Les trois plumes Conte merveilleux
Un conte de fes des frres Grimm Grimm
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Les trois plumes
Il tait une fois un roi qui avait trois fils: deux qui taient
intelligents et aviss, tandis que le troisime ne parlait gure et
tait sot, si bien qu'on l'appelait le Bta. Lorsque le roi devint
vieux et qu'il sentit ses forces dcliner, il se mit songer sa fin
prochaine et ne sut pas auquel de ses fils il devait laisser le
royaume en hritage. Alors il leur dit: "Partez, et celui qui me
rapportera le tapis le plus beau sera roi aprs ma mort." Afin qu'il
n'y ait pas de dispute entre eux, il les conduisit devant son
chteau et souffla trois plumes en l'air en disant: "L o elles
voleront, telle sera votre direction." L'une des plumes s'envola
vers l'ouest, l'autre vers l'est, quant la troisime elle voltigea
tout droit faible distance, puis retomba bientt par terre. Alors,
l'un des frres partit droite, l'autre gauche, tout en se moquant du
Bta qui dut rester prs de la troisime plume qui tait tombe tout prs
de lui.
Le Bta s'assit par terre et il tait bien triste. C'est alors
qu'il remarqua tout coup qu'une trappe se trouvait ct de la plume.
Il leva la trappe et aperut un escalier qu'il se mit descendre. Il
arriva devant une porte, frappe et entendit crier l'intrieur:
"Petite demoiselle verte,Cuisse tendue,Et patte de livre,Bondis
et rebondis,Va vite voir qui est dehors."
La porte s'ouvrit et il vit une grosse grenouille grasse assise
l, entoure d'une foule de petites grenouilles. La grosse grenouille
lui demanda quel tait son dsir. "J'aimerais avoir le plus beau et
le plus ouvrag des tapis," rpondit-il. Alors elle appela une jeune
grenouille qui elle dit:
"Petite demoiselle verte,Cuisse tendue,Et patte de livre,Bondis
et rebondis,Va vite voir qui est dehors."
La jeune grenouille alla chercher la bote et la grosse
grenouille l'ouvrit, y prit un tapis qu'elle donna au Bta, et ce
tapis tait si beau, si ouvrag qu'on n'en pouvait tisser de pareil
sur la terre, l-haut. Alors il remercia la grenouille et remonta
l'escalier.
Cependant les deux autres frres estimaient leur cadet tellement
st qu'ils crurent qu'il ne trouverait absolument rien rapporter.
"Pourquoi nous fatiguer Chercher?" se dirent-il et la premire
bergre qu'il rencontrrent fit l'affaire: ils lui trent son chle de
toile grossire et revinrent le porter au roi. Au mme moment le Bta
rentra lui aussi, apportant son tapis magnifique. En le voyant, le
roi fut tonn et dit: "S'il faut s'en remettre la justice, le
royaume appartient au cadet." Mais les deux autres ne laissrent
point de repos leur pre, lui disant qu'il tait impossible que le
Bta, qui la raison faisait dfaut dans tous les domaines, devnt le
roi; ils le prirent donc de bien vouloir fixer une autres
condition. Alors le roi dclara: "Celui qui me rapportera la plus
belle bague hritera du royaume." Il sortit avec ses trois fils et
souffla les trois plumes qui devaient leur indiquer la route
suivre. Comme la premire fois, les deux ans partirent l'un vers
l'est et l'autre vers l'ouest, mais la plume du Bta s'envola tout
droit et tomba ct de la trappe. Alors, il descendit de nouveau voir
la grosse grenouille et lui dit qu'il avait besoin d'une trs belle
bague. La grenouille se fit aussitt apporter la grande bote, y prit
une bague qu'elle donna au Bta, et cette bague, toute tincelante de
pierres prcieuses, tait si belle que nul orfvre sur la terre n'en
aurait pu faire de pareille. Les eux ans, se moquant du Bta qui
allait sas doute chercher un anneau d'or, ne e donnrent aucune
peine, ils dvissrent les crochets d'une vieille roue de charrette
et chacun apporta le sien au roi. Aussi, lorsque le Bta montra sa
bague d'or, le pre dclara de nouveau: "C'est lui que revient le
royaume." Les deux ans ne cessrent de harceler leur pre pour qu'il
post encore une troisime condition: celui-ci dcida donc que celui
qui ramnerait la plus belle femme aurait le royaume. Il souffla une
fois encore sur les trois plumes qui s'envolrent comme les fois
prcdentes.
Alors, sans plus se soucier, le Bta alla trouver la grosse
grenouille et lui dit: "Il me faut ramener au chteau la plus belle
femme." - "H, la plus belle femme!" rpondit la grenouille. "Voil
une chose qu'on n'a pas immdiatement sa porte mais tu l'auras tout
de mme." Elle lui donna une carotte vide et creuse laquelle six
petites souris taient atteles. "Que dois-je faire de cela?" dit le
Bta tout triste. "Tu n'as qu' y installer une de mes petites
grenouilles," rpondit-elle. Il en attrapa une au hasard dans le
cercle de celles qui entouraient la grosse grenouille, la mit dans
la carotte, et voil qu' peine assise l'intrieur, la petite
grenouille devint une demoiselle merveilleusement belle, la carotte
un vrai carrosse et les six petites souris des chevaux. Alors le
Bta embrasse la jeune fille, se fit emporter au galop de ses six
chevaux et amena le belle chez le roi. Ses frres arrivrent ensuite:
ils ne s'taient donn aucune peine pour chercher une belle femme et
ramenrent les deux premires paysannes venues. Lorsqu'il les vit le
roi dclara: "C'est au cadet que le royaume appartiendra aprs ma
mort." Alors les deux ans se mirent de nouveau rebattre les
oreilles du roi de la mme protestation: "Nous ne pouvons pas
admettre que le Bta devienne roi," et ils demandrent ce que ce
privilge revienne celui dont la femme arriverait sauter travers un
anneau qui tait suspendu au milieu de la grande salle. "Nos
paysannes en seront bien capables," se dirent-ils, "elles sont
assez fortes, par contre la dlicate demoiselle va se tuer en
sautant." Le vieux roi cda encore une fois leur prire. Les deux
paysannes prirent leur lan et certes elles sautrent travers
l'anneau, mais elles taient si lourdes qu'en retombant elles se
brisrent bras et jambes. Ce fut alors le tour de la belle
demoiselle que le Bta avait ramene, et elle traversa l'anneau d'un
bond aussi lgrement qu'une biche: cela fit dfinitivement cesser
toute opposition. C'est ainsi que le Bta reut la couronne et que
longtemps il rgna en sage.
Hansel et Gretel Conte merveilleux
Un conte de fes des frres Grimm Grimm
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Hansel et Gretel
A l'ore d'une grande fort vivaient un pauvre bcheron, sa femme
et ses deux enfants. Le garon s'appelait Hansel et la fille
Grethel. La famille ne mangeait gure. Une anne que la famine rgnait
dans le pays et que le pain lui-mme vint manquer, le bcheron
ruminait des ides noires, une nuit, dans son lit et remchait ses
soucis. Il dit sa femme - Qu'allons-nous devenir? Comment nourrir
nos pauvres enfants, quand nous n'avons plus rien pour nous-mmes? -
Eh bien, mon homme, dit la femme, sais-tu ce que nous allons faire?
Ds l'aube, nous conduirons les enfants au plus profond de la fort
nous leur allumerons un feu et leur donnerons chacun un petit
morceau de pain. Puis nous irons notre travail et les laisserons
seuls. Ils ne retrouveront plus leur chemin et nous en serons
dbarrasss. - Non, femme, dit le bcheron. je ne ferai pas cela!
Comment pourrais-je me rsoudre laisser nos enfants tout seuls dans
la fort! Les btes sauvages ne tarderaient pas les dvorer. - Oh!
fou, rtorqua-t-elle, tu prfres donc que nous mourions de faim tous
les quatre? Alors, il ne te reste qu' raboter les planches de nos
cercueils. Elle n'eut de cesse qu'il n'acceptt ce qu'elle
proposait. - Mais j'ai quand mme piti de ces pauvres enfants, dit
le bcheron. Les deux petits n'avaient pas pu s'endormir tant ils
avaient faim. Ils avaient entendu ce que la martre disait leur pre.
Grethel pleura des larmes amres et dit son frre: - C'en est fait de
nous - Du calme, Grethel, dit Hansel. Ne t'en fais pas; Je
trouverai un moyen de nous en tirer. Quand les parents furent
endormis, il se leva, enfila ses habits, ouvrit la chatire et se
glissa dehors. La lune brillait dans le ciel et les graviers
blancs, devant la maison, tincelaient comme des diamants. Hansel se
pencha et en mit dans ses poches autant qu'il put. Puis il rentra
dans la maison et dit Grethel: - Aie confiance, chre petite soeur,
et dors tranquille. Dieu ne nous abandonnera pas. Et lui-mme se
recoucha. Quand vint le jour, avant mme que le soleil ne se levt,
la femme rveilla les deux enfants: - Debout, paresseux! Nous allons
aller dans la fort pour y chercher du bois. Elle leur donna un
morceau de pain chacun et dit: - Voici pour le repas de midi; ne
mangez pas tout avant, car vous n'aurez rien d'autre. Comme les
poches de Hansel taient pleines de cailloux, Grethel mit le pain
dans son tablier. Puis, ils se mirent tous en route pour la fort.
Au bout de quelque temps, Hansel s'arrta et regarda en direction de
la maison. Et sans cesse, il rptait ce geste. Le pre dit: - Que
regardes-tu, Hansel, et pourquoi restes-tu toujours en arrire? Fais
attention toi et n'oublie pas de marcher! - Ah! pre dit Hansel, Je
regarde mon petit chat blanc qui est perch l-haut sur le toit et je
lui dis au revoir. La femme dit: - Fou que tu es! ce n'est pas le
chaton, c'est un reflet de soleil sur la chemine. Hansel, en ralit,
n'avait pas vu le chat. Mais, chaque arrt, il prenait un caillou
blanc dans sa poche et le jetait sur le chemin. Quand ils furent
arrivs au milieu de la fort, le pre dit:- Maintenant, les enfants,
ramassez du bois! je vais allumer un feu pour que vous n'ayez pas
froid. Hansel et Grethel amassrent des brindilles au sommet d'une
petite colline. Quand on y eut mit le feu et qu'il eut bien pris,
la femme dit: - Couchez-vous auprs de lui, les enfants, et
reposez-vous. Nous allons abattre du bois. Quand nous aurons fini,
nous reviendrons vous chercher. Hansel et Grethel s'assirent auprs
du feu et quand vint l'heure du djeuner, ils mangrent leur morceau
de pain. Ils entendaient retentir des coups de hache et pensaient
que leur pre tait tout proche. Mais ce n'tait pas la hache. C'tait
une branche que le bcheron avait attache un arbre mort et que le
vent faisait battre de-ci, de-l. Comme ils taient assis l depuis
des heures, les yeux finirent par leur tomber de fatigue et ils
s'endormirent. Quand ils se rveillrent, il faisait nuit noire.
Grethel se mit pleurer et dit:- Comment ferons-nous pour sortir de
la fort?Hansel la consola - Attends encore un peu, dit-il, jusqu'
ce que la lune soit leve. Alors, nous retrouverons notre chemin.
Quand la pleine lune brilla dans le ciel, il prit sa soeur par la
main et suivit les petits cailloux blancs. Ils tincelaient comme
des cus frais battus et indiquaient le chemin. Les enfants
marchrent toute la nuit et, quand le jour se leva, ils atteignirent
la maison paternelle. Ils frapprent la porte. Lorsque la femme eut
ouvert et quand elle vit que c'taient Hansel et Grethel, elle dit:
- Mchants enfants! pourquoi avez-vous dormi si longtemps dans la
fort? Nous pensions que vous ne reviendriez jamais. Leur pre, lui,
se rjouit, car il avait le coeur lourd de les avoir laisss seuls
dans la fort. Peu de temps aprs, la misre rgna de plus belle et les
enfants entendirent ce que la martre disait, pendant la nuit, son
mari: - Il ne nous reste plus rien manger, une demi-miche
seulement, et aprs, finie la chanson! Il faut nous dbarrasser des
enfants; nous les conduirons encore plus profond dans la fort pour
qu'ils ne puissent plus retrouver leur chemin; il n'y a rien
d'autre faire. Le pre avait bien du chagrin. Il songeait - " Il
vaudrait mieux partager la dernire bouche avec les enfants. " Mais
la femme ne voulut n'en entendre. Elle le gourmanda et lui fit
mille reproches. Qui a dit " A " doit dire " B. "Comme il avait
accept une premire fois, il dut consentir derechef. Les enfants
n'taient pas encore endormis. Ils avaient tout entendu. Quand les
parents furent plongs dans le sommeil, Hansel se leva avec
l'intention d'aller ramasser des cailloux comme la fois prcdente.
