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LES TRANSFORMATIONS DE L’ETAT SOCIAL FRANÇAIS DEPUIS 1975 : UNE ANALYSE CENTREE SUR LES POLITIQUES DE SANTE ET MENEE AU REGARD DES STANDARDS TYPOLOGIQUES ET THEORIQUES DU CHANGEMENT INSTITUTIONNEL * Bruno Théret IRISES, CNRS - Université Paris Dauphine (article pour Economie appliquée, Tome LX – n°1, Spécial “Etat social et Politiques de santé”, 2007) Résumé : L’article propose une analyse de quelques changements dans le système français de protection sociale depuis 1975 qui conduit à réviser les idées devenues standards de familles d’Etat social et de dépendance de sentier. Nous montrons dans un premier temps que le système français est hybride et ne se réduit pas à ses traits bismarckiens. Dans un second temps, nous faisons apparaître l’importance de la temporalité dans les processus de réforme, qui semblent en phase avec l’enchainement de trois cycles des affaires. Enfin, nous prenons l’exemple de la santé pour montrer la place de la politique au cœur de cette temporalité. DO CLUSTERING AND STANDARD THEORY OF INSTITUTIONAL CHANGE HELP EXPLAINING REFORMS OF HEALTHCARE POLICIES IN FRANCE SINCE 1975? Abstract : The article aims to demonstrate that changes in the French system of social protection since 1975 call for a revision of present standard approaches of institutional change in terms of clusters and path dependency theory. First it shows that the French system cannot be reduced to its Bismarckian features, and has to be considered as hybridised. Secondly it shows that this system has not followed since 1975 a linear path ; it rather follows a rythmic evolution fitting with a series of three business cycles and specific macro-economic policies. Thirdly focussing on the heathcare system, it shows that change rests on a complex timing, and is intrinsically linked to politics. KEY WORDS : welfare state, healthcare, hybridization, timing, path dependency, clustering, * Cet article est une reprise actualisée et partielle d’une communication à la Conference « Welfare Reforms for the 21st Century », du programme européen COST A15 Reforming Social Protection Systems in Europe: Comparing dynamics of transformation of social protection systems in context of globalization and European construction, Oslo, 5-6 April 2002. Il s’inscrit dans une recherche menée avec Jean-Claude Barbier, sociologue au MATISSE, université Paris I.
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Les transformations de l’Etat social français depuis 1975 : une analyse centrée sur les politiques de santé et menée au regard des standards typologiques et théoriques du changement

May 09, 2023

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LES TRANSFORMATIONS DE L’ETAT SOCIAL FRANÇAIS DEPUIS 1975 :

UNE ANALYSE CENTREE SUR LES POLITIQUES DE SANTE ET MENEE AU REGARD DES

STANDARDS TYPOLOGIQUES ET THEORIQUES DU CHANGEMENT INSTITUTIONNEL* Bruno Théret

IRISES, CNRS - Université Paris Dauphine

(article pour Economie appliquée, Tome LX – n°1, Spécial “Etat social et Politiques

de santé”, 2007)

Résumé : L’article propose une analyse de quelques changements dans le système français de protection sociale depuis 1975 qui conduit à réviser les idées devenues standards de familles d’Etat social et de dépendance de sentier. Nous montrons dans un premier temps que le système français est hybride et ne se réduit pas à ses traits bismarckiens. Dans un second temps, nous faisons apparaître l’importance de la temporalité dans les processus de réforme, qui semblent en phase avec l’enchainement de trois cycles des affaires. Enfin, nous prenons l’exemple de la santé pour montrer la place de la politique au cœur de cette temporalité.

DO CLUSTERING AND STANDARD THEORY OF INSTITUTIONAL CHANGE HELP EXPLAINING REFORMS OF HEALTHCARE POLICIES IN FRANCE SINCE 1975?

Abstract : The article aims to demonstrate that changes in the French system of social protection since 1975 call for a revision of present standard approaches of institutional change in terms of clusters and path dependency theory. First it shows that the French system cannot be reduced to its Bismarckian features, and has to be considered as hybridised. Secondly it shows that this system has not followed since 1975 a linear path ; it rather follows a rythmic evolution fitting with a series of three business cycles and specific macro-economic policies. Thirdly focussing on the heathcare system, it shows that change rests on a complex timing, and is intrinsically linked to politics.

KEY WORDS : welfare state, healthcare, hybridization, timing, path dependency, clustering,

* Cet article est une reprise actualisée et partielle d’une communication à la Conference « Welfare Reforms for

the 21st Century », du programme européen COST A15 Reforming Social Protection Systems in Europe:

Comparing dynamics of transformation of social protection systems in context of globalization and European

construction, Oslo, 5-6 April 2002. Il s’inscrit dans une recherche menée avec Jean-Claude Barbier, sociologue

au MATISSE, université Paris I.

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1 - Introduction

Les réformes des systèmes nationaux de protection sociale (désormais SNPS)

sont couramment envisagées en référence à un processus unilatéral de changement

conduisant à promouvoir privatisations, ciblage des prestations et workfare. Le cas

français remet en cause cette conception en confirmant les enseignements de

l’histoire longue selon lesquels il n’y a pas de loi générale de la convergence des

systèmes sociaux, même si les processus d’imitation entre pays jouent un rôle

important dans le changement institutionnel. Il oblige ainsi la réflexion scientifique

en matière de protection sociale à repartir de trois traits du contexte actuel au plan

des faits et du régime des idées recues : tous les pays ne sont pas confrontés à des

défis identiques, mais seulement au mieux similaires; les concepts de familles

d’Etats-providence à partir desquels on raisonne le plus souvent sont inadaptés dès

lors qu’il s’agit de traiter du changement institutionnel; la temporalité des réformes

ne saurait être réduite à une question de vitesse ou de retard d’ajustement à des

normes économiques et institutionnelles universelles, mais doit plutôt être envisagée

comme l’expression d’un processus politique marqué par les rythmes économiques et

des effets d’apprentissage faisant place à de possibles changements de direction et de

contenu des réformes.

1.1. Des défis abstraitement semblables mais en fait différents

La rhétorique libérale des organisations multi et supranationales (en Europe

principalement l’OCDE et la Commission européenne) diffusée jusqu’au sein de la

recherche critique en sciences sociales, considère que les SNPSs sont

universellement confrontés à trois grands défis : un défi démographique concernant

les retraites, un défi de flexibilisation concernant l’emploi, un défi concernant la

hausse des dépenses de santé. Or, en raison de leurs différences constitutives, tous les

pays ne sont pas réellement confrontés d’une manière identique à ces défis.

Ainsi le défi démographique, lequel exigerait de passer à des systèmes de

pensions par capitalisation1, est posé en dépit des grandes différences dans les

structures démographiques des divers pays, dans les traditions nationales en matière

1 Pour une revue du débat sur cet argument, cf. [Barbier et Théret, 2004, chap. IV].

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d’immigration, et dans la taille des populations concernées – variable essentielle en

matière de mutualisation des risques. Il est fait aussi peu de cas des différences entre

les pays qui ont déjà des systèmes de retraite par capitalisation et ceux qui n’en ont

pas, alors qu’à l’évidence les chances et l’intérêt de mettre en place de nouveaux

systèmes de ce type ne sont pas les mêmes dans les deux cas. Enfin les différences

structurelles des niveaux d’épargne et d’endettement des ménages entre pays sont

largement ignorées, alors qu’il s’agit là de variables clefs.

Pour ce qui est de l’emploi et de la promotion universelle du “welfare-to-

work”, les petits pays hautement et structurellement dépendants de leurs marchés

extérieurs ne sont pas dans une situation identique à celle des grands pays qui ont des

marchés intérieurs plus étendus et souvent inexploités en raison de structures

régressives de distribution des revenus. A l’évidence également, avec leur monnaie

hégémonique qui leur permet d’accumuler des dettes intérieures et extérieures

inaccessibles aux autres pays, les USA ne sont pas confrontés au même défi au plan

du chômage que les pays qui n’ont pas un tel pouvoir monétaire. De même l’appel au

‘workfare’ pour traiter du chômage structurel n’a certainement pas le même sens là

où le travail a toujours été une valeur positive et gratificatrice d’un statut social - ce

qui implique des emplois de qualités et des salaires qui assurent contre la pauvreté -,

que là où le travail est traditionnellement considéré comme une obligation d’ordre

ontologique associée à un prix à payer pour le péché originel [Barbier et Théret,

2001].

