L’expression de la référentialité et de la subjectivité dans les constructions à personne zéro en finnois à travers un corpus oral Hind Bendaace Sous la direction de Outi Duvallon Master 1 Sciences du Langage Spécialité : finnois Institut national des Langues et Civilisations orientales (INaLCO) 2014-2015 Mini-mémoire soutenu le 19 juin 2015 à l’INaLCO devant Outi Duvallon, Eva Toulouze et Il- Il Yatziv-Malibert
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L'expression de la référentialité et de la subjectivité dans les constructions à personne zéro en finnois à travers un corpus oral.
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L’expression de la référentialité et de la
subjectivité dans les constructions à personne zéro en finnois à travers un
corpus oral
Hind Bendaace
Sous la direction de Outi Duvallon
Master 1
Sciences du Langage
Spécialité : finnois
Institut national des Langues et Civilisations orientales (INaLCO)
2014-2015
Mini-mémoire soutenu le 19 juin 2015 à l’INaLCO devant Outi Duvallon, Eva Toulouze et Il-
Il Yatziv-Malibert
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Sommaire
Introduction p. 5 1. Qu’est-ce que la personne zéro en finnois ? p. 9 1.1 La personne zéro générique p. 10 1.2 La personne zéro spécifique p. 11 1.2.1 La personne zéro spécifique renvoyant à l’interlocuteur p. 12 1.2.2 La personne zéro spécifique renvoyant au locuteur p. 13 1.3 Les formes complémentaires et concurrentielles à la personne zéro p. 15 1.3.1 Passiivi « le passif finnois » 1.3.1.1 Passif et personne zéro du finnois vs they et you génériques de l’anglais p. 18 1.3.2 Sä- ja-mä-passiivi, le ‘tu’- et le ‘je’-générique p. 20 2. L’analyse formelle des constructions à personne zéro p. 25 2.1 Le lien entre l’ordre des éléments et la référence de la personne zéro 2.1.1 Présence ou absence d’élément préverbal en début de construction p. 27 2.1.2 L’ordre des éléments et la position du thème et du rhème p. 31 2.1.3 La référence de la personne zéro et le type de construction verbale à personne zéro p. 37 2.1.4 La notion d’inference de Moltmann (2006) p. 42 2.2 L’élément verbal et la personne zéro dans certains types de constructions à personne zéro p. 49 2.2.1 L’interprétation de la référence de la personne zéro et la sémantique de l’élément verbal p. 50 2.2.2 Les constructions nécessives p. 52 2.2.3 Les constructions à expérient p. 53 2.2.4 Les constructions à valeur temporelle ou causative en ku(n) p. 54 2.2.5 Les constructions hypothétiques en jos 2.3 La personne zéro dans le système personnel en finnois p. 56 2.3.1 Le système personnel traditionnel en finnois écrit standard p. 57 2.3.2 La personne zéro et d’autres éléments dans le système personnel du finnois
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3. L’expression de la subjectivité dans les constructions à personne zéro p. 60 3.1 Positionnement du locuteur dans son énoncé et pluripersonnalité de la personne zéro 3.1.1 Locuteur et centre déictique implicite p. 61 3.1.2 La personne zéro, une pluripersonne présupposée et interprétation d’un sous-entendu (Ducrot, 1984) 3.2 Éléments formels de la subjectivité dans les constructions à personne zéro p. 63 3.2.1 Le pronom réfléchi itse « soi-même » 3.2.2 Les marqueurs discursifs et les déictiques spatio-temporels p. 64 3.2.2.1 Les déictiques spatio-temporels : un exemple avec tääl(lä) « là » p. 65 3.2.2.2 Les marqueurs discursifs : un exemple avec vaa(n) p. 68 3.2.2.3 La conjonction mut « mais » (Ducrot (1984)) : un élément subjectif ? p. 70 3.2.2.4 Les déictiques personnels : la première personne du singulier p. 72 3.3 Les constructions de la personne zéro dans l’enseignement du finnois-langue-seconde à travers une méthode de finnois-langue-seconde p. 74 3.3.1 Les occurrences de personnes zéros dans Hyvin menee ! Suomea aikuisille, Satu Heikkilä et Pirkko Majakangas, OTAVA, 2002 p. 75 3.3.2 La description des constructions à personne zéro dans la méthode Hyvin menee ! p. 76 3.3.3 L’apport de notre analyse pour l’enseignement du finnois-langue-seconde p. 78 3.3.3.1 La notion de délimitation p. 79 3.3.3.2 Le positionnement du locuteur par rapport à son énoncé Conclusion p. 81 Annexes p. 82
- Glose p. 83 - Présentation-résumé du corpus oral p. 84 - Présentation de la méthode Hyvin menee ! Suomea aikuisille, Satu Heikkilä p. 87
et Pirkko Majakangas, OTAVA, 2002 Bibliographie p. 88
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Introduction
Indoeurooppalaisiin kieliin verrattuna nollapersoona on erikoislaatuinen rakenne1 « Si
nous la comparons aux langues indo-européennes, la personne zéro est une construction
singulière. »
L’objet de notre premier travail de recherche est ce qui, dans la littérature scientifique, est
traité sous le nom de nollapersoona « la personne zéro » en finnois2. Avant l’appellation de
« personne zéro », Auli Hakulinen et Lauri Karttunen s’intéressent les premiers à ce type de
constructions qu’ils choisissent de désigner par le terme de missing person « la personne
manquante » ou « la personne absente »3.
Ces appellations de « personne manquante » ou « personne absente » et de « personne
zéro » suggèrent la description d’un phénomène linguistique par son absence motivée. Or il
nous paraît contestable de décrire un phénomène linguistique par son absence et de considérer
par ailleurs que cette absence est motivée et comporte une dimension psycho-sociale
révélatrice du caractère d’un peuple. En effet, selon les théories pragmatiques des années
1970, les finnophones natifs, en utilisant ces tournures apersonnelles4, révèleraient leur nature
introvertie, une nature souvent attribuée aux Finlandais.
Décrire par l’absence c’est décrire le phénomène à partir de l’analyse grammaticale
d’autres langues, en l’occurrence des langues indo-européennes. En effet, ce type de
constructions ne se retrouve pas dans les langues indo-européennes5, ce qui justifie, du point
de vue de la typologie contrastive, la singularité de ce phénomène dans les langues finno-
ougriennes et particulièrement en finnois, langue qui nous intéresse ici.
1 JOKELA Hanna, Nollapersoonalause suomessa ja virossa, tutkimus kirjoitetun kielen aineistosta (« La phrase à personne zéro en finnois et en estonien, étude sur un corpus écrit »), Université de Turku, Finlande, 2012 2 LAITINEN Lea, « Nollapersoona » (« La personne zéro »), Virittäjä, n°99, 1995 3 HAKULINEN Auli and KARTTUNEN Lauri, ‘Missing Persons : On Generic Sentences in Finnish’ (« Personnes manquantes : À propos des phrases génériques en finnois »), 1973 4 Ce que nous entendons par « tournures apersonelles » ce sont l’ensemble des constructions qui ne comportent pas d’indice personnel sous forme de constituant et ayant une référence explicite. 5 JOKELA Hanna, Nollapersoonalause suomessa ja virossa, tutkimus kirjoitetun kielen aineistosta (« La phrase à personne zéro en finnois et en estonien, étude sur un corpus écrit »), Université de Turku, Finlande, 2012
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Nous nous posons la question de savoir si la singularité de ce phénomène linguistique ne
pourrait pas être décrite autrement que par son absence ? Qu’est-ce qui fait que ce phénomène
est singulier ou du moins considéré comme tel par rapport aux langues indo-européennes?
L’absence de constituant est-elle vraiment la seule caractéristique de la singularité de ce
phénomène linguistique si nous l’observons au sein du système interne au finnois? Ceci
constitue dans notre travail un questionnement d’arrière-plan.
Pour traiter notre objet d’étude, nous nous appuyons sur un corpus oral transcrit à partir de
deux fichiers audio-visuels collectés par le département de langue finnoise de l’Université de
Helsinki qui sont d’une durée totale d’environ 146 minutes et qui datent l’un de 2004 et
l’autre de 20066. Nous serons aussi amenée à questionner des informateurs finnophones
natifs7, à fabriquer des exemples et à utiliser d’autres sources écrites8. Les sources sont notées
entre parenthèses à la fin de chaque exemple.
Le choix d’un corpus oral se justifie par l’intérêt que nous avons pour la langue parlée
suite à la découverte de ce domaine à travers un séminaire suivi à l’Université de Helsinki au
deuxième semestre de l’année universitaire 2013-20149 intitulé keskusteluanalyysi « analyse
conversationnelle ». La grammaire de l’oral étant devenue pour nous un outil d’approche pour
une description et une compréhension fidèle de la langue.
Notre approche théorique s’inspire de la théorie de l’énonciation d’Oswald Ducrot qui
considère l’énoncé comme étant l’objet observable par le linguiste, comme une manifestation
particulière et une occurrence hic et nunc de la phrase ; l’énoncé étant comme un fragment du
discours, qui s’oppose à la phrase, objet théorique, faisant partie du domaine non-observable
du linguiste, invention de la grammaire car permettant de rendre compte de l’énoncé10. Nous
choisissons comme objet d’analyse l’énoncé à personne zéro, tout en recourant à la phrase à
personne zéro et ayant conscience du caractère réducteur de la phrase par rapport à l’énoncé.
Néanmoins, il est mentionné dans Bakhtine (1977) que « les formes syntaxiques sont les
6 Ils sont nommés sg347 et sg355 et sont présentés dans les annexes. 7 Heta Hölttä, étudiante en master de sociologie à l’Université de Helsinki, est notre informatrice principale. Nous utilisons également les résultats de questionnaires réalisés sur le réseau social Facebook dans le groupe Pariisittaret « Les Parisiennes ». 8 Journaux, blogs sur internet et littérature. 9 Nous avons effectué une année d’échange ERASMUS INaLCO-Université de Helsinki. 10 DUCROT Oswald, Le Dire et le Dit, Chapitre VIII « Esquisse d’une théorie polyphonique de l’énonciation », Éditions de Minuit, 1984
7
formes de la langue qui se rapprochent le plus des traits concrets de l’énonciation, des actes
de parole »11.
Nous reprendrons de plus la notion d’inférence de Moltmann (2006)12 pour nuancer et
compléter celle de référentialité.
La théorie de la subjectivité de Ducrot (1984) sera appliquée pour commencer à cerner la
notion de subjectivité dans notre étude.
Nous avons en outre – dans la dernière sous-partie de notre recherche – tenu à observer la
singularité des constructions à personne zéro depuis l’angle de l’enseignement du finnois-
langue-seconde. En effet, les constructions à personne zéro sont des constructions produites
instinctivement par les locuteurs natifs du finnois alors que les apprenants du finnois
rencontrent des difficultés dans leur emploi13. Pourquoi les apprenants du finnois rencontrent-
ils ces difficultés ? Quelle pourrait être la nature de ces difficultés ? Et quel(s) serai(en)t la/les
techniques(s) linguistique(s) de description de ces constructions afin d’en faciliter
l’apprentissage et la production aux apprenants non-natifs du finnois ? Ces questionnements
ne sont pas à proprement parler le problème central de notre travail, mais ils seront cependant
abordés avec l’observation et l’analyse d’une méthode de finnois-langue-seconde 14 et
l’application de notre étude linguistique.
La problématique centrale de notre étude tournera autour de la question de la référentialité
et de la subjectivité dans les constructions à personne zéro en finnois. Nous souhaitons
dépasser la définition de la personne zéro comme absence motivée pour nous concentrer sur
d’autres moyens linguistiques de l’expression de la référentialité et de la subjectivité dans les
constructions à personne zéro.
11 BAKHTINE Mikhail, Le marxisme et la philosophie du langage : essai d’application de la méthode sociologique en linguistique, Les éditions de Minuit, 1977 12 MOLTMANN Friederike, « Generic one, arbitrary PRO, and the first person » in Natural Languages Semantics, n°14, pp.257-181, 2006 13 SEILONEN Marja, « Epäsuora Henkilöön Viittaaminen Oppijansuomessa (« La référence personnelle indirecte dans le finnois de l’apprenant ») », Virittäjä, n°117, 2013 14 Nous avons choisi la méthode : HEIKKILÄ Satu, MAJAKANGAS Pirkko, Hyvin menee ! Suomea aikuisille « Ça va bien ! Le finnois pour les adultes », OTAVA, 2002
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Pour cela, nous commencerons par décrire le phénomène linguistique de la personne zéro
en écho à d’autres constructions impersonnelles15 dans une première partie, pour ensuite dans
une deuxième partie analyser syntaxiquement et sémantiquement les constructions à personne
zéro afin de tenter de résoudre la question de la référentialité de la personne zéro, et enfin
dans une troisième et dernière partie, nous mettrons en relation la notion de subjectivité avec
l’emploi des constructions à personne zéro, pour comprendre comment la subjectivité du
locuteur est mise en fonctionnement dans ces constructions, et apporter par la suite une
réflexion sur son enseignement aux apprenants du finnois-langue-seconde. Cette dernière
partie nous tient à cœur car elle représente l’ébauche d’une application de la linguistique en
didactique des langues, pour nous qui avons été et qui continuons d’être une apprenante du
finnois.
15 Nous reprenons la définition large de MALCHUKOV Andrej et SIEWIERSKA Anna, Impersonal constructions: A cross-linguistic perspective (« Constructions impersonnelles : Une perspective linguistique comparatiste »), John Benjamins Publishing, 2011 : ‘Under the subject-centre view the constructions which are considered to be impersonal may be grouped into four broad types : (a) those with an argument subjective which is not fully referential, (b) those with a subject which does not display canonical subject properties, (c) those with a subject which is not a verbal argument but merely a place filler manifesting no semantic or referential properties, i.e. an expletive subject, and (d) those with no overt subject at all.’. (« Selon le point du vue du sujet, les constructions qui sont considérées comme étant impersonnelles peuvent être classées dans quatre types de groupe : (a) celles avec une argument-sujet qui n’est pas totalement référentiel, (b) celles avec une sujet qui ne présente pas les propriétés canoniques du sujet, (c) celles avec un sujet qui n’est pas un argument du verbe mais plutôt un élément de remplissage (un filler) ne manifestant pas de propriétés sémantiques ou référentielles, par exemple un sujet explétif, et (d) celles sans constituant-sujet. »). La personne zéro serait du type (c) et (d).
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1. Qu’est-ce que la personne zéro en finnois ?
Il s’agira dans cette première partie d’expliciter ce qui est communément en
linguistique finnoise désigné par le terme de « personne zéro » en finnois. Après une
explication très globale, seront exposées les différentes personnes zéros en fonction de leur
référence ainsi que quelques remarques d’ordres syntaxique et sémantique appuyées par des
exemples extraits de notre corpus oral.
Ce qui est appelé nollapersoona « personne zéro » en finnois, c’est l’absence de
constituant du premier argument (sujet ou objet grammatical16) du verbe fini dans une
construction verbale qui peut soit avoir une référence générique soit avoir une référence
spécifique17. Dans la construction à personne zéro, l’énonciateur met en scène un participant
humain qui est agent ou expérient18. L’élément verbal fini est à la même forme que celle d’un
verbe à la troisième personne du singulier, mais cependant, le pronom personnel de la
troisième personne du singulier – obligatoire dans le cas d’une référence à une troisième
personne19 – est absent. La glose « 3.SG » dans nos exemples signifie que le verbe fini prend
la même forme que celle d’un verbe à la troisième personne du singulier et non pas que le
verbe soit à la troisième personne du singulier et qu’il ait nécessairement une troisième
personne du singulier comme sujet-référent.
La description par l’absence – l’absence de constituant étant notée « ø » dans nos
exemples – est conservée car, dans les occurrences observées dans notre corpus, il est possible
de lexicaliser la personne zéro sous forme de constituant. Pour cela, il a été nécessaire de faire
confiance à l’instinct de notre informatrice et de passer par une étape d’interprétation du/des
référent/s potentiel/s de la personne zéro pour choisir à chaque fois la position de la personne
zéro dans la construction concernée.
Commençons par présenter et observer les caractéristiques principales de la construction à
personne zéro générique. 16 En finnois, selon le type du verbe fini, celui-ci aura pour argument premier soit un sujet soit un objet grammatical. 17 Définition du VISK §106 (La Grande Grammaire du finnois en ligne) 18 En finnois, l’expérient apparaît dans les constructions verbales à expérient : VISK §316 (La Grande Grammaire du finnois en ligne) : « les verbes à expérient sont des verbes décrivant des sentiments ou sensations qui apparaissent dans les types de phrase à expérient : leur argument premier est un objet humain » et il est souvent au partitif, au génitif ou à un autre cas oblique. 19 Voir 1.1.
10
1.1 La personne zéro générique, une personne ouverte et inclusive
« [on]20 pourrait aussi se débrouiller sans [le travail] »
L’exemple (1) est un exemple que nous pourrions qualifier de canonique de la
construction verbale à personne zéro générique en finnois. Il y a une absence de constituant-
sujet argument verbal marquée par « ø », il y a un élément préverbal souvent cadratif de
nature adverbiale (ilmankin litt.« sans aussi ») en position frontale dans la construction, suivi
d’un élément verbal fini qui est toujours à la même forme, celle de la troisième personne du
singulier (vois « peut »), et enfin les compléments du verbe fini (tulla toimeen « se
débrouiller »). La particularité de cette forme verbale similaire à celle de la troisième
personne du singulier est qu’elle s’emploie sans pronom personnel de la troisième personne
du singulier. Or dans le finnois standard, l’emploi du pronom personnel de la troisième
personne du singulier hän « il, elle » ou se « il, elle, ça, cela »21 est obligatoire avec son verbe
à la forme de la troisième personne du singulier. Illustrons cela par l’exemple (2) :
(2)
semmonen miäs joka sano että hän
genre homme qui dire-PRÉT.3.SG que il
oli perhee-nsä kanssa (sg355)
être-PRÉT.3.SG famille-sa avec
« le genre d’homme qui disait qu’il était avec sa famille »
Dans l’exemple (2), le pronom de la troisième personne du singulier hän « il » apparaît
dans une complétive. Alors qu’il pourrait être omis notamment à l’oral (semmonen miäs joka
sano että oli perheensä kanssa « le genre d’homme qui disait qu’[il] était avec sa famille), il
est conventionnellement, dans le finnois standard écrit, obligatoirement présent.
20 La traduction de la personne zéro en français est communément « on » selon HELASVUO et JOHANSSON (2008) 21 Dans le finnois écrit standard, hän renvoie traditionnellement à un être humain et se à un objet et les pronoms de la troisième personne s’emploient obligatoirement.
11
La référence de la personne zéro dans l’exemple (1) est générique puisque,
sémantiquement, la construction est équivalente aux traductions françaises : « n’importe qui/
tout un chacun/ tout le monde/ on peut aussi se débrouiller sans » ou encore « il est aussi
possible de se débrouiller sans ». La personne zéro, dans ce contexte, ne renvoie pas à une
personne spécifique du monde réel mais potentiellement à toute personne du réel qui est
concernée ou se sent concernée ou qui est visée par le locuteur22.
