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Linformation gographique n 2 - 2010
64
Lespace dans les pays arabes : outil de dveloppement et lment de
reconnaissance nationale ou rgionale
par Florence Gaillard-Sborowsky
Florence Gaillard-Sborowsky,
Sciences politiques, Fondation pour la recherche stratgique
[email protected]
Ds 1967, soit dix ans aprs Spoutnik, les ministres de
linformation de laLigue arabe
1
envisagent les possibilits offertes par les satellites de
tl-communications en vue de les exploiter rgionalement au service
delinformation arabe. Si le dsir daccession du monde arabe aux
technolo-gies spatiales survient relativement tt dans lhistoire de
loccupation delespace, ce nest que trente ans plus tard que se
manifeste une progressivemonte en puissance de la rgion. Il ne
sagit toutefois plus dune ambitionrgionale globale mais de la
multiplication de programmes nationaux, tantdans le domaine des
tlcommunications que dans celui de lobservationde la terre.
Les applications spatiales relvent dune comptence technologique
trsambitieuse au regard de la position scientifique et
technologique du mondearabe et de la faiblesse des dpenses
publiques alloues la recherche et audveloppement
2
sans parler du dficit de comptences industrielles. Cetintrt
prcoce manifest pour lespace tient sans doute dans une
ambigutfondamentale de lactivit spatiale. la fois minemment
technique et sym-bolique, lespace est aujourdhui tout autant
banalis ses applications tantdsormais entres dans la vie de tout un
chacun que porteur dune image
1. Cette initiative se produit au cours dune session
extraordinaire du conseil, confiant ausecrtariat de la Ligue la
mission dtudier le progrs technologique dans le domaine desmoyens
de communications et particulirement les satellites.2. En 2007, la
dpense totale dans le monde pour la recherche et dveloppement tait
de1 137,9 milliards de dollars ; la part du monde arabe ce budget
tait de 0,4 % du totalsoit le montant le plus faible.
-
Linformation gographique n 2 - 2010
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de puissance et de prestige
3
. Emblme dune politique de haute technologie,il est associ une
image de modernit et de dveloppement mais aussi desupriorit qui na
pas manqu de sduire le monde arabe. La technologiespatiale sincarne
alors en un objet permettant de satisfaire des objectifs mul-tiples
et apparat comme une opportunit saisir, sous-tendue par des
raisonssocio-conomiques et politiques. Dans cette optique, deux
grandes logiquesse dgagent et sarticulent dans les processus de
ralisation des diffrentsprojets spatiaux arabes : celle du
dveloppement national ou rgional et celledes retombes symboliques
associes soit la mise en orbite dun satellitesoit lexploitation des
applications spatiales. La diversit dans les moda-lits de
ralisations des diffrents programmes pose la question de lhtro-gnit
ventuelle des logiques nationales, mais cette disparit nest en
faitquapparente. Elle reflte plutt les divers degrs dimbrication de
ces logi-ques selon limportance relative qui leur est accorde par
chaque pays ouacteur dans le processus de dcision qui le conduit se
doter dune techno-logie spatiale. Il est ainsi possible denvisager
au travers des diffrentes poli-tiques nationales quelques modles
types.
Une prsence dans lespace qui sappuie sur largumentaire des
Development Studies
Les
Development Studies
qui se constituent au dbut des annes soixantecomme discipline de
rflexion conomique et politique sur les conditions dudveloppement
sont la base de lintrt des pays arabes pour lespace avec
3. Pour un panorama complet des politiques et des applications
spatiales dans le mondevoir louvrage de rfrence en franais :
LEspace, nouveau territoire. Atlas des satellites etdes
politiques spatiales
, Fernand Verger (dir.), Paris, Belin, 2002.
Fig. 1 : Les capacits spatiales des pays arabes
-
Lespace dans les pays arabes
66
Linformation gographique n 2 - 2010
trois raisons principales. Dune part, loutil spatial rpond des
traits bienconnus : population ingalement rpartie et disperse,
manque dinfrastruc-tures terrestres, besoin daide au dveloppement
local, zone particulirementvulnrable aux risques naturels majeurs
qui justifient de son usage pourltablissement de tlcommunications
spatiales et lutilisation des outils detldtection. Sur un plan
ponctuel, des alas majeurs comme les sismes,les inondations et les
invasions de criquet se produisent rgulirement avecdes cots humains
et conomiques considrables. Sur le long terme, la zoneest menace
par des phnomnes de dsertification et de scheresse qui,danne en
anne, se montrent de plus en plus inquitants. Si lactivithumaine
est rgulirement dnonce, il nen demeure pas moins que la go-graphie
particulire de cette rgion est aussi un facteur explicatif et
ancien decette sensibilit accrue aux risques naturels. ce titre,
les crations de cen-tres de tldtection se multiplient dans les
annes soixante-dix et 80, suc-cessivement en gypte (1971), Algrie
(1977), Syrie (1981), ArabieSaoudite (1986), Tunisie (1988), Maroc
(1989), Jordanie (1989), Libye(1989) etc. Dautre part, les besoins
du dveloppement sont un argumentpolitiquement acceptable pour
lobtention de technologies spatiales sou-mises, du fait de leur
usage militaire potentiel, au contrle des exportationsde la part
des pays occidentaux qui les matrisent. Enfin, sappuyer sur
lanotion de dveloppement est aussi une arme politique de sduction
en direc-tion des opinions publiques arabes, nationales ou
rgionales.
Les acteurs arabes du domaine spatial vont donc sadosser aux
thories dudveloppement selon trois paradigmes dominants successifs
:
le concept de dveloppement ax sur la science et la
techniquecomme moteur de lconomie ; le concept de dveloppement
humain et la socit de linformation ; le concept de dveloppement
durable.
