lefameux fusil photographique, comme les
appareils ultrieursfabriqus par Marey, utilise le disque fentr.La
dure qui intresse le plus Marey dans sa mthode pour
mesurer le dplacement des mobiles est en fait celle de linter
-valle entre les images de la srie photographique. Nous lavonsvu,
ds le dbut, lintervalle est au cur de la dfinition de lachro
nophotographie, et Marey insiste sur sa rgularit 13.Si on observe
les variations entre les diffrentes synthses de
Marey, le moment le plus marquant intervient dans Le mouve
-ment, et plus prcisment dans le trs important premier cha -pitre
intitul Du temps . Dans ce chapitre, Marey prend lapeine de
construire longuement la notion de temps dans sapratique,
articulant ensemble mthode graphique et mthodechronophotographique.
Le moment qui nous intresse con cernele cadran chronomtrique, qui
apparat sur certaines chrono -pho tographies : peine Marey a-t-il
prsent la tech nique pourmesurer le temps de pose dans un
sous-chapitre spcifique, quilenchane avec le constat dimpr cision
:
La nettet des images permet de mesurer avec prcision, non pasle
temps de pose, qui est trop court pour tre apprciable,
maislintervalle de temps qui spare deux poses successives. Or, cest
le
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point essentiel dans les mesures que nous aurons faire de ladure
de certains phnomnes (Marey 2002, p. 33-34, noussoulignons).
Suit un sous-chapitre intitul Mesure des intervalles detemps qui
sparent les clairements successifs 14 (p. 34). Avec lamention de la
brivet du temps de pose, nous sommes biendans la logique de
linstantan. Mais avec une diffrence parrapport linstantan
photographique. En 1894, la chrono -photographie est explicitement
prsente par Marey commeayant affaire deux dures corrlatives
inhrentes la machine. Sion doit considrer lune comme un instant
cest--dire si lanotion dinstant peut sappliquer aux images
produites parlclairement donn dans un temps de pose extrmementbref
, ce nest quen dfinissant son rapport lautre, linter -valle : lui
aussi, et lui surtout, est mesurable et matrisable pourMarey. Poser
cela est essentiel afin de montrer que ce qui cons -titue la manire
de penser linstantanit se modifie en passantde la photographie la
chronophotographie : linstan ta nitchrono photographique se donne
comme un rapport structurelentre pose et intervalle, et non plus
entre pose et mobile photo -gra phi. Dans ce rapport, la pose, le
moment concret de fabrica -tion de limage, est plus courte que
lintervalle. Ce changementdans le rapport pertinent fonde con
ceptuel lement une premiresparation entre linstantan photo gra
phique et linstantan dela chronophotographie.Est-ce dire que la
vitesse du mobile est indiffrente la
logique chronophotographique ? Certes, non. Son
importanceapparat clairement propos dun problme que rencontreMarey.
La vise scientifique de Marey lui impose de rechercher lameilleure
lisibilit des images. Outre lventuel boug que lonrsout par la
brivet de la dure dclairement, se pose le pro -blme de la confusion
des images dans une srie chrono pho -tographique. Dans Le
mouvement, un sous-chapitre de laChronophotographie sur plaque fixe
traite explicite ment del Influence de la vitesse de lobjet en
mouvement (Marey2002, p. 76-77) : le problme, ce sont les vitesses
lentes et lesmouvements sur place car, alors, les images se
superposent sur laplaque et ne sont plus lisibles ou analysables
15. Alors que dans
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linstantan photographique la vitesse du mobile est signi
ficativepour ltablissement du temps de pose, dans linstantan chro
no -photographique, cest la vitesse du mobile qui est mise
enrapport avec lintervalle. La variable constitutive de linstan
tanphotographique, la vitesse du mobile, subit donc un dpla
-cement, dans la logique de la mthode, du ct de lintervalle.Elle
ninflue pas directement sur la dure du temps de pose, quidtermine
le concept dinstant. La dfinition du temps de posedemeure
intrinsquement lie, elle, la machine, comme nouslavons vu.
