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14/02/13 L'tat de tous les spectateurs
cm.revues.org/1168 1/31
ConserveriesmmoriellesRevue transdisciplinaire de jeunes
chercheurs
# 12 | 2012 :Publics de cinma. Pour une histoire des pratiques
sociales2- Les temps changent, les publics et leurs pratiques
aussi
L'tat de tous lesspectateurs Penser les publics dans les rformes
khrouchtchviennes
de lexploitation cinmatographique sovitique (1953-1968)
The State of all spectators Thinking up the publics in the
Khrushchev reforms of Soviet film distribution
(1953-1968)
IRINA TCHERNEVA
Rsums
Au dbut des annes 1 950, le monde du cinma est un des domaines o
se dploientles projets rformateurs du gouv ernement sov itique : dv
eloppement conomiquede la production et de la distribution;
modernisation et remise niv eau desconditions de projection. La
formule n'est plus tabou, l'administrationcinmatographique
l'affirme publiquement : Le cinma est aussi un commerce .Les
mesures rformatrices se v oient ainsi justifies par la dnonciation,
par lesspectateurs, de l'inefficacit esthtique et conomique du
cinma de la fin del'poque stalinienne. Les plans financiers des
salles de cinma tant fonds sur unnombre absolu de spectateurs et de
sances organises, l'administration cherche dfinir la figure du
spectateur sov itique au regard des publics occidentaux. Lesmthodes
de mobilisation des spectateurs, qui datent des annes 1 920,
sontgalement reprises afin d'identifier la demande. La tentativ e
de rtablir un lienentre la diffusion et la production rv le une
mauv aise connaissance desprfrences des spectateurs, des rsistances
structurelles de l'institutioncinmatographique, et la persistance
des v aleurs quant au rle social qu'est censjouer le cinma en
URSS.
The State of all spectators Thinking up the publics in the
Khrushchev reforms of
Soviet film distribution (1953-1968)In the beginning of the 1
950s, the cinema is one of the spheres where the Sov ietgov ernment
undertakes reform projects: an economic dev elopment of
productionand distribution sy stems, but also a modernization of
equipment and the lev ellingof the conditions of projection. The
definition is not taboo any more, Sov ietadministration claims it
in public: The cinema is also a trade sphere. Theauthorities
justify these new political axes by spectators denunciation of
the
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aesthetic and economic ineffectiv eness of the Sov iet cinema of
the late Stalinistperiod. The mov ie theatres and the studios
financial plans are based on theabsolute number of spectators and
screenings. So they try to redefine the figure ofthe Sov iet
spectator in comparison with Western cinema public. The methods
ofmobilization of the spectators, dated from the 1 920s, are also
rev iv ed to identify thepublic needs. The attempt to establish a
form of dependence between distributionand production rev eals a
poor acquaintance of spectators tastes, the structuralresistance of
the cinema institution and the permanence of the v alues applied
tosocial role of sov iet cinema.
Entres d'index
Mots-cls : serv ice cinmatographique, consommateur, v
isionnement public,
commande sociale et commande d'tat.
Keywords : cinema serv ices, consumer, public prev iew, state
and public
commission
Gographie : Russie, Lettonie, URSS
Index chronologique : 1 953-1 968
Texte intgral
Introduction : La notion de public au regard du
contextesovitique
Le spectateur passe le seuil du cinma. Il espre utiliser le
reste detemps libre couter un bon concert, regarder une exposition
sur lecinma sov itique, lire un rcent numro de journal. Mais
cesespoirs restent v ains. [...] Les panneaux d'exposition ne sont
pasrenouv els depuis des mois. Le seul div ertissement accessible
est lebar, o lon v end joy eusement de la bire et des sandwichs
desschs.[...] Les confrenciers, spcialistes des relations
internationales, lesemploy s des studios de cinma et des comdiens
interv enaientauparav ant. Mais depuis, on ne sait pourquoi,
quelqu'un a dcid que
Au dbut des annes 1950, le dy sfonctionnement du sy stme
conomique
et les carences de la production, en grande partie hrits de la
Seconde Guerre
mondiale, doivent tre remis plat. Les distributeurs de films
envisagent ces
problmes structurels en rfrence au spectateur et ses intrts2.
Celui-ci
jugerait les films ennuy eux , stroty ps et dats. En se prvalant
du
got de ce spectateur imaginaire, les responsables dnoncent
l'inefficacit
conomique de l'institution : les spectateurs ne sont pas incits
aller au
cinma et ne connaissent pas les films sov itiques. De nombreux
rapports le
signalent : Cette anne encore, dans un bourg N, le spectateur
tait en
nombre insuffisant [nedobor zritelia]. Celui-ci apparat alors
comme un
indice statistique du bon fonctionnement des salles ou du succs
d'un film. Au
sein de ce discours, on ne repre point de spectateurs d'origine
proltarienne,
destinataires priv ilgis dans les annes 1920 de l'ducation par
le cinma. Au
dbut des annes 1950, l'tat cherche fournir un serv ice une
figure
rifie de la communaut des spectateurs sov itiques. Ce
spectateur
hy pothtique est cens v isionner des films de fiction
divertissants, en mme
temps que des productions industrielles ducatives et des
actualits. La salle
idale est vue comme un espace de loisirs et d'information :
1
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les confrences et les dbats faisaient de mauv aises
affaires3.
Ill. 1 : Dans la salle de lecture du cinma Oudarnik , 1952.
Archives des documents photos et vidos de Moscou, Fonds
personnel de Korolev
J.D, # 0-1248214.
Cette apprciation est prsente dans la presse comme la lettre
dun spectateur anony me5 indign par les consquences de
lintensification de lexploitation des salles de cinma.
2
Ds 1953, ladministration cinmatographique se pose pour
objectif de crer un espace public qui fournirait un serv ice
de
qualit gale sur tout le te rritoire de lURSS. Il s'agit
d'accrotre
l'ampleur et la densit numrique des salles de cinma, afin de
couvrir l'ensemble du pay s par la distribution des films6.
3
La notion de cinfication , qui trouve ses origines dans les
premires annes du rgime sov itique, renvoie une v ision des
spectateurs de cinma compris comme l'ensemble des
travailleurs, tudiants et employ s. Il convient l'poque de
rompre avec une v ision du public de cinma comme
principalement constitu de petits bourgeois surv ivants et
de
nouveaux riches et de dfendre l'ide qu'un film novateur et
captivant est capable d'attirer les spectateurs de toute
origine
sociale. Cette v ision gnrale des pratiques de la frquentation
et,
en consquence, de la production des films est le fondement de
la
politique mene depuis le dbut des annes 1930. La prise de
conscience dune fragmentation des publics ainsi que dune
forte
disparit de linfrastructure de diffusion sous-entend dabord
que
le projet politique initial a t perverti durant la priode
stalinienne. En revanche, depuis la fin des annes 1950, lide
de
diversification intrinsque des publics de cinma simpose dans
les discours. Les cinastes et les rseaux de distribution
entreprennent des tentatives de les rejoindre, sans
toutefois
quils soient en capacit den identifier les identits ni les
limites.
4
La priode du Dgel apparat donc comme un terrain pertinent
pour questionner la notion de public dans la mesure o se
dploient conjointement une valuation des rformes
conomiques et une dy namique de rappropriation du discours
politique pr-stalinien. La figure monolithique du spectateur
laquelle se rfrent les autorits politiques et l'administration
du
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Construction discursive de lafigure du spectateur
Au dpart...
cinma en l'URSS, mais aussi les crateurs de films, laisse
dans
l'ombre une fragmentation structurelle des espaces de
projection. Ceux-ci, leur tour, contribuent faonner divers
modes de rception du cinma. L'apprhension du spectateur
par les diffrents acteurs (cinastes, structures de
production,
rseaux de distribution, sy ndicats) s'en trouve alors dplace
dans les limites qu'autorisent les rapports de dpendance
entre
les institutions. Les changements sensibles ne sont pas
seulement
affaire de langage, mais renvoient une srie de figures du
public de cinma qui apparaissent au gr de l'analy se des
archives rendant compte des outils d'valuation de l'activ it
cinmatographique7 . Il sagira de donner voir ici la
circulation
et le renouvellement de cette production discursive. Je
m'appliquerai aussi esquisser quelques pistes d'analy se de
l'ajustement de la conception du spectateur-citoy en sov
itique
aux injonctions conomiques la participation l'valuation des
films, voire leur production.