Les technologies spatiales au service du dveloppement
conomique
Le premier paradigme utilis par les dirigeants arabes dans leurs
argumen-taires lgitimant leur accs aux technologies spatiales est,
en effet, bas surla R & D, la science et la technique et le
dveloppement technologique. Leslites arabes, dont les pays sont
tiquets, dans leur grande majorit, comme sous-dvelopps , confronts
au modle de dveloppement conomiqueprsent par les pays
industrialiss, sont inspires par la thorie de la dpen-dance de la
priphrie par rapport au centre, dont lun des thoriciensmajeurs nest
autre que lconomiste franco-gyptien Samir Amin. Les diri-geants
arabes veulent moderniser leurs pays et recherchent les voies
suscep-tibles de servir lindpendance conomique partir du
dveloppementtechnologique Ils esprent aussi, par le biais de laccs
aux technologies spa-
-
Linformation gographique n 2 - 2010
67
tiales, symbole par excellence de la haute technologie,
favoriser un pro-cessus de transfert. Cest l, par exemple, un des
points essentiels retenus parles dcideurs arabes lors des
discussions prsidant la cration de lorgani-sation
Arabsat
4
qui devait contribuer la cration dune industrie des
tl-communications arabe qualifie pour rpondre la demande domestique
enbnficiant des transferts de technologies occidentaux.
ce titre, le programme gyptien
Nilesat
de tlcommunications par satel-lite est aussi trs illustratif
dune logique du mme ordre mme si elle estplus lie des enjeux
conomiques et financiers directs. En effet, lgyptene dcide son
programme national de tlcommunications spatiales quaprsson viction
de la Ligue arabe
5
au moment o slabore et se concrtise leprojet
Arabsat
dans lequel elle tait lun des plus gros contributeurs. Or,
pre-mier producteur en matire audiovisuel dans le monde arabe, elle
comptaitsur
Arabsat
pour garantir un dbouch ses programmes audiovisuels.Laccent port
dans les mdias et les discours politiques, lors du lancementdu
satellite en 1998, sur les gains conomiques escompts avec
Nilesat
-101tmoigne de cette approche dans un contexte o le secteur de
linformationet des mdias constitue une des cls de la stabilit
politique , stabilit lie,pour les dirigeants gyptiens, en grande
partie la prosprit conomique
6
.
Largumentaire du dveloppement conomique bas sur la science et la
tech-nologie est toujours dactualit. LAlgrie, lArabie Saoudite, ou
les miratsarabes unis, pour ne citer queux, mettent toujours
actuellement laccent,dans leurs projets spatiaux, sur le degr de
transfert de technologie et de for-mation dont ils vont pouvoir
bnficier. Pour autant, il sest enrichi de lanotion de dveloppement
humain. En effet, sous le coup des remises encauses et de la crise
des annes 1980-1990, appeles la dcennie perdue, ole matre mot fut
alors lajustement structurel, on est pass dune approcheclassique et
ferme du dveloppement o la croissance tait au cur du pro-cessus une
approche qui relativisait limportance de la croissance cono-mique
pour privilgier la mesure de la bonne vie . Lre dudveloppement
humain, dfini comme tant un processus qui conduit llargissement de
la gamme des possibilits qui soffrent chacun
taitouverte. Dans ce nouveau paradigme du dveloppement, une
large place estfaite au savoir et limportance de laccs pour tous,
une socit caract-
4. Les objectifs d
Arabsat
prvoient
a
) dentreprendre des tudes et recherches sur lestechnologies
spatiales,
b
) dassister techniquement et financirement les tats arabes
dansla conception et la mise en service des stations terrestres
mais surtout dencourager lacration des industries ncessaires pour
la maintenance de lquipement du segment spatialet des stations
terrestres dans les tats arabes , The Arabsat Agreement Text
andComment , Dr Wulf von Kries,
Zertschrift
, n 2, 1978, Cologne.5. Suite aux accords de Camp David de
1979.6. In Nilesat-101 et 102 : petite histoire dun rve de grandeur
, Dina El Khawaga, revue
Herms,
n 34, Lespace, enjeux politiques , p. 135 148, Paris, 2002.
-
Lespace dans les pays arabes
68
Linformation gographique n 2 - 2010
rise par la prdominance de linformation, de la communication et
de laconnaissance dans lensemble des activits humaines
7
.
Les technologies spatiales au service du dveloppement humain et
de la socit de linformation
Cest le sens du premier Rapport sur le dveloppement humain dans
lemonde arabe, paru en 2002, examinant les dfis auxquels le monde
arabetait confront. Le second rapport en 2003, consacr
exclusivement ltatde la socit de linformation, la place de la
science et de la technologie etla manire de construire une socit du
savoir envisageait le rle destechnologies spatiales dans la
ralisation de ces objectifs. En effet, la placeunique de loutil
spatial dans le domaine de la matrise de linformation enfait un
secteur par nature trs proche des enjeux sociaux et politiques
denotre poque et de la socit de linformation en raison de sa nature
mme(recueil et diffusion de linformation etc.). Cet argumentaire se
retrouve danslannonce des derniers programmes spatiaux en cours ou
en projet dans lemonde arabe.
Ainsi, du programme spatial algrien qui sinscrit dans un
engagementrsolu et sans faille aller vers la socit de linformation
selon les dcla-rations du ministre de la Poste et des Technologies
de linformation et de lacommunication, M. Hachour. Mais cest
galement vrai pour les miratsarabes unis qui ont mis en uvre une
ambitieuse politique de diversificationaux fins de dveloppement
dans laquelle les projets de satellites ont la partbelle. Se
positionner en tant que leader sur le plan des nouvelles
technolo-gies, de par leur importance dans la construction dune
socit de linforma-tion, est lune des raisons principales que lon
peut avancer concernant ledynamisme qui caractrise les mirats
Arabes Unis. Prenons enfin, commedernier exemple, la Libye, qui
cherche se doter dun satellite national detlcommunication afin
dacclrer le processus de promotion de la ma-trise des TIC et de
faire entrer le pays par la grande porte lre de la socitde
linformation et de la communication , Libye qui vient de mettre en
ser-vice une station de rception multisatellite dbut octobre 2009,
Morzouk. Prsente comme la pierre angulaire du programme
spatiallibyen , elle a pour mission lutilisation des informations
dans tous lesprogrammes de dveloppement conomique, stratgique qui
sont adquatsavec les politiques de dveloppement et de planification
aux niveauxnational et rgional .
