LES TROUBLES DE L'HUMEUR Dr Gilbert Ursulet, CHU de Martinique
LES TROUBLES DE L'HUMEUR
Dr Gilbert Ursulet, CHU de Martinique
Le plan du cours✓ Introduction: qu’est-ce qu’un trouble de l’humeur ?
✓ Clinique des troubles de l’humeur
✓ L’état dépressif
✓ L’épisode maniaque
✓ Les principaux troubles de l’humeur:
✓ troubles dépressifs
✓ troubles bipolaires
✓ Traitements
Humeur• Les troubles de l’humeur (en anglais: «affective disorders») ou
troubles thymiques regroupent des affections dont la caractéristique essentielle est une perturbation de l’humeur
• humeur: « disposition affective de base... qui donne à chacun de nos états d'âme une tonalité agréable ou désagréable, oscillant entre les deux pôles extrêmes du plaisir et de la douleur » (DELAY, 1946)
• L’humeur ou thymie correspond au niveau global d’activité et d’énergie et au vécu affectif de base (coloration triste ou gaie, optimiste ou pessimiste de l’ensemble des expériences d’un individu)
• État affectif durable (≠émotion, réaction passagère)
• L’humeur normale, dite « euthymie », varie de façon mesurée en fonction des circonstances extérieures
L’humeur pathologique• Modification de l’humeur anormale par son intensité ou sa
persistance, mal explicable par les circonstances. On distingue:
• humeur dépressive ou abaissement de l’humeur : tristesse, abattement, pessimisme
• élation ou élévation de l’humeur : humeur euphorique, optimiste et expansive
• athymie : correspond à une sorte d’indifférence ou d’anesthésie affective
• humeur irritable
• dysphorie: sensation de malaise liée à une labilité de l'humeur essentiellement caractérisée par de la tristesse, de l'anxiété et de l'irritabilité
Les troubles de l’humeur• On distingue deux grandes formes de troubles ou
maladies de l’humeur:
• les troubles dépressifs, caractérisés par la survenue d’un ou plusieurs états ou épisodes dépressifs,
• les troubles bipolaires, caractérisé par la survenue d’au moins un épisode maniaque ou hypomaniaque (et souvent associé à des épisodes dépressifs)
• A côté de ces deux diagnostics on décrit également la dysthymie (une forme de dépression chronique), la cyclothymie, la dépression saisonnière, etc.
dépressif: un mot, plusieurs sens
un symptôme:« l’humeur dépressive »
un syndrome:humeur + pensées +
comportement + symptômes physiques
=état ou « épisode
dépressif »une maladie:le trouble dépressif
(« disorder »)
«Dépression»: plusieurs sens• Pour le sens commun, réaction psychologique de tristesse et
d’abattement
• En médecine, correspond au symptôme «humeur dépressive»
• Deux autres concepts médicaux
• État (épisode) dépressif: un ensemble de symptômes (= un syndrome) dont l’humeur dépressive
• n’est qu’un élément parmi d’autres (idées dépressives, ralentissement, insomnie, etc.),
• est parfois absente
• Maladie dépressive (disorder) : trouble dépressif récurrent, dépression bipolaire...
L’état dépressif: étude clinique
Critères d'un épisode dépressif caractérisé (adapté du critère A du DSM-5)
A. Au moins cinq des symptômes suivants pendant 2 semaine ; au moins un des symptômes est soit (1) une humeur dépressive, soit (2) une perte d’intérêt ou de plaisir.
1. Humeur dépressive: signalée par la personne (p. ex. se sent triste, vide ou sans espoir) ou observée par les autres (p. ex. pleure). (N.B. : Éventuellement irritabilité chez l’enfant et l’adolescent.)
2. Diminution marquée de l’intérêt ou du plaisir pour toutes ou presque toutes les activités
Critères d'un épisode dépressif caractérisé (suite)
3. Perte ou gain de poids significatif, ou diminution ou augmentation de l’appétit 4. Insomnie ou hypersomnie 5. Agitation ou ralentissement psychomoteur
6. Fatigue ou perte d’énergie
7. Sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessive ou inappropriée
8. Diminution de l’aptitude à penser ou à se concentrer ou indécision
9. Pensées de mort ou idées suicidaires récurrentes, tentative de suicide ou plan précis pour se suicider
Sémiologie de l’état dépressif commun
4 grandes catégories de symptômes
affectifstristesse (± irritabilité), perte
d’intérêt et de plaisir (anhédonie)
cognitifsidées de culpabilité,
hypocondrie, pessimisme…
comportementsincapacité à agir, prostration/
agitation, suicide…
somatiquessommeil, appétit, sexualité,
douleurs, fatigue, ralentissement, etc
4 grandes catégories de symptômes
• 1 Perturbation des affects (humeur, émotions)
• tristesse (et/ou irritabilité), perte d’intérêt et de plaisir (anhédonie)
• 2 Cognitions ou idées dépressives
• culpabilité, hypocondrie, pessimisme
• 3 Symptômes somatiques
• sommeil +++, appétit +++, sexualité, douleurs, etc...
