Top Banner
Monsieur Emmanuel Ma Mung L'expansion du commerce ethnique : Asiatiques et Maghrébins dans la région parisienne In: Revue européenne de migrations internationales. Vol. 8 N°1. pp. 39-59. Citer ce document / Cite this document : Ma Mung Emmanuel. L'expansion du commerce ethnique : Asiatiques et Maghrébins dans la région parisienne. In: Revue européenne de migrations internationales. Vol. 8 N°1. pp. 39-59. doi : 10.3406/remi.1992.1593 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remi_0765-0752_1992_num_8_1_1593
23

L'expansion du commerce ethnique : Chinois et Maghrébins dans la région parisienne (1992)

Mar 28, 2023

Download

Documents

Welcome message from author
This document is posted to help you gain knowledge. Please leave a comment to let me know what you think about it! Share it to your friends and learn new things together.
Transcript
Page 1: L'expansion du commerce ethnique : Chinois et Maghrébins dans la région parisienne (1992)

Monsieur Emmanuel Ma Mung

L'expansion du commerce ethnique : Asiatiques et Maghrébinsdans la région parisienneIn: Revue européenne de migrations internationales. Vol. 8 N°1. pp. 39-59.

Citer ce document / Cite this document :

Ma Mung Emmanuel. L'expansion du commerce ethnique : Asiatiques et Maghrébins dans la région parisienne. In: Revueeuropéenne de migrations internationales. Vol. 8 N°1. pp. 39-59.

doi : 10.3406/remi.1992.1593

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remi_0765-0752_1992_num_8_1_1593

Page 2: L'expansion du commerce ethnique : Chinois et Maghrébins dans la région parisienne (1992)

AbstractThe growth of ethnic trades : Chinese and North Africans in Paris areasEmmanuel MA MUNGDuring the first half-year 1989, 20% of the goodwills for sale in Paris and in the provinces around werebought by Asiatic and North Africans, which expresses the importance of those two groups incommerce. The exploitation of several thousands announcements of goodwills transfers allowed theapproach at a very fine scale, of moves referring to commercial building that cross the ethniccommerce. One establishes a strong and very differenciated growth according to groups, places andactivities through the strengthening of mercantile bases in traditionally present zones and an extensionin the outskirts. Furthermore, the analysis of goodwills moves reveals the importance of intra-communityexchanges and the weakness of inter-community flows. It allows besides to define a movement of socialmobility through mercantile activity.

ResumenLa expansión del comercio étnico : chinos y magrebíes en la régión parisienseEmmanuel MA MUNGEn el transcurso del primer semestre de 1989, el 20 % de los comercios en venta, en Paris y en losdepartamentos colindantes fueron comprados por asiáticos y magrebíest la importante presencia deestos dos grupos en la actividad comercial. El examen de varios miles de anuncios de traspasopermitió explorar de manera muy aguda los movimientos referentes a los bienes inmobiliarioscomerciales que atraviesan el comercio étnico. Se pone de manifiesto una fuerte expansión, muydiferenciada según los grupos, los lugares y las actividades a través del fortalecimiento de las basescomerciantes en las zonas de presencia tradicional, y una extension en las periferias urbanas. Por otraparte, el anàlisis de los movimientos de los establecimientos comerciales pone de manifies laimportancia de los intercambios intracomunitarios y las escases de los flujos intercomunitarios.Además, permite poner de relieve un movimiento de mobilidad social a través de la actividadcomerciante.

RésuméL'expansion du commerce ethnique : Chinois et Maghrébins dans la région parisienneEmmanuel MA MUNGAu cours du premier semestre 1989, 20 % des fonds de commerce proposés à la vente à Paris et dansles départements limitrophes ont été achetés par des Asiatiques et des Maghrébins, ce qui traduitl'importance de la présence de ces deux groupes dans le commerce. L'exploitation de plusieurs milliersd'annonces de mutations de fonds de commerce a permis d'approcher à une échelle très fine lesmouvements concernant l'immobilier commercial qui traversent le commerce ethnique. On constate uneforte expansion très différenciée selon les groupes, le lieu et les activités à travers le renforcement desbases commerçantes dans les zones de présence traditionnelle et une extension dans les périphériesurbaines. Par ailleurs, l'analyse des mouvements de fonds de commerce révèle l'importance deséchanges intra-communautaires et la faiblesse des flux inter-communautaires. Elle permet en outre dedégager un mouvement de mobilité sociale à travers l'activité commerçante.

Page 3: L'expansion du commerce ethnique : Chinois et Maghrébins dans la région parisienne (1992)

39

Revue Européenne des Migrations Internationales Volume 8 - N° ! 1992

L'expansion du commerce

ethnique : Asiatiques et

Maghrébins dans la région

parisienne

Emmanuel MA MUNG

Au cours du premier semestre 1989, plus de 20 % des fonds de commerce proposés à la vente à Paris et dans les départements limitrophes — Hauts de Seine, Seine Saint-Denis, Val de Marne — ont été achetés par des Asiatiques et des Maghrébins (sources : voir annexe). Cette situation remarquable est l'expression du développement de l'entreprenariat ethnique amorcé depuis la fin des années soixante-dix, ce qui s'est traduit par une augmentation sensible du nombre d'entrepreneurs de nationalité étrangère (Cf Marie C.V. 1992).

LE COMMERCE ETHNIQUE : CADRE HISTORIQUE ET DÉFINITION

Si le phénomène de l'entreprenariat ethnique est largement exploré en Amérique du Nord sous le thème de l'Ethnie Business ou de l'Ethnie Entrepreneurship('), la présence des étrangers dans les activités indépendantes est encore peu étudiée en France. Cela tient à son caractère récent — ou plus précisément au caractère récent qu'on lui attribue, car celle-ci était beaucoup plus sensible avant la seconde et même la première guerre mondiale — mais également au fait que l'approche des migrations internationales sous l'angle des groupes ou des communautés ethniques est relativement récente.

L'ANCIENNETÉ DE LA PRÉSENCE DES ÉTRANGERS PARMI LES COMMERÇANTS

Le recensement de 1911 dénombrait 121 000 entrepreneurs de nationalité étrangère (contre 60 830 en 1982) et « le pourcentage des travailleurs indépendants dans la population active étrangère était quatre fois plus élevé qu'aujourd'hui :

Page 4: L'expansion du commerce ethnique : Chinois et Maghrébins dans la région parisienne (1992)

Emmanuel MA MUNG

20,4 % en 1911 contre 5,8 % en 1988. Avant la première guerre mondiale, la plus grande majorité des artisans (67 000) et des commerçants (43 000) étrangers était composée d'Européens venant des pays frontaliers (1/3 de Belges spécialisés dans l'hôtellerie et les cafés, 1/3 d'Italiens installés dans le bâtiment, le tiers restant étant constitué de Suisses (hôtels, horlogerie, ébénisterie) d'Allemands et de Juifs d'Europe centrale) » (Simon G. 1990 a). Durant l'entre deux guerres, l'origine géographique des immigrants qui s'installent dans le commerce et l'artisanat se diversifie. Des Chinois s'établissent commerçants dans les années vingt (Archaimbault C. 1952, Live Y.S. 1989) et des Maghrébins se fixent plus nombreux dans Paris et sa banlieue (Rager J.J. 1950, Chevalier L. 1947, Kerrou M. 1987) tels les Soussi du Maroc à Gennevilliers (Ray J. 1938). La dépression des années trente, la montée des sentiments xénophobes aboutissent pour les étrangers à une série de mesures discriminatoires visant la main-d'œuvre salariée (loi du 10 août 1932) mais aussi les travailleurs indépendants et les professions libérales : interdictions de s'inscrire au Barreau (loi du 19 juillet 1934), d'exercer la médecine et la chirurgie dentaire (loi du 26 juillet 1935) ; à partir de la même année les artisans devront posséder une carte d'identité spéciale servant à la fois de permis de séjour et d'autorisation d'exercice de la profession (décret du 8 août 1935) et les commerçants devront avoir une carte de commerçant étranger (loi du 12 novembre 1938). Les mesures concernant les commerçants et les artisans ne seront levées qu'en 1984 : loi du 17 juillet 1984 dispensant de la carte de commerçant les étrangers titulaires d'une carte de résident, (les personnes titulaires d'une simple carte de séjour restent soumises à la loi de 1938). Ces mesures discriminatoires et la politique ouvertement xénophobe et raciste de l'État français durant la deuxième guerre contribuèrent à réduire considérablement la présence étrangère parmi les entrepreneurs. Ce n'est qu'à partir des années soixante-dix que cette présence redevient sensible.

