LES TRANSFORMATIONS DE L’ETAT SOCIAL FRANÇAIS DEPUIS 1975 : UNE ANALYSE CENTREE SUR LES POLITIQUES DE SANTE ET MENEE AU REGARD DES STANDARDS TYPOLOGIQUES ET THEORIQUES DU CHANGEMENT INSTITUTIONNEL * Bruno Théret IRISES, CNRS - Université Paris Dauphine (article pour Economie appliquée, Tome LX – n°1, Spécial “Etat social et Politiques de santé”, 2007) Résumé : L’article propose une analyse de quelques changements dans le système français de protection sociale depuis 1975 qui conduit à réviser les idées devenues standards de familles d’Etat social et de dépendance de sentier. Nous montrons dans un premier temps que le système français est hybride et ne se réduit pas à ses traits bismarckiens. Dans un second temps, nous faisons apparaître l’importance de la temporalité dans les processus de réforme, qui semblent en phase avec l’enchainement de trois cycles des affaires. Enfin, nous prenons l’exemple de la santé pour montrer la place de la politique au cœur de cette temporalité. DO CLUSTERING AND STANDARD THEORY OF INSTITUTIONAL CHANGE HELP EXPLAINING REFORMS OF HEALTHCARE POLICIES IN FRANCE SINCE 1975? Abstract : The article aims to demonstrate that changes in the French system of social protection since 1975 call for a revision of present standard approaches of institutional change in terms of clusters and path dependency theory. First it shows that the French system cannot be reduced to its Bismarckian features, and has to be considered as hybridised. Secondly it shows that this system has not followed since 1975 a linear path ; it rather follows a rythmic evolution fitting with a series of three business cycles and specific macro-economic policies. Thirdly focussing on the heathcare system, it shows that change rests on a complex timing, and is intrinsically linked to politics. KEY WORDS : welfare state, healthcare, hybridization, timing, path dependency, clustering, * Cet article est une reprise actualisée et partielle d’une communication à la Conference « Welfare Reforms for the 21st Century », du programme européen COST A15 Reforming Social Protection Systems in Europe: Comparing dynamics of transformation of social protection systems in context of globalization and European construction, Oslo, 5-6 April 2002. Il s’inscrit dans une recherche menée avec Jean-Claude Barbier, sociologue au MATISSE, université Paris I.
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Les transformations de l’Etat social français depuis 1975 : une analyse centrée sur les politiques de santé et menée au regard des standards typologiques et théoriques du changement
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LES TRANSFORMATIONS DE L’ETAT SOCIAL FRANÇAIS DEPUIS 1975 :
UNE ANALYSE CENTREE SUR LES POLITIQUES DE SANTE ET MENEE AU REGARD DES
STANDARDS TYPOLOGIQUES ET THEORIQUES DU CHANGEMENT INSTITUTIONNEL* Bruno Théret
IRISES, CNRS - Université Paris Dauphine
(article pour Economie appliquée, Tome LX – n°1, Spécial “Etat social et Politiques
de santé”, 2007)
Résumé : L’article propose une analyse de quelques changements dans le système français de protection sociale depuis 1975 qui conduit à réviser les idées devenues standards de familles d’Etat social et de dépendance de sentier. Nous montrons dans un premier temps que le système français est hybride et ne se réduit pas à ses traits bismarckiens. Dans un second temps, nous faisons apparaître l’importance de la temporalité dans les processus de réforme, qui semblent en phase avec l’enchainement de trois cycles des affaires. Enfin, nous prenons l’exemple de la santé pour montrer la place de la politique au cœur de cette temporalité.
DO CLUSTERING AND STANDARD THEORY OF INSTITUTIONAL CHANGE HELP EXPLAINING REFORMS OF HEALTHCARE POLICIES IN FRANCE SINCE 1975?
Abstract : The article aims to demonstrate that changes in the French system of social protection since 1975 call for a revision of present standard approaches of institutional change in terms of clusters and path dependency theory. First it shows that the French system cannot be reduced to its Bismarckian features, and has to be considered as hybridised. Secondly it shows that this system has not followed since 1975 a linear path ; it rather follows a rythmic evolution fitting with a series of three business cycles and specific macro-economic policies. Thirdly focussing on the heathcare system, it shows that change rests on a complex timing, and is intrinsically linked to politics.
* Cet article est une reprise actualisée et partielle d’une communication à la Conference « Welfare Reforms for
the 21st Century », du programme européen COST A15 Reforming Social Protection Systems in Europe:
Comparing dynamics of transformation of social protection systems in context of globalization and European
construction, Oslo, 5-6 April 2002. Il s’inscrit dans une recherche menée avec Jean-Claude Barbier, sociologue
au MATISSE, université Paris I.
1 - Introduction
Les réformes des systèmes nationaux de protection sociale (désormais SNPS)
sont couramment envisagées en référence à un processus unilatéral de changement
conduisant à promouvoir privatisations, ciblage des prestations et workfare. Le cas
français remet en cause cette conception en confirmant les enseignements de
l’histoire longue selon lesquels il n’y a pas de loi générale de la convergence des
systèmes sociaux, même si les processus d’imitation entre pays jouent un rôle
important dans le changement institutionnel. Il oblige ainsi la réflexion scientifique
en matière de protection sociale à repartir de trois traits du contexte actuel au plan
des faits et du régime des idées recues : tous les pays ne sont pas confrontés à des
défis identiques, mais seulement au mieux similaires; les concepts de familles
d’Etats-providence à partir desquels on raisonne le plus souvent sont inadaptés dès
lors qu’il s’agit de traiter du changement institutionnel; la temporalité des réformes
ne saurait être réduite à une question de vitesse ou de retard d’ajustement à des
normes économiques et institutionnelles universelles, mais doit plutôt être envisagée
comme l’expression d’un processus politique marqué par les rythmes économiques et
des effets d’apprentissage faisant place à de possibles changements de direction et de
contenu des réformes.
1.1. Des défis abstraitement semblables mais en fait différents
La rhétorique libérale des organisations multi et supranationales (en Europe
principalement l’OCDE et la Commission européenne) diffusée jusqu’au sein de la
recherche critique en sciences sociales, considère que les SNPSs sont
universellement confrontés à trois grands défis : un défi démographique concernant
les retraites, un défi de flexibilisation concernant l’emploi, un défi concernant la
hausse des dépenses de santé. Or, en raison de leurs différences constitutives, tous les
pays ne sont pas réellement confrontés d’une manière identique à ces défis.
