Top Banner
Les imaginaires en question 1 Marion Mauger Parat Chapitre de thèse non publié car pas assez abouti à mon sens 12 mars 2015 CHAPITRE 4 – LES IMAGINAIRES EN QUESTION « Car notre “imaginaire”, à moins que ce ne soit notre “culture”, nous dit que qui dit “imagi- naire” a forcément, à défaut de beaucoup d’imagination, au moins une grosse Culture. Landowski, 2011 : 84 Selon le langage commun, l’imaginaire revêt des jugements de valeur négatifs, d’autant plus forts lorsque la notion est utilisée de façon adjectivale. Un imaginaire est une invention de l’esp- rit, plutôt du côté de l’invention, de l’illusion, voire du mensonge. D’un point de vue artistique, l’imaginaire représente un monde créé par l’activité artistique. André Breton en parle ainsi : « l’imaginaire est ce qui tend à devenir réel ». Ainsi positionne-t-il l’imaginaire comme une marche à suivre, partant de ce qui se crée dans l’imagination pour atteindre une forme de réalité. Un imaginaire peut se définir selon un niveau de perception de la réalité, constituée à la fois du soi individuel et du soi collectif, et qui s’intègre à la pensée selon une double-activité de l’esprit : la raison et l’imagination. Pour nombre d’historiens, l’imaginaire est compris comme un stéréotype qu’il faut détruire, un fantasme néfaste à leurs travaux historiques, censés retracer la réalité, le vrai, en opposition à l’imaginaire. D’autres considèrent au contraire l’imaginaire comme un point de vue à adopter pour appréhender un objet. C’est le cas de Lucian Boia, historien qui étudie L’imaginaire de la pluie et du beau temps, sous-titre de son livre L’homme face au climat (2004). Pastoureau fait de même en étudiant la rayure ou encore les couleurs d’un point de vue historique : il montre les imaginaires liés à la rayure sur les vêtements au fil du temps. Selon l’anthropologue Gilbert Durand, l’imaginaire est un Objet de recherche à part entière, à l’origine plutôt dédié à la recherche littéraire. Considérant que toute pensée repose sur des im- ages, des archétypes, il propose une approche structuraliste directement liée à l’analyse du mythe fondée par Lévi-Strauss. Il utilise ainsi les structures du mythe et du mythème développées par l’anthropologue, se rapprochant ainsi de l’hypothèse de la sémiotique narrative que nous dé- ployons dans le chapitre 5, et qui consiste à dire que toute signification se fonde sur un récit. Du-
30

L'imaginaire en question

Mar 27, 2023

Download

Documents

Welcome message from author
This document is posted to help you gain knowledge. Please leave a comment to let me know what you think about it! Share it to your friends and learn new things together.
Transcript
Page 1: L'imaginaire en question

Les imaginaires en question �1

Marion Mauger Parat

Chapitre de thèse non publié car pas assez abouti à mon sens

12 mars 2015

CHAPITRE 4 – LES IMAGINAIRES EN QUESTION « Car notre “imaginaire”, à moins que ce ne soit notre “culture”, nous dit que qui dit “imagi-

naire” a forcément, à défaut de beaucoup d’imagination, au moins une grosse Culture.

Landowski, 2011 : 84

Selon le langage commun, l’imaginaire revêt des jugements de valeur négatifs, d’autant plus

forts lorsque la notion est utilisée de façon adjectivale. Un imaginaire est une invention de l’esp-

rit, plutôt du côté de l’invention, de l’illusion, voire du mensonge. D’un point de vue artistique,

l’imaginaire représente un monde créé par l’activité artistique. André Breton en parle ainsi   :

«   l’imaginaire est ce qui tend à devenir réel  ». Ainsi positionne-t-il l’imaginaire comme une

marche à suivre, partant de ce qui se crée dans l’imagination pour atteindre une forme de réalité.

Un imaginaire peut se définir selon un niveau de perception de la réalité, constituée à la fois du

soi individuel et du soi collectif, et qui s’intègre à la pensée selon une double-activité de l’esprit :

la raison et l’imagination.

Pour nombre d’historiens, l’imaginaire est compris comme un stéréotype qu’il faut détruire,

un fantasme néfaste à leurs travaux historiques, censés retracer la réalité, le vrai, en opposition à

l’imaginaire. D’autres considèrent au contraire l’imaginaire comme un point de vue à adopter

pour appréhender un objet. C’est le cas de Lucian Boia, historien qui étudie L’imaginaire de la

pluie et du beau temps, sous-titre de son livre L’homme face au climat (2004). Pastoureau fait de

même en étudiant la rayure ou encore les couleurs d’un point de vue historique : il montre les

imaginaires liés à la rayure sur les vêtements au fil du temps.

Selon l’anthropologue Gilbert Durand, l’imaginaire est un Objet de recherche à part entière,

à l’origine plutôt dédié à la recherche littéraire. Considérant que toute pensée repose sur des im-

ages, des archétypes, il propose une approche structuraliste directement liée à l’analyse du mythe

fondée par Lévi-Strauss. Il utilise ainsi les structures du mythe et du mythème développées par

l’anthropologue, se rapprochant ainsi de l’hypothèse de la sémiotique narrative que nous dé-

ployons dans le chapitre 5, et qui consiste à dire que toute signification se fonde sur un récit. Du-

Page 2: L'imaginaire en question

Les imaginaires en question �2

rand s’appuie également sur les recherches en sémantiques menées dans le même temps en

France.

«  Finalement, l’imaginaire n’est rien d’autre que ce trajet dans lequel la représentation de

l’objet se laisse assimiler et modeler par les impératifs pulsionnels du sujet, et dans lequel récipro-

quement, comme l’a magistralement montré Piaget, les représentations subjectives s’expliquent

“par les accommodations antérieures du sujet” au milieu objectif » (Durand, 1993 : 31).

Approche d’autant plus intéressante qu’elle montre bien les différents aspects de la construc-

tion des imaginaires, elle considère qu’un imaginaire est constitué antérieurement par le croise-

ment de l’individué et du collectif, un trajet tant spatial que temporel. Durand utilise « la méthode

toute pragmatique et toute relativiste de convergence qui tend à repérer de vastes constellations

d’images, constellations à peu près constantes et qui semblent structurées par un certain isomor-

phisme des symboles convergents   » (Durand, 1993   : 33), à l’instar de la proposition

méthodologique de la sémiologie interprétative indicielle . Ce chapitre propose différents points 1

de vue qui permettent de construire et de valider l’approche de l’imaginaire. Nous verrons que le

principe méthodologique d’Houdebine se rattache, dans une certaine mesure, à la proposition in-

augurale de Durand, par la méthode de la convergence et de la récurrence d’une part, et par ce

mélange d’individué et de collectif que constitue un imaginaire culturel d’autre part.

Cf. Chapitres 5.II et 6.I. 1

Page 3: L'imaginaire en question

Les imaginaires en question �3

I. Construction théorique d’un imaginaire culturel ?

La notion d’imaginaire est au cœur de notre travail doctoral. En effet, nous n’avons de cesse

d’expliquer que nous tentons de mettre au jour les imaginaires climatiques en présence. Qu’est-

ce-à dire d’un point de vue sémiotique et linguistique ?

Ainsi que l’explique Landowski, (Landowski, 2011 : 63), le mot même d’imaginaire semble

être une facilité de langage, une espèce de mot passe-partout. S’il explique que « l’imaginaire n’a

aucune place de la métalangage de la sémiotique  », Landowski ajoute cependant que «   la

description et la compréhension de “l’imaginaire humain” constituent l’objet même de toute

l’entreprise conduite par Greimas et ses successeurs » (Landowski, 2011 : 64). A l’instar de la

culture, l’imaginaire est partout et nulle part, du moins dans les théories sémiotiques. Il est objet

de recherche privilégié mais non nommé, d’autant plus important dans les théories structuralistes

de filiation saussurienne qui s’intéressent à la mise au jour de la praxis critique selon le projet

sémiologique de Barthes. Mais il est également terme à éviter d’après Landowski, car par trop

psychologisant : « celle d’imaginaire, par contre, est entachée de connotations psychologisantes

qui, pour tout structuraliste tant soit peu orthodoxe, sont radicalement hors de

propos » (Landowski, 2011 : 65). C’est bien sûr sans compter sur cette “psycho-sémiologie” que

propose Houdebine, s’appuyant sur les concepts psychanalytiques de Jacques Lacan comme la

Lalangue.

Houdebine propose l’étude d’une forme d’imaginaire, linguistique cette fois, en fondant son

principe théorique sur les différentes normes et sur l’auto-évaluation linguistique des locuteurs.

Appuyant son propre concept d’imaginaire sur les traces des significations imaginaires sociales

de Cornelius Castoriadis, Houdebine offre à lire une proposition théorique et méthodologique de

l’imaginaire linguistique basée sur les normes dites objectives et subjectives. Notre réflexion sur

l’imaginaire culturel se nourrit notamment de ces deux approches, complétées des propositions

théoriques de Charaudeau concernant la construction d’un imaginaire socio-discursif, trop

théorique, ou pas assez méthodologique à notre goût. En effet, la proposition de Charaudeau ne

manque pas d’intérêt en termes définitionnels, mais ne propose aucune approche innovante quant

aux méthodes d’analyse d’un imaginaire. A l’inverse, Ferenc Fodor aborde dans son Habilitation

à Diriger des Recherches une construction méthodologique d’un imaginaire culturel se calquant

sur le modèle de l’imaginaire linguistique houdebinien.

