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Stella Chryssoulaki Yannis Tzedakis Yanna Veniéri Sophia Voutsaki Les routes minoennes : Rapport préliminaire - Défense de la circulation ou circulation de la défense In: Bulletin de correspondance hellénique. Volume 113, livraison 1, 1989. pp. 43-75. Citer ce document / Cite this document : Chryssoulaki Stella, Tzedakis Yannis, Veniéri Yanna, Voutsaki Sophia. Les routes minoennes : Rapport préliminaire - Défense de la circulation ou circulation de la défense. In: Bulletin de correspondance hellénique. Volume 113, livraison 1, 1989. pp. 43- 75. doi : 10.3406/bch.1989.4708 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bch_0007-4217_1989_num_113_1_4708
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Stella ChryssoulakiYannis TzedakisYanna VeniériSophia Voutsaki

Les routes minoennes : Rapport préliminaire - Défense de lacirculation ou circulation de la défenseIn: Bulletin de correspondance hellénique. Volume 113, livraison 1, 1989. pp. 43-75.

Citer ce document / Cite this document :

Chryssoulaki Stella, Tzedakis Yannis, Veniéri Yanna, Voutsaki Sophia. Les routes minoennes : Rapport préliminaire - Défensede la circulation ou circulation de la défense. In: Bulletin de correspondance hellénique. Volume 113, livraison 1, 1989. pp. 43-75.

doi : 10.3406/bch.1989.4708

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bch_0007-4217_1989_num_113_1_4708

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RésuméCe programme systématique d'étude du réseau routier minoen a commencé par une série d'étudespréliminaires (topographie des habitats minoens contemporains, qui devaient être reliés entre eux ;étude de la toponymie ; étude des informations fournies par les voyageurs et les archéologues) et parune analyse méthodique des principes de base ayant présidé à la construction de ce réseau. Larecherche sur le terrain a commencé en 1984, en Crète occidentale, dans la région de Samônas-StylouApokorônou, où ont été découvertes deux routes parallèles, de technique semblable, mais de datesdifférentes. Puis on a choisi comme région pilote le Sud-Est de la Crète qui a été longuement exploré.Ce réseau routier provincial est comparable aux autres constructions publiques minoennes. Il a ététracé et entretenu au prix des mêmes dépenses d'énergie que les grands bâtiments. Il est encadré parun réseau serré de constructions isolées faites de gros blocs. Leurs caractéristiques, semblables d'unbâtiment à l'autre, amènent à penser qu'il s'agit d'un programme de construction dû à un pouvoir centralréalisé à des fins militaires.

περίληψηΤό πρόγραμμα συστηματικής Ιρευνας του μινωικού όδικοΰ δικτύου εϊχε προετοιμασθεί άπό μία σειράπροκαταρκτικών μελετών (τοπογράφηση μινωικών σύγχρονων οικισμών οί όποιοι θά πρέπει ναεπιζητούσαν τή μεταξύ τους σύνδεση — μελέτη της τοπωνυμίας — μελέτη των στοιχείων πούπαραδόθηκαν άπό τους ταξιδιώτες καί τους αρχαιολόγους) καί άπό μεθοδική ανάλυση τών βασικώναρχών γιά τήν κατασκευή του δικτύου αύτοΰ. Ή επιτόπου διερεύνηση άρχισε τό 1984 στή Δυτική Κρήτη,στην περιοχή Σάμωνα-Στύλου Άποκορώνου δπου αποκαλύφθηκαν δύο δρόμοι παράλληληςκατεύθυνσης, παρόμοιας κατασκευής αλλά διαφορετικής χρονολόγησης, καί επιλέχθηκε μετά μίαπεριοχή πιλότος στό νοτιοανατολικό άκρο της Κρήτης ή οποία έχει διερευνηθεί διεξοδικά. Αυτό τόεπαρχιακό οδικό δίκτυο εντάσσεται στά δημόσια έργα υποδομής του μινωικού κόσμου. Χαράχθηκε καίσυντηρήθηκε μέ τίς ίδιες προσπάθειες πού χρειάστηκαν γιά τήν κατασκευή τών μεγάλων κτηρίων.Πλαισιώθηκε άπό ένα πυκνό πλέγμα μεμονωμένων μεγαλιθικών κτισμάτων. Τά χαρακτηριστικά αυτώντών κατασκευών, τά όποια είναι πανόμοια, οδηγούν στή σκέψη δτι πρόκειται γιά οικοδομικό πρόγραμμακεντρικής εξουσίας πού πραγματοποιήθηκε γιά στρατιωτικούς λόγους.

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LES ROUTES MINOENNES :

RAPPORT PRÉLIMINAIRE1

DÉFENSE DE LA CIRCULATION

OU CIRCULATION DE LA DÉFENSE?

Définitions : Qu'est-ce qu'une route*?

Le premier constructeur de routes est l'homme qui, chasseur ou chassé, s'est frayé de ses mains et de son corps un passage dans la forêt, qui, s'il est réutilisé par la suite, peut se transformer en chemin praticable. Plus tard, le besoin de communiquer et de commercer a amené l'homme à organiser un tracé routier. Cet effort est commandé par deux principes majeurs : définir la distance la plus courte entre les points à relier et trouver les endroits qui demandent le moins d'effort pour la construction tout en offrant le plus de sécurité possible. C'est ainsi que les passages choisis en premier ont été les vallées, les cols, les gorges, les gués et les passages qui ne demandent ni aménagement ni intervention. L'acquisition des techniques de construction de routes a évidemment hérité de la technique de construction de l'habitat. Jusqu'à aujourd'hui, les historiens des techniques de construction ont distingué les étapes suivantes à propos des routes dans l'Antiquité :

(1) La fouille de Χοιρόμανδρες n'étant pas terminée, non plus que la recherche sur le terrain, il est possible que les plans architecturaux ou topographiques comportent des erreurs ou omissions qui seront éliminées ultérieurement. Ces relevés sont dus à la collaboration de Liana Kyriopoulou, architecte, avec Antonis Pentaris, topographe.

Le plan topographique d'AmbéJos- Katsounakia est de l'ingénieur David Smyth, aidé de Sandy et Steve Mac Gillivray. Les plan comparés des postes de garde (flg. 22) ainsi que celui du soubassement du poste de Χοφόμανδρες (flg. 28) sont extraits des carnets de fouille. Kostas Bobos, peintre, est responsable de la présentation finale de l'ensemble des plans, relevés et croquis.

Les prises de vue ont été réalisées par Stéfanos Alexandrou, photographe. (2) Dans le texte qui va suivre, nous avons utilisé les termes mentionnés dans le glossaire. R. Peltier,

Manuel du laboratoire routier (1959). Ch. Laggiôti, Τεχνολογία ολικών οδοποιίας Ι, Αδρανή υλιχά (1960). Κ. Terzaghi, R. Peck, Εφηρμοσμένη ιδαφομηχανιχ-η Α-Β (1969). R. Coquand, Routes Ι, circulation-tracé (1962); II, construction-entretien (1962).

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— la route comme moyen de communication terrestre pour piétons et montures au tracé simple, ne nécessitant que quelques travaux pour réduire les pentes les plus importantes, évacuer les eaux de pluie et combattre l'affaissement du sol;

— la route à véhicule — moyen de transport de marchandises : il faut alors veiller à la largeur du tracé, atténuer la déclivité et construire des chaussées résistantes;

— les routes militaires comme les Romains en ont surtout construit, qui créent un réseau routier complet traversant la totalité de l'Empire dont les éléments nouveaux sont des tracés en ligne droite, des virages très élargis et des pentes douces. Ce réseau était protégé par les postes de vigiles construits sur le limes3.

Hypothèses de travail.

Le réseau routier minoen ne diffère pas de ceux des civilisations contemporaines, même celles qui n'ont aucun rapport avec la Crète minoenne4. Nous observons la même logique dans son organisation qui répond au besoin de relier le centre urbain à ses habitats satellites, mais aussi la ville aux autres villes de l'île.

La ville minoenne est définie par sa double fonction économique — donc commerciale — et religieuse, qui demande un réseau urbain bien organisé servant au transport des marchandises et/ou aux déplacements pour les cérémonies, célébrations et festivités religieuses. Pourtant, le niveau de développement du monde minoen ne suffit pas à expliquer à lui seul la haute qualité de l'organisation et de la technique du réseau routier. Deux autres catégories d'éléments entrent en jeu :

— la formation géomorphologique de la couche supérieure de la terre Cretoise qui réduit à l'extrême les possibilités de passages terrestres en limitant en même temps la navigation à une période très restreinte dans l'année et

— l'organisation administrative de la vie publique minoenne.

Inversement, le déchiffrement des facteurs présidant à l'établissement du réseau routier, à sa construction, son fonctionnement et sa sémiotique, nous conduira à formuler un certain nombre d'hypothèses sur les rapports administratifs, économiques et sociaux existant au sein du monde minoen aux diverses périodes de son histoire. En effet, la qualité et les exigences techniques des travaux publics, par leur coût, leur importance dans les rouages de la société et leur fonction de communication demandent une certaine planification et un programme d'exécution.

La topographie historique.

Une deuxième hypothèse de travail consiste à indiquer sur la carte l'emplacement des sites servant de points de communication, qui sont, bien entendu, contemporains5. C'est ainsi que sur trois cartes successives, nous obtiendrons les trajectoires externes utilisées entre 1700 et 1200 av. J,-C. D'autres cartes plus détaillées — et moins sûres en même temps — donnent les trajectoires internes d'une région en reliant le centre urbain à

(3) A. Poidebard, La trace de Borne dans le désert de Syrie des limes de Trajan à la conquête arabe, Recherches aériennes, Atlas (1925-1932) (1934).

(4) J. Hyslop, The Inka Road System (1984). (5) J. D. S. Pendlebury, The Archaeology of Crète (1965), p. 7-16.

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son port, ses lieux de culte (grotte ou sanctuaire de sommet), ses zones de ravitaillement (champs, pâturages, bois, carrières) et les villages, hameaux, maisons isolées ou «villas» qui en dépendent.

Les tracés hypothétiques se forment après l'assemblage des deux tableaux précédents : les contingences géomorphologiques du tracé et les sites qui demandent à être reliés.