Quant à la nécessité d’une privatisation de l’offre de services médicaux et

d’assurance-maladie, qui découlerait de l’augmentation irrépressible des coûts de la

santé, elle ne saurait valoir de la même manière pour les pays qui ont fait le choix de

services publics universels de santé du type NHS britannique et pour ceux dont les

systèmes publics de santé font depuis toujours massivement appel à la médecine

libérale comme la France. On observe plutôt en ce cas un paradoxe du libéralisme

puisque les systèmes libéraux déjà en place sont les plus dispendieux et doivent, pour

rester universels, introduire plus de planification pour contenir leurs coûts.

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1.2. Une utilisation typologique de la méthode comparative qui en réduit la portée

Deuxième trait du contexte actuel à reconsidérer : les effets cognitifs du

développement impétueux des recherches comparatives internationales sur les Etats

sociaux. Prévaut généralement désormais l’idée que les Etats sociaux doivent être

différenciés en types, voire être regroupés dans des familles (clusters) caractérisées

par des logiques différentes voire opposées de protection sociale. Conjointement à

une extension aux institutions de la théorie de la dépendance de sentier développée

en économie industrielle, cette idée d’une pluralité de familles d’Etats sociaux

conduit logiquement à sortir de toute vision unique et abstraite du développement du

capitalisme. Pourtant, en pratique ce n’est guère le cas. En effet, nombre de

chercheurs comparatistes tendent eux-aussi à considérer que, du fait de la

mondialisation, tous les SNPSs sont confrontés aux mêmes défis et devraient

converger vers des formes libérales communes [Esping-Andersen, 1996].

Des empreintes variées de leurs origines [Merrien, 1997], il ne subsisterait

donc qu’une dépendance de sentier expliquant des degrés variables de résilience des

différents SNPSs à des changements incontournables. Les héritages institutionnels

nationaux peuvent être des obstacles au changement, mais en fin de compte, ces

résistances ne font que donner différents rythmes - plus ou moins rapides - aux

processus standards de réforme. Mais admettre ainsi que tous les SNPSs sont en train

de s’ajuster aux réquisits de la compétitivité internationale dans le nouvel ordre

mondial libéralisé, n’est-ce pas considérer que la méthode comparative n’a d’utilité

que contingente et donc pas de valeur scientifique (universelle) ?

Ce double renversement de l’universel en contingent et du contingent en

universel était à vrai dire déjà en germe dans l’idée de familles d’Etats sociaux

regroupant des pays par ailleurs très différents. Le clustering réduit en effet la

complexité de l’état institutionnel de chaque pays et peut empêcher de comprendre

les changements réels qui s’y produisent [Théret, 1997]. Deux exemples. L’idée que

la France appartient comme l’Allemagne à la famille “conservative-corporatist”

(Esping-Andersen, 1990) ou bismarckienne (Palier, 1999)2 d’Etat social aide-t-elle à

2 En termes économiques, un modèle bismarckien est un “modèle d’assurance du revenu salarial”

tandis qu’un modèle béveridgien peut être qualifié de « modèle de transferts sociaux par l’impôt »

(Lechevalier, 2002).

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comprendre qu’elle ait choisi, pour gérer la dépendance-vieillesse, un régime

assistanciel de type libéral béveridgien alors que l’Allemagne a adopté en ce

domaine un système d’assurance sociale ? Le clustering aide-t-il également à

comprendre pourquoi les Etats sociaux de l’Europe du Sud, classés également dans

cette même famille (dans une variante “pays attardés”), ont, depuis leur intégration à

l’Union européenne, adopté des systèmes nationaux de santé de type béveridgien ?

Se centrer sur le risque santé tend d’ailleurs à remettre en cause l’existence même

d’une famille libérale d’Etats sociaux regroupant les USA, le Canada et le Royaume

Uni. Ces trois pays ont en effet adopté des “modèles” de systèmes de santé et

d’assurance-maladie totalement différents : médecine libérale avec absence de

couverture universelle aux USA, système alliant médecine libérale et protection

universelle sur le modèle “bismarckien” au Canada, et médecine salariée dans le

cadre d’un système national de santé financé par l’impôt au Royaume Uni ?

Si regrouper en familles les Etats sociaux doit être vu comme une dérive de la

démarche idéal-typique qui constitue plus un obstacle qu’une aide pour comprendre

et expliquer leurs changements, c’est parce que cela ne laisse aucune place à l’idée

d’hybridation et réduit la dépendance de sentier des institutions à une contrainte de

voie unique3. Cela conduit en effet à penser qu’il y a seulement un seul sentier

d’évolution possible, celui inscrit dans la configuration institutionnelle du pays par

son appartenance à la famille qui dicte sa logique de développement à tous ses

membres. Dans cette perspective, les institutions ne sont vues que comme des

obstacles au changement, et non comme des ressources politiques possibles pour

l’innovation. On ne peut donc pas envisager que plusieurs chemins de dépendance

soient ouverts de façon endogène aux pays qui telle la France ont des systèmes

hybrides mélant des traits des divers “modèles”. On comprend alors que les

théoriciens du clustering, dès lors qu’ils veulent penser le changement, soient

conduits à retomber dans un universalisme qui contredit l’ensemble de leur

approche – méthodes et résultats réunis.

3 Sur l’opposition entre les concepts de clusters et d’hybridation, cf [Théret, à paraître]. Nous utilisons

ici la notion d’hybridation dans un sens légèrement différent de [R. Boyer, 2003, p. 191] qui, quant à

lui, met l’accent sur sa genèse par importation en l’opposant au changement institutionnel endogène.

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1.3. Une temporalité des réformes qui n’est pas la simple expression d’un retard

dans le développement d’un modèle économique universel

La temporalité des processus de réforme ne saurait également être réduite à

une question de retard dans un processus qui aurait vocation à s’imposer partout. Le

changement n’est pas linéaire ni unidirectionnel, il est bien plutôt le résultat de luttes

sociales et d’un processus politique d’apprentissage par essais - erreurs qui conduit à

des formules institutionnelles idiosyncratiques combinant le nouveau et l’ancien.

Pour preuve le fait que les réformes des SNPSs dépendent de contextes économiques

changeants et de politiques macro-économiques qui ne sont uniformes ni dans le

temps ni entre pays. Le cas français montre en particulier que l’Etat social a connu

divers types de réforme selon les cycles quasi-décennaux des affaires qui se sont

succédés depuis 1975 et qui ont eux-mêmes différents profils en fonction des types

de politiques macroéconomiques menées. D’une période à l’autre, le contenu des

réformes peut changer, l’échec d’une réforme dans une période pouvant être suivi par

un retournement de la politique dans la période suivante. Les représentations des

acteurs sociaux peuvent se modifier par apprentissage et conduire à des changements

de politique; les déterminants politiques, internes à chaque pays, restent cruciaux,

même quand il s’agit d’ajuster les institutions nationales à des défis externes,

lesquels dans bien des cas, tel celui des contraintes imposées par l’Union

européenne, sont en fait immanents à des choix politiques nationaux et non pas

imposés par une quelconque nature transcendantale des choses.

Dans la suite de cet article, nous cherchons à étayer ces diverses thèses à la

lumière de l’évolution, depuis les années 1970, du système français de protection

sociale et tout particulièrement de son secteur santé et assurance maladie. A cette fin,

nous rappelons d’abord (2) les différences qui séparent les SNPSs allemand et

français généralement qualifiés tous deux de bismarckiens, de façon à montrer que

par delà ses similarités avec le premier, le second a aussi des traits béveridgiens qui

lui donnent un caractère hybride. Nous montrons ensuite (3) que l’évolution du

système français de protection sociale passe par un processus continu mais non

linéaire de réformes qui est en phase avec un enchainement de cycles économiques

(de type Juglar) eux-mêmes différenciés par des types de politique économique

spécifiques. Enfin, nous nous centrons sur le système de santé (4) pour rappeler le

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caractère paradoxal de certaines de ses réformes et le fait qu’elles résultent d’un

processus politique d’apprentissage qui n’est nullement linéaire et ne va pas

nécessairement dans la direction tracée par les préceptes néo-libéraux.