Linstantan cinmatographiqueJusquici, suivant Marey, notre
analyse met laccent sur la
question de lobturateur, cest--dire sur ce qui fonde linsta n
-tan, sur ce qui conditionne ce moment de fabrication delimage et
qui est associ linstant. Or, Marey complexifie cettelogique quil a
commenc par adopter propos de la photo gra -phie instantane. Nous
en arrivons ce que nous avons appellinstantan cinmatographique. La
rsolution du problme dela confusion des images amne Marey dfinir
deux pratiquesde la chronophotographie : celle qui utilise comme
support uneplaque sensible fixe ; et celle qui impres sionne la
srie chrono -pho tographique sur un support mobile : un disque ou
une pelli -cule. Cest ce titre que le Cinmato graphe Lumire entre
danslhistoire de la chronophotographie, en devenant un exempleparmi
dautres lexposition de 1900.Le principe de la deuxime pratique qui
permet daugmenter
le nombre dimages nettes est le suivant. Les images sont pro
-duites successivement sur une surface sensible en mouvement,qui
sarrte de manire intermittente devant lobjectif : chaquearrt de la
pellicule ou de la plaque, louverture de lobturateurlaisse passer
la lumire et produit ainsi limage photographiqueinstantane. Tout
cela un rythme trs rapide. On obtient ainsides photographies
distinctes, ou des photogrammes (terme deMarey) disposs en srie sur
un disque ou sur une pellicule.Pour Marey, il faut cette synchronie
entre le temps de pose et letemps darrt de la bande lors de la
fabrication de limage instan tane. Le temps darrt redouble le temps
de pose sans
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pour autant que leur dure soit identique. Mieux encore : letemps
darrt dtermine la russite de la prise. Ils sont intrin -squement
lis.Du point de vue technique en effet, le temps darrt est une
condition propre cette deuxime pratique de la chronopho
-tographie. Mais le moment o la donne technique acquiert uneporte
symbolique et structurante dans la mthode de Marey necorrespond pas
du tout au moment o Marey utilise le procdde larrt intermittent
pour la premire fois, moment que Mareylui-mme fait correspondre au
fusil photo graphique : la plaquesensible est alors un disque qui
tourne de manire intermittentesur le mme axe que le disque
obturateur. Alors que Mareyutilise ce systme depuis 1882, le fusil
ne fait cependant tou -jours pas partie, en 1885, de ce quil
considre comme appar -tenant la chronophotographie : sa dfinition
limite celle-ci lusage de la plaque fixe, pour laquelle linstant de
production delimage est dfini unique ment par des lments lis lobtu
-rateur 16. Ses critres sont ici le temps de pose, la frquence
delclai rement, le contrle de lintervalle rgulier pour la pro duc
-tion dune image collective (Marey 1885, p. 28). Dans Dve
-loppement de la mthode gra phique, larrt intermittent de laplaque
sensible est prsent comme un problme 17.Or, ds 1890, le fusil
commence acqurir un statut
lintrieur de la chronophotographie alors que larrt intermit
-tent devient de plus en plus important. La vise essentielle
deMarey est toujours daugmenter le nombre des images en
vitantquelles se confondent : le chapitre X du Vol des oiseaux
estdailleurs centr sur cette question. Une nouvelle techniquepermet
le changement de statut de larrt, qui est alors envisagcomme une
solution au problme. Cette solution tient lapossibilit dutiliser un
support lger, la bande pelliculaire,plutt que la plaque du fusil
photographique, dont linertie nepermet pas un grand nombre dimages.