Page 4: L'imaginaire en question

Les imaginaires en question �4

A. Mémoire et Norme La linguiste Sophie Moirand, qui a travaillé sur la “ronde des dires” scientifiques dans la

presse quotidienne organise son approche sur, entre autres, la notion de mémoire. Appliquant la

mémoire discursive de Courtine (Courtine, 1981 : 152), Moirand considère les mots “habités” par

cette mémoire. « Ce que l’on constate, c’est le rôle que jouent ces choix de désignation, qu’ils

soient conscients ou non, dans l’émergence de domaines de mémoire à court, moyen ou long

terme » (Moirand, 2007 : 138).

Pour notre part, nous posons la question de la mémoire dans le discours de façon différente.

La mémoire est considérée comme telle a posteriori et en réception. Ainsi que l’explique

Moirand, nous pouvons construire la mémoire à partir des mots. Mais ils ne sont pas les seules

traces de cette mémoire, ou alors sont-ils la plus petite unité de cette mémoire. Pour construire la

mémoire, un recul temporel est nécessaire, recul que ne permet pas le monde médiatique dans son

ensemble. En effet, les médias en règle générale courent après le direct et après l’exclusivité,

après l’information pour faire les gros titres avant que les autres médias ne s’en emparent. Être le

premier (exclusivité et vitesse) à divulguer une information instaure la gageure d’un média,

même pour la presse quotidienne. Peut-on donc parler de mémoire en train de se constituer

lorsqu’on analyse les médias  ? Cela n’est pas possible, car nous ne pouvons que faire des

hypothèses sur la direction que prendra cette mémoire, appelée ainsi après coup. Comment

nommer l’observation des médias au temps présent ? N’est-ce pas la construction d’une norme

sociale qui permet, entre autres indices, l’émergence d’une direction plutôt que d’une autre ? La

mémoire est un objet construit par l’Histoire. Comment se construit alors la norme sociale ?

Ainsi que Jeanneret l’a montré, les actes de communication permettent la circulation de ce

qu’il nomme les êtres culturels. Ces actes de communication se font au travers des usages. Le

concept de norme sociale s’appuie sur les usages, même s’ils restent insuffisants, quoique

nécessaires pour révéler la circulation d’une norme sociale. La mise en place d’une norme passe

donc par les discours et par les comportements. Nous nommons usages les comportements

langagiers présents non seulement dans les médias mais également dans les discours du

quotidien, les échanges verbaux des locuteurs qui expérimentent les médias, entre autres sources

d’informations.

Page 5: L'imaginaire en question

Les imaginaires en question �5

Tant d’un point de vue sociologique que linguistique, Emile Durkheim et Alain Rey montrent

qu’une norme n’existe qu’à partir du moment où il y a stigmatisation et dénonciation du point de

vue comportemental, point de vue qui intéresse le sociologue, et notions auxquelles nous

rajoutons la transgression et, pour la langue, l’exception. Il n’y a de règles que celles que l’on

peut transgresser. En d’autres termes, tous les éléments minoritaires et saillants du discours

peuvent être considérés comme une transgression par rapport à la norme.

En 1972, Alain Rey fait une distinction entre le normal et le normatif, posant le normal du

côté de la science descriptive, et le normatif du côté de la prescription, «   l’un relevant de

l’observation, l’autre de l’élaboration d’un système de valeurs » (Rey, 1972 : 4). Ainsi le même

signe englobe-t-il la signification de fréquence ou moyenne, et la signification de conformité à

une règle, relevant plus volontiers du jugement de valeur. La norme peut donc s’appréhender

selon les usages autant d’un point de vue quantitatif que d’un point de vue qualitatif.

Sous un angle sociologique, nous parlons d’une norme comportementale. Selon une optique

linguistique, nous parlons d’usages de la langue dans les discours : quel terme sera plus usité

qu’un autre, quelle prononciation sera préférée et quelles seraient les raisons sociales de ces

préférences. Il s’agit d’une forme de linguistique nommée socio-linguistique, à laquelle Labov et

Lafont, notamment, se sont intéressés, mettant au jour des concepts comme la culpabilité

linguistique (Lafont, 1971) ou encore l’insécurité linguistique (Labov, 1976).

Page 6: L'imaginaire en question

Les imaginaires en question �6

Selon l’horizon sémiotique, la norme représenterait plutôt la façon la plus usitée et la mieux

comprise pour aborder un objet sémiotique tel que le changement climatique. Là encore, cette

approche engloberait à la fois l’instance de production et l’instance de réception, auxquelles sont

à rajouter les messages en eux-mêmes, et, bien sûr, les médias. Car ainsi que l’a montré Debray,

le média conditionne en partie la signification du message. Nous ne parlons pas de la même

manière d’un sujet selon que nos discours sont diffusés dans un média oral ou écrit, ou selon qu’il

s’agit d’une discussion personnelle ou d’un débat public. Dans quelle mesure la norme peut-elle

s’appliquer aux images aussi bien qu’aux discours écrits, ou qu’aux discours oraux ? La norme

serait donc cet élément globalisant et aplanissant les différents points de vue, afin de ne faire

ressortir que le point de vue le plus imposant tant par le nombre de ses usages, que par l’aspect

qualitatif de l’objet, c’est-à-dire la façon, efficace ou non, de mettre en scène linguistiquement et

iconiquement l’objet dont il est question. La norme serait donc un indice des imaginaires en

présence, tout comme l’histoire par ailleurs. Selon nous, l’imaginaire aurait à voir à la fois avec

une mémoire collective d’un groupe social donné, et avec la norme sociale telle que définie par

les institutions d’une part, et par les usages d’autre part. Reste à poser les différences et

concordances entre les notions de représentations et d’imaginaires.

B. Représentation et imaginaire La sous-partie suivante fait le point sur les différences entre représentations et imaginaires,

deux notions que nous ne cessons d’aborder, mais que nous n’avons pas encore explicitées. Où

s’arrête la représentation et où commence l’imaginaire ? Leur relation est-elle construite dans un

continuum, ou bien s’agit-il de deux concepts différents en tous points ? Depuis le début de ce

travail, nous nous proposons de travailler soit les représentations, soit les imaginaires. Qu’est-ce à

dire ? Il est temps de faire le point théorique et définitionnel sur ces deux concepts, afin de bien

comprendre de quoi il retourne.

1. De la représentation La notion de représentation est inextricablement liée à celle d’image, faite pour représenter.

« Sous des appellations diverses, elle traite de la question du rapport entre la signification, la réal-

ité et son image », explique le Dictionnaire d’analyse du discours, dirigé par Maingueneau et

Charaudeau (Charaudeau, Maingueneau, 2002 : 502-505). D’un point de vue discursif, et pour

reprendre le travail de Patrick Charaudeau, la représentation discursive construit et structure le

réel « à travers des images mentales, qui sont portées elles-mêmes par du discours ou d’autres

manifestations comportementales des individus vivant en société. […] En bref, les représenta-

Page 7: L'imaginaire en question

Les imaginaires en question �7

tions témoignent d’un désir social, produisent des normes et révèlent des systèmes de

valeurs » (Charaudeau, 2005 : 35). Les représentations discursives telles que définies par Cha-

raudeau se constituent dans un processus impliquant les savoirs de connaissances et les savoirs de

croyance dans le rapport de perception-construction que l’être humain entretient avec le réel, et

du point de vue de la norme, forme globalisante. Ces représentations sont souvent données pour

le réel lui-même, mêlant ainsi leur rôle de présentation et de représentation. Le sémiologue Louis

Marin argumente cette idée de la façon suivante : représenter, c’est à la fois mettre à la place de

l’objet, du référent absent, être une effigie en lieu et place ; et c’est également être présent, don-

ner une représentation. Le signe re-présente, en cela qu’il est mis pour le référent, symbolise et

prend forme dans un contexte qu’il alimente et explicite en même temps.

« Un des modèles parmi les plus opératoires construits pour explorer le fonctionnement de la

représentation moderne – qu’elle soit linguistique ou visuelle – est celui qui propose la prise en

considération de la double dimension de son dispositif : dimension « transitive » ou transparente de

l’énoncé, toute représentation représente quelque chose ; dimension « réflexive » ou opacité énon-

ciative, toute représentation se présente représentant quelque chose », devenant un objet en soit

(Marin, 1989 : 73).

Double-relation vers l’intérieur, concernant sa constitution (connaissances et croyances) et

double-relation vers l’extérieur, concernant sa perception (présenter et représenter), la représenta-

tion peut également être triple eu égard à son référent, selon les propos de Marin. La représenta-

tion se construit tout d’abord au travers d’ « opérations de découpages et de classement qui pro-

duisent les configurations multiples grâce auxquelles la réalité est perçue » (Chartier, 1994 : 411).

Malgré les critiques de Marin envers la sémiotique structurale, il s’agit bien là d’une façon de

structurer le monde au travers de la représentation. Cependant, il ne s’arrête pas là et explique

que la représentation sert également à définir le statut social, « exhiber une manière propre d’être

au monde, à signifier symboliquement un statut, un rang, une puissance » (Chartier, 1994 : 411).

La représentation n’est pas seulement celle de l’objet dont il est question, elle implique également

les énonciateurs, qui ont chacun une image de l’énonciateur face à eux. Enfin, la représentation

est également celle d’une communauté, d’un pouvoir, la permanence d’une identité en constante

évolution (cf. Marin, 1998).

Pour Grize, une schématisation se rapproche d'une représentation. Voici ce qu'il en dit.

« Une schématisation n'est pas faite d'un seul énoncé. Elle ne l'est pas non plus d'une simple

succession d'énoncés. C'est une structure, un système diront certains, dont les éléments soutiennent

entre eux des relations multiples. Ainsi les énoncés sont organisés en configurations de dimensions

Page 8: L'imaginaire en question

Les imaginaires en question �8

variables, lesquelles configurations à leur tour se composent pour constituer un tout  » (Grize,

1990 : 73).