Mais la martre avait verrouill la porte et le garon ne put sortir.
Il consola cependant sa petite soeur:- Ne pleure pas, Grethel, dors
tranquille; le bon Dieu nous aidera. Tt le matin, la martre fit
lever les enfants. Elle leur donna un morceau de pain, plus petit
encore que l'autre fois. Sur la route de la fort, Hansel l'mietta
dans sa poche; il s'arrtait souvent pour en jeter un peu sur le
sol. - Hansel, qu'as-tu t'arrter et regarder autour de toi? dit le
pre. Va ton chemin! - Je regarde ma petite colombe, sur le toit,
pour lui dire au revoir! rpondit Hansel. - Fou! dit la femme. Ce
n'est pas la colombe, c'est le soleil qui se joue sur la chemine.
Hansel, cependant, continuait semer des miettes de pain le long du
chemin. La martre conduisit les enfants au fin fond de la fort,
plus loin qu'ils n'taient jamais alls. On y refit un grand feu et
la femme dit: - Restez l, les enfants. Quand vous serez fatigus,
vous pourrez dormir un peu nous allons couper du bois et, ce soir,
quand nous aurons fini, nous viendrons vous chercher. midi, Grethel
partagea son pain avec Hansel qui avait parpill le sien le long du
chemin. Puis ils dormirent et la soire passa sans que personne ne
revnt auprs d'eux. Ils s'veillrent au milieu de la nuit, et Hansel
consola sa petite soeur, disant: - Attends que la lune se lve,
Grethel, nous verrons les miettes de pain que j'ai jetes; elles
nous montreront le chemin de la maison. Quand la lune se leva, ils
se mirent en route. Mais de miettes, point. Les mille oiseaux des
champs et des bois les avaient manges. Les deux enfants marchrent
toute la nuit et le jour suivant, sans trouver sortir de la fort.
Ils mouraient de faim, n'ayant se mettre sous la dent que quelques
baies sauvages. Ils taient si fatigus que leurs jambes ne voulaient
plus les porter. Ils se couchrent au pied d'un arbre et
s'endormirent. Trois jours s'taient dj passs depuis qu'ils avaient
quitt la maison paternelle. Ils continuaient marcher, s'enfonant
toujours plus avant dans la fort. Si personne n'allait venir leur
aide, ils ne tarderaient pas mourir. midi, ils virent un joli
oiseau sur une branche, blanc comme neige. Il chantait si bien que
les enfants s'arrtrent pour l'couter. Quand il eut fini, il dploya
ses ailes et vola devant eux. Ils le suivirent jusqu' une petite
maison sur le toit de laquelle le bel oiseau blanc se percha. Quand
ils s'en furent approchs tout prs, ils virent qu'elle tait faite de
pain et recouverte de gteaux. Les fentres taient en sucre. - Nous
allons nous mettre au travail, dit Hansel, et faire un repas bni de
Dieu. Je mangerai un morceau du toit; a a l'air d'tre bon! Hansel
grimpa sur le toit et en arracha un petit morceau pour goter.
Grethel se mit lcher les carreaux. On entendit alors une voix suave
qui venait de la chambre
- Langue, langue lche! Qui donc ma maison lche?
Les enfants rpondirent
- C'est le vent, c'est le vent. Ce cleste enfant.
Et ils continurent manger sans se laisser dtourner de leur tche.
Hansel, qui trouvait le toit fort bon, en fit tomber un gros
morceau par terre et Grethel dcoupa une vitre entire, s'assit sur
le sol et se mit manger. La porte, tout coup, s'ouvrit et une
femme, vieille comme les pierres, s'appuyant sur une canne, sortit
de la maison. Hansel et Grethel eurent si peur qu'ils laissrent
tomber tout ce qu'ils tenaient dans leurs mains. La vieille secoua
la tte et dit:- Eh! chers enfants, qui vous a conduits ici? Entrez,
venez chez moi! Il ne vous sera fait aucun mal. Elle les prit tous
deux par la main et les fit entrer dans la maisonnette. Elle leur
servit un bon repas, du lait et des beignets avec du sucre, des
pommes et des noix. Elle prpara ensuite deux petits lits. Hansel et
Grethel s'y couchrent. Ils se croyaient au Paradis. Mais l'amiti de
la vieille n'tait qu'apparente. En ralit, c'tait une mchante
sorcire l'afft des enfants. Elle n'avait construit la maison de
pain que pour les attirer. Quand elle en prenait un, elle le tuait,
le faisait cuire et le mangeait. Pour elle, c'tait alors jour de
fte. La sorcire avait les yeux rouges et elle ne voyait pas trs
clair. Mais elle avait un instinct trs sr, comme les btes, et
sentait venir de loin les tres humains. Quand Hansel et Grethel
s'taient approchs de sa demeure, elle avait ri mchamment et dit
d'une voix mielleuse:- Ceux-l, je les tiens! Il ne faudra pas
qu'ils m'chappent! l'aube, avant que les enfants ne se soient
veills, elle se leva. Quand elle les vit qui reposaient si
gentiment, avec leurs bonnes joues toutes roses, elle murmura:-
Quel bon repas je vais faire! Elle attrapa Hansel de sa main rche,
le conduisit dans une petite table et l'y enferma au verrou. Il eut
beau crier, cela ne lui servit rien. La sorcire s'approcha ensuite
de Grethel, la secoua pour la rveiller et s'cria: - Debout,
paresseuse! Va chercher de l'eau et prpare quelque chose de bon
manger pour ton frre. Il est enferm l'table et il faut qu'il
engraisse. Quand il sera point, je le mangerai. Grethel se mit
pleurer, mais cela ne lui servit rien. Elle fut oblige de faire ce
que lui demandait l'ogresse. On prpara pour le pauvre Hansel les
plats les plus dlicats. Grethel, elle, n'eut droit qu' des
carapaces de crabes. Tous les matins, la vieille se glissait jusqu'
l'curie et disait: - Hansel, tends tes doigts, que je voie si tu es
dj assez gras. Mais Hansel tendait un petit os et la sorcire, qui
avait de mauvais yeux, ne s'en rendait pas compte. Elle croyait que
c'tait vraiment le doigt de Hansel et s'tonnait qu'il n'engraisst
point. Quand quatre semaines furent passes, et que l'enfant tait
toujours aussi maigre, elle perdit patience et dcida de ne pas
attendre plus longtemps. - Hol! Grethel, cria-t-elle, dpche-toi
d'apporter de l'eau. Que Hansel soit gras ou maigre, c'est demain
que je le tuerai et le mangerai. Ah, comme elle pleurait, la pauvre
petite, en charriant ses seaux d'eau, comme les larmes coulaient le
long de ses joues! - Dieu bon, aide-nous donc! s'cria-t-elle. Si
seulement les btes de la fort nous avaient dvors! Au moins
serions-nous morts ensemble! - Cesse de te lamenter! dit la
vieille; a ne te servira rien! De bon matin, Grethel fut charge de
remplir la grande marmite d'eau et d'allumer le feu. - Nous allons
d'abord faire la pte, dit la sorcire. J'ai dj fait chauffer le four
et prpar ce qu'il faut. Elle poussa la pauvre Grethel vers le four,
d'o sortaient de grandes flammes. - Faufile-toi dedans!
ordonna-t-elle, et vois s'il est assez chaud pour la cuisson. Elle
avait l'intention de fermer le four quand la petite y serait pour
la faire rtir. Elle voulait la manger, elle aussi. Mais Grethel
devina son projet et dit: - Je ne sais comment faire , comment
entre-t-on dans ce four? - Petite oie, dit la sorcire, l'ouverture
est assez grande, vois, je pourrais y entrer moi-mme. Et elle y
passa la tte. Alors Grethel la poussa vivement dans le four, claqua
la porte et mit le verrou. La sorcire se mit hurler
pouvantablement. Mais Grethel s'en alla et cette pouvantable
sorcire n'eut plus qu' rtir. Grethel, elle, courut aussi vite
qu'elle le pouvait chez Hansel. Elle ouvrit la petite table et dit:
- Hansel, nous sommes libres! La vieille sorcire est morte!Hansel
bondit hors de sa prison, aussi rapide qu'un oiseau dont on vient
d'ouvrir la cage. Comme ils taient heureux! Comme ils se prirent
par le cou, dansrent et s'embrassrent! N'ayant plus rien craindre,
ils pntrrent dans la maison de la sorcire. Dans tous les coins, il
y avait des caisses pleines de perles et de diamants. - C'est
encore mieux que mes petits cailloux! dit Hansel en remplissant ses
poches. Et Grethel ajouta - Moi aussi, je veux en rapporter la
maison!Et elle en mit tant qu'elle put dans son tablier. -
Maintenant, il nous faut partir, dit Hansel, si nous voulons fuir
cette fort ensorcele. Au bout de quelques heures, ils arrivrent sur
les bords d'une grande rivire. - Nous ne pourrons pas la traverser,
dit Hansel, je ne vois ni passerelle ni pont. - On n'y voit aucune
barque non plus, dit Grethel. Mais voici un canard blanc. Si Je lui
demande, il nous aidera traverser. Elle cria:
- Petit canard, petit canard, Nous sommes Hansel et Grethel. Il
n'y a ni barque, ni gu, ni pont, Fais-nous passer avant qu'il ne
soit tard.
Le petit canard s'approcha et Hansel se mit califourchon sur son
dos. Il demanda sa soeur de prendre place ct de lui. - Non,
rpondit-elle, ce serait trop lourd pour le canard. Nous
traverserons l'un aprs l'autre. La bonne petite bte les mena ainsi
bon port. Quand ils eurent donc pass l'eau sans dommage, ils
s'aperurent au bout de quelque temps que la fort leur devenait de
plus en plus familire. Finalement, ils virent au loin la maison de
leur pre. Ils se mirent courir, se rurent dans la chambre de leurs
parents et sautrent au cou de leur pre. L'homme n'avait plus eu une
seule minute de bonheur depuis qu'il avait abandonn ses enfants
dans la fort. Sa femme tait morte. Grethel secoua son tablier et
les perles et les diamants roulrent travers la chambre. Hansel en
sortit d'autres de ses poches, par poignes. C'en tait fini des
soucis. Ils vcurent heureux tous ensemble.
Cendrillon Conte merveilleux
Un conte de fes des frres Grimm Grimm
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Cendrillon
Un homme riche avait une femme qui tomba malade; et quand
celle-ci sentit sa fin prochaine, elle appela son chevet son unique
fille et lui dit: "Chre enfant, reste bonne et pieuse, et le bon
Dieu t'aidera toujours, et moi, du haut du ciel, je te regarderai
et te protgerai." Puis elle ferma les yeux et mourut. La fillette
se rendit chaque jour sur la tombe de sa mre, pleura et resta bonne
et pieuse. L'hiver venu, la neige recouvrit la tombe d'un tapis
blanc. Mais au printemps, quand le soleil l'eut fait fondre,
l'homme prit une autre femme.
La femme avait amen avec elle ses deux filles qui taient jolies
et blanches de visage, mais laides et noires de coeur. Alors de
bien mauvais jours commencrent pour la pauvre belle-fille. "Faut-il
que cette petite oie reste avec nous dans la salle?" dirent-elles.
"Qui veut manger du pain, doit le gagner. Allez ouste, souillon!"
Elles lui enlevrent ses beaux habits, la vtirent d'un vieux tablier
gris et lui donnrent des sabots de bois. "Voyez un peu la fire
princesse, comme elle est accoutre!" s'crirent-elles en riant et
elles la conduisirent la cuisine. Alors il lui fallut faire du
matin au soir de durs travaux, se lever bien avant le jour, porter
de l'eau, allumer le feu, faire la cuisine et la lessive. En outre,
les deux soeurs lui faisaient toutes les misres imaginables, se
moquaient d'elle, lui renversaient les pois et les lentilles dans
la cendre, de sorte qu'elle devait recommencer les trier. Le soir,
lorsqu'elle tait puise de travail, elle ne se couchait pas dans un
lit, mais devait s'tendre prs du foyer dans les cendres. Et parce
que cela lui donnait toujours un air poussireux et sale, elles
l'appelrent Cendrillon.