• fatigue, ralentissement
• 4 Perturbations du comportement
• déficit de la capacité à agir
• prostration, apathie/agitation
• idées, conduites suicidaires
Les perturbations affectives (1)
• Typiquement, humeur dépressive: tristesse, morosité
• S’exprime diversement :
• discours du patient
• pleurs
• mimique : Ω• cachée (p ex: dépression souriante)
Perturbations affectives (2)
• L’humeur dépressive n'est cependant pas constante, elle peut être remplacée par (ou s’associer à) :
• de l’irritabilité: enfant, adolescent ++ (peut suffire au diagnostic), personne âgée
• une hypothymie, avec perte d'intérêt et de plaisir (anhédonie)...
• ... jusqu’à une indifférence affective (envers les proches p. ex., vécue avec culpabilité)
• Anxiété fréquemment associée (tension, nervosité, agitation: peuvent masquer le ralentissement ou la tristesse)
Les cognitions dépressives• Ruminations douloureuses et obsédantes (difficultés
attentionnelles)
• Distorsion du jugement: triade cognitive ou vision négative
• de soi: perte de confiance et/ou estime de soi; idée de culpabilité, honte, incapacité, hypocondrie
• du monde: difficultés insurmontables, sentiment d’impuissance
• de l'avenir: pessimisme, désespoir ++
• Idées suicidaires
Troubles somatiques
• troubles des régulations physiologiques: sommeil, appétit, sexualité, système neurovégétatif, «énergie»
• symptômes fréquemment mis au premier plan par le patient, notamment dans certaines cultures (dépression «masquée») ou en consultation chez le médecin généraliste: douleurs, insomnie, fatigue, troubles «fonctionnels» divers...
• 50 à 70% des sujets déprimés consultent le généraliste pour une ou des plaintes somatiques (HAS 2007)
Troubles du sommeil• Insomnie : 70 % des dépressions
• insomnie d’endormissement; réveils nocturnes; insomnie de fin de nuit, avec réveil matinal précoce: grande valeur diagnostique
• Hypersomnie, non réparatrice: réveils tardifs, siestes interminables voire somnolence diurne
• EEG de sommeil:
• raccourcissement de la latence d’apparition du sommeil paradoxal ++
• diminution du sommeil lent profond
Troubles de l’alimentation
• Anorexie :
• 80 à 90 % des dépressions
• souvent associée à un amaigrissement et à une constipation
• le refus alimentaire complet peut être un véritable équivalent suicidaire
• Hyperphagie avec prise de poids : plus rare
Douleur et dépression• Fréquence des symptômes douloureux dans la
dépression: céphalées, algies diverses (lombaires, musculaires, précordialgies, abdominales, gastralgies)
• Neurotransmetteurs communs dans la modulation corticale descendante de la perception de la douleur, la dépression (5HT et NA) et l’action des antidépresseurs
• Les antidépresseurs améliorent certaines douleurs
• en neuro-imagerie, diminution des activations corticales liées à une stimulation douloureuse chez des dépressifs après traitement antidépresseur
Autres troubles somatiques• troubles sexuels : baisse de la libido, désintérêt, anhédonie,
dégoût sexuel entraînent impuissance et frigidité
• troubles neurovégétatifs liés à la dysrégulation du SNA :
• signes d’hyperactivité végétative notamment dans les dépressions anxieuses (palpitations, sécheresse de la bouche, hypertension artérielle)
• vagotonie dans les dépressions ralenties (bradycardie, hypotension artérielle)
• troubles digestifs, nausées, vertiges, dysménorrhées, pollakiurie et dysurie, troubles neuromusculaires (crampes, tressautements...), cenesthésies, etc.