Cette construction à référence générique est produite par un locuteur responsable de son
énoncé. En produisant cette construction – même si la production linguistique-même par un
locuteur natif est bien souvent inconsciente23 – le locuteur se positionne dans l’interaction par
rapport à son interlocuteur et exprime sa subjectivité24. Il s’inclut également potentiellement
dans la référence générique puisqu’il fait partie du monde dont il parle et donc dont il fait ou a
fait l’expérience. Ce locuteur s’adresse à un interlocuteur : il peut donc aussi inclure son
interlocuteur dans la référence générique. La personne zéro peut avoir une référence
générique qui serait par conséquent ouverte et inclusive pouvant potentiellement inclure
locuteur, interlocuteur et tout autre être humain du monde réel se sentant concerné ou pointé
par le locuteur comme concerné. Ainsi, c’est le locuteur qui aurait la main mise sur le
périmètre référentiel de la personne zéro de par sa position-même de locuteur-énonciateur.
Présentons en 1.2 la construction à personne zéro à référence spécifique et montrons en
quoi elle pourrait se distinguer de la personne zéro générique ouverte et inclusive.
1.2 La personne zéro spécifique
La personne zéro peut dans certains contextes avoir une référence spécifique. La personne
zéro spécifique peut soit renvoyer au locuteur lui-même, au moi, soit à son interlocuteur, au
toi. Voici deux exemples (3) et (4) de constructions verbales à personne zéro renvoyant au toi
et au moi.
22 DUVALLON Outi, « Exprimer son identité par des moyens grammaticaux : la mise en scène du « moi » », Cahiers de la Nouvelle Europe. Langues et identités finlandaises, n° 9, pp. 67-87, 2009 23 BENVENISTE Émile, Problèmes de linguistique générale, Chapitre VI : Catégories de pensée et catégories de langue, Gallimard, 1966 24 Concernant la personne zéro et la subjectivité voir la partie 3.
12
1.2.1 La personne zéro spécifique renvoyant à l’interlocuteur, au toi
(3)
ei ø ois tarvinnu noita
NÉG-3.SG être-COND avoir_besoin-PARTPRACT ces
rusinoita jättää pohjalle (sg355)
raisins_secs laisser-INF fond-ALL.SG
« [ce] n’était pas la peine de laisser les raisins secs au fond »
En (3), le locuteur s’adresse à un interlocuteur qui apporte du glögi25 et qui a mis des
raisins secs au fond de la boisson. Bien que la construction verbale soit dépourvue de
constituant-sujet renvoyant explicitement à l’interlocuteur-référent, la situation d’énonciation
seule permet d’interpréter la référence de la personne zéro comme une référence au toi.
Si l’on compare (1) et (3), on peut noter que :
- le verbe fini est au conditionnel dans les deux cas ;
- les deux verbes finis en (1) et en (3) sont modaux. En (1), le verbe exprime la
potentialité et en (3) l’absence de nécessité (la négation26 de l’obligation) ;
- alors qu’en (1), il y a un élément préverbal adverbial, en (3), la construction est initiée
par la négation de la forme verbale ;
- alors qu’en (1), il n’est pas possible de commuter « ø » avec un pronom personnel
précis – la référence étant générique – en (3), « ø » peut commuter avec un pronom de
deuxième personne du singulier sinun27 « tu » ;
- et dernière différence, le verbe fini en (1) sélectionne un sujet au nominatif alors
qu’en (3) il sélectionne un sujet au génitif28.
Nous reviendrons sur ces similarités et différences en 2. Mais avant, traitons une
construction à personne zéro spécifique ayant comme référent le locuteur.
25 Vin chaud aux épices très bu durant la période de Noël en Finlande. 26 En finnois, la négation est considérée par VISK (La Grande Grammaire finnoise en ligne) comme un élément verbal auxiliaire qui connaît une congruence avec le sujet principal. 27 Forme génitive de sinä « tu ». 28 Le verbe modal de possibilité voida « pouvoir » sélectionne un sujet au nominatif alors que le verbe modal de nécessité ou d’obligation tarvita « avoir besoin de, nécessiter » sélectionne un sujet au génitif, ce qui est le cas des verbes dits ‘nécessifs’.
13
1.2.2 La personne zéro spécifique renvoyant au locuteur, au moi
cher savoir-PRÉS.2.SG_tu ce_genre paquet_de_cigarette étui
tieksää semmone vanhanaikainen ku
savoir-PRÉS.2.SG_tu ce_genre ancien car
äiti on
maman être-PRÉS.3.SG
ostanut sille joskus
acheter-PARTPASACT à_lui parfois
kolkytluvulla vanhaa hopeeta semmonen
trente_année-AD vieux-PART argent-PART ce_genre
(sg355)
« quand [on] pense [je pense] que papa avait ce genre super cher tu sais ce genre de paquet-
d’étui à cigarettes tu sais ce genre ancien car maman lui en a acheté dans les années trente un
comme ça vieux en argent »
En (4), le locuteur parle d’un étui précieux qui appartenait à son père dont il considère la
préciosité. Le locuteur s’adresse à son interlocuteur pour parler d’une expérience personnelle
qu’il met en partage avec ce dernier. La personne zéro apparaît dans une construction à valeur
temporelle en ku(n) « quand » où la personne zéro a pour référent le locuteur, le moi. Le
pronom personnel de la première personne du singulier mää « je »31 et l’indice de la première
personne -n dans la forme verbale sai-n « j’ai reçu » dans la construction précédant celle en
ku(n) ainsi que le contexte énonciatif font pencher pour l’interprétation d’une personne zéro à
référence spécifique renvoyant au locuteur.
29 ku est un allomorphe de kun 30 Le locuteur a réctifié savukera[sia] « paquet de cigarette » par [savuke]kotelo « étui à cigarettes ». 31 mää « je » est une variante de minä « je » qui est la forme standard en finnois écrit.
14
De plus, les marqueurs discursifs tietsä et tieksää « tu sais »32 ont un rôle discursif
d’appel à l’interlocuteur ou d’interpellation de celui-ci33. Ainsi, le locuteur invite son
interlocuteur à se reconnaître lui aussi dans son discours, considérant son expérience comme
généralisable. De ce fait, la construction temporelle à personne zéro ku(n) ø ottaa huomioo
että « quand [on] pense [je pense] que » a pour référent-sujet le locuteur, le moi, mais aussi
potentiellement l’interlocuteur, le toi, puisque celui-ci est invité à s’identifier à l’expérience
du locuteur par la reconnaissance de la préciosité de l’étui en question.
Comparons l’exemple (4) avec les exemples (1) et (3) :
- (4) est une construction à valeur temporelle qui est subordonnée à une proposition
principale non formalisée, alors que (1) et (3) sont des propositions principales ;
- (4) ne comporte pas de verbe modal comme en (1) et en (3) mais elle comporte un
verbe cognitif ottaa huomioo « remarquer, prendre en considération » ;
- le verbe fini en (4) est à l’indicatif contrairement aux verbes en (1) et (3) qui sont au
conditionnel ;
- alors qu’en (1) la construction à personne zéro comporte un élément préverbal de
adverbial, en (3) et (4) le verbe fini est initial, la conjonction n’étant pas considérée
comme un élément préverbal ;
- La commutation entre ku(n) ø ottaa huomioo, että « quand [on] pense que » avec ku(n)
minä otan huomioon34 « quand je pense que » est possible mais la première occurrence
apersonnelle est plus fréquente et plus idiomatique35 ;
- Comme en (1) le verbe de la construction à personne zéro en (4) sélectionne un sujet
au nominatif, alors qu’en (3) il sélectionne un sujet au génitif.
Après cette présentation de la construction à « personne zéro » en finnois accompagnée de
nos premières remarques, nous exposerons en 1.3 d’autres constructions impersonnelles qui
diffèrent des constructions à personne zéro et qui peuvent aussi exprimer la référence
générique ouverte ou spécifique, qui sont le passif finnois et le ‘tu’- et le ‘je’-générique.
32 tietsä et tieksää sont deux variantes de la version écrite standard tiedätkö sinä litt. « sais-tu ? ». 33 VISK §858 (La Grande Grammaire du finnois en ligne) 34 ottaa huomioon est la version écrite standard de ottaa huomioo 35 Selon l’intuition de notre informatrice finnophone Heta Hölttä.
15
1.3 Les formes complémentaires et concurrentielles à la personne zéro
Un des moyens en finnois pour exprimer une référence générique est le passiivi « le passif
finnois »36, le sä-passiivi et le mä-passiivi « le ‘tu’- et le ‘je’-générique ». Voyons en premier
lieu en quoi le passif finnois est une forme complémentaire à la personne zéro.
1.3.1 Passiivi « le passif finnois » : une forme complémentaire à la personne zéro en
finnois
Selon VISK (La Grande Grammaire du finnois en ligne) §110, le passif finnois
s’analyse de la façon suivante :
Radical verbal Marque du passif Marque du temps/du mode Marque de la personne
syö- « manger »
puhu- « parler »
kerro- « raconter »
tul- « venir »
-dä-
-ta-
-tt-
-ta-
-i-
-isi-
-än
-an
-in
-in
(5)
Mikko : laitetaaks se nyt tohon noin vai
mettre-PASS.PRÉS_INTER ça maintenant là-bas ainsi juste
Jaana : em mää tiä
NÉG-1.SG je savoir-PRÉS
Jaska : kyllä se voitas laittaa
PARTASSERT ça pouvoir-PASS.COND mettre-INF
Mikko : kyä se nii
PARTASSERT ça ainsi
Jaana : ei sitä ny
NÉG-3.SG ça maintenant
laiteta
mettre-PASS.PRÉS
Jaska : ei ny mutta
NÉG-3.SG maintenant mais
36 Pour désambiguïser la terminologie, Posio & Vilkuna (2013) choisissent le terme de impersonal passive « passif impersonnel » mais nous emploierons dans notre texte le terme « passif (finnois) ».
16
Mikko : ei ny ei ny mutta toi
NÉG-3.SG maintenant NÉG-3.SG maintenant mais ça
o
être-PRÉS.3.SG
Jaana : joskus se laitetaan mut siis näitte
parfois ça mettre-PASS.PRÉS mais donc ces-GÉN
päällä se oli kato (sg355)
sur ça être-PRÉT.3.SG regarder-IMP.2.SG
«
Mikko : est-ce qu’on le met là-bas juste comme ça
Jaana : je ne sais pas
Jaska : bien sûr on pourrait le mettre
Mikko : bien sûr comme ça
Jaana : on ne le met pas maintenant
Jaska : pas maintenant mais
Mikko : pas maintenant pas maintenant mais ça c’est
Jaana : on le mettra plus tard mais en fait c’était derrière eux regarde »
En (5), les passifs laitetaaks « est-ce qu’on met », voitas « on pourrait », ei laiteta « on ne
mettra pas » et laitetaan « on mettra » ont une référence collective37. Avec le passif, c’est le
procès qui est mis en avant et non l’agent du procès. Il n’y a pas d’agent spécifique du procès
sous forme de constituant mais il peut avoir un ancrage référentiel dans la situation
d’énonciation. Dans notre cas, la référence collective du passif fusionne avec la référence à la
première personne du pluriel.
Comparons par permutation l’emploi du passif avec l’emploi de la personne zéro à partir
d’exemples fabriqués sur le modèle de (5) :
37 En finnois standard oral, la forme verbale du passif est employée avec la première personne du pluriel : me laitetaan « on met, nous mettons » qui équivaut au finnois standard écrit me laitamme « nous mettons ». On peut remarquer ici l’association entre la forme passive impersonnelle et la référence collective.
17
(6) laittaisiko sen nyt tuohon noin vai
mettre-COND38.3.SG_INTER ça-GÉN maintenant là-bas ainsi juste
« est-ce qu’[on] le met là-bas maintenant juste comme ça »
(7)
kyllä sen voisi laittaa
PARTASSERT ça-GÉN pouvoir-COND.3.SG mettre-INF
« évidemment [on] pourrait le mettre »
(8)
ei sitä ny laittaisi
NÉG-3.SG ça-PART maintenant mettre-COND
« [on] ne le met pas maintenant »
(9)
joskus sen laittaisi
parfois ça-GÉN mettre-COND.3.SG
« [on] le mettra plus tard »
La commutation du passif avec la personne zéro a une conséquence double. Au niveau
grammatical, l’objet sen « ça », dans les constructions où le verbe fini est à la forme
affirmative, n’est pas au nominatif mais au génitif. La personne zéro-sujet – concevable par le
locuteur sous forme de constituant – prend la marque du nominatif et l’objet celle du génitif,
alors que, le verbe étant au passif, l’objet prend la marque du nominatif, le nominatif étant
‘libre’, tout constituant sujet-nominatif étant absent et inconcevable à réaliser par le locuteur.
Au niveau sémantique, il y a plusieurs interprétations. Premièrement, (6), (7), (8) et (9)
peuvent être des constructions elliptiques 39 dans lesquelles l’agent-sujet à la troisième
personne du singulier n’est pas mentionné car potentiellement mentionné auparavant.
38 Le passage du passif à la personne zéro a pour conséquence de faire permuter le verbe au présent avec un verbe au conditionnel. La traduction française des verbes au conditionnel n’est pas forcément un conditionnel français. 39 Dans LAITINEN Lea, « Zero person in Finnish », Grammar from the human perspective : case, space and person in Finnish, p. 277, 2006 : la présence ou l’absence de thème préverbal permet de distinguer personne zéro et zéro anaphorique ; présence pour la personne zéro, absence pour le zéro anaphorique.
18
Deuxièmement, dans un finnois un peu châtié ou vieilli, la référence personnelle du verbe
peut être une troisième personne du vouvoiement40.
Troisièmement, l’interprétation qui nous intéresse ici en contraste avec le passif est
l’interprétation d’une personne zéro à référence spécifique bien plus que générique. L’emploi
de la personne zéro en (6), (7), (8) et (9) circonscrit le procès en lui attribuant une référence
conditionnelle. La conditionnalité de la référence de la personne zéro est due au verbe fini qui
est à la forme de la troisième personne du singulier et qui contraint le référent de la personne
zéro à être sélectionné individuellement. La référence des personnes zéros dans les quatre
exemples fabriqués est spécifique en tant qu’elle renvoie à toute personne appartenant ou se
sentant appartenir au contexte de l’énoncé produit par le locuteur.
Les formes passives en (5) ont un référent sélectionné collectivement alors que les
personnes zéros sélectionnent leurs référents individuellement41. La complémentarité du
passif par rapport à la personne zéro réside donc dans les propriétés distributionnelles de la
référence : la forme passive sélectionne un référent collectif, la personne zéro un/des
référent/s individuel/s.
Par ailleurs, dans l’emploi canonique du passif en finnois, le référent est souvent agent
alors que dans celui de la personne zéro, le référent est souvent expérient42. En plus des
propriétés distributionnelles, les propriétés d’agentivité jouent un rôle déterminant dans les
choix d’emploi du passif et de la personne zéro.
Comparons maintenant le ‘they’-générique et le ‘you’-générique anglais à leurs
équivalents en finnois pour éclairer un peu plus la différence d’emploi entre le passif finnois
et la personne zéro en finnois.
40 Selon notre informatrice Heta Hölttä. 41 Selon LAITINEN Lea , « Zero person in Finnish », Grammar from the human perspective : case, space and person in Finnish (‘La personne zéro en finnois’, « Grammaire depuis la perspective humaine : cas, espace et personne en finnois »), p. 277, 2006 : ce qui différencie la personne zéro du passif est que le passif implique un agent collectif alors que la personne zéro sélectionne ses référents distributivement. 42 UUSITUPA Milla, Avoimet persoonaviitaukset rajakarjalaismurteissa (« Les références personnelles ouvertes dans les dialectes caréliens frontaliers », Mémoire à l’Université de Finlande de l’Est, Faculté de philosophie, 2011
19
1.3.1.1 Passif et personne zéro du finnois vs ‘they’- et ‘you’-générique de l’anglais
« In Finnish, the two constructions that come to mind as suitable equivalents for they and
you are the passive and the zero-person construction (nollapersoona) respectively »43 « En
finnois, les deux constructions qui viennent à l’esprit et qui sont des équivalents convenant à
they « ils » et you « tu, vous » sont respectivement le passif et la construction à personne zéro
(nollapersoona) ». Cette affirmation vient renforcer l’idée que le passif finnois renverrait à un
référent collectif et que la personne zéro renverrait à un référent potentiellement pluriel mais
sélectionné individuellement.
Avec l’emploi du passif en finnois le locuteur serait soit exclus soit inclus (cas où la
référence du passif fusionne avec la référence à la première personne du pluriel) dans la
référence à l’agent non-spécifique alors qu’avec l’emploi de la personne zéro le locuteur
serait potentiellement inclus dans la référence à l’agent ou à l’expérient.
En finnois, en plus du passif, il existe aussi une forme verbale impersonnelle exclusive qui
a la marque de la troisième personne du pluriel44. Ainsi, passif et troisième personne du
pluriel en finnois se partageraient l’emploi inclusif et l’emploi exclusif : le passif serait
l’impersonnel à tendance plutôt inclusive et la troisième personne du pluriel l’impersonnel
exclusif45.
43 Conférence Grammar and Context IV: New Approaches to the Uralic Languages, KAISER Elsi, University of Southern California « Impersonal and generic reference: A cross-linguistic look at Finnish and English narratives » (« réfence impersonnelle et générique : un regard linguistique entrecroisé de narrations en finnois et en anglais »), 6-8 Juin 2013, Tartu, Estonie 44 « By the term ‘exclusive impersonals’ we refer to such uses of human impersonals where the speaker is not included in the referential range of the construction. This case with third person plural (henceforth 3PL) impersonals which are considered to be speaker-exclusive in the languages where they are found (Siewierska 2004) » (« Par le terme ‘impersonnels exclusifs’, nous référons aux emplois impersonnels humains où le locuteur n’est pas inclus dans le champ référentiel de la construction. C’est le cas avec les impersonnels de la troisième personne du pluriel (ici notés 3PL) qui sont considérés comme excluant le locuteur dans les langues où ils se trouvent») dans POSIO Pekka and VILKUNA Maria, « Referential dimensions of human impersonals in dialectal European Portugueses and Finnish » in Linguistics, 51 (1), pp. 177-229, 2013 45 « In our Finnish data, particularly in eastern dialects, 3PL and imp-passive [impersonal passive] alternate in a manner supporting the hypothesis of the inclusive/exclusive difference as the main basis for their division of labor » (« Dans nos données en finnois, surtout dans les dialectes orientaux, 3PL et le passif impersonnel s’alternent de façon à soutenir l’hypothèse de la différence inclusif/exclusif en tant que base principale de leur division du travail ») dans POSIO Pekka and VILKUNA Maria, « Referential dimensions of human impersonals in dialectal European Portugueses and Finnish » in Linguistics, 51 (1), pp. 177-229, 2013
20
Pour la personne zéro finnoise, nous signalons qu’il existe un autre équivalent anglais que
you : one46.