Cette mthode 18 estprsente comme une solution parmi dautres, ct des
imagesalternantes (Marey 1890, 96), du miroir tournant ( 98),
dudplacement de lappareil ( 99) et de la mthode strobos -copique (
101). Mais le choix de la pellicule souple contre ledisque de verre
du fusil photo graphique donne paradoxalement
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ce dernier une place dans les mthodes proprement chrono
-photographiques : il est alors prsent comme le premier moyende
dissocier des images par translation de la surface sensible
avecarrt intermittent 19.Dans la synthse de 1894, Marey radicalise
son parti pris.
Dans Le mouvement, la chronophotographie sur plaquemobile
acquiert un statut part entire, occupant un chapitredistinct (chap.
VII) de la chronophotographie sur plaque fixe (chap. IV) 20. Le
fusil photographique entre alors de plain-pieddans lhistoire de la
chronophotographie 21 : il est prsentchronologiquement aprs
Muybridge, mais est directement li la question de larrt
intermittent, lment fondamental deschro nophotographes pour bande
pelliculaire invents parMarey. Les dbuts de cette histoire qui
culmine avec les nou -velles possibilits de larrt intermittent sont
attribus Pierre-Jules-Csar Janssen : Cest donc lui que revient
lhonneurdavoir inaugur ce quon appelle aujourdhui la chronophoto
-graphie sur plaque mobile (Marey 2002, p. 123).Aprs ce tournant
dcisif, Marey garde les mmes principes
de prsentation pour lexposition de 1900 : lexprience deJanssen
est la premire ralisation dune chronophotographie (Marey s.d., p.
12), et le fusil porte le numro 6 dans la prsen -tation propo se
par Marey. La question de larrt intermittentest nouveau prsente
comme ncessaire en vue dviter queles images se confondent lorsquon
aug mente leur nombre.En somme, larrt intermittent est un paramtre
essentiel,
dabord, parce quil conditionne la double dfinition de la chro
-nophotographie, sur plaque fixe ou sur plaque mobile ;
ensuite,parce que ce paramtre dtermine la prsentation historique
dela chronophotographie, qui tantt exclut tantt inclut le fusilpho
tographique. Larrt intermittent nest pas seulement im -portant du
point de vue technique ; il est aussi fondamental dupoint de vue
symbolique pour tablir ce quest et ce quimpliquela
chronophotographie.Une fois tablie la valeur pistmologique de cette
question, il
est passionnant dobserver ce que Marey en fait. Il va
traiterlarrt intermittent comme une dure, comme un nouveau para
-mtre dans la constitution de limage instantane de la chrono -
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photographie, et donc du concept dinstant qui lui est associ
:cet instant devient alors un instant paradoxal.Lorsquil donne des
dtails ce sujet, Marey calcule les temps
darrt et de mouvement de la pellicule comme des donnesglobales
de la srie chronophotographique.En 1890, larrt global de la bande
dans la production dune
srie dimages chronophotographiques est quivalent la moitidu
temps total du droulement de la bande devant lobjectif : ensomme,
il y a dans la machine autant darrts (qui permettent letemps de
pose) que de reprises du mouvement de la pellicule(simultan
lintervalle entre les temps de pose) 22. En 1894, pasde prci sions
quivalentes.En 1900, le rapport sinverse entre mouvement et arrt :
la
dure de larrt est pense et voulue comme la plus longue. Lamthode
de Marey est alors saisie entre deux vises essen tielles
etcomplmentaires : lintervalle doit tre le plus court
possible(beaucoup dimages) ; le temps darrt de la bande doit tre
leplus long possible (nettet). Au paragraphe intitul de
maniresignificative Multiplication du nombre dimages (no 8),Marey
commence ainsi sa prsentation : La parfaite analysedun mouvement
exige que les images soient prises des inter -valles de temps trs
courts (Marey s.d., p. 17, nous souli gnons) 23.Et, justement
propos du Cinmatographe Lumire (no 12),quil inscrit dans la srie et
les variantes des chronophoto -graphes, il prcise la nature de
lalternance entre le mouvementet larrt de la pellicule : La priode
darrt prsente, commedure, les deux tiers du temps total (Marey
s.d., p. 22, nous sou -li gnons) dans le droulement de la bande.Il
y a plus darrts dans la machine que de mouvement.