7. Voir ce sujet notamment, Socit de linformation et Socit de la
connaissance ,Sally Burch, in
Enjeux de Mots, Regards multiculturels sur les socits de
linformation
, AlainAmbrosi, Valrie Peugeot et Daniel Pimienta (coord.), C
& F dition, 2005.
-
Linformation gographique n 2 - 2010
69
Paralllement la prise en compte du dveloppement humain et du rle
joupar la socit de linformation, la monte en puissance, dans le
monde occi-dental, de la notion de dveloppement durable commence
aussi influencerles arguments soutenus par les pays arabes.
Vers lintgration de la notion de dveloppement durable dans
largumentaire arabe
Lappropriation arabe de la notion de dveloppement durable
seffectueselon deux procds. Lun, implicite, utilise la rhtorique du
dveloppementdurable dans lannonce de lutilisation que lacteur
concern compte faire dela technologie spatiale dont il sest dot.
Cest le cas par exemple du Pro-gramme spatial national algrien,
doctrine labore en 2006, qui insiste surle dveloppement
dapplications spatiales civiles dobservation de la terre,pour la
connaissance des ressources naturelles et leur gestion, la
protectionde lenvironnement, la prvention et la gestion des risques
majeurs naturelset industriels, pour une exploitation autonome des
tlcommunications spa-tiales dans les diffrents domaines
(transmission, tlphonie fixe et mobile,tldiffusion, tl-mdicine,
etc.), de positionnement par satellite, les sys-tmes existants dans
le monde (amricain GPS, russe Glonass) ou en coursde mise en uvre
(europen Galileo), lensemble devant tre exploit afindasseoir divers
rseaux indispensables la cartographie de base, la sur-veillance
sismique et lauscultation des ouvrages dart (barrages
hydrauli-ques, ponts, gazoducs, oloducs et autres sites
nvralgiques.). Parmi cesprogrammes figurent ceux des tudes de
pollution environnementale, de ges-tion des ressources
hydrauliques, de prospection des matires premiresminires, de
dtermination et de prvision de la nature et de la quantit
desproductions agricoles. De mme, la station de rception libyenne
est justifiepar son utilisation dans les procds de classification
des sols, de dtectionprcoce des flaux agricoles, de cartographie
agricole, dobservation du ph-nomne de dsertification, de
dtermination des surfaces de pturage et leurscapacits, par le
contrle des dangers naturels tels que les inondations, lesincendies
de fort et lanalyse de leurs dgts.
Lautre procd, explicite, utilise directement le vocable de
dveloppementdurable dans les divers communiqus autour des projets
spatiaux. Ainsi, parexemple, autour du projet
Alsat
-2, Azzedine Oussedik, le directeur gnralde lAgence spatiale
algrienne (ASAL), dclare que ce programme vise matriser et
dvelopper la technologie et les ressources humaines, et demettre la
science spatiale au service du dveloppement durable . Cest
ga-lement le cas autour du lancement du satellite mirati Dubaisat,
et de sonoprateur l
Emirates Institute for Advanced Science and Technology
(EIAST), qui est valoris pour son rle de promoteur du
dveloppementdurable.
-
Lespace dans les pays arabes
70
Linformation gographique n 2 - 2010
tat des lieux des activits spatiales dans le monde arabe par
acteurs
La ralit des ralisations arabes dans le domaine spatial permet
de les posi-tionner en fonction de cet argumentaire
dveloppementaliste.
De fait, le terme de ralisation ne recouvre pas la capacit
couvrir tous lesdomaines des applications spatiales (de la
conception dun satellite sonlancement) de manire indpendante comme
le font seuls les tats-Unis, laRussie, lEurope, la Chine, le Japon,
lInde et Isral. Il sagit seulement dematriser un ou quelques
aspects des applications spatiales : conception etintgration dun
satellite, dveloppement dun sous-systme pour les plusavancs ;
exploitation dun satellite, une fois mis sur orbite, achet,
exploita-tion de moyens-sols nationaux avec des satellites
trangers, achat de servicesou de produits finis pour les moins
avancs. Le monde arabe se situe dans cesecond groupe de pays avec
des variations de niveaux dactivits selon lespays considrs, allant
de lachat de services (achat dune image ou duncanal de diffusion
par exemple) ou dune technologie (un satellite ou unestation sol
par exemple) la conception nationale des engins.
Le tableau des capacits spatiales existantes montre les niveaux
de comp-tence respective des tats et traduit, de fait, la part du
spatial dans la poli-tique nationale et les logiques qui sy
expriment. Ainsi, lAlgrie et lArabieSaoudite sont-elles dans une
logique de dveloppement et de constructiondune filire nationale
fortement intgre (conception, fabrication, rception,traitements
nationaux), tant dans le domaine des tlcommunications quedans celui
de lobservation de la terre
8
. La rappropriation nationale se veutdonc prsente sur toute la
chane satellitaire et cette volont est affiche offi-ciellement. Au
contraire, limplication dans le spatial de la Tunisie se
traduituniquement par lachat dimages avec un fort investissement
dans la rap-propriation nationale de leur traitement.
Au bilan, on peut dresser le classement suivant :
rappropriation nationale ds la conception du satellite
tlcoms/observation : Algrie, Arabie Saoudite, et dans une moindre
mesure leMaroc ;
rappropriation nationale station de rception et traitement
desdonnes avec possession de satellites achets : gypte, mirats
ArabesUnis ;
rappropriation nationale station de rception et traitement
desdonnes : Libye ;
rappropriation traitement des donnes : Tunisie, Syrie,
Liban.
8. Par exemple, lAlgrie a en projet de construire une unit de
fabrication de microsatel-lites Bir El Djir (Oran-Est).