Asthénie, Fatigue• asthénie vitale (ne cède pas au
repos)
• fatigabilité au moindre effort
• sur le plan subjectif se traduit par des sentiments de fatigue, d’abattement, de perte d’entrain et d'énergie, d’épuisement, de vide
• sensation de pesanteur extrême des membres, voire de paralysie («membres en plomb»)
• Ralentissement intellectuel:
• augmentation du temps de latence des réponses
• réponses laconiques, pensée appauvrie, «tête vide»
• troubles de la concentration, de la mémoire, gênant p. ex. la lecture: "je n'arrive plus à réfléchir"
• Ralentissement moteur: démarche lente, rareté des gestes et des mouvements, hypomimie
• aggrave le retentissement des troubles de la conation sur les activités de la vie quotidienne
• Ralentissement verbal : voix faible, à peine audible; ton monocorde (perte de la prosodie ou mélodie du discours); débit verbal ralenti
Ralentissement psychomoteur («inhibition»)
Déficit de la capacité d’agir
• fléchissement ou paralysie de la volonté (aboulie): diminution de la capacité d’initier l’action et de soutenir un effort; sentiment de perte d’entrain
• déficit de l’activité (apathie, apragmatisme) avec baisse des performances (notamment professionnelles), laisser-aller parfois jusqu’à l’incurie
• sentiment de perte d’énergie, d’être épuisé, « vide », souvent rapporté à l’asthénie
Suicide et dépression
• 10 à 20% des personnes atteintes d’une dépression meurent de suicide (risque 1000 fois supérieur à la population générale)
• Un tiers à la moitié des décès par suicide sont liés à un état dépressif
Évolution• Variable selon les formes cliniques de
dépression: la durée d’un accès dépressif peut varier de 2 à 3 jours pour les dépressions récurrentes brèves à plus de 2 ans pour les formes chroniques
• La forme habituellement étudiée est l’épisode dépressif majeur du DSM-IV : il dure spontanément 6 à 9 mois, temps réduit à 3 à 4 semaines par les traitements antidépresseurs
Dépression délirante• « avec caractéristiques psychotiques » : idées délirantes (persécution,
catastrophe, culpabilité, hypocondriaque, etc.), hallucinations auditives...
• Rôle de l’âge (Brodaty, 1997) • 3 % chez les sujets < 40 ans
• 7 % chez les 40 60 ans
• 32 % chez les sujets > 60 ans
• Facteur socioculturel (serait plus fréquente aux Antilles) ?
• Signe de gravité, majore le risque suicidaire, facteur de risque de récurrence
• Association antipsychotique et antidépresseur plus efficace que chacun séparément
• Utilité adjonction lithium
• Efficacité ECT (sismothérapie), traitement de 1ère intention
Formes selon la culture
• Jusque dans les années 60 on a pensé que la dépression était inexistante en Afrique
• L'altération fondamentale de l'humeur, la diminution des intérêts et de l'initiative ainsi que l'ensemble des manifestations somatiques sont des caractéristiques universelles
Formes selon la culture• Principaux symptômes à dépendance culturelle :
• idées et conduites suicidaires
• expression de la mimique ("dépression souriante" en Asie)
• nature des cognitions dépressives et thèmes délirants :
• culpabilité dans les civilisations chrétiennes
• sentiment de honte dans la civilisation japonaise
• Afrique: idées d'autoaccusation et d'indignité quasi absentes, peu de TS; importance des préoccupations hypocondriaques et des idées de persécution, d’envoûtement, de possession
Dépression chez l’enfant et l’adolescent
• Jusqu’à huit ans faible niveau de verbalisation :
• pleurs, cris, troubles du sommeil et de l’alimentation,
• plus tard, terreurs nocturnes, mutisme, chute des résultats scolaires, énurésie et encoprésie
Dépression chez l’enfant et l’adolescent
• Chez l’adolescent
• l’expression dépressive est assez proche de celle de l’adulte...
• mais peut être masquée par des symptômes moins évocateurs (fugues, délinquance, alcool, drogues…)
• l’humeur est plus volontiers irritable que triste
• les idées et tentatives de suicide y sont fréquentes
Dépression du sujet âgé • Tableaux atypiques, à expression somatique, hypocondriaque,
délirante, hostile, anxieuse, confusionnelle et/ou démentielle, conative (démotivation)
• plaintes somatiques : symptôme le plus fréquent, avec mise en avant de divers symptômes (douleurs, désordres gastro-intestinaux, cardiovasculaires…), prennent souvent une tonalité hypocondriaque, proche du délire
• symptômes dépressifs parfois attribués à une atteinte somatique, qui est d’ailleurs souvent associée (douleurs, ralentissement, amaigrissement...)