Cette structure schématique, ou représentationnelle, dont parle Grize, et qui est intrinsèque

au discours, se voit constituée par les relations énonciatives qu’elle induit à l’intérieur du discours

et de la posture énonciative. A l’image du travail sur l’énonciation fondé par Benveniste, Grize

considère que, « pour qu’il y ait sens, il est nécessaire de postuler une double activité, celle du

locuteur d’une part, et celle du “locuté” » (Grize, 1990 : 92). Même si la configuration épisté-

mologique repose sur une forme de structuralisme en immanence, Grize adopte un point de vue

tourné vers les instances de production et de réception des énoncés. La représentation, ou la

schématisation selon son propre métalangage, s’appuie donc sur les énoncés, sur le fait qu’ils

soient produits, et sur le fait qu’ils soient perçus, ou reçus, d’une certaine manière.

Grize explique également que « dans une perspective dialogique, toute schématisation a des

effets de sens sur l’interlocuteur, elle induit des idées, des sentiments, de l’assentiment, de la

réprobation » (Grize, 1990 : 91). Les effets de sens ainsi nommés par Grize incluent plus que le

discours en lui-même. La nature d’un imaginaire ne repose-t-elle pas sur cet ensemble que

représente les discours et les sentiments et valeurs induites par ces mêmes discours ? Cela pré-

suppose de s’intéresser non seulement aux discours médiatiques, mais également à la réception

de ces discours, et à la production des discours dans un contexte social, historique et culturel

donné.

La représentation a à voir avec le référent, le contexte et la signification. La question se pose

de savoir si la notion d’imaginaire peut être conceptualisée de façon différente que celle de

représentation, déjà prégnante en sémiologie. L’imaginaire aurait-il pour fonction de mettre en

évidence, en plus des représentations inhérentes aux discours, ce contexte social, culturel et his-

torique dans lequel prennent racine ces représentations, conférant ainsi au concept d’imaginaire

une valeur subsumante, sans pour autant sous-entendre un remplacement de la notion de

représentation ? Pour Landowski, cela ne va pas de soit, bien au contraire. A l’inverse, pour Cha-

raudeau, il semble que ce soit le cas : l’imaginaire socio-discursif est, dans ce contexte théorique,

un concept subsumant.

Page 9: L'imaginaire en question

Les imaginaires en question �9

2. Imaginaire-culture, imaginaire-imagination Clairement réfractaire à l’utilisation d’un métaterme aussi polysémique et ambigu que la

notion d’imaginaire, Landowski s’intéresse cependant à l’imaginaire en tant que signe

linguistique utilisé dans la presse. Il montre ainsi que le syntagme imaginaire accepte toujours

deux actants. Le premier est actant sujet, personne ou groupe de personnes morales ou physiques,

il fonde la relation à l’individu ou au groupe. Il s’agit toujours de l’imaginaire de quelqu’un,

c’est-à-dire endossé par une personne, un média, un groupe culturel. Dans ce contexte, nous

pouvons nous demander dans quelle mesure un imaginaire circule s’il doit inexorablement avoir

une appartenance. Ainsi l’imaginaire porté par les scientifiques sera-t-il forcément différent de

celui des médias, bien que l’actant objet soit similaire. A l’image des discours de fondation

d’Eliséo Véron, nous posons la question de la transmission des imaginaires dans différentes

sphères sociales, assumant que ces imaginaires peuvent se transformer dans le processus de

circulation.

L’imaginaire est endossée par un sujet, il parle également d’un objet. Landowski montre que,

dans la presse comme dans l’univers littéraire, l’imaginaire est suivi de deux questions qui le

fondent  : de qui et de quoi. Au-delà des actants “possédant” l’imaginaire, Landowski replace

également le temps, l’espace et l’objet de l’imaginaire, sans pour autant expliquer la structuration

de cet ensemble hétéroclite que forme un imaginaire. Lui le définit comme une manière de

reconfigurer le sens, une série d’images en évolution, à l’instar d’un patrimoine iconique

dynamique, et nomme cette sorte d’imaginaire collectif «   l’imaginaire-culture  » (Landowski,

2011 : 71). « L’imaginaire conçu ainsi n’est au fond rien d’autre, sémiotiquement parlant, que la

composante figurative d’une “culture” » (Landowski, 2011 : 71), liant ainsi les deux notions de

manière indéfectible. L’imaginaire serait la représentation d’une forme de culture. Ce projet

théorique correspond à celui proposé par Barthes lorsqu’il parle d’insus culturels, puis par

Houdebine tandis qu’elle se propose de dévoiler la carte forcée de la culture. Car le sens

commun, collectif, se définit au niveau culturel par un imaginaire de quelqu’un et de quelque

chose. «  En tout cela, “l’imaginaire” – imaginaire-culture – se présente comme une instance

proprement socio-sémiotique, comme une institution diffuse en charge de l’univers du sens

socialement convenu, de son “formatage” et de sa propagation en tant que sens

commun » (Landowski, 2011 : 74), ou, autrement dit, selon les normes sociales communément et

tacitement, voire inconsciemment admises.

Page 10: L'imaginaire en question

Les imaginaires en question �10

La notion d’imaginaire-culture est mise en opposition avec celle d’imaginaire-imagination,

représentant plutôt l’aspect original représentant les courants artistiques d’une époque.

L’imaginaire-culture non seulement se nourrit de l’imaginaire-imagination, transformant ainsi des

objets artistiques originaux en normes, mais également définit les contours de ce que devrait être

cet imaginaire-imagination. En opposant et liant à la fois l’imaginaire-culture et l’imaginaire-

imagination, c’est-à-dire le collectif et l’individué, ou le normatif et le saillant, Landowski

conclut qu’« aucun de ces aspects ne nous semble en faire un mot particulièrement choisi pour

servir de métaterme dans une théorie » (Landowski, 2011 : 84). Car la seule voie possible de la

notion d’imaginaire sert déjà la sémiotique, en cela qu’il s’agit d’un «  espace théorique des

opérations sémiotiques conditionnant la production et la saisie du sens figuratif », ambition déjà

portée par le projet sémiotique greimassien, qui se propose de travailler les opérations sous-

jacentes, jouant sur et avec des “moyens figuratifs” afin de comprendre les productions à

caractère mythologique et/ou poétique que l’imaginaire-culture verse dans l’imaginaire-

imagination. Etudier l’imaginaire de quelqu’un et de quelque chose revient donc à dégager la

forme de rationalité qui lui est sous-jacente et qui en commande l’organisation, une sorte de

grammaire, la relation interne qui noue cet imaginaire-culture et cet imaginaire-imagination, ce

collectif normatif et cet individué débridé et original.

Landowski se défend donc d’utiliser la notion d’imaginaire. Pour notre part, au-delà de

l’emphase de la notion, elle a cet avantage, que d’aucun considère comme un inconvénient, d’être

polysémique. Par ailleurs, notons que la plupart des notions employées en sociologie notamment,

mais également en sémiotique, sémiologie et sciences du langage, ne sont que des récupérations

de notions venant d’ailleurs. Le contexte, théorique dans notre cas, lui propose une nouvelle

signification, pérenne ou non dans le temps. Seule l’Histoire sémiotique nous le dira.

3. De l’imaginaire socio-discursif : un concept subsumant Forgeant sa réflexion sur la pensée de Cornelius Castoriadis, Patrick Charaudeau propose une

conceptualisation de la notion d’imaginaire, offrant ainsi une place métadiscursive à la notion

(Charaudeau, 2009).

Rejetant l’idée de représentation afin de se démarquer du courant surdéterministe social,

Castoriadis parle des significations imaginaires sociales afin de réintroduire le sujet pensant.

Selon lui, ces significations imaginaires sociales sont le ciment invisible tenant ensemble cet

immense amas hétéroclite de réel, de rationnel, de symbolique qui constitue toute société, et qui

formate tant l’individu que le collectif.

Page 11: L'imaginaire en question

Les imaginaires en question �11

Pour Cornelius Castoriadis, l’imaginaire se définit comme une « puissance anonyme, collec-

tive et immotivée de faire être des significations d’où vont découler aussi bien les structures sym-

boliques, les articulations spécifiques de la société que le sous-bassement de ce qu’elle considère

comme rationnel ou fonctionnel  » (Tomès, 2008   : 49). Ainsi, rien n’est vraiment rationnel,

puisque fondé sur des significations sociales. C’est l’imaginaire social qui rend possible l’institu-

tion de l’individu comme individu social, apte à la vie en société, par la participation à des signi-

fications collectives. Les individus sont les fragments ambulants d’un même type de société, ils

deviennent un collectif anonyme. Notons que Castoriadis utilise la notion d’imaginaire dans une

forme syntaxique de qualificatif. La forme adjectivale qualifie la notion de significations sociales.

Chapel propose une nouvelle lecture des significations imaginaires sociales défendues par

Castoriadis. «  Les significations imaginaires sociales ne sont ni représentations, ni figures ou

formes, ni concepts ». Elles sont des significations parce qu’elles renvoient à un sens, « un tenir-

ensemble indestructible, se visant soi-même et fondé sur soi-même, source illimitée de plaisir à

quoi il ne manque rien et qui ne laisse rien à désirer » (Castoriadis, Tomès, 2008 : 47). Elles sont

sociales parce qu’elles valent et s’imposent à tous les membres de la société, sans être néces-

sairement sues comme telles. Les formations idéologiques apparaissent comme des ensembles

identitaires rationalisables du fond magmatique de l’imaginaire social. D’après le point de vue de

Castoriadis, la représentation sociale serait trop partie-prenante dans la définition de la psycholo-

gie sociale.