Ainsi le défi démographique, lequel exigerait de passer à des systèmes de
pensions par capitalisation1, est posé en dépit des grandes différences dans les
structures démographiques des divers pays, dans les traditions nationales en matière
1 Pour une revue du débat sur cet argument, cf. [Barbier et Théret, 2004, chap. IV].
3
d’immigration, et dans la taille des populations concernées – variable essentielle en
matière de mutualisation des risques. Il est fait aussi peu de cas des différences entre
les pays qui ont déjà des systèmes de retraite par capitalisation et ceux qui n’en ont
pas, alors qu’à l’évidence les chances et l’intérêt de mettre en place de nouveaux
systèmes de ce type ne sont pas les mêmes dans les deux cas. Enfin les différences
structurelles des niveaux d’épargne et d’endettement des ménages entre pays sont
largement ignorées, alors qu’il s’agit là de variables clefs.
Pour ce qui est de l’emploi et de la promotion universelle du “welfare-to-
work”, les petits pays hautement et structurellement dépendants de leurs marchés
extérieurs ne sont pas dans une situation identique à celle des grands pays qui ont des
marchés intérieurs plus étendus et souvent inexploités en raison de structures
régressives de distribution des revenus. A l’évidence également, avec leur monnaie
hégémonique qui leur permet d’accumuler des dettes intérieures et extérieures
inaccessibles aux autres pays, les USA ne sont pas confrontés au même défi au plan
du chômage que les pays qui n’ont pas un tel pouvoir monétaire. De même l’appel au
‘workfare’ pour traiter du chômage structurel n’a certainement pas le même sens là
où le travail a toujours été une valeur positive et gratificatrice d’un statut social - ce
qui implique des emplois de qualités et des salaires qui assurent contre la pauvreté -,
que là où le travail est traditionnellement considéré comme une obligation d’ordre
ontologique associée à un prix à payer pour le péché originel [Barbier et Théret,
2001].
Quant à la nécessité d’une privatisation de l’offre de services médicaux et
d’assurance-maladie, qui découlerait de l’augmentation irrépressible des coûts de la
santé, elle ne saurait valoir de la même manière pour les pays qui ont fait le choix de
services publics universels de santé du type NHS britannique et pour ceux dont les
systèmes publics de santé font depuis toujours massivement appel à la médecine
libérale comme la France. On observe plutôt en ce cas un paradoxe du libéralisme
puisque les systèmes libéraux déjà en place sont les plus dispendieux et doivent, pour
rester universels, introduire plus de planification pour contenir leurs coûts.
4
1.2. Une utilisation typologique de la méthode comparative qui en réduit la portée
Deuxième trait du contexte actuel à reconsidérer : les effets cognitifs du
développement impétueux des recherches comparatives internationales sur les Etats
sociaux. Prévaut généralement désormais l’idée que les Etats sociaux doivent être
différenciés en types, voire être regroupés dans des familles (clusters) caractérisées
par des logiques différentes voire opposées de protection sociale. Conjointement à
une extension aux institutions de la théorie de la dépendance de sentier développée
en économie industrielle, cette idée d’une pluralité de familles d’Etats sociaux
conduit logiquement à sortir de toute vision unique et abstraite du développement du
capitalisme. Pourtant, en pratique ce n’est guère le cas. En effet, nombre de
chercheurs comparatistes tendent eux-aussi à considérer que, du fait de la
mondialisation, tous les SNPSs sont confrontés aux mêmes défis et devraient
converger vers des formes libérales communes [Esping-Andersen, 1996].
Des empreintes variées de leurs origines [Merrien, 1997], il ne subsisterait
donc qu’une dépendance de sentier expliquant des degrés variables de résilience des
différents SNPSs à des changements incontournables. Les héritages institutionnels
nationaux peuvent être des obstacles au changement, mais en fin de compte, ces
résistances ne font que donner différents rythmes - plus ou moins rapides - aux
processus standards de réforme. Mais admettre ainsi que tous les SNPSs sont en train
de s’ajuster aux réquisits de la compétitivité internationale dans le nouvel ordre
mondial libéralisé, n’est-ce pas considérer que la méthode comparative n’a d’utilité
que contingente et donc pas de valeur scientifique (universelle) ?
Ce double renversement de l’universel en contingent et du contingent en
universel était à vrai dire déjà en germe dans l’idée de familles d’Etats sociaux
regroupant des pays par ailleurs très différents. Le clustering réduit en effet la
complexité de l’état institutionnel de chaque pays et peut empêcher de comprendre
les changements réels qui s’y produisent [Théret, 1997]. Deux exemples. L’idée que
la France appartient comme l’Allemagne à la famille “conservative-corporatist”
(Esping-Andersen, 1990) ou bismarckienne (Palier, 1999)2 d’Etat social aide-t-elle à
2 En termes économiques, un modèle bismarckien est un “modèle d’assurance du revenu salarial”
tandis qu’un modèle béveridgien peut être qualifié de « modèle de transferts sociaux par l’impôt »
(Lechevalier, 2002).
5
comprendre qu’elle ait choisi, pour gérer la dépendance-vieillesse, un régime
assistanciel de type libéral béveridgien alors que l’Allemagne a adopté en ce
domaine un système d’assurance sociale ? Le clustering aide-t-il également à
comprendre pourquoi les Etats sociaux de l’Europe du Sud, classés également dans
cette même famille (dans une variante “pays attardés”), ont, depuis leur intégration à
l’Union européenne, adopté des systèmes nationaux de santé de type béveridgien ?
Se centrer sur le risque santé tend d’ailleurs à remettre en cause l’existence même
d’une famille libérale d’Etats sociaux regroupant les USA, le Canada et le Royaume
Uni. Ces trois pays ont en effet adopté des “modèles” de systèmes de santé et
d’assurance-maladie totalement différents : médecine libérale avec absence de
couverture universelle aux USA, système alliant médecine libérale et protection
universelle sur le modèle “bismarckien” au Canada, et médecine salariée dans le
cadre d’un système national de santé financé par l’impôt au Royaume Uni ?