Il arriva que le pre voulut un jour se rendre la foire; il
demanda ses deux belles-filles ce qu'il devait leur rapporter. "De
beaux habits," dit l'une. "Des perles et des pierres prcieuses,"
dit la seconde. "Et toi, Cendrillon," demanda-t-il, "que veux-tu?"
- "Pre, le premier rameau qui heurtera votre chapeau sur le chemin
du retour, cueillez-le pour moi." Il acheta donc de beaux habits,
des perles et des pierres prcieuses pour les deux soeurs, et, sur
le chemin du retour, en traversant cheval un vert bosquet, une
branche de noisetier l'effleura et fit tomber son chapeau. Alors il
cueillit le rameau et l'emporta. Arriv la maison, il donna ses
belles-filles ce qu'elles avaient souhait et Cendrillon le rameau
de noisetier. Cendrillon le remercia, s'en alla sur la tombe de sa
mre et y planta le rameau, en pleurant si fort que les larmes
tombrent dessus et l'arrosrent. Il grandit cependant et devint un
bel arbre. Cendrillon allait trois fois par jour pleurer et prier
sous ses branches, et chaque fois un petit oiseau blanc venait se
poser sur l'arbre. Quand elle exprimait un souhait, le petit oiseau
lui lanait terre ce quelle avait souhait.
Or il arriva que le roi donna une fte qui devait durer trois
jours et laquelle furent invites toutes les jolies filles du pays,
afin que son fils pt se choisir une fiance. Quand elles apprirent
qu'elles allaient aussi y assister, les deux soeurs furent toutes
contentes; elles appelrent Cendrillon et lui dirent: "Peigne nos
cheveux, brosse nos souliers et ajuste les boucles, nous allons au
chteau du roi pour la noce." Cendrillon obit, mais en pleurant, car
elle aurait bien voulu les accompagner, et elle pria sa belle-mre
de bien vouloir le lui permettre. "Toi, Cendrillon," dit-elle,
"mais tu es pleine de poussire et de crasse, et tu veux aller la
noce? Tu n'as ni habits, ni souliers, et tu veux aller danser?"
Mais comme Cendrillon ne cessait de la supplier, elle finit par lui
dire: "J'ai renvers un plat de lentilles dans les cendres; si dans
deux heures tu les as de nouveau tries, tu pourras venir avec
nous." La jeune fille alla au jardin par la porte de derrire et
appela: "Petits pigeons dociles, petites tourterelles et vous tous
les petits oiseaux du ciel, venez m'aider trier les graines:
Les bonnes dans le petit pot,Les mauvaises dans votre
jabot."
Alors deux pigeons blancs entrrent par la fentre de la cuisine,
puis les tourterelles, et enfin, par nues, tous les petits oiseaux
du ciel vinrent en voletant se poser autour des cendres. Et
baissant leurs petites ttes, tous les pigeons commencrent picorer:
pic, pic, pic, pic, et les autres s'y mirent aussi: pic, pic, pic,
pic, et ils amassrent toutes les bonnes graines dans le plat. Au
bout d'une heure peine, ils avaient dj termin et s'envolrent tous
de nouveau. Alors la jeune fille, toute joyeuse l'ide qu'elle
aurait maintenant la permission d'aller la noce avec les autres,
porta le plat sa martre. Mais celle-ci lui dit: "Non, Cendrillon,
tu n'as pas d'habits et tu ne sais pas danser: on ne ferait que
rire de toi." Comme Cendrillon se mettait pleurer, elle lui dit:
"Si tu peux, en une heure de temps, me trier des cendres deux
grands plats de lentilles, tu nous accompagneras." Car elle se
disait qu'au grand jamais elle n'y parviendrait. Quand elle eut jet
le contenu des deux plats de lentilles dans la cendre, la jeune
fille alla dans le jardin par la porte de derrire et appela:
"Petits pigeons dociles, petites tourterelles, et vous tous les
petits oiseaux du ciel, venez m'aider trier les graines:
Les bonnes dans le petit pot,Les mauvaises dans votre
jabot."
Alors deux pigeons blancs entrrent par la fentre de la cuisine,
puis les tourterelles, et enfin, par nues, tous les petits oiseaux
du ciel vinrent en voletant se poser autour des cendres. Et
baissant leurs petites ttes, tous les pigeons commencrent picorer:
pic, pic, pic, pic, et les autres s y mirent aussi: pic, pic, pic,
pic, et ils ramassrent toutes les bonnes graines dans les plats. Et
en moins d'une demi-heure, ils avaient dj termin, et s'envolrent
tous nouveau. Alors la jeune fille, toute joyeuse l'ide que
maintenant elle aurait la permission d'aller la noce avec les
autres, porta les deux plats sa martre. Mais celle-ci lui dit:
"C'est peine perdue, tu ne viendras pas avec nous, car tu n'as pas
d'habits et tu ne sais pas danser; nous aurions honte de toi."
L-dessus, elle lui tourna le dos et partit la hte avec ses deux
filles superbement pares.
Lorsqu'il n'y eut plus personne la maison, Cendrillon alla sous
le noisetier plant sur la tombe de sa mre et cria:
"Petit arbre, branle-toi, agite-toi,Jette de l'or et de l'argent
sur moi."
Alors l'oiseau lui lana une robe d'or et d'argent, ainsi que des
pantoufles brodes de soie et d'argent. Elle mit la robe en toute
hte et partit la fte. Ni ses soeurs, ni sa martre ne la
reconnurent, et pensrent que ce devait tre la fille d'un roi
tranger, tant elle tait belle dans cette robe d'or. Elles ne
songeaient pas le moins du monde Cendrillon et la croyaient au
logis, assise dans la salet, a retirer les lentilles de la cendre.
Le fils du roi vint sa rencontre, a prit par la main et dansa avec
elle. Il ne voulut mme danser avec nulle autre, si bien qu'il ne
lui lcha plus la main et lorsqu'un autre danseur venait l'inviter,
il lui disait: "C'est ma cavalire."
Elle dansa jusqu'au soir, et voulut alors rentrer. Le fils du
roi lui dit: "Je m'en vais avec toi et t'accompagne," car il
voulait voir quelle famille appartenait cette belle jeune fille.
Mais elle lui chappa et sauta dans le pigeonnier. Alors le prince
attendit l'arrive du pre et lui dit que la jeune inconnue avait
saut dans le pigeonnier. Serait-ce Cendrillon? se demanda le
vieillard et il fallut lui apporter une hache et une pioche pour
qu'il pt dmolir le pigeonnier. Mais il n'y avait personne dedans.
Et lorsqu'ils entrrent dans la maison, Cendrillon tait couche dans
la cendre avec ses vtements sales, et une petite lampe huile brlait
faiblement dans la chemine; car Cendrillon avait prestement saut du
pigeonnier par- derrire et couru jusqu'au noisetier; l, elle avait
retir ses beaux habits, les avait poss sur la tombe, et l'oiseau
les avait remports; puis elle tait alle avec son vilain tablier
gris se mettre dans les cendres de la cuisine.
Le jour suivant, comme la fte recommenait et que ses parents et
ses soeurs taient de nouveau partis, Cendrillon alla sous le
noisetier et dit:
"Petit arbre, branle-toi, agite-toi,Jette de l'or et de l'argent
sur moi."
Alors l'oiseau lui lana une robe encore plus splendide que celle
de la veille. Et quand elle parut la fte dans cette toilette, tous
furent frapps de sa beaut. Le fils du toi, qui avait attendu sa
venue, la prit aussitt par la main et ne dansa qu'avec elle. Quand
d'autres venaient l'inviter, il leur disait: "C'est ma cavalire."
Le soir venu, elle voulut partir, et le fils du roi la suivit, pour
voir dans quelle maison elle entrait, mais elle lui chappa et sauta
dans le jardin derrire sa maison. Il y avait l un grand et bel
arbre qui portait les poires les plus exquises, elle grimpa entre
ses branches aussi agilement qu'un cureuil, et le prince ne sut pas
o elle tait passe. Cependant il attendit l'arrive du pre et lui
dit: "La jeune fille inconnue m'a chapp, et je crois qu'elle a saut
sur le poirier." Serait-ce Cendrillon? pensa le pre qui envoya
chercher la hache et abattit l'arbre, mais il n'y avait personne
dessus. Et quand ils entrrent dans la cuisine, Cendrillon tait
couche dans la cendre, tout comme d'habitude, car elle avait saut
en bas de l'arbre par l'autre ct, rapport les beaux habits l'oiseau
du noisetier et revtu son vilain tablier gris.
Le troisime jour, quand ses parents et ses soeurs furent partis,
Cendrillon retourna sur la tombe de sa mre et dit au noisetier:
"Petit arbre, branle-toi, agite-toi,Jette de l'or et de l'argent
sur moi."
Alors l'oiseau lui lana une robe qui tait si somptueuse et si
clatante qu'elle n'en avait encore jamais vue de pareille, et les
pantoufles taient tout en or. Quand elle arriva la noce dans cette
parure, tout le monde fut interdit d'admiration. Seul le fils du
roi dansa avec elle, et si quelqu'un l'invitait, il disait: "C'est
ma cavalire."
Quand ce fut le soir, Cendrillon voulut partir, et le prince
voulut l'accompagner, mais elle lui chappa si vite qu'il ne put la
suivre. Or le fils du roi avait eu recours une ruse: il avait fait
enduire de poix tout l'escalier, de sorte qu'en sautant pour
descendre, la jeune fille y -avait laiss sa pantoufle gauche
englue. Le prince la ramassa, elle tait petite et mignonne et tout
en or. Le lendemain matin, il vint trouver le vieil homme avec la
pantoufle et lui dit: "Nulle ne sera mon pouse que celle dont le
pied chaussera ce soulier d'or." Alors les deux soeurs se
rjouirent, car elles avaient le pied joli. L'ane alla dans sa
chambre pour essayer le soulier en compagnie de sa mre. Mais elle
ne put y faire entrer le gros orteil, car la chaussure tait trop
petite pour elle; alors sa mre lui tendit un couteau en lui disant:
"Coupe-toi ce doigt; quand tu seras reine, tu n'auras plus besoin
d'aller pied." Alors la jeune fille se coupa l'orteil, fit entrer
de force son pied dans le soulier et, contenant sa douleur, s'en
alla trouver le fils du roi. Il la prit pour fiance, la mit sur son
cheval et partit avec elle. Mais il leur fallut passer devant la
tombe; les deux petits pigeons s'y trouvaient, perchs sur le
noisetier, et ils crirent:
"Roucou-cou, roucou-cou et voyez l,Dans la pantoufle, du sang il
y a:Bien trop petit tait le soulier;Encore au logis la vraie
fiance."
Alors il regarda le pied et vit que le sang en coulait. Il fit
faire demi-tour son cheval, ramena la fausse fiance chez elle, dit
que ce n'tait pas la vritable jeune fille et que l'autre soeur
devait essayer le soulier. Celle-ci alla dans sa chambre, fit
entrer l'orteil, mais son talon tait trop grand. Alors sa mre lui
tendit un couteau en disant: "Coupe-toi un bout de talon; quand tu
seras reine, tu n'auras plus besoin d'aller pied." La jeune fille
se coupa un bout de talon, fit entrer de force son pied dans le
soulier et, contenant sa douleur, s'en alla trouve le fils du roi.
Il la prit alors pour fiance, la mit sur son cheval et partit avec
elle. Quand ils passrent devant le noisetier, les deux petits
pigeons s'y trouvaient perchs et crirent:
"Roucou-cou, Roucou-cou et voyez l,Dans la pantoufle, du sang il
y a:Bien trop petit tait le soulier;Encore au logis la vraie
fiance."
Le prince regarda le pied et vit que le sang coulait de la
chaussure et teintait tout de rouge les bas blancs. Alors il fit
faire demi-tour son cheval, et ramena la fausse fiance chez elle.
"Ce n'est toujours pas la bonne," dit-il, "n'avez-vous point
d'autre fille?" - "Non," dit le pre, "il n'y a plus que la fille de
ma dfunte femme, une misrable Cendrillon malpropre, c'est
impossible qu'elle soit la fiance que vous cherchez." Le fils du
roi dit qu'il fallait la faire venir, mais la mre rpondit: "Oh non!