Parler du public ou des publics de cinma en URSS ne
suppose donc pas d'interroger l'efficacit de la propagande
politique, ni dans une perspective adornienne, d'env isager
l'ventuelle intentionnalit des spectateurs intentionnalit
qui
serait fondamentale dans l'affirmation de leur identit
collective
(DAYAN, 2000, p. 432-434). Il convient en revanche de
rinscrire
ce terme dans la longue dure de la configuration prcise des
structures qui rgissent la production et la diffusion du cinma
en
URSS. Qu'entend-on en effet par le public sov itique ou
encore par le public du cinma sov itique ? Pourquoi en
parle-t-on au singulier, et qui en parle ainsi ? Comment
expliquer
les nuances qui s'expriment travers ces diffrentes figures
du spectateur ? Les manires d'interprter la situation de
projection lumineuse en termes de constitution d'une identit
commune sociale et p olitique impliquent une attention
particulire aux formes que revtent la production des images
et
leur distribution. Les conditions pratiques de projection,
tout
comme lvolution des structures professionnelles et
administratives, permettent de mieux comprendre ce que le
spectateur sov itique doit ses multiples figures qui
s'expriment diffrents niveaux des processus de production et
de diffusion. Je n'essaierai donc pas de reconstruire les
limites, ni
les identits des publics sov itiques, mais je m'attellerai
analy ser ces diverses figures que dessinent les acteurs de
la
sphre cinmatographique et les rles qu'ils leur attribuent.
6
la mort de Staline, les statistiques sur les spectateurs,
les
conditions et les lieux de projection sont parfaitement
7
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Ill. 2 : Photo panoramique Prs du cinma Oudarnik au moment dela
diffusion du film Chute de Berlin , janvier 1950.
inconnues. Une large collecte de donnes est entreprise alors
dans toutes les rpubliques sov itiques. Le taux de
frquentation
se rvle extrmement bas8, ce qui explique pour les
responsables de la diffusion, la faible popularit des films
sovitiques9. Les carences sont v isibles surtout dans les
nouvelles rpubliques, dont la population est hostile la
sov itisation1 0. Une image dplorable de l'tat de la
diffusion
cinmatographique et de la frquentation se dessine travers de
nombreux rapports administratifs. Le gouvernement v ise
alors
largir le programme de cinfication complte des territoires
de l'URSS et engager la modernisation des techniques de
projection. Le spectateur apparat dans cette documentation
comme une mesure statistique de l'efficacit conomique de la
distribution, mais c'est travers cet indice que les problmes
du
serv ice cinmatographique en gnral sont poss.
En 1953, 23,5 % des bourgs et des v illages de la Rpublique
sovitique de Russie ne possdent pas d'espaces appropris aux
projections, les anciennes salles tant utilises comme des
lieux
de stockage de la rcolte. Les projectionnistes organisent
souvent des sances en plein air et chez des particuliers.
Les
directeurs des kolkhozes refusent d'accueillir les
projectionnistes, et les habitants sont amens les loger et
les
nourrir. Le caractre vtuste des locaux et l'absence de siges
obligent les spectateurs apporter leurs propres chaises. La
diffusion est aussi inefficace conomiquement : souvent les
projections sont gratuites ou les maigres recettes sont
distribues entre les projectionnistes et les responsables
locaux 1 1 . Ay ant pos l'objectif d'largir gographiquement
l'accs
au cinma ds 1953, le gouvernement a continu s'appuy er sur
les projecteurs ambulants qui avaient jusque-l aliment le
rseau de distribution1 2. Les projecteurs de qualit trs ingale
et
les crans aux capacits de rflexion variables ne permettent
pas
d'avoir les mmes conditions sonores et v isuelles. Les copies
sont
tellement abmes que les films donnent l'impression d'tre
muets et aveugles , selon la formule d'un des responsables
de
l'exploitation cinmatographique1 3. Il rapporte notamment
que
le son est si indiscernable que les spectateurs ne peuvent
pas
comprendre les dialogues et sont obligs de dduire le sens
des
phrases du mouvement des lvres et de la mimique des acteurs.
Heureusement, ajoute-t-il, chaque spectateur voit le mme
film
3 ou 4 fois et comprend au fur et mesure la trame de l'histoire
.
Cette dernire remarque est rvlatrice du nombre de films
distribus, ce qui amne les spectateurs dserter les salles.
Le
contrle de la circulation des films est trs difficile cause
de
l'existence d'une multitude d'organisations indpendantes les
unes v is--v is des autres qui assurent la distribution. Vu
le
nombre restreint de films et l'absence totale d'information ou
de
publicit, la mobilisation des spectateurs se fait de manire
trs
irrgulire.
8
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Archives des documents photos et vidos de Moscou, Fonds
personnel de Korolev
J.D., # 0-30659.
Cette image dsolante de la diffusion cinmatographique,
esquisse dans les rapports qui s'appuient sur des donnes
disparates, montre un contexte de diffusion o l'introduction
des
films dans les zones rurales se fait de manire alatoire et le
plus
souvent avec le concours des habitants. Les populations
rurales
se trouvent ainsi l'cart d'un grand pan de production
cinmatographique et regardent des films en version modifie
(films en couleurs diffuss en noir et blanc) ou dans des
conditions techniques mdiocres1 4. Le cinma, produit Moscou
et Leningrad, est, au pire, inexistant et, au mieux,
interprt
d'une manire dforme dans les rpubliques sov itiques en
fonction des spcificits locales. Le peu de films sov itiques
crs
sont noy s dans la masse de films de trophe diffuss (des
films trangers rcuprs en Allemagne comme un trophe de
guerre). Les publics n'ont pas accs la mme production du
cinma : dans des rgions loignes les actualits arrivent en
retard, ou n'arrivent pas du tout ; certains formats ne
peuvent
pas tre projets cause de l'absence du matriel de projection
convenable. Et la structuration mme des zones rurales rend
caduque la v ision centralisatrice de la diffusion : les
fermes
historiquement trs loignes les unes des autres, proches du
modle du mas [khoutor] dans les rpubliques baltes, ou encore
les habitations prov isoires des peuples du Grand Nord,
laissent
leurs habitants l'cart du cinma sov itique1 5.
9
Hormis l'intrt port de manire priv ilgie la
cinfication des campagnes, l'tat de la distribution
cinmatographique dans les v illes est galement abord. On
apprend ainsi que les spectateurs des v illes sont, pour leur
part,
frapps par les mauvaises conditions de v isionnement et
surtout
par le manque de places. Leur nombre extrmement restreint
cre depuis longtemps des situations amenant les spectateurs
se battre pour acheter les tickets, ou se plier aux exigences
des
spculateurs qui les revendent plus cher. Certains articles
signalent les stratgies de dtournement de ce problme,
notamment par la cration de micro-espaces de projection,
rservs aux cercles des convertis 1 6. Pour Mikhal Romm,
clbre cinaste ay ant commenc sa carrire au dbut des
annes 1930, les cinmas nains (de 200-250 places) crent
les mmes conditions dplorables pour les spectateurs et ne
sont
pas rentables pour l'tat. L aussi le spectateur s'impose
dans
les dbats : les cinastes et les professionnels du secteur de
la
diffusion se rfrent ses volonts, ses prfrences et clament la
ncessit d'uvrer son confort. Sous le poids des problmes
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Ill. 3 : Salle de projection du cinma Oudarnik , 1952
Archives des documents photos et vidos de Moscou, Fonds
personnel de Korolev
J.D., # 0-124822
Extension du servicecinmatographique, quel prix ?
conomiques v isibles dans leur interdpendance, le ministre
conclut que lintgralit du sy stme n'est pas rentable et,
pire
encore, dficitaire. Le rseau d'exploitants est d'autant plus
insuffisant, que l'on prvoit l'accroissement du nombre de
spectateurs grce au passage envisag la journe de travail de
6-7 heures et l'augmentation des revenus des travailleurs.