Pour notre part, et suite à la définition proposée des représentations, si celles-ci peuvent

s’appréhender sans le recours aux imaginaires, l’inverse n’est pas vrai. Dans une sorte de contin-

uum de la construction des significations, les représentations sont nécessaires à la compréhension

d’un imaginaire, qui prend cependant en compte davantage de matière signifiante.

Charaudeau définit la notion comme un mode d’appréhension du réel qui participe de la con-

science de soi (individuel) en rapport avec l’autre (vision collective), qui, étant intégré dans un

réseau, oblige à prendre en compte les substrats sociaux et culturels qui les soutiennent. C’est

l’activité de mise en sens du monde, de sémiotisation, qui construit l’imaginaire comme une

proposition de compréhension de la réalité. Cette forme déployée de représentation, signifiante à

la fois du monde et de la relation à autrui instaurée, passe nécessairement par le discours. Les

trois questions principales proposées par Charaudeau sont les suivantes   : y a-t-il des niveaux

d’imaginaires, comment ces imaginaires circulent-ils entre les différents groupes sociaux, et quels

sont les modes de configuration de ces imaginaires. « L’imaginaire n’est ni vrai, ni faux. Il est une

Page 12: L'imaginaire en question

Les imaginaires en question �12

proposition de vision du monde qui s’appuie sur des savoirs qui construisent des systèmes de

pensées, lesquels peuvent s’exclure ou se superposer les uns aux autres » (Charaudeau, 2007 : 59-

60).

Notons une différence fondamentale en terme de métalangage entre l’analyse du discours que

propose Charaudeau, et la sémiotique narrative. Les deux courants théoriques inversent deux

concepts : le réel selon la sémiotique narrative semble être la réalité pour l’analyste du discours,

et vice-versa. Pour le sémioticien, il n’existe qu’un réel, transformé en un point de vue spécifique,

une réalité par le sujet. Il existe donc autant de réalité que de sujets. Alors que, ainsi que l’expl-

ique Charaudeau, « la mécanique des représentations sociales […] transforme la réalité en réel

signifiant » (Charaudeau, 2007 : 52).

S’appuyant sur cette définition, Charaudeau propose une première forme de réflexion pour

une catégorisation de l’imaginaire, répondant ainsi à sa première interrogation. Il existe selon lui

trois lieux de construction des imaginaires, catégorisés selon un critère de dimensionnement des

espaces de vie et de communautés, allant de l’imaginaire le plus large au plus restreint.

Le premier niveau est ce qu’il nomme l’imaginaire transculturel, présent de façon transver-

sale dans toutes les civilisations. Il s’agit la plupart du temps du face à face entre l’Humain et la

Nature, l’ensemble de ces imaginaires est utilisé afin de conjurer des peurs ancestrales d’ordre

cosmogoniques : le déluge est de cet ordre. Et d’expliquer qu’à travers les titres de presse, on

peut voir qu’il existe des indices renvoyant à des imaginaires de type transculturel. Ajoutons que

la météo a à voir à la fois avec l’humain et la nature ; nous gageons donc que les imaginaires dé-

ployés pour parler du climat d’un point de vue météorologique seront de nature transculturelle.

Le deuxième niveau serait de l’ordre de la culture ancrée dans la vie sociale, ou au groupe.

On y trouve un rapport particulier à l’espace, à l’image des recherche proxémiques d’Edward T.

Hall, au temps, ou à la langue, ainsi que l’a montré Labov à propos de l’insécurité linguistique,

ou Houdebine concernant la féminisation des noms de métiers et l’imaginaire linguistique, notion

sur laquelle nous revenons par la suite. Cet imaginaire ancré dans la culture se rapproche de ces

normes sociales qui conditionnent une société et qui se veulent absolues dans les pratiques. Ainsi

en est-il du tatouage de numéros sur le bras, faisant directement référence à la Shoah, ou des cari-

catures de Mahomet, qui remettent en question le statut de la religion dans nos sociétés laïques.

Le dernier niveau d’appréhension des imaginaires équivaudrait au niveau socio-institution-

nel, aux modes d’organisation de la société, et aux discours produits pour justifier ces modes

d’organisation, à l’instar du maintenant fameux « travailler plus pour gagner plus » de Nicolas

Page 13: L'imaginaire en question

Les imaginaires en question �13

Sarkozy. Charaudeau estime que les discours investis par les imaginaires ne cessent ce va-et-vient

entre les différents niveaux d’appréhension des imaginaires.

Les imaginaires seraient, à l’image de l’idéologique défendu par Eliséo Véron, des cadres

d’appréhension des discours. Nous utilisons appréhension comme un subsumant des notions de

production – reconnaissance défendues dans le système idéologique de Véron. Par ailleurs, Véron

explique que «   le traitement des représentations permet l’unification imaginaire  » (cf. infra,

3.II.A.3). Enonçant cela, Véron pose l’imaginaire comme un tout plus vaste que la représentation.

Tout comme l’imaginaire, l’idéologique est un cadre de pensées permettant la mise en structure

du monde. Pourtant, l’imaginaire a plus à voir avec les mythes fondateurs, les mythologies

barthésiennes qui déploient ce qu’il nomme la praxis critique, une critique de nos sociétés for-

matées par un mode de pensée, des croyances et des mythes, tandis que l’idéologique s’ancre

dans le moment présent. Cependant, la question se pose de savoir si nous pouvons rapprocher le

crépuscule du mythe prométhéen déployé par l’anthropologue François Flahaut dans son ouvrage

(2008), une critique de l’idéologie environnementaliste perçue par exemple dans l’article de Vi-

gneau à propos de l’Objet de recherche changement climatique, et le déploiement de l’hypothèse

Gaïa par Lovelock. Car les trois approches tendraient à rompre avec une perception de l’humain

surplombant la nature. Selon les propos de Charaudeau, il s’agirait ici d’un imaginaire transcul-

turel, applicable de façon transversale à bon nombre de cultures, et qui tenterait de retrouver un

équilibre entre l’action de l’humain et l’action de la nature, l’humain faisant partie intégrante de

la nature, et n’étant plus qu’un élément d’un écosystème dont l’équilibre est maintenu par le re-

spect mutuel de chacun des éléments.

Le concept de mythe développé par Claude Lévi-Strauss, ou encore le récit greimassien,

niveau sous-jacent fondateur de tout discours, pourraient tout à fait se confondre avec l’imagina-

ire socio-discursif proposé par Charaudeau. Dans cette optique, il est vrai que la notion d’imagin-

aire apporte plus de complexité que de clarification eu égard aux théories utilisées. Du point de

vue socio-discursif, l’imaginaire aide à structurer le discours selon des “prêt-à-signifier”. La

question se pose également de savoir de quelle manière appréhender ces imaginaires, constitués à

la fois de collectif, de masse, et d’individué, de symbolisme. Devons-nous les analyser selon la

catégorisation proposée par Charaudeau ? Ou cette catégorisation n’intervient que lors de l’inte-

rprétation des résultats ? Existerait-il une méthode pour appréhender ces “prêt-à-signifier”, plus

proches des mythes et légendes auxquels l’analyste fait référence pour expliquer tel ou tel com-

portement socio-discursif ?

Page 14: L'imaginaire en question

Les imaginaires en question �14

Les imaginaires socio-discursifs seraient ainsi à appréhender dans un mode circulatoire des

discours sociaux, d’après Charaudeau. En effet, d’après lui, ils ont à voir avec des jugements de

valeurs propres aux sphères sociales, jugements de valeurs modifiés selon le passage d’une

sphère sociale à l’autre. « Ainsi, les imaginaires sont engendrés par les discours qui circulent dans

les groupes sociaux, s’organisant en systèmes de pensée cohérents, créateurs de valeurs, jouant le

rôle de la justification de l’action sociale » (Charaudeau, 2007 : 54). L’imaginaire s’appréhende

au travers de jugements de valeurs, qu’il engendre. « Les discours qui sont produits à l’intérieur

de chaque communauté émettrice de ce jugement   » sur l’objet même de l’imaginaire

(Charaudeau, 2007 : 60).

Le concept d’imaginaire développé par Charaudeau joue avant tout lors de l’interprétation de

ces représentations sociales nous semble-t-il, au travers de cadres de pensées plus riches et

ouverts en regard du concept de stéréotype ou encore de représentation. Les modes

d’appréhension des imaginaires reposent cependant sur le même modèle que celui des

représentations : les discours. « Un imaginaire dont les symptômes sont les discours produits à

leur égard soit pour les décrire, pour les qualifier, soit en imaginant leurs

intentions » (Charaudeau, 2007 : 54). Si le matériau d’analyse est équivalent pour les imaginaires

et les représentations, cela signifie que la distinction théorique entre les deux concepts se joue

lors de l’interprétation, dont les éléments permettant l’étayage sont d’accès plus large. Travailler

les imaginaires plutôt que les représentations autorise une interprétation plus investie du sujet

parlant, dans laquelle l’interprétand joue son propre rôle et n’est pas effacé au profit du tout. Les

prêts à signifier, ainsi que nommés, offrent une potentialité d’interprétation, que seul l’analyste

décide d’investir. Par ailleurs, il/elle ne le fait pas de façon consciente, les directions

interprétatives empruntées par l’analyste sont dessinées en fonction de l’objet certes, de la

discipline également, sans oublier l’interprétand et son histoire sociale et culturelle. L’analyste est

traversé par son époque tout comme il la traverse.

Pour notre part, nous considérons que l’imaginaire socio-discursif représente une valeur

théorique très intéressante, mais qui rejoint la phase interprétative de la sémiologie des indices

développée dans le chapitre précédent. Nous considérons que l’imaginaire, construction théorique

plus vaste que l’interprétation, mais dont elle a besoin, doit se travailler sur plusieurs niveaux

d’analyse. Un seul genre de discours ne suffit pas à rendre compte d’un imaginaire. Relevant cet

objectif de méthodologie d’analyse des imaginaires, nous avons trouvé en la proposition de

modèle d’imaginaire linguistique développée par Anne-Marie Houdebine une piste intéressante.