Si regrouper en familles les Etats sociaux doit être vu comme une dérive de la
démarche idéal-typique qui constitue plus un obstacle qu’une aide pour comprendre
et expliquer leurs changements, c’est parce que cela ne laisse aucune place à l’idée
d’hybridation et réduit la dépendance de sentier des institutions à une contrainte de
voie unique3. Cela conduit en effet à penser qu’il y a seulement un seul sentier
d’évolution possible, celui inscrit dans la configuration institutionnelle du pays par
son appartenance à la famille qui dicte sa logique de développement à tous ses
membres. Dans cette perspective, les institutions ne sont vues que comme des
obstacles au changement, et non comme des ressources politiques possibles pour
l’innovation. On ne peut donc pas envisager que plusieurs chemins de dépendance
soient ouverts de façon endogène aux pays qui telle la France ont des systèmes
hybrides mélant des traits des divers “modèles”. On comprend alors que les
théoriciens du clustering, dès lors qu’ils veulent penser le changement, soient
conduits à retomber dans un universalisme qui contredit l’ensemble de leur
approche – méthodes et résultats réunis.
3 Sur l’opposition entre les concepts de clusters et d’hybridation, cf [Théret, à paraître]. Nous utilisons
ici la notion d’hybridation dans un sens légèrement différent de [R. Boyer, 2003, p. 191] qui, quant à
lui, met l’accent sur sa genèse par importation en l’opposant au changement institutionnel endogène.
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1.3. Une temporalité des réformes qui n’est pas la simple expression d’un retard
dans le développement d’un modèle économique universel
La temporalité des processus de réforme ne saurait également être réduite à
une question de retard dans un processus qui aurait vocation à s’imposer partout. Le
changement n’est pas linéaire ni unidirectionnel, il est bien plutôt le résultat de luttes
sociales et d’un processus politique d’apprentissage par essais - erreurs qui conduit à
des formules institutionnelles idiosyncratiques combinant le nouveau et l’ancien.
Pour preuve le fait que les réformes des SNPSs dépendent de contextes économiques
changeants et de politiques macro-économiques qui ne sont uniformes ni dans le
temps ni entre pays. Le cas français montre en particulier que l’Etat social a connu
divers types de réforme selon les cycles quasi-décennaux des affaires qui se sont
succédés depuis 1975 et qui ont eux-mêmes différents profils en fonction des types
de politiques macroéconomiques menées. D’une période à l’autre, le contenu des
réformes peut changer, l’échec d’une réforme dans une période pouvant être suivi par
un retournement de la politique dans la période suivante. Les représentations des
acteurs sociaux peuvent se modifier par apprentissage et conduire à des changements
de politique; les déterminants politiques, internes à chaque pays, restent cruciaux,
même quand il s’agit d’ajuster les institutions nationales à des défis externes,
lesquels dans bien des cas, tel celui des contraintes imposées par l’Union
européenne, sont en fait immanents à des choix politiques nationaux et non pas
imposés par une quelconque nature transcendantale des choses.
Dans la suite de cet article, nous cherchons à étayer ces diverses thèses à la
lumière de l’évolution, depuis les années 1970, du système français de protection
sociale et tout particulièrement de son secteur santé et assurance maladie. A cette fin,
nous rappelons d’abord (2) les différences qui séparent les SNPSs allemand et
français généralement qualifiés tous deux de bismarckiens, de façon à montrer que
par delà ses similarités avec le premier, le second a aussi des traits béveridgiens qui
lui donnent un caractère hybride. Nous montrons ensuite (3) que l’évolution du
système français de protection sociale passe par un processus continu mais non
linéaire de réformes qui est en phase avec un enchainement de cycles économiques
(de type Juglar) eux-mêmes différenciés par des types de politique économique
spécifiques. Enfin, nous nous centrons sur le système de santé (4) pour rappeler le
7
caractère paradoxal de certaines de ses réformes et le fait qu’elles résultent d’un
processus politique d’apprentissage qui n’est nullement linéaire et ne va pas
nécessairement dans la direction tracée par les préceptes néo-libéraux.
2 - Le caractère hybride du système francais de protection sociale
Les études du SNPS français conduites dans une perspective comparative ont
été menées postérieurement aux travaux internationaux fondateurs sur les divers
types d’Etat social. Elles ont ainsi pu se situer par rapport à eux et mettre en évidence
des traits importants du système français qui le distinguent significativement de son
homologue allemand. Ainsi, en matière de politiques familiales, la France ressemble
plutôt au modèle béveridgien social-démocrate “nordique” [Bradshaw et alii, 1994;
Schultheis, 1996; Merrien, 1997; Martin, 1998]. Plus généralement, le SNPS français
a été adéquatement décrit en tant que système bismarckien visant des objectifs
béveridgiens [Bonoli et Palier, 1995] [Palier, 1999].
Il exhibe bien en effet quatre traits bismarckiens : il est largement construit
sur les principes de l’assurance sociale avec des cotisations sociales employeurs et
salariés, et des prestations le plus généralement liées aux salaires et non pas destinées
à réduire la pauvreté des sans emploi; il se veut fonctionnel à une structure familiale
où seul le père (chef de famille) est apporteur de revenu, sa couverture sociale
incluant celle de sa femme et de ses enfants; il est fragmenté en multiples “régimes”;
il est relativement indépendant de l’Etat et géré conjointement par les partenaires
sociaux représentant les cotisants (syndicats et associations patronales).
Néanmoins cette organisation bismarckienne est orientée de manière à
atteindre les trois objectifs béveridgiens de l’universalité, de l’unité et de l’uniformité
[Kerschen, 1996]. Ces objectifs sont sous-jacents au développement du système
depuis sa fondation en 1945. L’extension de la protection à l’ensemble de la
population, son universalité, a été recherchée par la création continue de nouveaux
régimes étendant les risques couverts et protégeant de nouvelles catégories de
population. Dans ce processus graduel, le statut de salarié a été promu au rang
d’universel incarnant la figure même du citoyen dans le cadre d’une société de plein
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emploi où la citoyenneté (statutaire) est associée à l’emploi et aux droits sociaux qui
lui sont rattachés.
L’unité, quant à elle, a été construite sous le régime symbolique (et
comptable) de la “Sécurité sociale” rassemblant une pluralité de Caisses gérées
selon les principes du “paritarisme”, plutôt que laissée aux mains d’une bureaucratie
étatique centralisée unique. Cette unification symbolique est soutenue par le fait que
les multiples régimes catégoriels sont rendus interdépendants par le jeu d’une part de
mécanismes financiers de “compensation” notamment démographique, d’autre part
de la tutelle de l’Etat central, légitimée par le caractère obligatoire des cotisations
sociales. En outre, tous les régimes particuliers participent au financement, voire à la
gestion, de la solidarité nationale (aide sociale) qui reste entre les mains de l’Etat
[Barbier et Théret, 2001].