-
Linformation gographique n 2 - 2010
71
Tab. 1 : Satellites de tlcommunications
Pays ou organisations
propritaires
Nom du satellite
Constructeur Lancement
Ligue des tats Arabes
Arabsat 1A Arospatiale 1985 (Ariane)
Ligue des tats Arabes
Arabsat 1B Arospatiale 1985 (Ariane)
Ligue des tats Arabes
Arabsat 1C Arospatiale 1992 (Ariane)
Ligue des tats Arabes
Arabsat 1D Arospatiale 1995 (Ariane)
Ligue des tats Arabes
Arabsat 1E Arospatiale 1993 (Ariane)
Ligue des tats Arabes
Arabsat 2A Arospatiale 1996 (Ariane)
Ligue des tats Arabes
Arabsat 2B Arospatiale 1996 (Ariane)
Ligue des tats Arabes
Arabsat 3A(Badr 3)
Arospatiale 1999 (Ariane)
gypte Nile Sat 101 Matra Marconi Space 1998 (Ariane 4)
gypte Nile Sat 102Matra Marconi Space
(Astrium)2000 (Ariane 4)
Arabie SaouditeSaudisat 1A*Saudisat 1B*
Saudi Institute for Space Research
au KACST (King Abdulaziz City for Science
and Technology, Riyadh)
2000 (Dniepr)
mirats Arabes Unis
Thuraya 1 Boeing Satellite Systems2000 (Zenit Sea
Launch)
Arabie Saoudite Saudisat1C*
Saudi Institute for Space Research
au KACST (King Abdulaziz City for Science
and Technology, Riyadh)
2002 (Dniepr)
Ligue des tats Arabes
Arabsat 2CEx-Panmsat
lanc le 28 aot 1997
Hughes Lou en 2003
-
Lespace dans les pays arabes
72
Linformation gographique n 2 - 2010
* Micro-satellite (0-100 kg).
Pays ou organisations
propritaires
Nom du satellite
Constructeur Lancement
Ligue des tats Arabes
Arabsat 2D(Badr 2)
Ex-Hotbird 5 (ex-Eurobird 2)
lanc le 2 octobre 1998
Matra Marconi Space Lou en 2003
mirats Arabes Unis
Thuraya 2 Boeing Satellite Systems 2003 (Zenit 3SL)
Arabie SaouditeSaudicomsat 1*Saudicomsat 2*
Saudi Institute for Space Research au KACST (King Abdulaziz City
for Science and Technology, Riyadh)
2004 (Dnepr 1)
Ligue des tats Arabes
Arabsat 4A(Badr 1)
Astrium 2006 (Proton M)
Ligue des tats Arabes
Arabsat 4B(Badr 4)
Astrium 2006 (Proton M)
Arabie Saoudite
Saudicomsat 3*Saudicomsat 4*Saudicomsat 5*Saudicomsat
6*Saudicomsat 7*
Saudi Institute for Space Research au KACST (King Abdulaziz City
for Science and Technology, Riyadh)
2007 (Dnepr 1)
mirats Arabes Unis
Thuraya 3 Boeing Satellite Systems 2008 (Zenit 3SL)
Ligue des tats Arabes
Arabsat 4AR(Badr 6)
Astrium 2008 (Proton M)
-
Linformation gographique n 2 - 2010
73
Tab. 2 : Satellites dobservation de la terre
* Microsatellite (0-100 kg) minisatellite (100-500 kg).
Pays ou organisations
propritaires
Nom du satellite
Constructeur Lancement
Maroc Tubsat*CRTS et Institut fr Luft
und Raumfahrttechnik (Berlin)2001
(Zenit 2)
Algrie Alsat-1*CNTS et Surrey Satellite
Technology2002
(Kosmos 3M)
Arabie Saoudite Saudisat-2*
Saudi Institute for Space Research au KACST
(King Abdulaziz City for Science
and Technology, Riyadh)
2004 (Dnepr)
Arabie Saoudite Saudisat-3
Saudi Institute for Space Research au KACST
(King Abdulaziz City for Science
and Technology, Riyadh)
2007 (Dnepr)
gypteEgyptsat1 (Misrsat)
KB Yuzhnoye2007
(Dnepr)
mirats Arabes Unis (oprateur EIAST)
DubaiSat 1 SATREC (Core du Sud)2009
(Dnepr)
-
Lespace dans les pays arabes
74
Linformation gographique n 2 - 2010
Tab. 3 : Satellites en projets
Pays ou organisations
propritaires
Nom du satellite
Constructeur MissionsLancement
prvu
gypte Nilesat 201Thals
Alenia SpaceTlcoms
2010 (Ariane)
Ligue des tats arabes
Arabsat 5B Astrium Tlcoms2010
(Proton breeze M)
Ligue des tats arabes
Arabsat 5AArabsat 5CArabsat 6AArabsat 6B
Astrium TlcomsDate non connue
mirats Arabes Unis
Yahsat 1AEADS Astrium/
Thals Alenia SpaceTlcoms
2010 (Ariane)
mirats Arabes Unis
Yahsat 1BEADS Astrium/
Thals Alenia SpaceTlcoms
2011 (Proton
breeze M)
mirats Arabes Unis
Gulfsar (1,2,3,4)
Observation 2012-2013
mirats Arabes Unis
S2M1Space Systems Loral
(SSL)Tlcoms
Date non connue
(Proton breeze M)
Algrie Alcomsat ? TlcomsDate non connue
AlgrieAlsat 2AAlsat 2B
EADS Observation 2010 (PLSV)
gypte Desertsat
Carlo Gavazzi Space S.p.A
(sous contrat Agence spatiale
italienne)
ObservationDate
non connue
-
Linformation gographique n 2 - 2010
75
9
10
11
Par ailleurs, les rappropriations nationales sinterprtent aussi
laune desreprsentations quelles vhiculent. Si lon remarque que
laccs aux techno-logies spatiales dans le monde arabe sappuie sur
un discours mettant envaleur le bnfice escompt en terme de
dveloppement, force est de cons-tater que ce nest pas le seul. Si
lon reprend lexemple d
Arabsat
, il estdailleurs notable que lun des premiers documents publis,
une tude delunion de radio-diffusion des tats arabes (ASBU),
concevait le projetcomme devant tre la fois politique et culturel
pour la modernisation etle dveloppement voire militaire, tout en un
et en mme temps
12
. Nous
9. King Abdulaziz City for Science and Technoloy (KACST).10.
Joint-venture
entre des investisseurs miratis et Space Imaging EOSAT.11.
Station de rception opre par une compagnie prive, Space Imaging
Middle East Com-pany, rsultat dune joint-venture entre des
investisseurs miratis et Space Imaging Inc.12. Arab States
Broadcasting Union,
Le Projet du systme de satellite arabe
, en arabe,Le Caire, 1973, cit par H. Kandyl,
op. cit
., p. 660.