Il faudrait noter quelques points qui facilitent cette tâche : — Il s'agit d'une île de montagnes et de falaises qui présente un choix très restreint

pour un tracé routier. — Une fois le chemin trouvé et construit, on change difficilement de trajectoire à

moins qu'un centre cesse d'être habité dans la période suivante. — Un tracé est souvent utilisé pour servir à plusieurs centres urbains. On utilise

alors le corps principal du tracé en ajoutant des bifurcations.

Historique de la recherche.

C'est en janvier 1984 que le premier noyau de l'équipe s'est formé, commençant tout de suite une recherche bibliographique tant dans le domaine des techniques de construction que dans celui des rapports des «géographes anciens», comme les appelle J. D. S. Pendlebury6. Cette recherche a non seulement continué jusqu'à aujourd'hui mais a inclus les publications, les rapports de fouilles, les notes et les chroniques de l'ensemble des recherches effectuées sur l'île7.

La recherche sur le terrain a commencé en avril 1984, en Crète occidentale, dans la région de Σαμωνάς-Στύλος Αποκορώνου. Après les premières découvertes de routes, datées du MR I A (fig. l)etMRIII (fig. 2) par des sites situés à leur extrémités, nous avons voulu préciser la datation sur la seule base de la technique de construction, ce qui nous a amenés tout d'abord à étudier toutes les routes de la région, des routes antiques et médiévales jusqu'aux calderims turcs et aux chemins du siècle dernier en usage jusqu'en 1960, puis à vérifier ces informations par la fouille et l'étude de la seule route qui semblait être, d'après la bibliographie relative, exclusivement minoenne. Celle-ci, sans être une rue du réseau urbain — puisqu'elle menait du bâtiment d'Avεμόσπηλ^,α au temple de Γιούχτας, dans la région d'Apxdcveç, était déjà datée.

Une étude comparative de la route MR III de la nécropole dΆpμέvot, à Ρέθυμνο, s'est ajoutée à la sériation des constructions routières qui dépendent de la nature du sol. C'est ainsi qu'en mai 1986, nous avons commencé l'étude d'une région de la Crète de l'Est, choisie comme région pilote (fig. 3, dépliant à la fin de l'article) pour le programme des routes minoennes.

Méthodes de recherches sur le terrain.

Les hypothèses de travail, la recherche en bibliothèque, la constitution de cartes sont bien rassurantes quand nous sommes assis devant notre bureau. Mais par où commencer quand on se trouve au milieu d'une plaine, au sommet d'une colline ou au col d'une

(6) Ibid., p. 16-19 et liste p. 381. (7) Sophia Voutsaki est la responsable des archives du programme.

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Αγριμολί ΣαμΜν·

«ραυος

Fig. 1.

Σαμωνάς —

Αγριμολέ

: relevé

topographique et

plan architectural d'une partie de la route M

RIA.

Fig. 2.

Σαμωνάς —

Κυλίνδρα

: relevé

topographique et

plan architectural d'une partie de la route M

RIII.

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Fig. 4. — Σκάφη : le poste central de Σκάφη. Le mur en haut à gauche appartient au «mitato» construit sur la terrasse du poste de garde, qui a réutilisé des matériaux de construction minoens.

Fig. 5. — Καλή Εληά : l'intérieur du poste de garde de Καλή Εληά, occupé par une aire de battage.

montagne rocheuse, grise et étincelante sous la lumière ardente du Sud méditerranéen? Nous avons fondé notre démarche sur les rapports du voyageur Evans, futur fouilleur du palais de Knossos8, pour retrouver les routes minoennes et les bâtiments qui les

(8) A. J. Evans, J. L. Myres, «A Mycenaean Military Road in Crète», The Academy 1204 (June 1, 1895), p. 469-470. A. J. Evans, «Exploration in Eastem Crète I. A Mycenaean Dedication», The Academy 1258 (June 13, 1896), p. 493-494, «Exploration in Eastern Crète II. A town of Castles», The Academy 1259 (June 20, 1896), p. 512-513. «Exploration in Eastern Crète III. Mycenaean Dicta», The Academy 1261 (June 4, 1896),

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surveillaient. Une construction quelconque dans la nudité du paysage de calcaire doit retenir une terre hospitalière pour qu'une plante puisse y prospérer. Nous avons alors commencé par l'examen de taches ou de lignes vertes dans le paysage, en ayant précédemment étudié la flore de la région et, dans la plupart des cas, notre démarche était bonne. De la même façon, un examen minutieux du sol a été utile : une route ne pouvait pas être tracée sur le schiste mauve ou gris-vert9 de la région qui est susceptible de se transformer en éboulis. Et puis, nous avons prêté attention aux constructions modernes. Pour construire les enclos pour les bêtes (μάνδρες) ou les petites maisons pour les travaux d'élevage (μιτάτα) (fig. 4), les paysans ont presque toujours réutilisé les pierres grossièrement taillées d'anciennes ruines et souvent les bâtiments modernes ont occupé une partie de l'ancienne construction10. D'ailleurs, quel meilleur emplacement pour une aire de battage (fig. 5) que le sol d'un bâtiment11? Très souvent aussi, les murs de soutènement des routes ou les « périboles » ont servi de soubassement aux murs en pierres sèches (ξερολιθιές) qui servaient à délimiter une propriété, un champ ou une étendue de pâturages12. Enfin, un an après les premières trouvailles, une fois compris le code de topographie pour le système des routes minoennes, la recherche sur le terrain a été simplifiée à l'extrême.

Les toponymes.

Les noms de lieux pouvaient nous aider à préparer la recherche sur le terrain13. Nous ne donnerons ici que les quelques principes qui nous ont amenés à sérier les toponymes14.

I) Les toponymes qui donnent une information topographique comme par exemple Κεφάλα, Κορφή, Ξυκέφαλο, Μουρί signifiant le sommet, la cime, le pic, l'arête ou la crête d'une ligne de faîte ou d'une colline isolée. Πόρος, Σκάλα, Πλακόσκαλα indiquent un passage parmi les montagnes et Αρμί, Σελλί, Αμμουδοσέλλι, le col.

II) Les noms de lieux désignant le poste d'observation, l'endroit d'où l'on peut surveiller les alentours, la vigie, la guérite comme Βίγλα (latin viglia) et Πρόβαρμα.

III) Les toponymes décrivant une construction imposante, fortifiée, comme Καστέλλι, Κάστελλας, Καστρί, Φρούρι, Καζάρμα et Πύργος.

IV) Les noms propres qui contiennent des racines préhelléniques intraduisibles en grec, comme par exemple Ζάκρος, Ζάκαθος, Σίτανος et Σέδαμνος, ou les noms préhelléniques «hellénisés» déjà dans l'Antiquité, par exemple Ζήρος (Ζήρον = εις άρον) : terre cultivable, haut plateau. En outre, le toponyme Ελληνικά, Λενικά, etc., signifiant qu'il y avait une installation, était souvent attribué par la population aux zones où il y avait des vestiges.

p. 17-18; «Exploration in Eastern Crète IV. Above the Libyan Sea», The Academy 1263 (July 18, 1896), p. 53- 54. Evans reprend ces rapports dans AJA (1895), « Archaeological News», p. 399-403; AJA (1896), « Archaeological News», p. 455-467. Nous remercions Katia Mandeli de nous avoir fait parvenir ces documents.

(9) Des échantillons ont été prélevés et confiés en 1986 pour analyses aux laboratoires de l'Université d'Athènes, au professeur Dermitzakis et à l'Institut de la Pierre au docteur Belloyiannis. Les résultats ne nous ont pas encore été communiqués.

(10) Par exemple les postes 6, 7, 9, 10 (voir index). (11) Par exemple les postes 16, 21 (voir index). (12) J. Hyslop, The Inka road System, The préservation of Inka road engineering, p. 12-15, fig. 1.3 «The

boundary une between two flelds». (13) Pendlebury, op. cit., «meaning of various names», p. 33-34. (14) La liste en est trop étendue pour être exposée dans ce travail.

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V) Dans certains cas, nous avons affaire à une combinaison des éléments précédents comme pour le nom propre Εντιχτής (Εντείχτη, Εδίχτη, Αντίχτης) qui dérive d'une part du nom Δίχτη, Δίκτη, Δίκτα signifie d'autre part «le mont indicateur» et désigne les postes de surveillance16.

Les roules — Les grands tracés.

Une étude de ce que Pendlebury appelle «la route la plus ancienne de l'Europe» en parlant de la « Royal Road» de Knossos à quoi il faudrait ajouter «la plus ancienne route réalisée», ne doit pas négliger la place de l'île qui est le cœur de la mer Méditerranée et par conséquent le point sur lequel convergent les routes maritimes de l'Est, du Sud, du Nord et peut-être de l'Ouest du bassin méditerranéen16. Dans ce travail, nous n'allons pas exposer le système des grands axes commerciaux déjà recensé par Evans, Pendlebury, Forbes et Hutchinson17. Les artères étaient normalement orientées du Sud au Nord et de l'Est à l'Ouest reliant les ports aux grands centres, qui d'ailleurs sont souvent des villes portuaires, en évitant les chaînes de montagnes et en utilisant les bandes côtières. Ces grands axes ne sont autres que les routes nationales d'aujourd'hui élargies, revêtues d'asphalte en 1928-1929 et complétées dans la décennie 1955-196518. Ce qui nous intéresse ici est le système des routes secondaires qui facilitent la communication au sein d'une région.

Les travaux publics.

La construction de routes de province se résume en quatre phases : le tracé, l'infrastructure, le soutènement et le revêtement.

Les éléments topographiques peuvent varier, ce qui affecte l'infrastructure et le soutènement. Qu'il s'agisse de la montagne, de la vallée ou d'une zone naturellement nivelée, le sol crétois est plus ou moins le même : des rochers de calcaire, la terre rouge sèche et dure à creuser et la couche de terre alluvionnaire trop peu abondante pour recouvrir les pointes saillantes du rocher19. Dans la plupart des cas, la route est tracée sur

(15) P. Faure, «Sur trois sortes de sanctuaires crétois (suite)», BCH 93 (1969), p. 174-185 et p. 178 : liste qui corrige et complète les informations données BCH (1963), p. 499-500 et BCH (1965), p. 34. P. Faure, «I. Sanctuaires de sommet», BCH 96 (1972), note 4. K. Dabara, ArchDelt 28 (1973), Chroniques, p. 592. P. Faure, «Villes et villages de la Crète orientale entre 1577-1629. Listes inédites», Κρητολογία 1 (1975), p. 28-36.