L’uniformité, enfin, n’est pas recherchée au travers de cotisations et
prestations forfaitaires, mais elle est néanmoins présente par le jeu de plafonds dans
le calcul des cotisations et de minima sociaux, prestations assistancielles distribuées
selon les cas par les pouvoirs publics ou les caisses de sécurité sociale.
Par ailleurs, comparé à l’idéal-type allemand, le bismarckisme du SNPS
français est peu cohérent, car il intègre une série d’institutions qui sont étrangères à
ce modèle. Le paritarisme n’est nullement un équivalent fonctionnel du système
allemand de relations industrielles [Tixier, 1998]. Les syndicats français sont divisés
et très faibles; contrairement à leurs homologues allemands, ils n’ont pas leur mot à
dire dans les décisions des entreprises (ils ne sont que consultés). En raison de la
division du mouvement syndical et du pouvoir tutélaire de la bureaucratie sociale
d’Etat, le paritarisme entre travail et capital, hors quelques exceptions, est plus
formel que substantiel [Catrice-Lorey, 1997]. Ajoutons que le droit du travail
français, en tant que composante de “l’ordre public”, est conçu comme découlant de
droits politiques universels plutôt que du statut de salarié, comme c’est le cas en
Allemagne [Mückenberger et Supiot, 1999]. Les droits sociaux relèvent ainsi plus
d’une logique de compensation d’un déficit de droits politiques des travailleurs que
d’une logique de complémentarité entre ces droits et les droits économiques. Enfin,
le système éducatif français (qui n’est pas considéré comme faisant partie de la
protection sociale contrairement à ce qui prévaut dans d’autres pays) est construit sur
9
la base d’un républicanisme libéral – proche des principes de solidarité et/ou d’équité
béveridgiens [Renard, 1995] [Kott 1996] [Bec, 1999]. Sa faible capacité de
formation de la main d’œuvre contraste avec celle du système allemand [Maurice,
Sellier, Sylvestre, 1982] [Verdier, 2000].
Il est en conséquence normal qu’un système organisé selon des principes
bismarckiens mais plongé dans un environnement politique où l’influence des
principes béveridgiens est forte, soit travaillé en permanence par des tensions
internes. Et si les traits bismarckiens du système ont constamment prévalu dans le
cours de son développement, ses objectifs béveridgiens y ont aussi été actifs. En
témoigne notamment l’universalisation progressive de l’accès aux soins médicaux et
des prestations familiales sur la base de la résidence. Et quand la contestation du
fonctionnement du système s’est développée, ses éléments béveridgiens ont en
quelque sorte agi comme ressources pour un changement dans la continuité.
Cette hybridité du SNPS français est corrélée à la dualité
économique/politique des acteurs collectifs qui se partagent le pouvoir en son sein,
ses formes bismarckiennes d’organisation étant tenues et soutenues par les
« partenaires sociaux » alors que ses objectifs béveridgiens s’inscrivent dans la
tradition républicaine universaliste qui est la base du jeu des partis politiques au sein
de l’Etat (Bonoli and Palier, 1995). Dans la mesure où le plein emploi permettait de
promouvoir l’universalisme du statut de salarié en tant que fondement de la
citoyenneté, des compromis à la fois fonctionnels au plan économique et socialement
efficaces étaient possibles entre ces deux types d’acteurs, les principes d’assurance
sociale et d’assistance publique étant dans une relation de complémentarité et non de
concurrence [Renard, 1995] [Bec, 1999]. Mais progressivement ce système a perdu
de son efficience face aux défis posés par la transformation du rapport salarial et
l’épuisement (largement endogène) du modèle fordiste d’accumulation (chômage
structurel et “exclusion sociale”; crise du modèle du male breadwinner au sein de la
famille; crise de régulation financière provoquée par la réorientation – extraversion -
du modèle de développement). Les compromis institutionnalisés initiaux entre
10
logiques béveridgienne et bismarckienne ont alors fait place à un difficile et long
processus politique de recherche de nouveaux compromis4.
La forme hybride du SNPS français, la présence en son sein de logiques
contradictoires, invalide le diagnostic libéral d’une incapacité congénitale de ce
système à se réformer. Dans la mesure où ils assimilent le SNPS français à un pur
système bismarckien à l’allemande, il n’est pas surprenant, quoique regrettable, que
ce diagnostic soit repris par les chercheurs qui raisonnent en termes de familles
d’Etat social5. A contrario, toute hybridation signifie pluralité des sentiers de
dépendance et un possible changement institutionnel par déplacement des points de
croisement entre ces sentiers. Une structure hybride constitue donc un avantage
comparatif pour un pays lorsqu’il lui faut faire face à des défis d’un type nouveau
tout en évitant le choix polaire entre continuité (intenable) et transformation radicale
(socialement traumatique). C’est en tout cas ce que suggère l’analyse des
changements que le SNPS français a connu durant les trente dernières années.
Un premier exemple nous en a été donné par l’instauration en 1991 de la
“Contribution sociale généralisée” (CSG). Cette innovation importante en matière de
financement de la protection sociale, destinée à se substituer aux cotisations sociales,
combine les caractéristiques d’un impôt et d’une cotisation sociale et doit donc,
analytiquement, être vue comme une ressource typiquement hybride. Pour autant
qu’elle est généralisée à tous les revenus (salaires, revenus sociaux de remplacement
et revenus du capital) et est intégralement non déductible du revenu imposable, elle
peut être assimilée à un impôt proportionnel, ce qui est le cas en droit français.
Cependant plusieurs de ses caractéristiques la rapprochent plutôt d’une cotisation
4 Rappelons que les compromis fondateurs de 1945 et 1947 n’ont pas eux-aussi été établis en un tour
de main, mais que près de cinquante ans et beaucoup d’essais-erreurs se sont écoulées entre les
premières grandes lois d’assurance sociale et d’assistance dans les années 1890 et le programme
consensuel du Conseil National de la Résistance. 5 Certains de ces chercheurs fondent en outre leur critique du modèle bismarckien sur cette incapacité
à se réformer. Ce faisant ils oublient que c’est le propre de tout pays incarnant au plus près un idéal-
type que d’être stable et donc résistant au changement : à ce titre, les Etats-Unis libéraux et le
Danemark social-démocrate ne sont pas plus capables de changer de voie que l’Allemagne, et si ces
chercheurs oublient de leur reprocher, c’est sans doute moins pour des raisons scientifiques que parce
que ces modèles leur conviennent mieux au plan idéologique.