2 - Le caractère hybride du système francais de protection sociale

Les études du SNPS français conduites dans une perspective comparative ont

été menées postérieurement aux travaux internationaux fondateurs sur les divers

types d’Etat social. Elles ont ainsi pu se situer par rapport à eux et mettre en évidence

des traits importants du système français qui le distinguent significativement de son

homologue allemand. Ainsi, en matière de politiques familiales, la France ressemble

plutôt au modèle béveridgien social-démocrate “nordique” [Bradshaw et alii, 1994;

Schultheis, 1996; Merrien, 1997; Martin, 1998]. Plus généralement, le SNPS français

a été adéquatement décrit en tant que système bismarckien visant des objectifs

béveridgiens [Bonoli et Palier, 1995] [Palier, 1999].

Il exhibe bien en effet quatre traits bismarckiens : il est largement construit

sur les principes de l’assurance sociale avec des cotisations sociales employeurs et

salariés, et des prestations le plus généralement liées aux salaires et non pas destinées

à réduire la pauvreté des sans emploi; il se veut fonctionnel à une structure familiale

où seul le père (chef de famille) est apporteur de revenu, sa couverture sociale

incluant celle de sa femme et de ses enfants; il est fragmenté en multiples “régimes”;

il est relativement indépendant de l’Etat et géré conjointement par les partenaires

sociaux représentant les cotisants (syndicats et associations patronales).

Néanmoins cette organisation bismarckienne est orientée de manière à

atteindre les trois objectifs béveridgiens de l’universalité, de l’unité et de l’uniformité

[Kerschen, 1996]. Ces objectifs sont sous-jacents au développement du système

depuis sa fondation en 1945. L’extension de la protection à l’ensemble de la

population, son universalité, a été recherchée par la création continue de nouveaux

régimes étendant les risques couverts et protégeant de nouvelles catégories de

population. Dans ce processus graduel, le statut de salarié a été promu au rang

d’universel incarnant la figure même du citoyen dans le cadre d’une société de plein

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emploi où la citoyenneté (statutaire) est associée à l’emploi et aux droits sociaux qui

lui sont rattachés.

L’unité, quant à elle, a été construite sous le régime symbolique (et

comptable) de la “Sécurité sociale” rassemblant une pluralité de Caisses gérées

selon les principes du “paritarisme”, plutôt que laissée aux mains d’une bureaucratie

étatique centralisée unique. Cette unification symbolique est soutenue par le fait que

les multiples régimes catégoriels sont rendus interdépendants par le jeu d’une part de

mécanismes financiers de “compensation” notamment démographique, d’autre part

de la tutelle de l’Etat central, légitimée par le caractère obligatoire des cotisations

sociales. En outre, tous les régimes particuliers participent au financement, voire à la

gestion, de la solidarité nationale (aide sociale) qui reste entre les mains de l’Etat

[Barbier et Théret, 2001].

L’uniformité, enfin, n’est pas recherchée au travers de cotisations et

prestations forfaitaires, mais elle est néanmoins présente par le jeu de plafonds dans

le calcul des cotisations et de minima sociaux, prestations assistancielles distribuées

selon les cas par les pouvoirs publics ou les caisses de sécurité sociale.

Par ailleurs, comparé à l’idéal-type allemand, le bismarckisme du SNPS

français est peu cohérent, car il intègre une série d’institutions qui sont étrangères à

ce modèle. Le paritarisme n’est nullement un équivalent fonctionnel du système

allemand de relations industrielles [Tixier, 1998]. Les syndicats français sont divisés

et très faibles; contrairement à leurs homologues allemands, ils n’ont pas leur mot à

dire dans les décisions des entreprises (ils ne sont que consultés). En raison de la

division du mouvement syndical et du pouvoir tutélaire de la bureaucratie sociale

d’Etat, le paritarisme entre travail et capital, hors quelques exceptions, est plus

formel que substantiel [Catrice-Lorey, 1997]. Ajoutons que le droit du travail

français, en tant que composante de “l’ordre public”, est conçu comme découlant de

droits politiques universels plutôt que du statut de salarié, comme c’est le cas en

Allemagne [Mückenberger et Supiot, 1999]. Les droits sociaux relèvent ainsi plus

d’une logique de compensation d’un déficit de droits politiques des travailleurs que

d’une logique de complémentarité entre ces droits et les droits économiques. Enfin,

le système éducatif français (qui n’est pas considéré comme faisant partie de la

protection sociale contrairement à ce qui prévaut dans d’autres pays) est construit sur

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la base d’un républicanisme libéral – proche des principes de solidarité et/ou d’équité

béveridgiens [Renard, 1995] [Kott 1996] [Bec, 1999]. Sa faible capacité de

formation de la main d’œuvre contraste avec celle du système allemand [Maurice,

Sellier, Sylvestre, 1982] [Verdier, 2000].

Il est en conséquence normal qu’un système organisé selon des principes

bismarckiens mais plongé dans un environnement politique où l’influence des

principes béveridgiens est forte, soit travaillé en permanence par des tensions

internes. Et si les traits bismarckiens du système ont constamment prévalu dans le

cours de son développement, ses objectifs béveridgiens y ont aussi été actifs. En

témoigne notamment l’universalisation progressive de l’accès aux soins médicaux et

des prestations familiales sur la base de la résidence. Et quand la contestation du

fonctionnement du système s’est développée, ses éléments béveridgiens ont en

quelque sorte agi comme ressources pour un changement dans la continuité.

Cette hybridité du SNPS français est corrélée à la dualité

économique/politique des acteurs collectifs qui se partagent le pouvoir en son sein,

ses formes bismarckiennes d’organisation étant tenues et soutenues par les

« partenaires sociaux » alors que ses objectifs béveridgiens s’inscrivent dans la

tradition républicaine universaliste qui est la base du jeu des partis politiques au sein

de l’Etat (Bonoli and Palier, 1995). Dans la mesure où le plein emploi permettait de

promouvoir l’universalisme du statut de salarié en tant que fondement de la

citoyenneté, des compromis à la fois fonctionnels au plan économique et socialement

efficaces étaient possibles entre ces deux types d’acteurs, les principes d’assurance

sociale et d’assistance publique étant dans une relation de complémentarité et non de

concurrence [Renard, 1995] [Bec, 1999]. Mais progressivement ce système a perdu

de son efficience face aux défis posés par la transformation du rapport salarial et

l’épuisement (largement endogène) du modèle fordiste d’accumulation (chômage

structurel et “exclusion sociale”; crise du modèle du male breadwinner au sein de la

famille; crise de régulation financière provoquée par la réorientation – extraversion -

du modèle de développement). Les compromis institutionnalisés initiaux entre

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logiques béveridgienne et bismarckienne ont alors fait place à un difficile et long

processus politique de recherche de nouveaux compromis4.

La forme hybride du SNPS français, la présence en son sein de logiques

contradictoires, invalide le diagnostic libéral d’une incapacité congénitale de ce

système à se réformer. Dans la mesure où ils assimilent le SNPS français à un pur

système bismarckien à l’allemande, il n’est pas surprenant, quoique regrettable, que

ce diagnostic soit repris par les chercheurs qui raisonnent en termes de familles

d’Etat social5. A contrario, toute hybridation signifie pluralité des sentiers de

dépendance et un possible changement institutionnel par déplacement des points de

croisement entre ces sentiers. Une structure hybride constitue donc un avantage

comparatif pour un pays lorsqu’il lui faut faire face à des défis d’un type nouveau

tout en évitant le choix polaire entre continuité (intenable) et transformation radicale

(socialement traumatique). C’est en tout cas ce que suggère l’analyse des

changements que le SNPS français a connu durant les trente dernières années.

Un premier exemple nous en a été donné par l’instauration en 1991 de la

“Contribution sociale généralisée” (CSG). Cette innovation importante en matière de

financement de la protection sociale, destinée à se substituer aux cotisations sociales,

combine les caractéristiques d’un impôt et d’une cotisation sociale et doit donc,

analytiquement, être vue comme une ressource typiquement hybride. Pour autant

qu’elle est généralisée à tous les revenus (salaires, revenus sociaux de remplacement

et revenus du capital) et est intégralement non déductible du revenu imposable, elle

peut être assimilée à un impôt proportionnel, ce qui est le cas en droit français.