(16) J. V. Luce, The End of Allanlis, New Light on an Old Legend (1969), p. 106, fig. 19. Minoan trade routes and overseas bases.

(17) Evans, Palace of Minos II, « I. Transit Road from Knossos», p. 60-92. Palace of Minos II, « II. Paved way from the 'Théâtral Area to Palace'», p. 587-590. Palace of Minos II, «II. Kairatos viaduct», p. 353. S. Hood, D. Smyth, Archaeological Survey ofthe Knossos Area, BSA Sup 14 (1981), p. 14-15. Pendlebury, op. cit., p. 8, carte 2. R. W. Hutchinson, «Prehistoric Town Planning in Crète», The Town Planning Review (oct. 1950), p. 210. P. Warren, «Royal Road South Excavations», ArchDell 27 (1972), Chroniques, p. 627-629, pi. 588. R. J. Forbes, Noies on the History of Ancient Roads and their Construction Boads, Streets and Floors in Crète (1934), p. 50, 54.

(18) Εφημερίδα Κυβερνήσεως αρ. Φύλ. 108 (28 juin 1928), p. 253-254; (15 janvier 1929), p. 136. (19 Les détails et les éléments techniques des constructions ont été déjà exposés au VI' Congrès des

Éludes Cretoises (La Canée 1986) par St. Chryssoulaki-L. Kyriopoulou, «Ο δρόμος στή Μινωική Κρήτη» et au VI' Congrès de l'Egée Préhistorique (Athènes 1987), par Y. Tzédakis-L. Kyriopoulou -St. Chryssoulaki «Μινωικοί δρόμοι και οδικοί σταθμοί στην Α. Κρήτη».

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le sol rocheux sans nivellement préalable, à moins que le rocher qui se trouve dans le tracé de la route ne dépasse excessivement le niveau du sol et gêne la marche (en général les parties saillantes de moins de 0,40 m sont laissées même au milieu du tracé). La route suit la pente du sol de façon égale. Les sections rectilignes de la route alternent en formant des zigzags. Les murs de soutènement sont en même temps les limites de la route. En règle générale, seul le mur extérieur est vraiment appareillé. Pour la limite intérieure, l'aménagement du rocher suffit souvent à moins qu'il ne s'agisse d'une construction particulière, comme par exemple le banc pour le repos des piétons (route de Σαμωνάς Κυλίνδρα). Le mur extérieur limite la chaussée et la protège. Sur un terrain plat (Αρμένοι), la structure ne diffère pas de la limite intérieure, mais sur un sol en pente, ce mur devient une construction de soutènement, semblable à celles des bâtiments minoens en pierres sèches, sans mortier mais avec calage de déblais pour bloquer les pierres.

Leur épaisseur et leur hauteur peuvent varier au long de la même route car elles dépendent de la pente du sol. Mais il s'agit le plus souvent de murs de 0,40 à 0,60 m de large et de 0,80 à 2 m de haut, à moins qu'ils aient été complétés à une période postérieure, comme par exemple pour la route minoenne-hellénistique de Φαρμακοκέφαλο.

Les constructeurs ont prêté une grande attention aux virages. Ils les ont élargis par rapport à la chaussée et les ont dotés d'un mur de soutènement renforcé. Ils disposent souvent des petits murs hauts d'environ 0,20 à 0,30 m, perpendiculaires à la chaussée et formant des rayons depuis le centre du virage.

Ces petits murs, disposés perpendiculairement à l'axe des tronçons de route rectiligne, servent à retenir les remblais utilisés pour niveler la surface de la chaussée. Lorsqu'il s'agit de pentes escarpées, les murettes perpendiculaires forment des marches encastrées dans la partie en terre qui sépare deux plaques calcaires (fig. 6). C'est cette technique — propre aux routes minoennes — qui a garanti leur conservation jusqu'à nos jours.

La surface de la chaussée, large d'environ 1,60 à 2 m, est formée par les dalles naturelles de la face aplatie du rocher, des pierres ou dalles artificielles de rochers coupés lors des travaux du tracé et de récupération du creusement de la fosse qu'on appelle la «chaussée libre» et qui couvre la chaussée en pierre. Nous n'avons pas de trace de ciment ou d'argile servant à jointoyer les dalles ni de système de drainage, comme on le voit dans les rues du réseau urbain.

Lorsque la route arrive aux portes d'une ville, elle présente une chaussée mieux élaborée, souvent dallée ou pavée. Cela est vrai aussi pour les tronçons qui sont situés à proximité de la porte d'un poste de garde (Χοφόμανδρες) (fig. 7) ou du port (Παλαίκαστρο, Τα Σκαριά). Il faut noter que souvent, lorsqu'une route pénètre dans un centre urbain, un mur-clôture bas réduit la largeur de la chaussée de moitié, formant ainsi une barrière à l'entrée de la ville20.

Ces techniques de construction se retrouvent dans toutes les routes recensées, fouillées et étudiées au sein de ce programme, indépendamment de leur position géographique de l'Est à l'Ouest de l'île. Néanmoins, il existe une différence avec la

(20) St. Chryssoulaki, «Urbanisme minoen. Le système des rues dans les villes», Table Ronde de l'École Française d'Athènes : L'habitat égéen préhistorique, Athènes, 23-27 juin 1985, à paraître dans les Suppléments du BCH. De telles portes existent à l'entrée N-0 de Gournia, à la Rampa del mare de Haghia Triada ou sur la route qui mène à la maison C de Tylissos ainsi que sur les routes menant au quartier d'Aghios Antonios à Zakros.

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Fig. 6. — Άγιος Αντώνιος : route de Dicta — Σκάλα Αγίου Αντωνίου. Murette perpendiculaire à la chaussée.

7. — Χοιρόμανδρες : la dernière partie de la route de Χοιρόμανδρβς, avant le poste de garde (vue prise de l'Est).

Fig. 8. — Γιούχτας : dessin d'une partie du mur de soutènement de la route.

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technique de construction de routes qui sont destinées aux véhicules, comme nous le verrons plus loin. Il s'agit des routes de type «Γιούχτας», Leur différence repose sur le fait que ce sont des routes à profil mixte, c'est-à-dire à profil vertical et longitudinal à la fois. Ceci est dû au fait qu'on a affaire à une pente double, très raide, pour laquelle on cherche à éviter les virages fréquents et qui nécessitent une chaussée large de 2,50 à 3 m. Pour y parvenir, les constructeurs utilisent des systèmes d'appui, c'est-à-dire que la limite extérieure se compose de deux murs de soutènement parallèles, de niveaux différents (fig. 8), ayant une zone de terrassement intermédiaire utilisée aussi comme trottoir ou, dans le cas de rampes de carrières, remplies par le talus de renfort. Ces constructions élaborées prouvent le haut niveau de la route minoenne et démontre, une fois de plus, que le savoir des Minoens n'était pas mis en pratique seulement dans les cas de nécessité absolue.

Classification des routes suivant leur usage

Ayant constaté la quasi-uniformité des techniques de construction, en ce qui concerne les routes qui sont situées en dehors des centres urbains21, nous avons procédé à une typologie des routes étudiées selon leur usage. Cela étant, il n'est pas sûr que les différents besoins soient les seuls facteurs pris en compte au moment de la préparation de l'œuvre ni que, une fois l'œuvre complétée, elle a été destinée à un usage précis, c'est-à- dire qu'un réseau construit pour des raisons communautaires servira aussi aux paysans de la région pour le transport de leurs produits. L'idée de cette séparation arbitraire nous est venue par le fait que deux points x et y peuvent être reliés par trois routes qui desservent des points intermédiaires distincts à chaque fois et qui présentent de légères différences au niveau de leur construction.

Rouies reliant deux centres urbains importants.

— La route de Dikta22. C'est le grand axe qui assure la communication entre la ville palatiale de Κάτω

Ζάκρος et le grand centre urbain de Παλαίκαστρο, tous les deux sur la côte Est de la Crète. Les deux points sont reliés par une route de transport et par une route rapide. Toutes les deux présentent des bifurcations et des détours pour desservir la région très peuplée qui s'étend à l'arrière-pays23.

La route de transport gravit les parois des montagnes qui enferment la baie de Κάτω Ζάκρος. Cette route, en usage jusqu'en 1950, est appelée par les habitants «l'escalier de

(21) Cf. n. 14. (22) Nous avons appelé ainsi cette grande artère en l'honneur de nos camarades de la fouille de

Παλαίκαστρο qui ont été les premiers à soutenir scientifiquement et moralement cette recherche. (23) Pour le catalogue des sites de la région : T. Wronka, « Pour un atlas archéologique de la Crète

minoenne, Sitia I», BCÏl 58 (1959). N. Papadaki, «Εκατό χρόνια αρχαιολογικών ερευνών στή Σητεία 1884-1984», Είλαπίνη, Mél. Ν. Platon (1987), ρ. 161-170. Κ. Davara, Μουσείον Αγίου Νικολάου. Ν. Schlager, «Untersuchun- gen zur Pràhistorischen Topographie im Âussersten Sûdosten Kretas : Zakros bis Xerokambos», Kolloquium zur Agâischen Vorgeschichte (Mannheim, 1987). J. M. Driessen, J. A. Mac Gillivray, «The Neopalatial Period in East Crète» et spécialement «Gazetteer of Neopalatial sites», The Aegean from Middle to Laie Bronze Age, Proceedings of the 2° Intern. Aegean Conférence, Liège, 1988. A paraître.

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Haghios Antonios». Une fois sur le haut plateau (fig. 9), la route contourne la montagne de Κούντουρο Αρμί et avant d'arriver à la vallée de Σκάφη24, elle bifurque : une section passe par-dessus le torrent de Σκάφη, se dirigeant vers les postes de Βακλιάς pour desservir la villa de Κούκου Κεφάλι, le sanctuaire agricole d'Av6piO7roXi6oi gardé par le poste voisin et finalement le groupement urbain de Καλή Στράτα qui est aujourd'hui en partie couvert par le village moderne de Πάνω Ζάκρος25.