Équivalent
anglais
Inclusion ou exclusion du locuteur dans
la référence
Personne zéro one47 « on »
you « tu, vous »
Inclusion potentielle
Passif finnois they « ils »
we « nous »
Exclusion
Inclusion
Troisième personne du
pluriel
they « ils »
Exclusion Tableau 1 Équivalence en anglais et inclusion ou exclusion du locuteur dans la référence de la personne zéro, du passif et de la troisième personne du pluriel en finnois.
Prenons à présent des exemples d’autres types de constructions plus concurrentielles
que complémentaires à la personne zéro : le ‘tu’- et le ‘je’-générique.
46 LAITINEN Lea, « Zero person in Finnish. A grammatical resource for construing human evidence », Marja-Liisa Helasvuo & Lyle Campbell (éds.), Grammar from the Human Perspective. Case, space and person in Finnish, pp. 209-232, 2006 47 « The meaning of the generic pronoun one according to Quirk et al. (1985, 386) is ‘people in general’. This use of one is described as formal or old-fashioned (CIDE on (any person)) and is often replaced with the second person singular pronoun you. According to Wales (1996, 80), this generic pronoun one can also function as a variant of the personal pronoun I : (11) One’s bank manager feels one is unstable and unreliable. (Wales 1996, 82) However, Huddleston and Pullun (2002, 427) point out that one is used in this way mainly in upper-class British English and it is seen as « pretentious ». » (« La signification du pronom générique one selon Quirck et al. (1985, 386) est ‘les gens en général’. Cet emploi de one est décrit comme étant formel et dépassé et est souvent remplacé par le pronom de deuxième personne du singulier you « tu, vous ». Selon Wales (1996, 80), ce pronom générique one peut aussi fonctionner comme une variante du pronom personnel I « je » (11) One’s bank manager feels one is unstable and unreliable. (Wales 1996, 82) « [Mon] manager à la banque sent que [je] ne [suis] pas stable et fiable » Cependant, Huddleston et Pullum (2002, 427) montrent que one est employé de cette manière surtout dans l’anglais britannique de la classe moyenne supérieure et qu’elle est considérée comme « prétentieuse ». ») (TEISALA Sini, The English Word One and its Finnish Equivalents – A Contrastive Study (« Le mot anglais one et ses équivalents en finnois – Une étude contrastive »), Mémoire à l’Université de Tampere, Faculté de philologie anglaise, Unité de langue, de traduction et des sciences de la littérature, Avril 2015
21
1.3.2 sä- ja mä-passiivi « le ‘tu’- et ‘je’-générique », formes complémentaires et
concurrentielles de la personne zéro
« The generalizing 2SG [sä-passiivi « le ‘tu’-générique »] and the impersonal 3SG [the
zero person] share the capacity of including the speaker and/or the hearer in their referential
range. » 48 « La deuxième personne du singulier générique [sä-passiivi « le ‘tu’-générique] et
la troisième personne du singulier impersonnelle [la personne zéro] partagent la capacité
d’inclure le locuteur et/ou l’interlocuteur dans leur champ référentiel. »
(10)
Jaana : ni se että ku sä tyhjennät postilaatikon
alors ça que quand tu vider-PRÉS.2.SG boite_aux_lettres
ja sitte ku ø purkaa Hesari
et après que ouvrir-PRÉ.3.SG HS-(GÉN)49
ni eikä sitä Hesarii
alors NÉG-3.SG_et ça.PART HS-PART
oo ku yksi semmonen
être-PRÉS quand un ce_genre
pieni lättänä ja kaikki muu
petit plat et tout autre
on sitte iha
être-PRÉS.3.SG ensuite tout_à_fait
sitä roskapostii (sg437)
ce-PART poubelle _courrier-PART
Tuula : joo
ouais
« Jaana : le fait que quand tu vides la [ta] boîte aux lettres et que, le HS50 ouvert, dans ce HS il
n’y a qu’une petite feuille aplatie et tout le reste c’est juste du courrier-poubelle
Tuula : ouais »
48 POSIO Pekka and VILKUNA Maria, « Referential dimensions of human impersonals in dialectal European Portugueses and Finnish » in Linguistics, 51 (1), pp. 177-229, 2013 49 Il y a une continuité prosodique entre « purkaa » et « Hesari ». « Hesari » est donc l’objet. À l’oral, le –n, marque du génitif, n’est pas prononcé. 50 HS : Helsingin Sanomat, journal quotidien de Helsinki. Hesari en est un diminutif.
22
Dans l’exemple (10), l’emploi de la construction avec un ‘tu’-générique ku(n) sä tyhjennät
postilaatikon « quand tu vides la [ta] boîte aux lettres » a pour cotexte la construction à
personne zéro à valeur temporelle ku(n) ø purkaa Hesarin « quand [on] ouvre le HS ». Les
deux constructions ont une référence générique qui a un lien fort avec l’expérience du
locuteur. En effet, le fait de vider sa boîte aux lettres remplie de courrier-poubelle et de n’y
trouver que le HS qui soit intéressant est une expérience rapportée et partagée par le locuteur
et qu’il suppose déjà vécue ou vivable entre autres par son interlocuteur.
Alors que dans la construction avec le ‘tu’-générique, sä « tu » est une forme sujet-agent,
la construction à personne zéro construit l’image d’un journal qui s’ouvre seul, ce qui met la
personne zéro en position d’expérient qui subit le procès d’ouverture du journal.
Ici, le ‘tu’-générique et la personne zéro permettent au locuteur de partager une expérience
commune avec son interlocuteur tout en offrant une conceptualisation différente de la réalité
des procès. Le ‘tu’-générique est agent du procès alors que la personne zéro est expérient du
procès. Le ‘tu’-générique favoriserait l’emploi agentif alors que la personne zéro accepterait
bien mieux l’emploi expérientiel.
L’agentivité du ‘tu’-générique et de la personne zéro conforte également l’interprétation
attributive. Le ‘tu’-générique a une référence attributive – du fait du constituant-sujet qui
prend la forme du pronom de la deuxième personne du singulier sä « tu » et qui est marqué
par la terminaison verbale –t, marque de la deuxième personne du singulier, ce qui fait qu’il y
a ambiguïté et que l’interlocuteur peut se sentir pointé par le locuteur et risque de s’identifier
au ‘tu’-générique. La personne zéro quant à elle a une référence non-attributive – l’absence de
constituant laissant l’identification par l’interlocuteur à un référent ouverte51.
L’emploi du ‘tu’-générique gênerait certains locuteurs du finnois qui considèrent que
l’expression de la référence générique canonique propre au finnois est la personne zéro et que
le ‘tu’-générique est le résultat de l’influence du ‘you’-générique de l’anglais et du suédois52.
Cependant, il a été attesté que le sä-générique est depuis longtemps employé dans les
51 DONNELLAN Keith, « Reference and Definite Descriptions », The philosophical review, 1966, pp. 281–304 Dans un sondage sur internet, une internaute finnophone qualifie le sä-passiivi « le ‘tu’ générique » de personaalisempi « plus personnel ». 52 Dans le forum internet http://keskustelu.suomi24.fi/t/11863320 un internaute finnophone écrit : Jos vielä kuulen yhdenkin sä-passiivin, niin muutan maasta! « si j’entends encore une fois un passif en « tu »,je quitte le pays ! ». D’après un sondage réalisé sur le groupe Facebook Pariisittaret « les Parisiennes », la majorité des volontaires ayant répondu utilisent parfois le ‘tu’-générique bien que ça les énerve. Il est aussi intéressant de noter que certains remarquent l’importance de l’influence des langues étrangères qu’ils utilisent sur leur finnois notamment sur l’expression de la généricité.
23
dialectes finnois du sud-est de la Finlande53, mais aussi dans les dialectes de l’ouest. En plus
de l’influence des constructions anglaises et suédoises, il semble que le russe emploie
également le ‘tu’-générique, ce qui a pu avoir une influence sur le finnois, notamment par sa
diffusion d’abord dans les dialectes de l’est54.
Par ailleurs, outre la référence générique, la référence au locuteur et ouverte à
l’interlocuteur, le ‘tu’-générique pourrait aussi renvoyer à me « nous » dans le finnois
d’Ingrie55, ce qui est une manière d’inclure également le locuteur dans les référents.
En ce qui concerne le mä-passiivi « le ‘je’-générique », selon Helasvuo (2008)56, l’emploi
de la première personne du singulier à référence générique est une manifestation linguistique
du fait que le locuteur s’inclut dans la référence. Le locuteur se base sur sa propre expérience
mais il offre la possibilité à l’interlocuteur de s’identifier à la situation rapportée par le
locuteur57.
53 LAITINEN Lea, « Nollapersoona » (« La personne zéro »), Virittäjä, n°99, 1995 54 LEINONEN Marja (1983) 55 SURAKKA Anne, Yleistävän yksikön 2. persoonan käyttö inkerinsuomessa (« L’emploi de la deuxième personne du singulier généralisante en finnois d’Ingrie »), Université de Finlande l’Est, Faculté de philosophie, 2011 56 HELASVUO Marja-Liisa, « Minä ja muut. Puhujaviitteisyys ja kontekstuaalinen tulkinta. », Virittäjä, vol. 2, p. 186-206, 2008 57 UUSITUPA Milla, Avoimet persoonaviitaukset rajakarjalaismurteissa (« Les références personnelles ouvertes dans les dialectes caréliens frontaliers », Mémoire à l’Université de Finlande de l’Est, Faculté de philosophie, 2011
24
Emploi à tendance
agentive ou
expérientielle
Sélection de la
référence
Inclusion ou
exclusion du
locuteur dans la
référence
Personne zéro Expérientielle Individuelle non-
attributive
Inclusion
potentielle
Passif Agentive Collective attributive
Collective non-
attributive
Inclusion
Exclusion
Troisième personne
du pluriel
Agentive Collective attributive
ou non-attributive
Exclusion
‘tu’-générique
‘je’-générique
Agentive Individuelle attributive Inclusion
Tableau 2 Récapitulatif de la complémentarité de l'emploi de la personne zéro, du passif, de la troisième personne du pluriel et du ‘tu’- et du ‘je’- génériques en finnois
Une présentation générale ainsi établie et quelques remarques syntaxiques et sémantiques
déjà esquissées, ce qui suit consistera en l’analyse approfondie de la syntaxe, de l’ordre des
éléments ainsi que de la sémantique dans les constructions à personne zéro, pour pouvoir
comprendre par des moyens formels la distinction entre les constructions à personne zéro à
référence générique et spécifique.
25
2. L’analyse formelle des constructions à personne zéro
Nous nous intéresserons d’abord à l’ordre des éléments dans les constructions à personne
zéro en nous appuyant sur des exemples de notre corpus, puis nous nous attacherons à
observer l’élément verbal et sa relation syntaxique avec la personne zéro, le tout toujours dans
l’idée de trouver ce qui détermine l’interprétation de la référence de la personne zéro.
2.1 Le lien entre l’ordre des éléments dans la construction à personne zéro et la
référence de la personne zéro
Laitinen (2006)58 montre que la position du thème préverbal permet de distinguer
personne zéro et zéro anaphorique. Alors que dans la construction verbale à personne zéro il y
aurait un élément préverbal, le verbe fini d’un zéro anaphorique quant à lui ne serait précédé
d’aucun élément, comme l’illustrent l’exemple (11) pour le zéro anaphorique et l’exemple
(12) pour la personne zéro.
(11) zéro anaphorique
onko se käyny viis vuatta peräkkäi
être-PRÉS.3.SG_INTER il aller-PARTPASACT cinq ans d'affilé
siä joka kesä siä Korgossa et59 ø60
là-bas chaque été là-bas Korko-IN.SG CONJ
tykkää nii siittä (sg 355)
aimer-PRÉS.3.SG tellement ça-ÉLA
« il y est allé cinq ans d’affilée là-bas chaque été là-bas à Korko, tellement [il] aime ça »
58 LAITINEN Lea, « Zero person in Finnish », Grammar from the human perspective : case, space and person in Finnish, p. 277, 2006 59 et étant une conjonction, l’élément verbal tykkää est considéré comme étant en position initiale dans la proposition. 60 Il s’agit du zéro anaphorique qui renvoie au sujet de la proposition précédente se « il ».
26
(12) personne zéro
se voi olla ihan sitä mut
ça-NOM pouvoir-PRÉS.3.SG être-INF tout_à_fait ça-PART mais
silti61 ø62 luulis ny että kyllä nää tänne
tout_de_même croire-COND.3.SG maintenant que PARTASSERT ces ici
saa jäädä nää tavarat (sg 355)
pouvoir-PRÉS.3.SG rester-INF ces affaire-NOM.PL
« ça peut tout-à-fait rester là mais quand même [on] croirait maintenant qu’elles peuvent bien
sûr rester ici ces affaires »
Cependant, nous avons dans notre corpus des constructions à personne zéro dans
lesquelles le verbe est en position initiale, sans élément qui le précède. Dès lors, nous pouvons
nous poser la question de savoir si parmi les constructions à personne zéro, la présence ou
l’absence d’un élément préverbal serait une donnée orientant vers l’interprétation générique
ou spécifique de la personne zéro.
Selon nos exemples (1), (3) et (10), il y aurait une corrélation entre l’ordre des éléments
dans les constructions à personne zéro et l’interprétation générique ou spécifique de la
référence de la personne zéro. La personne zéro dans les constructions qui commencent par
l’élément verbal aurait une référence spécifique alors que la personne zéro des constructions
commençant par un élément préverbal serait générique. Vérifions l’hypothèse en prenant des
exemples supplémentaires.
61 Cet élément préverbal est un adverbe de phrase qui met en relation deux propositions. Son statut d’élément préverbal peut être discuté : ici, nous le considérons comme tel. 62 Notons que l’élément-sujet se renvoyant à un objet de la première proposition n’est pas le même que l’élément-sujet « ø » personne zéro renvoyant à un être humain de la deuxième proposition.
27
2.1.1 La présence ou l’absence d’élément préverbal et l’interprétation de la référence de
Mikko : [on] ne peut [tu ne peux] absolument pas partir fumer-là
Jaana : maintenant [on] ne peut pas [tu ne peux pas] partir parce que l’enregistrement est en
cours
Mikko : oui
Jaska : oui je vais pouvoir y aller maintenant
Jaana : non tu ne peux pas maintenant
Jaska : chez moi
Jaana : oui [il] va falloir [tu vas devoir] attendre encore vingt minutes
Jaska : je n’en peux plus
(…)
Mirja : va fumer alors »
En (13), il y a trois constructions à personne zéro contenant un élément préverbal :
1) ei tästä ø voi lähteä mihinkää tupakalle
« [on] ne peut absolument pas aller fumer-là» [« tu ne peux absolument pas aller
fumer-là »]
2) nyt ø ei voi lähtee ku ny on nauhotus menossa
« [on] ne peut pas partir maintenant pendant l’enregistrement » [« maintenant aucun
d’entre nous ne peut partir alors que l’enregistrement est en cours »]
3) kyllä ø saa kakskytä minuuttia « [il] va bien falloir [tout le monde doit] attendre
encore vingt minutes »
L’interprétation de la référence de la personne zéro est ici dans le cas 1) spécifique et
renvoie à un toi, à Jaska qui affirme son envie de fumer, ce à quoi Jaana et Mikko réagissent
en lui rappelant dans les constructions génériques 2) et 3) qu’on ne peut pas quitter les lieux
durant l’enregistrement, c’est-à-dire implicitement que personne d’entre les participants à
l’enregistrement – y compris Jaska et d’autant plus lui puisqu’il est celui qui réclame de
quitter les lieux – ne peut quitter les lieux. En 2) et 3) il s’agit donc plutôt d’une construction
29
à personne zéro à référence générique délimitée par le locuteur dans un certain contexte
énonciatif.
Même si les constructions 2) et 3) sont plutôt favorables à notre hypothèse, la construction
1) l’infirme : l’élément préverbal ne peut pas définir par lui seul la spécificité ou la généricité
de la référence de la personne zéro.
(14)
saaks tääl veitse ja haarukaki viel (sg437)
pouvoir_avoir-PRÉS.3.SG_INTER ici couteau et fourchette encore
« est-ce qu’ici [on] peut avoir un couteau et une fourchette encore ? »
En (14), il s’agit d’une construction interrogative : le locuteur souhaite avoir une
fourchette où plus précisément il demande s’il est possible d’avoir une fourchette dans le lieu
où il se trouve. En finnois, dans les constructions interrogatives dans lesquelles la question
posée est une question fermée, l’élément interrogé est toujours en première position dans la
construction et il est celui qui porte la particule interrogative suffixiale –kO63 en finnois écrit
standard, -ks à l’oral. Le cadratif et déictique spatial tääl(lä) « ici » est systématiquement
postverbal si la question porte sur le procès exprimé par le verbe. Mettons la construction
interrogative (14) à l’affirmatif en (15) :
(15)
tääl64 ø saa veitse ja haarukakin viel65
ici pouvoir_avoir-PRÉS.3.SG couteau-GÉN et fourchette-GÈN_aussi encore
« ici [on] peut avoir un couteau et une fourchette »
En (15), on construit une image du lieu où il est possible d’avoir des couverts
supplémentaires. Tääl(lä) comme tästä en (13) est un déictique dépendant du centre déictique
qu’est le locuteur mais c’est aussi un cadratif spatial qui comprend plus facilement les autres
63 -ko ou –kö selon les règles de l’harmonie vocalique en finnois. Les mots en finnois sont vocaliquement homogènes : soit il ne comportent que des voyelles d’avant (y, ä, ö) soit il ne comportent que des voyelles d’arrière (a, o, u). Voyelles d’avant et d’arrière se combinent toutes avec les voyelles neutres e et i. 64 tääl un allomorphe de täällä. 65 Selon notre informatrice Heta Hölttä, en mettant les éléments dans l’ordre suivant : tääl saa viel veitse ja haarukanki « c’est possible d’avoir encore un couteau et une fourchette », la phrase sonne mieux.
30
personnes présentes : c’est le lieu du locuteur mais aussi des interlocuteurs et des autres
personnes présentes sur ce lieu.
L’interprétation de la référence de la personne zéro est générique mais délimitée, toute
personne présente dans la situation d’énonciation étant incluse dans la référence. Il y a donc
ici cet élément préverbal déictique et cadratif spatial tääl(lä) mais il y aussi et surtout l’image
que cet élément préverbal construit qui permet de déterminer la spécificité ou la généricité de
la personne zéro.
Nous pouvons rapprocher la construction 1) de l’exemple (13) à la construction de
l’exemple (14) puisque en (13) 1) comme en (14), l’élément focalisé ou rhématisé – la
négation ei pour la (13) 1) et l’élément interrogé saa qui est le verbe fini pour la (14) – est en
position frontale étant un élément de (contre-)réaction (l’un de prohibition, l’autre de
questionnement) dans l’interaction. Nous examinerons le cas de la rhématisation plus
spécifiquement dans la sous-partie suivante 2.1.2.