11
sociale, ce à quoi elle a été assimilée par la Cour de justice européenne : elle est
strictement affectée au financement de prestations sociales ; bien qu’elle soit pour
une faible partie collectée par les services des impôts, elle ne rentre ni dans le budget,
ni dans la caisse de l’Etat ; elle est partiellement déductible du revenu taxable depuis
1995. Elle apparaît donc comme une innovation institutionelle endogène et
idiosyncratique qui ne fait que déplacer le point d’équilibre de compromis antérieur
entre les logiques bismarckienne et béveridgienne vers plus de solidarité nationale et
moins de solidarité “professionnelle”.
3 - L’importance de la temporalité dans les processus de réforme
D’un point de vue macro-économique, un trait frappant des trente dernières
années est la réapparition de cycles de croissance expansifs-récessifs courts (10 ans
environ) de type Juglar (3.1). Cette temporalité rythme également l’évolution des
budgets sociaux (3.2).
3.1. La résurgence des cycles des affaires.
Les années 1975 – 2005 connaissent en effet trois de ces cycles dont les
profils spécifiques sont à relier aux divers types successifs de politique économique
qui les sous-tendent (graphique 1).
De la dépression de 1975 à la récession de 1983, le premier cycle enchaîne une
reprise forte et rapide et une décélération cumulative qui aboutit à une croissance
quasi nulle en 1983, malgré les politiques fiscale et monétaire keynésiennes qui
continuent de prévaloir dans toute la période. Celles-ci se révèlent inefficaces car
elles sont inadaptées à une économie en voie d’internationalisation de plus en plus
rapide. La croissance est de plus en plus tirée par les exportations et les salaires
deviennent moins un facteur de demande interne qu’un coût devant être réduit pour
des raisons de compétitivité. D’où la stagflation, c’est-à-dire un taux de chômage
sans cesse croissant et qui atteint 8.1% en 1983 accompagné d’une haute inflation
persistante d’un taux moyen de 10.6% sur la période (graphique 2). Cette inflation
affaiblit la monnaie et la décélération de la croissance à partir de 1979, combinée à
une hausse des taux d’intérêt, creuse le déficit des budgets publics (graphique 3). En
12
pleine récession de 1983, le Président Mitterrand abandonne tout keynésianisme et
opte pour une stratégie de “franc fort” et une politique budgétaire restrictive.
Cette conversion abrupte des socialistes français au monétarisme et le changement
subséquent de politique économique explique le profil différent du nouveau cycle qui
va mener à la dépression de 1993. Avec la “désinflation compétitive” [Lordon, 1997]
qui combine monnaie forte liée rigidement au mark allemand afin de réduire
l’inflation, rigueur salariale et politique budgétaire restrictive, la reprise économique
se fait cette fois très lente. La tendance à la hausse du chômage n’est de ce fait pas
arrêtée avant 1987 ; son taux dépasse alors les 10%. La phase descendante du cycle
voit quant à elle une chute drastique du taux de croissance (–1.3% en 1993) qui
mène la France à la pire dépression qu’elle ait connue depuis 1945, le taux de
chômage y atteignant les 12%. Mais l’objectif de réduction de l’inflation est atteint,
celle-ci étant ramenée de 10 à 2%. Toutefois, cette désinflation n’est guère
compétitive, car en dépit de la désindexation des salaires, la surévaluation de la
monnaie rend difficile le maintien du haut degré d’ouverture international
préalablement atteint. Source d’une hausse continue, malgré une dérégulation
financière, des taux réels d’intérêt, la politique monétariste menée limite finalement
le niveau des ressources publiques alors même que le développement du chômage de
longue durée et de la pauvreté augmente la demande sociale de protection.
Graphique 1 : Croissance réelle du PNB
-2,5-2
-1,5-1
-0,50
0,51
1,52
2,53
3,54
4,55
5,56
6,57
7,5
1961
1963
1965
1967
1969
1971
1973
1975
1977
1979
1981
1983
1985
1987
1989
1991
1993
1995
1997
1999
2001
2003
2005
Année
% c
rois
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ce a
nn
uelle
USA
France
UE15
Stagflation Désinflation compétitive Passage à l'UEMEurofort
Source : OCDE
13
Les réformes de la protection sociale répondent désormais à de strictes
considérations financières, d’où des plans successifs de coupures budgétaires. Cette
rigueur financière est à associer à la mise sur l’agenda politique européen de l’Union
économique et monétaire [Jobert et Théret, 1994].
Dans le troisième cycle économique (1994–2003), la croissance est
essentiellement tirée par les exportations. Une balance commerciale positive et une
inflation très faible soutiennent une baisse des taux d’intérêt qui réduit la charge de la
dette publique et donc les déficits budgétaires. Toutefois, malgré la reprise, en raison
d’effets d’hystérésis, le chômage est d’abord seulement stabilisé au plus haut niveau
qu’il ait encore jamais atteint (12%), puis il baisse fortement de 1997 à 2001, année
où il revient à son niveau de 1983. Son retournement à la hausse à cette date annonce
la nouvelle récession de 2003.
Graphique 2: Inflation et chômage : d'une coévolution au dilemme
0
2
4
6
8
10
12
14
1960
1962
1964
1966
1968
1970
1972
1974
1976
1978
1980
1982
1984
1986
1988
1990
1992
1994
1996
1998
2000
2002
2004
Années
%
Aux USA
Chômage en France
Dans l'UE à 15
France : déflateur du PNB
Source : OCDE
14
L’année 1994 inaugure en fait une nouvelle période au plan économique et social
avec d’un côté le passage à l’UEM (mise en place du marché unique européen en
début de cycle et premiers pas de l’euro dans la récession en fin de cycle), de l’autre
un changement qualitatif en matière de politiques sociales avec trois réformes
d’ampleur : la réforme des retraites du régime général en 1993, justifiée par le
creusement des déficits publics en cette année de dépression ; la réforme du régime
des pensions des fonctionnaires qui la complète en 2003, justifiée à son tour par un
nouveau creusement du déficit en cette année de récession6 ; et entre les deux, le
« plan Juppé » de 1995 s’attaquant aux régimes spéciaux de retraites et visant une
réforme d’ampleur de l’assurance-maladie et du système de soins.