Cependant plusieurs de ses caractéristiques la rapprochent plutôt d’une cotisation

4 Rappelons que les compromis fondateurs de 1945 et 1947 n’ont pas eux-aussi été établis en un tour

de main, mais que près de cinquante ans et beaucoup d’essais-erreurs se sont écoulées entre les

premières grandes lois d’assurance sociale et d’assistance dans les années 1890 et le programme

consensuel du Conseil National de la Résistance. 5 Certains de ces chercheurs fondent en outre leur critique du modèle bismarckien sur cette incapacité

à se réformer. Ce faisant ils oublient que c’est le propre de tout pays incarnant au plus près un idéal-

type que d’être stable et donc résistant au changement : à ce titre, les Etats-Unis libéraux et le

Danemark social-démocrate ne sont pas plus capables de changer de voie que l’Allemagne, et si ces

chercheurs oublient de leur reprocher, c’est sans doute moins pour des raisons scientifiques que parce

que ces modèles leur conviennent mieux au plan idéologique.

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sociale, ce à quoi elle a été assimilée par la Cour de justice européenne : elle est

strictement affectée au financement de prestations sociales ; bien qu’elle soit pour

une faible partie collectée par les services des impôts, elle ne rentre ni dans le budget,

ni dans la caisse de l’Etat ; elle est partiellement déductible du revenu taxable depuis

1995. Elle apparaît donc comme une innovation institutionelle endogène et

idiosyncratique qui ne fait que déplacer le point d’équilibre de compromis antérieur

entre les logiques bismarckienne et béveridgienne vers plus de solidarité nationale et

moins de solidarité “professionnelle”.

3 - L’importance de la temporalité dans les processus de réforme

D’un point de vue macro-économique, un trait frappant des trente dernières

années est la réapparition de cycles de croissance expansifs-récessifs courts (10 ans

environ) de type Juglar (3.1). Cette temporalité rythme également l’évolution des

budgets sociaux (3.2).

3.1. La résurgence des cycles des affaires.

Les années 1975 – 2005 connaissent en effet trois de ces cycles dont les

profils spécifiques sont à relier aux divers types successifs de politique économique

qui les sous-tendent (graphique 1).

De la dépression de 1975 à la récession de 1983, le premier cycle enchaîne une

reprise forte et rapide et une décélération cumulative qui aboutit à une croissance

quasi nulle en 1983, malgré les politiques fiscale et monétaire keynésiennes qui

continuent de prévaloir dans toute la période. Celles-ci se révèlent inefficaces car

elles sont inadaptées à une économie en voie d’internationalisation de plus en plus

rapide. La croissance est de plus en plus tirée par les exportations et les salaires

deviennent moins un facteur de demande interne qu’un coût devant être réduit pour

des raisons de compétitivité. D’où la stagflation, c’est-à-dire un taux de chômage

sans cesse croissant et qui atteint 8.1% en 1983 accompagné d’une haute inflation

persistante d’un taux moyen de 10.6% sur la période (graphique 2). Cette inflation

affaiblit la monnaie et la décélération de la croissance à partir de 1979, combinée à

une hausse des taux d’intérêt, creuse le déficit des budgets publics (graphique 3). En

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pleine récession de 1983, le Président Mitterrand abandonne tout keynésianisme et

opte pour une stratégie de “franc fort” et une politique budgétaire restrictive.

Cette conversion abrupte des socialistes français au monétarisme et le changement

subséquent de politique économique explique le profil différent du nouveau cycle qui

va mener à la dépression de 1993. Avec la “désinflation compétitive” [Lordon, 1997]

qui combine monnaie forte liée rigidement au mark allemand afin de réduire

l’inflation, rigueur salariale et politique budgétaire restrictive, la reprise économique

se fait cette fois très lente. La tendance à la hausse du chômage n’est de ce fait pas

arrêtée avant 1987 ; son taux dépasse alors les 10%. La phase descendante du cycle

voit quant à elle une chute drastique du taux de croissance (–1.3% en 1993) qui

mène la France à la pire dépression qu’elle ait connue depuis 1945, le taux de

chômage y atteignant les 12%. Mais l’objectif de réduction de l’inflation est atteint,

celle-ci étant ramenée de 10 à 2%. Toutefois, cette désinflation n’est guère

compétitive, car en dépit de la désindexation des salaires, la surévaluation de la

monnaie rend difficile le maintien du haut degré d’ouverture international

préalablement atteint. Source d’une hausse continue, malgré une dérégulation

financière, des taux réels d’intérêt, la politique monétariste menée limite finalement

le niveau des ressources publiques alors même que le développement du chômage de

longue durée et de la pauvreté augmente la demande sociale de protection.

Graphique 1 : Croissance réelle du PNB

-2,5-2

-1,5-1

-0,50

0,51

1,52

2,53

3,54

4,55

5,56

6,57

7,5

1961

1963

1965

1967

1969

1971

1973

1975

1977

1979

1981

1983

1985

1987

1989

1991

1993

1995

1997

1999

2001

2003

2005

Année

% c

rois

san

ce a

nn

uelle

USA

France

UE15

Stagflation Désinflation compétitive Passage à l'UEMEurofort

Source : OCDE

Page 13: Les transformations de l’Etat social français depuis 1975 : une analyse centrée sur les politiques de santé et menée au regard des standards typologiques et théoriques du changement

13

Les réformes de la protection sociale répondent désormais à de strictes

considérations financières, d’où des plans successifs de coupures budgétaires. Cette

rigueur financière est à associer à la mise sur l’agenda politique européen de l’Union

économique et monétaire [Jobert et Théret, 1994].

Dans le troisième cycle économique (1994–2003), la croissance est

essentiellement tirée par les exportations. Une balance commerciale positive et une

inflation très faible soutiennent une baisse des taux d’intérêt qui réduit la charge de la

dette publique et donc les déficits budgétaires. Toutefois, malgré la reprise, en raison

d’effets d’hystérésis, le chômage est d’abord seulement stabilisé au plus haut niveau

qu’il ait encore jamais atteint (12%), puis il baisse fortement de 1997 à 2001, année

où il revient à son niveau de 1983. Son retournement à la hausse à cette date annonce

la nouvelle récession de 2003.

Graphique 2: Inflation et chômage : d'une coévolution au dilemme

0

2

4

6

8

10

12

14

1960

1962

1964

1966

1968

1970

1972

1974

1976

1978

1980

1982

1984

1986

1988

1990

1992

1994

1996

1998

2000

2002

2004

Années

%

Aux USA

Chômage en France

Dans l'UE à 15

France : déflateur du PNB

Source : OCDE

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14

L’année 1994 inaugure en fait une nouvelle période au plan économique et social

avec d’un côté le passage à l’UEM (mise en place du marché unique européen en

début de cycle et premiers pas de l’euro dans la récession en fin de cycle), de l’autre

un changement qualitatif en matière de politiques sociales avec trois réformes

d’ampleur : la réforme des retraites du régime général en 1993, justifiée par le

creusement des déficits publics en cette année de dépression ; la réforme du régime

des pensions des fonctionnaires qui la complète en 2003, justifiée à son tour par un

nouveau creusement du déficit en cette année de récession6 ; et entre les deux, le

« plan Juppé » de 1995 s’attaquant aux régimes spéciaux de retraites et visant une

réforme d’ampleur de l’assurance-maladie et du système de soins.

3.2. Une évolution des prestations sociales également différenciée par phases

On retrouve dans l’évolution quantitative des budgets sociaux, quoique sous une

forme atténuée, la temporalité cyclique des variables macroéconomiques, ce qui

reflète l’impact des politiques macro-économiques sur les politiques sociales

(graphique 4). Ainsi, pour ce qui est de la récurrence des cycles, la dépense sociale

apparaît contracyclique puisque, dans les phases descendantes, la part des prestations

sociales dans le PIB ne baisse jamais, ce qui se produit en revanche dans les phases

6 On notera que des réformes structurelles sont ainsi justifiées par des situations conjoncturelles qui

permettent de dramatiser l’état des comptes sociaux.