(16)
samalla ø saa kahvin se
en_même_temps recevoir-PRÉS.3.SG café ça
piristää hyvin (sg437)
donner_de_l’énergie_INF bien
« en même temps [on] reçoit du café, ça donne beaucoup d’énergie »
(17)
et kaikessa vaan ei ø aina
que dans_tout seulement NÉG-3.SG toujours
onnistu (sg437)
réussir-PRÉS
« c’est juste qu’[on] ne réussit pas toujours partout »
Dans les exemples (16) et (17), la personne zéro a une référence générique délimitée et
on retrouve les éléments préverbaux temporel pour (16) samalla « en même temps », et
spatial pour (17) kaikessa « dans tout ». En (17), en plus du cadratif spatial et de l’adverbe
aina « toujours » - qui feraient pencher pour l’interprétation générique de par leur sémantisme
-, il y a le marqueur discursif vaa(n) « seulement/juste » qui nuance la généricité de la
31
personne zéro par l’apport subjectif du locuteur sur son propre énoncé66. De même qu’en (13)
et (14), un élément est éjecté en position rhématique par un autre : la négation ei est
rhématisée du fait de la position de l’adverbe aina « toujours » qui s’intercale entre la
négation ei et le verbe onnistu « réussit ».
(18)
mää sain tän se on siis
je recevoir-PRÉS.1.SG ce-GÉN ceci être-PRÉS.3.SG donc
mun äidin isoisän tekemä
mon mère-GÉN grand-père-GÉN faire-PARTAG
ø täytyis vaa67 putsata (sg355)
falloir-COND.3.SG seulement nettoyer-INF
« j’ai reçu ça c’est donc le grand-père de ma mère qui l’a fait, [il] faudrait juste [le]
dépoussiérer [je devrais le dépoussiérer] »
En (18), le locuteur parle d’un coffre qu’il a reçu de son père mais dont il est
maintenant le propriétaire et qui a besoin d’être nettoyé. La référence de la personne zéro est
spécifique et renvoie au locuteur lui-même, donc au « je », le locuteur, étant le seul
propriétaire du coffre à dépoussiérer et le seul qui ait le devoir de le dépoussiérer. Cette
construction à personne zéro spécifique ne comporte pas d’élément préverbal et contient
comme en (17) le marqueur discursif de subjectivité vaa(n) qui est postposé au verbe fini.
66Voir 3.2.1.2 concernant vaa(n). 67 vaa est un allomorphe de vaan, le n n’étant pas prononcé à l’oral.
32
(19)
sää löit ovenki oikee ku68 sää
tu frapper-PRÉT.2.SG porte-GÉN.SG_aussi vraiment quand tu
lähit ku ku ø
partir-PRÉT.2.SG car car
ei voinu uskoo ollenka ku
NÉG-3.SG pouvoir-PARTPASACT croire-INF du_tout car
ø ei voi mitää uskoo (sg355)
NÉG-3.SG pouvoir-PRÉS rien croire-INF
« tu as bien claqué la porte aussi quand tu es partie parce que parce qu’[on] ne voulait pas le
croire [tu ne voulais pas le croire] du tout parce qu’[on] ne voulait rien croire [tu ne voulais
rien croire] »
Dans l’exemple (19), le locuteur décrit la réaction d’une interlocutrice fâchée contre
lui. Le locuteur désigne d’abord l’interlocutrice de façon explicite par des formes à la
deuxième personne du singulier pour décrire sa réaction, puis le locuteur emploie des
personnes zéros dans une subordonnée causative pour expliquer la réaction de l’interlocutrice.
Dans les constructions à personne zéro, le verbe fini est un verbe modal de possibilité à la
forme négative de la troisième personne du singulier et sans constituant pronom-sujet.
Le passage des formes de la deuxième personne du singulier à celles de la personne
zéro oriente vers une interprétation de la référence de la personne zéro spécifique renvoyant à
l’interlocuteur, au « tu ». Sachant que l’élément ku(n) « car » est conjonctif, l’élément verbal
est bien en position initiale dans les deux constructions à personne zéro. Ici, il n’y a pas
d’élément préverbal, l’énoncé est déjà ancré dans une situation d’énonciation connue par le
locuteur et l’interlocuteur, ce qui rend l’interprétation de la référence spécifique de la
personne zéro unanime.
Notre hypothèse sur l’ordre des éléments des constructions ne semble pas applicable
en tant que critère unique de l’interprétation de la référence générique ou spécifique.
Approfondissons le problème par l’observation de la relation entre l’ordre des éléments et la
position des éléments thématiques et rhématiques, toujours dans l’optique d’optimiser
l’interprétation de la référence de la personne zéro.
68 ku est un allomorphe de kun.
33
2.1.2 L’ordre des éléments, la position du thème et du rhème et la référence de la
personne zéro
L’ordre canonique considéré comme neutre en finnois est : sujet thématique-verbe
fini-éléments rhématiques69. Si le sujet est précédé d’un élément alors le sujet est le thème et
l’élément antéposé au sujet le rhème70 comme nous pouvons le voir dans les exemples (20)
et (21).
(20) ordre canonique
mää olen nii vaikee (sg355)
je être-PRÉS.1.SG si difficile
SUJET THÉMATIQUE VERBE FINI ÉLÉMENTS RHÉMATIQUES
« je suis si difficile »
(21) rhématisation de l’élément antéposé au sujet
et sää tule tänne näi (sg355)
NÉG-2.SG tu venir-PRÉS ici ainsi
ÉLÉMENT RHÉM. SUJET THÉM. VERBE ÉLÉM. THÉM.
« tu ne viens pas ici comme ça [ne viens pas ici comme ça !] »
Dans l’exemple (20), le sujet thématique mää « je » n’est précédé d’aucun élément et les
éléments rhématiques sont donc en fin d’énoncé. En revanche, en (21), le sujet thématique
sää « tu » est précédé de la négation et « tu ne…pas » qui est éjecté devant le sujet en position
rhématique. L’énoncé est une contre-réaction dans une interaction et il s’interprète comme
insistant sur la négation et donc l’interdiction, celle-ci mise en relief, ce qui justifie la
traduction en français par un impératif négatif. L’exemple (21) correspond exactement au cas
de la construction 1) de l’exemple (13) et peut être rapproché des constructions interrogatives
focalisatrices du type de l’exemple (14) : l’élément rhématisé est ejecté en position frontale,
pré-sujet et préverbale.
Dans notre hypothèse – que nous sommes en train d’infirmer et d’affiner –, les
constructions à personne zéro à référence générique seraient celles qui comportent un élément 69 Le finnois est communément considéré comme une langue du type SVO souple. 70 VISK (La Grande Grammaire du finnois) § 1369
34
préverbal. Cet élément préverbal serait donc l’élément rhématique. Or comme nous le
constatons en comparant les exemples du type (21) avec ceux du type (13) 2), l’élément
préverbal n’est pas toujours rhématique car il peut aussi être un cadre thématique.
(22)
toihan on hyvä nytte71 ø ei
ça_PARTIC être-PRÉS.3.SG bien maintenant NÉG-3.SG
tarttis siihen golffiin höyrähtää
avoir_besoin-COND ce-ILL golf-ILL se_dépêcher-INF
se o vaarallista (sg355)
ça être-PRÉS.3.SG dangereux
« ça c’est bien maintenant [il] n’y aura pas besoin de se dépêcher pour aller au golf c’est
dangereux »
En (22), l’élément préverbal nytte « maintenant » ne peut pas être analysé d’après
l’analyse faite pour l’exemple (21) comme un élément rhématisé. L’élément préverbal est un
élément thématique qui pose un cadre permettant la réalisation par le locuteur d’une
construction à personne zéro à référence spécifique renvoyant au locuteur et à l’interlocuteur
dans l’ici et maintenant du contexte énonciatif pour pouvoir partager l’énoncé avec son
interlocuteur et l’inclure dans la référence de la personne zéro.
71 nytte est un allomorphe de nytten, variante orale de nyt « maintenant ».
35
(23)
Mirja : mul oli kuulkaa nii mahtava
je-AD être-PRÉT.3.SG entendre-IMP.2.PL si grand
arpaonni eilen
lot_chance hier
Jaana : ohhoh nyt sää jatkat
INTERJ maintenant tu-NOM continuer-PRÉS.2.SG
Mirja : mun täytys mennä lotota
je-GÉN devoir-COND.3.SG aller-INF jouer_au_loto
muute
sinon
Jaska : ø täytyy mennä loto kautta (sg355)
falloir-PRÉS.3.SG aller-INF loto par
«
Mirja : j’avais, écoutez, une si grande chance à la tombola hier
Jaana : ah maintenant tu vas continuer
Mirja : je dois aller jouer au loto sinon
Jaska : [il] va falloir essayer le loto [tu vas devoir essayer le loto] »
Dans l’exemple (23), il s’agit de la réponse de Jaska à Mirja qui raconte avoir gagné sept
fois sur dix billets joués lors d’une tombola. La référence de la personne zéro est ici
spécifique et renvoie à l’interlocuteur, ceci étant justifié formellement par mun « je » dans
l’énoncé précédant celui de la construction à personne zéro.
Dans la construction à personne zéro en (23), il n’y a pas d’élément préverbal, l’élément
thématique peut être identifié comme étant la personne zéro. Dans ce cas, puisque c’est la
situation énonciative qui permet d’identifier le référent de la personne zéro – à savoir Mirja,
l’interlocuteur de Jaska – un élément préverbal cadratif n’est pas nécessaire ou du moins n’est
pas présent ici, et par ailleurs la personne zéro peut commuter avec un pronom de la deuxième
personne du singulier. C’est la personne zéro qui dans ce cas représente le cadre énonciatif
thématique connu et reconnu par les participants en interaction.
À partir de l’analyse thématique et rhématique de ces deux exemples mis en parallèle avec
les exemples précédents, il en ressort que le critère de la présence ou de l’absence d’un
élément préverbal dans l’interprétation de la référence de la personne zéro s’explique
36
partiellement par le caractère thématique ou rhématique de l’élément préverbal s’il est
présent.
Ainsi, s’il y a un élément préverbal, il sera rhématisé ou thématisé selon sa nature ou son
rôle (cadratif, élément interrogatif, élément de négation). Dans le contexte de l’énoncé produit
par le locuteur, la référence de la personne zéro est interprétable comme délimitée lorsque
l’élément préverbal est rhématique, s’agissant d’après notre corpus d’éléments interrogés et
niés. La référence de la personne zéro est générique quand l’élément préverbal est thématique,
s’agissant d’éléments cadratifs. S’il n’y a pas d’élément préverbal, la personne zéro initie la
construction en tant que thème dont la référence est spécifique et identifiable à partir de la
situation d’énonciation supposée déjà connue et partagée par les participants à l’interaction.
Cette analyse permet d’atténuer la dichotomie entre personne zéro à référence générique
et personne zéro à référence spécifique. En effet, même la référence générique peut être
délimitée et donc restreinte par le locuteur. L’état le plus restreint de la référence de la
personne zéro est par conséquent la référence spécifique. Le schéma 1 illustre la continuité
entre la référence spécifique et la référence générique, référence délimitée par le locuteur dans
une situation énonciative.
Référence spécifique (1 seul référent)-Référence délimitée-Référence générique (tout un chacun)
Schéma 1 Les degrés de généricité de la référence de la personne zéro
Elément
préverbal
Ø =
thème
thématique
Verbe
fini initial
rhématique
37
L’ordre et la relation entre les éléments de la construction étant abordés, il sera question
maintenant de nous pencher sur l’analyse du type de construction verbale et sa relation avec la
référence de la personne zéro, et de voir s’il peut s’agir d’un critère supplémentaire à
l’interprétation de la référence de la personne zéro.
2.1.3 Le lien entre la référence de la personne zéro et le type de construction verbale à
personne zéro
Selon La Grande Grammaire du finnois en ligne (GGF)72, dans les constructions à
personne zéro avec un verbe fini au conditionnel ou dans les constructions qui commencent
par jos « si », la personne zéro est interprétée comme renvoyant au moi. Dans les
constructions interrogatives où l’interrogation porte sur la demande d’autorisation, la
personne zéro a d’abord pour référent le locuteur, le « je ». En ce qui concerne les
constructions permissives comportant un verbe du type saa « peut » et prohibitives
comportant un verbe du type ei saa « ne peut pas », la personne zéro ferait référence à
l’interlocuteur, à qui il est permis ou interdit de réaliser un procès. Enfin, dans les
constructions nécessives, la personne zéro serait plus facilement interprétable comme ayant
une référence générique. Testons les affirmations de la GGF sur des constructions
correspondantes extraites de notre corpus :
(24)
et paljo ø siel tarvis pualtoist kiloo
que combien là nécessiter-COND.3.SG un_et_demi kilo
et jos ø ostais ni totaa kolme
que si acheter-COND.3.SG donc ben trois
pakettii graavilohta ja kolme pakettii
paquet-PART.SG saumon_gravlax-PART.SG et trois paquet-PART.SG
ni ni tota (sg347)
donc donc ben
« de combien [on] aurait [j’aurais] besoin, un kilo et demi, si [on] achetait [si j’achetais] donc
ben trois paquets de saumon gravlax et trois paquets donc ben »
72 VISK §1348, §1355 (La Grande Grammaire du finnois en ligne)
38
Dans l’exemple (24), Jaana raconte comment elle a évalué la quantité de saumon
gravlax73 à acheter. En (24), nous avons deux constructions à personne zéro. Pour ce qui est
de la première, il s’agit d’une construction interrogative. Le locuteur rapporte une expérience
vécue qui le concerne directement : la personne zéro a pour référent le locuteur lui-même.
La deuxième construction est une construction à personne zéro hypothétique dont
l’élément verbal est au conditionnel jos ø ostais kolme pakettii graavilohta « si [on] achetait
[j’achetais] trois paquets de saumon gravlax », la personne zéro a bien pour référent
spécifique le locuteur qui partage avec son interlocuteur ce qui a été son processus de pensée.
(25)
saaks maistaa jo (sg355)
pouvoir-PRÉS.3.SG_INTER goûter-INF déjà
« est-qu’[on] peut [est-ce que je peux] déjà goûter »
Dans l’exemple (25), le locuteur demande à l’interlocuteur s’il peut goûter le vin
chaud aux épices servi. La personne zéro est spécifique et renvoie au moi, bien qu’elle puisse
aussi renvoyer à tous les participants qui sont susceptibles de goûter le vin chaud une fois que
73 Recette d’origine scandinave : saumon frais mariné au sel, au sucre et à l’aneth.
39
Jaana : viimeistää ettei ø tartte olla viimeset
au_plus_tard CONJ_NÉG-3.SG nécessiter-PRÉS être derniers
Mirja : puali kuus
demi six
Jaana : joukossa
groupe-IN.SG
Mikko : nii nii viis juu hh selvä
Oui oui cinq ouais hh d’accord
Jaska : mitä kello o
qu-PART heure être-PRÉS.3.SG
Mirja : ja lujjaa ø ei saa kävellä
et vite-PART NÉG-3.SG devoir-PRÉSNÉG marcher-INF
(sg355)
«
Mikko : dis hé dis je pensais à l’heure à laquelle [il] fallait partir d’ici parce qu’il est
déjà
Jaana : si [on] part à cinq heures et demie donc à cinq heure
Jaska : à ma montre il est
Mirja : la demie
Jaana : au plus tard pour ne pas avoir [que nous n’ayons pas] à être les derniers
Mirja : cinq heures et demie
Jaana : du groupe
Mikko : oui oui cinq heures ouais d’accord
Jaska : quelle heure est-
Mirja : et [nous n’avons] pas besoin de marcher vite »
En (26), les participants à la conversation discutent de l’heure à laquelle il faut partir
pour arriver à l’heure à un pikkujoulu74. La référence de la personne zéro dans les trois
constructions à personne zéro dans l’exemple (26) est plurielle mais bien délimitée. Les
référents de la personne zéro sont à chaque fois tous les participants concernés par le départ
pour se rendre au pikkujoulu et qui n’auront pas besoin de se presser car ils auront le temps
d’y arriver à l’heure. Dans ce cas, cela contredit la GGF concernant les constructions 74 Littéralement « petit Noël » : petite fête célébrée entre amis et collègues durant la période de Noël en Finlande.
40
hypothétiques et prohibitives puisque la personne zéro peut renvoyer dans une certaine
situation d’énonciation à tous les participants, interlocuteurs et locuteur compris.
« évidemment après tout ça vaut le coup de la pratiquer encore [la voile], même si la voile
coûte un peu plus cher »
En (27), les participants à la discussion parlent de la cherté de la pratique de la voile et
le locuteur ici recommande sa pratique malgré son coût élevé. Il semble que la personne zéro
ait une référence pouvant être générique car pouvant être généralisable et que le conseil du
locuteur s’applique vraisemblablement très largement à n’importe qui se sentirait concerné ou
convaincu, même si le locuteur adresse son énoncé à des interlocuteurs spécifiques, ce qui
dans l’interaction délimite les référents aux participants à la discussion. Ainsi, cela nuance le
dire de la GGF, selon lequel la personne zéro est plus facilement interprétable comme ayant
une référence générique dans les constructions nécessives76. Les constructions nécessives
seraient plutôt porteuses d’une personne zéro à référence plurielle délimitée77.
Nous pourrions renforcer le classement de la GGF en mettant en lien les types de
constructions exposés et la thémacité ou la rhémacité de l’élément préverbal ou la thémacité
de la personne zéro qui se note à travers la position initiale du verbe fini.
Le fait que les constructions à personne zéro hypothétiques favorisent l’interprétation
spécifique de la personne zéro peut être mis en lien avec le fait que les constructions à
personne zéro hypothétiques favoriseraient l’élément verbal en position initiale et ainsi la
75 kyä est un allomorphe de la particule assertive kyllä. 76 Définition VISK (la Grande Grammaire Finnoise en ligne) : « la construction nécessive est le nom donné aux constructions verbales dont le sujet est au génitif et le verbe fini est toujours à la troisième personne du singulier (…). La construction exprime principalement la nécessité, le devoir et la suggestion. L’objet total de la construction est au nominatif. » kannattaa « avoir intérêt, valoir le coup » exprime la suggestion, le conseil. 77 La notion de pluralité est abordée plus explicitement dans leapartie 3.1.
41
personne zéro est en position thématique, ce qui ferait pencher pour l’interprétation spécifique
de la personne zéro.
Concernant les constructions permissives et prohibitives, la référence n’est pas
automatiquement spécifique et renvoyant uniquement au toi. Un élément préverbal
rhématique peut être présent et faire pencher du côté de l’interprétation spécifique incluant
aussi entre autres le locuteur.
Pour ce qui est des constructions nécessives, l’élément verbal est dans la plupart des
cas précédé d’un élément thématisé et la référence de la personne zéro serait générique ou du
moins plurielle et délimitée. Les constructions à personne zéro nécessives ayant l’élément
verbal en position initiale comme par exemple en (23) auraient une personne zéro à référence
spécifique.