Page 15: L'imaginaire en question

Les imaginaires en question �15

C. L’imaginaire linguistique houdebinien Travaillant les discours de jugement de valeur à propos de la langue française, Anne-Marie

Houdebine propose un modèle méthodologique opératoire qu’elle nomme le modèle de

l’imaginaire linguistique (maintenant l’I.L.). Pour reprendre la configuration sémantique de la

notion d’imaginaire selon Landowski, l’imaginaire défendu par Houdebine se fonde sur les

jugements de valeurs énoncés par des poitevins, à la frontière linguistique oc-oïl, et l’objet dont il

s’agit est leur langue, ou la langue qu’ils fantasment : l’imaginaire de la langue française des

poitevins. A l’inverse de Landowski, la linguiste considère qu’une approche psychologique n’est

pas incompatible avec une méthode d’analyse basée sur le structuralisme saussurien. Houdebine

réintègre donc le sujet parlant dans son analyse d’imaginaire. Voici la définition qu’elle donne de

l’I.L.   : «   le rapport du sujet à lalangue (Lacan) et à La Langue (Saussure) repérable pas ses

commentaires évaluatifs sur les usages ou les langues » (Houdebine, 2008 : 35).

Selon l’approche lacanienne, l’imaginaire est de l’ordre du mental, il permet, par la

perception visible, une représentation leurrante. Analyser l’imaginaire, c’est selon Lacan prendre

en compte les leurres inconscients au travers de la parole, afin de se libérer de ces leurres

imaginaires et d’accéder à l’ordre symbolique. Lacan prend pour exemple la notion de table. La

table imaginaire représente les fonctions de l’objet. La table symbolique se construit sur le mot

table et ses significations lorsqu’il vient en tant que symbole dans le discours : carte sur table,

faire table rase, et autres expressions en sont de parfaits exemples. Le réel englobe le reste,

encore inconnu pour le sujet parlant (Lacan, 1966). L’imaginaire permet ainsi d’accéder au réel

par la mise en parole, du même coup conscientisé, des traces de l’inconscient. Houdebine

construit son approche de l’imaginaire linguistique sur cette proposition théorique de l’imaginaire

de Jacques Lacan, incluant par la suite (années 2000) la définition développée par Castoriadis.

De fait, la psychanalyse et la place du sujet parlant sont à l’origine du modèle de l’I.L..

Houdebine s’est intéressée au positionnement des sujets face à leur propre langue et à la langue

de l’Autre, relevant ainsi des marques de jugement de valeur, appelés discours épilinguistiques.

« La conceptualisation de l’I.L. est une tentative de lever cette binarité en (ré)introduisant,

dans une problématique causale, l’analyse du rôle du Sujet parlant dans la dynamique linguistique

sans réduire celui-ci à son statut de sujet social dont les évaluations (ou représentations, opinions,

attitudes, etc.), seraient surdéterminées par son ou ses groupes d’appartenances  » (Houdebine,

2008 : 35).

Page 16: L'imaginaire en question

Les imaginaires en question �16

Il s’agirait donc pour la chercheure de repérer les dynamiques linguistiques attestées et fan-

tasmées par les sujets parlants, sans perdre de vue que ces mêmes sujets parlants jouent égale-

ment dans une interaction sociale. La notion de discours épilinguistique, par différenciation avec

des discours métalinguistiques, a été proposée par Antoine Culioli (Ducard, Normand, 2006).

Selon le linguiste, l’activité cognitive épilinguistique prépare l’activité métalinguistique. Fodor

explicite la notion ainsi : « nous entendons par production ou discours épilinguistique l’ensemble

des jugements, des catégorisations, des évaluations des locuteurs ou auteurs de textes sur la

langue » (Fodor, 2008b : 77). La distinction que le chercheur pose entre des discours épilinguis-

tiques et métalinguistiques reste l’outillage conceptuel à disposition pour appréhender la langue.

Entendons-nous, un discours métalinguistique peut se différencier par le degré de scientificité

posé dans le discours : un grammairien portera un discours métalinguistique, ce qui ne l’empêche

de poser également des jugements de valeurs, épilinguistiques. Même si notre exemple met en

scène le locuteur, la valeur épi ou méta du discours se constitue en son sein, par les traces méta

ou épi laissées dans le discours. Cependant, il semble pertinent de catégoriser en amont le fait que

les professionnels de la langue auront un discours à tendance métalinguistique, alors que les pro-

fanes emploieront plus volontiers des jugements de valeur pour parler de leur langue.

Ainsi que vu, Alain Rey pose une frontière entre le normal et la normatif, et construit de ce

fait deux types de normes. La norme descriptive répond au normal, à la règle ou à la moyenne,

tandis que la norme puriste répond à une instance supérieure régulatrice du bon usage de la

langue française, en l’occurrence. Reprenant la configuration d’Alain Rey à propos des deux

normes, Houdebine observe les normes en présence dans les discours d’évaluation et d’autoéva-

luation de locuteurs sur leur langue (française). Considérant que la norme prescriptive est issue

d’une subjectivation du sujet parlant, Houdebine propose de multiplier ces deux types de

normes : d’un côté les normes dites objectives et de l’autre les normes dites subjectives.

L’appréciation et la mise en rapport de ces normes permet la construction et le cadrage des

imaginaires sociaux en présence dans les discours des locuteurs, mais également dans les produc-

tions linguistiques in vivo. En effet, l’analyse des discours dits in vivo, c’est-à-dire sans intention-

nalité ni intervention de l’analyste dans l’organisme social qui le produit, permet de recueillir les

productions attestées, et de les mettre en regard avec la langue fantasmée des locuteurs. Les

imaginaires sociaux circulent tant dans les discours individuels que dans les discours généraux,

de masse, dirons-nous à propos des médias.

Page 17: L'imaginaire en question

Les imaginaires en question �17

A la suite d’analyses, Houdebine propose une sorte de typologie afin de catégoriser les

positions évaluatives repérées, plus hétérogènes que la simple observation d’une norme

uniquement prescriptive. Il s’agit, selon elle, « d’établir l’interaction entre les normes objectives

[…] venues de l’analyse des usages des locuteurs recueillis dans les entretiens et les imaginaires

des locuteurs et locutrices dits normes subjectives » (Houdebine, 2002 : 13-14). Le curseur s’est

un peu déplacé depuis 2002   : l’imaginaire linguistique ne représente plus seulement ces

jugements de valeurs, il s’agit d’une construction plus générale, à l’instar des propos de

Charaudeau, qui englobe l’individué et le collectif, le sujet parlant et le sujet social.

Les normes observées dans les discours in vivo sont dites objectives. En analysant les usages

in vivo, l’analyste dégage des normes objectivantes, dans lesquelles sont incluses les normes

statistiques et les normes systémiques, utiles en sémiologie interprétative pour déployer le

système : il s’agit de l’analyse systémique immanente appliquée au discours. La norme statistique

sert l’« analyse des variétés et des cooccurrences d’usages (Houdebine, 1998 : 198), lorsque la

norme systémique est dégagée « à l’aide d’une étude clinique des productions (…) pour la mise

au jour de la structure linguistique  » (Houdebine, 1998   : 198). Nous pouvons considérer ces

normes objectives comme des normes dites normales, en contradiction avec le normatif selon

l’organisation conceptuelle d’Alain Rey. Ces normes objectives permettent la mise au jour des

usages convergents, et de ceux qui apparaissent ou disparaissent, et de rendre compte d’une

situation de façon objective et statistique, supportée par l’idée de moyenne, de tendance générale

au travers de l’analyse des usages. A l’instar de l’analyse systémique immanente, elles aident à la

mise au jour du fonctionnement de l’objet, de sa structure immanente. S’ensuit une description

prototypique de l’objet au travers de pourcentages et de catégorisations, respectivement

considérés comme les normes statistiques et les normes systémiques.

La production médiatique est également un discours dit in vivo, seulement il ne prend pas en

compte le sujet parlant, mais l’aspect social de la langue. La question du rôle des médias peut se

poser dans le processus de constitution d’une norme, non plus d’un point de vue purement

comportemental (ou fonction des attitudes structurées), mais d’un point de vue de construction

d’imaginaires culturels alimentant, transformant ou invalidant une norme. En effet, nous

considérons que la présence d’imaginaires en construction ou en stabilisation, repérables au

travers des médias participe de la stabilisation et/ou de la transgression d’une norme sociale dite

objective.

Page 18: L'imaginaire en question

Les imaginaires en question �18

Nous avons pu apprécier le fait que le seul fonctionnement interne d’un objet au travers d’un

discours ne suffit pas à rendre compte d’un imaginaire. De fait, l’imaginaire, en circulation ou

non, se construit aussi selon le contexte historique, culturel et social, et selon le sujet parlant.

L’imaginaire se construit au travers d’un sujet et d’un objet, mais également par l’entremise d’un

temps, d’un lieu et d’un espace culturel.

Concernant les normes dits subjectives, Houdebine explique qu’elles ne « se définissent pas

seulement comme des idéologies linguistiques ou des normes sociales intériorisées mais veulent

témoigner de la créativité du sujet parlant sur ce plan  » (Houdebine, 2008  : 36). Les normes

subjectives montrent les représentations non seulement individuées, mais également collectives,

selon le corpus défini. Elles permettent de repérer les projections et la rationalisation effectuée

par le sujet parlant sur ses propres usages. Pour Houdebine, il s’agit des discours épilinguistiques

que les sujets parlants sont capables de formuler sur leur propre langue, ainsi que sur les usages

des uns et des autres, énonçant ce qui peut être considéré comme une belle langue, une langue

juste. Houdebine utilise le terme d’imaginaire « pour rendre compte d’une part de ce qu’un sujet

peut produire du fait de son rapport intime, primaire (Freud) à une langue (sa langue) le

constituant comme un sujet parlant (parlêtre selon Lacan) donc du fait de sa biographie, et

d’autre part du fait du trait universel des langues humaines   : leur capacité

métalinguistique » (Houdebine, 2008 : 36).