LE COMMERCE ETHNIQUE, ESSAI DE DÉFINITION ET PISTES DE RECHERCHE

En France, l'apparition du terme ethnique pour désigner des phénomènes urbains contemporains est relativement récente (De Rudder V. 1990). En ce qui concerne plus précisément le commerce ethnique, l'expression recouvre des choses différentes : le commerce pratiqué par les étrangers, acception la plus courante ; le commerce pratiqué par des groupes ethniques (le critère de la nationalité n'intervient plus) ; le commerce pratiqué par certains groupes ethniques en direction de leur propre communauté (Guillon M., Taboada-Leonetti I. 1986) la distribution vers les populations autochtones étant qualifiée, selon le produit, de commerce banal ou de commerce exotique.

Compte tenu des remarques précédentes on peut esquisser une définition minimale du commerce ethnique (reprise de Ma Mung 1991 b et c). Il s'agit de l'activité pratiquée par des personnes qui utilisent et s'appuient sur des réseaux de solidarité ethnique sur le plan du financement, mais aussi sur le plan de l'approvisionnement, sur celui du recrutement du personnel et parfois même sur celui de l'achalandage lorsque ce commerce vise en premier lieu comme clientèle la communauté dont est issu le commerçant. Cette expression est donc plus restrictive que celle de commerce ou commerçants étrangers qui désigne les commerçants de nationalité ou d'origine étrangère car parmi eux un certain nombre utilisent peu ou

Page 5: L'expansion du commerce ethnique : Chinois et Maghrébins dans la région parisienne (1992)

L'expansion du commerce ethnique : Asiatiques et Maghrébins dans la région parisienne 41

pas du tout les réseaux ethniques ; mais elle est plus large que celle de commerce ethnique entendue au sens de la distribution par un commerçant de produits spécifiques à des membres de la communauté dont il est issu(2). Cette définition s'applique adéquatement au commerce des Asiatiques et des Maghrébins.

Le développement des activités indépendantes au sein d'un certain nombre de groupes issus de l'immigration conduit à de nombreuses interprétations parmi lesquelles on peut citer les suivantes : certains auteurs comme l'indique M. Morokvasic (1991) voient l'accès à l'entreprenariat et au travail indépendant comme un moyen de contourner les obstacles à l'insertion sur le marché du travail et de s'affranchir d'un statut désavantageux dans la société (Min P. G. 1987 ; Waldinger R. et al. 1985 ; Ward R. and Jenkins R. 1984 ; Light I. 1972 ; Portes A. and Manning R.D. 1985, etc.) et soulignent la mobilité sociale des entrepreneurs ethniques. Pour d'autres auteurs, il s'agit surtout d'une forme détournée de prolétarisation des « réfugiés du marché du travail » (labour market refugees) et de la formation d'une « lumpen bourgeoisie » (Jones T., Me Evoy D. 1986 ; Me Evoy D 1987 ; Jones T., Me Evoy D., Paulson-Box E. 1990 ; Jones T., Me Evoy D. 1991). Certains auteurs y voient, surtout à propos des artisans, une désalarisation formelle dans le cadre d'une externalisation du coût de la main- d'œuvre (Pallida S. 1987 ; Garson J.-P., Mouhoud E.-M. 1989)(3).

Qu'il s'agisse des différentes acceptions ou des diverses interprétations une dimension est le plus souvent absente ou n'est pas explicitement prise en compte : la place de l'entreprenariat et de l'exercice d'activités indépendantes dans les stratégies de reproduction des communautés ethniques.

La pratique du commerce et d'une façon plus large d'une activité indépendante s'inscrit-elle dans une stratégie strictement individuelle d'autonomie et de mobilité sociale ou dans une stratégie collective de reproduction ? L'entreprenariat est-il une des modalités centrales ou marginales de cette reproduction ? Cette question implique de considérer non seulement les entrepreneurs mais l'ensemble des personnes travaillant dans les entreprises afin de cerner la part que constitue l'emploi communautaire (i.e. les personnes du groupe travaillant dans les entreprises du groupe) dans la population active du groupe considéré.

La question mériterait également d'être posée à une échelle internationale car certains groupes ne fonctionnent pas seulement dans un dispositif économique strictement localisé dans un cadre national — celui du pays d'accueil — mais dans un système de réseaux transnationaux créé dans le cadre du fonctionnement en diaspora de ces groupes. Car la diaspora n'est pas seulement une dispersion, elle se définit, selon nous, sur le plan morphologique, par la multipolarité de la migration et Yinterpolarité des relations entre les différents lieux de fixation. Et, dans ce cas, le choix de travailler dans le cadre de l'entreprenariat ethnique n'est pas neutre. C'est ce que nous avons pu observer à propos des Chinois ou des Libanais par exemple. Car, aux caractéristiques morphologiques de la diaspora s'ajoute « La préservation d'une identité nationale et le développement d'une identité communautaire transnationale puissante, c'est-à-dire la conscience et le sentiment d'appartenir à un même groupe réfèrent à un territoire et une société d'origine mais aussi, et de plus en plus, dans le mouvement même de la dispersion, le sentiment d'appartenance à une même entité sociale en quelque sorte a-territoriale. Il y a dans les

Page 6: L'expansion du commerce ethnique : Chinois et Maghrébins dans la région parisienne (1992)

42 Emmanuel MA MUNG

diasporas, comme une transcendance de l'identification nationale-territoriale en une vision de soi dans une sorte d'extra-territorialité. Cette extra-territorialité trouve son expression dans le type d'activités exercées par les Chinois ou les Libanais. A la différence d'autres migrations, ils sont fortement représentés dans des professions de frontière entre production et consommation (commerçants, négociants... même si ce ne sont pas loin de là les seules qu'ils exercent) c'est-à-dire des activités qui n'impliquent pas d'enracinement territorial mais au contraire nécessitent de la fluidité, du mouvement et des migrations ». (Ma Mung E., Abdulkarim A. 1991). Sur la dimension internationale, voir Raulin A. (1991) ; Simon G. (1990 b).

DYNAMIQUES DES MUTATIONS : UNE EXPANSION SPATIALE ET SECTORIELLE TRÈS DIFFÉRENCIÉE

Comme nous le signalions en introduction, au cours du premier semestre 1989, plus de 20 % de fonds de commerce proposés à la vente à Paris et dans les départements limitrophes ont été achetés par des Maghrébins (15 %) ou des Asiatiques (5,6 %), cette proportion atteint 26,9 % en Seine Saint-Denis (sources : voir annexe).

UNE FORTE EXPANSION

Ces chiffres donnent une première idée de l'importance du commerce ethnique dans le commerce parisien, ou plus précisément dans sa partie qui est en mouvement : les fonds de commerce qui sont l'objet de transactions. Ils révèlent un très puissant mouvement d'achat et d'insertion dans la structure commerciale.

Cette présence remarquable du commerce ethnique dans les échanges de fonds de commerce s'inscrit dans un mouvement général d'augmentation du nombre d'échanges. Ainsi dans Paris intra-muros le nombre total de mutations a augmenté de 36,9 % entre 1985 et 1989.

Ces mouvements recouvrent pour chacun des groupes des échanges entre membres de la même communauté que l'on qualifiera d'échanges intra-commu- nautaires (par définition le nombre d'achats intra-communautaires est égal au nombre de ventes intra-communautaires) et des achats extra-communautaires. Dans le cas présent, qu'il s'agisse des Asiatiques et des Maghrébins, les achats extra-communautaires sont nettement supérieurs aux ventes.

Le solde entre achats et ventes traduit donc pour chaque groupe son expansion extra-communautaire.