Tab. 4 : Stations de rception dimageries satellitaires
oprationnelles et en projet
Pays Localisation OrganismesImages reues par la station
Mise en service
Arabie Saoudite
RiyadhSpace Research
Institute, KACST9Landsat, Spot, NOAA,
IRS, ERS, Radarsat1988
mirats arabes unis
DubaDuba Space Imaging10
Ikonos, IRS 1998
mirats arabes unis
Abu DhabiSpace
Reconnaissance Center
Ikonos, Kompsat, IRS 1999
gypte Aswan NARSS Spot, Landsat, IRS 2002
Algrie Arzew CNTS Alsat 2002
Libye Morzouk,
Libyan Center for Remote
Sensing et Space Science (LCRSSS)
Envisat, Spot, Landsat, Ikonos,
Orbview.2009
mirats arabes unis11
DubaSpace Imaging
Middle East Comapny
IRS, Ikonos, ? 1997
mirats arabes unis
Abu Dhabi
4C GEOC (Gulf Earth Observation
Centre)
COSMO-SkyMedGulfsar
Date non connue
-
Lespace dans les pays arabes
76
Linformation gographique n 2 - 2010
sommes, l, bien loin de la simple utilisation dun outil dans des
problma-tiques de dveloppement mais bien dans une
instrumentalisation politiquedune technologie aux fins de
reconnaissance.
Le spatial est aussi un lment de reconnaissance nationale,
rgionale et internationale
Cette instrumentalisation des fins politiques tient beaucoup aux
imagesvhicules par la prsence dans lespace dun pays, et la valeur
symboliqueattache lespace mme. Allgorie religieuse, lieu
dinterrogations philoso-phiques et scientifiques, lespace fascine
en tant quailleurs infini et inacces-sible. Le 4 octobre 1957, date
du lancement de Spoutnik, premier satellite enorbite, marque le
dbut de son incarnation en symbole universel et identi-taire.
Universel parce quil reprsentait lavenir de lhumanit et la foi,
sonapoge au sortir de la Seconde Guerre mondiale, dans le progrs
scienti-fique, moteur du dveloppement conomique et social pour les
socitsindustrialises. Identitaire, parce quil fit lobjet dun rel
processus de sym-bolisation nationale, au service dobjectifs
politiques internes et externes, dela part des tats-Unis et de
lURSS.
Que la capacit symbolique de lespace soit aussi fortement
entretenue par laconjonction de diffrents facteurs politiques et
dun contexte socio-histo-rique particulier ny change rien. Limage
vhicule par la mise en orbitedun satellite national est toujours
valorisante et peut avoir des retentisse-ments profonds sur
limaginaire des populations concernes et leur regardsur laptitude
dun pays tre un leader rgional et assurer la scurit. Larecherche de
lautonomie et de lindpendance inspire encore lensemble
desprogrammes spatiaux ; lespace demeure un attribut de
souverainet. Lemonde arabe illustre comment loutil spatial permet
intrinsquement un tra-vail de construction symbolique partir dun
succs technique.
Lutilisation politique de loutil spatial dans le monde arabe
En effet, quel que soit le moment o lon se place dans lhistoire
de laccs lespace du monde arabe ou les applications considres
(tlcommunica-tions ou observation), il y a un point commun entre
tous les pays, linstru-mentalisation des fins politiques
internationales, rgionale ou nationale decette comptence. Cest le
secteur des tlcommunications spatiales quiconstitue la premire
vague des ralisations arabes dans le domaine desapplications
spatiales ; cest aussi le secteur le plus dvelopp actuellement.Ce
choix originel et son volution ne sont pas fortuits. Ils sappuient
beau-coup sur les dbats qui agitent rgulirement le monde arabe
concernantlimprialisme culturel et le dsquilibre de linformation.
La revendication
-
Linformation gographique n 2 - 2010 77
dun nouvel ordre mondial de linformation auxquels prennent
largementpart les pays arabes en tant que membres du groupe des
non-aligns est tou-jours dactualit si lon en croit les dclarations
rcentes des ministres delinformation des pays non aligns : Ayant
analys les tendances et lesvolutions en cours en matire
dinformation et de communication, lesministres ont constat que la
diffusion dinformations discriminatoires etdnatures sur des
vnements se droulant dans les pays en dveloppementrestait la rgle
dans ce domaine. Ayant pris note du fait que cette
informationbiaise plaait la plus grosse partie de lhumanit dans une
position dsavan-tageuse, les ministres ont raffirm quil tait urgent
de rectifier cedsquilibre 13.
Dj, le systme Arabsat avait pour mission symbolique une
consolida-tion de lindpendance politique de la rgion et une
concrtisation des liensinter-arabes en mettant les acquis
technologiques au service dune culturergionale fdratrice 14 .
Lobjectif de la reconnaissance internationale dumonde arabe tait
clairement affich mais aussi celui de nourrir la nationarabe de sa
culture.
Aujourdhui, alors que le panarabisme est en crise mais que le
mondearabe est, de fait, reconnu comme un acteur part entire de la
scne inter-nationale, il est intressant de remarquer que lide dune
dmonstrationrgionale de prestige perdure travers les discussions
sur la mise en placedune agence spatiale arabe ou le dveloppement
dun satellite commundobservation de la Terre. Pour autant, il
semble que cela soit moins endirection de linternational que le
reflet dune lutte de prestige voire deleadership intra-arabe.
En effet, les rapports de force rgionaux sont clairement des
clefs prendreen compte comme le dmontrent, entre autres, les
motivations gyptiennespour le dveloppement dun systme comme Nilesat
et ses dveloppementsultrieurs dans un contexte conomique national
peu favorable ce typedinvestissement. Premier lment : la rupture
avec la Ligue des tats arabequi destitue lgypte de son leadership
rgional est vcue comme une humi-liation par le pouvoir politique.