Les discours épilinguistiques sont analysés afin d’y repérer différentes forme de normes dites

subjectives : les normes fictives, prescriptives, et communicationnelles. Nous apprécierons plus

loin le travail de Corinne Baudelot qui a permis de mettre au jour la norme communicationnelle.

Dans le contexte journalistique, la langue est avant tout considérée comme un outil de

communication et d’intercompréhension. C’est du moins l’imaginaire que projette le corps

journalistique sur sa langue. Aussi trouve-t-on dans les pages de journal des fautes de français qui

ne sont pas considérées comme telles : mettre à jour plutôt que mettre au jour, ou encore l’ajout

de la préposition à au verbe pallier, qui n’en demande pas “normalement”. Jean-Paul Colignon,

correcteur au Monde, parle alors de « bon usage momentané contemporain », et montre ainsi le

mouvement et l’évolution perpétuelle de la langue.

Les normes prescriptives sont fondées sur une modalité déontique   : elles permettent

d’énoncer ce qu’il faut et ce qu’il ne faut pas dire pour parler un français correct. Nous renvoyons

à tous discours faisant référence, par exemple, à l’Académie Française, institution dominante du

bon usage du français fondée au 17e siècle, qui promeut un idéal de langue puriste.

Page 19: L'imaginaire en question

Les imaginaires en question �19

Les normes fictives renvoient davantage à une construction identitaire, relevant également

d’une fiction, la fonction identificatoire de la langue à propos de groupes sociaux. Il s’agit cette

fois d’un idéal de langue esthétisant voire affectif, non étayé par un discours antérieur de type

institutionnel ou scolaire.

La scission entre normes objectives et normes subjectives permet de marquer la frontière

entre les pratiques discursives et linguistiques réelles de la langue et les fantasmes sur cette

langue, les attitudes, les opinions que se font les sujets parlants de leur langue. « Les normes

subjectives et objectives sont ainsi mises en relation selon l’objectif énoncé plus haut : tenter de

dégager et comprendre dans les causalités multifactorielles de la dynamique linguistique, celles

qui reviennent au sujet parlant » (Houdebine, 2008 : 37). La dynamique linguistique suppose une

langue non statique, en permanente évolution, et qu’on n’appréhenderait qu’en un moment

donné. Houdebine désire également montrer que les sujets parlants jouent un rôle dans les

changements systémiques de la langue. Pour cela, elle souhaite dégager les rétroactions des

imaginaires sur les usages et le système et pose l’hypothèse que les imaginaires agissent sur les

imaginaires. «  L’accent est mis sur l’incorporation de ces éléments [légitimations sociales,

idéologiques et culturelles] chez les sujets, afin de dégager leur influence sur la dynamique

linguistique, discursive, par l’intermédiaire de ces derniers » (Houdebine, 2008 : 38).

Figure 14 : les normes dans l’imaginaire linguistique (Houdebine, 2008 : 7)

Intégrant le modèle houdebinien de l’I.L., Corinne Baudelot propose de mettre au jour les

imaginaires linguistiques non plus des poitevins, mais des professionnels de la presse écrite.

« Il s’agit dès lors de vérifier si les attitudes linguistiques des uns et des autres, leur discours

sur la langue, font état de la prescription puriste que certains lecteurs semblent vouloir exiger

d’eux, ou bien si elle présente des caractéristiques tout à fait originales et suffisamment conver-

Page 20: L'imaginaire en question

Les imaginaires en question �20

gentes pour être constitutives d’un imaginaire linguistique spécifique à la communication mass-

médiatique » (Baudelot, Houdebine, 1986 : 60).

L’intérêt d’observer le travail de Corinne Baudelot réside en l’appréhension des corpus

utilisés pour rendre compte de l’imaginaire linguistique des journalistes. Afin de mette au jour les

normes objectives, Baudelot fonde son travail sur des documents internes relatifs à l’écriture

journalistique. Elle s’intéresse à des notices pour « Ecrire pour être lu », aux modes de recrute-

ment des correcteurs, ou encore à un livret énonçant ce qui peut être considéré comme des fautes

de français. Elle intègre également au corpus les discours émanant d’entretiens avec des journal-

istes et professionnels de la presse, ainsi que les productions de ces journalistes, afin de repérer

les éléments ne répondant pas nécessairement aux normes objectives, mais présentes malgré tout.

Elle inclut enfin les réponses à un questionnaire d’enquêtes auprès de ces mêmes professionnels,

à propose de 20 énoncés, considérés comme juste du point de vue journalistique, mais comme

faux du point de vue prescriptif. Au travers de ces quatre sous-corpus, Baudelot peut ainsi définir

ce qui semble être relatif non seulement du sujet parlant, le journaliste en question, mais égale-

ment ce qui est communément accepté par les professionnels de la presse, relevant plus d’un as-

pect sociétal. Baudelot a ainsi pu mettre au jour une norme subjective relevant de l’aspect com-

municationnel de la langue. Pour de nombreux professionnels, notamment dans les médias ré-

gionaux, l’accent est mis sur la compréhension plutôt que sur l’utilisation d’une langue dite pre-

scriptive. Des déformations sont acceptées, appelées par ailleurs néologisme par les profession-

nels, voire même recommandées car plus efficaces, plus parlantes. L’exemple permet de montrer

que, même dans une perspective structuraliste, la multiplication des corpus est possible, ainsi que

la multiplication des méthodes d’analyse.

Dans l’exemple proposé par Baudelot, et qui intéresse notre étude, l’objet de l’imaginaire

est toujours la langue, le sujet étant un groupe social défini en amont. Si on procède par commu-

tation, la définition de l’imaginaire linguistique vaudrait-elle pour un autre objet, le modèle lin-

guistique de l’imaginaire est-il transposable à un autre objet culturel moins présent, moins trans-

versal au sein même d’une culture ? La langue est à la fois un objet culturel et communicationnel,

ce qui n’est pas le cas de l’objet de recherche changement climatique. Dans quelle mesure est-il

possible de modéliser un imaginaire tenant compte d’un objet culturel non exclusivement fondé

sur du linguistique d’une part, et en intégrant l’aspect communicationnel et social relatif à la cir-

culation de l’objet d’autre part ? Comment appréhender un objet qui ne soit pas du pur domaine

linguistique, mais qui fait malgré tout sens dans le collectif ? Dans un article paru en 2008, Fodor

insiste sur le fait que « Anne-Marie Houdebine fait remarquer la transmission d’une normativité

Page 21: L'imaginaire en question

Les imaginaires en question �21

imagée non seulement au niveau linguistique, mais également au niveau iconique au travers des

symboles nationaux » (Fodor, 2008b : 42). Qu’est-ce qu’une normativité imagée ? Peut-on lier

cette nouvelle forme de norme à un imaginaire ? L’imaginaire linguistique ne serait-il pas égale-

ment culturel, en ce sens que ce dont il est question dans l’imaginaire relève également de la cul-

ture : la langue ? Du même coup, comment définir les candidats susceptibles d’intéresser le/la

chercheur-e pour construire un imaginaire ? Une seule image suffit-elle pour définir un imagi-

naire ? Nous gageons que non, car, ainsi que nous l’avons vu, un imaginaire se construit au tra-

vers des usages, nombreux, et des jugements de valeurs sur l’objet. Autant de questions qui ne

trouveront pas toutes les réponses au sein de ce travail, mais qui ouvrent la voie à une réflexion

élargie à la constitution d’un imaginaire culturel.

Page 22: L'imaginaire en question

Les imaginaires en question �22

D. Propositions pour l’analyse d’un imaginaire “culturel” en lien avec la sémiologie interprétative

Dans un numéro de la revue Sêméion dirigée par la linguiste, Houdebine explique qu’il est

possible que ces normes aillent au-delà du discours limité à des locuteurs individués pour se

retrouver dans des discours à valeur sociale plus imposante : publicités, institutions, médias. Pour

analyser ce qu’Houdebine nomme des imaginaires culturels, ou socio-culturels, elle propose une

interdisciplinarité de la démarche en prenant en compte les pratiques langagières et discursives

d’un côté, et les pratiques socio-culturelles de l’autre côté. L’intérêt d’étudier ces pratiques socio-

culturel offre un accès aux représentations sociales définies d’un point de vue sociologique

notamment par Moscovici (Moscovici, 1976), son désavantage  : l’aspect individué est mis de

côté au profit de la représentation sociale.

Ce genre d’imaginaire ne peut plus se prévaloir entièrement de la psychanalyse car les

productions attestées qui permettent de mettre au jour la grammaire et les insus linguistiques

n’entretiennent pas la même relation avec le destinateur. Ainsi que nous l’avons vu concernant les

“Unes” de presse notamment, nous ne pouvons définir avec certitude l’auteur des titres et de la

mise en page de la “Une”, tandis que ce problème ne se pose pas lors de recueil de discours

individués. D’autant que dans ce contexte d’imaginaire linguistique, la position du destinateur

revêt une importance capitale afin de catégoriser les discours considérés comme méta ou

épilinguistiques. Cela pose également la question de la relation entre les corpus, lors de l’étude

d’imaginaires culturels. Pour un imaginaire linguistique, les locuteurs vont parler leur langue,

puis parler de leur langue. La pratique socio-culturelle dont faisait mention Houdebine serait,

dans ce contexte, le fait pour un locuteur de parler sa langue sans contrainte. Remplaçons

maintenant le syntagme parler sa langue par notre propre objet d’analyse, le changement

climatique. Ainsi que nous l’avons vu dans la partie concernant la trivialité, la pratique du

changement climatique peut s’observer partout, car chaque acte conditionne la lutte ou

l’alimentation du changement climatique.