• manifestations anxieuses inhabituelles : agoraphobie soudaine, peur de sortir, de tomber («syndrome post-chute»); phobie subite de rester seul
• peut prendre la forme d’une dépendance et d’un besoin de réassurance captatif envers l’entourage
• Dépression hostile, “pseudo-caractérielle”
• dépendance tyrannique, harcèlement envers l’entourage et les aides,
• conduites oppositionnelles avec refus de se lever et de marcher
• Dépression délirante: thèmes persécutifs et de préjudice (héritage convoité, ingratitude, négligences volontaires de la part des proches " intéressés ", voisinage malveillant...)
• Altération des fonctions cognitives: tableau pseudo-démentiel ou confuso-démentiel (la notion d’événement déclenchant peut aider au diagnostic)
• Masque conatif: démotivation, apathie, négligence de soi et des autres, régression, dépendance… surtout chez sujet très âgé
• «dépression sans tristesse» ou paucisymptômatique
Dépression du sujet âgé
Dépister la dépression•En 4 questions: le mini-GDS (Geriatric
depression scale)
•vous sentez-vous souvent découragé(e) et triste ?
•avez-vous le sentiment que votre vie est vide ?
•êtes-vous heureux (se) (bien) la plupart du temps ?
•avez-vous l’impression que votre situation est désespérée ?
Dépister la dépression (2)
•En 2 questions: le « Two-Question Screen »
•Au cours du mois écoulé
•vous êtes-vous senti(e) triste, déprimé(e) ou désespéré(e) ?
•Avez-vous souffert de manque d’intérêt ou de plaisir à faire les choses ?
•Peut dépister une dépression avec une sensibilité de 92 % et une spécificité de 68%
Deuil et dépression• Les symptômes de dépression (émotions et pensées négatives notamment)
sont fréquents dans le deuil mais ne signifient pas nécessairement la présence un épisode dépressif caractérisé
• Cependant, environ 15% des deuils se compliqueraient de dépression et nécessiteraient une prise en charge spécifique
• Cela est particulièrement le cas chez la personne âgée, où le décès concerne le plus souvent le partenaire et où existent de nombreux autres facteurs de stress (maladie et handicap, isolement…).
• Le décès peut faire suite à une longue maladie et être accueilli comme un soulagement ou au contraire source de culpabilité d’avoir parfois souhaité le décès du conjoint, la charge étant trop lourde
• => Dans le DSM-5 le deuil n’est plus un critère d’exclusion de l’épisode dépressif caractérisé,
• Il convient néanmoins de rester attentif à ne pas médicaliser la tristesse humaine normale
DEUIL DÉPRESSION
ÉMOTION Vide et pertePerçues comme normales
Tristesse et anhédonie
PENSÉESCentrées sur le défunt
Regrets vis-à-vis du défunt, sans culpabilité envahissante
Aspécifiques, plus souvent culpabilité et autodépréciation
HUMOUR Plus facilement accessible Difficilement accessible
ESTIME DE SOI Préservée Atteinte
IDÉES SUICIDAIRES RaresPour rejoindre le défunt
Pour arrêter de souffrir, ou secondaire à culpabilité
SIGNES PHYSIQUESPeu de symptômes somatiques (insomnie
surtout) Pas de ralentissement psychomoteur
ÉVOLUTIONPar « vagues », diminution progressive en
quelques semaines ou jours.Retentissement de courte durée sur l’activité
Plus stable, moins dépendante des pensées du moment
L’accès maniaque
Épisode maniaque : critères diagnostiques adaptés du DSM-5• A. Une période durant laquelle, de façon anormale et persistante,
l’humeur est élevée, expansive ou irritable, avec une augmentation de l’activité orientée vers un but ou de l’énergie, présente la plupart du temps, presque tous les jours, pendant au moins une semaine (ou toute autre durée si une hospitalisation est nécessaire).
• B. Au cours de cette période, au moins 3 des symptômes suivants (4 si l’humeur est seulement irritable) sont présents avec une intensité significative et représentent un changement notable par rapport au comportement habituel :
• 1. Augmentation de l’estime de soi ou idées de grandeur.