3.2. Une évolution des prestations sociales également différenciée par phases
On retrouve dans l’évolution quantitative des budgets sociaux, quoique sous une
forme atténuée, la temporalité cyclique des variables macroéconomiques, ce qui
reflète l’impact des politiques macro-économiques sur les politiques sociales
(graphique 4). Ainsi, pour ce qui est de la récurrence des cycles, la dépense sociale
apparaît contracyclique puisque, dans les phases descendantes, la part des prestations
sociales dans le PIB ne baisse jamais, ce qui se produit en revanche dans les phases
6 On notera que des réformes structurelles sont ainsi justifiées par des situations conjoncturelles qui
permettent de dramatiser l’état des comptes sociaux.
Graphique 3 : Taux réels d'intérêt et déficit public
* Pour plus de détail, cf. [Canry, 2006]. * nb : nouvelle base 1995 ; nb’ : nouvelle base 2000. ** Ménages individuels et institutions de prévoyance (pour moins d’un quart).
21
Du côté des dépenses, moins une tendance de changement linéaire qu’une alternance de politiques contraires selon les cycles des affaires
En matière de prestations en effet, on observe une oscillation entre des politiques
de rationnement de l’offre et des politiques de désocialisation de la demande, même
si les unes ou les autres ne sont jamais exclusives. Ainsi durant la stagflation, le
numerus clausus (c’est-à-dire le nombre d’étudiants autorisés à s’inscrire en
deuxième année de médecine) institué dès 1971 est-il progressivement resserré,
passant de 8700 à 5000 entre 1975 et 1983, alors que la politique principale du côté
de la demande consiste à ajuster les ressources aux dépenses.
Dans la période de désinflation compétitive, le numerus clausus est encore
resserré, mais de manière bien plus modeste (120 places supprimées par an en
moyenne entre 1983 et 1993 au lieu de 462 sur 1975-83), et en 1990, date à laquelle
32% de l’ensemble des praticiens conventionnés sont autorisés à dépasser les tarifs
conventionnels des actes médicaux, le secteur II qui les regroupe depuis 1980 voit
son développement stoppé. Par ailleurs, en 1984 est institué un régime de dotation
globale pour les hopitaux publics et privés non-lucratifs limitant leur financement
annuel. C’est là une mesure de rationnement de la seule offre publique, la mesure
n’étant pas étendue au secteur hospitalier privé dont les dépenses peuvent continuer
de croître. Aussi est-ce plutôt du côté d’une désocialisation de la demande, combinée
à une augmentation des cotisations salariés, qu’est recherché dans cette période
l’ajustement à une norme d’équilibre budgétaire désormais durcie : imposition en
1983 d’un forfait hospitalier journalier non remboursé; hausse du « ticket
modérateur » dans le secteur ambulatoire avec les plans Seguin de 1987 et Veil de
1993 [Join-Lambert et alii, 1997, chap. 14].
Mais ces politiques de rationnement de l’offre publique et surtout
d’"individualisation" de la charge des soins se révèlent à la fois inefficaces et
inéquitables. Elles ne réduisent pas la progression de la consommation de soins et
biens médicaux, elles ne font que s’inscrire dans une tendance de long terme, initiée
en 1970, à la décélération de la croissance de cette consommation (graphique 5)
[DREES, 2003, T.01, p. 3]. Et si la part de l’Etat et de la sécurité sociale dans le
financement d’ensemble de la dépense est bien réduite, c’est au prix d’une
augmentation de la part des ménages dans ce financement (tableau 2), ce qui met en
défaut l’idée d’aléa moral, censée légitimer ce type de mesure.
22
Ces politiques sont aussi sources d’inéquité tant sociale que géographique. Le
rationnement hospitalier entraîne une inégalité croissante dans l’allocation territoriale
des ressources entre hopitaux, fixée sur la base d’une distribution de départ déjà
fortement inégalitaire [Pierru, 1999]. Quant à la baisse de la couverture sociale de la
dépense, elle conduit à réduire l’accès aux soins pour les plus démunis [Mormiche,
1995]. Car si une grande partie de la population peut compenser la baisse de sa
couverture de base en faisant appel à des assurances complémentaires, pour
l’essentiel mutualistes (tableau 2), les groupes sociaux aux revenus les plus bas n’ont
en revanche que peu accès à celles-ci [Rupprecht, 1999a] ; ce sont donc eux que les
politiques de désocialisation et de rationnement touchent au premier chef, ce qui
agrave significativement les inégalités d’accès aux soins.
Graphique 5
[DREES, 2003]
Aussi n’est-il guère surprenant qu’au début des années 90, “le politique
découvre l’importance des inégalités sociales face à la maladie et à la santé, véritable
« angle mort » des politiques sanitaires » (Kerleau, cette revue). A vrai dire, cette
découverte est aussi celle d’une fenêtre d’opportunité qui s’ouvre pour la classe
politique et la bureaucratie sociale qui trouvent là une occasion d’affirmer leur
pouvoir face aux partenaires sociaux contrôlant la gestion de l’assurance maladie,
23
secteur symbolique sensible s’il en est au plan politique. Les politiques
d’individualisation et de rationnement dans le seul secteur public sont alors remises
en cause. Elles vont faire place, notamment avec le “plan Juppé” de 1995, à des
politiques contraires de resocialisation de la demande (extension par l’Etat aux plus
démunis de l’universalisation de la couverture assurantielle, y-compris protection
complémentaire) et à une régulation d’ensemble de l’offre visant à “discipliner les
comportements des distributeurs de biens et de services” [Kerleau, cette revue]
(rationnement dans le secteur libéral ambulatoire via une maîtrise médicalisée des
dépenses; planification des besoins dans le secteur hospitalier)10.
Le cycle de passage à l’UEM connaît donc un revirement de politique
correspondant à une forte affirmation des préférences béveridgiennes propres aux
élites étatiques, la nouvelle politique de réforme allant de pair avec une hausse du
degré d’étatisation du système de santé. Néanmoins, comme cette étatisation
croissante ne peut que conduire à une politisation, elle rend la capacité de réforme
d’autant plus sensible à la situation politique conjoncturelle. Or le plan Juppé pour la
santé, pris dans un paquet plus large de réformes et préparé dans le secret de façon
bureaucratique, sans aucune concertation, va se heurter à de nombreuses oppositions
tant du côté du corps médical que des élus locaux et de la plupart des syndicats
[Dehove et Théret, 1996]. Ces oppositions conduiront d’abord à la mise sous le
boisseau des mesures les plus radicales en termes de régulation de l’offre, puis à la
chute du gouvernement et à son remplacement, avec alternance politique, par le
gouvernement Jospin qui reprendra à son compte la réforme mais en en réduisant le
degré d’étatisation.