Quest-ce qui a chang dans la construction de linstantanit etdu
concept dinstant, entre la logique de lobturateur (la chro -no pho
tographie sur plaque fixe) et la logique de larrt inter -mittent
combine celle de lobturateur ?La rponse est simple les termes
essentiels mis en avant par le
discours ne sont plus lintervalle et le temps de pose,
maislintervalle et le temps darrt de la bande. Dans la chrono
-photo graphie avec support mobile, le temps de pose et le
tempsdarrt sont syn chrones : ils dfinissent ensemble le moment
de
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production de limage instantane. Cependant leur logique
estinverse : au nom de la nettet des images, le temps darrt doittre
pens comme une dure importante, alors que le temps depose doit tre
trs bref. Et, dans le discours de Marey, la brivetdu temps de pose,
cette exigence technique de linstantan, estmas que par laccent port
sur la ncessit dune dure trslongue de larrt de la pellicule (voir
figure 2).Une tension conceptuelle importante prside la
constitution
du photogramme, de cette image instantane de la chrono pho
-tographie sur plaque mobile, qui est justement celle du cin
-matographe : linstant qui lui est associ dans le discours scien
-tifique et historique de Marey est paradoxal, parce que ce qui
lefonde du point de vue du dispositif, cest juste ment en mmetemps
dtre bref et de durer. Cest linstan tanit que nousappelons
cinmatographique. La sparation pistmolo giqueentre photographie et
cinma entre para digme photo -graphique et cinmatographique se joue
dans la valeur delimage fixe avant mme de se poser dans le rendu du
mouve -ment et lillusion de continuit. Linstantan photogra phique
etlinstantan cinmatographique ne renvoient pas au mmeconcept
dinstant chez Marey.Autour de 1900 se joue quelque chose qui chappe
la
distinction fixe/anim retenue par lhistoire pour sparer pho
-tographie et cinma. Ce petit vnement concerne le statut dela
photographie instantane. Que devient-elle lors quelle entredans le
cinma par la voie de la chronopho tographie ? Uninstantan
paradoxal, le photogramme, carac tris par la dure delarrt en mme
temps que par la brivet de linstant. Der rirelopposition entre
photographie et cinma se cachent deux sortesde photographies
instantanes. Mais cette redfi nition dpasse lasimple question des
mdiums. Ou plutt, elle montre que danslusage discursif des
dispositifs de vision, la transfor mation de lamanire de penser
linstant et linstanta nit en rap port aveclimage et la repr
sentation est primor diale : nous avons affairealors un instant qui
dure, instant que le bergsonisme sempres -sera dcarter comme le
fera avec lui lhistoire du cinma.
Universit de Lausanne
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NOTES1. Dispositif de vision : tout ce qui permet un spectateur
davoir accs unereprsentation, de la machine la machinerie, de la
production la monstration et la rception, de la technique la
pratique et aux contraintes institutionnelles. Lesdterminations
techniques en font partie, mais aussi les codes de la
reprsentation.2. Voir Heu 2003 ( La querelle de 1917 , p. 187-212
et, pour les sources, p. 220-335).3. Marta Braun (1992, p. 228-254)
montre la spcificit scientifique de la pratiquede Marey par rapport
Muybridge, par exemple.4. Les images simpriment sur trois types de
supports diffrents dans les expriencesde Marey : la plaque fixe, la
plaque mobile du fusil photographique et le film chrono
-photographique.5. Dans les dbats sur Marey, on minimise
rgulirement son intrt pour la syn -thse du mouvement. Cest vrai
jusque dans les travaux les plus remarquables, commeceux de Franois
Dagognet (1987) et de Michel Frizot (notamment dans
tienne-JulesMarey chronophotographe [2001a]). Laurent Mannoni, au
contraire, valo rise la dimen -sion filmique des travaux
chronophotographiques de Marey (notam ment danstienne-Jules Marey.