En valeurs absolues, l'expansion maghrébine (+199) est plus forte que l'asiatique (+117) mais elle se réalise sur un nombre de transactions plus important. Le solde rapporté au total des opérations dans chaque groupe donne un indice d'expansion calculé sur la base du nombre d'opérations qui est sensiblement supérieur chez les Asiatiques (indice = 20,1) que chez les Maghrébins (indice = 12).

Page 7: L'expansion du commerce ethnique : Chinois et Maghrébins dans la région parisienne (1992)

Illustration non autorisée à la diffusion

L'expansion du commerce ethnique : Asiatiques et Maghrébins dans la région parisienne 43

Les indices d'expansion calculés à partir de la valeur marchande au moment de la transaction font ressortir des niveaux sensiblement plus élevés que ceux des indices basés sur le nombre d'opérations aussi bien pour les Asiatiques (indice = 28,9) que pour les Maghrébins (indice = 22,5).

Cette différence positive entre les deux types d'indices indique que l'expansion du commerce ethnique se fait à travers l'acquisition de fonds commerciaux ayant une valeur nettement supérieure à celle des autres établissements du groupe. Il y a donc un double caractère à ces expansions extra-communautaires : elles sont à la fois quantitatives (augmentation du nombre de fonds de commerce) mais également « qualitatives » (accroissement de la valeur marchande des acquisitions).

L'EXPANSION SPATIALE

La localisation des mutations donc des « flux » (voir tableau 1, colonnes acquisitions et cessions) suit globalement celle des commerçants de chaque groupe c'est-à-dire des « stocks » : c'est dans les arrondissements et les communes où les commerces ethniques sont les plus nombreux(4) qu'il y a le plus de mutations. Toutefois, l'adéquation entre le niveau de présence des commerçants et le nombre de mutations n'est pas parfaite. Une observation plus fine montre que certains espaces où les commerçants d'un groupe sont nombreux enregistrent peu de mutations (5e et 6e arrondissements pour les Asiatiques ; Bobigny, Drancy, 14e et 15e arrondissements pour les Maghrébins). A l'inverse, dans d'autres endroits le nombre de mutations apparaît élevé compte tenu de la faible présence du commerce ethnique (9e, 12e arrondissements pour les Asiatiques ; 9e, 10e arrondissements, la Courneuve pour les Maghrébins). Mais la différence dans la nature de la collecte des données concernant les flux et les stocks n'autorise pas de poursuivre le commentaire au-delà(5).

Une autre approche peut être faite à partir de l'analyse des seuls flux en tenant compte à la fois des indices d'expansion et des taux de circulation interne. Les échanges intra-communautaires recouvrent souvent des premières installations dans le commerce (environ 1 /3 chez les Maghrébins et 2/3 chez les Asiatiques) : les nouveaux arrivants achètent leurs fonds de commerce de préférence à un compatriote, les achats extra-communautaires étant plutôt le fait de commerçants déjà installés. D'autre part, les taux de circulation interne élevés s'enregistrent dans des espaces où la présence commerçante asiatique ou maghrébine est importante. Un taux de circulation interne élevé correspond donc à un renforcement de la base commerçante du groupe par l'arrivée de nouveaux commerçants, un taux faible indique une situation de stabilisation. En prenant en compte également les indices d'expansion, on aboutit à quatre types de situation construits à partir du tableau 1 .

Taux de circulation interne

élevé faible élevé faible

Indice expansion

élevé élevé faible faible

Types de situations

renforcement et expansion expansion dominante renforcement dominant stabilisation

II est à noter qu'à de très rares exceptions près on n'enregistre pas de situation de recul — indice d'expansion négatif — (voir tableau 1).

Page 8: L'expansion du commerce ethnique : Chinois et Maghrébins dans la région parisienne (1992)

Illustration non autorisée à la diffusion

TABLEAU 1

- Localisation

des mutation

s de fonds de com

merce

Localisation

Ensemble

Départements :

75 92 93 94

Arrondissements de Paris :

III V X XI XII XIII

.... XIV

.... XV XVII

... XVIII

... XIX

....

XX Com

munes 92 : Asnières

Boulogne Clichy

Comm

unes 93 : Aubervilliers M

ontreuil Pantin Saint-Denis Saint-Ouen

Comm

unes 94 : Ivry

Asiatiques

a •

\» . . i

j- Taux de

Ac5ul- Cessions

Mutations

Indice circulation

sitions intra-com

. expansion

interne

350 233

178 20,1

61,1 245

173 135

17,2 64,6

29 11

9 45,0

45,0 37

26 19

17,5 57,1

39 23

15 25,8

48,4 16

11 9

18,5 66,7

27 25

18 3,8

69,2 26

19 17

15,6 75,6

12 10

7 9,1

63,6 27

18 18

20,0 80,0

13 10

5 13,0

43,5 16

9 7

28,0 56,0

24 15

12 23,0

61,5 25

16 14

22,0 68,3

Maghrébins

a ■

\a . *

i j-

Taux de Ac£lul-

Cessions M

utations Indice

circulation sitions

intra-com.

expansion interne

927 728

586 12,0

70,8 450

346 273

13,1 68,6

173 149

119 7,5

73,9 208

149 127

16,5 71,1

96 84

67 6,7

74,4

10 10

7 0,0

70,0 53

37 31

17,8 68,9

65 56

48 7,4

79,3 30

24 19

11,1 70,4

24 18

14 14,3

66,7 13

9 6

17,4 54,5

18 16

9 5,9

52,9 28

25 18

5,7 67,9

84 60

54 16,7

75,0 28

26 19

3,7 70,4

46 31

28 19,7

72,7 16

13 12

7,7 82,8

13 15

10 7,1

71,4 24

21 18

6,7 80,0

28 20

17 16,7

70,8 22

20 17

4,8 81,0

18 14

13 12,5

81,2 24

19 17

11,6 79,1

21 20

15 2,4

73,2

11 9

9 10,0

90,0 Sources : annonces légales

1er semestre

1989. Rem

arques : —

seuls ont été pris en compte les espaces où le total des m

utations (acquisitions + cessions) pour un groupe est > 20.

—indice d'expansion : solde/ total i.e. (acquisitions - cessions) / (acquisitions + cessions) x 100.

—taux de circulation interne : (acquisitions intra-com

munautaires + cessions intra-com

munautaires) / (total acquisitions + total cessions) x 100.

Le numérateur est égal aux m

utations intra-comm

unautaires x 2 car une acquisition intra-comm

unautaire implique une cession intra-com

munautaire.

Page 9: L'expansion du commerce ethnique : Chinois et Maghrébins dans la région parisienne (1992)

Illustration non autorisée à la diffusion

L'expansion du commerce ethnique : Asiatiques et Maghrébins dans la région parisienne 45

TABLEAU 2 - Localisation des types de situations

Types de situations

Renforcement et expansion

Expansion dominante

Renforcement dominant

Stabilisation

Groupes commerçants

Asiatiques

XII, XVIII, XIX

92, 94, XVII

III, X, XI, XII

93, XV

Maghrébins

93, XVIII, XX Pantin, Aubervilliers

X, XIII, XIV

92, 94, XI, Asnières, Clichy, Montreuil,

St-Denis, St-Ouen, Ivry

V, XII, XV, XVII, XIX

Chiffres arabes : départements. Chiffres romains : arrondissements. Le département de Paris (75) n'est pas classé car le détail donné par les arrondissements est jugé suffisant.

A l'exception du 11e, du 15e et du 18e arrondissements il n'y a aucune correspondance entre la situation d'un groupe dans un espace donné et celle de l'autre groupe dans le même espace, tant à l'échelle du département qu'à celle de l'arrondissement ou de la commune. Cela montre le caractère extrêmement différencié de la dynamique spatiale des commerces asiatiques et des commerces maghrébins. Cela est d'autant plus vrai, qu'à une échelle encore plus fine, là où il y a apparemment correspondance, les espaces concernés ne sont pas les mêmes(6).