La pauvre est bien trop sale pour se montrer." Mais il y tenait
absolument et on dut appeler Cendrillon. Alors elle se lava d'abord
les mains et le visage, puis elle vint s'incliner devant le fils du
roi, qui lui tendit le soulier d'or. Elle s'assit sur un escabeau,
retira son pied du lourd sabot de bois et le mit dans la pantoufle
qui lui allait comme un gant. Et quand elle se redressa et que le
fils du roi vit sa figure, il reconnut la belle jeune fille avec
laquelle il avait dans et s'cria: "Voil la vraie fiance!" La
belle-mre et les deux soeurs furent prises de peur et devinrent
blmes de rage. Quant au prince, il prit Cendrillon sur son cheval
et partit avec elle. Lorsqu'ils passrent devant le noisetier, les
deux petits pigeons blancs crirent:
"Rocou-cou, Roucou-cou et voyez l,Dans la pantoufle, du sang
plus ne verraPoint trop petit tait le soulier,Chez lui, il mne la
vraie fiance."
Et aprs ce roucoulement, ils s'envolrent tous deux et
descendirent se poser sur les paules de Cendrillon, l'un droite,
l'autre gauche et y restrent perchs.
Le jour o l'on devait clbrer son mariage avec le fils du roi,
ses deux perfides soeurs s'y rendirent avec l'intention de
s'insinuer dans ses bonnes grces et d'avoir part son bonheur.
Tandis que les fiancs se rendaient l'glise, l'ane marchait leur
droite et la cadette leur gauche: alors les pigeons crevrent un
oeil chacune celles. Puis, quand ils s'en revinrent de l'glise,
l'ane marchait leur gauche et la cadette leur droite: alors les
pigeons crevrent l'autre oeil chacune d'elles. Et c'est ainsi qu'en
punition de leur mchancet et de leur perfidie, elles furent
aveugles pour le restant de leurs jours.
Le Petit Chaperon Rouge Conte merveilleux
Un conte de fes des frres Grimm Grimm
8.1/10 - 1586 votes
Le Petit Chaperon Rouge
Il tait une fois une petite fille que tout le monde aimait bien,
surtout sa grand-mre. Elle ne savait qu'entreprendre pour lui faire
plaisir. Un jour, elle lui offrit un petit bonnet de velours rouge,
qui lui allait si bien qu'elle ne voulut plus en porter d'autre. Du
coup, on l'appela Chaperon Rouge. Un jour, sa mre lui dit: "Viens
voir, Chaperon Rouge: voici un morceau de gteau et une bouteille de
vin. Porte-les ta grand-mre; elle est malade et faible; elle s'en
dlectera; fais vite, avant qu'il ne fasse trop chaud. Et quand tu
seras en chemin, sois bien sage et ne t'carte pas de ta route,
sinon tu casserais la bouteille et ta grand-mre n'aurait plus rien.
Et quand tu arriveras chez elle, n'oublie pas de dire "Bonjour" et
ne va pas fureter dans tous les coins."
"Je ferai tout comme il faut," dit le Petit Chaperon Rouge sa
mre. La fillette lui dit au revoir. La grand-mre habitait loin, au
milieu de la fort, une demi-heure du village. Lorsque le Petit
Chaperon Rouge arriva dans le bois, il rencontra le Loup. Mais il
ne savait pas que c'tait une vilaine bte et ne le craignait point.
"Bonjour, Chaperon Rouge," dit le Loup. "Bonjour, Loup," dit le
Chaperon Rouge. "O donc vas-tu si tt, Chaperon Rouge?" - "Chez ma
grand-mre." - "Que portes-tu dans ton panier?" - "Du gteau et du
vin. Hier nous avons fait de la ptisserie, et a fera du bien ma
grand-mre. a la fortifiera." - "O habite donc ta grand-mre,
Chaperon Rouge?" - "Oh! un bon quart d'heure d'ici, dans la fort.
Sa maison se trouve sous les trois gros chnes. En dessous, il y a
une haie de noisetiers, tu sais bien?" dit le petit Chaperon Rouge.
Le Loup se dit: "Voil un mets bien jeune et bien tendre, un vrai
rgal! Il sera encore bien meilleur que la vieille. Il faut que je
m'y prenne adroitement pour les attraper toutes les eux!" Il
l'accompagna un bout de chemin et dit: "Chaperon Rouge, vois ces
belles fleurs autour de nous. Pourquoi ne les regardes-tu pas? J'ai
l'impression que tu n'coutes mme pas comme les oiseaux chantent
joliment. Tu marches comme si tu allais l'cole, alors que tout est
si beau, ici, dans la fort!"
Le Petit Chaperon Rouge ouvrit les yeux et lorsqu'elle vit
comment les rayons du soleil dansaient de-ci, de-l travers les
arbres, et combien tout tait plein de fleurs, elle pensa: "Si
j'apportais ma grand- mre un beau bouquet de fleurs, a lui ferait
bien plaisir. Il est encore si tt que j'arriverai bien l'heure."
Elle quitta le chemin, pntra dans le bois et cueillit des fleurs.
Et, chaque fois qu'elle en avait cueilli une, elle se disait: "Plus
loin, j'en vois une plus belle," et elle y allait et s'enfonait
toujours plus profondment dans la fort. Le Loup lui, courait tout
droit vers la maison de la grand-mre. Il frappa la porte. "Qui est
l?" - "C'est le Petit Chaperon Rouge qui t'apporte du gteau et du
vin." - "Tire la chevillette," dit la grand-mre. "Je suis trop
faible et ne peux me lever." Le Loup tire la chevillette, la porte
s'ouvre et sans dire un mot, il s'approche du lit de la grand-mre
et l'avale. Il enfile ses habits, met sa coiffe, se couche dans son
lit et tire les rideaux.
Pendant ce temps, le petit Chaperon Rouge avait fait la chasse
aux fleurs. Lorsque la fillette en eut tant qu'elle pouvait peine
les porter, elle se souvint soudain de sa grand-mre et reprit la
route pour se rendre auprs d'elle. Elle fut trs tonne de voir la
porte ouverte. Et lorsqu'elle entra dans la chambre, cela lui
sembla si curieux qu'elle se dit: "Mon dieu, comme je suis
craintive aujourd'hui. Et, cependant, d'habitude, je suis si
contente d'tre auprs de ma grand-mre!" Elle s'cria: "Bonjour!" Mais
nulle rponse. Elle s'approcha du lit et tira les rideaux. La
grand-mre y tait couche, sa coiffe tire trs bas sur son visage.
Elle avait l'air bizarre. "Oh, grand-mre, comme tu as de grandes
oreilles." - "C'est pour mieux t'entendre!" - "Oh! grand-mre, comme
tu as de grands yeux!" - "C'est pour mieux te voir!" - "Oh!
grand-mre, comme tu as de grandes mains!" - "C'est pour mieux
t'treindre!" - "Mais, grand-mre, comme tu as une horrible et grande
bouche!" - "C'est pour mieux te manger!" peine le Loup eut-il
prononc ces mots, qu'il bondit hors du lit et avala le pauvre Petit
Chaperon Rouge.
Lorsque le Loup eut apais sa faim, il se recoucha, s'endormit et
commena ronfler bruyamment. Un chasseur passait justement devant la
maison. Il se dit: "Comme cette vieille femme ronfle! Il faut que
je voie si elle a besoin de quelque chose." Il entre dans la
chambre et quand il arrive devant le lit, il voit que c'est un Loup
qui y est couch. "Ah! c'est toi, bandit!" dit-il. "Voil bien
longtemps que je te cherche." Il se prpare faire feu lorsque tout
coup l'ide lui vient que le Loup pourrait bien avoir aval la
grand-mre et qu'il serait peut-tre encore possible de la sauver. Il
ne tire pas, mais prend des ciseaux et commence ouvrir le ventre du
Loup endormi. peine avait-il donn quelques coups de ciseaux qu'il
aperoit le Chaperon Rouge. Quelques coups encore et la voil qui
sort du Loup et dit: "Ah! comme j'ai eu peur! Comme il faisait
sombre dans le ventre du Loup!" Et voil que la grand-mre sort son
tour, pouvant peine respirer. Le Petit Chaperon Rouge se hte de
chercher de grosses pierres. Ils en remplissent le ventre du Loup.
Lorsque celui-ci se rveilla, il voulut s'enfuir. Mais les pierres
taient si lourdes qu'il s'crasa par terre et mourut.
Ils taient bien contents tous les trois: le chasseur dpouilla le
Loup et l'emporta chez lui. La grand-mre mangea le gteau et but le
vin que le Petit Chaperon Rouge avait apports. Elle s'en trouva
toute ragaillardie. Le Petit Chaperon Rouge cependant pensait: "Je
ne quitterai plus jamais mon chemin pour aller me promener dans la
fort, quand ma maman me l'aura interdit."
On raconte encore qu'une autre fois, quand le Petit Chaperon
Rouge apportait de nouveau de la galette sa vieille grand-mre, un
autre loup essaya de la distraire et de la faire sortir du chemin.
Mais elle s'en garda bien et continua marcher tout droit. Arrive
chez sa grand-mre, elle lui raconta bien vite que le loup tait venu
sa rencontre et qu'il lui avait souhait le bonjour, mais qu'il
l'avait regarde avec des yeux si mchants: "Si je n'avais pas t sur
la grand-route, il m'aurait dvore!" ajouta-t'elle. "Viens," lui dit
sa grand-mre, "nous allons fermer la porte et bien la cadenasser
pour qu'il ne puisse pas entrer ici." Peu aprs, le loup frappait la
porte et criait: "Ouvre-moi, grand-mre! c'est moi, le Petit
Chaperon Rouge, qui t'apporte des gteaux!" Mais les deux gardrent
le silence et n'ouvrirent point la porte. Tte-Grise fit alors
plusieurs fois le tour de la maison pas feutrs, et, pour finir, il
sauta sur le toit, dcid attendre jusqu'au soir, quand le Petit
Chaperon Rouge sortirait, pour profiter de l'obscurit et
l'engloutir. Mais la grand-mre se douta bien de ses intentions.
"Prends le seau, mon enfant," dit-elle au Petit Chaperon Rouge,
"j'ai fait cuire des saucisses hier, et tu vas porter l'eau de
cuisson dans la grande auge de pierre qui est devant l'entre de la
maison." Le Petit Chaperon Rouge en porta tant et tant de seaux
que, pour finir, l'auge tait pleine. Alors la bonne odeur de la
saucisse vint caresser les narines du loup jusque sur le toit. Il
se pencha si bien en tendant le cou, qu' la fin il glissa et ne put
plus se retenir. Il glissa du toit et tomba droit dans l'auge de
pierre o il se noya. Allgrement, le Petit Chaperon Rouge regagna sa
maison, et personne ne lui fit le moindre mal.
La Belle au bois dormant Conte merveilleux
Un conte de fes des frres Grimm Grimm
8/10 - 941 votes
La Belle au bois dormant
Il tait une fois un roi et une reine. Chaque jour ils se
disaient: "Ah! si seulement nous avions un enfant." Mais d'enfant,
point. Un jour que la reine tait au bain, une grenouille bondit
hors de l'eau et lui dit: "Ton voeu sera exauc. Avant qu'une anne
ne soit passe, tu mettras une fillette au monde."
Ce que la grenouille avait prdit arriva. La reine donna le jour
une fille. Elle tait si belle que le roi ne se tenait plus de joie.
Il organisa une grande fte. Il ne se contenta pas d'y inviter ses
parents, ses amis et connaissances, mais aussi des fes afin
qu'elles fussent favorables l'enfant. Il y en avait treize dans son
royaume. Mais, comme il ne possdait que douze assiettes d'or pour
leur servir un repas, l'une d'elles ne fut pas invite.
La fte fut magnifique. Alors qu'elle touchait sa fin, les fes
offrirent l'enfant de fabuleux cadeaux: l'une la vertu, l'autre la
beaut, la troisime la richesse et ainsi de suite, tout ce qui est
dsirable au monde. Comme onze des fes venaient d'agir ainsi, la
treizime survint tout coup. Elle voulait se venger de n'avoir pas t
invite. Sans saluer quiconque, elle s'cria d'une forte voix: "La
fille du roi, dans sa quinzime anne, se piquera un fuseau et
tombera raide morte." Puis elle quitta la salle. Tout le monde fut
fort effray. La douzime des fes, celle qui n'avait pas encore form
son voeu, s'avana alors. Et comme elle ne pouvait pas annuler le
mauvais sort, mais seulement le rendre moins dangereux, elle dit:
"Ce ne sera pas une mort vritable, seulement un sommeil de cent
annes dans lequel sera plonge la fille du roi."