Nilesat est en partie une rponse au projetArabsat. Deuxime lment :
Nilesat met lgypte en position dtre le seulpays arabe possder cette
technologie en propre. Elle utilise alors lesretombes mdiatiques en
termes dimage un moment o, non seulementaprs Camp David mais aussi
aprs sa rintgration au sein de la Ligue destats arabes, elle a du
mal se repositionner en tant que leader et porte-
13. Septime Confrence des ministres de lInformation du Mouvement
des Pays nonaligns, le Margarita (Venezuela), 2-4 juillet 2008,
points 3 et 4 :
http://www.cominacvenezuela2008.org.ve/doc/declaracion_de_margarita_en_fr.pdf.14.
Dina El-Khawaga, Nilesat 101 et 102 : petite histoire dun rve de
grandeur , Dina ElKhawaga, revue Herms, n 34, LEspace, enjeux
politiques, p. 135-148, Paris, 2002.
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Lespace dans les pays arabes
78 Linformation gographique n 2 - 2010
parole du monde arabe. La ralisation du satellite est ainsi vue
commeloccasion de faire la preuve incontestable du leadership
gyptien dans lemonde arabe .
Ce raisonnement est encore valable aujourdhui pour lgypte,
notammentpour les activits de tldtection. Citons, par exemple, les
paroles du direc-teur du NARSS gyptien : [Le projet de station sol]
est le premier pas versun programme complet de reconnaissance
spatiale qui met en situation derivaliser avec Isral. Ce projet
fait de lgypte un leader rgional dans ledomaine de lobservation de
la Terre et des capacits en tldtection.
Cest vrai aussi pour les mirats arabes unis qui tiennent
dmontrer auxyeux de la rgion quils sont les leaders en matire
spatiale et donc lgitimespour accueillir la premire agence spatiale
arabe. Dubaisat, le satellitedobservation mirati, lanc en juillet
2009, est devenu non seulement lasymbolisation du drapeau des
mirats arabes unis dans lespace mais a tcompar aux premiers pas sur
la lune
Au-del de la reconnaissance nationale, rgionale et/ou
internationale, deuxlments amnent interroger galement les
motivations de type scuritaireet militaire qui pourraient
sous-tendre le dessein spatial des pays arabes.Dune part, la nature
duale des applications spatiales, dautre part la situationrgionale
qui voit dans un contexte de tension et de rivalit un cart trs
sen-sible en la matire avec Isral.
Enjeux de scurit nationale/rgionale et applications spatiales
dans le monde arabe
Ds le dbut de la conqute spatiale, les intrts militaires ont jou
un rledcisif dans le dveloppement des activits spatiales. Si la
notion despacemilitaire fut longtemps officiellement absente,
lusage au bnfice delhumanit et des fins pacifiques tant en effet le
leitmotiv de tous les ins-truments lgaux rgissant lespace,
officieusement, il tait pourtant clair queloccupation de lespace
possdait aussi une dimension militaire non ngli-geable, en
particulier pour les tats-Unis. Mme un systme commeArabsat, conu
des fins de dveloppement, na pas exclu cette dimension,au moins
dans le tout dbut des discussions autour de sa conception commele
souligne ltude mentionne plus haut (note 12). Se doter dun
satellite detlcommunication pour lgypte tait une affaire de scurit
nationale .Au-del de laspect dclaratoire, lobjectif militaire est
de plus en plus clai-rement affich dans le monde arabe depuis
quelques annes. Nous pouvonsle voir notamment dans les discours qui
entourent des projets commeEgyptsat, Alsat, Yahsat ou Gulfsar.
Le programme Egyptsat, est annonc dans la presse occidentale
comme unsatellite double usage ou mme comme un satellite espion.
Lgypte
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Linformation gographique n 2 - 2010 79
dclare dailleurs vouloir concurrencer Isral sur ce terrain. De
mme, lapresse algrienne mentionne clairement quAlsat 1 se doit de
rpondre certains besoins de scurit et de dfense du territoire .
Par ailleurs, suite leur incapacit obtenir des images satellite
sur la guerrede lAfghanistan malgr le contrat qui lie le
fournisseur amricain SpaceImaging Inc aux mirats Arabes Unis, les
ministres de la Dfense des sixpays du Conseil de Coopration du
Golfe annonaient en octobre 2001 quilsenvisageaient dacheter leur
propre satellite dobservation de la Terre,500 millions de dollars
tant prvus pour cet achat et la France tait entreautres pressentie
comme vendeur. Ce projet, en tant que tel, na encore pasabouti mais
les mirats arabes unis ont dmarr un programme dobserva-tion de la
terre avec Dubaisat qui devrait se poursuivre avec des
satellitesradars (Gulfsar) dont les objectifs militaires sont
clairement voqus. Enfin,autre exemple que nous pouvons mentionner,
le programme de tlcommu-nication Yahsat, se prsente comme le
premier programme national arabe vocation officiellement duale.
Malgr lexistence de thmatiques communes lutilisation de loutil
spatialdans le monde arabe, chaque pays/acteurs se les rapproprie
selon des cri-tres nationalement contextualiss en fonction des
orientations politiquesprivilgies. Cela conduit alors une diversit
des modalits de ralisationselon les priorits tablies entre les
logiques de dveloppement et celles dereconnaissance nationale,
rgionale, internationale qui se refltent dans lesdiffrentes
cooprations en uvre tant dans le montage des projets que dansles
options choisies pour laccs aux technologies. Trois grands
modlespeuvent ainsi tre dgags qui prsentent lintrt de sinscrire
dans lvolu-tion des grandes tendances mondiales de ce secteur.
La diversit des cooprations privilgies : reflet des logiques
nationales et des rapports sur la scne internationale
Les 3 cas choisis sont : le programme de la Ligue des tats
arabes, lAlgrieet les mirats arabes unis. Le premier illustre le
modle de la cooprationrgionale, choix initial de la rgion pour
laccs aux technologies spatialesmais qui reste un chec relatif.
LAlgrie correspond au cas type du modlenational dtat aux fins
dindpendance. Enfin, lexemple des mirats arabesunis prsente lintrt
de la combinaison de logiques hybrides.