Pour les Asiatiques, les indices d'expansion les plus élevés s'enregistrent dans les départements des Hauts de Seine (92) et du Val de Marne (94) et dans le 17e arrondissement. Cette expansion particulièrement forte dans les Hauts de Seine est extrêmement diffuse puisqu'elle s'opère sur 13 communes, elle se fait par le biais de la restauration et du commerce non alimentaire exotique. L'expansion est moins forte dans le 17e arrondissement mais elle présente à une échelle plus fine les mêmes caractères (diffusion spatiale par le biais de la restauration et du non alimentaire exotique). Le cas du Val de Marne (94) est différent car une partie de l'expansion est liée à l'augmentation de la présence de la population asiatique dans la ville nouvelle de Marne La Vallée (on y trouve du commerce communautaire d'alimentation et de la restauration exotique).

Des indices relativement élevés concernent le 18e, le 19e et le 13e arrondissement, dans ces trois cas l'expansion est en relation avec un caractère de renforcement. Ce qui est confirmé par le fait qu'elle se réalise dans ou à l'immédiate périphérie de noyaux commerciaux asiatiques (« Triangle de Choisy » pour le 13e, Belleville et Rue de Flandres pour le 19e, Quartier de La Chapelle pour le 18e).

En ce qui concerne les Maghrébins les indices d'expansion (en moyenne plus modestes que ceux des Asiatiques) les plus forts se rencontrent dans certains arrondissements de Paris et dans la Seine Saint-Denis. L'expansion peut être le caractère dominant (10e, 13e, 14e arrondissements) ou être associé à un renforce-

Page 10: L'expansion du commerce ethnique : Chinois et Maghrébins dans la région parisienne (1992)

46 Emmanuel MA MUNG

ment de la base commerçante : Seine Saint-Denis et notamment Pantin et Auber- villiers, 18e et 20e arrondissements. C'est ce qui différencie les Maghrébins des Asiatiques : chez les premiers les indices d'expansion les plus élevés sont souvent associés à de forts taux de circulation interne, ce qui n'est pas le cas chez les Asiatiques.

D'une façon globale on peut avancer que le caractère dominant de la dynamique spatiale du commerce asiatique est l'expansion notamment dans la proche banlieue mais aussi dans Paris où elle est parfois associée à un caractère de renforcement. Le commerce maghrébin est plutôt marqué par un renforcement de sa base commerciale souvent associé à un caractère d'expansion dans le quart Nord Est de Paris et dans la banlieue Nord.

Ces situations de renforcement, d'expansion et de stabilisation sont à mettre en relation avec le mouvement général qui affecte les structures commerciales françaises dans les années récentes : regain de vitalité des hypercentres qui conforte leur polarité et renforcement de l'équipement commercial des périphéries (Delo- bez A., Péron R. 1991). Cette relation vaut surtout pour la partie du commerce ethnique orientée vers les populations autochtones (commerce de type exotique ou de type banal, voir note 2). Le commerce ethnique de type communautaire est moins affecté par l'évolution du système de distribution français que par la localisation et, plus encore, par l'augmentation de la demande des ménages immigrés qui constitue sa clientèle. En terme de polarité spatiale ce commerce communautaire se présente le plus souvent sous la forme de concentrations commerciales dont certaines peuvent atteindre une taille importante et des niveaux de polarisation spatiale d'échelle régionale voire nationale. Les plus fortes sont organisés autour ou à proximité d'une ou plusieurs grandes surfaces locomotives. C'est le cas pour les Maghrébins de la zone Barbes - La Goutte d'Or avec les établissements Tati et pour les Asiatiques du « Triangle de Choisy » (13e arrondissement) avec les établissements Tang Frères et Paris Store et du carrefour de Belleville avec ses moyennes et grandes surfaces de distribution alimentaire. Des nodules secondaires de commerce de type communautaire s'organisent également dans différents espaces de la région parisienne : asiatiques dans le 3e arrondissement (nodule imbriqué dans l'appareil fabricant-grossiste de maroquinerie), le 18e (quartier de La Chapelle), le 19e (Rue de Flandres), le 5e (quartier Maubert) et Lognes dans la ville nouvelle de Marne la Vallée, etc. ; Maghrébins entre autre à Gennevilliers, à Pantin, Saint-Denis, Montreuil, etc.

Page 11: L'expansion du commerce ethnique : Chinois et Maghrébins dans la région parisienne (1992)

Illustration non autorisée à la diffusion

L'expansion du commerce ethnique : Asiatiques et Maghrébins dans la région parisienne

L'EXPANSION SECTORIELLE

Quelles sont les activités dans lesquelles l'expansion du commerce ethnique est la plus sensible ? Quels sont les caractères qu'elle présente ?

TABLEAU 3 - Types de situations selon les activités

Types de situations

Renforcement et expansion

Expansion dominante

Renforcement dominant

Stabilisation

Asiatiques

(néant)

traiteur-charcutier, habillement, pharmacie

restaurants, alimentation générale, maroquinerie,

confection

autres services, cafés-restaurants

Maghrébins

fruits et légumes, EMAVP

laverie, librairie, coiffure, autres services, boulangerie,

restaurants, confection

boucheries, alimentation générale, cafés-restaurants,

hôtels-cafés-restaurants

habillement, cafés

Sur les sous-catégories de la Restauration voir note 7.

A l'instar du tableau 2 il n'y a pratiquement aucune correspondance entre la situation d'un groupe dans une activité donnée et celle de l'autre groupe dans la même activité. Exception faite de l'alimentation générale qui est en situation de renforcement dominant aussi bien chez les Asiatiques que chez les Maghrébins.

On observe donc comme à propos de la dynamique spatiale, un caractère extrêmement différencié de la dynamique sectorielle des commerces asiatiques et des commerces maghrébins.

Les indices d'expansion élevés ne sont pas associés à des situations de renforcement à l'exception des Maghrébins dans les fruits et légumes et l'EMAVP mais les effectifs concernés sont très faibles (voir tableau 4).

Chez les Asiatiques, l'expansion concerne les traiteurs charcutiers qui constituent une activité en plein essor ces dernières années ainsi que l'habillement et la pharmacie. La vente de plats cuisinés asiatiques et français et de charcuterie se fait surtout en direction de la population autochtone. On peut signaler le cas particulier des boucheries en très forte expansion qui elles en revanche entrent dans le cadre du commerce communautaire. Le commerce non alimentaire et les services ont un caractère d'expansion dominante et recouvrent des choses fort différentes : d'une part une diversification des activités qui sont orientées vers la population autochtone et d'autre part le développement de services en direction de la population et des entreprises asiatiques. Le renforcement concerne surtout les restaurants qui demeurent l'activité privilégiée par les nouveaux venus au commerce, le faible indice d'expansion s'explique par la saturation du marché de Paris intra-muros où près d'un restaurant sur six est asiatique (Ma Mung E. 1991 d), la situation en revanche est différente en banlieue où l'expansion se fait notamment par le biais des restaurants (voir supra). Le renforcement de l'alimentation générale se fait à

Page 12: L'expansion du commerce ethnique : Chinois et Maghrébins dans la région parisienne (1992)

Illustration non autorisée à la diffusion

TABLEAU 4 - M

utations d

e fonds de com

merce selon

les activités (7)

Activités

Ensemble

Restauration (total) Restaurant Café Café-restaurant Hôtel-café-restaurant Alim

entation (total) Alim

entation générale Boulangerie-Pâtisserie Boucherie Traiteur-Charcutier Fruits-Légum

es Autres Com

merces non alim

. et services (total) M

aroquinerie Habillem

ent E.M

.A.V

.P. (!) Bijouterie Pharm

acie Librairie Laverie Coordonnerie Coiffure Autres Artisanat et petites industries (total) Confection M

aroquinerie Produits alim

entaires Autres

Asiatiques Acqui-

_, .