La
comparaison montre que la jauge des salles de cinma est trs
faible en URSS : En moy enne, 1 000 spectateurs sov itiques
ont
leur disposition de dix-huit v ingt places de cinma alors
qu'
l'tranger au mme nombre de spectateurs correspondent
soixante quatre-v ingt places1 7 . Conformment la v ision
modernise du spectacle cinmatographique, le gouvernement
envisage d'augmenter le nombre de places par salle jusqu'
atteindre les normes europennes, savoir 450 1000 places.
Les salles dcran large, c'est--dire dotes d'cran de 80 120
mtres carrs, doivent tre construits pour satisfaire les
besoins des spectateurs et rinventer le spectacle
cinmatographique1 8. Or, pour l'instant il n'y en a que deux
cents
dans toute l'URSS.
Le Ministre de la culture, Gosplan et le Ministre du contrle
d'tat manifestent une volont politique de crer un serv ice
cinmatographique moderne, uniforme et accessible tous les
citoy ens. Contraints par le manque de financement, ils
choisissent de miser sur l'intensification de l'exploitation
des
salles existantes et largissent l'activ it de projection,
notamment en intgrant les salles des sy ndicats
d'entreprises.
11
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Le club [sy ndical] Konev possde un matriel et lesmeubles en
parfait tat et doit raliser, selon le Plan, lechiffre d'affaire de
1 00 000 roubles par an. ct setrouv e un cinma d'tat av ec 250
places et l'obligationd'av oir un chiffre d'affaire de 1 30 000
roubles. [...]Nous sommes en train de perv ertir ce projet de
transfertet de fait nous nous illusionnons ! [] Ils [les employ sdu
rseau sy ndical] affichent des objectifs idologiques,mais en ralit
ne font que projeter des films etfournissent d'autres serv ices
[pay ants]22.
Dsormais le rseau d'tat et le rseau sy ndical sont appeles
accomplir ensemble les objectifs du Plan, savoir
l'augmentation
constante du nombre de sances et de spectateurs, ainsi que
du
chiffre d'affaire annuel, le tout en rnovant l'quipement des
salles. Les serv ices culturels et sportifs font dj partie
des
fonctions des sy ndicats (DEPRETTO, 2000 ; MOINE, 2000). Le
sy ndicat se charge de faire connatre les objectifs du Plan
chaque travailleur, mais il doit galement lui fournir des
conditions de travail et de v ie satisfaisantes : logement,
ducation, divertissement, serv ices mdicaux, etc.1 9
Progressivement un rseau organis principalement autour de la
production et de la diffusion des films d'entreprise s'octroie
de
nouvelles missions pour pallier aux dy sfonctionnements des
salles d'tat.
Tout en accordant progressivement aux sy ndicats et aux
entreprises agricoles le droit d'organiser les projections avec
la
vente des billets, le gouvernement et le Parti Communiste de
l'Union Sovitique exigent que les ty pes de films projets
soient
mis en lien avec les caractristiques locales. Les kolkhozes et
les
sovkhozes sont incits construire leur frais les salles de
cinma et organiser les projections portant sur lagriculture
:
les nouvelles mthodes de l'exploitation, la mcanisation, la
culture du mas20. Les salles sy ndicales, installes dans les
clubs
de culture et dans les bibliothques, se voient ainsi confier
une
tche d'ducation civ ique. Mais, en inv itant les entreprises
et
leurs sy ndicats contribuer la distribution
cinmatographique,
les responsables politiques ne font que reprendre et
gnraliser
le sy stme de diffusion des films qui existait dj
paralllement
l'exploitation d'tat. Au lieu de penser un espace proprement
public, les autorits politiques reportent les tches civ iques
aux
espaces que l'on pourrait qualifier de privs .
12
La fragmentation des tches conomiques entre diverses
administrations et une libralisation de la diffusion des
films
contribuent creuser les ingalits dans l'accs aux films.
Certains responsables locaux ngligent dlibrment l'activ it
de
diffusion cinmatographique, considre comme un loisir
superflu21 . D'autres ne sont pas en capacit de l'assurer
financirement. Les troisimes s'efforcent de mener une activ
it
rentable. En accdant en 1954 la gestion exclusive des
maisons
de la culture et des clubs, la Centrale pan-sov itique des
sy ndicats [VCSPS] dveloppe une importante infrastructure
d'animation culturelle, ce qui cre une situation de
concurrence
entre le rseau sy ndical et celui de ltat :
13
L'ancrage territorial des entreprises et, par14
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consquent, des salles sy ndicales, cre une
configuration o celles-ci dtiennent, dans certaines
rgions industrielles, des monopoles de
diffusion . Les sy ndicats doivent atteindre des
objectifs difficilement conciliables : organiser les
projections pay antes afin de raliser les objectifs du
Plan (qui sont toutefois moins levs que ceux des
salles d'tat) et satisfaire en mme temps lex igence
d'ducation. Selon laffirmation de la responsable de
la VCSPS, la dcision de projeter les Nuits de Cabiria
[film de fiction de Federico Fellini sorti en 1957 ]
n'est pas le rsultat d'une volont particulire de le
projeter aux ouvriers, mais plutt une consquence
de la non-ralisation des indices du Plan ! 23. Cette
confusion participe la transformation de la nature
mme de la diffusion. A la fin des annes 1950 les
tensions entre ces deux sy stmes de diffusion
dnotent une forme de concurrence entre eux. La
VCSPS, se prvalant de cette configuration
globalement positive pour les sy ndicats, met en
avant le nombre de spectateurs serv is et, tout en
accordant que la diffusion a exclu toute autre forme
d'ducation civ ique, suggre qu'il faudrait accorder
le droit de projection des nouveaux films aux
salles qui servent plus de spectateurs et les servent
de la meilleure manire 24. Les sy ndicats semblent
s'aligner progressivement aux gots de spectateurs
et recourent la rhtorique des directeurs des salles
d'tat. Ils oscillent rgulirement entre les notions
de commerce et de serv ice cinmatographique.
Comment attirer le spectateur et raliser le Plan,
tout en v itant de tomber dans le mauvais
commerce ce qui amne minorer lducation du
public et lex igence de qualit des conditions de la
projection ?
Au sein du sy stme tatique de diffusion,
l'oscillation de la conception du cinma entre
commerce et ducation, serv ice national et action
de diffusion autonome est manifeste. Il est dcid,
par exemple, de valoriser la proximit du
projectionniste par rapport aux spectateurs dans les
zones rurales. Former les projectionnistes d'un
village donn pour les envoy er sur place ou mettre
en valeur et diffuser le modle bnvole de son
activ it qualifie d' ducative ? Le ministre de la
culture opte pour la deuxime solution moins
coteuse et plus habituelle, dans la mesure o le
travail bnvole d'oprateur projectionniste
permettait auparavant de compenser la dfaillance
chronique de la distribution25. Des brochures
spciales comportent ds lors des mini-biographies
de projectionnistes exemplaires26. Ces essais semi-
fictionnels , selon les termes des responsables de
ladministration de cinma, doivent inciter les futurs
15
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projectionnistes mener la cause ducative, o les
liens interpersonnels sont mis profit pour la
constitution du public de cinma. Ces
projectionnistes feraient venir les spectateurs dans
les salles et contribueraient la propagande du
cinma ducatif et documentaire. La communaut
v illageoise serait ainsi runie autour de quelques
indiv idus qui constitueraient savamment les
programmes et seraient mme d'orienter la
discussion27 . Les projectionnistes se voient confier
le rle de reprsentant de la structure centrale de
diffusion. Placs sous le rgime de d'autosuffisance
financire et de rentabilit, les projectionnistes
passent une grande partie de leur temps
chercher le spectateur . Ils sont obligs de
ngocier avec les autorits locales les lieux de
projection et prfrent les localits plus faciles
d'accs ou celles dont la population est plus aise.
Un double mouvement s'opre ainsi : la diffusion
fonde sur les liens de proximit est stabilise et
lgitime comme une forme d'action publique.