Le roi, qui aurait bien voulu prserver son enfant adore du
malheur, ordonna que tous les fuseaux fussent brls dans le royaume.
Cependant, tous les dons que lui avaient donns les fes
s'panouissaient chez la jeune fille. Elle tait si belle, si
vertueuse, si gentille et si raisonnable que tous ceux qui la
voyaient l'aimaient. Il advint que le jour de sa quinzime anne, le
roi et la reine quittrent leur demeure. La jeune fille resta seule
au chteau. Elle s'y promena partout, visitant les salles et les
chambres sa fantaisie. Finalement, elle entra dans une vieille
tour. Elle escalada l'troit escalier en colimaon et parvint une
petite porte. Dans la serrure, il y avait une cl rouille. Elle la
tourna. La porte s'ouvrit brusquement. Une vieille femme filant son
lin avec application, tait assise dans une petite chambre.
"Bonjour, grand-mre, dit la jeune fille. Que fais-tu l?" - "Je
file, dit la vieille en branlant la tte." - "Qu'est-ce donc que
cette chose que tu fais bondir si joyeusement," demanda la jeune
fille. Elle s'empara du fuseau et voulut filer son tour. peine
l'eut-elle touch que le mauvais sort s'accomplit: elle se piqua au
doigt. l'instant mme, elle s'affaissa sur un lit qui se trouvait l
et tomba dans un profond sommeil.
Et ce sommeil se rpandit sur l'ensemble du chteau. Le roi et la
reine, qui venaient tout juste de revenir et pntraient dans la
grande salle du palais, s'endormirent. Et avec eux, toute la Cour.
Les chevaux s'endormirent dans leurs curies, les chiens dans la
cour, les pigeons sur le toit, les mouches contre les murs. Mme le
feu qui brlait dans l'tre s'endormit et le rti s'arrta de rtir. Le
cuisinier, qui tait en train de tirer les cheveux du marmiton parce
qu'il avait rat un plat, le lcha et s'endormit. Et le vent cessa de
souffler. Nulle feuille ne bougea plus sur les arbres devant le
chteau. Tout autour du palais, une hale d'pines se mit pousser, qui
chaque jour devint plus haute et plus touffue. Bientt, elle cerna
compltement le chteau, jusqu' ce qu'on n'en vt plus rien, mme pas
le drapeau sur le toit.
Dans le pays, la lgende de la Belle au Bois Dormant - c'est
ainsi que fut nomme la fille du roi, - se rpandait. De temps en
temps, des fils de roi s'approchaient du chteau et tentaient d'y
pntrer travers l'paisse muraille d'pines. Mais ils n'y parvenaient
pas. Les pines se tenaient entre elles, comme par des mains. Les
jeunes princes y restaient accrochs, sans pouvoir se dtacher et
mouraient l, d'une mort cruelle.
Au bout de longues, longues annes, le fils d'un roi passa par le
pays. Un vieillard lui raconta l'histoire de la haie d'pines.
Derrire elle, il devait y avoir un chteau dans lequel dormait,
depuis cent ans, la merveilleuse fille d'un roi, appele la Belle au
Bois Dormant. Avec elle, dormaient le roi, la reine et toute la
Cour. Le vieil homme avait aussi appris de son grand-pre que de
nombreux princes taient dj venus qui avaient tent de forcer la hale
d'pines; mais ils y taient rests accrochs et y taient morts d'une
triste mort. Le jeune homme dit alors: "Je n'ai peur de rien, je
vais y aller. Je veux voir la Belle au Bois Dormant." Le bon
vieillard voulut l'en empcher, mais il eut beau faire, le prince ne
l'couta pas. Or, les cent annes taient justement coules et le jour
tait venu o la Belle au Bois Dormant devait se rveiller. Lorsque le
fils du roi s'approcha de la haie d'pines, il vit de magnifiques
fleurs qui s'cartaient d'elles-mmes sur son passage et lui
laissaient le chemin. Derrire lui, elles reformaient une haie. Dans
le chteau, il vit les chevaux et les chiens de chasse tachets qui
dormaient. Sur le toit, les pigeons se tenaient la tte sous l'aile.
Et lorsqu'il pntra dans le palais, il vit les mouches qui dormaient
contre les murs. Le cuisinier, dans la cuisine, avait encore la
main leve comme s'il voulait attraper le marmiton et la bonne tait
assise devant une poule noire qu'elle allait plumer.
En haut, sur les marches du trne, le roi et la reine taient
endormis. Le prince poursuivit son chemin et le silence tait si
profond qu'il entendait son propre souffle. Enfin, il arriva la
tour et poussa la porte de la petite chambre o dormait la Belle.
Elle tait l, si jolie qu'il ne put en dtourner le regard. Il se
pencha sur elle et lui donna un baiser.
Alors, la Belle au Bois Dormant s'veilla, ouvrit les yeux et le
regarda en souriant. Ils sortirent tous deux et le roi s'veilla son
tour, et la reine, et toute la Cour. Et tout le monde se regardait
avec de grand yeux. Dans les curies, les chevaux se dressaient sur
leurs pattes et s'brouaient les chiens de chasse bondirent en
remuant la queue. Sur le toit, les pigeons sortirent la tte de sous
leurs ailes, regardrent autour d'eux et s'envolrent vers la
campagne. Les mouches, sur les murs, reprirent leur mouvement; dans
la cuisine, le feu s'alluma, flamba et cuisit le repas. Le rti se
remit rissoler; le cuisinier donna une gifle au marmiton, si fort
que celui-ci en cria, et la bonne acheva de plumer la poule.
Le mariage du prince et de la Belle au Bois Dormant fut clbr
avec un faste exceptionnel. Et ils vcurent heureux jusqu' leur
mort.
Raiponce Conte merveilleux
Un conte de fes des frres Grimm Grimm
8.1/10 - 919 votes
Raiponce
Il tait une fois un mari et sa femme qui avaient depuis
longtemps dsir avoir un enfant, quand enfin la femme fut dans
l'esprance et pensa que le Bon Dieu avait bien voulu accomplir son
vu le plus cher. Sur le derrire de leur maison, ils avaient une
petite fentre qui donnait sur un magnifique jardin o poussaient les
plantes et les fleurs les plus belles; mais il tait entour d'un
haut mur, et nul n'osait s'aventurer l'intrieur parce qu'il
appartenait une sorcire doue d'un grand pouvoir et que tout le
monde craignait. Un jour donc que la femme se tenait cette fentre
et admirait le jardin en dessous, elle vit un parterre plant de
superbes raiponces avec des rosettes de feuilles si vertes et si
luisantes, si fraches et si apptissantes, que l'eau lui en vint la
bouche et qu'elle rva d'en manger une bonne salade. Cette envie
qu'elle en avait ne faisait que crotre et grandir de jour en jour;
mais comme elle savait aussi qu'elle ne pourrait pas en avoir, elle
tomba en mlancolie et commena dprir, maigrissant et plissant
toujours plus. En la voyant si bas, son mari s'inquita et lui
demanda: "Mais que t'arrive-t-il donc, ma chre femme?" - "Ah!" lui
rpondit-elle, "je vais mourir si je ne peux pas manger des
raiponces du jardin de derrire chez nous!" Le mari aimait fort sa
femme et pensa: "Plutt que de la laisser mourir, je lui apporterai
de ces raiponces, quoi qu'il puisse m'en coter!" Le jour mme, aprs
le crpuscule, il escalada le mur du jardin de la sorcire, y prit en
toute hte une, pleine main de raiponces qu'il rapporta son pouse.
La femme s'en prpara immdiatement une salade, qu'elle mangea avec
une grande avidit. Mais c'tait si bon et cela lui avait tellement
plu que le lendemain, au lieu que son envie ft satisfaite, elle
avait tripl. Et pour la calmer, il fallut absolument que son mari
retournt encore une fois dans le jardin. Au crpuscule, donc, il fit
comme la veille, mais quand il sauta du mur dans le jardin, il se
figea d'effroi car la sorcire tait devant lui! "Quelle audace de
t'introduire dans mon jardin comme un voleur," lui dit-elle avec un
regard furibond, "et de venir me voler mes raiponces! Tu vas voir
ce qu'il va t'en coter!" - "Oh!" supplia-t-il, "ne voulez-vous pas
user de clmence et prfrer misricorde justice? Si Je l'ai fait, si
je me suis dcid le faire, c'est que j'tais forc: ma femme a vu vos
raiponces par notre petite fentre, et elle a t prise d'une telle
envie d'en manger qu'elle serait morte si elle n'en avait pas eu.
La sorcire fit taire sa fureur et lui dit: "Si c'est comme tu le
prtends, je veux bien te permettre d'emporter autant de raiponces
que tu voudras, mais une condition: c'est que tu me donnes l'enfant
que ta femme va mettre au monde. Tout ira bien pour lui et j'en
prendrai soin comme une mre." Le mari, dans sa terreur, accepta
tout sans discuter. Et quelques semaines plus tard, quand sa femme
accoucha, la sorcire arriva aussitt, donna l'enfant le nom de
Raiponce et l'emporta avec elle.
Raiponce tait une fillette, et la plus belle qui fut sous le
soleil. Lorsqu'elle eut ses douze ans, la sorcire l'enferma dans
une tour qui se dressait, sans escalier ni porte, au milieu d'une
fort. Et comme la tour n'avait pas d'autre ouverture qu'une
minuscule fentre tout en haut, quand la sorcire voulait y entrer,
elle appelait sous la fentre et criait:
"Raiponce, Raiponce,Descends-moi tes cheveux."
Raiponce avait de longs et merveilleux cheveux qu'on et dits de
fils d'or. En entendant la voix de la sorcire, elle dfaisait sa
coiffure, attachait le haut de ses nattes un crochet de la fentre
et les laissait se drouler jusqu'en bas, vingt aunes au-dessous, si
bien que la sorcire pouvait se hisser et entrer.
Quelques annes plus tard, il advint qu'un fils de roi qui
chevauchait dans la fort passa prs de la tour et entendit un chant
si adorable qu'il s'arrta pour couter. C'tait Raiponce qui se
distrayait de sa solitude en laissant filer sa dlicieuse voix. Le
fils de roi, qui voulait monter vers elle, chercha la porte de la
tour et n'en trouva point. Il tourna bride et rentra chez lui; mais
le chant l'avait si fort boulevers et mu dans son cur, qu'il ne
pouvait plus laisser passer un jour sans chevaucher dans la fort
pour revenir la tour et couter. Il tait l, un jour, cach derrire un
arbre, quand il vit arriver une sorcire qu'il entendit appeler sous
la fentre:
"Raiponce, Raiponce,Descends-moi tes cheveux."
Alors Raiponce laissa se drouler ses nattes et la sorcire
grimpa. "Si c'est l l'escalier par lequel on monte, je veux aussi
tenter ma chance," se dit-il. Et le lendemain, quand il commena
faire sombre, il alla au pied de la tour et appela:
"Raiponce, Raiponce,Descends-moi tes cheveux."
Les nattes se droulrent aussitt et le fils de roi monta.
Sur le premier moment, Raiponce fut trs pouvante en voyant qu'un
homme tait entr chez elle, un homme comme elle n'en avait jamais
vu; mais il se mit lui parler gentiment et lui raconter combien son
coeur avait t touch quand il l'avait entendue chanter, et qu'il
n'avait plus eu de repos tant qu'il ne l'et vue en personne. Alors
Raiponce perdit son effroi, et quand il lui demanda si elle voulait
de lui comme mari, voyant qu'il tait jeune et beau, elle pensa: "
Celui-ci m'aimera srement mieux que ma vieille mre-marraine, la
Taufpatin ," et elle rpondit qu'elle le voulait bien, en mettant sa
main dans la sienne. Elle ajouta aussitt: "Je voudrais bien partir
avec toi, mais je ne saurais pas comment descendre. Si tu viens,
alors apporte-moi chaque fois un cordon de soie: j'en ferai une
chelle, et quand elle sera finie, je descendrai et tu m'emporteras
sur ton cheval. Ils convinrent que d'ici l il viendrait la voir
tous les soirs, puisque pendant la journe venait la vieille. De
tout cela, la sorcire n'et rien devin si, un jour, Raiponce ne lui
avait dit: "Dites-moi, mre-marraine, comment se fait-il que vous
soyez si lourde monter, alors que le fils du roi, lui, est en haut
en un clin d'il?" - "Ah! sclrate! Qu'est-ce que j'entends?"
s'exclama la sorcire. "Moi qui croyais t'avoir isole du monde
entier, et tu m'as pourtant floue!" Dans la fureur de sa colre,
elle empoigna les beaux cheveux de Raiponce et les serra dans sa
main gauche en les tournant une fois ou deux, attrapa des ciseaux
de sa main droite et cric-crac, les belles nattes tombaient par
terre. Mais si impitoyable tait sa cruaut, qu'elle s'en alla dposer
Raiponce dans une solitude dsertique, o elle l'abandonna une
existence misrable et pleine de dtresse.