La route de Dikta, après la bifurcation pour Βακλιάς, traverse la vallée de Σκάφη protégée par son poste central, monte les collines de Πολλά Κλαδιά en passant par les postes de Πολλά Κλαδιά et Γλυκάτση, arrive à la villa d'Aζoκέpαμoς2β où elle rejoint une autre route qui vient de Πάνω Ζάκρος, via Κλισίδι, Στίς Ταβέρνες27, Αδραβάστοι et enfin par le site MM bien gardé de Χοχλακιές28. Le beau bâtiment Στίς Ταβέρνες29 doit jouer le même rôle de centre de commandement que son pendant Σχοινάρες30. Venant d'Aζoκέpαμoς ou de Αδραβάστοι une fois arrivée à Χοχλακιές, la route de transport de Dikta continue via Μυρτίδια et arrive à Ρουσσόλακκος31. Par contre, la route rapide de Dikta est une route côtière qui part vers le Nord de la ville palatiale de Κάτω Ζάκρος par un rude chemin de montagne, passe par Στού Παπά τίς Λίμνες32 et arrive aux carrières de Πελεκητά33. Par là, la route se perd plus ou moins jusqu'à la baie bien gardée de Καρούμες34 où elle rejoint une

(24) Sur Σκάφη et son poste de garde, Hogarth, BSA 7, p. 149 et Pendlebury, BSA 33 (1932-33), p. 99. (25) Πάνω Ζάκρος et Ανθρωπόλιθοι : A. Karetsou, ArchDelt 29 (1973-1974), Chroniques, p. 897. A. Brown,

A. A. D. Peatfield, «Stous Anthropolithous : a minoan site near Επάνω Ζάκρος Σητεία», BSA 82 (1987), p. 24- 33. Il nous semble que les auteurs ont confondu le poste de garde décrit par Evans (fouillé par Karetsou) avec la villa de Κούκου Κεφάλι.

Pendlebury, BSA 33, p. 99. Hogarth, BSA 7, p. 148. Wronka, BCH 83, p. 531. Schachermeyr, AA 53 (1938), col. 477. Pendlebury, op. cit., p. 315 et 326. Platon, PraklArchEl (1965), p. 216. Ανω Ζάκρος : Mariani, MonAnt 2, p. 292-293.

(26) K. Davaras, ArchDell 19 (1964), Chroniques, p. 442. (27) Στίς Ταβέρνες dite Άσπρα ou Γαλανά Χαράκια par les explorateurs. F. Halbherr, The Antiquary (1892),

p. 154-155. Evans, Diary 1896. Pendlebury, op. cit., p. 10, 184, 296, 316, 326. Wronka, op. cit., p. 531. P. Faure, BCH 96 (1972), p. 392 n. 5. Hogarth, BSA 7, p. 148. Pendlebury, BSA 33, p. 98. Mariani, MonAnt 6, p. 296-297 et fig. 83.

(28) Χοχλακιές ou Kokhlakiais : Pendlebury, op. cit., p. 10, 292. Schachermeyr, AA 53, col. 477. Bosanquet, BSA 9, p. 276.

(29) Pendlebury qui reste indécis sur l'existence de la Pax Minoïca et se contredit au sein du même ouvrage, appelle le bâtiment un «fort», op. cil., en ajoutant note 1 : « It would be more in keeping with the peaceful character of Minoan civilization and with convivial Cretan habits if we could take a clue from this name and call of them taverns rather than forts».

(30) Pendlebury, BSA 33, p. 99. Pendlebury, op. cit., p. 236, 385. N. Platon, PraklArchEt (1969), p. 236.

(31) Pour les routes qui mènent à Παλαίκαστρο, voir la carte de Heaton Comyn, BSA 8 (1901-1902), pi. XV et J. A. Mac Gillivray, L. H. Sackett, «An Archaeological Survey of the Roussolakos Area at Palaikastro», BSA 79 (1984), p. 136-137, fig. 3 et pi. 9a-d.

(32) N. Platon, PraklArchEt (1979), p. 322. (33) J. N. Shaw, «Minoan Architecture : Materials and Techniques», AnnScAtene 49 (1971), p. 30-34,

fig. 21 a, b et 22. N. Platon, PrakiArchEt (1968), p. 182. Pour les carrières de Zakros et de Xirokambos cf. Th. Nakasis, «Λατομείο και ιχθυοπαγίδα στον όρμο της Κάτω Ζάκρου», dans Αναστήλωση. Προστασία Μνημείων και Συνόλων (Υπ. Πολ. Αθήνα 1987), ρ. 85-98.

(34) Mariani, MonAnt 6 (1895), p. 298. Spratt, Traoels I (1865), ch. XXI, p. 234. Halbherr, Antiquary (1892). Hogarth, BSA 7, p. 122. Pendlebury, op. cit., p. 298, 377, renvoie par erreur au plan de Mariani, p. 298. Le plan représente le poste de Ταβέρνες, fig. 83, et Mariani, dans la même page parle de Καρούμες. Wronka, BCH 83, p. 531. Davaras, ArchDelt 27 (1972), Chroniques, p. 653, pi. 608 a b. N.Platon, PraklArchEl (1969), p. 236.

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Fig. 9. — Άγιος Αντώνιος : relevé topographique de trois fragments rectilignes de la route et plan architectural de la troisième partie.

Fig. 10. — Δίκτα : la route de Δίκτα au niveau du poste de garde de Καρουμες.

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route qui longe la gorge de Χοχλακιές. La route rapide devient meilleure (fig. 10) à partir de Καρούμες. Parsemée de postes de garde, elle arrive à Ρουσσόλακκος via le sanctuaire de sommet de Πετσοφάς35. Contrairement à la route de transport qui a été parfaitement préservée sur toute sa longueur, la route rapide se perd souvent et seules les données topographiques nous ont permis de la localiser de nouveau, jusqu'à l'entrée de la ville portuaire de Ρουσσόλακκος (raccordement du tracé théorique aux tronçons réels).

— La route vers Άμπελος. Le cas de la route de Dikta n'est pas unique. Dans la même région, notre région

pilote, un autre centre urbain est relié à la ville palatiale de Κάτω Ζάκρος. Il s'agit de la route de transport de Κάτω Ζάκρος via Σφάκα36, Χοιρόμανδρες37, qui mène à la ville portuaire d"Aμπελoς — Κατσουνάκι38 qui occupe l'extrémité Nord du golfe de Ξηρόκαμπος.

Ces mêmes centres sont reliés par une route côtière rapide39 qui part du Sud de la baie de Κάτω Ζάκρος à côté des bâtiments (postes de garde?) fouillés par Seager, se dirigeant vers Μαύρο Αυλάκι40 en direction de Λιδόρυακο41 où elle est rejointe par la route d"Aμπέλες. Par Λιδόρυακο — Σχισμένες Πέτρες, la route se dirige vers Άμπελος-Κατσουνάκια via Μαλαμούρες. Il faut noter que les deux routes, la route de transport et la route rapide, se rejoignent au Nord de la ville d"Aμπελoς et ne la pénètrent que par le Sud (après l'avoir contournée par le côté Ouest) où se trouve d'ailleurs le poste de garde42. On ne peut,

(35) La route de Dikta qui mène au sanctuaire de Πετσοφάς, où elle en rejoint une autre venant de Βαγιές, diffère, par sa construction, de celle qui mène du bâtiment dΆvεμόσπηλια au sanctuaire du Γιούχτας, bien que leur fonction soit la même. Dans ce cas, notre typologie n'est plus valable. Nous pensons néanmoins que leurs différences tiennent à ce que dans le cas de Πετσοφάς nous avons affaire à un sanctuaire local, agricole, qui répond, parmi d'autres (Modi, Traostalos), aux besoins religieux des habitants d'une région. Le sanctuaire du Γιούχτας est un sanctuaire « intercrétois », un grand centre religieux visité par des croyants de toute la Crète et peut-être aussi, comme c'est le cas de la Panayia de Tinos, des malades qui demandent leur guérison. Dès lors, la voie d'accès au sanctuaire doit permettre l'utilisation de chariots pour le transport des voyageurs et de leurs offrandes. Pour l'importance et la durée d'utilisation du sanctuaire et de son téménos cf. A. Karetsou, Ergon (1974), p. 112; Ergon (1975), p. 176; PraktArchEt (1976), p. 408; «The Peak Sanctuary of Mt. Juktas», dans Sanctuaries and cuits in the Aegean Bronze Age, Swedish Institut (1980), p. 137-153. St. Alexiou, «Προανακτορικές Ακροπόλεις της Κρήτης», Δ'. Κρητολογικό Συνέδριο (1976), ρ. 14, note 18 . S. Hood, The Minoans (1971), p. 129, considère que «this road was narrow and steep and clearly not entendend for the use of wheeled véhicules». Nous pensons que S. Hood qui n'a jamais vu cette route nettoyée, considère comme la chaussée principale le trottoir qui était le seul visible avant la fouille.

(36) A. Evans, AJA (1896), p. 460. Schlager, Untersuchungen, p. 78-79, fig. 15-19. (37) Χοιρόμανδρες, Kheiromandrais ou (A. Evans) Siromandres : A. Evans, Academy (4.7. 1896) et AJA

(1896), p. 460. Hogarth, BSA 7, p. 147. Pendlebury, op. cit., p. 184, 316; BSA 33, p. 98-99. N. Platon, PrakArchEt (1971), p. 275 et Ergon (1971), p. 237.

(38) Κατσουνάκι : Pendlebury, op. cit., p. 10, 385; BSA 33, p. 99. Evans, Academy (4.7. 1896) et AJA (1896), p. 459-460.

(39) Décrite dans Pendlebury, op. cit., p. 10, 184, 300. (40) N. Platon, PraktArchEt (1961), p. 224; (1962), p. 168. (41) Pendlebury, op. cit., p. 10, 300; BSA 33, p. 99. Wronka, BCH 83, p. 537-538. Pour la route de

Σφάκα-Χοιρόμανδρες : A. Evans, AJA (1896), p. 460. Schlager, Untersuchungen, p. 68-70, fig. 8, où l'auteur décrit cet espace rocheux limité par des périboles comme un long bâtiment impressionnant ! Il est très probable qu'il s'agit d'un poste de vigie, une «vigla», tel qu'il en existe en abondance autour des postes de garde afin d'assurer une meilleure communication entre eux ; mais un simple enclos ne peut en aucun cas être pris pour un poste de garde.