Graphique 3 : Taux réels d'intérêt et déficit public

-6,00-5,00-4,00-3,00-2,00-1,000,001,002,003,004,005,006,007,008,009,00

1961

1963

1965

1967

1969

1971

1973

1975

1977

1979

1981

1983

1985

1987

1989

1991

1993

1995

1997

1999

2001

2003

2005

Années

Taux court

Taux long

Déficit public %PNB

Source : OCDE%

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15

ascendantes des deux cycles monétaristes. C’est là le résultat quasi-mécanique d’une

baisse relative du PIB au dénominateur dont l’effet s’ajoute, au numérateur, à une

hausse des dépenses associée à la croissance, dans la phase récessive, des besoins de

protection.

Mais des différences entre cycles ainsi qu’entre profils des divers cycles

s’observent aussi. Le cycle stagflationniste voit une accélération continue du ratio

rapportant les dépenses sociales au PIB, ce qui traduit la résilience, dans toute cette

période, du référentiel keynésien de politique économique et la montée continue d’un

chômage structurel. En 1974, une réforme de l’assurance-chômage l’a rendue

beaucoup plus généreuse ; en 1981, les allocations familiales et logement sont

relevées de 25%, l’allocation adulte handicapé de 20%, et en 1982 l’âge légal de la

retraite est abaissé de 65 à 60 ans. Dans la désinflation compétitive, la dépense

sociale prend un caractère cyclique : elle est d’abord stabilisée, puis réduite à partir

de 1986 par diverses mesures restrictives, mais elle repart à la hausse en 1990 avec le

ralentissement de la croissance – culminant dans la dépression de 1993 - et la hausse

du chômage. Dans le cycle de “passage à l’UEM”, le caractère contracyclique de la

dépense sociale paraît plus atténué, quand bien même le niveau moyen de celle-ci sur

Graphique 4 : Cotisations et prestations sociales

0,0

10,0

20,0

30,0

40,0

50,0

60,0

70,0

80,0

1959

1961

1963

1965

1967

1969

1971

1973

1975

1977

1979

1981

1983

1985

1987

1989

1991

1993

1995

1997

1999

2001

2003

2005

Année

%

50,0

55,0

60,0

65,0

70,0

75,0

80,0

85,0

90,0

Cotisations en % PNB

Cotisations / prestations

Source : SESI, DREES

Prestations en % PNB

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16

la période y est plus élevé7. Bien contenue, voire réduite jusqu’en 2001, elle n’en

repart pas moins à la hausse à cette date et dépasse les 30% du PIB en 2003.

Le fait qu’après 1993, on entre dans une nouvelle phase d’évolution des budgets

sociaux apparaît encore mieux si on regarde la place relative qu’occupent les

assurances sociales dans leur financement (un indicateur de degré de bismarckisme

en quelque sorte). Les trois cycles ont en effet des profils bien contrastés d’évolution

du ratio des cotisations sociales rapportées au PIB : 1/augmentation; 2/stabilisation;

3/baisse par palier (graphique 4). Ainsi le troisième cycle se distingue par la baisse

rapide du financement de la santé par cotisations sociales et sa substitution par la

CSG (et d’autres impôts affectés). Alors que jusqu’en 1993 le ratio cotisations sur

prestations oscille entre 82 et 87 %, il chute ensuite continuement et atteint moins de

67% en 2004-20058. C’est à cette même époque, on l’a vu, qu’au plan institutionnel

on passe à des réformes plus structurelles touchant aux secteurs financièrement les

plus importants de l’Etat social, les retraites et les prestations maladie.

4 - La politique au cœur de la temporalité des processus de réforme : le

cas de la santé

Si les changements institutionnels sont ainsi dépendants des rythmes

économiques [Rosier et Dockès, 1983] et du degré d’hybridation des configurations

d’ensemble des formes institutionnelles [Boyer, 2003], il reste à montrer qu’ils sont

aussi le fruit de processus politiques plus ou moins marqués par des effets

d’apprentissage, ce à quoi nous nous attachons maintenant en prenant l’exemple de la

santé.

La santé est un secteur particulier dans l’ensemble de la protection sociale.

Elle le doit essentiellement à ce que la protection distribuée passe pour l’essentiel par

des prestations en nature et non pas par des prestations en argent. De ce fait, les

7 Cette période a connu deux changements de base de la comptabilité nationale. Dans la base 2000, les

prestations sont inférieures à celles de la base 1995 d’environ 0,8 points de PIB en 2003 [DREES,

2006c, p.7]. Pour assurer la continuité de la série dans le graphique 4, nous avons ajouté 0.8 point au

ratio prestations/PIB sur 2003-2005 des comptes de 2005 [DREES, 2006a]. 8 En extrapolant la base 1995 des comptes, ou 69% en base 2000.

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producteurs des services et la défense de leurs intérêts pécuniaires et statutaires y

jouent un rôle déterminant qu’on ne retrouve pas dans les autres champs de

protection. En témoigne l’hétérogénéité déjà notée de la « famille » libérale d’Etats

sociaux en ce domaine, hétérogénéité qui conduit à penser qu’une typologie

pertinente des systèmes de santé ne recoupe pas celle des SNPS en général : ne

retrouve-t-on pas aussi des systèmes de type NHS britannique dans les pays

scandinaves socio-démocrates et des pays d’Europe du Sud classés comme

bismarckiens ?

Les comparaisons internationales montrent par ailleurs que la santé est un

domaine où le libéralisme ne fait pas a priori bon ménage avec l’idée d’économie et

de réduction du poids des dépenses de santé dans le produit national, même quand est

sacrifiée sur l’autel du profit l’idée d’un nécessaire universalisme dans l’accès aux

soins [Hsiao, 1992] [Evans, 1993]. Ainsi les Etats-Unis combinent une absence de

couverture universelle, laissant sans protection financière en cas de maladie plus de

40% de sa population, avec la dépense de santé la plus élevée du monde en

proportion de son PIB. A l’opposé, le Royaume Uni s’est doté d’un système public

universel de santé financé par l’impôt qui réduit bien la dépense, mais au prix d’un

fort rationnement de l’offre de soins. Quant à la France, elle combine comme

l’Allemagne médecine libérale et assurance maladie (quasi)universelle et se situe

dans un entre-deux en termes de niveau relatif de la dépense nationale de santé. La

santé est donc à l’évidence un secteur de la protection sociale où les problèmes

qu’ont à affronter actuellement les divers pays sont différents : l’idée même d’un

niveau excessif de la dépense de santé ne fait sens que là où cette dépense est pour

l’essentiel le fait de budgets publics et où l’idéologie ambiante suggère que toute

dépense publique doit être réduite au minimum coûte que coûte, i.e. même s’il est

avéré qu’elle est plus efficace et équitable qu’une dépense privée équivalente. Pour le

système mixte français9, le problème central est la régulation de sa contradiction

9 Le système public français d’assurance maladie comprend vingt régimes (y-compris la CMU).

Quant aux soins, ils sont distribués soit par des hopitaux public et privés (lucratifs et non lucratifs),

soit par des praticiens privés (médecins et professions paramédicales) dans le cadre d’une activité

libérale ambulatoire. Le système repose donc partiellement sur des principes contradictoires. D’un

côté la médecine privée libérale prévaut : les patients peuvent choisir leurs médecins librement et

paient leurs services à l’acte. De l’autre les coûts des soins et des biens médicaux sont remboursés sur

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18

constitutive entre une tendance inflationniste à la marchandisation-individualisation

des relations de service de soins (complétée par une assistance minimale aux non

solvables), et une tendance déflationniste au rationnement de soins distribués

égalitairement à tout citoyen ou résident (complété par un secteur marchand

totalement « libre » pour les plus aisés). Pressions pour plus de privatisation des

institutions et/ou d’individualisation des droits et obligations, et poussées en sens

opposé en faveur de l’universalisation des droits et d’une étatisation accrue du

dispositif institutionnel s’y observent simultanément.

Aussi la dynamique historique du processus de réformes dépend-elle d’une

part des formes respectives d’institutionnalisation de ces tendances contradictoires,

d’autre part de la mesure dans laquelle les acteurs sociaux, vecteurs de ces tendances,

sont capables de faire émerger un équilibre des tensions caractéristique d’une

nouvelle régulation. Or depuis que l’ancienne régulation de l’assurance maladie a

été, dans les années 70, déstabilisée par ses propres succès et le changement de

contexte macroéconomique, y prévaut non pas une nouvelle régulation mais une

oscillation (dont la longueur d’onde est celle du cycle des affaires) entre des

politiques visant plutôt soit à réguler l’offre (années 70 et 90), soit à conformer la

demande (années 80 et dernières réformes 2002-2004). On voit bien se dessiner de

nouveaux compromis politiques entre « partenaires sociaux » (bismarckiens) et Etat

(béveridgien) dans le cadre d’un néo-paritarisme « négocié » et une tutelle étatique

renforcée. Mais ce qu’il faut alors considérer comme une politisation de la protection

sociale conduit à rendre incertaine, car dépendante de la situation sur la scène

politique, l’orientation à long terme du système. Reste en effet indécis le niveau

auquel sera cantonné en son sein le pouvoir inflationniste de la médecine libérale.