Position des
éléments
Les types de
constructions dont
la GGF traite
Élément préverbal
thématique
Personne zéro thématique
Élément préverbal
rhématique
Pas d’élément préverbal
Les constructions
hypothétiques
Personne zéro à référence
générique ou plurielle
délimitée (locuteur et
interlocuteur + tout autre
référent visé non participant
à l’interaction)
Personne zéro à référence
spécifique
Les constructions
permissives et prohibitives
Les constructions
nécessives
Tableau 3 L’interprétation de la référence de la personne zéro à partir du lien entre la rhémacité de l'élément préverbal, la thémacité de la personne zéro dans les constructions à personne zéro dont la GGF traite
Le type de construction verbale n’est pas en soi un déterminant de l’interprétation de
la référence de la personne zéro, mais il y participe en donnant un moule syntaxique,
sémantique ainsi que des informations sur le cadre délimité par le locuteur et la situation
d’énonciation.
Explorons maintenant la notion d’inférence qui est un autre point de vue que la
référence, pour tester si elle peut aider à résoudre notre problème d’interprétation référentielle
de la personne zéro.
42
2.1.4 La notion d’inference de Moltmann (2006)78
Moltmann (2006) a étudié le ‘one’-générique de l’anglais britannique – un des
équivalents de la personne zéro finnoise – sous l’angle de la théorie de la simulation79 selon
laquelle le locuteur se représente à la place d’un autre sous certaines conditions. Par la
simulation, le locuteur s’attribuerait des propriétés à lui-même pour les attribuer aux autres
par généralisation.
Il y aurait trois stratégies sémantiques réalisées dans la production des énoncés à
‘one’-générique :
- Stratégie n°1 : Inference from the First Person « l’inférence à partir de la première
personne » ; une généralisation serait établie à partir de la prédication inférée par la
première personne et donc basée sur l’expérience de la première personne
généralisable aux autres. Cette stratégie concernerait surtout les énoncés à ‘one’-
générique exprimant des possibilités physiologiques et physiques ainsi que des
quantifications existentielles. Moltmann (2006) donne l’exemple suivant :
(28)
One can see the picture from the entrance
On pouvoir-PRÉS.3.SG voir-INF DÉT image depuis DÉT entrée
« On peut voir l’image depuis l’entrée »
- Stratégie n°2 : Inference to the First Person « l’inférence pour la première
personne » ; la généralisation permettrait d’être inférée pour la première personne dans
un contexte discursif. Cette inférence ne serait pas forcément tournée vers le locuteur
mais elle pourrait être tournée vers l’interlocuteur. Cette stratégie concernerait
principalement les énoncés à ‘one’-générique déontiques et épistémiques (obligation,
permission et savoir commun), ainsi que des emplois logophoriques. Moltmann (2006)
donne les exemples suivants :
78 MOLTMANN Friederike, « Generic one, arbitrary PRO, and the first person » in Natural Languages Semantics, n°14, pp.257-181, 2006 79 Cette théorie est une théorie de la philosophie de l’esprit et des sciences cognitives.
43
(29) ‘one’-générique déontique (permission)
One is allowed to enter the room
On être-PRÉS.3.SG autorisé à entrer DÉT pièce
« On est autorisé à entrer dans la pièce »
(30) ‘one’-générique dans un emploi logophorique
Hans believes that one needs a
Hans croire-PRÉS.3.SG que on avoir_besoin-PRÉS.3.SG DÉT
passport to_travel to France
passeport voyager en France
« Hans croit qu’on a besoin d’un passeport pour voyager en France »
- Stratégie n°3 : Inference from the Simulating Self « l’inférence à partir du soi
simulateur » ; le ‘one’-générique se trouverait dans des énoncés qui expriment une
inférence à partir de la première personne (comme dans la stratégie n°1) en particulier
dans les phrases conditionnelles. Il s’agirait de simulated belief « une croyance
simulée » : le locuteur ferait abstraction de son expérience et se baserait sur une
inférence qu’il supposerait généralisable.
(31)
If one has a nose, one can smell
Si on avoir-PRÉS.3.SG DÉT nez on pouvoir-PRÉS.3.SG sentir-INF
« Si on a un nez, on peut sentir. »
Cette approche est intéressante en tant qu’elle permet de considérer toutes les
constructions à personne zéro comme ayant une référence délimitée à des degrés différents
par le locuteur selon le contexte énonciatif, ce qui est pertinent du point de vue de la
subjectivité du locuteur. Cela rejoint notre idée selon laquelle la référence est délimitée par le
cadre donné par le locuteur et la situation d’énonciation ; la référence exclusivement
spécifique – c’est-à-dire la sélection d’un seul être humain en tant que référent de la personne
zéro – et la référence exclusivement générique – c’est-à-dire la sélection individuée de tous
les êtres humains en tant que référents de la personne zéro – étant des cas extrêmes. Prenons
des exemples en finnois dans notre corpus pour tester les trois stratégies de Moltmann (2006).
44
(32)
nimittäin se et ei ø sitä ihan loputtomasti
justement ça que NÉG-3.SG ça-PART tout_à_fait infiniment
jaksa semmostakaan että
avoir_la_force-PRÉSNÉG ça-PART_du_tout que
kulkee jotain rantabulevardii ja sitte
marcher-PRÉS.3.SG un_certain baie et ensuite
ni shoppailee jotain tai käy
ben faire_du_shopping-PRÉS.3.SG quelque_chose ou aller-PRÉS.3.SG
syömässä ku ø ei jaksa
manger-INF-IN quand NÉG-3.SG avoir_la_force-PRÉS
syödäkkään niin hirveesti ja sitte nii se
manger-INF_du_tout tant terriblement et ensuite ben ça
et jos aattelee että et on jotain
que si penser-PRÉS.3.SG que que être-PRÉS.3.SG QUANTPART
« si [on] ne boit pas [si je ne bois pas] de champagne ben après évidemment c’est très facile de s’[m’]abstenir de fumer »
En (35), la construction à personne zéro est une construction hypothétique. Le locuteur
se projette dans une expérience généralisable aux fumeurs. Il se base sur une expérience
généralisable tout en inférant à partir de lui-même, un soi qui simule l’expérience. Ce qui
correspond à la stratégie n°3. Dans la construction, l’élément verbal est en position initiale,
donc la personne zéro est thématique et a une référence spécifique, ici renvoyant au locuteur.
La notion d’inférence pour l’analyse des constructions à personne zéro est
complémentaire à celle de référence. L’analyse de la référence de la personne zéro nous a
permis de déterminer le degré de spécificité et de généricité de la référence selon le cadre
posé et délimité par le locuteur et la situation d’énonciation, et la notion d’inférence
s’intéresse au cheminement de la généralisation du procès exprimé par l’élément verbal dans
les cas des personnes zéros ayant une référence délimitée par le locuteur : lorsque l’inférence
part du locuteur (stratégie n°1), il s’agit d’une référence spécifique renvoyant au locuteur ;
lorsque l’inférence est pour le locuteur (stratégie n°2), il s’agit soit d’une référence spécifique
renvoyant au locuteur soit à l’interlocuteur selon la situation d’énonciation, plutôt au locuteur
dans les emplois logophoriques d’après notre unique exemple ; et lorsque l’inférence se fait à
partir d’un moi simulateur (stratégie n°3), la référence de la personne zéro est spécifique et
elle renvoie au locuteur. Dans tous les cas, inférence et référence montrent que la
généralisation est délimitée par le locuteur car la référence spécifique reste ouverte et la
référence générique délimitée.
49
Position de l’élément et
sa thémacité/rhémacité
Référence
Inférence
à partir
du
locuteur
Inférence
vers le
locuteur
Inférence
à partir
d’un
« moi »
simulateur
Verbe fini initial
thématique, élément
préverbal rhématique
Cas
idéals
spécifique
délimitée
Référence
au
locuteur
Référence au
locuteur ou à
l’interlocuteur
Référence
au locuteur
Élément préverbal
thématique
générique Tableau 4 Interprétation de la référence délimitée à partir de la notion d’inférence
Jusqu’à présent, nous avons déterminé le rôle d’éléments syntaxiques dans
l’interprétation de la référence de la personne zéro. En 2.2 il s’agira de nous focaliser en
continuité avec 2.1.3 sur la prédication à travers l’élément verbal et sa sémantique dans les
constructions à personne zéro pour l’interprétation référentielle de la personne zéro mais aussi
dans le but d’exposer les spécificités des différents types de constructions qui acceptent bien
la personne zéro.
2.2 La sémantique de l’élément verbal et la personne zéro dans les constructions à
personne zéro
Nous avons vu que les constructions à personne zéro acceptaient bien les verbes modaux
dont les verbes de possibilité et les verbes permissifs tels que voida « pouvoir » et saada
« pouvoir avoir, avoir le droit de » ainsi que les verbes nécessifs. Les verbes au conditionnel
dans les constructions hypothétiques sont aussi très fréquents. Les verbes à expérient81 sont
également très fréquemment employés dans ces constructions. Nous tentons de montrer ce
que la sémantique verbale peut apporter pour la précision de l’interprétation référentielle de la
personne zéro. Commençons par un exemple de construction nécessive.
81 VISK §316 (La Grande Grammaire du finnois en ligne) : « les verbes à expérient sont des verbes décrivant des sentiments ou sensations qui apparaissent dans les types de phrase à expérient : leur argument premier est un objet humain [et il est souvent au partitif] »
50
2.2.1 Les constructions nécessives, l’exemple de täytyä « falloir »
Voici un exemple en (36) de construction nécessive canonique en finnois.
D’un point de vue synchronique, la particularité de ces constructions est que le verbe
fini prend toujours la même forme verbale que celle à la troisième personne du singulier et
que le sujet est toujours au génitif et il peut être omis. En (36), le verbe fini est täytyy « doit »
et le sujet-pronom personnel est mun « je », minä « je » au génitif. Diachroniquement, le
verbe täytyä « falloir » signifie à l’origine « être rempli », « s’accroître » ou « suffire ». Ce
verbe comme d’autres verbes nécessifs actuels, a connu une grammaticalisation. Il a perdu
son sens de départ pour être employé dans des constructions modales nécessives. Il garde
cependant aujourd’hui encore son emploi d’origine dans les dialectes de l’est.83
(37)
mää oisi tullu paljon aikaisemmi mutta
je être-COND.1.SG venir-PARTPASACT beaucoup plus_tôt mais
ku ø täyty kuunnella loppuu (sg355)
car falloir-PRÉT.3.SG écouter-INF fin-IL
« je serais venue beaucoup plus tôt mais [il] a fallu [j’ai dû] écouter jusqu’à la fin »
Dans l’exemple (37), la construction à personne zéro commence par l’élément ku(n)
« car »84 qui est suivi de l’élément verbal au prétérit, temps du passé, täyty « devait »85 et de
ses compléments kuunnella loppuu « écouter jusqu’à la fin ». Il y a deux éléments qui
expliquent l’interprétation de la personne zéro comme ayant une référence au locuteur et donc
que la personne zéro serait une omission de minun « je ».
82 mun est un allomorphe de minun « je », minä « je » au génitif. 83 LAITINEN Lea, Nesessivirakenne, kieliopillistuminen ja subjekiivisuus, (« Construction nécessive, grammaticalisation et subjectivité »), Virittäjä, n°97/2, p.151, 1993 84 La conjonction kun ou ku, sa variante orale, est polysémique : elle peut être temporelle ou causative. 85 täyty est un allomorphe employé à l’oral de täytyi en finnois standard écrit.
51
L’omission du pronom de la première personne du singulier fait que cette construction
est identique à la construction à zéro anaphorique. Les constituants de la première personne
du singulier étant présents dans les constructions précédant la construction à personne zéro,
leur omission dans la construction à personne zéro est tout à fait envisageable. Nous pourrions
donc considérer ce type de construction à personne zéro, précédée par une construction dans
laquelle le référent est explicite de par un constituant – référent qui est le même dans la
construction à personne zéro, comme c’est le cas dans une construction à personne zéro
anaphorique – comme ayant une référence spécifique.
Dans la construction à personne zéro en (37), le locuteur commence son énoncé par le
pronom personnel déictique de la première personne du singulier mää « je », il rapporte son
expérience et fait donc référence à lui-même.
Ensuite, le fait que l’élément verbal de la construction à personne zéro est au passé
ancre l’expérience dans un passé vécu par le locuteur et qu’il rapporte, tout en rendant
impossible la référence de la personne zéro à l’interlocuteur, étant donné que la situation
racontée par le locuteur exclut l’interlocuteur qui n’était pas présent au moment de la situation
racontée. Ainsi, lorsque le verbe dans la construction à personne zéro est au passé, la
référence de la personne zéro serait spécifique et renverrait au locuteur86.
Par ailleurs, il s’agit en (37) d’un énoncé justificatif : le locuteur explique pourquoi il a
été retenu, ce qui rend le partage de cette justification valide, c’est l’existence d’un valideur
fictif présent au moment du procès, qui peut tout à fait être le locuteur lui-même et qui
validerait son énoncé justificatif87. Appuyons cette démonstration grâce à notre analyse
formelle et à la notion d’inférence :
Si nous observons les éléments de manière formelle, l’élément verbal est en position
initiale dans la construction, la personne zéro thématique et donc la référence de la personne
zéro spécifique. Pour reprendre la notion d’inférence, l’emploi d’un verbe modal d’obligation
associé à celui d’un temps passé et d’un aspect achevé permettent de catégoriser l’emploi de
la personne zéro dans la stratégie n°2, c’est-à-dire l’inférence vers le locuteur (inference to the
86 LAITINEN Lea, « Zero person in Finnish». Grammar from the human perspective: case, space and person in Finnish, 2006, vol. 277, p. 209 87 « Si, comme le propose Dufaye (2002) on conçoit que l’effectif est ce dont le locuteur admet l’existence indépendamment de la représentation qu’il s’en fait, alors on met en évidence dans ce cas une dissociation entre la représentation de l’évènement et son existence (son surgissement). L’effectif apparaît la plupart du temps sous la forme d’une assertion qui, positive, donnera lieu à une validation », MOREAU Catherine, Identification et validation fictive, 2003
52
First Person). Cela permet d’affirmer que le référent de la personne zéro est le moi, le
locuteur.
Étudions dans ce qui suit les constructions à personne zéro dans lesquelles le verbe est
un verbe à expérient.
2.2.2 Les constructions verbales à expérient
(38)
nyt kyllä suututtaa !! (forum internet Meidän Perhe88)
maintenant PARTICASSERT agacer-PRÉS.3.SG
« maintenant [c’]est vraiment agaçant !! »
Les constructions verbales à expérient sont des constructions grammaticalement très
favorables à la personne zéro. En effet, le verbe à expérient a pour particularité de
sélectionner un objet-expérient au cas partitif89 ou à un cas oblique et un sujet-source au cas
nominatif. Dans l’énoncé produit par un locuteur, l’expérient et la source ne sont pas toujours
présents sous forme de constituants. Voici en (39) un exemple fabriqué à partir de (38) pour
illustrer la construction verbale à expérient avec formalisation de l’expérient et de la source :
(39)
se suututtaa minua
ça agacer-PRÉS.3.SG je-PART
SOURCE VERBE À EXPÉRIENT FINI EXPÉRIENT
« ça m’agace »
L’absence de constituant-sujet et de constituant-objet dans l’exemple (38) n’entrave
pourtant pas l’interprétation de l’énoncé. Le verbe à expérient suututtaa « agacer » renferme
l’expression de la subjectivité du locuteur par son emploi-même. L’élément préverbal nyt
marque ici le cadre posé par le locuteur et fait donc indirectement référence à lui, et la
particule assertive kyllä exprime la subjectivité discursive du locuteur portant sur l’intensité
88 http://www.meidanperhe.fi/keskustelu/350304/ketju/_nyt_kylla_suututtaa_ 89 Le cas partitif est un des cas de l’objet grammatical dans la phrase finnoise.
53
de l’agacement. Le tout fait pencher pour l’interprétation spécifique de la personne zéro
renvoyant au locuteur.
Dans le modèle de l’inférence de Moltmann (2006), ce type d’emploi de la personne
zéro pourrait être considéré comme faisant partie de la stratégie n°1 (inference from the First
Person « inférence à partir de la première personne ») et rapproché de ce qui est appelé
« possibilités physiques », l’agacement pouvant se manifester physiquement.
Prenons à présent l’exemple d’une construction à personne zéro à valeur temporelle ou
caustive.
2.2.3 Les constructions temporelles ou causatives en ku(n)
Tuula : mais ouais je ne me suis pas rappelée de demander sinon
Jaana : je n’ai pas encore envoyé les cartes de Noël
Tuula : ben ça ne va pas justement être dans deux semaines qu’[il] faudra [que tu devras] les
envoyer »
54
Dans l’exemple (40), la construction à personne zéro ku(n) ø pitää lähettää « qu’[il]
faudra [que tu devras] envoyer » est une construction temporelle comportant une construction
nécessive introduite par l’élément ku(n). C’est une réponse au tour de parole de Jaana qui nie
avoir envoyé les cartes de Noël, ce qui justifie l’interprétation de la référence spécifique de la
personne zéro, ici faisant référence à Jaana et donc au toi par rapport à la locutrice Tuula.
L’analyse formelle valide la spécificité de la référence de la personne zéro et l’emploi de la
personne zéro ici fait partie de la stratégie n°2 : inférence pour la première personne
(inference to the First Person) tournée vers l’interlocuteur.
Intéressons dans la sous-partie suivante à la personne zéro et à sa référence dans un
exemple de construction hypothétique.
2.2.4 Les constructions hypothétiques en jos
(41)
se o vähä niinku hassua et sit
ça être-PRÉS.3.SG un_peu comme délicat que après
et mihi sit ø menis jos sinne
que où après aller-COND.3.SG si là-bas
ø menis saunaa (sg355)
aller-COND.3.SG sauna-ILL
« ce sera un peu délicat qu’après [on se demande :] où [on] irait, si [on] y allait au sauna »
Dans la construction hypothétique de l’exemple (41) jos sinne ø menis saunaa « si
[on] y allait au sauna », la référence de la personne zéro est spécifique et renvoie au locuteur :
le locuteur raconte une expérience hypothétique. En terme d’inférence, deux stratégies sont
employées ici. D’une part, la stratégie n°1 car le locuteur infère à partir de sa propre
expérience, et d’autre part la stratégie n°3 car le locuteur produit un énoncé du point de vue
d’une expérience simulée, et la personne zéro a un emploi semblable au Simulating Self car le
locuteur simule une expérience qu’il généralise à lui.
La construction est initiée par un élément préverbal, déictique spatial thématique sinne
« là-bas » en (41) et par un déictique temporelle nyt « maintenant » et une particule assertive
kyllä en (38). Dans chacune des constructions, l’élément préverbal est thématique.