(42) Un poste semblable surveille les routes menant à Palaiokastro par l'Ouest et le Sud. Cf. Mac Gillivray - Sackett, «Survey», BSA 79 (1984), p. 136, fig. 3, pi. 9a. Quelle que fut la route qui le menait au palais de Zakros, aucun voyageur ne pouvait échapper au poste de vigie de Καλυβομούρι qu'ALEXiou, «Τείχη και Ακροπόλεις», Κρητολογία 8 (1979), p. 44, identifie par erreur avec un autre poste de la gorge, nommé Kastellas.

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Fig. 12. — Αρμένοι : relevé topographique de la nécropole et partie

de la route qui coupe la limite Est du cimetière.

Fig. 11. — Σαμωνάς —

Κυλίνδρα : fragment rectiligne de la route. Au fond, la vallée de Στύλος.

Fig. 13. — Αρμένοι : route de la nécropole M

RIII.

La chaussée est revêtue de déblais (vue prise de l'Ouest).

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avant de fouiller le site, expliquer une telle précaution, accentuée encore par la construction d'un long mur qui isole la ville des dunes Est et Sud-Est.

L'exemple de la route de Σαμωνάς Στύλος Αποκορώνου43, déjà décrite dans nos rapports antérieurs, est classé dans le type de route de transport qui présente, par rapport à la route rapide, une meilleure qualité dans la construction (fig. 11) mais qui est souvent plus longue par le fait qu'elle ne suit pas les raccourcis, dangereux pour les animaux chargés. En règle générale, les routes de transport sont mieux préservées que les routes rapides, du moins en ce qui concerne leur axe qui est plus résistant que. les éléments de construction : l'abandon, la surutilisation ou les constructions d'époque moderne peuvent changer l'apparence d'une route mais ne peuvent jamais effacer la ligne d'un passage.

Αρμενα. Le réseau routier au sein d'une nécropole.

La nécropole d'Apμέvot, à Réthymnon, datée de la période MR III, dispose d'un réseau routier dont la trace est visible à partir du milieu de la limite Ouest du cimetière (fig. 12). Tracées sur un terrain plat, ces routes n'ont pas nécessité de grands travaux de nivellement ou de terrassement, ni des constructions de soutènement. Elles se contentent de murettes basses latérales qui servent à limiter la chaussée chargée de déblais, provenant du creusement des tombes et de leur dromos (fig. 13). La largeur de la chaussée, comme son revêtement, implique que le réseau était destiné à servir aux charrettes qui ont transporté les couffins et les offrandes pour les convois funéraires.

Les roules reliant le centre urbain aux lieux d'approvisionnement en matières premières.

Sous cette catégorie, nous classons les routes qui mènent aux carrières de pierres. Nous pensons que le même type de construction devait exister pour le bois ou les gisements d'argile destinée aux potiers, cela restant du domaine des suppositions. Ces routes, trouvées dans la région de Χοφόμανδρες et Τα Σκαριά (fig. 14), apparaissent comme de grandes rampes construites sur deux murs de soutènement, avec une technique similaire à celle du type «Γιούχτας» (fig. 15) mais plus élaborée et renforcée par des murettes perpendiculaires à la chaussée à intervalle régulier, servant non seulement à retenir le revêtement mais peut-être aussi à faciliter la mise en place des troncs permettant de faire glisser les blocs extraits des carrières. Dans les deux cas, elles sont accompagnées de viaducs — celui de Χοφόμανδρες étant mieux conservé, nous a permis de mieux comprendre les vestiges du viaduc de Σκαριά44. Ces routes suivent le plus possible

(43) Σαμωνάς Κυλίνδρα : S. Alexiou, ArchDelt 19 (1964), Chroniques, p. 446. Σαμωνάς Αζογυρές : S. Alexiou, ArchDelt 17 (1961/2), p. 293-299. Stylos : N. Platon -K. Davaras, KretChron 17 (1963); ArchDelt (1960) et (1961/1962), Chroniques; K. Davaras, AAA 1 (1971), p. 42; ArchDelt 26 (1971), Chroniques, fig. 512. ArchEph (1973). S. Hood, BSA (1965), p. 113. P. Faure, BCH (1962), p. 44. Y. Tzedaki, ArchDelt 21, p. 427. Dans la région de Σαμωνάς, nous avons étudié deux routes qui se dirigent vers la fertile vallée de Στύλος. L'une, Σαμωνάς Αγριμολέ/Κατσοπρίνια est datée par le site qui lui donne naissance et qui remonte au MR I A tandis que Σαμωνάς Κυλίνδρα part du site d'AXom III, en partie fouillé par Tzedaki et Kanta. Il date du MRIIIB. On constate que les deux routes ne présentent pas de différence dans la construction.

(44) J. Driessen, BSA 79 (1984), «Survey», p. 144-149, fig. 7-9, pi. 12d-f, 13a-f, décrit la carrière sans noter la rampe de transport ni les restes du viaduc. En fait, les blocs extraits de la partie Est de la carrière sont transportés par le viaduc vers la rampe Ouest qui arrive jusqu'au port où une partie de son dallage est encore préservée. Il faut noter que la construction de cette rampe est semblable à celle qui dessert le four de potier de Roussolakos, fouillé par K. Davaras, BSA 75 (1980), p. 115.

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Fig. 14. — Τα Σκαριά : la rampe de la carrière et le talus d'appui.

Fig. 15. — Γιούχτας : murs de soutènement parallèles et terrasse intermédiaire de la route.

les contours de la montagne, préférant doubler leur longueur pour éviter une pente escarpée. Dans le cas de Χοιρόμανδρες, la route de la carrière a triplé son parcours en formant une grande boucle pour assurer l'arrivée des blocs au poste de garde.

Les ponts ne sont pas systématiques dans la voirie minoenne. Pourtant, le pont de Λιδόρυακο et les viaducs déjà cités, ainsi que le pont de Βλυχιά, à Κνωσός45, sont construits selon le système des arcs interrompus. Les architectes minoens utilisant peu la technique de la voûte, évitent de tenter de construire un pont, préférant réaliser de grands parcours routiers qui contourneront la falaise ou la gorge. Il semble que la technique de construction des ponts a été perfectionnée par les Mycéniens46.

(45) A. Evans, «The Minoan Viaduct south of the Palace», PM II 1, p. 93-102. (46) A. J. Wace, Mycenae, an Archaeological History and Guide (1949), p. 23, fig. 38b. Sur l'origine

préhellénique du mot «gephyra» cf. S. Hood, The Minoans (1971), p. 128.

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Routes pour piétons et bêtes de sommes ou routes à véhicules*7 ?

Nous avons donné quelques exemples des routes de province étudiées pendant ces quatre dernières années. Le réseau dans son ensemble fera l'objet d'une publication. Il faudrait pourtant ne pas perdre de vue que les extensions du réseau de la région pilote (par exemple la route de Άμπελος-Ζήρος-Κατελιώνας, la route de Πραισός, etc.) comme le réseau du haut plateau du Λασίθι, celui de Σελένα-Μάλλια ou Κνωσός-Αρχάνες-Κομμός, ne diffèrent ni par leur construction, ni par la disposition des zones de surveillance des parties exposées. Pourtant, il est trop tôt pour avancer des conclusions concernant la nature et l'usage de l'ensemble du réseau sur l'île. Nous préférons mentionner ce qui ne convient pas à la fonction de ce réseau : le transport par véhicules (carrosses, charrettes, chariots ...).

Les routes qui traversent en partie ou en totalité les montagnes Cretoises, avec une chaussée abrupte, inégale et accidentée, un tracé dont la largeur ne permet pas le passage des véhicules, des virages serrés et des pentes escarpées aménagées par la construction de marches perpendiculaires à la chaussée, à des intervalles quasiment réguliers, ne peuvent être utilisées que par des piétons ou des montures48. Mais à quel genre de commerce les bêtes de trait peuvent-elles servir? Même si on pense à une caravane, combien de bêtes aurait-il fallu pour qu'on attache sur leur dos, à l'aide de filets, de nombreux vases dont certains de grande capacité49? La grande production de liquides (vins, huile) ne peut pas facilement être transportée ainsi. Restent les produits secs et les matières premières qui ne sont pas lourdes comme le bois et la terre, les matières premières précieuses en petite quantité, arrivées au port et transportées dans le grand centre. Reste aussi le transport quotidien du fermier au marché de la ville voisine. Le grand commerce ou le transport de matériaux pour la construction de grands édifices a toujours été effectué par mer. Mais pourquoi se donner tant de peine pour la construction et surtout pour l'entretien d'un réseau si complexe quand encore de nos jours, on voit les chasseurs Cretois traverser à une vitesse extraordinaire les montagnes sans s'inquiéter de l'absence des chemins60? Est-il concevable qu'à l'époque protopalatiale on ait créé un réseau routier aussi long, disposant de postes de contrôle gardés en permanence pour les seuls besoins du passage piétonnier? La réponse, s'il y en a une, ne peut être donnée que par l'étude des réseaux analogues hors de Crète61 et/ou beaucoup plus tard dans l'Antiquité, comme le système

(47) S. Hood, op. cit. (1971), «Transport by land», p. 128-129. R. J. Forbes, op. cit. (1934), p. 53. C. T. Tsountas, The Mycenean Age (1897), p. 37. A. J. B. Wace, op. cit. (1949), p. 86-88, 109. J. Chadwick, The Mycenaean World (1976), p. 164-171. W. A. Me Donald, «Minoan and Mycenean Highways», AJA 66 (1962), p. 198-199. Θ. ΔΕΣΠΟΤΟΠΟΤΛΟΣ, «Η οδοποιία έν Ελλάδι άπό αρχαιοτάτων Χρόνων μέχρι σήμερον», Τεχνικά Χρονικά 17 (1940). M. Détienne dans J.-P. Vernant, Problèmes de la guerre en Grèce ancienne (1968), le char, objet de prestige : p. 318.

(48) II faudrait ici aborder la question de l'introduction du cheval et du mulet en Crète. Ces routes sont aujourd'hui parcourues par des ânes et des mulets. Le bœuf, même s'il était plus nombreux qu'aujourd'hui, aurait difficilement pu pratiquer ces routes bordées par des précipices.