De manire gnrale, les directeurs des salles de
cinma mnent une politique de programmation au
coup par coup. chaque sance la salle doit tre
remplie presque 100 % pour que les objectifs du
Plan soient accomplis. Si la frquentation baisse,
mme jusqu' 80 %, le film est immdiatement
retir28. Un nouveau film n'est projet en moy enne
que un deux jours dans tous les cinmas de la
v ille29. Privs de possibilit de s'appuy er sur des
informations accessibles pour valuer le film, les
potentiels spectateurs se dplacent massivement
sans pouvoir accorder cette pratique avec leurs
exigences esthtiques et thmatiques, ni
simplement avec leur humeur du moment (n'ay ant
pas le choix entre les films, ils ne possdent en
mme temps que de quelques jours pour voir le seul
projet en salle). Les fluctuations des publics en
fonction des temporalits de projection sont de
premire importance pour toute la filire
cinmatographique d'tat. Ds lors, la conception
du public dev ient l'enjeu central. Pour les
distributeurs et les exploitants, il s'agit de perdre le
moins de fonds possible. Les cinastes regrettent le
manque de v isibilit de leur travail en raison de
l'absence de la publicit et d'une diffusion trop brve
de leurs films. Les documentaristes, dont le cinma
est de plus en plus inv isible, peuvent craindre pour
la prennit de leurs postes. Les ministres de la
culture (central et rpublicains) doivent assurer la
ralisation des objectifs des plans financiers, se
prmunir des critiques les accusant de ne pas
prendre en compte les aspects culturels et ducatifs
du cinma qui glissent vers les logiques de
16
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Rpercussions sur lacration des films
Spectateur ? Connais pas
rentabilit , et doivent tenir le bon fonctionnement
(tant du point de vue des ressources matrielles que
humaines) de toutes les entreprises du cinma.
La presse relay e les critiques et les souhaits des
spectateurs. De multiples prfrences mergent
alors au risque de laisser dans l'ombre la figure
rifie du spectateur. Le mensuel Iskusstvo kino
publie rgulirement ces lettres : l'une considre
que les personnages d'un film sont simplifis en
comparaison avec ceux du roman pony me ; l'autre
souhaite voir plus de films touristiques ; la troisime
propose de construire une salle rserve la
projection des films consacrs l'art30. La manire
dont les lettres en question sont prsentes incite
les percevoir la fois comme des critiques et des
petites commandes prives. Les rflexions de cet
ordre se multiplient : Qui est le futur spectateur de
mon film ? Qui est cet homme rel qui prendra peut-
tre sa place dans la salle pour trois-quatre roubles.
Le scnariste et le ralisateur ne se proccupent pas
de rpondre cette question31 . Toutefois, un
travail de prospection sur les prfrences
spectatorielles saurait-il en mesure de donner
quelques orientations pour la production ? Un ajout
de points de vue indiv iduels, aboutirait-il une
image d'ensemble ? L'cart entre les projets des
cinastes et les attentes des spectateurs est
permanent, ce que dmontre entre autres l'article
Si on regarde tout ce qui passe de Jurij
Khaniutin32, critique du cinma. Il rapporte ses
observations sur les projections dans une petite
salle Moscou durant un mois et dresse une image
du quotidien de la distribution. En mettant en
lumire la prpondrance des genres lgers, comme
les comdies et les films policiers, et en critiquant
particulirement leurs versions sov itiques, il v ise
branler l'appellation traditionnelle d art qui
masque la diversit des films produits en URSS. Le
caractre acadmique et l'immensit des objectifs
politiques de celui-ci doivent tre pour le moins
nuancs. Le sy stme de production se dveloppe en
effet selon les logiques internes au corps
professionnel du cinma, en construction cette
poque, et semble difficilement s'adapter aux
17
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attentes des publics dont il a une v ision
extrmement floue.
Les mesures lgislatives entreprises cette
poque en matire de cinma affichent une volont
d'tablir un lien plus fort entre la diffusion et la
production. Dans un premier temps, l'largissement
du rseau de distribution et l'intensification de son
exploitation psent sur les studios, obligs de
produire un nombre exponentiel de films. Puis, afin
d'orienter et de rationaliser la production, des
mcanismes d'valuation de la rentabilit des films
sont introduits. partir de 1961, au niveau des
studios et des ministres rpublicains et fdraux de
la culture sont cres des commissions pour
attribuer des catgories (quatre en tout) au film. Le
classement doit tre dtermin par le succs ou
l'chec du film en diffusion. Prcdemment, le
rseau de distribution achetait des films aux studios
prix cotant et versait 5 % de la facture au fonds
financier du studio. La distribution prenait donc la
majorit de risques de l'exploitation des films.
partir de 1961, le studio est galement pnalis
financirement si son film ne recueille pas assez de
fonds. Si le film est class dans les catgories
suprieures, ses frais de production lui sont
rembourss et ralise un bnfice hauteur de 5
15 % du cot de production. En revanche, si le film
se voit attribu la dernire catgorie, le studio ne
touche qu'une somme minimale. Dans le cas o le
cot rel de la production du film est suprieur au
devis ce qui est gnralement le cas le studio
produit perte.
18
Les distributeurs souhaiteraient que la
dpendance de la production v is--v is de la
distribution soit dploy e plus largement : Pour
conomiser ou en tout cas utiliser rationnellement
les moy ens de la distribution, il faut tre plus
exigeants au moment de l'achat des films. En effet,
pourquoi acheter, imprimer et sortir sur les crans
de toute l'Union sov itique les films que le peuple ne
veut pas regarder ?33 . Ce point de vue,
relativement rpandu dans les milieux de la
distribution et de l'e xploitation du cinma, branle
la production sov itique, dvalorise cause de sa
mauvaise qualit technique et de la fadeur de ses
rcits. Cette tendance est dangereusement amplifie
par l'importation croissante des films34.
L'instauration des commissions est une mesure
bien des gards prcautionneuse. Au lieu d'tre
dpendante de l'accueil favorable ou non du film par
les spectateurs (valu en recettes), la production
dpend du pronostic du succs, pens seulement au
regard du cot du film. De plus, la catgorie est la
fois le pronostic de la future rception du film et agit
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sur l'ampleur que celle-ci peut prendre. En effet,
c'est en fonction de la catgorie attribue qu'est
tabli le nombre de copies tirer. Enfin, les
commissions, cres au sein du sy stme de la
production, sont composes majoritairement des
membres des milieux cinmatographiques
artistiques. Pour valuer les films, ils mettent en
uvre les critres professionnels : composition
dramaturgique, procds v isuels, etc. Au risque de
la rentabilit, ils rpondent en insistant sur la valeur
artistique. Par ailleurs, dfendant implicitement leur
studio ou leurs collgues, les cinastes membres
des commissions en question optent souvent pour
une catgorie plus importante que celle que mrite
le film aux y eux des distributeurs.
Le corps professionnel du cinma, qui s'efforce de
rformer les logiques de production et les formes de
sa justification publique, recourt aussi aux
arguments politiques. En invoquant le projet initial
de l'ducation par le cinma, les cinastes appellent
crer des programmes complets, comportant
plusieurs ty pes de films, de mme que de porter
l'attention sur l'ventuelle diversification de la
programmation (films scientifiques ou d'animation
diffuss des heures fixes dans des salles repres
par la population)35. Conformment cette
proposition, le ciblage des publics en fonction de
leurs gots esthtiques devrait avoir des
rpercussions sur la rationalisation du sy stme de la
production, structure lourde et souvent prsente
par ses employ s comme dficiente. La rupture avec
l'orientation majeure des annes 1920-1930 est
notable : une production flexible du cinma devrait
s'adapter une pluralit de publics au lieu de
chercher un spectateur-modle, servant jusque-l
d'objectif abstrait de la production. Accabls par
l'uniformit de leurs uvres, qui contredit la logique
artistique de leur valuation, les cinastes s'en
aperoivent avant les autres. Ils critiquent, lors des
runions internes, des membres de l'administration
qui font de leurs prfrences indiv iduelles celles du
spectateur sov itique36.
20
L'administration cinmatographique n'est pas en
mesure de satisfaire ponctuellement la demande,
d'autant plus que les informations sur les
prfrences des spectateurs ne sont pas
sy stmatises ni analy ses37 . Le regard
intellectualiste port sur le cinma par les critiques
et les professionnels amne penser que les
spectateurs font leur choix en fonction des genres et
des prfrences esthtiques. D'autres analy ses
empiriques dmontrent que les spectateurs de
diverses origines sociales et de niveaux d'tudes
varis peuvent apprcier les mmes films, ou encore
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Persistance de la visioncentralisatrice des spectateurs
une certaine poque [en 1 955], leMinistre de la culture et le
studio ont euquelques dsaccords propos du film LaLeon de la vie. La
section cratrice43 apropos un v isionnement pralable dansles clubs
ouv riers, ce qui a t fait. Maisl'opinion publique a t diffrente de
celledu collge [qui dfend le film]44. Au final,il a t demand
lauteur dapporter desmodifications. Ce processus aprobablement t
dune certaine utilit,
que l'crasante majorit des spectateurs vont au
cinma, sans chercher voir un film particulier38.