En effet, la plupart des volets institutionnels (LFSS, ONDAM, réforme des
conseils d’administration des caisses, ARH, etc.) ainsi que ceux relatifs à la
fiscalisation du financement (CSG, CRDS, incorporation des revenus de
remplacement dans la base taxable - sauf allocations familiales) seront maintenus.
Mais l’universalisation de l’assurance maladie (AMU) sous la forme d’une
intégration générale des caisses et de droits ouverts par la résidence ne sera pas
poursuivie ; elle sera remplacée en 1999 par une universalisation de l’accès aux soins
10 On renvoie pour des analyses plus détaillées de ces mesures et de leurs enjeux à l’article de M.
Kerleau [cette revue] ainsi qu’à [Barbier et Théret, 2004].
24
dans le cadre bismarckien préexistant avec l’instauration d’un vingtième régime dit
de Couverture Maladie Universelle (CMU). C’est là encore un bel exemple
d’objectif béveridgien poursuivi avec des moyens bismarckiens. En effet, le nouveau
régime, financé par l’Etat, d’une part intègre au régime général d’assurance maladie
tous ceux qui auparavant n’y avaient pas accès (les personnes relevant de l’assistance
médicale gratuite départementale – qui disparaît - comme celles qui n’en relevaient
pas), d’autre part ouvre l’accès à une couverture complémentaire (CMUC) aux
personnes au revenu inférieur à un certain plafond.
Pour ce qui est de la régulation de l’offre, le gouvernement Jospin se heurtera
à son tour à une violente opposition des médecins libéraux et de certains élus locaux,
qui réussiront à la mettre en échec : le refus des pénalités pour dépassement des
enveloppes sera entériné par des décisions de justice, ce qui décrédibilisera
l’ONDAM ; le freinage de l’informatisation du système de santé limitera les
possibilités de maîtrise médicalisée des dépenses ; le développement du recours aux
médicaments génériques restera lent ; les réallocations territoriales des équipements
sanitaires seront mises en échec au niveau local, etc. Comment s’en étonner ? Dans
une période où l’accroissement des inégalités de revenus est posée publiquement
comme parfaitement légitime, voir nécessaire au plan économique, il est
difficilement défendable politiquement, surtout à droite de l’échiquier politique,
d’imposer une limitation de son revenu à un groupe professionnel indépendant,
hautement qualifié, et de statut social élevé. Il est politiquement plus facile, bien
qu’inefficace à long terme, de diluer la contrainte d’ajustement budgétaire en
revenant à une régulation de la demande, ce que fera la droite de retour au pouvoir en
2002.
Prenant acte de l’opposition irréductible et structurelle des médecins libéraux
à toute régulation de leur activité et de leur revenu, et suite aux grèves de médecins
en 2001, la droite revenue au pouvoir commencera en effet sa législature par un
cadeau électoral en imposant aux caisses d’assurance maladie une augmentation de
6% des tarifs des actes. Les réformes subséquentes de fin 2002 (Plan Hopital 2007)
et la réforme de l’assurance maladie d’août 2004, bien que dans la continuité du
processus d’étatisation-fiscalisation-renégociation du paritarisme des années 1990,
abandonneront également toute vélléité de réguler l’offre “privée” de soins, et
25
reviendront à une régulation de la demande11. Mais alors il ne va plus s’agir de
simples bricolages relatifs aux taux de remboursement des soins et autres biens
médicaux, même si ceux-ci sont fortement remobilisés, mais aussi d’une recherche
de régulation plus systémique de cette demande, qui prend appui sur une définition
restrictive et flexible (par une “Haute Autorité de la Santé”) de paniers de soins
devant être couverts par l’assurance de base et/ou une assurance complémentaire. Ce
faisant, conjointement à une libéralisation du recours aux dépassements de tarifs des
actes (au risque d’une inflation incontrôlée), une orientation fortement marchande
est donnée au système de santé [Batifoulier, Domin et Gadreau, cette revue].
Ainsi, avec le nouveau cycle des affaires qui démarre après la récession de
2003, va de pair un nouveau basculement de la politique de santé. Tout se passe
comme si le politique avait appris d’une part qu’il ne pouvait affronter le pouvoir des
médecins et qu’il valait donc mieux tenter de revenir à des politiques de maîtrise de
la demande, d’autre part qu’il ne pouvait pas passer en force face aux intérêts
organisés des partenaires sociaux et des groupes sociaux concernés. Aussi est-ce en
contrepartie d’un “paritarisme revivifié “ et de “contrats responsables” associant
notamment plus étroitement les mutuelles au cœur du système, que la réforme a été
négociée, ce qui au passage prouve que le bismarckisme n’est pas nécessairement un
obstacle à un changement de type néo-libéral.
Il reste néanmoins à voir si une telle orientation, qui fera à coup sûr ressurgir
des inégalités en termes d’accès aux soins et qui se traduit déjà par une perte de
liberté du “consommateur”, résistera d’abord - à court terme - à un changement de
majorité politique, ensuite - à plus long terme - à la prochaine dépression
économique (tableau annexe). En outre, l’expérience des Etats Unis suggère que
cette dernière réforme stabilisera sans doute moins le niveau de la dépense de santé
qu’elle ne confortera une nouvelle coalition inflationniste.
11 On ne détaille pas ici ces réformes car elles sont décrites et analysées in extenso dans les articles de
Ph. Batifoulier, J.-P. Domin et M. Gadreau d’une part, de M. Kerleau d’autre part dans ce même
numéro.