La mmoire de lil [1999]). Il nous semble cependant quil fautrvaluer
la place de la synthse du mouvement dans la dmarche de Marey
dunpoint de vue pistmologique.6. Pour la rfrence ces quatre
sources, nous nindiquerons parfois que les datesdes premires
ditions.7. Pour des raisons de concision nous ne nous rfrerons pas
la confrencesynthtique de Marey (1899). Elle confirme les
conclusions prsentes ici.8. Sur toutes ces questions, voir les
travaux dAndr Gunthert, de Michel Frizot etde Franois Brunet,
notamment : Gunthert 1994 et 2001, Frizot 1986 et 2001, etBrunet
2000.9. Voir Albera et Tortajada 2004, p. 47-49, propos de Gustave
Le Gray.10. Les admissions de la lumire se faisaient neuf fois par
seconde, et le tempsdclairage tait denviron 1/900 de seconde. Cette
brivet du temps de pose estencore une condition ncessaire la nettet
des images, car elle ne permet pas loiseau de se dplacer
sensiblement pendant quon en prend la photographie (Marey1885, p.
26-27).11. [] la chronographie est admirable ; vritable microscope
du temps, ellemontre que linstant indivisible dont on parle souvent
nexiste pas, et que parfois desactes rguliers, rythms et coordonns
dune manire parfaite tiennent dans uncentime de seconde (Marey
1878, p. XII). Sur la mthode graphique, voir Frizot2003 et Snyder
1998.12. Voir par exemple les pages dAlbert Londe (1896) sur la
dtermination de ladure dexposition en photographie instantane, dans
lesquelles il fait rfrence auxtableaux de James Jackson permettant
de calculer les vitesses de diffrents mobiles(p. 261-263), et sur
ses doutes sur lutilit de la connaissance de la valeur absolue
dutemps de pose (p. 143).13. Ds 1885, lintervalle est prsent soit
partir de la frquence des images(huit images par seconde impliquent
un intervalle de 18 de seconde entre chaqueimage), soit par la
distance qui spare les images sur la srie chronophotographique,soit
encore par la distance angulaire mesure sur lobturateur entre deux
fentres ousur linstrument appel cadran chronomtrique.14. Depuis le
dbut, Marey souligne la brivet de lintervalle. En 1890,
cettemention apparat en bonne place au cur mme de la dfinition.
Mais en 1894,
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lorsquil tablit le rapport fondamental pose/intervalle, cest
bien le temps de pose quiest le plus bref des deux.15. Pour des
vitesses de translation diffrentes, le nombre des images quon
peutprendre en un temps donn sans que la confusion se produise est
dautant plus grand quela translation [du mobile] est plus rapide
(Marey 2002, p. 76). Et encore : Lorsquelobjet dont on prend les
images successives ne fait que des mouvements sur place, sesimages
se superposent et se confondent (p. 82). Ce problme tait pos ds
1885.16. Un artifice qui consiste prendre sur une mme plaque
immobile, et desintervalles de temps gaux, une srie de
photographies dun corps qui se dplace,traduit sous une forme
extrmement simple les mouvements les plus compliqus.
LaChrono-photographie, tel est le nom que je donnerai ce procd
exprimental,comble une importante lacune de la mthode graphique (
Avertissement , dansMarey 1885, p. V).17. Linertie de la plaque
empche daugmenter le nombre dimages : Il est difficilede dpasser le
nombre de dix quinze images par seconde au moyen dappareils
danslesquels une plaque doit se dplacer et sarrter tour tour pour
tre impressionne endes points diffrents de sa circonfrence ; jai
quelquefois doubl cette vitesse, maisalors lappareil entre en
vibration et la nettet des images peut tre compromise ,(Marey 1885,
p. 17). La solution propose cette poque est la photographie par
-tielle, qui permet dviter le chevauchement des figures en
diminuant leur surface surla plaque photographique.18. 100.