• 2. Réduction du besoin de sommeil (p. ex. le sujet se sent reposé après seulement 3 heures de sommeil).
• 3. Plus grande communicabilité que d’habitude ou désir constant de parler.
Épisode maniaque : critères diagnostiques adaptés du DSM-5 (2)
• 4. Fuite des idées ou sensations subjectives que les pensées défilent rapidement.
• 5. Distractibilité (c.-à-d. que l’attention est trop facilement attirée par des stimuli extérieurs sans importance ou non pertinents) rapportée ou observée.
• 6. Augmentation de l’activité orientée vers un but (social, professionnel, scolaire ou sexuel) ou agitation psychomotrice (c.-à-d. activité sans objectif).
• 7. Engagement excessif dans des activités à potentiel élevé de conséquences dommageables (p. ex. achats inconsidérés, conduites sexuelles inconséquentes ou investissements commerciaux déraisonnables).
“Accès” maniaque‣ Syndrome associant
‣ une exaltation de l'humeur (euphorique et/ou irritable)
‣ et une excitation psychomotrice
‣ Par symétrie avec la dépression, on peut décrire 4 catégories de symptômes concernant l’affectivité, les cognitions, les conduites, les régulations physiologiques
Perturbation des affects• Souvent associée ou remplacée
par
• irritabilité, agressivité
• versatilité de l’humeur: le patient oscille entre euphorie, irritabilité (surtout si on le contrarie), tristesse voire angoisse
• Hyper-réactivité affective avec hypersyntonie à l’ambiance (s’oppose à l’émoussement dépressif)
• Typiquement, élévation de l’humeur:
• euphorie, gaité
• exaltation, enthousiasme
Cognitions• Altération du rapport au monde (et à soi) en
relation avec l’humeur maniaque :
• optimisme sans bornes, insouciance, sentiment de facilité (cause d’imprudences, de dépenses excessives)
• augmentation de l’estime de soi, surestimation de ses capacités pouvant comporter des idées de grandeur (mégalomanie) parfois délirantes
Troubles des conduites• Hyperactivité désordonnée, imprudences,
dépenses excessives...
• Recherche de contact, familiarité excessive
• ludisme, plaisanterie
• déchaînement instinctuel (gloutonnerie, hypersexualité)
• Abus de toxiques (alcool ++)
• Violence dans les cas sévères
Signes somatiques et psychomoteurs
• Excitation psychomotrice:
• agitation motrice
• logorrhée
• tachypsychie, fuite des idées
• Insomnie +++ sans fatigue
Dépression Manie
AffectTristesseAnhédonie
Émoussementaffec4f
EuphorieIrritabilité
Labilitéémo4onnelleHyperréac4vité
Cogni2on
Triadecogni4ve:soi(autodévalorisa4on,culpabilité)
lemondel’avenir(pessimisme,désespoir)
Op4mismeSures4ma4ondesoi
Soma2queInsomnie,asthénie
Anorexie,amaigrissementRalen4ssementpsychomoteur
Insomniesansfa4gueTachypsychie,logorrhée
Agita4onmotrice
Comportement Réduc4ondesac4vitésConduitessuicidaires
Hyperac4vitéComportementsàrisque
Les principaux troubles de l'humeur
Les classifications historiques
• Psychose maniacodépressive:
• Alternance d’accès dépressifs (mélancolie) et/ou d’accès maniaques
• "psychose" = perte du sens de la réalité
• Affection “endogène” = caractère spontané, inexplicable, immotivé, autonome de l’accès
• Cause biologique (facteurs génétiques +++)
• Dépression psychogène: origine réactionnelle et/ou « névrotique »
Classifications modernes• A partir de 1980 avec le DSM-III (Diagnosis and
Satistical Manual of Mental Disorders) , puis DSM-IV (1994), DSM-5 (2015), CIMX/ICD10 (Classification Internationale des Maladies, 1992)
• On ne parle plus de dépression névrotique ou psychotique, ni de psychose maniacodépressive, mais de dépression unipolaire (ou récurrente) vs bipolaire et de trouble bipolaire
• différenciés par la présence ou l’absence d’humeur maniaque (ou hypomaniaque)
Dichotomie unipolaire/bipolaire
• Dès les années 60, les troubles unipolaires et bipolaires (différenciés par la présence ou l’absence d’humeur maniaque ou hypomaniaque) ont été considérés comme des maladies distinctes sur la base d’arguments :
• cliniques (symptomatologie, périodicité),