55
Ainsi, nous voyons bien que les emplois purement génériques – c’est-à-dire ayant pour
référent tous les êtres humains – (voir schéma n°1) de la personne zéro sont rares et figés : ce
sont des unités de type proverbe qui concernent ou du moins qui prétendent concerner tous les
hommes et la vie de tous les hommes de manière générale90. Nous en donnons en (42) et (43)
des exemples :
(42)
Ei ø pidä viskellä kiviä,
NÉG-3.SG falloir-PRÉS parsemer-INF pierre-PART.PL
jos ø istuu lasikaapissa.
si s’asseoir-PRÉS.3.SG verre_armoire-IN.SG
litt. « On ne doit pas parsemer des pierres, si on est assis dans une armoire en verre » 91
(43)
Ei ø voi olla eksyksissä,
NÉG-3.SG pourvoir-PRÉS être-INF perte-IN.PL
jos ei kiinnosta mihin ollaan menossa.
si NÉG-3.SG intéresser-PRÉS où être-PASSIF aller-IN
litt. « On ne peut pas se perdre, si on n’est pas intéressé par l’endroit où l’on va » 92
L’exemple (42) compte deux constructions à personne zéro l’une subordonnée à
l’autre. Quant à l’exemple (43), la principale est une construction à personne zéro, la
subordonnée est aussi une construction à personne zéro mais sa complétive est une
construction passive. Nous pouvons nous demander pourquoi y emploi-t-on un passif alors
que la personne zéro est possible :
90 Cependant, même les proverbes ne concernent pas tous les hommes mais bien souvent les Hommes d’une certaine société ou culture. 91 Selon notre informatrice Heta Hölttö, ce proverbe signifie qu’il faut savoir se conformer à son lieu d’habitation, prendre conscience des choses importantes et vivre dans leur perspective. Il s’agirait d’un très vieux qui est peu employé aujourd’hui. 92 Toujours selon Heta Hölttö, ce proverbe veut dire que si l’on n’est pas intéressé à donner un but à sa vie, alors il est impossible de se perdre. Ce proverbe décrit métaphoriquement une philosophie de vie « je-m’en-foutiste ».
56
(43)(a)
Ei ø voi olla eksyksissä,
NÉG-3.SG pourvoir-PRÉS être-INF perte-IN.PL
jos ei kiinnosta mihin on menossa.
si NÉG-3.SG intéresser-PRÉS où être-PRÉS.3.SG aller-IN
litt. « On ne peut pas se perdre, si on n’est pas intéressé par l’endroit où l’on va »
Sachant, comme nous l’avons précisé dans la partie 1., que le passif a une référence
collective et la personne zéro une référence individuée, le passif crée l’image en (43) d’un
référent qui va quelque part au sein d’un groupe et qui suit celui-ci à l’aveugle, et donc d’un
référent qui subit son sort ; alors qu’en (43)(a), la personne zéro crée l’image d’un référent
pouvant être seul et pas forcément au sein d’un groupe et qui est responsable de son sort.
Dès lors, ce n’est plus la dichotomie entre personne zéro à référence spécifique et
personne zéro à référence générique qui nous intéresse dans la production de constructions à
personne zéro, mais c’est la référence délimitée de la personne zéro par le locuteur et l’apport
de l’élément préverbal, s’il y a en a un, comme information sur l’énoncé et la situation
d’énonciation.
Enfin, nous pouvons induire de notre analyse formelle à travers l’analyse de l’ordre
des éléments de la construction, de la présence ou de l’absence d’élément préverbal, de la
sémantique verbale, du type de construction et de l’application de la notion d’inférence, que la
personne zéro est impliquée dans des relations référentielles et inférentielles ce qui légitime sa
place dans le système personnel du finnois. La personne zéro est un instrument référentiel et
inférientiel employé par le locuteur.
Nous aurons comme but dans la sous-partie suivante de nous attacher à considérer la
place de la personne zéro dans le système en question.
2.3 La personne zéro dans le système personnel du finnois
Nous exposerons d’abord le système personnel du finnois tel qu’il est
traditionnellement présenté pour le finnois écrit standard puis nous proposerons un système
incluant entre autres la personne zéro.
57
2.3.1 Le système personnel traditionnel en finnois écrit standard
Tableau 5 Le système traditionnel des pronoms personnels en finnois
Cette présentation du système personnel finnois qui reprend la tradition de la
grammaire gréco-latine est critiquable car elle est incomplète et ne permet pas de rendre
compte de l’abondance et de la polyvalence des éléments personnels existants en finnois. Ce
que nous montrerons dans la sous-partie suivante.
2.3.2 La personne zéro parmi d’autres éléments dans un système personnel du finnois
repensé93
Si nous prenons en compte à la fois le niveau formel (présence ou absence de
constituants) et le niveau référentiel, le système personnel du finnois inclura plus d’éléments
dont la personne zéro :
93 HAKULINEN Auli, « Miten nainen liikkuu Veijo Meren romaaneissa » (« Comment la femme se meut dans les romans de Veijo Meri »), L. Laitinen (éd.), 1988 présente également un système personnel du finnois incluant les personnes traditionnelles, la personne zéro et le passif.
Nombre Pronoms personnels Traduction correspondante en français
- Troisième personne97 absente de la situation de l’énonciation
ou considérée comme telle par le locuteur98 ;
- Interlocuteur(s) (vouvoiement)99
?
Pluriel He ou
(He)
Ne ou
(Ne)
Référence générique attributive
(Me) Locuteur + interlocuteur (+
personnes hors de la situation
énonciative (emploi inclusif))
Locuteur + interlocuteur (+
toute personne hors de la
situation énonciative et incluses
collectivement dans le champ
référentiel délimitée par le
locuteur)
Passif Référent générique sélectionné
collectivement
(Me) + passif
(Te) Interlocuteur(s) ?
(He), (ne) Personnes hors de la situation de la communication (emploi exclusif) Référent générique sélectionné
collectivement
Ø Locuteur ; interlocuteur(s) ;
locuteur + interlocuteur(s)
Locuteur ; interlocuteur(s) ;
locuteur + interlocuteur (s) +
toute personne incluse
individuellement dans le champ
référentiel délimité par le
locuteur
Référent générique sélectionné
individuellement Itse 100
Tableau 6 Un système personnel du finnois prenant en compte la notion de référence de la personne
94 Les parenthèses indiquent que l’emploi des pronoms personnels peut être omis. 95 Hän peut aussi être logophorique dans une subordonnée : dans ce cas, le référent peut être différent du sujet de la principale (VISK §1469) 96 Dans le cas de hän, he et de se, ne, lorsqu’ils sont omis, il s’agit de zéros anaphoriques. 97 Hän, se, he, ne peuvent faire référence à des êtres humains ou à des animaux ; se, ne à des entités non animées (objets). 98 Nous pensons ici à deux types situations. 1) le locuteur à son interlocuteur parle d’une personne qui n’est pas présente au moment de son énoncé ; 2) le locuteur à son interlocuteur parle d’une personne qui est présente au moment de son énoncé 99 Emploi archaïque de la troisième personne. 100 Itse « soi-même » est un pronom réfléchi. Il accompagne souvent un pronom personnel. Dans les constructions à personne zéro, la personne zéro peut prendre corps dans itse (LAITINEN Lea, « Nollapersoona » (« La personne zéro »), Virittäjä, n°99, 1995)
59
Cette organisation du système personnel du finnois a deux avantages :
- elle prend en compte la situation d’énonciation et le champ référentiel délimité par le
locuteur pour chaque entité personnelle grammaticale,
- et elle permet de rapprocher des éléments linguistiques qu’ils soient formels (présence
de constituants) ou non (absence de constituants) et qui diffèrent de par leurs
caractéristiques référentielles dans l’énoncé.
Après avoir traité l’analyse formelle de la construction à personne zéro en finissant sur
l’inclusion de la personne zéro ainsi que d’autres éléments dans le système personnel du
finnois, nous allons à présent nous focaliser sur le deuxième cœur de notre objet d’étude : la
notion de subjectivité et la façon dont elle s’exprime dans les constructions à personne zéro.
60
3. L’expression de la subjectivité dans les constructions à
personne zéro
Selon Sirelius (1894)101, la fonction des constructions à personne zéro est de permettre
au locuteur d’affirmer sa subjectivité sous un angle objectif. Cette partie consiste en
l’élucidation non exhaustive des moyens d’affirmation de la subjectivité du locuteur dans les
constructions à personne zéro, l’objectivité étant déjà perceptible par l’absence de constituants
référentiels ainsi que par la forme verbale qui est d’une certaine manière neutralisée à la
troisième personne du singulier.
Dans cette troisième partie, notre préoccupation est de comprendre les constructions à
personne zéro du point de vue de ce qui fonde leur subjectivité. Nous analyserons d’abord par
quels moyens se positionne le locuteur dans l’énoncé à personne zéro et tenterons de montrer
en quoi la personne zéro est pluripersonnelle et ce que nous entendons par-là. Ensuite, nous
ferons un zoom sur certains éléments de subjectivité récurrents dans les constructions à
personne zéro de notre corpus, et enfin nous observerons les pratiques d’enseignement des
constructions à personne zéro à partir de l’analyse d’une méthode de finnois-langue-seconde.
3.1 Positionnement du locuteur dans son énoncé et pluripersonnalité de la
personne zéro
Pour comprendre comment se positionne le locuteur dans les constructions à personne
zéro, expliquer ce que nous entendons par pluripersonnalité et justifier le caractère
pluripersonnel de la personne zéro, nous allons dans un premier temps analyser le centre
déictique des énoncés à personne zéro et dans un deuxième temps réfléchir sur la
pluripersonnalité de la personne zéro à partir de Ducrot (1984)102.
101 Cité dans SIRELIUS Uuno Taavi, Lauseopillinen tutkimus Jääsken ja Kirvun kielimurteesta (« étude syntaxique des dialectes de Jääksi et Kirvu »), SKS, Helsinki, 1894 102 DUCROT Oswald, Le dire et le dit, « Chapitre IV Structuralisme, énonciation et sémantique », les éditions de Minuit, 1984
61
3.1.1 Locuteur et centre déictique implicite
Selon Ducrot (1984)103, le locuteur est l’être responsable de l’énoncé, c’est à lui que
réfère « je » et les autres marques de la première personne du singulier. Or nous avons depuis
le début considéré la personne zéro comme exprimée à partir du locuteur, à partir du point de
vue de celui-ci, ce qui a pour conséquence que l’interprétation de la référence de la personne
zéro est directement dépendante du locuteur car déterminée par lui, bien que toute marque de
première personne puisse être absente.
Concernant les constructions à personne zéro, nous pouvons être en accord avec
Ducrot (1984). Le locuteur est bien le responsable de l’énoncé même si aucun constituant
syntaxique ne réfère explicitement à lui. Le centre déictique de ces constructions est de ce fait
d’une certaine manière implicite car il ne transparaît qu’à travers des éléments déictiques et
discursifs (voir 3.2) qui font référence au monde du locuteur et délimité par lui.
Abordons maintenant le parallèle entre personne zéro et présupposé non linguistique,
et référence de la personne zéro et sous-entendu, ainsi que la notion de plupersonnalité.
3.1.2 La personne zéro, une pluripersonne individuée présupposée dont la référence est
le résultat de l’interprétation d’un sous-entendu (Ducrot, 1984)
Ducrot (1984)104 définit les présupposés et les sous-entendus comme deux formes
d’implicite. Il est possible de rapprocher la personne zéro du « présupposé non
linguistique »105 de Ducrot (1984). Elle serait alors « présentée comme ne devant pas être le
thème du discours ultérieur, mais seulement le cadre dans lequel il se développera ». La
personne zéro serait alors ce cadre ouvert à toute référence individuée, ce serait une personne
potentiellement plurielle ou une pluripersonne individuée, car potentiellement
pluriréférentielle ou à référence plurielle sélectionnée individuellement, personne qui aurait
103 DUCROT Oswald, Le dire et le dit, « Chapitre VIII Esquisse d’une théorie polyphonique de l’énonciation », les éditions de Minuit, 1984 104 DUCROT Oswald, Le dire et le dit, « Chapitre IV Structuralisme, énonciation et sémantique », les éditions de Minuit, 1984 105 Le présupposé linguistique est inscrit dans l’énoncé alors que le présupposé non linguistique ne l’est pas.
62
pour référent toute personne visée par le locuteur et/ou se sentant concernée106. Ce que nous
entendons par « pluripersonne »107, c’est cette personne sans constituant syntaxique, dont la
présence est marquée grammaticalement par la forme verbale et potentiellement dans un autre
argument du verbe et dont le champ référentiel est délimité par le locuteur selon différentes
stratégies inférentielles108.
La deuxième forme implicite de Ducrot (1984), le sous-entendu, peut être comparée à
la référence de la personne zéro. Tout comme le sous-entendu, la référence implicite de la
personne zéro « se manifeste à partir d’une réflexion sur les conditions d’énonciation ». Le
sous-entendu est aussi défini comme étant « les effets de sens dans l’interprétation » du
présupposé, ce qui catégorise le sous-entendu du côté de l’interprétation, tout comme peut
être catégorisée la référence de la personne zéro du côté de l’interprétation de la personne
zéro. Pour passer de présupposé à sous-entendu, on procède à une opération d’interprétation.
Schéma 2 Le processus d'interprétation de la personne zéro (pluripersonne) grâce aux notions de présupposé et de sous-entendu
Après avoir donné un aperçu des éléments énonciatifs fondamentaux à la subjectivité
des constructions à personne zéro, prenons maintenant des exemples illustrant les éléments
formels de l’expression de la subjectivité dans les constructions à personne zéro.
106 DUVALLON Outi, « Exprimer son identité par des moyens grammaticaux : la mise en scène du « moi », Cahiers de la Nouvelle Europe. Langues et identités finlandaises, n°9, pp.67-87, 2009 107 Le terme de « pluripersonne » pourrait se substituer à celui de « personne zéro » et de fait changer la vision de ce phénomène grammatical en passant d’une image d’absence de constituant à une image de présence référentielle délimitée par le locuteur et potentiellement plurielle. 108 MOLTMANN Friederike, « Generic one, arbitrary PRO, and the first person » in Natural Languages Semantics, n°14, pp.257-181, 2006 (voir la partie 2.)
Pluripersonne
individuée
présupposée
Interprétation Référence sous-
entendue
63
3.2 Éléments formels de l’expression de la subjectivité dans les constructions à
personne zéro
Commençons par des exemples de notre corpus comportant le pronom réfléchi itse, que
nous avons inclus dans le système personnel du finnois et qui est dans certains cas présent
dans les constructions à personne zéro, puis nous exposerons des exemples du marqueur
discursif vaa(n) et du déictique spatial tääl(lä), de la conjonction adversative et/ou
nuanciatrice mut(ta) et enfin du déictique personnel de la première personne du singulier.
3.2.1 Le pronom109 réfléchi itse « soi-même »
Itse-pronominin on arveltu olevan se pronomineistamme, jolla on kiistattomin
substantiivin alkuperä: sen kantasana on ollut ‘varjosielua’ tai ‘varjoa’ merkitsevä
substantiivi (L. Hakulinen 1979: 63). (…) Täillöin sanan merkitykseksi mainitaan mm.
‘henkilökohtaisesti’ « Le pronom itse est vue comme celui, parmi nos pronoms, ayant
l’origine substantivale la plus disputée : le mot qui est à son origine est le substantif qui
signfie ‘l’âme ombre’ ou ‘l’ombre’ (Hakulinen 1979 : 63). (…) Parfois comment sens du mot
est mentionné entre autres ‘personnellement’ »110
(44)
em mie nyt ninkur rehellisesti sitä välttämät
NÉG-1.SG je maintenant genre sincèrement ça-PART forcément
itselleni aina myönnä
RÉFL-ALL_POSS.1.SG toujours affirmer-PRÉS
mut loppujel_lopuks se om pelkoa siitä
mais finalement ça-NOM être-PRÉS.3.SG peur-PART ça-ÉLA
et itse joutuu naurunalaseksi (Laitinen (2006))
que RÉFL devoir-PRÉS.3.SG moquerie_TRANS
« maintenant je ne me l’avoue pas forcément toujours forcément à moi-même mais c’est la
peur de devoir soi[moi]-même se [me] retrouver sous la moquerie » 109 Selon HAKULINEN Auli, « Itse-sanan merkityksestä ja käytöstä » (« À propos de la signification et de l’emploi du mot ‘itse’ »). Virittäjä, vol. 86, n°1, p. 43, 1982, itse peut être soit considéré comme un pronom soit comme un adjectif. Nous prenons parti pour itse en tant que pronom car dans les constructions à personne zéro, il prend ce rôle en tant que constituant de la personne zéro. 110 HAKULINEN Auli, « Itse-sanan merkityksestä ja käytöstä » (« À propos de la signification et de l’emploi du mot ‘itse’ »). Virittäjä, vol. 86, n°1, p. 43, 1982
64
Laitinen (2006)111 mentionne selon Hakulinen (1982)112 que itse est un élément qui
grammaticalise l’implication personnelle du locuteur de la situation d’énonciation. Itse serait
la personne zéro substantivée ou pronominalisée, le « vrai soi » du locuteur. Dans l’exemple
(44), l’élément itse est préverbal et prend la place du sujet zéro en position initiale, il est donc
en position de thème. Itse serait la forme prise par la personne zéro, forme choisie par le
locuteur.
Comme nous l’avons inscrit précédemment dans le tableau n°6, itse peut, outre le
locuteur, aussi formaliser l’interlocuteur ou tout autre personne délimitée par le locuteur dans
le champ référentiel. Dans notre exemple (44), la présence d’un pronom personnel de
première personne du singulier associé à itselleni « à moi-même » permet de comprendre itse
comme un formalisateur du locuteur, constituant renvoyant au locuteur.
Intéressons-nous dans la sous-partie suivante à des exemples d’autres éléments subjectifs
formels : les marqueurs discursifs et les déictiques spatio-temporels.
3.2.2 Marqueurs discursifs et déictiques spatio-temporels
Montrons à travers un exemple ce que peut être le rôle des marqueurs discursifs dans
l’expression de la subjectivité du locuteur dans les constructions à personne zéro. Exposons
avant de prendre l’exemple du marqueur discursif vaa(n) ce que nous entendons par
« marqueur discursif » (« MD ») :
« – Les MD appartiennent aux classes mineures et ils sont morphologiquement
invariables.
– Ils ne contribuent pas au contenu propositionnel des énoncés et c’est pourquoi
leur présence ou leur absence ne modifie pas la valeur de vérité des
énoncés auxquels ils sont joints.
– Ils ont tendance à constituer des unités prosodiques indépendantes, si bien
qu’ils sont en général extérieurs à la structure de la phrase.
– Ils sont optionnels sur le plan syntaxique, c’est-à-dire que, dans les cas où ils
111 LAITINEN Lea, « Zero person in Finnish », Grammar from the human perspective : case, space and person in Finnish, p. 277, 2006 112 HAKULINEN Auli, « Itse-sanan merkityksestä ja käytöstä » (« À propos de la signification et de l’emploi du mot ‘itse’ »). Virittäjä, vol. 86, n°1, p. 43, 1982
65
sont joints à un énoncé, leur absence n’entraîne pas une agrammaticalité. De
plus, ils n’entrent pas dans une structure argumentale et ils peuvent occuper
différentes positions par rapport à un énoncé, s’ils ne sont pas utilisés
comme mots-phrases.
– Ils jouent un rôle au-delà de la phrase et ils relèvent de la macro-syntaxe du
discours (Blanche-Benveniste 1997).