(49) A moins qu'il ne s'agisse de grandes gourdes, d'askoï en peau de bêtes, une matière périssable pour la terre Cretoise si acide.

(50) Nous remercions le gardien des Antiquités de Σαμωνάς, Κωστής Γαβριλάχης, de s'être joint à nos expéditions en montagne et de nous avoir montré comment traverser une région sans route.

(51) A. Goetze, «The Roads of Northern Cappadocia in Hittite Times», Revue Hittite et Asianique 15 (1957), p. 91-103.

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des routes fortifiées du limes de l'immense Empire romain52. D'après les informations que nous avons recueillies, le système routier minoen s'apparente à un système de défense du territoire (postes de garde, périboles). Le rôle militaire58 nous semble aujourd'hui l'hypothèse la plus plausible pour expliquer ce réseau routier, au moins dans sa phase initiale.

Défendre la circulation ou la circulation de la défense : les postes de garde et les périboles64

Les bâtiments isolés qui encadrent le système des routes en étant connectés avec lui de façon étroite, tant par leur position que par leur usage, sont généralement appelés des postes de garde. Si le système routier forme un réseau entre l'arrière-pays et les zones côtières, la répartition des postes de garde donne l'image d'une constellation dans laquelle chaque point est à la jonction de deux ou plusieurs voies de passage, naturelle ou aménagée.

— La topographie. Les postes de garde ne se trouvent pas sur les points les plus hauts du relief65. Ils sont

construits sur des points culminants, névralgiques, à proximité de la route, qui en rejoint l'entrée par son tracé ou par une bifurcation (fig. 16). Ces constructions ont pour rôle primordial de surveiller le passage aménagé (routes) ou naturel (gorges, lits de torrents) grâce à une situation qui leur permet d'avoir la visibilité la plus large mais aussi la possibilité d'intervenir très vite pour le bloquer. Ils choisissent alors les collines à sommet aplati qui se trouvent au milieu d'une plaine (fig. 17)5β, le dernier point élevé avant qu'une gorge débouche sur la mer57, ou dans une vallée (fig. 18)58, à proximité d'une carrière69 (fig. 19) ou à l'entrée de la ville (fig. 20). Ils ont souvent à leur disposition l'eau de rivières ou de puits60 et de petits terrains pour la culture. Ils communiquent entre eux par un contact visuel direct ou par l'intermédiaire de postes de vigiles (vigies), qui sont placés sur le point le plus élevé.

(52) R. Mouterde- A. Poidebard, Le limes de Chalcis en haute Syrie romaine (1945). P. Salama, Les voies romaines de l'Afrique du Nord (1951). G. A. Duch, Une idée fixe de Jules César «l'ennemi à une journée de marche de ' marenostrum' ». Les vigilaires de Boussagnes (1958). R. Chevallier, Roman Roads (1976). W. K. Pritchett, Studies in Ancient Greek Topography, III Roads (1980), p. 143-196. S. C. Bakhuizen, The Anthedon-Salganeus- Chalcis Road. Salganeus and the Fortifications on its Mounlains (1970), p. 140-144. E. Vanderpool, «Roads and Forts in Northwestern Attica», CSC A 11 (1978), p. 227-245.

(53) Ce principe s'applique probablement à tous les sytèmes routiers de l'Antiquité et même de l'époque ottomane en Grèce. Despotopoulos, op. cil., p. 555.

(54) L'index, p. 75, ne comprend que les postes de garde de la région pilote qui ont été fouillés, nettoyés, étudiés et datés par les tessons qui affleuraient. Ils feront l'objet d'une publication comprenant aussi les postes recensés dans d'autres régions et ceux de la région pilote qui ne sont pas encore étudiés et dont la céramique de surface n'est pas datable.

(55) Cette remarque, due à Yanna Venieri, nous a permis d'aboutir aux résultats que nous présentons ici. (56) Postes 8 10 bis, 16, 20, 23, 28, voir l'index. (57) Postes 1, 6, 13. (58) Postes 7, 14, 24. (59) Postes 2, 15, 23. (60) Aux postes 7, 13, 23, le puits existe encore et est réutilisé par les bergers.

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Fig. 1β. — Καρούμες : le poste central de Καρούμες et la route de Zakros qui rejoint le bâtiment en dessinant une dernière courbe (côté droit en haut de la photo).

Fig. 17. — Χοιρόμανδρες le poste central sur la colline au milieu de la vallée de Χοιρόμανδρ«ς (vue prise de l'Est).

Fig. 18. — Άμπελος — Κατσουνάχι : le poste de garde à l'entrée d "Αμπελος. Au fond, la gorge de Κατσουνάχι (vue prise du Sud-Est).

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Fig. 19. — Χοφόμανδρες : la carrière qui a

fourni les blocs de calcaire pour le poste de garde et les périboles. Certains de ces blocs, coupés et grossièrem

ent taillés, se trouvent encore au niveau inférieur de la carrière.

Fig. 20. — Άμπελος —

Κατσουνάκι : plan topographique de la ville minoenne d "Αμπελος. Le bâtim

ent rectangulaire, à l'Ouest de la ville, est le poste de garde, et la ligne dessinée à l'Est de l'agglom

ération m

arque le péribole maritim

e.

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1989] LES ROUTES MINOENNES 63

— La construction. Il s'agit de bâtiments isolés61 toujours construits en grands blocs irréguliers de

calcaire gris. Seul les postes «d'administration» sont construits avec des blocs rectangulaires (fig. 21), bien taillés, en beau calcaire blanc extrait de la carrière d>ίAσπpες Πλάκες (poste 11) et dΆpμί (poste 14). Ils présentent un plan rectangulaire, de dimensions semblables, leurs angles orientés souvent d'après les quatre points cardinaux, et disposent le plus souvent d'une terrasse du côté où la visibilité est la meilleure.

Ils sont entourés par des murs successifs de terrassement qui suivent les contours de la colline62 et qui, souvent, arrivent jusqu'à la berge de la rivière63. Ces murs qui complètent la hauteur des rochers naturels se transforment souvent en péribole. Dans le cas où le poste est construit sur un terrain nivelé64, il est entouré par un seul péribole. Enfin, le plan intérieur est identique pour les postes secondaires et assez semblable pour les postes principaux.

— La typologie. Le fait que ces édifices se ressemblent apparaît comme un cas unique dans

l'architecture minoenne (fig. 22). Pourtant, par leur position et leurs dimensions, nous avons distingué les postes principaux, appelés par Evans «mother phrouria»65, des postes secondaires.

Les postes administratifs sont des bâtiments de grandes dimensions et d'une grande qualité technique (fig. 23). Ils sont facilement accessibles par la route et auraient pu servir aussi de caravansérail (fig. 24). Les postes de vigiles (fig. 25)66 sont petits et ne sont pas destinés à être habités. Il s'agit, le plus souvent, d'enclos ou de murs créant un espace fermé en s'adossant à un rocher67. Quand la «vigla» est complètement construite sans avoir de rocher d'appui, elle prend la forme d'une tourelle circulaire (fig. 26) à base hexagonale68.

Enfin, de longs périboles, qui sont souvent construits perpendiculairement aux courbes de niveau de la montagne et ne jouent aucun rôle de soutènement, sont associés à des routes, à des postes de gardes et incluent souvent des postes de vigiles. Ces «périboles» présentent une technique de construction analogue à celle employée pour le mur d'enceinte de Mallia6·, question sur laquelle nous reviendrons dans une prochaine étude.

(61) On a longtemps cru que les villas ou les maisons agricoles minoennes étaient des édifices isolés. En fait, ce qui est présenté dans la bibliographie ne concerne qu'un des bâtiments fouillés du hameau. Le cas des postes est différent, à l'exception du poste 1, situé à côté du Ibis.

(62) Postes 16, 23, 28. (63) Postes 20 et 23. (64) Poste 7. (65) A. Evans, «Town of Castles», Academy (20-6-1896), p. 513. (66) A l'exception des vigies 9 bis et 13. (67) La vigla 6 dispose de six murs succesifs. Une telle construction est cependant rare. (68) C'est le cas du poste 23 qui dispose d'une tourelle à l'extrémité opposée de son péribole. (69) H. Van Effenterre, Le palais de Mallia et la cité minoenne I (1980), p. 265, fig. 366. St. Alexiou,

« Προανακτορικές Αχροπόλης της Κρήτης», op. cit.

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Fig. 21. — Άσπρες Πλάκες : le poste secondaire ά'Άσπρες Πλάκες présente, lui aussi, un plan rectangulaire de 10 m x 10 m (vue prise du Sud-Ouest).

Fig. 22. — Comparaison de croquis de postes de garde. Les numéros se réfèrent à l'index. On remarque que les postes centraux 7 et 28, et celui de Χοιρόμανδρες disposent d'une issue de secours.

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Fig. 23. — Σχοινάρες : le poste «d'administration» de Σχοινάρες. La porte d'entrée Nord. La tache blanche, à l'angle gauche, marque l'emplacement du poste secondaire d"A<rrcptç Πλάκες.

Fig. 24. — Στίς Ταβέρνες : le poste «d'administration» ou le caravansérail. Ce bâtiment, facile d'accès et de grandes dimensions, sert d'enclos aux plantations d'oliviers, comme celui de Schoinarès.

Fig. 26. — Χοιρόμανδρες : la tourelle circulaire du plateau de Χοιρόμανδρες, construite sur des

fondations hexagonales (vue prise du Sud).

Fig. 25. — Σ<ράκα : vigla du poste de garde. Les murs complètent la vigie naturelle de rochers gigantesques.

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66 Y. TZEDAKIS, ST. CHRYSSOULAKI, S. VOUTSAKI ET Y. VENIERI [BCH 113

Un exemple : le poste central de Χοιρόμανδρες70.