Page 23: L'imaginaire en question

Les imaginaires en question �23

En effet, l’intérêt est bien d’observer les pratiques discursives et les jugements de valeur des

mêmes locuteurs, afin de mettre en regard leurs usages et l’image qu’ils se font de leurs usages.

Appréhender un imaginaire culturel manierait également les jugements de valeurs et les pratiques

socio-culturelles, mais le destinateur du jugement de valeurs et celui de la pratique socio-

culturelle ne peuvent être un unique destinateur. A notre sens, ce que Houdebine nomme

pratiques socio-culturelles recouvre l’univers de la représentation médiatique. La construction de

l’imaginaire culturel se fait dans la conjonction ou dans la disjonction entre les représentations

médiatiques évaluées, et les discours épisémiotiques d’un côté, et métasémiotiques de l’autre

côté.

Selon les propos de Ekaterina Nossenko-Hercberg, la notion d’imaginaire culturel circule

depuis 2004. Elle explique également que les discours évaluatifs des sujets parlants constituent

un aspect de cet imaginaire culturel, également complété par la mise au jour des insus culturels,

« des traces transportées par le psychisme d’individus imprégnés par la mémoire collective ou

l’Histoire » (Nossenko-Hercberg, 2010 : 213). Selon la sémiologue, l’objectif de la sémiologie

interprétative appelée “des indices” va de pair avec l’objectif de la construction d’un imaginaire

culturel, car elle permet de construire une grammaire des usages de l’objet de recherche. Rap-

pelons que les normes dites objectives concernent avant tout les usages, ou pratiques socio-dis-

cursives et socio-culturelles. Et les normes subjectives représentent les fantasmes individués sur

le même objet.

Figure 15 : L’imaginaire culturel selon Houdebine (Houdebine, 2008 :34)

���

Pour notre part, nous proposons de développer un modèle méthodologique « permettant de

recouvrir des pratiques socio-culturelles, des objets et des discours manifestant les contenus

idéologiques d’une époque » (Nossenko-Hercberg, 2010 : 212).

Page 24: L'imaginaire en question

Les imaginaires en question �24

Parlant de la publicité, Houdebine indique que « sous ces apparences s’inscrivent en effet

d’autres discours que celui du produit, où – à l’insu même des concepteurs – se faufilent, s’entr-

emêlent les représentations et les messages, sociaux (culturels) et personnels (narcissiques) de

telle sorte que nul ne saurait les départager  » (Houdebine, 2003  : 18). Cependant, plutôt que

«   représentations sociales  » qui implique une pertinence sociologique selon Houdebine, elle

préfère le terme d’ « effet de sens », terme emprunté à Greimas, ou encore d’axes sémiques. La

sémiologie qu’Houdebine se propose de déployer a pour objectif de mettre au jour ces effets de

sens, ces « messages culturels des images travaillant à partir des idéologèmes ou culturèmes ou

de nos mythes sociaux » (Houdebine, 2003 : 18).

Dans le livre intitulé Vocabulaire des études sémiotiques et sémiologiques, la notion d’effet

de sens est définie comme suit, sous la houlette de la sémiologie des indices d’Anne-Marie

Houdebine :

« Equivalent de signification (mais non de signifié imposé par un code, une structure ferme).

En Sémiologie des indices, produit(s) lors de la phase interprétative, mis en évidence dans le par-

cours interprétatif par transformation des impressions de sens en hypothèses de sens étayées puis

en effets de sens. Expression préférée à sens ou signification pour montrer l’implication du cher-

cheur qui les construit » (Houdebine, in Ablali et Ducard, 2009 : 187).

Ces effets de sens valent donc pour la mise au jour de la grammaire interne de l’objet de

recherche, grammaire interne largement dépassée quand vient le temps de l’interprétation, qui

intéresse de la même manière l’alimentation de ces normes dites objectives. Car les effets de sens

offrent des pistes pour comparer les fantasmes individués et les tendances représentationnelles

dans la presse, en l’occurrence.

Jean-Claude Soulages ouvre la voie de l’appréhension des images en tant que marqueur d’un

imaginaire, avec une analyse sémiologique d’un corpus publicitaire. Parlant des publicités de par-

fum, il considère qu’il s’agit d’une « rencontre abrupte avec des imaginaires figuratifs sédimentés

du genre (masculin vs féminin) qui met en évidence le rôle de baromètre social que joue l’image

publicitaire en véhiculant des connaissances et des croyances concourant à la consolidation

d’encyclopédies communes » (Soulages, 2002 : 108). Au travers de cette étude, Soulages montre

qu’il est possible de considérer l’image comme un marqueur d’imaginaires. Cependant, il ne

prend en compte que les normes objectives au travers de l’analyse systémique immanente. La

phase interprétative de la sémiologie des indices sert dans ce contexte à mettre au jour la norme

dite fictive, qui configure une sédimentation des genres. Pour parfaire ce travail sur l’imaginaire

Page 25: L'imaginaire en question

Les imaginaires en question �25

figuratif du genre, pour que cet imaginaire soit complet du point de vue houdebinien, faudrait-il

permettre à des sujets “voyant la publicité” de tenir un discours épisémiotique sur la question du

genre. En d’autres termes, les discours in vivo sont ici remplacés par un corpus publicitaire, les

discours épilinguistiques sont manquants, remplacés par la phase interprétative de la sémiologie

des indices.

Une nouvelle question se pose lors de la construction des corpus permettant d’appréhender

un imaginaire   : dans quelle mesure l’image peut-elle se définir comme un marqueur des

imaginaires en présence ? Nous savons que l’image est également considérée comme un discours.

Il semble cependant qu’elle ne puisse être utilisée que dans un contexte de discours in vivo,

permettant de rendre compte des normes objectives. Car comment reconnaitre en immanence

l’instance de production de l’image ? En effet, dans le contexte de l’imaginaire linguistique, il

semble primordial que les locuteurs prennent la parole sur leur langue afin de produire des

discours épilinguistiques, afin qu’ils se projettent dans leur langue. Nous devons donc définir le

groupe social auquel va appartenir l’imaginaire linguistique en question. Le statut de

l’immanence défendu en sémiologie des indices, autorisant certes l’analyse d’images, ne permet

pas cela.

Plusieurs possibilités s’offrent à l’analyste pour construire un corpus relatif aux discours

épilinguistiques. Tout d’abord, nous pouvons demander au groupe social en question de répondre

à un questionnaire par des images. Il s’agit de la constitution d’un “carnet de bord”, dans lequel

les sujets peuvent dessiner, faire des collages et utiliser des moyens d’expression visuels pour

rendre compte de leur point de vue concernant le changement climatique ou les économies

d’énergies par exemple. Les normes subjectives sont donc appréhendées sous la même forme que

les normes objectives : par des images.

Une seconde solution serait d’offrir la parole aux sujets, mais toujours en relation avec les

discours in vivo, afin que les deux types de corpus soient en concordance concernant l’analyse de

l’imaginaire. L’organisation de focus groupes dont les participants sont choisis en fonction des

médias analysés in vivo permet d’appréhender les normes objectives et les normes subjectives

selon un principe d’équité.

Fodor considère que l’extension de l’imaginaire linguistique à un imaginaire culturel autorise

également de compléter la démarche sémiologique proposée par Houdebine. Il montre que l’étu-

de d’un imaginaire culturel « se fonde sur un principe général selon lequel chaque pratique (lin-

guistique, sociale) se caractérise également par ses représentations qui influencent la pratique en

Page 26: L'imaginaire en question

Les imaginaires en question �26

question » (Fodor, 2008a : 152). L’imaginaire correspond ainsi à un phénomène en mouvement

perpétuel, réactualisé en permanence et principal moteur du changement, qu’il soit linguistique

ou social. La problématique posée dans le travail d’habilitation à diriger des recherches de Fodor

est la suivante : la possibilité d’étendre le modèle de l’imaginaire linguistique pour un faire un

modèle universel dans la compréhension des changements de significations. D’un point de vue

méthodologique, Fodor propose d’observer le fonctionnement d’un objet dans le social, ainsi que

« ses représentations à travers le repérage des discours tenus sur lui » (Fodor, 2008a : 152). Le

fonctionnement de l’objet équivaut, ainsi que nous l’avons proposé, à la description immanente

du système qui régit l’objet. Concernant les discours d’évaluation des variétés sémiotiques et des

usages sociaux actuels, en d’autres termes les discours épisémiotiques, Fodor propose de

procéder à des focus groupes, lors desquels chaque participant s’exprime et donne son opinion

concernant l’objet de recherche. Notons que son positionnement à propos du statut de l’énonciat-

eur équivaut à celui que nous défendons.

« Le statut de l’énonciateur est au contraire primordial : médias écrits ou électroniques, Inter-

net, leaders d’opinions, hommes politiques peuvent exercer des pressions sémiotiques décisives

dont l’influence doit être vérifiée à l’aide d’entretiens » (Fodor, 2008a : 155).