Enfin, les sociologues critiquent la v ision
globalisante du spectateur l enfant des dites
recettes . Les informations disponibles, tout en
restant maigres, sont rvlatrices : au lieu d'affirmer
qu'en moy enne le spectateur sov itique va au
cinma dix-huit fois par an, les enqutes suggrent
que 80 % de la population urbaine et 90 % de la
population rurale adultes vont au cinma 2-3 fois
par an39. la fin de cette priode, ouverte pourtant
par une aspiration lempirie et la prcision, les
gots et les pratiques des spectateurs restent
globalement inconnus.
Depuis le dbut du rgime sov itique, les
spectateurs sont inv its contribuer activement
l'introduction du film dans l'espace commun. Avant
d'tre officiellement lanc sur les crans, les films
sont montrs un groupe choisi de spectateurs pour
valuer sa rception publique. Cette forme de
participation, nomme le v isionnement public
[obschestvennyj prosmotr], est cense au dpart
intgrer les masses travailleuses dans la
production des objets artistiques et culturels, dans
une optique de dmocratisation de la culture. La
rception se prsente ainsi comme une situation o
sont mis en uvre la fois les lments d'ducation
et d'auto-reprsentation. Exprimer son opinion,
fonde sur lexprience personnelle d'un fait
historique (SUMPF, 2007 ) ou sur celle de lexercice
d'un mtier, en est la dmarche fondamentale.
22
Au dbut du Dgel, les v isionnements publics ,
utiliss de manire cible, se veulent tre loutil de
lvaluation de la future rception du film. Favoriss
publiquement par la direction du PCUS40, ils sont
ponctuellement organiss avant la sortie officielle
du film sur les crans41 , dans les clubs ouvriers ou
directement dans les studios42. Comme le rappelle
un des cinastes du studio Mosfilm :
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mais ne serait-il pas plus judicieux desortir le film et d'en
discuter av ec le public
dans la presse45 ?
tant militaire, je suis trscontent de sav oir que cestudio
aborde un thmeaussi grand et noble que laGrande guerre
Patriotique[Seconde Guerre mondiale]. mon av is, l'image
ducombattant y est tout faitrussie. C'est un boncombattant, un v
raicombattant de l'arme
Dans la perspective de la
dmocratisation de ce mode
dvaluation publique de luvre, les
cinastes s'expriment assez
massivement pour une libre circulation
des scnarios, considrs encore
comme des documents secrets , et
pour leur publication rgulire afin de
mettre en place un rel dbat public46.
Toutefois, le v isionnement public
semble rester un procd mobilis
tour de rle par l'administration, le
studio ou le cinaste pour mettre en
valeur certaines dimensions du film47 .
la diffrence de la pratique de
preview rpandue aux tats-Unis, les
spectateurs sov itiques sont
slectionns selon des critres
sociologiques prcis. Ils sont appels
interprter le film du point de vue de
leur classe (on parle alors de
l'opinion du public ouvrier, du public
scientifique ou pdagogique l'gard
d'un film48). Les ouvriers des usines,
choisis comme prototy pes pour les
films de fiction, sont appels valuer
la pertinence de la reprsentation de
leur groupe professionnel et de leur
contexte de travail. La reprsentation
de soi se cantonne l'image du groupe
professionnel dont des membres se
prsentent comme porte-parole.
Nanmoins, on ne peut pas qualifier ces
pratiques de participation de pur
artefact sociologique. Les spectateurs
lont intgr eux-mmes et mettent en
avant leur rattachement un groupe
professionnel pour formuler la critique
de tel ou tel film. Le propos d'Ignatjev ,
major de l'Arme Rouge, en est
rvlateur :
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Rouge, qui possde toutes les
qualits moralesncessaires. [...] Sonpersonnage incarne
lesmeilleurs traits du soldatsov itique, propres celuiqui v ient de
rentrer dans lesrangs de l'Arme Rouge49 !
Paradoxalement, le
v isionnement public ,
cens, dans le contexte de
la dstalinisation, serv ir
au dcloisonnement
administratif des films en
leur affectant une
validation publique au
niveau national, retombe
dans les travers de la
segmentation des publics.
Certains cinastes et
crivains qualifient cette
consultation de
sociologisme
vulgaire50 : Si dans un
film on montre un
mauvais balay eur de rues,
tout de suite une lettre
collective des balay eurs
des rues signale que leur
corps professionnel est
discrdit51 . Les
dfenseurs des
v isionnements
publics , en revanche,
invoquent les bases
politiques de cette
pratique. En guise de
rponse aux rformes
tumultueuses des annes
1950, ils en v iennent
mettre en usage la notion
de commande sociale
dans la production des
films52. l'origine, le
terme tait cens traduire
les aspirations de larges
groupes de population
dterminants sociaux de
l'activ it de l'artiste.
Idalement, en traduisant
leurs attentes en rcits et
images, celui-ci les
propagerait et en mme
temps duquerait ces
commanditaires .
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Dans les annes 1960,
lorsque la notion est de
nouveau usite, elle
renvoie la fois
l'exprience de la
planification dans le
cinma et la tentative
d'valuer la rentabilit des
films. La production des
studios ne trouve pas
toujours les voies vers la
diffusion : les bureaux de
la distribution ne
commandent pas tel ou tel
film, qui serait donc cr
pour personne . Le
Comit du cinma initie
une discussion autour des
formes de commande
des films, en justifiant le
retour une planification
centralise par un
dy sfonctionnement
conomique de la
production et de la
diffusion des films53.
26
En parallle, l'Union des
cinastes (compose
notamment par les
cinastes clbres des
studios centraux) et le
Comit du cinma de
l'URSS plaident pour une
incitation matrielle des
studios (et des cinastes
pris indiv iduellement)
crer des films qui auront
un succs auprs de la
population54. Au lieu de
toucher une rmunration
pour le travail accompli et
pour le nombre de copies
tires (en fonction de la
catgorie attribue), ils
percevraient un
pourcentage des recettes
au-del du seuil de retour
sur investissement. La
rorientation de la
production
cinmatographique en
fonctions des exigences
du spectateur doit ainsi
enrler, pour certains,
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jusqu'au crateur lui-
mme. La rforme devrait
s'accompagner d'une
dissociation de la
production et de la
cration : d'un ct la
fabrique du cinma qui
reste une entreprise
industrielle de fourniture
de serv ices et de
matriaux et le studio qui
runit les crateurs-
contractuels. La sortie des
crateurs du salariat et
la mise en uvre des
logiques
d intressement
matriel , selon la
conception des auteurs du
projet, changeraient la
structure administrative
obsolte et nocive . La
mise en place d'un studio
exprimental [ETK]
Moscou, entre 1965 et
197 6, en est un des
versants55. Son unique
source de profit est le
pourcentage sur les
recettes. partir du seuil
de dix-sept millions de
spectateurs par film, les
auteurs touchent une
prime supplmentaire.
Ainsi, les cinastes sont
rmunrs en fonction du
bnfice cr par chaque
film et plus en fonction de
leur contribution la
production de tout le
studio56 (dans le sy stme
sovitique). Les analy stes
du studio suggrent que le
critre de rentabilit du
film (projet un nombre
de spectateurs suprieur
l'objectif de spectateurs
minimal pour atteindre un
retour sur investissement)
ne puisse tre utilis que
pour inciter le studio
innover. Hormis la
lourdeur du recueil des
donnes sur les
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spectateurs d'un film et la
faillibilit de ces
informations, ils
suggrent de calculer
l'objectif minimal du
nombre de spectateurs,
non partir d'une
valuation moy enne pour
l'ensemble de la
production
cinmatographique, mais
au cas par cas, pour
chaque film et sur une
plus longue priode (deux
ans au lieu d'un57 ). Mais le
Gosplan refuse la
proposition, en
considrant que le
nombre de films non-
rentables a augment.