Mutations

Indice Taux de

sitions essions

jntra CQm eXpansjon

circulation 350

233 178

20,1 61,1

95 77

66 10,5

76,7 80

68 60

8,1 81,1

1 0

0 —

-

11 9

6 10,0

60,0 3

0 0

-

-

87 41

33 35,9

51,6 35

27 21

12,9 67,7

2 11

10 0

0 100,0

0,0 37

10 10

57,4 42,6

2 1

1 —

10

0 —

85

52 31

24,1 45,3

15 12

10 11,1

74,1 8

5 3

23,1 46,2

6 1

I —

4

5 3

10 6

1 25,0

12,5 5

4 0

5 1

0 —

8

1 1

5 3

2 —

19

14 10

15,2 60,1

44 40

33 4,8

78,6 35

31 26

6,1 78,8

6 6

4 0,0

66,6 1

1 1

2 2

2 —

Maghrébins

Acqui- ~

. M

utations Indice

Taux de sitions

intra com.

expansion circulation

927 728

586 12,0

70,8 370

321 247

7,1 71,5

72 51

35 17,1

56,9 42

36 24

7,7 61,5

195 175

137 5,4

74,1 62

59 51

2,5 84,3

368 298

268 10,5

80,5 251

212 193

8,4 83,4

30 22

17 15,4

65,4 55

46 43

8,9 85,1

10 3

2 -

21 12

12 27,3

72,7 13

1 —

98

58 40

25,6 51,3

0 0

0 —

14

12 7

7,7 53,8

6 4

4 —

2

0 0

0 1

0 —

13

7 4

30,0 40,0

24 9

7 45,5

42,4 2

3 2

14 8

7 27,3

63,6 23

14 9

24,3 48,6

10 5

4 33,3

53,3 8

3 3

45,4 54,6

0 0

0 —

-

2 1

I —

0

1 0

-

Sources : annonces légales 1er semestre 1989.

(') EM, A, V, P : Electrom

énager, audio, vidéo, photo. Rem

arques : —

l'indice d'expansion et le taux de circulation n'ont été calculés que pour les activités où le total des mutations (acq. + ces.) pour un groupe est >

10. —

voir les remarques du tableau 1.

Page 13: L'expansion du commerce ethnique : Chinois et Maghrébins dans la région parisienne (1992)

L'expansion du commerce ethnique : Asiatiques et Maghrébins dans la région parisienne 49

Paris à travers la reprise de commerces de type communautaire mais aussi, comme en banlieue, par l'établissement de commerces de type exotique et, plus rarement, de type banal. Le cas de la confection est à traiter à part car il s'agit le plus souvent d'ateliers ayant des baux commerciaux et non de véritables commerces.

Chez les Maghrébins l'expansion domine à propos de commerces qui révèlent une diversification des activités par rapport aux secteurs traditionnels. Il s'agit des laveries, des librairies, de la confection et des salons de coiffure ainsi que de divers commerces non alimentaires et services. La même remarque s'applique aux boulangeries qui se développent dans l'ensemble de l'espace parisien et aux restaurants pour la plupart de type exotique. Il s'agit le plus souvent d'établissements de milieu de gamme qui proposent à la population autochtone une cuisine élaborée (fréquemment marocaine) et diffèrent ainsi des cafés-restaurants maghrébins plus populaires de type banal.

La situation de renforcement dominant s'enregistre surtout à propos des activités classiques maghrébines — l'alimentation générale, les cafés-restaurants et les hôtels-cafés-restaurants — qui à elles trois représentent 57,7 % des mutations de fonds de commerce où interviennent les Maghrébins. Bien que les indices d'expansion soient faibles, leur existence indiquent qu'il y a toujours une progression de ces commerces souvent de type banal, les autres étant de type communautaire.

A ces derniers on peut ajouter les boucheries pour la plupart musulmanes dont le développement amorcé depuis le milieu des années soixante-dix est plus modéré.

Bien qu'il y ait comme on l'a noté un caractère extrêmement différencié de la dynamique sectorielle des commerces asiatiques et maghrébins puisqu'elle concerne des activités complètement différentes, la communauté de situations tient en ce que le caractère dominant est le renforcement des activités classiques et l'expansion d'activités relativement nouvelles.

Si l'on tente de synthétiser les observations sur l'espace et les activités on peut avancer que l'expansion du commerce ethnique s'inscrit plus dans une dynamique spatiale que sectorielle. Au total, l'expansion est moins marquée par une diversification des activités (8) que par un déploiement spatial s'appuyant sur un renforcement dans les domaines des activités classiques.

SENS DES MUTATIONS

La figure 1 visualise le volume et la direction des mouvements de fonds de commerce (voir également le tableau 5).

L'importance des flux avec le groupe français est remarquable mais les échanges sont au net désavantage de celui-ci qui cède 454 établissements alors qu'il n'en acquière que 1 18. Les cessions concernent principalement le commerce d'alimentation (138) et la restauration au sens large (133) principalement les cafés et cafés-restaurants (88), c'est-à-dire les activités commerciales considérées comme les plus en crise.

Page 14: L'expansion du commerce ethnique : Chinois et Maghrébins dans la région parisienne (1992)

Illustration non autorisée à la diffusion

Illustration non autorisée à la diffusion

50 Emmanuel MA MUNG

586

Figure 1 - Mouvements de fonds de commerce en direction ou en provenance des Asiatiques et des Maghrébins

(en nombre d'opérations) Sources : annonces légales

TABLEAU 5 - Mutation de fonds de commerce selon l'origine ethnique des opérateurs

Acquéreurs

Maghrébins Asiatiques Français Autres

Total

Maghrébins 586

16 87 39

728

Cédeurs Asiatiques

15 178 31 9

233

Français

306 148 n.d. n.d.

454

Autres

20 8

n.d. n.d.

28

Total

927 350 118 48

1443 Sources : annonces légales 1er semestre 1989. n.d. : non disponible.

Page 15: L'expansion du commerce ethnique : Chinois et Maghrébins dans la région parisienne (1992)

L'expansion du commerce ethnique : Asiatiques et Maghrébins dans la région parisienne 51

Remarquable également est la faiblesse des échanges intercommunautaires — compris ici au sens des flux entre Asiatiques, Maghrébins et autres origines — . Cette faiblesse s'explique largement par le fait que comme nous l'avons déjà noté en dehors de quelques exceptions, les commerçants asiatiques et maghrébins ne se situent ni dans les mêmes quartiers ni dans les mêmes secteurs d'activité. On est ici en présence de deux formes du commerce ethnique dont les conditions et les modalités d'insertion dans l'appareil commercial français sont différentes.

Un autre trait frappant est l'importance des échanges intra-communautaires qui constituent pour chaque groupe les flux les plus importants.

L1MP0RTANCE DES ÉCHANGES INTRACOMMUNAUTAIRES

L'interprétation de ce phénomène est relativement délicate car il recouvre des choses différentes. Si l'on retient une analyse en terme de dynamiques des groupes commerçants on peut avancer que d'une façon générale, le niveau des mouvements intra-communautaires peut être considéré comme un indicateur du degré d'ancrage du groupe dans un espace ou une activité donnés. C'est ainsi que le niveau des échanges intra-communautaires a été posé comme signe d'un renforcement de la base commerçante du groupe (voir supra : dynamiques des mutations).

Ce point de vue est conforté par le fait que le niveau des ventes à l'extérieur du groupe (ventes extra-communautaires) est remarquablement faible : 19,5 % du total des ventes chez les Maghrébins et 23,6 % chez les Asiatiques. Elles indiquent que tout se passe comme si il y avait une volonté de conservation à l'échelon du groupe.

L'importance des mouvements intra-communautaires est un des effets de la logique d'élargissement de la base commerçante du groupe qui organise le commerce ethnique (voir infra : élargissement et mobilité du commerce ethnique), le niveau de cet élargissement est mesuré par le solde entre acquisitions et cessions qui exprime la progression extra-communautaire. La base commerçante, le « stock », quant à elle, ne reste pas inerte au contraire elle est largement agitée par des flux d'achats et de ventes au sein du groupe : les mouvements intra-communautaires. Ils sont le fait des commerçants qui cèdent leur fonds à des compatriotes dans le but d'en acquérir un nouveau généralement plus important. Mais tous ces mouvements ne sont pas des échanges au sens strict car sont mis en présence non pas seulement des commerçants déjà installés mais aussi des nouveaux venus au commerce. En effet, et c'est précisément là un des effets du fonctionnement des réseaux communautaires qui organisent le commerce ethnique, c'est le plus souvent auprès d'un membre de son groupe qu'un individu désireux de s'établir commerçant va acquérir un fonds de commerce.