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Lespace dans les pays arabes
80 Linformation gographique n 2 - 2010
Une coopration rgionale en chec relatif
La formule de la coopration offre des avantages financiers
certains pour ledveloppement de capacits spatiales. Elle semble
cependant et pour lemoment satisfaire surtout des objectifs
dclaratoires et reste largement lettredintention. Cela se retrouve
pour tous les projets rgionaux publics enmatire spatiale, comme le
projet dune agence spatiale arabe qui est rguli-rement remis lordre
du jour depuis prs de vingt ans sans avances nota-bles, ou le
projet de satellite arabe dobservation de la Terre.
Le seul programme denvergure ayant t rellement dvelopp
resteArabsat mais son chec politique est instructif. En effet, la
dcision du par-tenariat public rgional trouve son origine dans la
volont denvoyer unsignal fort la communaut internationale sur
lexistence dune nation arabereconnue comme acteur du jeu
international avec un programme satisfaisantles besoins rgionaux
rels. Envisag au dpart comme un des aspects delunit arabe, [qui] a
pris naissance dans une rgion unique en son genre,comparable une
seule et mme nation unie par la culture, la langue et lhis-toire
ainsi que des proccupations et des aspirations communes 15, il
devaitservir de critre permettant de mesurer jusquo va la
conviction que cettenation stend effectivement du Golfe jusqu lOcan
atlantique, et queceux qui y vivent ont une culture commune et sont
en droit de puiser cesdiffrentes sources 16. Or, force est de
constater, aujourdhui, que cettemesure laune dArabsat rvle que les
aspects conomiques et commer-ciaux ont largement pris le dessus sur
les aspirations de construction dunegrande nation arabe.
Limpossibilit des pays-membres se mettre daccordsur le contenu des
programmes de diffusion et par suite les financer correc-tement, a
sonn le glas du symbole. Cest aussi le rsultat de la
confrontationdes logiques que chaque pays souhaitait privilgier.
Une des raisonsmajeures est rechercher dans les rivalits
intra-arabes qui sont autantdobstacles la constitution dune assise
politique permettant de fairemerger un leader capable de fdrer les
diffrents acteurs de la rgion.
Lchec politique de la coopration rgionale favorise alors
lmergence decapacits nationales publiques uvrant pour le
dveloppement tout en favo-risant une reconnaissance nationale et
rgionale.
La logique dtat aux fins dindpendance
LAlgrie est un cas intressant car il illustre parfaitement bien
la logiquedun tat voulant disposer de capacits spatiales nationales
sans disposer du
15. Le Satellite arabe, quelques questions fondamentales, p. 6
document prsent au smi-naire scientifique sur les perspectives
dutilisation des satellites de communication dans lesservices de
radiodiffusion et de tlvision, Riyad, 7-10 dcembre 1981, UNESCO.16.
Idem note 15.
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Linformation gographique n 2 - 2010 81
systme scientifique et technologique permettant son
dveloppementnational. La premire porte dentre est ainsi
lacquisition dun satellite scientifique ou dexprimentation, comme
ce fut le cas dAlsat 1, quiconjugue plusieurs avantages financiers.
Les micro-satellites profitent de lacroissance exponentielle des
performances de llectronique grand public quipermet de regrouper
les composants haute intgration sur des cartes dont lataille se
rduit de plus en plus mais aussi de recourir des produits
standar-diss, et qualifis : les composants sur tagre. Ils peuvent
tre lancs pardes anciens missiles reconvertis, la fuse Dniepr par
exemple (SS-18modifi), et par lemploi du mode de passager
auxiliaire (piggyback) bordde lanceurs de satellites de
communications commerciaux comme le permetle plateau ASAP des fuses
Ariane. On peut alors placer sur une orbite detransfert
gostationnaire un microsatellite de 100 kg pour un million de
dol-lars. Laccs lespace dutilisateurs mergents devient possible
unmoindre cot et avec des capacits relatives satisfaisantes.
Par ailleurs, les vendeurs de microsatellites de ce type
proposent tous untransfert de technologie associ de la formation
pour les scientifiques ettechniciens du pays acheteur. Le choix du
partenaire-constructeur va donctre largement fait en fonction de
cette offre complmentaire. Dans le cas dedAlsat-1, cest le Surrey
Space Centre (Grande-Bretagne) qui a t le mieuxplac. En revanche,
Alsat-2 sera construit par EADS qui propose demeilleures conditions
de transfert de technologie et de formations. Il nestdailleurs pas
anodin que le choix dEADS se soit effectu au moment olAlgrie et la
France signaient un accord de coopration renforce dans ledomaine
spatial
Nous sommes ainsi dans des logiques de rappropriation nationales
de typepolitique publique, ce qui caractrise de manire gnrale les
pays ayant desvellits de dveloppement de filire nationale en amont
et en aval du satel-lite. LArabie Saoudite se rattache ce modle
avec le dveloppement de safilire Saudisat et Saudicomsat base
notamment sur un transfert de techno-logie en provenance du Surrey
et sur lexploitation et le dveloppement desplateformes des
radioamateurs, type OSCAR. Dans une moindre mesure, leMaroc, bien
que moins avanc, sinscrit aussi dans cette dynamique avec
lelancement de Tubsat, petit satellite dexprimentation dobservation
de laTerre.
Une seconde porte dentre est lachat sur tagres du satellite et
de sa filireaval, variante choisie par lgypte mais qui illustre de
la mme faon la pri-maut accorde lindpendance politique et la
souverainet.
Enfin, les mirats arabes unis prsentent un dernier modle
original en ceciquil tend entremler politique publique et intrts
privs, dans un souci deprsence tant sur le march mondial que
dinfluence sur la scne rgionale.
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Lespace dans les pays arabes
82 Linformation gographique n 2 - 2010
Les mirats arabes unis ou lexpression de logiques hybrides
Les mirats arabes unis ont ceci de particulier quils combinent
diffrentstypes de coopration et de partenaires en fonction des
objectifs viss, notam-ment sur le plan politique. En effet, on
constate une entre de capitaux privsdans les projets spatiaux mais
la part de la puissance publique reste impor-tante et traduit une
relle implication de ltat dans les dveloppements tech-nologiques.
Un quilibre est alors savamment calcul dmontrant quau-deldes
logiques commerciales, les logiques politiques ne sont jamais
loin.Ainsi, les mirats arabes unis construisent un partenariat
internationalpublic/priv, pour des programmes type Thuraya qui
rpondent un besoinpolitique et conomique de reconnaissance sur la
scne mondiale, mais sesituent dans une logique de partenariat
national public/priv pour des projetscomme Yahsat aux fins dun
signal politique fort en direction de la scnergionale.