Ce mme jour encore, elle revint attacher solidement les nattes
au crochet de la fentre, et vers le soir, quand le fils de roi
arriva et appela:
"Raiponce, Raiponce,Descends-moi tes cheveux."
la sorcire laissa se drouler les nattes jusqu'en bas. Le fils de
roi y monta, mais ce ne fut pas sa bien-aime Raiponce qu'il trouva
en haut, c'tait la vieille sorcire qui le fixait d'un regard froce
et empoisonn. "Ha, ha!" ricana-t-elle, "tu viens chercher la dame
de ton coeur, mais le bel oiseau n'est plus au nid et il ne chante
plus: le chat l'a emport, comme il va maintenant te crever les
yeux. Pour toi, Raiponce est perdue tu ne la verras jamais plus!"
Dchir de douleur et affol de dsespoir, le fils de roi sauta par la
fentre du haut de la tour: il ne se tua pas; mais s'il sauva sa
vie, il perdit les yeux en tombant au milieu des pines; et il erra,
dsormais aveugle, dans la fort, se nourrissant de fruits sauvages
et de racines, pleurant et se lamentant sans cesse sur la perte de
sa femme bien-aime. Le malheureux erra ainsi pendant quelques
annes, aveugle et misrable, jusqu'au jour que ses pas ttonnants
l'amenrent dans la solitude o Raiponce vivait elle-mme misrablement
avec les deux jumeaux qu'elle avait mis au monde: un garon et une
fille. Il avait entendu une voix qu'il lui sembla connatre, et tout
en ttonnant, il s'avana vers elle. Raiponce le reconnut alors et
lui sauta au cou en pleurant. Deux de ses larmes ayant touch ses
yeux, le fils de roi recouvra compltement la vue, et il ramena sa
bien-aime dans son royaume, o ils furent accueillis avec des
transports de joie et vcurent heureux dsormais pendant de longues,
longues annes de bonheur.
Les trois cheveux d'or du diable Conte merveilleux
Un conte de fes des frres Grimm Grimm
8.2/10 - 474 votes
Les trois cheveux d'or du diable
Il tait une fois une pauvre femme qui mit au inonde un fils, et
comme il tait coiff quand il naquit, on lui prdit que, dans sa
quatorzime anne, il pouserait la fille du roi.Sur ces entrefaites,
le roi passa par le village, sans que personne le reconnt; et comme
il demandait ce qu'il y avait de nouveau, on lui rpondit qu'il
venait de natre un enfant coiff, que tout ce qu'il entreprendrait
lui russirait, et qu'on lui avait prdit que, lorsqu'il aurait
quatorze ans, il pouserait la fille du roi.Le roi avait un mauvais
cur, et cette prdiction le fcha. Il alla trouver les parents du
nouveau-n, et leur dit d'un air tout amical: " Vous tes de pauvres
gens, donnez-moi votre enfant, j'en aurai bien soin. " Ils
refusrent d'abord; mais l'tranger leur offrit de l'or, et ils se
dirent: " Puisque l'enfant est n coiff, ce qui arrive est pour son
bien. " Ils finirent par consentir et par livrer leur fils.Le roi
le mit dans une boite, et chevaucha avec ce fardeau jusqu'au bord
d'une rivire profonde o il le jeta, en pensant qu'il dlivrait sa
fille d'un galant sur lequel elle ne comptait gure. Mais la botte,
loin de couler fond, se mit flotter comme un petit batelet, sans
qu'il entrt dedans une seule goutte d'eau; elle alla ainsi la drive
jusqu' deux lieues de la capitale, et s'arrta contre l'cluse d'un
moulin. Un garon meunier qui se trouvait l par bonheur l'aperut et
l'attira avec un croc; il s'attendait, en l'ouvrant, y trouver de
grands trsors: mais c'tait un joli petit garon, frais et veill. Il
le porta au moulin; le meunier et sa femme, qui n'avaient pas
d'enfants, reurent celui-l comme si Dieu le leur et envoy. Ils
traitrent de leur mieux le petit orphelin, qui grandit chez eux en
forces et en bonnes qualits.Un jour, le roi, surpris par la pluie,
entra dans le moulin et demanda au meunier si ce grand jeune homme
tait son fils. " Non, sire, rpondit-il: c'est un enfant trouv qui
est venu dans une bote chouer contre notre cluse, il y a quatorze
ans; notre garon meunier l'a tir de l'eau. "Le roi reconnut alors
que c'tait l'enfant n coiff qu'il avait jet la rivire. " Bonnes
gens, dit-il, ce jeune homme ne pourrait-il pas porter une lettre
de ma part la reine? Je lui donnerais deux pices d'or pour sa
peine.- Comme Votre Majest l'ordonnera, " rpondirent-ils; et ils
dirent au jeune homme de se tenir prt. Le roi crivit la reine une
lettre o il lui mandait de se saisir du messager, de le mettre mort
et de l'enterrer, de faon ce qu'il trouvt la chose faite son
retour.Le garon se mit en route avec la lettre, mais il s'gara et
arriva le soir dans une grande fort. Au milieu des tnbres, il
aperut de loin une faible lumire, et, se dirigeant de ce ct, il
atteignit une petite maisonnette o il trouva une vieille femme
assise prs du feu. Elle parut toute surprise de voir le jeune homme
et lui dit: " D'o viens-tu et que veux-tu?- Je viens du moulin,
rpondit-il; je porte une lettre la reine; j'ai perdu mon chemin, et
je voudrais bien passer la nuit ici.- Malheureux enfant, rpliqua la
femme, tu es tomb dans une maison de voleurs, et, s'ils te trouvent
ici, c'est fait de toi.- A la grce de Dieu! dit le jeune homme, je
n'ai pas peur; et, d'ailleurs, je suis si fatigu qu'il m'est
impossible d'aller plus loin. "Il se coucha sur un banc et
s'endormit. Les voleurs rentrrent bientt aprs, et ils demandrent
avec colre pourquoi cet tranger tait l. " Ah! dit la vieille, c'est
un pauvre enfant qui s'est gar dans le bois; je l'ai reu par
compassion. Il porte une lettre la reine. "Les voleurs prirent la
lettre pour la lire, et virent qu'elle enjoignait de mettre mort le
messager. Malgr la duret de leur cur, ils eurent piti du pauvre
diable; leur capitaine dchira la lettre, et en mit une autre la
place qui enjoignait qu'aussitt que le jeune homme arriverait, on
lui fit immdiatement pouser la fille du roi. Puis les voleurs le
laissrent dormir sur son banc jusqu'au matin, et, quand il fut
veill, ils lui remirent la lettre et lui montrrent son chemin.La
reine, ayant reu la lettre, excuta ce qu'elle contenait: on fit des
noces splendides; la fille du roi pousa l'enfant n coiff, et, comme
il tait beau et aimable, elle fut enchante de vivre avec
lui.Quelque temps aprs, le roi revint dans son palais; et trouva
que la prdiction tait accomplie et que l'enfant n coiff avait pous
sa fille. " Comment cela s'est-il fait? dit-il; j'avais donn dans
ma lettre un ordre tout diffrent. " La reine lui montra la lettre ,
et lui dit qu'il pouvait voir ce qu'elle contenait. Il la lut et
vit bien qu'on avait chang la sienne.Il demanda au jeune homme ce
qu'tait devenue la lettre qu'il lui avait confie, et pourquoi il en
avait remis une autre. " Je n'en sais rien, rpliqua celui-ci; il
faut qu'on l'ait change la nuit, quand j'ai couch dans la fort. "Le
roi en colre lui dit: " Cela ne se passera pas ainsi. Celui qui
prtend ma fille doit me rapporter de l'enfer trois cheveux d'or de
la tte du diable. Rapporte-les-moi, et ma fille t'appartiendra. "
Le roi esprait bien qu'il ne reviendrait jamais d'une pareille
commission.Le jeune homme rpondit: " Le diable ne me fait pas peur;
j'irai chercher les trois cheveux d'or. " Et il prit cong du roi et
se mit en route.Il arriva devant une grande ville. A la porte, la
sentinelle lui demanda quel tait son tat et ce qu'il savait:" Tout,
rpondit-il.- Alors, dit la sentinelle, rends-nous le service de
nous apprendre pourquoi la fontaine de notre march, qui nous
donnait toujours du vin, s'est dessche et ne fournit mme plus
d'eau.- Attendez, rpondit-il, je vous le dirai mon retour. "Plus
loin, il arriva devant une autre ville. La sentinelle de la porte
lui demanda son tat et ce qu'il savait." Tout, rpondit-il.-
Rends-nous alors le service de nous apprendre pourquoi le grand
arbre de notre ville, qui nous rapportait des pommes d'or, n'a plus
mme de feuilles.- Attendez, rpondit-il, je vous le dirai mon
retour. "Plus loin encore il arriva devant une grande rivire qu'il
s'agissait de passer. Le passager lui demanda son tat et ce qu'il
savait. , Tout, rpondit-il.- Alors, dit le passager, rends-moi le
service de m'apprendre si je dois toujours rester ce poste, sans
jamais tre relev.- Attends, rpondit-il, je te le dirai mon retour.
"De l'autre ct de l'eau, il trouva la bouche de l'enfer. Elle tait
noire et enfume. Le diable n'tait pas chez lui; il n'y avait que
son htesse, assise dans un large fauteuil. " Que demandes-tu? lui
dit-elle d'un ton assez doux." Il me faut trois cheveux d'or de la
tte du diable, sans quoi je n'obtiendrai pas ma femme.- C'est
beaucoup demander, dit-elle, et si le diable t'aperoit quand il
rentrera, tu passeras un mauvais quart d'heure. Cependant tu
m'intresses, et je vais tcher de te venir en aide. "Elle le changea
en fourmi et lui dit: " Monte dans les plis de ma robe; l tu seras
en sret- Merci, rpondit-il, voil qui va bien; mais j'aurais besoin
en outre de savoir trois choses: pourquoi une fontaine qui versait
toujours du vin ne fournit mme plus d'eau; pourquoi un arbre qui
portait des pommes d'or n'a plus mme de feuilles; et si un certain
passager doit toujours rester son poste sans jamais tre relev.- Ce
sont trois questions difficiles, dit-elle; mais tiens-toi bien
tranquille, et sois attentif ce que le diable dira quand je lui
arracherai les trois cheveux d'or. "Quand le soir arriva, le diable
revint chez lui. A peine tait-il entr qu'il remarqua une odeur
extraordinaire. " Il y a du nouveau ici, dit-il; je sens la chair
humaine. " Et il alla fureter dans tous les coins, mais sans rien
trouver. L'htesse lui chercha querelle. " Je viens de balayer et de
ranger, dit-elle, et tu vas tout bouleverser ici, tu crois toujours
sentir la chair humaine. Assieds-toi et mange ton souper. "Quand il
eut soup, il tait fatigu; il posa su tte sur les genoux de son
htesse, et lui dit de lui chercher un peu les poux; mais il ne
tarda pas s'endormir et ronfler. La vieille saisit un cheveu d'or,
l'arracha et le mit de ct. " H, s'cria le diable, qu'as-tu donc
fait?- J'ai eu un mauvais rve, dit l'htesse, et je t'ai pris par
les cheveux.- Qu'as-tu donc rv? demanda le diable.- J'ai rv que la
fontaine d'un march, qui versait toujours du vin, s'tait arrte et
qu'elle ne donnait plus mme d'eau; quelle en peut tre la cause?-
Ah! si on le savait! rpliqua le diable: il y a un crapaud sous une
pierre dans la fontaine; on n'aurait qu' le tuer, le vin
recommencerait couler. "L'htesse se remit lui chercher les poux; il
se rendormit et ronfla de faon branler les vitres. Alors elle lui
arracha le second cheveu. " Heu! que fais-tu? s'cria le diable en
colre.- Ne t'inquite pas, rpondit-elle, c'est un rve que j'ai
fait.- Qu'as-tu rv encore? demanda-t-il.- J'ai rv que dans un pays
il y a un arbre qui portait toujours des pommes d'or, et qui n'a
plus mme de feuilles; quelle en pourrait tre la cause?- Ah! si on
le savait! rpliqua le diable: il y a une souris qui ronge la
racine; on n'aurait qu' la tuer, il reviendrait des pommes d'or
l'arbre; mais si elle continue la ronger, l'arbre mourra tout fait.