Quant aux acquisitions extra-communautaires, elles sont plutôt le fait de commerçants chevronnés désireux de s'étendre et de se déplacer. Ce mécanisme de vente et de revente s'inscrit dans une dynamique économique ascensionnelle basée sur la vente, avec plus value, des fonds de commerce, celui-ci étant, à l'échelle de l'individu, plus considéré comme une marchandise cessible dès qu'elle a atteint une valeur suffisante que comme un patrimoine à conserver. Il y aurait donc pour l'individu commerçant une mobilité sociale ascendante.

Page 16: L'expansion du commerce ethnique : Chinois et Maghrébins dans la région parisienne (1992)

Emmanuel MA MUNG

DES PRIX DE TRANSACTION TRÈS VARIÉS

Ce point de vue est renforcé si on observe non seulement les flux mais aussi les prix moyens des transactions entre les groupes (voir figure 2 et tableau 6).

322

503

Figure 2 - Prix moyens des cessions de fonds de commerce (en milliers de francs)

Sources : annonces légales

Plusieurs observations peuvent être faites :

a) Les prix des transactions intra-communautaires asiatiques (303 000 F) sont très proches de ceux des Maghrébins (322 000 F). Dans ces transactions les acquisitions sont le fait de personnes s'installant dans le commerce (les premières installations dans le commerce représentent entre 1/3 chez les Maghrébins et 2/3 chez les Asiatiques des échanges intra-communautaires) et de commerçants déjà

Page 17: L'expansion du commerce ethnique : Chinois et Maghrébins dans la région parisienne (1992)

Illustration non autorisée à la diffusion

L'expansion du commerce ethnique : Asiatiques et Maghrébins dans la région parisienne 53

établis recherchant un nouveau fonds de commerce et revendant ou gardant l'ancien, les ventes sont réalisées par des commerçants cédant leur fonds pour en acheter un nouveau — dans ou hors du groupe — ou des personnes quittant le commerce.

La proximité des prix intra-communautaires des deux groupes ne peut pas être expliquée par des transactions nombreuses entre eux puisqu'au contraire les échanges entre Asiatiques et Maghrébins sont faibles (voir figure 1). Cette proximité indique plutôt qu'il s'agit d'établissements dont la commercialité est très voisine — et relativement faible vu le prix moyen des fonds — bien que les créneaux commerciaux choisis et les espaces privilégiés par les deux groupes soient très différents.

Si on tient compte du fait qu'une partie importante des achats est réalisée par de nouveaux venus au commerce la proximité des prix intra-communautaires maghrébins et asiatiques indique que la disponibilité en capital initial de ces nouveaux commerçants est sensiblement la même, ils connaissent donc une certaine égalité de situation.

TABLEAU 6 - Prix moyens des transactions sur les fonds de commerce (en milliers de francs)

Acquéreurs

Maghrébins Asiatiques Français Autres Ensemble Cessions extra-comm.

Maghrébins

322 538 548 508 364

530

Asiatiques

257 303 808 111 361

539

Cédeurs Français

713 595

Autres

298 221

Ensemble

450 436

460

Acquisitions extra-comm.

664 564

Sources : annonces légales. Note : les prix moyens des transactions calculées sur de grands effectifs (ex. 306 ventes Français- Maghrébins) sont plus représentatifs que ceux calculés que de petits effectifs (ex. 8 ventes autres origines-Asiatiques).

b) Les prix des ventes extra-communautaires sont très proches (Maghrébins : 530 000 F, Asiatiques : 539 000 F). Cette observation mise en perspective avec la précédente tend à indiquer que l'égalité de situation au départ malgré les différences d'espaces d'implantation et d'activités se maintiendrait à une étape ultérieure et que la commercialité des établissements reste assez voisine.

c) Mais ces prix de ventes extra-communautaires sont nettement supérieurs à ceux des ventes intra-communautaires. Cette observation alliée au fait que les ventes internes sont beaucoup plus nombreuses que les ventes externes pourrait indiquer qu'il y a comme une tendance à la rétention des fonds de commerce à l'intérieur des groupes, les sorties (ventes externes) concernant plutôt les établissements trop chers pour trouver preneur dans le groupe.

Page 18: L'expansion du commerce ethnique : Chinois et Maghrébins dans la région parisienne (1992)

Emmanuel MA MUNG

d) Les prix d'achats extra-communautaires maghrébins (664 000 F) sont supérieurs aux asiatiques (564 000 F) ce qui indique qu'il y a une plus grande disponibilité en capital chez les premiers et que si leur expansion est plus modeste en valeurs relatives (voir supra : dynamiques des mutations) elle concerne des établissements d'une plus grande valeur commerciale.

e) Les prix d'achats extra-communautaires (Maghrébins : 664 000 F, Asiatiques : 564 000 F) sont nettement plus élevés que les prix des achats intra-commu- nautaires. Cette forte différence confirme le modèle selon lequel le commerce ethnique, aussi bien maghrébin qu'asiatique, est animé par une logique d'élargissement liée aux modes de financement et aux structures communautaires et solida- ritaires qui le conditionnent et dans une certaine mesure lui pré-éxistent.

ÉLARGISSEMENT ET MOBILITÉ DU COMMERCE ETHNIQUE

Cette logique d'élargissement (Simon G, Ma Mung E. 1990) donne naissance à un mécanisme d'acquisition — cession dans lequel tout se passe comme s'il y avait maintien du potentiel commercial du groupe (cessions intra-communau- taires) et élargissement par achat de fonds de commerce à l'extérieur du groupe, les nouveaux venus au commerce reprenant généralement les établissements de leurs compatriotes et les commerçants plus chevronnés élargissant vers l'extérieur le cercle des acquisitions (ibid p 164). En effet, une personne désireuse de s'établir commerçant dispose le plus souvent d'un capital modeste. De ce fait elle va se porter sur ce qu'on pourrait appeler le « marché ethnique de l'immobilier commercial » ressortissant à son groupe et sur lequel les prix sont plus faibles. Les achats extra-communautaires, d'un prix nettement supérieur, sont plutôt réalisés par des commerçants déjà installés ayant vendu — ou conservant — leur ancien établissement généralement sur le marché ethnique de l'immobilier commercial. C'est avec le produit de cette vente — éventuelle — , les économies pour investissements faites dans son établissement précédent et éventuellement, un emprunt communautaire ou externe (crédit bancaire) qu'il achètera son nouvel établissement^).

Ce mécanisme implique que les prix des acquisitions intra-communautaires soient moins élevés puisqu'ils sont pour partie le fait de commerçants « débutants », les acquisitions extérieures en revanche sont plus onéreuses puisqu'il s'agit plutôt d'investissements réalisés par des commerçants chevronnés et disposant de moyens plus importants(10).

L'analyse de la direction des mouvements de fonds de commerce et des prix des transactions confirme l'existence d'une logique d'élargissement qui traduit une mobilité sociale vers le haut et s'appuie sur un mécanisme d'acquisitions/ cessions que l'on a essayé de décrire.

L'autre remarque importante est que ce modèle d'élargissement s'applique de la même façon, à quelques différences minimes près, aux deux groupes.

S'il y a une mobilité sociale vers le haut, il s'agit d'une tendance, car il existe également des échecs et il n'y a pas que des « success stories » dans le commerce ethnique loin de là, la réussite est généralement modeste mais elle est le plus souvent toujours supérieure dans le commerce (le cas des artisans est différent) à celle qu'elle aurait pu être si les individus étaient restés des salariés (ce qu'ils étaient

Page 19: L'expansion du commerce ethnique : Chinois et Maghrébins dans la région parisienne (1992)

L'expansion du commerce ethnique : Asiatiques et Maghrébins dans la région parisienne 55

dans leur très grande majorité). Les échecs dans le commerce se traduisent par des faillites qui elles-mêmes se traduisent par la vente des fonds de commerce, mais l'ensemble des ventes de fonds de commerce ne constituent pas que des faillites, au contraire, elles font partie du mécanisme que nous avons essayé de décrire. Ces ventes sont souvent abusivement interprétées comme des faillites, cette interprétation est une extension de la vision du petit commerce français traditionnel très « sédentaire », fondé sur la permanence de la localisation et du type d'activité, au commerce ethnique qui, lui, est beaucoup plus mouvant, fluide et « nomade ».