On ne peut donc en rester à des analyses de court terme et il faut resituer

chaque tentative de réforme du système de santé dans la temporalité du contexte

la base de tarifs forfaitaires aux patients par les caisses d’assurance maladie qui perçoivent leurs

cotisations. Les tarifs des actes comme ceux des médicaments et autres biens médicaux sont fixés par

conventions entre caisses et associations professionnelles de producteurs de soins et de biens

médicaux. Si ce n’est dans le secteur hospitalier, l’Etat ne contrôle donc pas directement le volume de

l’offre. Il est alors enclin à exercer une pression soit sur cette offre via des enveloppes globales en

limitant la rémunération des praticiens, soit sur la demande en faisant jouer sa tutelle sur l’assurance

maladie (au niveau des taux de cotisation et/ou des taux de remboursement).

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global, macro-économique notamment (4.1), mais aussi par rapport à la logique

politique propre à un secteur qui constitue un sous-système de rapports sociaux (4.2).

4.1. Des oscillations entre politiques de l’offre et politiques de la demande sur un

fond commun de” béveridgisation” du financement

On peut donc analyser l’évolution du secteur dans les trente dernières années

en distinguant deux types de facteurs, ceux liés à son insertion dans le système

socio-économique d’ensemble, et ceux au principe de sa dynamique propre. Les

premiers s’expriment synthétiquement sous la forme de l’institution d’une contrainte

budgétaire forte comme norme régulatrice de l’action publique, les seconds dans les

choix alternatifs possibles pour répondre à cette contrainte. Les premiers dictent la

cyclicité des évolutions, les seconds leur contenu au sein de chaque cycle.

Du côté du financement, une succession de phases s’incrivant dans une évolution tendancielle

On observe en effet tout d’abord une évolution tendancielle du financement

corrélée à la dynamique macro-économique. Pendant le cycle stagflationniste,

l’équilibre des comptes est assuré par des augmentations récurrentes des cotisations

sociales prenant appui sur leur déplafonnement (intégral pour les cotisations salariés)

(tableau 1).

Tableau 1 : Taux des cotisations sociales pour les régimes de base de

l’assurance maladie (Sources: [Lancry, 1995], FSV) Année cotisations employeurs cotisations salariés CSG

sous plafond non plafonné sous plafond non plafonné 1945 10 6 1959-60 12.5 6 1961 13.5 6 1962-65 14.25 6 1966 15 6 1967-69 9,5 2 2,5 1 1970 10.25 2 2,5 1 1971-75 10.45 2 2,5 1 1976-78 10.95 2,5 3 1,5 1979 8.95 4,5 1 4,5 1980 8.95 4,5 5,5 1981-83 5.45 8 5,5 1984-86 12.6 5,5 1987-90 12.6 5,9 1991 12.6 6,8 1992-96 12.8 6,8 1997 12.8 5,5 1

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20

1998-2001 12.8 0,75 5,1 2002-04 12.8 5,25 2005 12.8 5,29*

Des mesures de restriction des remboursements des actes médicaux et des

médicaments sont également prises, justifiées par l’idée qu’elles désinciteraient les

patients à trop “consommer". Mais elles restent encore marginales et la tendance,

cohérente avec la politique économique keynésienne menée dans cette période, est

toujours à une hausse rapide de la dépense de santé plus rapide que celle du PIB et

financée par une augmentation équivalente des cotisations sociales au moins

jusqu’en 1980 (graphique 4 et tableau 2). Le cycle de “désinflation compétitive” est

caractérisé, quant à lui, par la disparition de toute cotisation plafonnée et des hausses

de cotisations qui portent presqu’exclusivement sur les cotisations salariés. Enfin,

dans la période de passage à l’UEM, c’est à la stabilisation des cotisations patronales

et au remplacement progressif de toute cotisation salarié par la CSG que l’on assiste.

Ces évolutions dans les deux derniers cycles renvoient à des politiques macro-

économiques désormais inspirées par « l’économie de l’offre » et fondées sur l’idée

que les cotisations sociales patronales sont défavorables à la compétitivité des

entreprises et à la croissance (les hausses de cotisations salariés et de CSG pouvant

quant à elle être déduites des salaires directs).

Tableau 2 : Financement des soins de santé et biens médicaux Financement dépense Santé

1975 1980 1985 1990 1990 nb*

1995 nb

2000 nb

2003 nb’

2004 nb’

2005 nb’

Sécurité Sociale 73.2 76.5 75.5 74.0 76.0 77,1 77,11 77,4 77,3 77,1 Etat 4.1 2.9 2.3 1.1 1.1 1.1 1,2 1,4 1,3 1,3

“Public” 77.3 79.4 77.8 75.1 77.1 78,2 78,3 78,8 78,6 78,4 Mutuelles 4.8 5.0 5.1 6.1 6.1 7,3 7,7 7,2 7,3 7,3

“Socialisé” 82.1 84.4 82.9 81.2 83.2 85,5 86,0 86,0 85,9 85,7 Sociétés d’assurances 1.5 3.1 2.6 3,3 2,7 2,9 3,1 3,1 Part des ménages** 14.1 15.7 14.2 11,2 11,4 11,1 11,1 11,2

Source: SESI - DREES

* Pour plus de détail, cf. [Canry, 2006]. * nb : nouvelle base 1995 ; nb’ : nouvelle base 2000. ** Ménages individuels et institutions de prévoyance (pour moins d’un quart).

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21

Du côté des dépenses, moins une tendance de changement linéaire qu’une alternance de politiques contraires selon les cycles des affaires

En matière de prestations en effet, on observe une oscillation entre des politiques

de rationnement de l’offre et des politiques de désocialisation de la demande, même

si les unes ou les autres ne sont jamais exclusives. Ainsi durant la stagflation, le

numerus clausus (c’est-à-dire le nombre d’étudiants autorisés à s’inscrire en

deuxième année de médecine) institué dès 1971 est-il progressivement resserré,

passant de 8700 à 5000 entre 1975 et 1983, alors que la politique principale du côté

de la demande consiste à ajuster les ressources aux dépenses.

Dans la période de désinflation compétitive, le numerus clausus est encore

resserré, mais de manière bien plus modeste (120 places supprimées par an en

moyenne entre 1983 et 1993 au lieu de 462 sur 1975-83), et en 1990, date à laquelle

32% de l’ensemble des praticiens conventionnés sont autorisés à dépasser les tarifs

conventionnels des actes médicaux, le secteur II qui les regroupe depuis 1980 voit

son développement stoppé. Par ailleurs, en 1984 est institué un régime de dotation

globale pour les hopitaux publics et privés non-lucratifs limitant leur financement

annuel. C’est là une mesure de rationnement de la seule offre publique, la mesure

n’étant pas étendue au secteur hospitalier privé dont les dépenses peuvent continuer

de croître. Aussi est-ce plutôt du côté d’une désocialisation de la demande, combinée

à une augmentation des cotisations salariés, qu’est recherché dans cette période

l’ajustement à une norme d’équilibre budgétaire désormais durcie : imposition en

1983 d’un forfait hospitalier journalier non remboursé; hausse du « ticket

modérateur » dans le secteur ambulatoire avec les plans Seguin de 1987 et Veil de

1993 [Join-Lambert et alii, 1997, chap. 14].

Mais ces politiques de rationnement de l’offre publique et surtout

d’"individualisation" de la charge des soins se révèlent à la fois inefficaces et

inéquitables. Elles ne réduisent pas la progression de la consommation de soins et

biens médicaux, elles ne font que s’inscrire dans une tendance de long terme, initiée

en 1970, à la décélération de la croissance de cette consommation (graphique 5)

[DREES, 2003, T.01, p. 3]. Et si la part de l’Etat et de la sécurité sociale dans le

financement d’ensemble de la dépense est bien réduite, c’est au prix d’une

augmentation de la part des ménages dans ce financement (tableau 2), ce qui met en

défaut l’idée d’aléa moral, censée légitimer ce type de mesure.