26
4.2. D’une coalition inflationniste à l’autre
En dehors des facteurs objectifs de croissance de la demande de soins que
sont le vieillissement de la population et la pendémie du sida, la hausse de la dépense
de santé a été aussi, jusqu’au début des années 90, associée à l’existence d’une
“coalition inflationniste”. Les syndicats de salariés et patronaux, co-administrateurs
de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie, soutenaient cette hausse avec l’accord
des organisations professionnelles de médecins et d’une industrie pharmaceutique
puissante [Damamme et Jobert, 2000]. En vérité, cette coalition fut tout à fait
efficiente pendant l’ère fordiste, la forte progression des dépenses d’assurance
maladie due au développement des dépenses de santé, mais aussi à la montée en
charge progressive du système de protection sociale, se faisant sans déséquilibre
majeur [Join-Lambert et alii, 1997, p. 514]. Mais le ralentissement de la croissance et
les récessions récurrentes ont mis en crise une telle gestion du système, désormais
décrit, du point de vue de l’Etat, comme plus coûteux et moins efficient
économiquement que ceux des autres pays européens [CAE, 1999] [Breuil-Genier et
Rupprecht, 1999].
Or la réforme de 2004 de l’assurance maladie laisse entrevoir une
configuration d’intérêts sociaux qui pourrait bien constituer la base d’une nouvelle
coalition inflationniste. Le cœur en serait l’alliance entre l’Etat et la médecine
libérale, et la périphérie, les partenaires sociaux gestionnaires des caisses
maintenues12 ainsi que les organismes d’assurance complémentaires (dont la
mutualité) qui sont désormais intégrés au système en tant que composantes à part
entière. Mais une telle coalition est-elle stable ? Peut-elle s’avérer fonctionnelle à un
développement économique renouvelé comme l’ancienne a pu l’être ? A ce point, on
ne peut s’empêcher de penser à l’hypothèse formulée par Robert Boyer d’un nouveau
régime d’accumulation anthropogénétique, c’est à dire fondé précisément sur le
développement de la santé et plus largement du capital-vie des individus [Boyer,
2004].
12 La CFDT ayant remplacé CGT-FO en tant que partenaire du MEDEF, lequel accepte à nouveau de
siéger dans les conseils d’administration. Au sein du MEDEF, le secteur des industries
pharmaceutiques semble aujourd’hui dominé par celui de la finance assurantielle.
27
Autre question posée par la place dans cette nouvelle coalition des
mutuelles, organismes non lucratifs auxquels les salariés peuvent adhérer sur une
base professionnelle ou interprofessionnelle : dans la mesure où celles-ci peuvent
être considérées comme des formes bismarckiennes de protection sociale, dès lors
qu’elles prennent en charge l’essentiel des coûts de l’individualisation, peut-on
assimiler individualisation et privatisation ou marchandisation ? Ne doit-on pas
plutôt considérer que, dans une perspective d’assurance du revenu salarial, le niveau
global de la dépense socialisée – sécurité sociale et mutuelles - n’a pas véritablement
diminué jusqu’à ce jour (cf. tableau 2) ? Répondre à cette question implique
d’examiner l’évolution du comportement de ces organisations sous la pression d’une
Commission européenne qui n’a pas reconnu leur statut spécifique et les a assimilées
à des compagnies d’assurance standards. Sont-elles en train de se marchandiser ?
Conclusion
Les systèmes de santé et d’assurance maladie français ont connu de nombreux
changements institutionnels dans les trente dernières années. Ces changements ne
vont pas tous dans le même sens. Ainsi a-t-on assisté à une “disqualifation de la
tentation libérale” [Pierru, 1999] puis à sa réhabilitation. Les réformes sont à la fois
le fruit et la source d’essais-erreurs reflétant des incertitudes dans les conceptions de
la protection sociale, mais aussi de stratégies contingentes et conflictuelles menées
par divers acteurs sociaux poursuivant leurs intérêts à court terme. Aussi les
nouvelles formes institutionnelles émergentes comme la CSG et la CMU sont-elles
idiosyncratiques tout en mêlant à des degrés divers des traits bismarckiens et
béveridgiens présents simultanément dès l’origine dans le système. Ces formes et
surtout leur configuration d’ensemble ne sont pas actuellement stabilisées car les
conflits relatifs à leur pertinence ne sont pas réglés. En outre, les rapports des forces
sont d’autant plus susceptibles de changer qu’il faut compter désormais avec une
politisation extrême des questions de protection sociale et un impact direct sur elles
de ce qui se passe au niveau européen.
Le changement est dépendant du sentier et des héritages institutionnels, mais
dès lors que l’on est dans des systèmes hybrides, fruits de compromis entre des
logiques différentes de protection sociale, cette dépendance doit être conçue non pas
28
comme unilatérale mais ouvrant sur des avenirs multiples. Bien que des principes
béveridgiens influencent les développements actuels de façon cruciale, ce qui
explique le mouvement d’étatisation, les institutions qui en résultent sont encore
certainement de type bismarckien. Il semble aussi qu’une nouvelle alliance entre
forces sociales paritaristes, renforcées par la mutualité, et forces politiques d’Etat
soit en cours de formation.
Le rythme des processus de réforme, conditionné tant par des variables
économiques que politiques, a une importance cruciale. Il reflète la causalité multiple
de ces processus, les rationalités des acteurs sectoriels interférant avec les logiques
globales du système politique national, des acteurs économiques internationaux, et
du management bureaucratique de la macro-économie. Enfin, comme le révèle, pour
la période étudiée, l’épisode des années 1993-97, la politique importe autant que les
institutions et les représentations des acteurs dominants. Une réforme peut être
défaite si elle se produit dans un cadre d’instabilité politique, si elle prend trop de
temps pour s’implanter ou doit être retardée. Des influences externes ou plutôt
externalisées - on pense notamment à la contrainte budgétaire transférée au niveau
de l’Union européenne - ont été aussi importantes dans les réformes de la période,
mais elles n’ont surement pas été décisives. Cela dit, plus celle-ci gagne en
compétences, plus cette influence deviendra centrale.
29
Tableau annexe : Rythmes politiques et économiques Présidence Premier ministre Réformes Temporalité
économique 1974 Giscard
d’Estaing Chirac Assurance
chômage
1975 Accélération du déplafonnement des cotisations
Balladur Réforme des retraites du régime général. Plan Veil
Dépression, puis cycle “Passage à l’UEM” (entrée en vigueur du Traité de Maastricht)
1995 Chirac 1 Juppé Plan Juppé pour la Santé : LFSS, ONDAM, CRDS, ARH, RMO
1997-2001 Cohabitation 3 Jospin
PSD, CMU (2000)
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2005 Villepin 2007 Nouvelle élection
: Droite ou gauche ?
Changement de politique ?
2012-13 Nouvau Nouvelle
30
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