Suite à la proposition méthodologique de Ferenc Fodor concernant l’analyse d’un imaginaire

dit culturel en lien avec un objet social, nous considérons que l’imaginaire culturel du change-

ment climatique s’analyse au travers de trois types de corpus, qui accordent également, dans le

contexte de changement climatique de nature scientifique, de repérer la circulation du phénomène

dans les discours sociaux. Reconfigurant le modèle de l’imaginaire linguistique, Fodor revient sur

les normes objectives et subjectives, afin de réfléchir à la concordance entre corpus et norme sub-

jective. En effet, nous avons pu voir que les normes objectives correspondaient à l’analyse d’un

corpus dit in vivo. Dans notre contexte, nous opterons pour un corpus d’ordre médiatique de

“Unes” de presse, ainsi que nous l’avons explicité. Les normes subjectives, réduites au nombre de

deux, se composent des normes prescriptives et des normes fictives. Selon Fodor, les normes pre-

scriptives « sont là pour assurer une certaine permanence, un certain ordre, une certaine légitimité

à celles et ceux qui connaissent les règles » (Fodor, 2008a : 155). Sans les nommer ainsi, Fodor

désigne les discours d’experts, dans notre cas, les discours scientifiques. Les normes fictives

représenteraient davantage les discours énoncés par ceux que nous appelons des profanes : non

militants, non experts, non professionnels. Ces mêmes profanes devront cependant être en con-

cordance avec le lectorat de la presse que nous analysons.

Page 27: L'imaginaire en question

Les imaginaires en question �27

En joignant le concept de circulation au modèle de l’imaginaire culturel, nous pouvons ap-

préhender les instances de production des imaginaires : les experts scientifiques, les instances de

transmission de ces imaginaires : les médias, et les instances d’évaluation de ces discours : les

discours émanant des profanes. Dans notre contexte, parler de circulation et d’imaginaire culturel

équivaut à une redondance, même si cette différenciation est essentielle pour d’autres travaux.

Le changement climatique est un processus qui englobe de nombreux éléments tant tem-

porels que physiques. Ainsi que nous l'avons vu, un élément seul ne peut établir la véracité du

changement climatique. Il en va de même pour mettre en images le changement climatique. Une

seule image peut rendre compte d’un aspect du changement climatique, mais ne peut le montrer

dans sa globalité physique et scientifique, sauf au travers de schémas complexes difficilement

présentables en l’état au profane. Ainsi en est-il pour le prion explique Moirand (2007), qui ne 2

peut être montré au profane. Le problème supplémentaire réside en la définition même du

changement climatique. Il s'agit d'un processus sur le long terme. La seule façon de montrer un

processus est de décomposer les étapes de ce processus, à l'image d'un carré sémiotique qui per-

met de montrer en un espace la temporalité de la mise en narration. Le temps devient espace.

Concluons que « le temps de l’histoire, celui des événements, celui de l’imaginaire interfèrent et

se rejoignent dans la cristallisation d’un moment originel qui construit ses marques » (Battestini,

2002 : 74).

La sous-partie suivante donne à lire les travaux menés à propos de l’imaginaire du climat pris

en charge par un historien, Lucian Boia, puis à propos de l’imaginaire du changement climatique,

par Ferenc Fodor. Nous avons également ajouté à ces études sur les imaginaires des analyses lin-

guistiques à propos de la notion de changement climatique.

Agent pathogène de nature protéique à l’origine des encéphalopathies spongiformes transmissibles 2

telles que de la maladie de Creutzfeld Jacob, vache folle ou mouton tremblant.

Page 28: L'imaginaire en question

Les imaginaires en question �28

Bibliographie de cette sous-partie :

• ABLALI, D., DUCARD, D. (dir.) (2009) Vocabulaire des études sémiotiques et sémiologiques,

Paris : Honoré Champion, Besançon : Presses universitaires de Franche Comté, 312 p.

• BATTESTINI, A. (2002) Evénement ou hallucination ? La symbolisation d’un tournant his-

torique par les “Unes” du 12 septembre. Communication et langages, no. 133, p. 65-74.

• BAUDELOT, C., HOUDEBINE, AM. (1985a) L’imaginaire linguistique dans la communica-

tion mass- médiatique. Médias et enseignement, Actes du colloque AUPELF, 1985, Paris : Di-

dier Erudition, p. 58-64.

• BOIA, L. (2004) L’homme face au climat, Paris : Les belles lettres, 207 p.

• CHARAUDEAU, P. (2005) Les médias et l’information : L’impossible transparence du dis-

cours, Bruxelles : De Boeck, Paris : INA, 250 p.

• CHARAUDEAU, P. (2007) Les stéréotypes, c’est bien. Les imaginaires, c’est mieux, in BOY-

ER H. (dir.), Stéréotypage, stéréotypes : fonctionnements ordinaires et mises en scène, Paris :

L’Harmattan, p. 49-65.

• CHARAUDEAU, P. (2008) La médiatisation de la science : Clonage, OGM, manipulations

génétiques, Bruxelles : De Boeck, Paris : INA, 128 p.

• CHARAUDEAU, P., MAINGUENEAU, D. (2002) Dictionnaire d’Analyse du Discours, Paris :

Seuil, 661 p.

• CHARTIER, R. (1994) Pouvoirs et limites de la représentation : sur l’œuvre de Louis Marin,

Annales. Histoire, sciences sociales, vol. 49, no. 2, p. 407-418.

• COURTINE, JJ. (1981) Analyse du discours politique. Langages, no. 62, Paris : Larousse, p. 9-

128.

• DEBRAY, R. (2000) Introduction à la médiologie, Paris : PUF, 240 p.

• DUCARD, D., NORMAND, C. (dir.) (2006) Antoine Culioli : un homme dans le langage, Paris

: Ophrys, 383 p.

• FODOR, F. (2008a) De l’imaginaire linguistique à l’imaginaire culturel : Langues, cultures,

représentations, Habilitation à diriger des recherches, Amiens : Université de Picardie Jules

Vernes, 192 p.

• FODOR, F. (2008b) L’analyse des imaginaires culturels et de leur dynamique : questions

théoriques et méthodologiques. Sêméion : De l’imaginaire linguistique à l’imaginaire culturel,

no.7, Université Paris Descartes, p. 57-63.

Page 29: L'imaginaire en question

Les imaginaires en question �29

• FODOR, F., HOUDEBINE, AM. (2008) La “carte forcée” culturelle et l’évolution des interpré-

tations : l’exemple d’un dessin de presse. Sêméion, revue du Laboratoire Dynalang-sem, Uni-

versité Paris- Descartes, p. 58-62.

• GRIZE, JB. (1990) Logique et langage, Paris : Ophrys, 153 p.

• HALL, E.T. (1978) La dimension cachée, Paris : Seuil, 254 p.

• HOUDEBINE, AM. (1998) La féminisation des noms de métiers : en français et dans d’autres

langues, Paris : L’Harmattan, 196 p.

• HOUDEBINE, AM. (2003) De l’interprétant et du parcours interprétatif. Sémêion, no. 1, Uni-

versité Paris 5 Descartes, p. 97-103.

• HOUDEBINE, AM. (2009a) la sémiologie des indices et autres définitions, in ABLALI, D.,

DUCARD, D. (dir.) Vocabulaire des études sémiotiques et sémiologiques, Besançon : Presses

Universitaires de Franche-Comté, Paris : Honoré Champion, p. 121-126.

• JEANNERET, Y. (2008) Penser la trivialité. Volume 1 : la vie triviale des êtres culturels, Paris :

Hermès-Lavoisier, 267 p.

• LABOV, W. (1976) Sociolinguistique, Paris : Minuit, 458 p.

• LACAN, J. (1966) Ecrits, Paris : Seuil, 910 p.

• LAFONT, R. (1971) Un problème de culpabilité sociologique : la diglossie franco-occitane.

Langue française, no. 9, Paris : Larousse. P. 93-99.

• LANDOWSKI, E. (2011) De quoi l’imaginaire est-il le nom ? Lexia. Rivista di semiotica : im-

maginario, no. 7/8, LEONE, M. (éd.), Roma : Aracne, p. 63-90.

• LEVI-STRAUSS, C. (1985) [1958] Anthropologie structurale, Paris : Pocket, 480 p.

• LOVELOCK, J. (1986) La Terre est un être vivant : L’hypothèse Gaïa, Monaco : édition du

Rocher, 184 p.

• LOVELOCK, J. (1995) [1988] The ages of Gaïa : a biography of our living Earth, New York :

Oxford University Press, 267 p.

• MARIN, L. (1989) Opacité de la peinture, Paris : Chiron, 197 p.

• MARIN, L. (1998) Des pouvoirs de l’image : gloses, Paris : Seuil, 265 p.

• MOIRAND, S. (2007) Les discours de la presse quotidienne, Paris : PUF, 179 p.

• MOSCOVICI, S. (1976) La psychanalyse, son image et son public, Paris : PUF, 512 p.

• NOSSENKO-HERCBERG, Ekatarina, 2010, Les sites web des réseaux féminins profession-

nels. Analyses sémiologiques, linguistiques (lexicales, sémantique et discursive), communica-

tionnelles, Thèse de doctorat : sémiologie : Université Paris Descartes, 275 p.

Page 30: L'imaginaire en question

Les imaginaires en question �30

• REY, A. (1972) Usages, jugements et prescriptions linguistiques. Langue Française, no. 16,

Paris : Larousse, p. 4-28.

• SOULAGES, JC. (2002) Identités discursives et imaginaires figuratifs, in HOUDEBINE, AM.

(dir.) L’imaginaire linguistique, Paris : L’Harmattan, p. 103-108.

• VERÓN, E. (1981) Construire l’événement : les médias et l’accident de three miles island,

Paris : Minuit, 176 p.

• VERÓN, E. (1988) La Sémiosis sociale : fragments d'une théorie de la discursivité, Paris :

Presses Universitaires de Vincennes, 230 p.

• VIGNEAU, JP. (2006) Eclipse et retour du sociétal en climatologie. Journées de la climatolo-

gie, Climat et société : l’apport des géographes-climatologues, Nice, 23-25 mars, 10 p.