Cette liste apporte un certain éclairage sur ce que sont les MD. Ainsi, si on
les compare à d’autres classes grammaticales, notamment aux classes de mots
invariables, ils devraient s’en distinguer par au moins un aspect. Par exemple :
– les adverbes appartiennent aux classes majeures et ils peuvent entrer dans
une structure argumentale (ex. : X-er gentiment ) ;
– les conjonctions (ou connecteurs propositionnels) jouent un rôle intraphrastique
et les prépositions agissent au sein de structures argumentales, dans la
mesure où elles servent à introduire ou bien l’argument d’un prédicat, ou
bien un circonstant. »113
3.2.2.1 Les marqueurs discursifs : l’exemple de vaa(n)114
VAA(N) genre tout jour-TRANS.SG là-bas [golf-IL] matin-AD.SG
ja illalla pois nii e ja kun
et soir-AD.SG retour ainsi CONJ et CONJ
et sillai niiku on ensi sitä 113 DOSTIE Gaétane et PUSCH Claus D., « Présentation. Les Marqueurs discursifs. Sens et Variation », Langue Française, n°154, pp.3-12, Armand Colin, 2007 114 À l’oral, la réalisation phonétique du /n/ ne se fait pas toujours.
66
que comme_ça genre être-PRÉS.3.SG d’abord ça
käydä että sitä ø oppis
aller-INF que ça-PART apprendre-COND.3.SG
pelaamaanki viälä (sg355)
jouer-INF.IL_aussi encore
« je je je pense pas que je me dépêcherai pour y aller [au golf], [il] devrait [me] rester
beaucoup de temps, [on] pourrait [je pourrais] genre prendre, [on] pourrait [je pourrais] y aller
VAA(N) [juste] pour toute la journée le matin et le soir de retour, comme ça d’abord [on] irait
[j’irais] pour apprendre [pour que j’apprenne] à jouer encore »
En (45), le marqueur discursif vaa(n) se trouve inséré dans la première construction à
personne zéro et décrit la façon dont le locuteur se positionne par rapport à son propre énoncé.
Il porte ici sur l’intention et la détermination du locuteur de réaliser une action à un
moment/pendant une durée donné/e, ici, d’aller jouer au golf pendant toute une journée. Il
semble donc que vaa(n) porte sur l’unité mennä koko päiväks « aller pour toute une journée »
mais qu’il focalise sur l’élément koko päiväks « pour toute une journée » qui lui postposé. Le
locuteur exprime l’idée qu’il pourrait effectivement faire de la sorte et pas autrement, qu’il
choisit donc cette option en écartant d’autres options potentielles115.
Vaa(n) s’intercalerait entre et porterait sur deux éléments qui forment une unité mais
focaliserait l’élément qui lui est postposé. Testons cette hypothèse en reprenant les exemples
(17) et (18) contenant ce marqueur discursif. En (17), vaa(n) est positionné entre et porte sur
les éléments kaikessa « dans tout » et ei aina onnistu « ne réussit pas toujours », et focalise
l’élément ei aina onnistu « ne réussit toujours pas ». La même analyse est applicable pour
l’exemple (18) : vaa(n) est intercalé entre et porte sur les éléments täytyis « devrait » et
putsata « dépoussiérer » et met en focus l’élément putsata « dépoussiérer ».
115 Nous reprenons ici le travail intitulé « À propos du marqueur discursif finnois vaan » réalisé par DUVALLON Outi et PELTOLA Rea et présenté au sein du groupe de travail « Analyse comparée des marqueurs discursif » le 10 avril 2015 à l’INaLCO.
67
f
Schéma 3 Fonctionnement du marqueur discursif vaa(n) dans les constructions à personne zéro à partir de l’analyse de nos exemples
La présence du marqueur discursif, témoignant de l’apport discursif du locuteur dans
la construction à personne zéro, montre bien le caractère subjectif que les marqueurs
discursifs apportent à ce type de constructions.
Prenons à présent dans les deux sous-parties suivantes un exemple de déictique qui ne
porte pas sur l’énoncé mais sur la situation d’énonciation.
Élément E1
antéposé à
VAA(N) porte sur VAA(N) porte sur
Élément E2
postposé à
VAA(N)
f
focalise
68
3.2.2.2 Les déictiques spatio-temporels : un exemple avec tääl(lä) « là »
(46)
se on muute aika jännä just että
ça être-PRÉS.3.SG autrement assez incroyable justement que
ku kauheen monis perheissä on sillai
quand terriblement plusieurs-IN.PL famille-IN.PL être-PRÉS.3.SG ainsi
että sillon et jos tulee niinku joku tämmönen
que quand que si venir-PRÉS.3.SG genre certain ce_genre
tää objekti nii tai joku tämmonen tilanne ni
ce sujet ben ou certain ce_genre situation ben
se ettei voida niinku suhtautuu
ça que_NÉG-3.SG pouvoir-PRÉS genre prendre_position-PRÉS.3.SG
sillail että nyt on näin tää asia
de_la_sorte que maintenant être-PRÉS.3.SG ainsi ce chose
mä voin sulle esimerkiks pilkkoo tän
je pouvoir-PRÉS.1.SG tu-ALL par_exemple cacher-INF ce-GÉN.SG
ruuan enkä olla sillai että sun vaan
nourriture-GÉN.SG NÉG-1.SG_et être-INF de_la_sorte que tu-GÉN VAA(N)
« c’est d’autre part plutôt incroyable justement le fait que dans beaucoup de familles c’est
ainsi quand s’[il] vient genre ben ce genre de sujet ou ce genre de situation ben le fait qu’[on]
ne peut pas genre prendre position de la sorte [et dire] que maintenant il en est ainsi de cette
chose je peux par exemple te cacher cette nourriture et [toi] ne pas [te comporter] de la sorte
[et te dire] que tu dois VAA(N) [juste] être écoute tu dois bien te comporter et ici [il] faut [tu
dois] bien se [te] comporter »
69
En (46), le locuteur emploie en position frontale dans la construction à personne zéro
le déictique tääl(lä) « ici » qui réfère à une dimension spatio-temporelle dans une situation
d’énonciation imaginée par le locuteur où il s’adresse à l’interlocuteur pour lui rappeler le
devoir de bien se comporter.
Ici nous pouvons faire la distinction entre locuteur, « l’être empirique », et sujet
parlant, « l’être de discours »116, car ils sont ici deux entités qui appartiennent à deux
situations d’énonciation distinctes. Le sujet parlant, appartenant à la situation d’énonciation
contemporaine et réelle, rapporte les paroles qu’il imagine dites par le locuteur, qui lui,
appartient à la situation imaginée et rapportée par le sujet parlant. En cela, selon la théorie
polyphonique de l’énonciation d’Oswald Ducrot qui doit cette théorie à Mikhail Bakhtine117,
l’énoncé est le produit d’un sujet parlant qui impute cet énoncé à un locuteur. Ainsi deux
énoncés se superposent : celui du locuteur sur celui du sujet parlant. Le déictique tääl(lä)
renvoie bien à la situation d’énonciation du locuteur et non à celle du sujet parlant.
Dans cet exemple, plusieurs formes impersonnelles se succèdent. D’abord le passif ei
voida « on ne peut pas » dont le référent est collectif : monis perheissä « dans beaucoup de
familles ». Ensuite, les marques de la première personne du singulier : mä voin « je peux »,
qui témoignent de la superposition de l’énoncé du locuteur sur celui du sujet parlant (discours
indirect libre). Puis vient un ‘tu’-générique qui réfère à l’interlocuteur du locuteur appartenant
à la situation rapportée par le sujet parlant.
Enfin l’exemple se termine par une constructions à personne zéro dans laquelle le
déictique spatial tääl(lä) permet au locuteur d’ancrer la situation d’énonciation imaginée et
rapportée du sujet parlant, alors que le marqueur discursif vaa(n) apporte une nuance
subjective à l‘énoncé. Vaa(n) porte sur les éléments qui lui sont directement antéposé et
postposé sun « tu », sinä « tu » au génitif, et täytyy « doit » tout en focalisant l’élément qui lui
est postposé täytyy « doit », et donc sur l’idée d’obligation.
La personne zéro a une référence spécifique interprétable grâce au ‘tu’-générique et au
pronom de deuxième personne sun « tu », sinä « tu » au génitif, employés dans les
constructions précédentes. Le référent de la personne zéro est interprétable comme étant
l’interlocuteur du locuteur de la situation rapportée par le sujet parlant.
116 DUCROT Oswald, Le dire et le dit, « Chapitre VIII Esquisse d’une théorie polyphonique de l’énonciation », les éditions de Minuit, 1984 117 BAKHTINE Mikhail, Le marxisme et la philosophie du langage : essai d’application de la méthode sociologique en linguistique, Les éditions de Minuit, 1977
70
Autre élément subjectif signalé par Ducrot (1984), la conjonction « mais » en français
est considéré comme faisant partie du champ d’expression de la subjectivité du locuteur.
Voyons dans la sous-partie suivante si tel peut être le cas pour mut(ta)118 en finnois.
3.2.2.3 mut(ta) « mais », une marque de la subjectivité du locuteur ?
Selon Ducrot (1984), « mais » est une marque de la subjectivité du locuteur dans
l’énoncé, en ce que l’énonciateur-locuteur s’oppose à un autre énoncé, qui peut aussi être un
énoncé précédemment produit par lui-même. Voyons dans nos exemples si c’est le cas pour le
mut(ta) « mais » finnois en tant que cotexte119 de la personne zéro.
(47)
no nii no ja varmaan Thaimaanki kaikki
bon ben bon et certainement Thaïland_aussi tous
on hyvii paikkoja mut
être-PRÉS.3.SG bon-PAR.PL endroit-PAR.PL mais
et jos ø voi ninku valita (sg355)
que si pouvoir-PRÉS.3.SG comme choisir-INF
« bon ben bon et certainement la Thaïlande aussi tous sont de bons endroits mais si [on] peut
genre choisir »
(48)
ja emmä tiä mut millä kaupalla
et NÉG-1.SG_je savoir-PRÉS mais quel-AD magasin-AD
ei sitä ø tiedä mistä (sg437)
NÉG-3.SG ça-PART savoir-PRÉS où
« et je ne sais pas mais de quel magasin ça [on] sait pas duquel »
118 mutta en finnois standard écrit, mut à l’oral. 119 Le terme « cotexte » est pris dans son sens large : ce sont les éléments entourant un élément à proximité immédiate et plus étendue.
71
(49)
Jaana : ehä mä mitää lukenu ku mä istun bussissa
Tuula : kattelee maisemii joo
Jaana : joo
Tuula : että tääl on hienoo
«
Jaana : je n’ai rien lu quand j’étais dans le bus
Tuula : regarder les paysages ouais
Jaana : ouais
Tuula : comme c’est beau ici »
Jaana : vaikkei sielt paljo mitään
même_si_NÉG-3.SG là beaucoup rien
näkynykää mut se että
être_visible-PARTPASACT_du_tout mais ça que
ku ø oli vaan kauhee
quand être-PRÉT.3.SG juste terriblement
ihana istuu bussissa (sg437)
agréable s’assoir-PRÉS.3.SG bus-IN
«
Jaana : même s’il n’y avait pas grand chose à voir mais comme c’était juste très agréable
d’être assis[e] dans le bus »
(50)
ei ne suupaloja ole mut sellaisii
NÉG.3.SG ces bouche_portion être-PRÉS mais genre
tosi hyvii kuiteski ja kaikkii muitaki nin
très bien tout_de_même et tout-PART.PL autre-PART.PL bien
tota et ø kannattaa kokeilla (sg347)
ben que avoir_intérêt-PRÉS.3.SG essayer-INF
« ce ne sont pas des petites portions mais quand même très bonnes et d’autres aussi bon ben
il y a intérêt à essayer »
Dans les exemples (47), (48), (49) et (50), mut(ta) « mais » ne permet pas d’opposer le
contexte droit au contexte gauche mais bien plus de nuancer le contexte gauche par le
72
contexte droit. La construction à personne zéro apparaît toujours dans le contexte droit, c’est-
à-dire du côté de l’apport de nuance par rapport au contexte gauche, nuance introduite par
mut(ta) « mais ». Ainsi le locuteur se sert de la conjonction nuanciatrice mut(ta) pour mettre
en relief la construction à personne zéro dans laquelle il se positionne et renforce son
argumentation.
Schéma 4 Fonctionnement de la conjonction nuanciatrice mut(ta)
La sous-partie suivante comporte un exemple de construction à personne zéro incluant un
déictique personnel, élément formel de la subjectivité du locuteur.
3.2.2.4 Les déictiques personnels : un exemple avec la première personne du singulier
(51)
ny si pätkinä ku ollaa
maintenant donc morceau-ESS quand être-PASSIF
het ku ø rupee
immédiatement quand se_mettre_à-PRÉS.3.SG
ottaa päähä ni lähden taas (sg355)
prendre-INF tête-ILL ben partir-PRÉS.1.SG encore
« maintenant donc comme on est crevés dès que ça [me] prend la tête ben je repartirai »
Dans l’exemple (51), il y a un passage du passif à la personne zéro puis à la première
personne du singulier. La présence du passif finnois ollaa(n) « on est » au lieu d’une personne
zéro ø on litt.« ø est » est due à l’aspect inachevé (procès en cours) de la situation décrite (état
psychophysique en cours) par le locuteur120. La construction à personne zéro subordonnée
ku(n) ø rupee ottaa päähä « dès que [ça] commence à [me] prendre la tête » est juxtaposée à
sa principale ni lähden taas « alors je repartirai » où le déictique personnel de la première
personne du singulier, qui renvoie au locuteur, est formalisé par la marque –n sur le verbe.
120 D’après notre directrice Outi Duvallon. Nous avons de plus montrer que la personne zéro est possible dans les constructions où le verbe fini est un verbe modal ou de sensations et/ou de sentiments. Elle accepte bien aussi certains verbes agentifs mais pas les verbes descriptifs.
E réaffirme mut(ta) nuance E’
73
Ainsi le locuteur est présent dans son énoncé sous forme de constituant et fait référence à lui-
même par l’emploi de la personne zéro. Selon Laitinen (1995), on retrouve souvent des cas où
la personne zéro et la première personne du singulier sont tour à tour employées, ce qui est la
preuve manifeste d’une référence spécifique de la personne zéro renvoyant au locuteur.
Exposons le fonctionnement discursif de nos éléments subjectifs dans un tableau
récapitulatif.
Apport discursif
Éléments subjectifs
Porte sur…
Marqueur discursif vaa(n) …l’énoncé
(focus et mise en relief) Élément nuanceur mut(tta)
(locuteur) Tableau 7 L’apport discursif des éléments subjectifs analysés dans nos exemples de constructions à personne zéro
L’aperçu de certains éléments subjectifs dans les constructions à personne zéro dans
cette troisième partie montre le poids déterminant du locuteur dans la délimitation de la
référence de la personne zéro. Sauf cas extrêmes exposés en (42) et (43), la référence de la
personne zéro n’est jamais à proprement parler générique car elle englobe le(s) référent(s)
délimité(s) par le locuteur. Nous choisissons dès lors de parler de référence délimitée de la
personne zéro qui s’échelonne de la référence spécifique à un seul référent (monoréférence) à
la référence plurielle à deux et plus référents (pluriréférence) :
MONORÉFÉRENCE – BIRÉFÉRENCE – … -- PLURIRÉFÉRENCE
1 référent 2 référents x ≥ 2 référents
Schéma 5 Échelle de la référence délimitée de la personne zéro par le locuteur
La complexité de la délimitation de la référence de la personne zéro pose des
problèmes dans l’introduction des constructions à personne zéro dans l’enseignement du
Référence délimitée de la personne zéro
74
finnois-langue-seconde. Cela constitue l’axe de la sous-partie suivante, partie qui nous tiens
particulièrement à cœur.
3.3 Les constructions à personne zéro dans l’enseignement du finnois-langue-
seconde à travers une méthode
Notre directrice enseignante-chercheuse Outi Duvallon nous signale une constatation
qu’elle a faite à partir de la correction des travaux écrits de ses apprenants à l’INaLCO : alors
que bien souvent les apprenants maîtrisent bien le passif finnois, la personne zéro est
beaucoup plus rarement employée. L’ « erreur » récurrente que les apprenants commettent est
l’emploie du passif négatif pour le modal de possibilité : ei voida « on ne peut pas », au lieu
de sa forme à la personne zéro : ei voi « [on] ne peut pas », forme qui est beaucoup
idiomatique et grammaticale dans certains cas. Cela pourrait s’expliquer par le fait que pour
l’apprenant francophone, l’équivalent du passif finnois et de la personne finnoise est, dans les
deux cas, le « on » français et qu’il est plus naturel d’employer une forme qui a une marque
unique – celle du passif finnois – plutôt qu’une forme qui a une marque commune avec la
troisième personne du singulier.
L’objet de cette partie est l’analyse de l’enseignement des constructions à personne zéro
dans la méthode de finnois-langue-seconde Hyvin menee !121 Après nous être intéressée à
l’aspect linguistique de la référentialité et de l’expression de la subjectivité dans les
constructions à personne zéro à travers un corpus oral, en interaction, nous souhaiterions à
présent voir, dans un des domaines de l’application de la linguistique, la didactique, comment
la personne zéro est présentée, décrite et enseignée aux apprenants du finnois-langue-seconde.
Nous allons dans un premier temps exposer le classement des occurrences des
constructions à personne zéro pour les comparer aux occurrences du corpus oral et ensuite
présenter la façon dont les constructions à personne zéro sont décrites.
121 HEIKKILÄ Satu et MAJAKANGAS Pirkko, Hyvin menee ! Suomea aikuisille « Ça va bien ! Le finnois pour adultes », OTAVA, 2002
75
3.3.1 Les occurrences de personnes zéros dans Hyvin menee ! Suomea aikuisille, Satu
Heikkilä et Pirkko Majakangas, OTAVA, 2002 comparées à celles du corpus oral
Les occurrences de personnes zéros dans la méthode étudiée sont classées selon la
sémantique du verbe des constructions à personne zéro.
Sémantique de la construction verbale à
personne zéro
Forme verbale Nombre d’occurrences des
formes
L’impossibilité Ei voi « ne peut pas » (4) 4
La possibilité Voi « peut » (16), saa « peut, a le
droite de » (1)
17
La condition possible (pouvoir faire
quelque chose)/L’état possible (reste à
faire quelque chose)
Saa olla « peut être, a le droit
d’être » (1), saa nähdä « pourra
voir, reste à voir » (2)
3
L’impuissance Ei jaksa « n’en peut plus » (1) 1
L’interdiction/L’inhibition Ei saa « n’a pas le droit de » (1),
ei tarvitse « ne doit pas » (1)
2
Le sentiment/ressenti Tuntuu « a l’impression » (1) 1
L’obligation/Le devoir/La nécessité Täytyy « doit » (10), pitää « doit »
(1), piti « devait » (1)
12
Le bénéfice Jää122 « reste » (1), saa « reçoit,
a » (1)
2
L’hypothèse (jos + verbe fini agentif) Jos käyttää « si on utilise » (1),
jos syö « si on mange » (1), jos
unohtaa « si on oublie » (1)
3
L’absence de nécessite Ei olisi tarvinnut « on aurait pas
besoin de » (1), ei tarvitse « pas
besoin de » (1)
2
La condition, l’état (on « est »/ei ole
« n’est pas »)
On ikävä « ça ennuie » (1), ei ole
kiirettä « ça ne presse pas » (1),
on rahaa « a de la l’argent » (1)
3
Le besoin Tarvitsee « a besoin de » (1) 1
Un procès cognitif Huomaa « remarque » (1) 1
52
Tableau 8 Classement des formes verbales des constructions à personne zéro dans la méthode Hyvin menee ! d’après la sémantique du verbe fini
122 Jäädä « rester » est considéré comme un verbe exprimant le bénéfice au sens où quelque chose restante est au bénéfice d’un expérient-bénéficiaire.