ANNEXE MÉTHODOLOGIQUE

Les sources utilisées sont les « Annonces Légales ». Ces annonces mentionnent plusieurs informations : le nom du vendeur, le nom de l'acquéreur, la nature et l'adresse du fonds de commerce et le prix de vente déclaré. Elles permettent d'identifier l'origine ethnique du vendeur et de l'acquéreur, de localiser le commerce et elles donnent un élément d'appréciation sur la valeur et le niveau d'activité de l'établissement. A partir de ces annonces on peut donc observer les flux d'achats et de ventes de fonds de commerce. Pour Paris et la petite couronne (département des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne) ces journaux habilités sont les suivants : les Archives Commerciales, les Affiches Parisiennes, les Annonces de la Seine, la Gazette du Palais, le Journal Spécial des Sociétés, La Loi, les Petites Affiches, Le Publicateur Légal, Le Quotidien Juridique, la Vie Judiciaire. 6 192 annonces ont été analysées, elles concernent l'ensemble des cessions de fonds de commerce intervenues à Paris et dans les départements de la petite couronne durant le 1er semestre de 1989. Sur ces 6 192 annonces, 1 443 ont été identifiées comme faisant intervenir un Maghrébin ou un Asiatique en tant que cédeur ou acquéreur. Ce sont ces annonces qui ont fait l'objet d'un dépouillement et d'une exploitation statistique. Les annonces concernant les commerçants français ou d'autre origine ethnique n'ayant pas été acquéreur ou cédeur d'un fonds avec un commerçant maghrébin ou asiatique n'ont pas été exploitées.

Page 20: L'expansion du commerce ethnique : Chinois et Maghrébins dans la région parisienne (1992)

Emmanuel MA MUNG

Notes et références bibliographiques

(1) Voir notamment l'article de synthèse de Aldrich H.E., Waldinger R. (1990) qui fait le point sur les travaux aux États-Unis mais aussi en Europe. (2) Le commerce ethnique recouvre donc plusieurs formes de commerce que nous désignons ainsi : le commerce banal qui est la distribution de produit et services courants à une population dont n'est pas issu le commerçant, le commerce exotique, c'est-à-dire la distribution de produits spécifiques à une population dont n'est pas issu le commerçant, le commerce communautaire soit la distribution de produits spécifiques à des membres de la communauté dont est issu le commerçant. Pour une définition plus précise, voir Ma Mung E., Simon G. (1990), pp. 40-41. (3) Sur les artisans étrangers voir également Auvolat M., Benattig R. (1988). (4) Le nombre de commerçants maghrébins ou asiatiques est difficile à connaître. Il ne peut être approché que de façon indirecte en prenant en compte les commerçants étrangers selon leur nationalité auxquels on ajoute leur homologues « Français par acquisition » selon leur nationalité d'origine. A l'échelle départementale ou régionale, ceci est possible au moyen d'une exploitation particulière du recensement mais celle-ci n'est pas réalisable dans l'immédiat pour le recensement de 1990. (5) Sur la localisation voir : Guillon M., Ma Mung E. (1986) ; Ma Mung E., Simon G. (1990). (6) Dans le 18e arrondissement le renforcement et l'expansion du commerce maghrébin s'opèrent à la périphérie du quartier de la Goutte d'Or, ceux du commerce asiatique sont surtout localisés dans une concentration commerciale dans le quartier de la gare de La Chapelle. Dans le 15e arrondissement la stabilisation concerne une implantation très diffuse des commerces des deux groupes à propos d'activités très différents (alimentation générale pour les Maghrébins, restauration pour les Asiatiques). En revanche, dans le 1 Ie arrondissement, le renforcement se réalise le plus souvent dans le même espace situé à proximité de Belleville. (7) La désagrégation en sous-catégories des catégories Alimentation, commerce Non Alimentaire et Services... se justifie de façon évidente, il s'agit d'activités nettement différenciées. Celle de la catégorie Restauration peut apparaître artificielle, elle se justifie par le fait que les restaurants sont des établissements qui se consacrent exclusivement à la restauration, les cafés sont uniquement des débits de boissons, les cafés-restaurants sont des débits de boissons proposant quelques plats, les hôtels-cafés- restaurants font surtout de l'hôtellerie. La distinction la plus discutable est peut-être celle entre cafés et cafés-restaurants. (8) L'approche retenue ne permet pas de voir que s'opère une diversification des activités classiques. Elle est particulièrement sensible pour les restaurants qui ciblent de façon de plus en plus fine leur clientèle — agissant ainsi comme leurs homologues français — dans l'Alimentation Générale où l'on voit que la distribution est elle aussi plus précisément ciblée en fonction des caractéristiques socio-démographiques et des solvabilités de l'achalandage. (9) Un mécanisme proche de celui-ci est décrit à propos des Coréens aux États-Unis in Portes A., Manning R.D. (1985). (10) Sur les réinvestissements commerciaux des commerçants tunisiens en France voir notamment Boubakri H. (1985).

ALDRICH (H.E.), WALDINGER (R.), 1990. « Ethnicity and entrepreneurship », Annual Review of Sociology, vol. 16, p. 111-135. ARCHAIMBAULT (C), 1952. « En marge du quartier chinois », Bulletin de la Société d'Etudes Indochinoises, nouvelles séries, XVII n° 3, Paris. AUVOLAT (M.), BENATTIG (R.), 1988. « Les artisans étrangers en France », Revue Européenne des Migrations Internationales, vol. 4, n° 3, p. 37-54. BOUBAKRI (H.), 1985. « Modes de gestion et réinvestissements chez les commerçants tunisiens à Paris », Revue Européenne des Migrations Internationales, vol. 1, n° 1, p. 49.

Page 21: L'expansion du commerce ethnique : Chinois et Maghrébins dans la région parisienne (1992)

L'expansion du commerce ethnique : Asiatiques et Maghrébins dans la région parisienne 57