• épidémiologiques (âge de début, sex-ratio),
• génétiques (hérédité familiale)
• et thérapeutiques (réponse au lithium, virage sous AD)
Les trouble dépressifs[Unipolaires ou récurrents]
Trouble dépressif caractérisé
• Un ou plusieurs épisodes dépressifs caractérisée (= ex « majeurs »)
• La plus fréquente des affections psychiatriques
• Prévalence des épisodes dépressifs caractérisés en population générale (HAS 2007):
• annuelle: entre 6 et 12 %
• sur toute la vie entre 15 et 20 %
• Nette prédominance féminine (2 femmes pour un homme)
Trouble dépressif caractérisé
• Une pathologie sous-diagnostiquée
• Peu de recours aux soins, généraliste en majorité (85-90%)
• Diagnostic inadéquat dans 50 à 70% des cas
• Traitement inadapté
➡10% seulement bénéficient d'un traitement antidépresseur à posologie efficace
0,00
3,50
7,00
10,50
14,00
Épisode dépressif
Tr. dépressifrécurrent
Dysthymie Épisodemaniaque
1,41,9
5,8
11,2
1,21,6
6,4
13,2 MartiniqueMétropole
• 13,2 % de sujets dépressifs au moment de l’enquête (dont près de la moitié avec un trouble dépressif récurrent) avec 2,1 femmes pour un homme
• La dysthymie (dépression chronique) concerne 1,6 % des sujets
• 0,45 % des sujets déclarent avoir fait une tentative de suicide au cours du mois écoulé (0,7 % nationalement)
Prévalence des troubles de l’humeur en Martinique comparable à la Métropole
Enquête “Santé mentale en population générale, image et réalité”
Échantillon représentatif de 900 personnes interviewées en 1999-2000
Charge de morbidité de la dépression
DALY Amérique du Nord 2000
2,2
2,4
2,8
3,0
3,2
3,5
6,5
7,0
12,0
12,2
CancerDépressionCardiopathie ischémiqueAlcoolAccident vasculaire cérébralAccident de la voie publiqueDémenceDiabèteBPCOSurdité
DALY Prévision 2020
La dépression sera la deuxième cause de morbidité dans le monde après les maladies cardiovasculaire et la première dans les pays développés.
En pourcentage du total
Impact péjoratif de la dépression
• Altération globale de la qualité de vie
• Handicap fonctionnel global
• Isolement social
• Suicide
• Facteur de risque de démence ?
• Réduction de l’activité physique
• Conduites addictives (alcool, tabagisme, autres)
• Négligence de soi et mauvaise observance des traitements et des règles hygiéno-diététiques
• Induction d’une résistance au traitement somatique et aggravation du pronostic: exemple maladie coronarienne, diabète
Comorbidité somatique
• Les dépressifs déclarent un beaucoup plus grand nombre de maladies que les non-dépressifs : 7 contre 3
• Leur état de santé est égal à celui de personnes non dépressives ayant 10 ans de plus
• Surmortalité estimée à 60% (en dehors du suicide) surtout chez les hommes
• mal expliquée: alcoolisme, tabagisme, déficit immunitaire...
Potentiel évolutif de la dépression• La dépression est une maladie «au long cours» dont les
épisodes tendent à se répéter
• Chaque nouvelle dépression augmente le risque de récidive: la vulnérabilité aux facteurs de stress augmente
• 50 % des patients ayant fait un épisode, 70 à 80 % lorsqu’ils ont fait 2
• évolution chronique dans 15 à 20% des cas
➡ «toxicité» de la dépression
• Guérir à long terme requiert la mise en place de stratégies capables de prévenir la récidive en combinant médicaments et psychothérapie
Le trouble dysthymique• État dépressif d'évolution chronique (> 2 ans)
• dans le DSM-IV, trouble "subsyndromique" (moindre intensité que l'état dépressif "majeur")
• "neurasthénie", "personnalité dépressive"...
• trouble de l'humeur ou trouble de la personnalité ?
• prévalence vie entière: 6 %
La dépression saisonnière
• Épisodes dépressifs en automne ou en hiver, amélioration au printemps.
• Dépression d’intensité moyenne, avec hyperphagie à dominance sucrée (besoin compulsif de manger pour « retrouver plus d’énergie »), prise de poids, hypersomnie
• Retentissement modéré, surtout difficultés professionnelles dues à un trouble de la concentration
• Nette prédominance féminine (86 % des cas).