Les deux premières campagnes de fouilles à Χοφόμανδρες (fîg. 27) ont éclairci trois points importants pour la compréhension du rôle de ce poste : la construction en ce qui concerne surtout les fondations, le plan intérieur, l'usage de l'espace et finalement les trouvailles de mobilier, leur nature et leur datation. La fouille complète n'étant réalisée que sur un tiers du bâtiment, il n'est pas possible d'avancer des conclusions définitives. Pourtant, nous sommes en mesure de dire aujourd'hui que le bâtiment a été fondé sur un rocher grossièrement nivelé qui s'étend seulement sous la partie Ouest et la partie centrale de l'édifice. Pour gagner plus d'espace et présenter ce plan régulier rectangulaire répétitif des postes de garde, les bâtisseurs ont créé une structure de murs qui s'entrecroupent et qui constituent la partie Est (fig. 28). Cette construction de fondation, couverte par le dallage de la cour, remblayée par des pierres, de la terre et des tessons en laissant seulement un petit espace vide pour la descente (fig. 29) vers la sortie de secours (fig. 30) 71, est renforcée par la façade Est dont la base est de section triangulaire (fig. 31). Le plan intérieur du poste est séparé en six espaces rectangulaires (fig. 32). Le seuil bien taillé de la porte d'entrée (fig. 33) donne accès à la vaste cour dallée qui occupe la plus grande partie du bâtiment (fig. 34). Sur cette cour, les pièces I et II s'ouvrent tandis que par un autre seuil plus petit, au fond de la cour, on passe dans un corridor dallé orienté d'Est en Ouest, qui assure la communication entre les pièces III et V. L'espace carré IV ne semble pas avoir de porte. Un petit sondage indique qu'il était pavé. La terrasse, au Nord-Ouest, ne communique pas avec les pièces. Un petit escalier (fig. 35) grossièrement taillé dans le rocher y donne accès par la cour extérieure72. La cour a un sol crépi. Les façades Est et Ouest disposent de fenêtres élaborées, à bordure triangulaire, et de pilastres qui sont tombés de leur emplacement originel. Les murs extérieurs, comme les murs de séparation, sont de construction robuste73 bien que le bâtiment n'ait pas d'étage supérieur mais ait été couvert d'un toit revêtu de petites dalles minces de schiste. Pour les façades Sud, Ouest et Nord on a utilisé la technique minoenne à redents74 tandis que la façade Est se prolonge en péribole vers le Sud et sera utilisée pour le soutènement du dernier tronçon de la route pavée (fig. 36, 37), avant le poste de garde.

(70) Cette fouille, souvent menée dans des conditions difficiles, n'aurait pu être réalisée sans l'aide des ouvriers. Nous remercions Spyros, Nektarios, Nikos, Kostis, Yannis et l'ensemble de l'équipe, pour leur assistance et leur compréhension.

(71) Cette sortie de secours a été retrouvée dans les acropoles mycéniennes : A. J. B. Wace, Mycenae (1949), «Sally port», p. 98, fig. 109 b. Il existe aussi une porte de secours dans les postes centraux 7 et 28. Celle de Χοιρόμανδρες a été interprétée à tort par Evans comme un «dromos of tholos tomb in wall». Il note «...in constructing the fortress walls, future accomodation for the dead had been distinctly kept in view», The Academy (4.7.1896), p. 18. Cette erreur est due à ce que le dallage de la cour a glissé vers le bord du plan incliné, formant une sorte de «small chamber», vue du niveau du dallage (voir fig. 42). Cette mauvaise interprétation d'Evans a incité Hogarth à faire des sondages dans cette zone, ce qui a malheureusement détruit l'escalier (?) indiqué sur le dessin d'Evans, et a enlevé une partie du dallage préservé jusqu'en 1896.

(72) Même technique utilisée pour le grand escalier qui, partant du pied de la colline, donne accès au plateau du poste.

(73) II faut noter que l'appareil du mur qu'EvANS appelle «cyclopean», Academy (4.7.1896), p. 18, est construit sur le type bien connu des maisons de campagne : une série de grands blocs polygonaux grossièrement taillés à l'extérieur, à l'intérieur des pierres plus petites — à l'exception des murs de l'espace IV qui sont moins épais.

(74) Même construction pour les deux périboles qui cernent le plateau.

Page 27: Les Routes Minoennes

* ι f g g «car Fig. 27. — Χοιρόμανδρες : schéma topographique du plateau sur lequel est construit le poste central et de la partie Est/Nord-Est de la vallée. A : Poste. Β : Escalier. Γ : Tourelle. Δ : Vigie. Ε : Périboles. Z : Route du poste de garde. Z' : Route vers Ρούσσο Σπάσμα (sur la côte). Z" : Route de la carrière.

H : Rampe de la carrière. Θ/Θ' : Viaduc. I : Lit de torrent. Κ : La carrière.

S

τοίχοι υκοθεμελ ίωσης κάτω από τα Μ όάαεοα j£j τοίχοι υαοθεμελ ίωσης νιου συνεχί- *:~" ζονται και ως φέροντες D τοίχοι φέροντες

13 ε ii £ χώση - γέμισμα Μ κάθοδος «3? βράχος

Fig. 28. — Χοιρομανδρ«ς : plan restitué du soubassement de la partie Est du poste central.

Page 28: Les Routes Minoennes

Fig. 30. — Ζήρος : l'issue de secours du poste central de Ζήρος (vue de l'extérieur

du bâtiment prise du Nord).

Fig. 29. — Χοιρόμανδρες : la descente vers l'issue de secours.

Au premier plan,

les dalles de la cour (vue

prise de l'intérieur du bâtim

ent du Nord-Ouest).

Fig. 31. — Χοιρόμανδρες : la façade Est du poste, dont est préservé le m

ur de soubassem

ent. On notera la différence de niveau entre le dallage de la

cour intérieure (niveau d'habitation, à dr.) et du sol crépi de la cour extérieure Est

(niveau de fondation). (Vue prise de l'extérieur du bâtiment, de l'Est.)

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Fig. 32. — Χοιρόμανδρις : plan du poste central et de sa terrasse Nord-Est.

Fig. 33. — Χοιρόμανδρες : le seuil de la porte d'entrée Sud. La pierre arrondie à l'extrémité droite du palier est le pivot de la porte trouvée en surface (vue prise du Nord-Est).

Fig. 34. — Χοιρόμανδρες : cour dallée du poste (vue prise du Nord-Est).

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70 Y. TZEDAKIS, ST. CHRYSSOULAKI, S. VOUTSAKI ET Y. VENIERI [BCH 113

Fig. 35. — Χοφόμανδρες : marche de l'escalier donnant accès au plateau de Χοιρόμανδρες. La technique de construction ressemble à celle qui est utilisée pour l'escalier de la terrasse du poste de garde ainsi que pour

les routes (vue prise du Nord-Ouest).

Pig. 36. — Χοιρόμανδρες : élévation de la façade Est du poste central avec son issue de secours.

Fig. 37. — Χοιρόμανδρβς : élévation de la face interne d'une partie du péribole Ouest du plateau.

Bien que seules la cour et la pièce I soient complètement fouillées, nous pouvons déduire par ces trouvailles que le matériel utilisé consiste en ustensiles traditionnels des fermes et des maisons de campagne (fig. 38-41) comme les pilons, les mortiers en pierre, les pesons (l'un avec une empreinte circulaire), la céramique commune, le plus souvent modelée, un pressoir, une plaque en terre cuite rectangulaire peut-être destinée à couvrir

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1989] LES ROUTES MINOENNES 71

Fig. 39. — Χοιρόμανδρες : trois pesons en terre cuite et deux pesons en galets perforés, trouvés dans la cour dallée du poste central. Couche 1 et

couche de remblais.

Fig. 38. — Χοιρόμανδρβς : jarre trouvée dans la couche 1 de la pièce III du poste central.

Fig. 41 : Χοιρόμανδρες : coupelle. Le premier vase complet découvert sur

les dalles de la cour.

Fig. 40. — Χοιρόμανδρβς : pieds des vases tripodes trouvée dans les remblais de la descente vers l'issue de secours.

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72 Y. TZEDAKIS, ST. CHRYSSOULAKI, S. VOUTSAKI ET Y. VENIERI [BCH 113

un pithos, les jarres, les cruches, les marmites tripodes, les bassins rectangulaires, les coupelles, les tasses carénées et les tasses à paroi droite. Peu de tessons portent un décor.

Quantité de tessons fortement brûlés ont été trouvés en particulier au niveau de fondation, bien qu'il soit certain que le bâtiment ait été abandonné. Aucun indice ne nous permet de déduire qu'il a été détruit violemment.

La céramique est datable du MM II A75 mais des vases de la période de transition MM III B/MR I A ont été trouvés au niveau d'habitation76. Cette date est en accord avec la céramique trouvée au cours du nettoyage de certains postes de garde et avec celle qui affleurait dans les autres postes de garde étudiés. Il est intéressant de noter que la céramique non minoenne trouvée à la surface, autour des postes, appartient à la période proto-géométrique. Il semblerait que ces lieux escarpés aient servi de refuge pendant les périodes de troubles que l'île a connues77.

♦·

S'il est traditionnel de parler de citadelles et de postes de garde fortifiés, de routes gardées et de remparts pour la Grèce mycénienne, ou même des fortifications contemporaines de l'époque minoenne dans les Cyclades78, un tel langage a été plus ou moins banni pour la Crète minoenne qui a régné sur les mers en brandissant le drapeau de la «Pax Minoica». Sir Arthur Evans, dans ses voyages, décrit avec une clairvoyance extraordinaire «a mycenaean military road in Crète»79, «the town of castles», «the forts, the frouria» et «the fortified acropolis» (fig. 42) mais semble les avoir complètement oubliés, voire y avoir renoncé devant «the Prince of Lilies» de Knossos. Mariani et Hogarth ont beau avoir décrit, entre autres, le poste de Καλυβομούρι et des parties du péribole entourant la région de Κάτω Ζάκρος80 tandis que J. D. S. Pendlebury hésite perpétuellement devant les «forts» ou «police stations» (fig. 43), «the astonishing number of LM I forts of Lasithi»81, ce n'est qu'en 1976 que St. Alexiou prononce les termes de «rempart» et d'« acropole» pour la Crète minoenne82 et attaque le «mythe de la paix minoenne ».

(75) Comme la fouille n'a eu lieu que dans la zone perturbée par Hogarth, il faut, pour préciser la stratigraphie, attendre la fouille des pièces II, III et IV qui sont intactes.