Maintenant laisse-moi en repos avec tes rves. Si tu me rveilles
encore, je te donnerai un soufflet. "L'htesse l'apaisa et se remit
lui chercher ses poux jusqu' ce qu'il ft rendormi et ronflant.
Alors elle saisit le troisime cheveu d'or et l'arracha. Le diable
se leva en criant et voulait la battre; elle le radoucit encore en
disant: " Qui peut se garder d'un mauvais rve?- Qu'as-tu donc rv
encore? demanda-t-il avec curiosit.- J'ai rv d'un passager qui se
plaignait de toujours passer l'eau avec sa barque, sans que
personne le remplat jamais.- H! le sot! rpondit le diable: le
premier qui viendra pour passer la rivire, il n'a qu' lui mettre sa
rame la main, il sera libre et l'autre sera oblig de faire le
passage son tour. "Comme l'htesse lui avait arrach les trois
cheveux d'or, et qu'elle avait tir de lui les trois rponses, elle
le laissa en repos, et il dormit jusqu'au matin.Quand le diable eut
quitt la maison, la vieille prit la fourmi dans les plis de sa robe
et rendit au jeune homme sa figure humaine. " Voil les trois
cheveux, lui dit-elle; mais as-tu bien entendu les rponses du
diable tes questions?-Trs bien, rpondit-il, et je m'en
souviendrai.- Te voil donc hors d'embarras, dit-elle, et tu peux
reprendre ta route. "Il remercia la vieille qui l'avait si bien
aid, et sortit de l'enfer, fort joyeux d'avoir si heureusement
russi.Quand il arriva au passager, avant de lui donner la rponse
promise, il se fit d'abord passer de l'autre ct, et alors il lui
lit part du conseil donn par le diable: " Le premier qui viendra
pour passer la rivire, tu n'as qu' lui mettre ta rame la main.
"Plus loin, il retrouva la ville l'arbre strile; la sentinelle
attendait aussi sa rponse: " Tuez la souris qui ronge les racines "
dit-il, et les pommes d'or reviendront. " La sentinelle, pour le
remercier, lui donna deux nes chargs d'or.Enfin il parvint la ville
dont la fontaine tait sec. Il dit la sentinelle: " Il y a un
crapaud sous une pierre dans la fontaine; cherchez-le et tuez-le,
et le vin recommencera couler en abondance. " La sentinelle le
remercia et lui donna encore deux nes chargs d'or.Enfin, l'enfant n
coiff revint prs de sa femme, qui se rjouit dans son cur en le
voyant de retour et en apprenant que tout s'tait bien pass. Il
remit au roi les trois cheveux d'or du diable. Celui-ci, en
apercevant les quatre nes chargs d'or, fut grandement satisfait et
lui dit: " Maintenant toutes les conditions sont remplies, et ma
fille est toi. Mais, mon cher gendre, dis-moi d'o te vient tant
d'or, car c'est un trsor norme que tu rapportes.- Je l'ai pris,
dit-il, de l'autre ct d'une rivire que j'ai traverse; c'est le
sable du rivage.- Pourrais-je m'en procurer autant? lui demanda le
roi, qui tait un avare.- Tant que vous voudrez, rpondit-il. Vous
trouverez un passager; adressez-vous lui pour passer l'eau, et vous
pourrez remplir vos sacs. "L'avide monarque se mit aussitt en
route, et arrivau bord de l'eau, il fit signe au passager de lui
amener sa barque. Le passager le fit entrer, et, quand ils furent
l'autre bord, il lui mit la rame la main et sauta dehors. Le roi
devint ainsi passager en punition de ses pchs." L'est-il encore?-
Eh! sans doute, puisque personne ne lui a repris la rame. "
La princesse au petit pois Conte merveilleux
Un conte de fes de Hans Christian Andersen Andersen
8.3/10 - 197 votes
La princesse au petit pois
Il tait une fois un prince qui voulait pouser une princesse,
mais une vraie princesse. Il fit le tour de la terre pour en
trouver une mais il y avait toujours quelque chose qui clochait;
des princesses, il n'en manquait pas, mais taient-elles de vraies
princesses? C'tait difficile apprcier, toujours une chose ou
l'autre ne lui semblait pas parfaite. Il rentra chez lui tout
triste, il aurait tant voulu avoir une vritable princesse.
Un soir, par un temps affreux, clairs et tonnerre, cascade de
pluie que c'en tait effrayant, on frappa la porte de la ville et le
vieux roi lui-mme alla ouvrir.
C'tait une princesse qui tait l dehors. Mais grands dieux! de
quoi avait-elle l'air dans cette pluie, par ce temps! L'eau coulait
de ses cheveux et de ses vtements, entrait par la pointe de ses
chaussures et ressortait par le talon ... et elle prtendait tre une
vritable princesse!
"Nous allons bien voir a," pensait la vieille reine, mais elle
ne dit rien. elle alla dans la chambre coucher, retira la literie
et mit un petit pois au fond du lit; elle prit ensuite vingt
matelas qu'elle empila sur le petit pois et, par-dessus, elle mit
encore vingt dredons en plumes d'eider.
C'est l-dessus que la princesse devrait coucher cette
nuit-l.
Au matin, on lui demanda comment elle avait dormi.
"Affreusement mal," rpondit-elle, "je 'n'ai presque pas ferm
l'oeil de la nuit. Dieu sait ce qu'il y avait dans ce lit. J'tais
couche sur quelque chose de si dur que j'en ai des bleus et des
noirs sur tout le corps! C'est terrible!"
Alors, ils reconnurent que c'tait une vraie princesse puisque,
travers les vingt matelas et les vingt dredons en plume d'eider,
elle avait senti le petit pois. Une peau aussi sensible ne pouvait
tre que celle d'une authentique princesse.
Le prince la prit donc pour femme, sr maintenant d'avoir une
vraie princesse et le petit pois fut expos dans le cabinet des
trsors d'art, o on peut encore le voir si personne ne l'a
emport.
Et ceci est une vraie histoire.
Les musiciens de Brme Conte merveilleux
Un conte de fes des frres Grimm Grimm
8.4/10 - 317 votes
Les musiciens de Brme
Un homme avait un ne qui l'avait servi fidlement pendant longues
annes, mais dont les forces taient bout, si bien qu'il devenait
chaque jour plus impropre au travail. Le matre songeait le
dpouiller de sa peau; mais l'ne, s'apercevant que le vent soufflait
du mauvais ct, s'chappa et prit la route de Brme: "L, se disait-il,
je pourrai devenir musicien de la ville." Comme il avait march
quelque temps, il rencontra sur le chemin un chien de chasse qui
jappait comme un animal fatigu d'une longue course. "Qu'as-tu donc
japper de la sorte, camarade? lui dit-il. "Ah!" rpondit le chien,
"parce que je suis vieux, que je m'affaiblis tous les jours et que
je ne peux plus aller la chasse, mon matre a voulu m'assommer;
alors j'ai pris la clef des champs; mais comment ferais-je pour
gagner mon pain?" - "Eh bien!" dit l'ne, "je vais Brme pour m'y
faire musicien de la ville, viens avec-moi et fais-toi aussi
recevoir dans la musique. Je jouerai du luth, et toi tu sonneras
les timbales." Le chien accepta et ils suivirent leur route
ensemble. A peu de distance, ils trouvrent un chat couch sur le
chemin et faisant une figure triste comme une pluie de trois jours.
"Qu'est-ce donc qui te chagrine, vieux frise-moustache?" lui dit
l'ne. "On n'est pas de bonne humeur quand on craint pour sa tte,"
rpondit le chat, "parce que j'avance en ge, que mes dents sont uses
et que j'aime mieux rester couch derrire le pole et filer mon rouet
que de courir aprs les souris, ma matresse a voulu me noyer; je me
suis sauv temps: mais maintenant que faire, et o aller?" - "Viens
avec nous Brme; tu t'entends fort bien la musique nocturne, tu te
feras comme nous musicien de la ville." Le chat gota l'avis et
partit avec eux. Nos vagabonds passrent bientt devant une cour, sur
la porte de laquelle tait perch un coq qui criait du haut de sa
tte. "Tu nous perces la moelle des os," dit l'ne, "qu'as-tu donc
crier de la sorte?" - "J'ai annonc le beau temps," dit le coq, "car
c'est aujourd'hui le jour o Notre-Dame a lav les chemises de
l'enfant Jsus et o elle doit les scher; mais, comme demain dimanche
on reoit ici dner, la matresse du logis est sans piti pour moi;
elle a dit la cuisinire qu'elle me mangerait demain en potage, et
ce soir il faudra me laisser couper le cou. Aussi cri-je de toute
mon haleine, pendant que je respire encore." - "Bon!" dit l'ne,
"crte rouge que tu es, viens plutt Brme avec nous; tu trouveras
partout mieux que la mort tout au moins: tu as une bonne voix, et,
quand nous ferons de la musique ensemble, notre concert aura une
excellente faon." Le coq trouva la proposition de son got, et ils
dtalrent tous les quatre ensemble.
Ils ne pouvaient atteindre la ville de Brme le mme jour; ils
arrivrent le soir dans une fort o ils comptaient passer la nuit.
L'ne et le chien s'tablirent sous un grand arbre, le chat et le coq
y grimprent, et mme le coq prit son vol pour aller se percher tout
au haut, o il se trouverait plus en sret. Avant de s'endormir,
comme il promenait son regard aux quatre vents, il lui sembla qu'il
voyait dans le lointain une petite lumire; il cria ses compagnons
qu'il devait y avoir une maison peu de distance, puisqu'on
apercevait une clart. "S'il en est ainsi," dit l'ne, "dlogeons et
marchons en hte de ce ct, car cette auberge n'est nullement de mon
got." Le chien ajouta: "En effet, quelques os avec un peu de viande
ne me dplairaient pas." Ils se dirigrent donc vers le point d'o
partait la lumire; bientt ils la virent briller davantage et
s'agrandir, jusqu' ce qu'enfin ils arrivrent en face d'une maison
de brigands parfaitement claire. L'ne, comme le plus grand,
s'approcha de la fentre et regarda en dedans du logis. "Que vois-tu
l, grison?" lui demanda le coq. "Ce que je vois?" dit l'ne, "une
table charge de mets et de boisson, et alentour des brigands qui
s'en donnent cur joie." - "Ce serait bien notre affaire," dit le
coq. "Oui, certes!" reprit l'ne, "ah! si nous tions l!" Ils se
mirent rver sur le moyen prendre pour chasser les brigands; enfin
ils se montrrent. L'ne se dressa d'abord en posant ses pieds de
devant sur la fentre, le chien monta sur le dos de l'ne, le chat
grimpa sur le chien, le coq prit son vol et se posa sur la tte du
chat. Cela fait, ils commencrent ensemble leur musique un signal
donn. L'ne se mit braire, le chien aboyer, le chat miauler, le coq
chanter puis ils se prcipitrent par la fentre dans la chambre en
enfonant les carreaux qui volrent en clats. Les voleurs, en
entendant cet effroyable bruit, se levrent en sursaut, ne doutant
point qu'un revenant n'entrt dans la salle, et se sauvrent tout
pouvants dans la fort. Alors les quatre compagnons s'assirent
table, s'arrangrent de ce qui restait, et mangrent comme s'ils
avaient d jener un mois.