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22

Ces politiques sont aussi sources d’inéquité tant sociale que géographique. Le

rationnement hospitalier entraîne une inégalité croissante dans l’allocation territoriale

des ressources entre hopitaux, fixée sur la base d’une distribution de départ déjà

fortement inégalitaire [Pierru, 1999]. Quant à la baisse de la couverture sociale de la

dépense, elle conduit à réduire l’accès aux soins pour les plus démunis [Mormiche,

1995]. Car si une grande partie de la population peut compenser la baisse de sa

couverture de base en faisant appel à des assurances complémentaires, pour

l’essentiel mutualistes (tableau 2), les groupes sociaux aux revenus les plus bas n’ont

en revanche que peu accès à celles-ci [Rupprecht, 1999a] ; ce sont donc eux que les

politiques de désocialisation et de rationnement touchent au premier chef, ce qui

agrave significativement les inégalités d’accès aux soins.

Graphique 5

[DREES, 2003]

Aussi n’est-il guère surprenant qu’au début des années 90, “le politique

découvre l’importance des inégalités sociales face à la maladie et à la santé, véritable

« angle mort » des politiques sanitaires » (Kerleau, cette revue). A vrai dire, cette

découverte est aussi celle d’une fenêtre d’opportunité qui s’ouvre pour la classe

politique et la bureaucratie sociale qui trouvent là une occasion d’affirmer leur

pouvoir face aux partenaires sociaux contrôlant la gestion de l’assurance maladie,

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23

secteur symbolique sensible s’il en est au plan politique. Les politiques

d’individualisation et de rationnement dans le seul secteur public sont alors remises

en cause. Elles vont faire place, notamment avec le “plan Juppé” de 1995, à des

politiques contraires de resocialisation de la demande (extension par l’Etat aux plus

démunis de l’universalisation de la couverture assurantielle, y-compris protection

complémentaire) et à une régulation d’ensemble de l’offre visant à “discipliner les

comportements des distributeurs de biens et de services” [Kerleau, cette revue]

(rationnement dans le secteur libéral ambulatoire via une maîtrise médicalisée des

dépenses; planification des besoins dans le secteur hospitalier)10.

Le cycle de passage à l’UEM connaît donc un revirement de politique

correspondant à une forte affirmation des préférences béveridgiennes propres aux

élites étatiques, la nouvelle politique de réforme allant de pair avec une hausse du

degré d’étatisation du système de santé. Néanmoins, comme cette étatisation

croissante ne peut que conduire à une politisation, elle rend la capacité de réforme

d’autant plus sensible à la situation politique conjoncturelle. Or le plan Juppé pour la

santé, pris dans un paquet plus large de réformes et préparé dans le secret de façon

bureaucratique, sans aucune concertation, va se heurter à de nombreuses oppositions

tant du côté du corps médical que des élus locaux et de la plupart des syndicats

[Dehove et Théret, 1996]. Ces oppositions conduiront d’abord à la mise sous le

boisseau des mesures les plus radicales en termes de régulation de l’offre, puis à la

chute du gouvernement et à son remplacement, avec alternance politique, par le

gouvernement Jospin qui reprendra à son compte la réforme mais en en réduisant le

degré d’étatisation.

En effet, la plupart des volets institutionnels (LFSS, ONDAM, réforme des

conseils d’administration des caisses, ARH, etc.) ainsi que ceux relatifs à la

fiscalisation du financement (CSG, CRDS, incorporation des revenus de

remplacement dans la base taxable - sauf allocations familiales) seront maintenus.

Mais l’universalisation de l’assurance maladie (AMU) sous la forme d’une

intégration générale des caisses et de droits ouverts par la résidence ne sera pas

poursuivie ; elle sera remplacée en 1999 par une universalisation de l’accès aux soins

10 On renvoie pour des analyses plus détaillées de ces mesures et de leurs enjeux à l’article de M.

Kerleau [cette revue] ainsi qu’à [Barbier et Théret, 2004].

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dans le cadre bismarckien préexistant avec l’instauration d’un vingtième régime dit

de Couverture Maladie Universelle (CMU). C’est là encore un bel exemple

d’objectif béveridgien poursuivi avec des moyens bismarckiens. En effet, le nouveau

régime, financé par l’Etat, d’une part intègre au régime général d’assurance maladie

tous ceux qui auparavant n’y avaient pas accès (les personnes relevant de l’assistance

médicale gratuite départementale – qui disparaît - comme celles qui n’en relevaient

pas), d’autre part ouvre l’accès à une couverture complémentaire (CMUC) aux

personnes au revenu inférieur à un certain plafond.

Pour ce qui est de la régulation de l’offre, le gouvernement Jospin se heurtera

à son tour à une violente opposition des médecins libéraux et de certains élus locaux,

qui réussiront à la mettre en échec : le refus des pénalités pour dépassement des

enveloppes sera entériné par des décisions de justice, ce qui décrédibilisera

l’ONDAM ; le freinage de l’informatisation du système de santé limitera les

possibilités de maîtrise médicalisée des dépenses ; le développement du recours aux

médicaments génériques restera lent ; les réallocations territoriales des équipements

sanitaires seront mises en échec au niveau local, etc. Comment s’en étonner ? Dans

une période où l’accroissement des inégalités de revenus est posée publiquement

comme parfaitement légitime, voir nécessaire au plan économique, il est

difficilement défendable politiquement, surtout à droite de l’échiquier politique,

d’imposer une limitation de son revenu à un groupe professionnel indépendant,

hautement qualifié, et de statut social élevé. Il est politiquement plus facile, bien

qu’inefficace à long terme, de diluer la contrainte d’ajustement budgétaire en

revenant à une régulation de la demande, ce que fera la droite de retour au pouvoir en

2002.

Prenant acte de l’opposition irréductible et structurelle des médecins libéraux

à toute régulation de leur activité et de leur revenu, et suite aux grèves de médecins

en 2001, la droite revenue au pouvoir commencera en effet sa législature par un

cadeau électoral en imposant aux caisses d’assurance maladie une augmentation de

6% des tarifs des actes. Les réformes subséquentes de fin 2002 (Plan Hopital 2007)

et la réforme de l’assurance maladie d’août 2004, bien que dans la continuité du

processus d’étatisation-fiscalisation-renégociation du paritarisme des années 1990,

abandonneront également toute vélléité de réguler l’offre “privée” de soins, et

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reviendront à une régulation de la demande11. Mais alors il ne va plus s’agir de

simples bricolages relatifs aux taux de remboursement des soins et autres biens

médicaux, même si ceux-ci sont fortement remobilisés, mais aussi d’une recherche

de régulation plus systémique de cette demande, qui prend appui sur une définition

restrictive et flexible (par une “Haute Autorité de la Santé”) de paniers de soins

devant être couverts par l’assurance de base et/ou une assurance complémentaire. Ce

faisant, conjointement à une libéralisation du recours aux dépassements de tarifs des

actes (au risque d’une inflation incontrôlée), une orientation fortement marchande

est donnée au système de santé [Batifoulier, Domin et Gadreau, cette revue].

Ainsi, avec le nouveau cycle des affaires qui démarre après la récession de

2003, va de pair un nouveau basculement de la politique de santé. Tout se passe

comme si le politique avait appris d’une part qu’il ne pouvait affronter le pouvoir des

médecins et qu’il valait donc mieux tenter de revenir à des politiques de maîtrise de

la demande, d’autre part qu’il ne pouvait pas passer en force face aux intérêts

organisés des partenaires sociaux et des groupes sociaux concernés. Aussi est-ce en

contrepartie d’un “paritarisme revivifié “ et de “contrats responsables” associant

notamment plus étroitement les mutuelles au cœur du système, que la réforme a été

négociée, ce qui au passage prouve que le bismarckisme n’est pas nécessairement un

obstacle à un changement de type néo-libéral.