(76) En dehors des pieds de marmites tripodes et des pesons, les pièces les plus caractéristiques sont le» coupelles faites à la main, cf. E. Fiandra, «Skutellia MM à Festos», Γ' Κρητολογικό Συνέδριο Α (1971).

(77) Β. Hayden, «Fortifications of Postpalatial and Early Iron Age Crète», AA (1988), p. 1-21. (78) A. J. B. W ace, Mycenae (1949) .«Mycenaean fort of Hagios Elias», p. 69, 100, 112 et fig. 66 b, «Guard

station», p. 109; «Forts and stations for fire signais», p. 112. R. L. N. Barber, The Cyclades in the Bronze Age (1987), fortifications p. 66-69.

(79) Le terme «mycenaean» couvrait jusqu'aux fouilles de Knossos toute la protohistoire Cretoise. (80) Mariani, MonAnt 6, p. 294-295, fig. 82. Hogarth, BSA 7, p. 124 et fig. A : sketch map of the Zakro

Delta. (81) Pendlebury, BSA 37 (1936-1937), p. 196 : «such elaborate défenses argue some lapse from the

peaceful, palmy days one had imagines of LM I and II. Can one argue as follow?». (82) St. Alexiou, «Τείχη και ακροπόλεις στην Κρήτη», Κρητολογίχ 8 (1979), ρ. 41-56 et « Προανακτορικές

Ακροπόλεις της Κρήτης», op. cit., p. 9-22. Nous remercions les professeurs Alexiou et Platon de leur assistance scientifique sans borne ni préjugé, ainsi que N. Papadakis et le personnel du musée de Siteia qui ont facilité notre tâche. y

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Fig. 42. — Χοιρόμανδρες : croquis de Sir Arthur Evans, carnets 1894, représentant l'«Acropolis» et le «Mother Post», la tour circulaire et les périboles. La «tombe» est, en réalité, la descente vers l'issue de secours qui a été bien préservée (puisqu'on distingue même les traces d'escalier et les dalles de la cour autour de l'ouverture), avant la fouille de Hogarth. Nous remercions vivement Anne Brown, ainsi que le «Sir Arthur

Evans Will Trust» de nous avoir permis la publication de ce croquis inédit.

Fig. 43. — Χοφόμανδρες : la façade Est, mieux préservée qu'aujourd'hui et l'ouverture de l'issue de secours (photo prise par Pendlebury, communiquée par le Managing Committee of the British School at

Athens, auquel nous adressons nos remerciements).

Fig. 44. — «ΤΑΛΩΝ» : représentation de Τάλως sur un statère de Phaistos, daté de 300-280/270 av. J.-C. Le héros debout, nu et ailé, court en tenant des pierres dans les mains, prêt à les lancer. Photo du Musée Numismatique d'Athènes, due à

Vassilis Stamatopoulos.

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74 Y. TZEDAKIS, ST. CHRYSSOULAKI, S. VOUTSAKI ET Y. VENIERI [BCH 113

La date proposée ici coïncide avec celle de la fondation du système des rues, dans les grands centres minoens83. On constate que les seuls bâtiments proches des postes de garde, par leur situation topographique, leur orientation, leurs dimensions et surtout l'arrangement des pièces sont du type «Στου Κουσέ», daté du MM II A84. L'emplacement du bâtiment de Χαμαίζι85 et le poste central que Xanthoudidis a partiellement fouillé, construit à une distance de 100 m de l'édifice circulaire, obligent à réviser nos considérations sur l'usage du sanctuaire, du moins en ce qui concerne son occupation la plus tardive.

Est-il concevable qu'il y ait eu un système de routes associé à un système de défense militaire protopalatial, survivant au MRIA et abandonné avant l'ère mycénienne? Quand l'histoire est trop obscure on recourt au mythe : ici celui de Talos86, fils de Krès ou robot d'Héphaïstos donné en cadeau à Minos ou à Dédale (au Roi ou à l'architecte), qui est doué d'une vigilance infatigable pour protéger l'île de Zeus Dictaios87. Dieu solaire, Talos, ou Tauros, déchu peu à peu, devient un héros (fig. 44) et transmet ses qualités à Zeus qui prend en Crète l'épithète de Zeus Talaios. Peut-on imaginer que ce mythe soit construit sur le symbolisme d'une défense organisée de l'État minoen, une force présente partout dans l'île qui ferme la route aux étrangers voulant y pénétrer, tout en empêchant les habitants d'en sortir sans la permission de Minos? Ce n'est qu'une hypothèse qui, à vrai dire, nous préoccupe moins que les vestiges archéologiques que nous avons étudiés.

Yannis Tzedakis Stella Chryssoulaki Sophia Voutsaki Yanna Venieri

(83) K. Branigan, «Minoan Settlements in East Crète», Man, Settlement and Urbanism (1972), p. 753. (84) Sp. Marinatos, «Μεσομινωϊκή οικία εν Κάτω Μεσαρά» ArchDelt (1924-1925), p. 53-58, trouve des

parallèles de ce bâtiment dans les «Early Minoan Ossuaries» de Dawkins, BSA 11, p. 268, à Kastri de Palaikastro. Est-ce seulement par coïncidence que N. Platon voit dans le poste d'Aspres Plakes «probablement un ossuaire minoen», PraktArchEt (1969), p. 237, tandis que dans son carnet de fouilles de 1969, il nomme même bâtiment «poste»?

(85) Xanthoudidis, ArchEph (1906), p. 155 et Mackenzie, BSA 14, p. 414-422. (86) Apollodore, I, 140-141. Apollonios de Rhodes, IV, 1638-1688. Diodore de Sicile, IV 75-80. Hésiode,

Travaux, 146-148. Scholie à Apollonios de Rhodes, 4, 1638-1648. P. Grimal, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine (1951).

(87) II est significatif qu'Apollonios de Rhodes situe l'épisode de Talos et des Argonautes à Dicta, un port où ils arrivent en venant de Karpathos, cf. G. L. Huxley, «The Ancient Name of Zakro», Greek, Boman and Byzantine Studies 8, p. 85-87. Voir aussi supra n. 9 sur le toponyme Endichti. C. Crowther, «A note on Minoan Dikta» BSA 83 (1988), p. 37-44. Talos nous semble être associé d'une part à Dikta (la vigie), d'autre part à Tauros, le soleil situé entre les cornes, symbole de la force minoenne. Cette association ne nous est pas seulement apparue à cause des assonances entre les deux noms. Elle est passée dans la tradition et transcrite par Apollodore dans la Bibliothèque I : Έντεϋθεν άναχθέντες κωλύονται Κρήτη προσίσχειν υπό Τάλω. ... οί δέ Ταϋρον αύτον λέγουσιν. Symbole solaire ou symbole de défense, Ταϋρος ou Τάλως, ce géant Dictaios est l'image de la force militaire des Minoens. Il peut couvrir de grandes distances et parcourir le territoire de l'aube au coucher de soleil permettant à Minos de régner en paix jusqu'à l'arrivée des Argonautes, ces héros qui parlent une nouvelle langue, encore inconnue, le grec.

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1989] LES ROUTES MINOENNES 75

GLOSSAIRE

Axe de la route : ligne au milieu de la chaussée. Chaussée : surface de la route sur laquelle s'effectue la circulation. Construction d'appui : zones situées de part et d'autre de la chaussée, habituellement utilisées

comme trottoirs dans les centres urbains ; mais dans la rue minoenne, la zone utilisée par les passants se trouve au milieu de la chaussée et les constructions d'appui servent aux roues des véhicules.

Construction de route : technique de formation et de construction de la route et ensemble des travaux nécessaires à cette construction.

Déblais : produits du creusement du fossé, utilisés le plus souvent comme remblais. Fossé : espace formé par le creusement du sol naturel. Remblais : utilisés là où la chaussée doit être à un niveau supérieur au niveau naturel du sol. Route : bande, relativement étroite, du sol qui a été façonnée afin de permettre le passage des

piétons et des véhicules. Au sens technique, rassemble les constructions qui forment la route : murs de soutènement, ponts, remblais, chaussée, etc.

Route à profil vertical : chaussée formée sur le creusement du sol naturel. Route à profil longitudinal : chaussée formée sur le remblayage de la surface du sol. Roule à profil mixte : chaussée construite à moitié sur le fossé et à moitié sur le remblai.

INDEX

A. Route de Dicta (rapide) : 1 : Καροτμεσ : poste central. 1 bis : Καροτμεσ : vigla. 2 : Matpomotpi : poste. 3 : Κατσαρά Φαράγγι : poste. 4 : Poste de Dicta 4. 5 : Poste de Dicta 5.

B. Route de Dicta (de transport) : 6 : Kaatbomotpi Zakpot : vigla. 6 bis : Χρτσοτλη Μάντρα : vigla. 7 : Σκάφη : poste central. 8 : Πολλά Κλαδιά : poste. 9 : Στοτ Γλτκατση : poste. 9 bis : Στοτ Γλτκατση : vigla.

C. Bifurcation de la route de Dicta vers Πάν*# Ζάκρος : 10 : Βλκλια : 2 postes. 10 bis : poste Στού Νικόλα τ6 Αρμί (détruit).

D. Route de Πάνω Ζάκρος-Αζοκέραμο? : 11 : Στις Ταβέρνες : poste «administratif». 12 : Χοχλακιεσ : poste.

Ε. Route d'A|iircXos (rapide) : 13 : Λιδορτακο : vigla.

F. Route d"AKTTcXoç (de transport) : 14

détruit). 15 15 bis : Ασπρες Πλάκες : poste détruit.

22 23 24 25 26 27

Σχοιναρεσ : poste «administratif» (à moitié

Ασπρες Πλάκες : poste.

16 17 18 19 20 21 21 bis : Σφακα : vigla.

Καλή Εληα : poste. Φαραγγοτλι : poste. Μελεφα : poste. Κόκκινο Φροτρι : poste. Σφακα : poste. Καλή Κεράτια : poste.

Στη Καθια : poste. Χοιρομαντρεσ : poste central. Μαγγαναροτ Πλαϊ : vigla. Σκοινοκεφαλο : poste. Καστελλασ : poste. Αμπελος -Κατσοτνακι : poste.

G. Route de Ζηρός via Τράχηλα$ Χαμαίτουλο : 28 : Ζηροσ : poste central. 28 bis : Πτργαλεσ : poste «administratif» (dé

truit).