Puisque les cinastes sont
pay s au moment de la
proposition du projet,
l'accroissement de la
priode de rtribution des
cinastes ne les inciterait
pas produire de
meilleurs films , c'est--
dire innover58.
Les dbats lancs au
dbut des annes 1960
continuent jusqu'au milieu
des annes 197 0, o de
fait, aucun sy stme de
commande n'est encore
stabilis. Le Comit du
cinma de lURSS formule
des commandes d'tat
avec allocation
dimportants fonds
financiers pour la
production des films
patriotiques, portant
notamment sur la Seconde
Guerre mondiale. En
197 3, des opinions
s'expriment au sein du
comit plaidant pour une
tude sociologique des
besoins [potrebnosti] des
spectateurs, outil de la
constitution des plans,
comme Holly wood59 .
Les dcideurs et les
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la priphrie :est-il possiblede crer unpublic ?
administrateurs du
cinma, oscillent entre la
volont de planifier les
succs60 (qu'ils peinent
pourtant identifier) et de
maintenir le sy stme de
production quitte
perptuer l'importance du
travail gratuit dans la
diffusion des films moins
populaires. Le projet
initial du Comit du
cinma, sign par l'Union
des cinastes, comporte la
rv ision des relations
entre divers secteurs de
production. Le cinma
documentaire ou les
productions
rpublicaines, a priori non
rentables, doivent tre
dissocis de la production
des long-mtrages de
fiction. La dcision fut
prise en faveur du
maintien du sy stme o
s'effectue, malgr tout,
une rpartition des parts
du budget entre divers
ty pes de cinma et entre
les studios de l'Union.
Sans que ce soit
publiquement justifi, la
production des films a
priori non-rentables,
comme le documentaire
ou la vulgarisation
scientifique a t
maintenue.
Ds les annes 1950, la
participation citoy enne
des spectateurs est
conue comme le moy en
de diffuser l'ensemble des
films produits en URSS.
Les conseils de
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spectateurs, les
commissions civ iques
auprs des salles de
cinma et les cin-
organisateurs doivent
veiller ce que le serv ice
cinmatographique soit
fourni61 . Ils se doivent de
s'assurer du bon
fonctionnement des salles
(respect des horaires, de
la propret), d' attirer les
spectateurs et de lutter
contre la projection
gratuite des films. Dans les
zones rurales, les cin-
organisateurs s'occupent
du transport des
projectionnistes, des
locaux et des meubles
pour la projection. Leurs
fonctions s'tendent aussi
la sensibilisation des
directions des kolkhozes
la conclusion de contrats
pour la diffusion des
films62. Dans les v illes, les
spectateurs-activ istes
sont organiss en conseils
auprs des salles. De la
mme manire, ils
effectuent certains
travaux bnvolement et
sont appels obliger les
salles projeter les films
carts pour des raisons
commerciales. Tout
comme les
projectionnistes-
activ istes, les spectateurs
sont penss comme des
militants de la cause
d'ducation
cinmatographique qui de
fait aident attnuer le
penchant commercial
de la distribution. Leur
identit est double :
assurer la distribution de
la production sov itique
(ils organisent entre
autres la vente des tickets
sur les lieux de travail,
d'tude et de v ie) et forger
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une forme de
participation
citoy enne , en
recueillant des demandes
et des souhaits des
spectateurs. Ils
reprennent en partie les
fonctions des
projectionnistes dans les
zones rurales pour
suppler au manque de
publicit et de
mobilisation des
spectateurs, mais ce
faisant ils mettent en
avant leur cinphilie. Ils
agissent la fois comme
promoteurs, ducateurs,
et reprsentants de ce
vaste groupe inconnu de
spectateurs. Bien qu'il soit
difficile d'valuer la
contribution relle des
spectateurs militants
l'exploitation des films,
des donnes de premire
main rvlent toutefois
leur prsence dans les
grandes v illes.
L'investissement de ces
cinphiles donne
naissance un rseau des
cin-clubs.
De manire
convergente, les cinastes
des films documentaires
et de vulgarisation
scientifique cherchent
projeter leurs films. Ceux-
ci sont soit carts de la
diffusion commerciale soit
rduits
l'accompagnement des
long-mtrages de fiction.
Dans ce contexte, les long-
mtrages documentaires
ou de vulgarisation
scientifique sont
pnaliss encore plus
fortement. Dans les
annes 1960, une seule
salle dans une grande v ille
est gnralement rserve
au cinma non-jou
30
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(documentaire, journaux
films et vulgarisation
scientifique). Les publics
du cinma documentaire
se forment au coup par
coup souvent
l'instigation des cinastes.
Traditionnellement, les
projections sont
organises bnvolement
par les ralisateurs du
cinma documentaire sur
les lieux de tournage.
Ainsi se fait la rencontre
entre les cinastes et les
spectateurs (qui en sont
en mme temps les
figurants). L'importance
de ce lien de proximit est
souvent souligne par les
cinastes63. Cette situation
de projection est cre
par les reprsentants de la
nouvelle gnration
enclins chercher les
publics pour leurs films.
Certains cinastes, par
exemple ceux du studio
de Sverdlovsk, organisent
des cin-clubs au sein
mme du studio64. Comme
en tmoigne Lia Kozy reva,
documentariste et lune
des premires animatrices
de cin-clubs
Sverdlovsk, la salle
qu'utilisent les cinastes
pour v isionner les prises
de vue a t adopte pour
ces premires rencontres
publiques. Li Kozy reva
remarque avec fiert :
Nous avons duqu
toute une pliade de
spectateurs clairs, chez
qui nous avons dvelopp
un bon got . Les sances
de projection des films,
accompagnes de
confrences, dev iennent
rgulires au point que
certains spectateurs
louent des salles de
spectacles, v ia leurs
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organisations
professionnelles65.
Paralllement, l'Union
des cinastes66 popularise
cette pratique en
organisant, ds le dbut
des annes 1960, des
projections pour son
propre compte67 . Celles-ci
sont aussi bien de grands
spectacles populaires
auxquels participent des
acteurs connus, que des
rencontres plus intimistes
avec un cinaste
prsentant son uvre.
L'Union publie des cartes
postales l'effigie des
acteurs clbres et des
ditions faible tirage,
consacres au cinma. Ce
faisant, elle alimente un
fonds financier pour ses
membres et cre une
possibilit pour les
cinastes de mener des
confrences pour toucher
une rmunration durant
leur priode de chmage
(entre les participations
aux projets). Le Bureau
de la propagande de l'art
cinmatographique
sovitique68 fond cet
effet met en place des
confrences, en accord
avec les sy ndicats
dentreprises et des
administrations. tant la
seule structure qui a accs
aux fonds filmiques, sans
pay er un impt, l'Union
des cinastes en fait une
activ it part entire. Le
cinaste s'affirme en tant
qu'auteur en face d'un
public rgulier, runi
autour de l'Union des
cinastes. plus grande
chelle, les projections
ouvertes un large public,
sont issues de la
collaboration entre les
entreprises, les bureaux
31
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En guise deconclusion
de propagande du cinma
sovitique et les studios
locaux.
C'est ainsi qu'au dbut
des annes 197 0
Sverdlovsk des groupes de
spectateurs sont
sensibiliss au cinma
scientifique et
documentaire. la mme
poque, un public rgulier
du cinma documentaire
social et des films d'art
s'est progressivement
constitu Riga.
L'mergence de ces
affinits avec les publics
s'explique par les
rorientations apportes
lors du Dgel. Celles-ci
rsultent des tentatives
d'adaptation aux rgles de
la diffusion commerciale
entreprises par les studios
et leurs employ s, tandis
que l'image dun public
homogne, incarne dans
la politique de
programmation des salles
d'tat, rend inv isible ces
modalits de la diffusion
cinmatographique,
confines l'change
inter-institutionnel.
32
La priode du Dgel est
originale plusieurs
gards. D'une part, elle est
le thtre d'un
affrontement entre
diffrentes v isions du
public et de multiples
figures du spectateur .
Mais d'autre part, ces
portraits du spectateur ne
sont pas pure rhtorique.
Ils tmoignent de
l'importance des
conditions matrielles de
33
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projection et des
volutions du sy stme de
production et de diffusion.