Il reste néanmoins à voir si une telle orientation, qui fera à coup sûr ressurgir

des inégalités en termes d’accès aux soins et qui se traduit déjà par une perte de

liberté du “consommateur”, résistera d’abord - à court terme - à un changement de

majorité politique, ensuite - à plus long terme - à la prochaine dépression

économique (tableau annexe). En outre, l’expérience des Etats Unis suggère que

cette dernière réforme stabilisera sans doute moins le niveau de la dépense de santé

qu’elle ne confortera une nouvelle coalition inflationniste.

11 On ne détaille pas ici ces réformes car elles sont décrites et analysées in extenso dans les articles de

Ph. Batifoulier, J.-P. Domin et M. Gadreau d’une part, de M. Kerleau d’autre part dans ce même

numéro.

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4.2. D’une coalition inflationniste à l’autre

En dehors des facteurs objectifs de croissance de la demande de soins que

sont le vieillissement de la population et la pendémie du sida, la hausse de la dépense

de santé a été aussi, jusqu’au début des années 90, associée à l’existence d’une

“coalition inflationniste”. Les syndicats de salariés et patronaux, co-administrateurs

de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie, soutenaient cette hausse avec l’accord

des organisations professionnelles de médecins et d’une industrie pharmaceutique

puissante [Damamme et Jobert, 2000]. En vérité, cette coalition fut tout à fait

efficiente pendant l’ère fordiste, la forte progression des dépenses d’assurance

maladie due au développement des dépenses de santé, mais aussi à la montée en

charge progressive du système de protection sociale, se faisant sans déséquilibre

majeur [Join-Lambert et alii, 1997, p. 514]. Mais le ralentissement de la croissance et

les récessions récurrentes ont mis en crise une telle gestion du système, désormais

décrit, du point de vue de l’Etat, comme plus coûteux et moins efficient

économiquement que ceux des autres pays européens [CAE, 1999] [Breuil-Genier et

Rupprecht, 1999].

Or la réforme de 2004 de l’assurance maladie laisse entrevoir une

configuration d’intérêts sociaux qui pourrait bien constituer la base d’une nouvelle

coalition inflationniste. Le cœur en serait l’alliance entre l’Etat et la médecine

libérale, et la périphérie, les partenaires sociaux gestionnaires des caisses

maintenues12 ainsi que les organismes d’assurance complémentaires (dont la

mutualité) qui sont désormais intégrés au système en tant que composantes à part

entière. Mais une telle coalition est-elle stable ? Peut-elle s’avérer fonctionnelle à un

développement économique renouvelé comme l’ancienne a pu l’être ? A ce point, on

ne peut s’empêcher de penser à l’hypothèse formulée par Robert Boyer d’un nouveau

régime d’accumulation anthropogénétique, c’est à dire fondé précisément sur le

développement de la santé et plus largement du capital-vie des individus [Boyer,

2004].

12 La CFDT ayant remplacé CGT-FO en tant que partenaire du MEDEF, lequel accepte à nouveau de

siéger dans les conseils d’administration. Au sein du MEDEF, le secteur des industries

pharmaceutiques semble aujourd’hui dominé par celui de la finance assurantielle.

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Autre question posée par la place dans cette nouvelle coalition des

mutuelles, organismes non lucratifs auxquels les salariés peuvent adhérer sur une

base professionnelle ou interprofessionnelle : dans la mesure où celles-ci peuvent

être considérées comme des formes bismarckiennes de protection sociale, dès lors

qu’elles prennent en charge l’essentiel des coûts de l’individualisation, peut-on

assimiler individualisation et privatisation ou marchandisation ? Ne doit-on pas

plutôt considérer que, dans une perspective d’assurance du revenu salarial, le niveau

global de la dépense socialisée – sécurité sociale et mutuelles - n’a pas véritablement

diminué jusqu’à ce jour (cf. tableau 2) ? Répondre à cette question implique

d’examiner l’évolution du comportement de ces organisations sous la pression d’une

Commission européenne qui n’a pas reconnu leur statut spécifique et les a assimilées

à des compagnies d’assurance standards. Sont-elles en train de se marchandiser ?

Conclusion

Les systèmes de santé et d’assurance maladie français ont connu de nombreux

changements institutionnels dans les trente dernières années. Ces changements ne

vont pas tous dans le même sens. Ainsi a-t-on assisté à une “disqualifation de la

tentation libérale” [Pierru, 1999] puis à sa réhabilitation. Les réformes sont à la fois

le fruit et la source d’essais-erreurs reflétant des incertitudes dans les conceptions de

la protection sociale, mais aussi de stratégies contingentes et conflictuelles menées

par divers acteurs sociaux poursuivant leurs intérêts à court terme. Aussi les

nouvelles formes institutionnelles émergentes comme la CSG et la CMU sont-elles

idiosyncratiques tout en mêlant à des degrés divers des traits bismarckiens et

béveridgiens présents simultanément dès l’origine dans le système. Ces formes et

surtout leur configuration d’ensemble ne sont pas actuellement stabilisées car les

conflits relatifs à leur pertinence ne sont pas réglés. En outre, les rapports des forces

sont d’autant plus susceptibles de changer qu’il faut compter désormais avec une

politisation extrême des questions de protection sociale et un impact direct sur elles

de ce qui se passe au niveau européen.

Le changement est dépendant du sentier et des héritages institutionnels, mais

dès lors que l’on est dans des systèmes hybrides, fruits de compromis entre des

logiques différentes de protection sociale, cette dépendance doit être conçue non pas

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comme unilatérale mais ouvrant sur des avenirs multiples. Bien que des principes

béveridgiens influencent les développements actuels de façon cruciale, ce qui

explique le mouvement d’étatisation, les institutions qui en résultent sont encore

certainement de type bismarckien. Il semble aussi qu’une nouvelle alliance entre

forces sociales paritaristes, renforcées par la mutualité, et forces politiques d’Etat

soit en cours de formation.

Le rythme des processus de réforme, conditionné tant par des variables

économiques que politiques, a une importance cruciale. Il reflète la causalité multiple

de ces processus, les rationalités des acteurs sectoriels interférant avec les logiques

globales du système politique national, des acteurs économiques internationaux, et

du management bureaucratique de la macro-économie. Enfin, comme le révèle, pour

la période étudiée, l’épisode des années 1993-97, la politique importe autant que les

institutions et les représentations des acteurs dominants. Une réforme peut être

défaite si elle se produit dans un cadre d’instabilité politique, si elle prend trop de

temps pour s’implanter ou doit être retardée. Des influences externes ou plutôt

externalisées - on pense notamment à la contrainte budgétaire transférée au niveau

de l’Union européenne - ont été aussi importantes dans les réformes de la période,

mais elles n’ont surement pas été décisives. Cela dit, plus celle-ci gagne en

compétences, plus cette influence deviendra centrale.

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Tableau annexe : Rythmes politiques et économiques Présidence Premier ministre Réformes Temporalité

économique 1974 Giscard

d’Estaing Chirac Assurance

chômage

1975 Accélération du déplafonnement des cotisations

Dépression, puis cycle “Stagflation”

1976-81 Barre 1981 Mitterand 1 Mauroy 1 et 2 Hausse prestations

sociales, âge de la retraite abaissé

1983 Mauroy 3 Forfait hospitalier Récession, puis cycle “Désinflation compétitive”

1984 Fabius Dotation globale 1986 Cohabitation 1

Chirac Plan Seguin

1988 Mitterand 2 Rocard RMI 1991 Cresson CSG 1992 Bérégovoy 1993-94 Cohabitation 2

Balladur Réforme des retraites du régime général. Plan Veil

Dépression, puis cycle “Passage à l’UEM” (entrée en vigueur du Traité de Maastricht)

1995 Chirac 1 Juppé Plan Juppé pour la Santé : LFSS, ONDAM, CRDS, ARH, RMO

1997-2001 Cohabitation 3 Jospin

PSD, CMU (2000)

2002 Chirac 2 Raffarin 1 et 2 APA. Loi sur les droits de malades et la qualité du système de santé. Plan “Hopital 2007”

Passage à l’euro fiduciaire

2003 Réforme Fillon des retraites des fonctionnaires

Récession, puis reprise difficile : un nouveau cycle “Euro fort” de croissance faible ?

2004 Raffarin 3 Réforme Douste-Blazy du système de santé : UNCAM, UNOCAM, HAS, SROS, tarification à l’activité.

2005 Villepin 2007 Nouvelle élection

: Droite ou gauche ?

Changement de politique ?

2012-13 Nouvau Nouvelle

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