• Rôle de la latitude, par des variations saisonnières de la durée d’éclairement journalière
• Influence des voyages
• Photothérapie
Troubles bipolaires
Les troubles bipolaires I & II
• Survenue d'épisodes maniaques ou hypomaniaques et d'épisodes dépressifs; entre les épisodes, les intervalles sont libres de tout symptôme clinique thymique
• trouble bipolaire de type I (BP I): épisodes maniaques francs associés ou non à des épisodes dépressifs.
• BP II: épisodes dépressifs récurrents associés à des périodes hypomaniaques
Les troubles bipolaires I & II
• Fréquents mais malconnus
• Hirschfeld, 2003 : Prévalence BP I + BP II = 3,7% en population générale aux EtatsUnis
• 80% des patients identifiés dans l'étude n'avaient pas été diagnostiqués
• Délai entre demande de soins et diagnostic correct: : > 5 ans pour 50% des patients, > 10 ans pour un tiers d'entre eux
Troubles bipolaires I & II: importance du diagnostic
• 15% suicides réalisés (Nilsson, 1999)
• Possibilité d'aggravation induite par les antidépresseurs s'ils sont prescrits seuls
• Morbidité psychosociale importante
• divorce et/ou difficultés conjugales: 57 à 73% (Woods S, 2000)
• handicaps scolaires ou socioprofessionnels
• chômage: 1/3 des patients (Woods S, 2000)
• conduites à risque et addictives, conséquences médicolégales
Le trouble cyclothymique
• Instabilité persistante de l’humeur, comportant de nombreuses périodes de dépression ou d’élation légère, indépendantes de tout facteur extérieur
• 0,5 à 1% de la population
• N’amène pas forcément à consulter; les troubles se manifestent surtout au niveau de la « personnalité » et peuvent entraîner une altération du fonctionnement social
• Répondrait favorablement au lithium
unipolaire bipolaire
dépression récurrente dysthymie cyclothymieBP 1 & 2
dépression saisonnière
Bipolaire Unipolaire
sex-ratio 1 F>H
âge de début 30 ans Formes juvéniles
40 ans Formes d'involution
cycles courts, fréquents virages sous AD influence saisonnière
réponse au lithium bonne mauvaise
risque héréditaire important plus faible
symptomatologie ralentissement, hypersomnie agitation, anxiété
Traitement des troubles de l’humeur
• Médicaments antidépresseurs: ISRS, ISRNA, Tricycliques, IMAO...
• probablement effet seulement symptomatique (suspensif); maintien du traitement préconisé pendant au moins 6 mois
• Efficacité dans les dépressions modérées à sévères
• Adjuvants; anxiolytiques et somnifères
• Lithium, extraits thyroïdiens dans les dépressions résistantes
• Électroconvulsivothérapie (ECT)
Traitement de l’épisode dépressif
• 2 formes de psychothérapies ont démontré une efficacité en traitement de l’accès aigu et en prévention des récidives
• Thérapie cognitive et comportementale
• Thérapie interpersonnelle
• Question de l’hospitalisation dans les formes sévères ou avec risque suicidaire élevé
• Thérapeutiques alternatives: exercice physique, omega-3
Traitement de l’épisode dépressif (2)
• Neuroleptiques (antipsychotiques)
• et/ou thymorégulateurs, qui ont une efficacité curative sur l’accès maniaque : lithium (efficacité à 70-80 %), divalproate (depakote®)
• Adjuvants : benzodiazépines
• ECT dans certains cas
Traitement de la manie
Traitement de la manie (2)
• Hospitalisation souvent nécessaire
• pour l’observance du traitement
• pour éviter les conséquences fâcheuses (pour lui-même ou pour autrui) des désordres du comportement
• nécessite parfois un placement sous contrainte
• Une mesure de protection (sauvegarde de justice) est souvent utile
• Principalement dans le trouble bipolaire
• Thymorégulateurs (mood stabilizers): lithium,, divalproate (depakote®), carbamazepine (tegretol®)
• “Psychoéducation”: information et éducation patients et familles sur la maladie, les “signal-symptômes”, les traitements
• Dépression récurrente:
• question du traitement antidépresseur au long cours ou du lithium en prévention des rechutes
• Intérêt de la psychothérapie (MBCT: mindfulness based cognitive therapy)
Traitement prophylactique
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