Prsent tantt comme la
v ictime d'un sy stme qui
dy sfonctionne, comme la
mesure d'valuation de la
qualit des films, ou
comme le garant de la
lgitimit politique du
sy stme de production et
de diffusion, le
spectateur cristallise,
travers ces diffrentes
figures, les enjeux
politiques et sociaux de
l'volution de la
cinmatographie
sov itique. C'est
paradoxalement en ay ant
le regard tourn vers la
notion de public telle
qu'elle existe en Occident,
que les autorits vont
chercher dans les valeurs
politiques et ducatives
des annes 1920, le
moy en de renouveler les
relations
d'interdpendance entre
les groupes de spectateurs
et le cinma (tant dans sa
production que dans sa
diffusion). Les cinastes,
quant eux, prennent
leur compte l'objectif
d'ducation esthtique.
D'une certaine manire, le
public est considr
par l'ensemble de ces
acteurs comme un point
d'aboutissement du travail
culturel que le cinma est
cens mener.
La volont d'intgrer
les lieux disparates de
diffusion (salles d'tat en
zones urbaines et rurales,
salles d'entreprises) et de
les soumettre des
critres communs de la
rentabilit n'a pas nivel
entirement la production
des films. Certains de ces
34
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Bibliographie
Notes
1 Le projet politique mis en place l'poque de Nikita Hruev qui
consistait
espaces et publics ont
hberg un cinma plus
confidentiel. Et au-del du
travail gratuit, le
bnvolat est devenu une
forme de militantisme
cinphile tablissant des
liens priv ilgis avec
certains studios. L'usage
rcurrent de la notion de
public au singulier dans la
documentation officielle
v ient en ralit masquer la
diversit des ty pes de
cinma et de leurs publics
en Union sov itique.
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-
14/02/13 L'tat de tous les spectateurs
cm.revues.org/1168 28/31
transfrer les domaines de la culture et du sport des
organisations non-tatiques,s'intitulait l'tat de tout le peuple
[obenarodnoe gosudarstv o]. Bien quel'objectif annonc sav oir la
disparition des structures d'tat nait tnullement ralis, la notion
de participation citoy enne reflte des ides conomiqueset politiques
alors en v igueur en URSS (v oir PYYKOV, 2002).
2 Sans nom, Ne zaby v at interesy kinozritel , Sovetska kultura,
1 7 octobre1 953, p. 4 ; Otliny e filmy kinozritel ! , Sovetska
kultura, 1 8 juin 1 955, p. 2 .
3 Archiv es d'tat de la Lettonie (LVA), Fonds du Ministre de la
culture de laRpublique 67 8/1 /1 99/p. 203.
4 Je tiens remercier les responsables des Archiv es des
documents photo et v ido deMoscou d'av oir mis ma disposition ces
photographies.
5 L'article, crit la premire personne, laisse le doute sur la
personnalitd'auteur : journaliste ou spectateur lambda ? Tantt les
lettres sont publies tellesquelles, tantt un journaliste rdige un
article critique qui runit les plaintesreues sans s'y rfrer
prcisment.
6 PIOTROVSKIJ, A., O komercii i ideologii , izn iskusstva, 1
929, n 1 29 cit d'aprsle recueil des articles de Piotrov skij publi
dans Iskusstvo kino, n 3 , 1 968, p. 7 1 .
7 Les archiv es tudies des structures centrales : Direction de
la cinfication et del'exploitation du cinma au sein du Ministre de
la culture de l'URSS aux Archiv esde la littrature et des arts
(RGALI), Conseil des ministres, Comit Central du PCUSdans les
Archiv es de l'histoire contemporaine (RGANI), et celles des
organesrelev ant des rpubliques sov itiques.
8 Le Ministre de la culture de l'URSS rapporte qu'entre 1 953 et
1 954, un habitanten zone rurale v a au cinma en moy enne 4 fois
par an. Dans les rpubliquessov itiques de Bilorussie, d'Azerbadjan,
de Lituanie, de Tadjikistan, deTurkmnistan et d'Armnie on compte
moins de 2 places achetes par an. RGALI,Fonds du Ministre de la
culture de l'URSS, 2329/1 3/3/p. 2-9 ; RGALI, F.2329/1 3/8.
9 Depuis la date du tirage de la copie, les films Mdecin de
campagne, Cavalier del'toile d'or et les Mineurs de Donetsk ont t v
us par 1 % de la population rurale de laRpublique d'Azerbadjan, par
exemple. RGALI, F. 2329/1 3/8, p. 6.
1 0 Dans la rgion de Rezekne en Lettonie, dans la priode du 1 er
aot au 1 er
dcembre 1 953, 347 sances ont v u leur programme chang. Ainsi,
le film Carte duParti a t remplac par le film les Aventures de
Robin des Bois, le film Tractoristespar Gladiateur. LVA, Fonds du
Conseil des ministres, 27 0/2/57 97 /p. 1 2.
1 1 RGALI, F. 2329/1 3/3/p. 2-9 ; LVA, F.27 0/2/57 9/p. 45.
1 2 RGALI, F. 2329/1 3/8/p. 28.
1 3 RGALI, F. 2329/1 3/1 8/p. 60-61 .
1 4 Le redressement de la diffusion cinmatographique en URSS
dans l'aprs-guerreest bas sur l'introduction de la projection en
pellicule 1 6 mm. La qualit de l'imageet du son est moins lev e que
celle de la pellicule 35 mm, ce qui exige unajustement de la
luminance, de la chrominance, du v olume et de la dy namiquesonores
des films tirs sur ce support. Or, ces contraintes ne sont pas
prises encompte par les producteurs et les laboratoires. Les films
ne sont passy stmatiquement imprims en copie 1 6 mm et des pans
entiers de films de fiction,dactualits et de films documentaires
existent exclusiv ement en 35 mm. Leresponsable de la Direction de
la diffusion cinmatographique qui dresse ce tableause rfre
notamment aux plaintes des spectateurs et signale le refus sy
stmatiquedes ministres rpublicains de la culture d'instaurer la
diffusion des films en 1 6 mm.RGALI, F. 2329/1 3/8/p. 36-42.
1 5 Entretien av ec Armin Leins, Lettonie, av ril 201 0.
1 6 SIZILOV, A., Kinoseans v kv artire , Sovetska kultura, 5 nov
embre 1 953, p. 4.
1 7 LVA, F. 67 8/2/203/p. 2-1 2 et 24-26.
1 8 CAOPIM (Les archiv es centrales de l'histoire civ ique et
politique de Moscou),Fonds du Comit du Parti de la v ille de
Moscou, 4/91 /1 1 /p. 1 0.
1 9 Pour un tableau gnral des fonctions du sy ndicat dans une
entreprisesov itique et des pay s de dmocratie populaire v oir
LOWIT, 1 97 1 .
20 LVA, F. 67 8/1 /1 99/p. 8-1 2 ; RGALI, F. 2329/1 3/1 8.
21 RGALI, F. 2329/1 3/8, p. 7 .
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22 RGALI, F. 2329/1 3/23/p. 90.
23 RGALI, F. 2329/1 3/32, p. 50.
24 Ibid., p. 1 62.
25 CAOPIM, F. 957 /1 /1 1 9/1 4/p. 1 6.
26 KADYNIN, G. et ANAKIN, Mihail, elovek bologo serdca. Oerk o
selskommehanike, elbinsk, 1 964 ; BATALOV, V., ny j kinomehanik (M.
ihov ) - aktiv istpropagandy kino, Kirov , 1 957 , dans Kinofikaci
sl RSFSR, Sov etska Rossi,Moscou, 1 961 .
27 On peine diter les matriaux d'accompagnement des films, les
textes ou lesimages publicitaires. Le journal spcialis Kinomehanik,
dont l'dition a tinterrompue entre 1 941 et 1 951 , oscille entre
la publicit et l'apport d'informationstechniques. CAOPIM, F. 957 /1
/1 1 9/1 4/p. 4-1 9.
28 CAOPIM, Fonds du comit du Parti dans la v ille de Moscou,
4/99/9/p. 1 1 6-1 1 7 .
29 ROMM, Mihail, Kino i zritel , Literaturna gazeta, 1 7 mars 1
955, p. 1 .
30 Iskusstvo kino, n 1 1 , 1 957 , p. 1 48.
31 ITOVA, Vera, Po osobomu zakazu , Iskusstvo kino, 1 960, n 6,
p. 33 .