CHEVALIER (L.). Le problème démographique nord-africain, P.U.F., Paris, 1947. DELOBEZ (A.), PERON (R.), 1991. Les zones d'aménagement concerté et le commerce de centre- ville, in Actes du colloque « Le commerce des centres-villes », Presses de l'Université de Limoges et du Limousin. DE RUDDER (V.), 1990. « La cohabitation pluri-ethnique et ses enjeux », Migrants- Formation, n°80. GARSON (J.P.), MOUHOUD (E.M.), 1989. « Sous-traitance et désalarisation formelle de la main- d'œuvre dans le BTP », in La note de l'IRES, n° 19, p. 36-47. GUILLON (M.), TABOADA-LEONETTI (L), 1986. Le Triangle de Choisy ; un quartier chinois à Paris, L'Harmattan, Paris, 210 p. GUILLON (M.), MA MUNG (E.), 1986. « Les commerçants étrangers dans l'agglomération parisienne », Revue Européenne des Migrations Internationales, vol. 2, n° 3. GUILLON (M.), MA MUNG (E.), 1991. « La communauté chinoise en France », Administration n° 150, 15 janvier 1991. JONES (T.), Me EVOY (D.), 1986. Ethnie enterprise : the popular image, in Curran J., Stanworth J., Watkins D. (Eds), « The survival of the small firm », vol. I Aldershot, Gower. JONES (T.), Me EVOY (D.), PAULSON-BOX (E.), 1990. South asian retailers in Canada, communication à l'Annual Meeting of the Canadian Association of Geographers, université d'Alberta, Edmonton, juin 1990. JONES (T.), Me EVOY (D.), 1991. Asian entreprise and the locality, communication à l'Economie and Social Research Council Seminar, janvier 1991. KERROU (M.). « Du colportage à la boutique, les commerçants maghrébins en France », Hommes et Migrations, n° 1105, juillet 1987, p. 26-34. LIGHT (L), 1972. Ethnie enterprise in America. University of California Press, 209 p. LIGHT (L), BONACICH (E.), 1988. Immigrant entrepreneurs in America, Koreans in Los Angeles, 1965-1982. University of California Press, 495 p. LIVE (Y. S.), 1989. La diaspora chinoise en France, immigration, activités économiques et adaptation. Thèse de sociologie, EH ESS, Paris. MA MUNG (E.), 1991 a. Logiques du travail clandestin des Chinois à Paris in « Espaces et travail clandestin », S. Montagné-Villette (sous la direction de) Masson, coll. Recherches en Géographie, Paris. MA MUNG (E.), 199 1 b. Le commerce ethnique maghrébin entre l'Europe et le Maghreb, communication aux journées de l'Association Française pour l'Etude du Monde Arabe et Musulman, Université François Rabelais, Tours, 4-6 juillet 1991. (texte non publié) MA MUNG (E.), 1991 c. La croissance du commerce ethnique dans la région parisienne, in Actes du colloque « Le commerce des centres-villes », Presses de l'Université de Limoges et du Limousin. MA MUNG (E.), 1991 d. Le commerce des Chinois à Paris : renforcement et diversification, Communication au colloque de Géographie commerciale, Institut de géographie, Aix-en-Provence 26- 27 septembre 1991. (à paraître dans les Actes du colloque) MA MUNG (E.), 1991 e. Le développement de l'entreprenariat chez les Chinois : facteur d'autonomie de la communauté ? « Communication au colloque international organisé par l'ARIC (Association pour la Recherche Inter-Culturelle) Ministère de la Recherche, Paris, 14-16 octobre 1991. (à paraître dans les Actes du colloque) MA MUNG (E.), SIMON (G.), 1990. Commerçants maghrébins et asiatiques en France. Masson, coll. Recherches en Géographie, Paris, 138 p. MA MUNG (E.), ABDULKARIM (A.), 1991. « i China y Libano, una misma diaspora » El Pais, jueves 20 de junio de 1991. Dossier spécial : Movimiento y Migraciôn.

Page 22: L'expansion du commerce ethnique : Chinois et Maghrébins dans la région parisienne (1992)

58 Emmanuel MA MUNG

MA MUNG (E.), BOUBAKRI (H.), ABDULKARIM (A.), 1991. Les restaurants étrangers en France. Asiatiques, Maghrébins, Libanais, in J.R. Pitte (sous la direction de), « Le restaurant dans le monde et à travers les âges », Glénat. MARIE (C.V.), 1992. Les étrangers dans l'espace économique français : une nouvelle donne. Revue Européenne des Migrations Internationales, vol. 8, n° 1. Me EVOY (D.), 1987. Two views ofbritish asian retailing in a time of recession, in Wyckham R.G., Meredith L.M., Bushe G.E. (Eds) « The spirit of entrepreneurship », Simon Fraser University. MIN (P.G.), 1987. « Factors contributing to ethnic business », International Journal of Comparative Sociology, vol. 28, n° 3-4. MOROKVASIC (M.), 1991. « Roads to indépendance. Self-employed immigrants and minority women in five european states », International Migration, vol. XXIX n° 3, septembre. PALLID A (S.), 1987. Activités indépendantes et assujettissement dans l'informel et l'illégal, communication au colloque européen sur le travail non salarié : Commissariat Général du Plan et Commission des Communautés Européennes, Paris 10-11 décembre 1987. PALLID A (S.), 1990. Des immigrés créateurs d'entreprises, un apport à l'économie française. Ministère de la Solidarité, de la Santé et de la Protection Sociale, 79 p. PORTES (A.), MANNING (R.D.), 1985. « L'enclave ethnique : réflexion théorique et étude de cas », Revue Internationale d'Action Communautaire, vol. 14, n° 54. RAGER (J.J.). Les Musulmans algériens en France et dans les pays islamiques, Belles Lettres, Paris, 1950. RAULIN (A.), 1991. « Minorités intermédiaires et diasporas », Revue Européenne des Migrations Internationales, vol. 7, n° 1. RAY (J.). Les Marocains en France, Edition Sirey, Paris, 1937. SIMON (G.), 1990 a. Immigrants entrepreneurs in France and European overview, communication à UCLA, conférence on California immigrants in world perspective. Los Angeles, avril 1990. (à paraître) SIMON (G.), 1990 b. « Les diasporas maghrébines et la Construction Européenne », Revue Européenne des Migrations Internationales, vol. 6, n° 2. SIMON (G.), MA MUNG (E.), 1990. « La dynamique des commerces maghrébins et asiatiques et les perspectives du marché intérieur européen », Annales de Géographie, n° 552, avril 1990, p. 152-172. WALDINGER (R.), WARD (R.), ALDRICH (H.), 1985. « Ethnie business and occupational mobility in advanced societey », Sociology, vol. 19, n° 4. WALDINGER (R.), ALDRICH (H.), WARD (R.)(Eds), 1990. Ethnic entrepreneurs. Sage series on Race and Ethnic Relations, 226 p. WARD (R.), JENKINS (R.) (Eds), 1984. Ethnic communities in business : strategies for survival. Cambridge University Press.

Page 23: L'expansion du commerce ethnique : Chinois et Maghrébins dans la région parisienne (1992)

L expansion du commerce ethnique : Asiatiques et Maghrébins dans la région parisienne 59

L'expansion du commerce ethnique : Chinois et Maghrébins dans la région parisienne

Emmanuel MA MUNG

Au cours du premier semestre 1989, 20 % des fonds de commerce proposés à la vente à Paris et dans les départements limitrophes ont été achetés par des Asiatiques et des Maghrébins, ce qui traduit l'importance de la présence de ces deux groupes dans le commerce. L'exploitation de plusieurs milliers d'annonces de mutations de fonds de commerce a permis d'approcher à une échelle très fine les mouvements concernant l'immobilier commercial qui traversent le commerce ethnique. On constate une forte expansion très différenciée selon les groupes, le lieu et les activités à travers le renforcement des bases commerçantes dans les zones de présence traditionnelle et une extension dans les périphéries urbaines. Par ailleurs, l'analyse des mouvements de fonds de commerce révèle l'importance des échanges intra-communautaires et la faiblesse des flux inter-communautaires. Elle permet en outre de dégager un mouvement de mobilité sociale à travers l'activité commerçante.

The growth of ethnie trades : Chinese and North Africans in Paris areas

Emmanuel MA MUNG

During the first half-year 1989, 20 % of the goodwills for sale in Paris and in the provinces around were bought by Asiatic and North Africans, which expresses the importance of those two groups in commerce. The exploitation of several thousands announcements of goodwills transfers allowed the approach at a very fine scale, of moves referring to commercial building that cross the ethnic commerce. On esta- blisches a strong and very differ enciated growth according to groups, places and activities through the strenglening of mercantile bases in traditionally present zones and an extension in the outskirts. Furthermore, the analysis of goodwills moves reveals the importance of intr a- community exchanges and the weakness of intercommunity flows. It allows besides to define a movement of social mobility through mercantile activity.

La expansion del comercio étnico : chinos y magrebies en la region parisiense

Emmanuel MA MUNG

En el transcurso del primer semestre de 1989, el 20 % de los comer cios en venta, en Paris y en los departamentos colindantes fueron comprados por asiâticos y magre- biest la importante presencia de estos dos grupos en la actividad comer cial. El examen de varios miles de anuncios de traspaso permitiô explorar de manera muy aguda los movimientos referentes a los bienes inmobiliarios comerciales que atraviesan el comercio étnico. Se pone de manifiesto unafuerle expansion, muy diferenciada segùn los grupos, los lugares y las actividades a través del fortalecimiento de las bases comerciantes en las zonas de presencia traditional, y una extension en las periferias urbanas. Por otra parte, elanàlisis de los movimientos de los establecimienlos comerciales pone de manifies la importancia de los intercambios intracomunitarios y las escases de los flujos intercomunitarios. Ademâs, permite poner de relieve un movi- mienlo de mobiiidad social a través de la actividad comerciante.