La socit oprant le systme rgional de tlcommunication Thuraya,
bienquayant une multiplicit dactionnaires internationaux et privs
rsulte sansconteste dune volont nationale. sa cration, en 1997,
cest en effet Eti-salat, compagnie nationale miratie de
tlcommunications qui porte leprojet et en est lactionnaire
majoritaire. Pour autant, aujourdhui, la struc-ture de son capital
ne fdre pas moins de onze oprateurs nationaux de tl-communications
arabes, Arabsat et des compagnies prives dont HughesSpace &
Communications (aujourdhui Boeing Satellite Systems), la socitde
conseil allemande Detecon et un consortium bancaire dans lequel
figurela Socit Gnrale. Ce montage, premier de ce type dans la
rgion, rpondaussi en partie au mouvement mondial de drglementation
du secteur destlcommunications qui commenait samorcer au dbut des
annes 2000.Cette drglementation sofficialise aux mirats arabes unis
en 2005 aveclinstauration dun second oprateur de tlcommunications,
lEmiratesCompany for Integrated Telecommunications (EITC). Son
capital est com-pos par une prise de participation du gouvernement
fdral (40 %, repr-sent par le ministre des Finances et de
lindustrie), dEmirates Companyfor Telecommunications and Technology
(20 %, filiale de TECOM-DubaiTechnology, Electronic Commerce and
Media Free Zone) et de la MubadalaDevelopment Company (20 %,
entreprise publique dinvestissements delmirat dAbu Dhabi). Le
cinquime restant a t mis en vente sur lemarch boursier.
Lentre de la Mubadala dans le capital dEITC nest pas fortuite.
Eneffet, cette socit a cr, en 2007, une filiale destine dvelopper
unprogramme de satellites de tlcommunications : Al Yah Satellite
Commu-nication (Yahsat). Cest le premier programme national arabe
vocationduale. La part de la puissance publique reste donc
majoritaire dans tousces programmes.
-
Linformation gographique n 2 - 2010 83
Le cas de Nilesat pourrait se rapprocher de ce modle hybride
public/priv.En effet, le secteur des tlcommunications spatiales en
gypte prsente dessimilitudes avec celui les mirats arabes unis.
Comme pour Thuraya, lapuissance publique est lorigine du programme.
La Nilesat Satellite Com-pany, cre en 1995 comme socit anonyme pour
suivre le dveloppementet la commercialisation des satellites, des
segments sols associs et des ser-vices quils offrent, prsente une
structure de capital avec des actionnairesprivs et publics. Mais
comme Etisalat dans Thuraya, lERTU 17 restelactionnaire
majoritaire. Deux diffrences sont toutefois relever entrelgypte et
les mirats arabes unis. La premire rsulte dun contexte diff-rent de
mise en uvre des projets. L ou les tlcommunications
spatialesmiraties sinscrivent dans une drglementation du secteur
des tlcommu-nications, Nilesat est marqu par un contexte de
privatisation progressive etde restructuration du secteur de
laudiovisuel, enclench depuis la fin desannes quatre-vingt. La
seconde diffrence se distingue dans les montagesdes projets en
eux-mmes. Linvestissement est de type priv/public enamont du
satellite aux mirats arabes unis mais en aval pour lgypte.Enfin,il
sera intressant de suivre le montage du dernier projet en date aux
miratsarabes unis dans le domaine de lobservation de la terre,
Gulfsar. Il est lersultat dun partenariat entre la socit 4C
Controls Inc, Hydra Trading,Baynuna Aviation (industrie de dfense
miratie) et des investisseurs mi-ratis avec, vraisemblablement, une
forte participation tatique. En effet, ceprogramme est corrl avec
la construction du 4C Gulf Earth ObservationCenter (4C GEOC),
centre de tldtection qui disposera notamment dunestation de
rception des donnes COSMO-SkyMed.
Conclusion
La spcificit des programmes spatiaux dans le monde arabe repose
donc surla superposition des chelles nationales, rgionales et
internationales demme que sur limbrication troite de logiques
conomiques et politiquesadaptes une situation particulire. Cela se
traduit, notamment dans le sec-teur des tlcommunications spatiales,
par une libralisation ambigu du sec-teur et par une drgulation qui
reste sous troit contrle tatique tout enessayant de satisfaire aux
normes rgulatrices de lorganisation mondiale ducommerce.
Lentrecroisement des logiques est peut-tre lune des explica-tions
de lhtrognit des programmes mme si lon assiste depuis quelquetemps
une volont de rationaliser ce secteur dans les diffrents pays
arabesavec notamment la mise en place de nouvelles organisations
charges dhar-
17. Union gyptienne de radio et de tlvision (ERTU). Cre en 1970,
elle est dclareunit conomique indpendante en 1979 mais le Ministre
de lInformation reste sa tte.
-
Lespace dans les pays arabes
84 Linformation gographique n 2 - 2010
moniser les structures dj existantes en ayant pour objectif
dlaborer unepolitique spatiale stricto sensu. Dans le monde arabe,
il apparat que laffec-tation de ressources reste limite et
ponctuelle dans le cadre de programmesau cas par cas, non intgrs
dans une vision globale du secteur mais sinscri-vant dans des
logiques plus larges, celles du positionnement du paysconcern sur
la scne rgionale et/ou internationale et celles des exigencesdu
dveloppement. Comme nous lavons vu, les modalits de
ralisations(achat de service, achat de satellite sur tagre,
dveloppement de capacitnationale) diffrent et rpondent de fait des
objectifs diffrents selon lespays mme si dans tous les cas, les
dcisions se prennent au plus haut niveaugouvernemental.
Cette complexit sectorielle propose alors une mtonymie
intressante pourregarder cette rgion du monde et tenter den
dcrypter les tendances. Laconjugaison de valeurs capitalistes et
dinterventionnisme tatique marque lesavant exercice dquilibre dans
lequel sont engags une grande partie despays de la rgion arabe et
dont le secteur spatial nest quun des reflets.
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