Quand les quatre instrumentistes eurent fini, ils teignirent les
lumires et cherchrent un gte pour se reposer, chacun selon sa
nature et sa commodit. L'ne se coucha sur le fumier, le chien
derrire la porte, le chat dans le foyer prs de la cendre chaude, le
coq sur une solive; et, comme ils taient fatigus de leur longue
marche, ils ne tardrent pas s'endormir. Aprs minuit, quand les
voleurs aperurent de loin qu'il n'y avait plus de clart dans leur
maison et que tout y paraissait tranquille, le capitaine dit: "Nous
n'aurions pas d pourtant nous laisser ainsi mettre en droute," et
il ordonna un de ses gens d'aller reconnatre ce qui se passait dans
la maison. Celui qu'il envoyait trouva tout en repos; il entra dans
la cuisine et voulut allumer de la lumire; il prit donc une
allumette, et comme les yeux brillants et en flamms du chat lui
paraissaient deux charbons ardents, il en approcha l'allumette pour
qu'elle prt feu. Mais le chat n'entendait pas raillerie; il lui
sauta au visage et l'gratigna en jurant. Saisi d'une horrible peur,
l'homme courut vers la porte pour s'enfuir; mais le chien qui tait
couch tout auprs, s'lana sur lui et le mordit la jambe; comme il
passait dans la cour ct du fumier, l'une lui dtacha une ruade
violente avec ses pieds de derrire, tandis que le coq, rveill par
le bruit et dj tout alerte, criait du haut de sa solive:
"Kikeriki!" Le voleur courut toutes jambes vers son capitaine et
dit: "Il y a dans notre maison une affreuse sorcire qui a souill
sur moi et m'a gratign la figure avec ses longs doigts; devant la
porte est un homme arm d'un couteau, dont il m'a piqu la jambe;
dans la cour se tient un monstre noir, qui m'a assomm d'un coup de
massue, et au haut du toit est pos le juge qui criait: 'Amenez
devant moi ce pendard!' Aussi me suis-je mis en devoir de
m'esquiver." Depuis lors, les brigands n'osrent plus s'aventurer
dans la maison, et les quatre musiciens de Brme s'y trouvrent si
bien qu'ils n'en voulurent plus sortir.
Le loup et les sept chevreaux Conte merveilleux
Un conte de fes des frres Grimm Grimm
8.2/10 - 582 votes
Le loup et les sept chevreaux
Il tait une fois une vieille chvre qui avait sept chevreaux et
les aimait comme chaque mre aime ses enfants. Un jour, elle voulut
aller dans la fort pour rapporter quelque chose manger, elle les
rassembla tous les sept et leur dit: "Je dois aller dans la fort,
mes chers enfants. Faites attention au loup! S'il arrivait rentrer
dans la maison, il vous mangerait tout crus. Ce bandit sait jouer
la comdie, mais il a une voix rauque et des pattes noires, c'est
ainsi que vous le reconnatrez." - "Ne t'inquite pas, maman,"
rpondirent les chevreaux, "nous ferons attention. Tu peux t'en
aller sans crainte." La vieille chvre bla de satisfaction et s'en
alla.
Peu de temps aprs, quelqu'un frappa la porte en criant: "Ouvrez
la porte, mes chers enfants, votre mre est l et vous a apport
quelque chose." Mais les chevreaux reconnurent le loup sa voix
rude. "Nous ne t'ouvrirons pas," crirent- ils. "Tu n'es pas notre
maman. Notre maman a une voix douce et agrable et ta voix est
rauque. Tu es un loup!" Le loup partit chez le marchand et y acheta
un grand morceau de craie. Il mangea la craie et sa voix devint
plus douce. Il revint ensuite vers la petite maison, frappa et
appela nouveau: "Ouvrez la porte, mes chers enfants, votre maman
est de retour et vous a apport pour chacun un petit quelque chose."
Mais tout en parlant il posa sa patte noire sur la fentre; les
chevreaux l'aperurent et crirent: "Nous ne t'ouvrirons pas! Notre
maman n'a pas les pattes noires comme toi. Tu es un loup!" Et le
loup courut chez le boulanger et dit: "Je me suis bless la patte,
enduis-la-moi avec de la pte." Le boulanger lui enduisit la patte
et le loup courut encore chez le meunier. "Verse de la farine
blanche sur ma patte!" commanda-t-il. Le loup veut duper quelqu'un,
pensa le meunier, et il fit des manires. Mais le loup dit: "Si tu
ne le fais pas, je te mangerai." Le meunier eut peur et blanchit sa
patte. Eh oui, les gens sont ainsi!
Pour la troisime fois le loup arriva la porte de la petite
maison, frappa et cria: "Ouvrez la porte, mes chers petits, maman
est de retour de la fort et vous a apport quelque chose." -
"Montre-nous ta patte d'abord," crirent les chevreaux, "que nous
sachions si tu es vraiment notre maman." Le loup posa sa patte sur
le rebord de la fentre, et lorsque les chevreaux virent qu'elle
tait blanche, ils crurent tout ce qu'il avait dit et ouvrirent la
porte. Mais c'est un loup qui entra. Les chevreaux prirent peur et
voulurent se cacher. L'un sauta sous la table, un autre dans le
lit, le troisime dans le pole, le quatrime dans la cuisine, le
cinquime s'enferma dans l'armoire, le sixime se cacha sous le
lavabo et le septime dans la pendule. Mais le loup les trouva et ne
trana pas: il avala les chevreaux, l'un aprs l'autre. Le seul qu'il
ne trouva pas tait celui cach dans la pendule. Lorsque le loup fut
rassasi, il se retira, se coucha sur le pr vert et s'endormit.
Peu de temps aprs, la vieille chvre revint de la fort. Ah, quel
triste spectacle l'attendait la maison! La porte grande ouverte, la
table, les chaises, les bancs renverss, le lavabo avait vol en
clats, la couverture et les oreillers du lit tranaient par terre.
Elle chercha ses petits, mais en vain. Elle les appela par leur
nom, l'un aprs l'autre, mais aucun ne rpondit. C'est seulement
lorsqu'elle pronona le nom du plus jeune qu'une petite voix fluette
se fit entendre: "Je suis l, maman, dans la pendule!" Elle l'aida
en sortir et le chevreau lui raconta que le loup tait venu et qu'il
avait mang tous les autres chevreaux. Imaginez combien la vieille
chvre pleura ses petits!
Toute malheureuse, elle sortit de la petite maison et le
chevreau courut derrire elle. Dans le pr, le loup tait couch sous
l'arbre et ronflait en faire trembler les branches. La chvre le
regarda de prs et observa que quelque chose bougeait et grouillait
dans son gros ventre. Mon Dieu, pensa-t-elle, et si mes pauvres
petits que le loup a mangs au dner, taient encore en vie? Le
chevreau dut repartir la maison pour rapporter des ciseaux, une
aiguille et du fil. La chvre cisailla le ventre du monstre, et
aussitt le premier chevreau sortit la tte; elle continua et les six
chevreaux en sortirent, l'un aprs l'autre, tous sains et saufs,
car, dans sa hte, le loup glouton les avaient avals tout entiers.
Quel bonheur! Les chevreaux se blottirent contre leur chre maman,
puis gambadrent comme le tailleur ses noces. Mais la vieille chvre
dit: "Allez, les enfants, apportez des pierres, aussi grosses que
possible, nous les fourrerons dans le ventre de cette vilaine bte
tant qu'elle est encore couche et endormie." Et les sept chevreaux
roulrent les pierres et en farcirent le ventre du loup jusqu' ce
qu'il soit plein. La vieille chvre le recousit vite, de sorte que
le loup ne s'aperut de rien et ne bougea mme pas.
Quand il se rveilla enfin, il se leva, et comme les pierres lui
pesaient dans l'estomac, il eut trs soif. Il voulut aller au puits
pour boire, mais comme il se balanait en marchant, les pierres dans
son ventre grondaient. Il appelait l:
"Cela grogne, cela gronde,mon ventre tonne!J'ai aval sept
chevreaux,n'tait-ce rien qu'une illusion?Et de lourdes grosses
pierresles remplacrent."
Il alla jusqu'au puits, se pencha et but. Les lourdes pierres le
tirrent sous l'eau et le loup se noya lamentablement. Les sept
chevreaux accoururent alors et se mirent crier: "Le loup est mort,
c'en est fini de lui!" et ils se mirent danser autour du puits et
la vieille chvre dansa avec eux.
Le roi Grenouille ou Henri de Fer Conte merveilleux
Un conte de fes des frres Grimm Grimm
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Le roi Grenouille ou Henri de Fer
Dans des temps trs anciens, alors qu'il pouvait encore tre utile
de faire des voeux, vivait un roi dont toutes les filles taient
belles. La plus jeune tait si belle que le soleil, qui en a
cependant tant vu, s'tonnait chaque fois qu'il illuminait son
visage. Non loin du chteau du roi, il y avait une grande et sombre
fort et, dans la fort, sous un vieux tilleul, une fontaine. Un jour
qu'il faisait trs chaud, la royale enfant partit dans le bois, et
s'assit au bord de la source frache. Et comme elle s'ennuyait, elle
prit sa balle en or, la jeta en l'air et la rattrapa; c'tait son
jeu favori.
Il arriva que la balle d'or, au lieu de revenir dans sa main,
tomba sur le sol et roula tout droit dans l'eau. La princesse la
suivit des yeux, mais la balle disparut: la fontaine tait si
profonde qu'on n'en voyait pas le fond. La jeune fille se mit
pleurer, pleurer de plus en plus fort; elle tait inconsolable.
Comme elle gmissait ainsi, quelqu'un lui cria: "Pourquoi
pleures-tu, princesse, si fort qu'une pierre s'en laisserait
attendrir?" Elle regarda autour d'elle pour voir d'o venait la voix
et aperut une grenouille qui tendait hors de l'eau sa tte grosse et
affreuse. "Ah! c'est toi, vieille barboteuse!" dit-elle, "je pleure
ma balle d'or qui est tombe dans la fontaine." - "Tais-toi et ne
pleure plus," dit la grenouille, "je vais t'aider. Mais que me
donneras-tu si je te rapporte ton jouet?" - "Ce que tu voudras,
chre grenouille," rpondit-elle, "mes habits, mes perles et mes
diamants et mme la couronne d'or que je porte sur la tte." - "Je ne
veux ni de tes perles, ni de tes diamants, ni de ta couronne. Mais,
si tu acceptes de m'aimer, si tu me prends comme compagne et
camarade de jeux, si je peux m'asseoir ta table ct de toi, manger
dans ton assiette, boire dans ton gobelet et dormir dans ton lit,
si tu me promets tout cela, je plongerai au fond de la source et te
rendrai ta balle." - "Mais oui," dit-elle, "je te promets tout ce
que tu veux condition que tu me retrouves ma balle." Elle se
disait: Elle vit l, dans l'eau avec les siens et coasse. Comment
serait-elle la compagne d'un tre humain?
Quand la grenouille eut obtenu sa promesse, elle mit la tte sous
l'eau, plongea et, peu aprs, rapparut en tenant la balle entre ses
lvres. Elle la jeta sur l'herbe. En retrouvant son beau jouet, la
fille du roi fut folle de joie. Elle le ramassa et partit en
courant. "Attends! Attends!" cria la grenouille. "Emmne-moi! Je ne
peux pas courir aussi vite que toi!" Mais il ne lui servit rien de
pousser ses 'co! co! co!' aussi fort qu'elle pouvait. La jeune
fille ne l'coutait pas. Elle se htait de rentrer la maison et
bientt la pauvre grenouille fut oublie. Il ne lui restait plus qu'
replonger dans la fontaine.
Le lendemain, comme la petite princesse tait table, mangeant
dans sa jolie assiette d'or, avec le roi et tous les gens de la
Cour, on entendit - plouf! plouf! plouf! plouf! - quelque chose qui
montait l'escalier de marbre. Puis on frappa la porte et une voix
dit: "Fille du roi, la plus jeune, ouvre moi!" Elle se leva de
table pour voir qui tait l. Quand elle ouvrit, elle aperut la
grenouille. Elle repoussa bien vite la porte et alla reprendre sa
place. Elle avait trs peur. Le roi vit que son coeur battait fort
et dit: "Que crains-tu, mon enfant? Y aurait-il un gant derrire la
porte, qui viendrait te chercher?" - "Oh! non," rpondit-elle, "ce
n'est pas un gant, mais une vilaine grenouille." - "Que te veut
cette grenouille?" - "Ah! cher pre, hier, comme j'tais au bord de
la fontaine et que je jouais avec ma balle d'or, celle-ci tomba
dans l'eau. Parce que je pleurais bien fort, la grenouille me l'a
rapporte. Et comme elle me le demandait avec insistance, je lui ai
promis qu'elle deviendrait ma compagne. Mais je ne pensais pas
qu'elle sortirait de son eau. Et voil qu'elle est l dehors et veut
venir auprs de moi." Sur ces entrefaites, on