76
La personne zéro est, dans notre corpus regroupant les occurrences des personnes
zéros qui apparaissent dans la méthode Hyvin menee !, surtout employée avec des verbes finis
de possibilité et d’obligation (ou de devoir et de nécessité). Également avec des verbes
exprimant l’impossibilité et la condition ou l’état possible ainsi que des constructions
hypothétiques. On retrouve aussi des verbes qui expriment l’impuissance, le ressenti ou
l’opinion, le besoin et un procès cognitif, ces derniers étant très idiomatiques. Tous ces verbes
expriment des procès qui s’appliquent généralement aux être humains. Ces occurrences
représentent bien les différents emplois de la personne zéro et donnent une très bonne idée
aux apprenants du finnois-langue-seconde des différents verbes employés dans les
constructions à personne zéro, à condition de les mettre en évidence.
Si nous comparons ces occurrences à celles de notre corpus oral123 du point de vue de
la caractéristique modale du verbe dans les constructions à personne zéro relevées, le corpus
de la méthode Hyvin menee ! a 19,2% de ses occurrences qui s’avèrent être des constructions
dans lesquelles le verbe fini n’est pas modal alors que dans notre corpus oral, 40,3% des
occurrences correspondent à des constructions dans lesquelles le verbe fini n’est pas un verbe
modal. La méthode met donc en avant les emplois modaux et traite peu des emplois non-
modaux alors que ce qui ressort du corpus oral c’est que les emplois modaux et non-modaux
sont aussi fréquents les uns que les autres.
Les constructions à personne zéro dans Hyvin menee ! apparaissent dans les dialogues
fabriqués et plus rarement dans les consignes. Lors de leur apparition, aucune explication
d’ordre grammaticale n’est faite. Ce n’est qu’à la séquence n°21124 que les constructions à
personne zéro font l’objet d’une explication métalinguistique – l’introduction étant donc
d’une certaine manière implicite. Observons dans la sous-partie suivante cette explication
métalinguistique.
3.3.2 La description des constructions à personne zéro dans la méthode Hyvin menee !
Dans la séquence n°21, on présente dans un encart les constructions à personne zéro. La
construction à personne zéro est appelée kuka tahansa-lause litt. « la phrase à n’importe qui ».
123 Voir la présentation de la méthode dans les annexes. 124 La méthode Hyvin menee ! comporte 24 séquences. Les occurrences de personnes zéros s’étalent du 8e au 21e chapitre.
77
Elle est listée et s’oppose à d’autres types de phrase qui sont :
- la phrase de base Sujet-Verbe-Objet (SVO),
- la phrase en mitä « qu- » interrogative (question ouverte),
- la phrase possessive (pronom personnel à l’adessif + être-3.SG « avoir/posséder »).
L’appellation kuka125 tahansa-lause implique que dans ce type de construction l’agent est
toujours humain. Voici la définition donnée : « le verbe est toujours à la troisième personne
du singulier. Il exprime ce qu’on peut en général faire ou que n’importe qui peut faire. » La
définition est donc très focalisée sur le caractère générique des constructions à personne zéro.
Cette définition est appuyée par les exemples suivants :
« Si [on] a beaucoup d’argent, [on] peut acheter un grand appartement. »
(54)
Puseroa ø voi sovittaa tuolla.
Pull-PART.SG pouvoir-PRÉS.3.SG essayer-INF là-bas
« Le pull peut être essayé là-bas »
(55)
ø Huomaa, että olen väsynyt.
Remarquer-PRÉS.3.SG que être-PRÉS.1.SG f fatigué
« [Ça se] remarque que je suis fatigué » 125 kuka « qui » réfère forcément à un être humain ou du moins vivant.
78
(56)
Jos ø syö paljon karamellia,
Si manger-PRÉS.3.SG beaucoup caramel-PART.SG
tulee huono olo.
venir-PRÉS.3.SG mauvais-NOM.SG état-NOM.SG
« Si [on] mange beaucoup de caramel, [on] se sent mal »
Les exemples (52) à (56) montrent bien le caractère générique de ce type de
constructions. Ils décrivent des situations qui sont hors de leur contexte très générales et
applicable à n’importe quel individu, du même type d’emploi que les proverbes en (42) et
(43). Cela donne une idée assez réduite du vaste et fréquent emploi quotidien de la personne
zéro par le locuteur finnophone comme nous avons pu le voir à travers notre corpus oral.
En effet, la méthode Hyvin menee ! donne une idée de la grammaire différente de celle
la spontanéité de la langue que nous avons esquissée à l’aide de notre corpus oral. L’image de
la grammaire de la méthode est celle qu’un langage objectif où l’implication du locuteur est
minimale alors qu’en interaction, c’est la subjectivité du locuteur qui ressort.
Voyons à présent comment appliquer notre analyse linguistique à la didactique.
3.3.3 L’apport de notre analyse pour l’enseignement du finnois-langue-seconde
Les deux notions qui nous semblent importantes à prendre en compte dans l’emploi
des constructions à personne zéro sont la délimitation de la référence par le locuteur et le
positionnement du locuteur par rapport à son énoncé (notamment dans un but
argumentatif126). Ces deux notions peuvent aider dans l’enseignement des constructions à
personne zéro aux apprenants du finnois-langue-seconde.
126 Selon le cadre européen commun de références des langues (CECRL), argumenter correspondrait à un niveau d’utilisateur indépendant (B1) dans la langue en cours d’apprentissage : http://www.coe.int/T/DG4/Linguistic/Source/Framework_FR.pdf
79
3.3.3.1 La notion de délimitation de la référence par le locuteur dans l’enseignement des
constructions à personne zéro aux apprenants du finnois-langue-seconde
La définition des constructions à personne zéro par leur caractère générique est
insuffisante pour permettre aux apprenants la production interactionnelle de ce type de
constructions dans une perspective communicative. Dans notre corpus oral, nous avons
montré combien le locuteur a une place importante dans ce type de construction car c’est lui
qui délimite le champ référentiel de la personne zéro. Son emploi en interaction montre bien
que la référence de la personne zéro dépend du locuteur et de la situation d’énonciation.
Ainsi, l’apprenant du finnois-langue-seconde doit pouvoir avoir accès à des exemples
où la référence de la personne zéro peut être interprétée facilement selon la situation
d’énonciation. Même si ces exemples sont présents dans la méthode à travers des dialogues,
ils restent implicites et l’apprenant n’en prend pas forcément instinctivement note. Des
exercices destinés aux apprenants peuvent alors être conçus de façon à ce que l’apprenant soit
amené à réfléchir sur la référence délimitée par le locuteur et la situation d’énonciation par
l’analyse de la situation d’énonciation elle-même et de la relation interactionnelle entre les
participants au discours.
3.3.3.2 Le positionnement du locuteur par rapport à son énoncé dans l’enseignement des
constructions à personne zéro aux apprenants du finnois-langue-seconde
Les éléments subjectifs dans les constructions à personne zéro traités en 3.2 peuvent
servir à l’enseignement de ces constructions. Ils peuvent aiguiller l’interprétation de la
référence de la personne zéro mais aussi permettre de comprendre le rôle et le positionnement
du locuteur dans ces constructions.
Employés notamment dans un but argumentatif ou justificatif dans les constructions à
personne zéro, leur maniement peut être assimilé par les apprenants du finnois-langue-
seconde grâce à l’exposition à des exemples dans lesquels le locuteur se positionne dans un
énoncé à personne zéro et par des exercices où l’apprenant est amené à produire des
constructions à personne zéro dans lesquels il prend position par rapport à son énoncé en
employant des éléments subjectifs tels que les marqueurs discursifs.
80
Cette dernière sous-partie au sujet de la didactique se veut être une première réflexion
sur l’enseignement des constructions à personne zéro aux apprenants du finnois-langue-
seconde.
81
Conclusion Dans ce travail, il a été question de trouver ce qui contribue à l’expression de la
référentialité de la personne zéro d’une part et de la subjectivité du locuteur d’autre part dans
les constructions à personne zéro en finnois. Nous nous sommes d’abord focalisée sur la
référence de la personne zéro pour montrer que l’opposition entre référence générique et
référence spécifique donnait une description trop idéale et simplifiée de la réalité de la
référence de la personne zéro, et que – la notion d’inférence nous permettant d’aboutir à cette
démonstration – la personne zéro a plutôt une référence délimitée et sélectionnée
individuellement par le locuteur dans la situation d’énonciation, à l’aide d’éléments subjectifs
d’une part et spatio-temporels et conjonctifs d’autre part.
Le critère syntaxico-sémantique est lui aussi central. Les constructions à personne zéro
acceptent bien les verbes modaux, de sentiments ou à expérient, le sujet-agent ou objet-
expérient étant des êtres humains. Cette particularité syntaxico-sémantique entre en compte
pour différencier l’emploi de la construction à personne zéro avec l’emploi d’autres formes
concurrentes ou complémentaires. Outre les constructions qui viennent d’être mentionnées, le
corpus oral montre qu’il y a tout de même un équilibre partagé avec l’emploi de structures
agentives. Par ailleurs, l’ordre des éléments dans les constructions à personne zéro a son
importance car il témoigne de la subjectivité du locuteur.
Alors que l’expression de la subjectivité dans l’emploi de la personne zéro est peu
présente dans le corpus écrit de la méthode Hyvin menee !, elle est manifeste concernant le
corpus oral. Il y aurait une différence d’emploi de la personne zéro entre l’écrit et l’oral :
différence discursive qu’il faudrait approfondir en diversifiant notre corpus.
Nous souhaiterions dans notre mémoire de Master 2, nous focaliser entièrement sur la
notion de subjectivité dans les constructions à personne zéro – c’est-à-dire d’approfondir la
partie 3. de ce premier travail de recherche – dans l’idée d’étudier le comportement d’un ou
plusieurs marqueurs discursifs dans l’énoncé à personne zéro. Nous envisageons en outre de
travailler sur un corpus oral élargi en tenant compte de la prosodie.
82
Annexes
83
Gloses […] : élément traduit en français mais qui n’existe pas sous forme de
constituant dans la version finnoise
ACC : accusatif, cas objet des pronoms personnels
AD : adessif, cas locatif statique externe
ALL : allatif, cas locatif dynamique externe
COND : forme du verbe au conditionnel
CONJ : conjonction
ÉLA : élatif, cas locatif séparatif interne
ESS : essif, cas étatique ou locatif statique
GÉN : génitif, cas possessif ou cas de l’objet grammatical total
ILL : illatif, cas locatif dynamique interne
IMP : impératif
INF : forme infinitive du verbe
INTERJ : interjection
NÉG : négation
NOM : nominatif, cas du sujet grammatical
PART : partitif, cas de l’objet grammatical partiel
PARTAG : participe à agent
PARTASSERT : particule assertive ky(l(l)ä)
PARTPASACT : forme du verbe au participe passé actif
PARTPRACT : forme du verbe au participe présent actif
PASSIF : forme du verbe au passif
PL : pluriel
PRÉS : forme du verbe au présent
PRÉT : forme du verbe au prétérit
RÉFL : pronom réfléchi itse
QUANTPART : quantifieur au partitif
SG : singulier
TRANS : translatif, cas transformationnel
84
Présentation-‐résumé du corpus
1) Enregistrement SG355 Durée : 61 min
Lieu : Forssa, Kanta-Häme (Finlande)
Date : 27 novembre 2004
Participants à la conversation : 2 femmes et 2 hommes
Situation : face-à-face. Mikko, Mirja, Jaska et Jaana font un pikkujoulu127 chez Jaana et Jaska.
Mikko et Mirja, Jaska et Jaana sont respectivement en couple.
Dialecte : tavaste (parler du Häme)
Nombre d’occurrences d’énoncés à personne zéro : 51
Sujets abordés :
• Qui s’assied où ? • Les cadeaux de Jaana
• La vieille montre de Jaana, la vieille
stéréo de Jaana, la panoplie de vielle
vaisselle poussiéreuse de la gamme Sotka
de la marque Arabia de Jaana
• À propos de bateau à voile
• Le jour de fête de Jaana (fête du prénom
Jaana, fête des Jaana)
• À propos d’un autre
pikkujoulu
• La vaisselle de marque • Problèmes techniques avec le
climatiseur de Jaaska
• Le voyage de Jaska à Keuruu • Les nouveaux meubles de
Mirja
• Le travail de Jaska • Le petit copain de Sari
• L’aménagement du chalet de Jaska et
Jaana
• Mirja chanceuse à une
tombola
• La préparation du glögi • La gueule de bois de Mikko
127 Litt. « petit Noël » : petite fête entre amis pré-Noël très populaire en Finlande.
85
• Pourquoi Jaana a tardé à la séance de
remise en forme psycho-sociale
• Les voisins
• Jaana parle d’un fauteuil acoustique
relaxant
• À propos du chien
• Jaana et Jaska à Turku faisant du vélo • Les effets de la pleine-lune
• Le glögi • À propos des enfants
• L’usine de verre de la famille de Mikko • Jaska veut aller fumer une
cigarette
• Le mal de main de Mirja • À propos d’un accident de
voiture
• À propos Korgo • À propos d’un tableau
provenant de Tanzanie
appartenant à Liisa, la fille de
Jaana et de Jaska
• Les aventures de Mikko et Mirja dans un
hôtel en Espagne
• À propos de l’héritage
familial de Jaana
• Le golf • Inventaire des belles choses
que Jaana (et Jaska)
possèdent
• À propos d’un homme très grand de taille • Souvenirs de jeunesse
Constructions à personne zéro modales128
Constructions à personne zéro non-modales129
Nombre total d’occurrences
42 9 51 Tableau 9 Comptage des occurrences des constructions à personne zéro modales et non-modales dans le corpus de l’enregistrement SG355
128 Les constructions modales sont des constructions qui ont comme verbes modaux finis des verbes exprimant la possibilité, la suggestion ou la probabilité, l’impossibilité, l’obligation, l’inhibition ou l’interdiction, la nécessité, l’absence de nécessité 129 Les constructions non-modales sont des constructions qui ont des verbes non-modaux finis qui sont des verbes d’activité, des verbes décrivant un procès cognitif, des verbes agentifs dans des constructions hypothétiques en jos « si », des verbes exprimant le sentiment, le ressenti ou l’envie, des verbes exprimant l’impuissance, des verbes décrivant l’état du participant humain.
86
2) Enregistrement SG437 Durée : 85 min
Lieu : Vantaa, Uusimaa (Finlande)
Date : novembre 2006
Participants à la conversation : 2 femmes
Situation : face-à-face. Jaana et Tuula sont sœurs.
Dialecte : le parler de la région de Helsinki
Nombre d’occurrences d’énoncés à personne zéro : 78
Sujets abordés :
• À propos de rideaux • L’état de santé de Merja
• La vieillesse • Les voyages à l’étranger
• La médication intempestive • Le train
• Problèmes de santé • Le travail de Leena
• La nourriture • Le département du service
alimentaire au travail de Jaana
• La publicité à Noël • Les entreprises
• Manger pendant les voyages à l’étranger • Une alcoolique au travail de Jaana
• À propos de la destination des vacances d’été • La maison d’Antti
• La cigarette • L’envoi de cartes de Noël
• À propos du repas de Noël • Problèmes de dos
• La mort du père de Leena
Constructions à personne zéro modales
Constructions à personne zéro non-modales
Nombre total d’occurrences
35 43 78 Tableau 10 Comptage des occurrences des constructions à personne zéro modales et non-modales dans le corpus de l’enregistrement SG437
87
Présentation de la méthode Hyvin menee ! Suomea
aikuisille, Satu Heikkilä, Pirkko Majakangas, OTAVA, 2002
Organisation de la méthode
La méthode comporte 24 séquences correspondant chacune à des situations de
communication. Chaque séquence comprend des parties qui correspondent à des actes de
paroles. Pour chaque acte de parole (thèmes et situations) on traite du lexique et de
constructions linguistiques.
Les occurrences de personnes zéros
La personne zéro n’est pas indiquée dans le sommaire en tant qu’appartenant à la
partie « constructions ». La méthode est très centrée sur le système personnel traditionnel. Il y
a une forte présence de pronoms personnels sous toutes les formes et dans des constructions
qui ne nécessitent pas forcément leur présence. Les occurrences de constructions à personne
zéro s’étalent de la séquence 8 à la séquence 21.
Constructions à personne zéro modales
Constructions à personne zéro non-modales
Nombre total d’occurrences
42 10 52 Tableau 11 Comptage des occurrences de constructions à personne zéro modales et non-modales dans la méthode Hyvin menee !
88
Bibliographie
BAKHTINE Mikhail, Le marxisme et la philosophie du langage : essai d’application de la
méthode sociologique en linguistique, Les éditions de Minuit, 1977
BENVENISTE Émile, Problèmes de linguistique générale, Chapitre VI : Catégories de
pensée et catégories de langue, Gallimard, 1966
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Variation », Langue Française, n°154, pp.3-12, Armand Colin, 2007
DUVALLON Outi, PELTOLA Rea « À propos du marqueur discursif finnois vaan »,
présentation dans l’atelier de travail « Analyse comparée des marqueurs discursif », INaLCO,
Paris, 10 avril 2015
DUVALLON Outi, « Exprimer son identité par des moyens grammaticaux : la mise en scène
du « moi », Cahiers de la Nouvelle Europe. Langues et identités finlandaises, n°9, pp.67-87,
2009
DUCROT Oswald, Le dire et le dit, les éditions de Minuit, 1984
HAKULINEN Auli, « Itse-sanan merkityksestä ja käytöstä » (« À propos de la signification et
de l’emploi du mot ‘itse’ »). Virittäjä, vol. 86, n°1, p. 43, 1982
HAKULINEN Auli and KARTTUNEN Lauri, « Missing Persons : On Generic Sentences in
Finnish », 1973
HEIKKILÄ Satu, MAJAKANGAS Pirkko, Hyvin menee ! Suomea aikuisille « Ça va bien !
Le finnois pour les adultes », OTAVA, 2002
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Virittäjä, vol. 2, p. 186-206, 2008
HELASVUO Marja-Liisa, JOHANSSON Marjut, « Construing reference in context Non-
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Functional and cognitive perspectives, vol. 60, p. 27, 2008.
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