Dissociation des images au moyen dune translation imprime lasurface
sensible (Marey 1890, p. 154).19. Si ce sujet est abord au
paragraphe 88 (Marey 1890, p. 132), aprs Muybridge,obissant une
logique chronologique (comme en 1885), les problmes quil pose
nesont traits quau paragraphe 100 pour introduire la ncessit
dutiliser une longuebande de papier sensible (Marey 1890, p.
154).20. Les mthodes des images alternantes, du miroir tournant, du
dplacement delappareil sont prsentes dans le chapitre
Chronophotographie sur plaque fixe (Marey 2002, p. 80-84). Notons
que Marey ne prsente plus la mthode stro -boscopique.21.
Lexplication de cette situation est la mme quen 1890, avec ceci
quil fautajouter certaines prci sions. Marey com mence le
sous-chapitre Principes de la chro -nophotographie sur plaque
mobile en faisant la liste des dfauts du fusil : Lesdfauts du Fusil
photographique tenaient, pour la plupart, ce que les images
taientrecueillies sur une plaque de verre dont le poids tait trop
grand. Linertie dunepareille masse, qui devait chaque instant se
mouvoir puis sarrter, limitait forc -ment le nombre des images ; le
maximum en tait de 12 par seconde, encore fallait-illes faire trs
petites pour ne pas donner au disque de verre trop de surface et
par suiteune masse trop grande. On supprima ces incon vnients en
substituant au disque deverre une bande de pellicule extrmement
lgre sensibilise au glatino-bromuredargent (Marey 2002, p. 134).22.
Lintervalle entre deux images conscutives tait 18 millimtres ; le
nombre desimages, cinquante par seconde. La vitesse moyenne du
papier tait donc 18 50 millimtres ou 900 millimtres par seconde. La
somme des cinquante arrts dupapier reprsentait, elle seule, moiti
du temps, de sorte que, pendant la translation,la vitesse moyenne
tait denviron 1m 80 la seconde (Marey 1890, p. 155, note 1).23. Ds
les premires lignes du texte de lExposition universelle de 1900,
aumoment essentiel o Marey pose la dfinition de la
chronophotographie, lintervallese trouve doublement spcifi, la
brivet tant aussi importante que lquidistance : On donne le nom de
chronophotographie une mthode qui analyse les
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mouvements au moyen dune srie dimages photographiques
instantanes recueillies des intervalles de temps trs courts et
quidistants (Marey s.d., p. 10).
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ABSTRACT
The Cinematic Snapshot: Rereading tienne-Jules MareyMaria
Tortajada
tienne-Jules Marys work is essential to an understanding
ofcinema at the chronophotgraphic stage and enables us toobserve
from closer range how cinema broke free of photogra-phy. By
adopting the technique of the photographic snapshot,Marey conceived
a kind of cinema determined by the concep-tual and methodological
suppositions of his scientific project.Generally speaking, we
perceive the photogram as a fixed image,in contrast with the moving
image that makes up and definescinema. In rereading Marey, however,
it appears that what distin-guishes cinema from photography is not
simply the illusion ofmovement. The very status of the photograph,
the still image, istransformed by the cinematic apparatus: the
photogram is a para-doxical photographic snapshot. The authors
discussion movesfrom a redefinition of the concept of the instant,
associated withthe snapshot (the instantan in French) and
determined by thelength of the subjects pose. By reconstructing the
concepts relat-ed to the instant of illumination in Mareys various
syntheticworks and by placing them in a system of relationships in
variousscientific propositions around photographic
instantaneousness,chronophotography on a fixed plate and, later,
celluloid, this arti-cle seeks to demonstrate that one can conceive
of an instant that
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endures. This is what Bergsonism ruled out when it radically
sep-arated the instant from passing time.
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