32 HANTIN, rij, Esli smotret v s podrd , Iskusstvo kino, 1 959,
n 9, p. 63-7 5.
33 MASKIN, P., Pov y sit' rentabel'nost' prokata kinofil'mov ,
Kinomekhanik,1 961 , n 5, cit dans Ju. Kalistratov et A. Anakin,
Kinoprokat i ego problemy,Iskusstv o,Moscou, 1 963, p. 41 .
34 Pour les longs mtrages de fiction, la proportion des films
trangers dans lenombre global des films sortis sur les crans est en
1 950 de 38 %, en 1 955 de 54 %,en 1 960 de 53 % (dans KALISTRATOV,
Ju. et ANAKIN, A., op. cit., p. 52).
35 CAOPIM, F. 4/99/9/p. 1 37 -1 65.
36 RGALI, F. 2329/1 2/2569/p. 31 -32.
37 VAJSFELD, Il, Iz Uralskogo dnev nika , Iskusstvo kino, 1 960,
n 9.
38 VOLKOV, V. et KOGAN, L., Kino i sociologi. S ego e v se-taki
nainat ? ,Sovetskij kran, 1 968, n 4, p. 20.
39 GRITIN, V., Srednestatistieskij i iv oj zritel , Sovetskij
kran, 1 968, n 1 3 ,p. 20.
40 Hruev incite les studios organiser les v isionnements publics
, en lesinscriv ant dans le contexte de la participation civ
ique.
41 RGALI, F. 2329/1 3/3.
42 Archiv es d'tat de Lettonie, LVA, 7 238/1 /1 1 .
43 Officiellement, il s'agit d'une subdiv ision de la cellule du
Parti au studiorunissant les trav ailleurs de la cration. De fait,
la section cratrice est constituesurtout de reprsentants d'autres
professions reprsentes studio.
44 Collge de scnarios de cinma.
45 RGALI, F. 2453/3/32/p. 1 9.
46 CAOPIM, Fonds de la cellule du Parti du studio Mosfilm,
2820/1 /58/8.
47 RGALI, Fonds du Goskino, 2944/1 /1 49/p. 1 57 -1 59.
48 Le studio attribue une catgorie au film et dtermine sur ces
bases le nombre decopies et la rmunration de l'quipe. L'octroi de
la 1 re catgorie, la plus v alorise,n'est possible qu'aprs
l'exploitation du film durant 2-3 mois, en prenant en compte son v
aluation par le public .
49 Archiv es de la rgion de Sv erdlov sk, Fonds du studio de
cinma, 2258/1 /1 001 .
50 Selon la formule d'Il Vajsfeld, critique et scnariste de
cinma.
51 RGALI, F. 2453/3/32/p. 66.
52 L'article Vers Gosplan, qui dfend de manire fort conv
aincante lesav antages d'une planification socialiste profonde en
matire de cinma, sert denoble rponse aux adeptes de la non-interv
ention de l'tat dans un art pur etlibre, ces adeptes qui sont
influencs par les ides petites-bourgeoises etanarchistes. La
pratique artistique d'Eisenstein, qui a cr ses meilleurs films
suite la commande directe de son peuple, et le fondement thorique
qu'il a pos pour lancessit d'un Plan d'tat, large et tout-puissant,
prouv ent cette noble ide selon
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laquelle un artiste issu de la culture socialiste est un crateur
non par la commandebureaucratique mais ses v ritables russites
artistiques se situent sur le chemin oconv ergent une bonne
comprhension historique de la commande de son peuple, deson poque
et de son parti av ec la ncessit intrieure de l'artiste d'exprimer
lesaspirations populaires, et av ec sa responsabilit personnelle
dev ant son temps et sonart. , Sergej tkev i, RGALI, Fonds
personnel, 307 0/1 /529/p. 33 .
53 Selon la formulation de Romanov , prsident du Comit d'tat du
cinma del'URSS ; CAOPIM, Fonds du comit de la v ille de Moscou et
du comit du PCUS,2820/1 /85/1 1 .
54 RGANI, Fonds du Comit Central PCUS, 5/36/1 58/p. 1 -24 et
9-69.
55 Cf. FOMIN Valerij rd., Kino ottepeli, recueil des documents
et des tmoignages, p.232-254.
56 Archiv es du studio Mosfilm, Fonds du studio artistique
exprimental, 1 /5/p. 33-51 .
57 Ibid., p. 86-92.
58 RGANI, 5/36/1 58/p. 7 4-7 6.
59 CAOPIM, Fonds de la cellule du parti Goskino URSS/1 252/2/57
/1 0/p. 50.
60 CAOPIM, F. 2820/1 /85/1 1 .
61 KURGANOV, ., Klub v kino et BELKOR, S., Obestv ennaa komissia
nabiraetsilu , dans Kino v klube. Sov etska Rossi, Moscou, 1 963,
p. 7 -26 et 26-32.
62 NAELSKIJ, A. et STOLROVA, T., konomika, organizaci,
planirovanie kinoseti ikinoprokata, Sov etska Rossi, Moscou, 1 964,
p. 63-65.
63 Entretiens av ec Iv ars Seleckis (oprateur), Av ars Fremanis
(ralisateur),Riga, octobre 2008, Li Kozy rev a (ralisatrice),
Ekaterinbourg, dcembre 2007 ,Boris apiro (oprateur), Ekaterinbourg,
av ril 2009.
64 Entretien av ec Li Kozy rev a.
65 Le premier cin-club est l'initiativ e des employ s de l'usine
Uralma. Enfv rier 1 967 , le cin-club Kontakt est officiellement
ouv ert au sein de l'Institutde recherche UralTep. D'abord ses
projections ont lieu la Maison des trav ailleursde la culture, puis
il s'installe dans la salle de cinma Kosmos . Dans la mmesalle,
trav aille un autre cin-club estudiantin Logos .
66 Organisation professionnelle runissant les trav ailleurs
crateurs du cinmafonde en 1 957 .
67 LVA, F. 67 8/2/203/p. 27 .
68 cette priode apparaissent des bureaux de la propagande de
presque tous lesarts en URSS.
Table des illustrations
T itre Ill. 1 : Dans la salle de lecture du cinma Oudarnik ,
1952.
LgendeArchives des documents photos et vidos de Moscou,
Fondspersonnel de Korolev J.D, # 0-1248214.
URL http://cm.revues.org/docannexe/image/1168/img-1.png
Fichier image/png, 152k
T itreIll. 2 : Photo panoramique Prs du cinma Oudarnik aumoment
de la diffusion du film Chute de Berlin , janvier 1950.
LgendeArchives des documents photos et vidos de Moscou,
Fondspersonnel de Korolev J.D., # 0-30659.
URL http://cm.revues.org/docannexe/image/1168/img-2.png
Fichier image/png, 165k
T itre Ill. 3 : Salle de projection du cinma Oudarnik , 1952
LgendeArchives des documents photos et vidos de Moscou,
Fondspersonnel de Korolev J.D., # 0-124822
URL http://cm.revues.org/docannexe/image/1168/img-3.png
Fichier image/png, 134k
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cm.revues.org/1168 31/31
Pour citer cet article
Rfrence lectronique
Irina Tcherneva, L'tat de tous les spectateurs , Conserveries
mmorielles [Enligne], # 12 | 2012, mis en ligne le 05 avril 2012,
Consult le 14 fvrier 2013. URL :http://cm.revues.org/1168
Auteur
Irina TchernevaAprs avoir effectu un parcours en sciences
politiques, Irina Tcherneva mne undoctorat en histoire et
civilisation l'cole des Hautes tudes en Sciences Sociales,Centre
des tudes du monde russe, caucasien et centre-europen. Son travail
de thseporte sur le cinma non-jou sovitique l'poque de la
dstalinisation (1953-1968), les units de la production et les
modalits de diffusion.
Graduated in political sciences, Irina Tcherneva is a Ph.D
candidate in the School forAdvanced Studies in the Social Sciences
(EHESS), Center of studies of Russian,Caucasian and center-European
civilizations. Her research is in the sphere of thecinema sociology
: non-fiction film in the USSR during the period of
de-Stalinization (1953-1968), through the study of the production,
distribution and diffusion structures.
Droits d'auteur
Conserveries mmorielles