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P.-Y. Laffont / Ed. PRESSES UNIVERSITAIRES DU MIRAIL Transhumance et estivage en Occident des origines aux enjeux actuels
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LES RECHERCHES SUR LES DÉPLACEMENTS DE BÉTAIL AU PORTUGAL AU MOYEN ÂGE, BILAN DES TRAVAUX ET ÉLÉMENTS DE RÉFLEXION

Jan 31, 2023

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P.-Y. Laffont / Ed.

PRESSES UNIVERSITAIRES DU MIRAIL

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XXVI

Vingt sixièmesJournéesd’Histoirede Flaran

Transhumance et estivageen Occident des originesaux enjeux actuelsDes milliers de bêtes trottinant dans letintement des sonnailles ont construit uneimage mythique des déplacements detroupeaux. Si aujourd’hui l’âge d’or d’unélevage fortement spéculatif semblerévolu, de nouvelles préoccupationspatrimoniales ou environnementalistesredonnent toute leur actualité aux enjeuxde la transhumance et de l’estivage.Au-delà de l’étonnante variété des typesd’élevage, l’étude des acteurs sociaux, dela construction des territoires, del’organisation étatique ont été au cœur desinterrogations portant sur un large espacegéographique incluant le Maghreb. Lesapproches croisées d’historiens,d’archéologues, de juristes, de géographeset d’ethnologues contribuent à la richessedes analyses de ce volume.

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PRESSES UNIVERSITAIRES DU MIRAILUNIVERSITE DE TOULOUSE LE MIRAIL5,Allées Antonio-MachadoF 31058 TOULOUSE CEDEX 9

PRIX : 32 €

ISBN : 2-85816-843-1CODE SODIS : F278434

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Transhumanceet estivage

enOccident

des origines aux enjeux actuels

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Transhumanceet estivage

en Occidentdes origines

aux enjeux actuels

PRESSES UNIVERSITAIRES DU MIRAIL

Actesdes XXVIes Journées Internationales

d’Histoire de l’Abbaye de Flaran9, 10, 11 Septembre 2004

Études réunies par Pierre-Yves Laffont

Ouvrage publié avec le concours de l'Association des Journées Internationales d'Histoire

de l'Abbaye de Flaran32310 Valence-Sur-Baïze

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Illustration de couverture : Troupeau d’ovins et de caprins franchissant un torrentdes Pyrénées aragonaisesArchivo privado de Borobio (Zaragoza)Fototeca de HuescaPhotographe : Regino Borobio Ojeda

Composition : Micro-édition 31, Hélène Mas

5 impasse G. Apollinaire, 31240 Saint-Jean

Ces rencontres ont été organisées scientifiquement par l’association Histoire des Sociétés rurales.

ISSN : 0290-2915

ISBN : 2-85816-813-843-1

© Presses Universitaires du Mirail 2006

Université de Toulouse-Le Mirail

5, allée Antonio Machado

31058 Toulouse cedex 9

Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés pourtous pays. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partiellefaite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur oude ses ayant cause, est illicite et constitue une contrefaçon (art. 2 et sui-vants du Code pénal). Les copies ou reproductions destinées à une utili-sation collective sont interdites.

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TABLE DES MATIÈRES

Christine Rendu« Transhumance » : prélude à l’histoire d’un mot voyageur ........ 7

Louis ChaixLe bétail en mouvement, du néolithique à l’âge du fer.Aspects méthodologiques et données archéozologiques.................. 31

Christohpe ChandezonDéplacements de troupeaux et cités grecques (Ve-Ie s. a.C.) .......... 49

Mireille CorbierLa transhumance dans les pays de la méditerranée antique ........ 67

Philippe LeveauEntre le delta du Rhône, la Crau et les Alpes, les séquenciations du temps pastoral et les mouvements des troupeaux à l’époque romaine ...................... 83

Emilio Pérez RomeroL’histographie sur la transhumance en Espagne, 1983-2003.......... 97

Xavier Soldevila I TemporalL’élevage ovin et la transhumance en Catalogne nord-occidentale (XIIIe-XIVe siècles) .................................... 109

José Manuel Abad AsensioLa transhumance dans la communauté de Aldeas de Teruel ...... 119

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Table des matières

Esther PascuaCommunautés de proprétaires et ressources naturelles à Saragosse lors du passage du Moyen Âge à l’époque moderne .......................................................................................................... 137

Manuel Corbera MillanÉvolution des techniques pastorales et différenciation des paysages d’élevage dans la montagne cantabrique (Espagne) ...................................................... 151

Stéphane BoissellierLes recherches sur les déplacements de bétail au Portugal au Moyen Âge, bilan des travaux et éléments de réflexion ................................................................................................ 163

Yassir BenhimaLa transhumance au Maroc médiéval : peuplement et habitat ...................................................................................................... 183

Nicolas CarrierL’estivage en Savoie du nord à la fin du Moyen Âge. Essai de chronologie et de typologie .................................................................. 199

Danilo GaspariniBrebis de montagne… pâturages de plaine. Élevage ovin et agriculture dans les terres de Trévise à l’époque moderne................................................................................ 211

Matthieu ShermannUn acteur de la transhumance : le cas d’un drapier trévisan à la fin du XVe siècle .................................... 223

Giacomo PolignanoOrganisation et réprésentation de l’espace dans la transhumance instituée : la dogana della mena delle pecore en pouilles.................................................... 231

Jean-Marie YanteTranshumance ovine et porcine en Ardenne-Eifel (XVe-XVIIe siècles) .................................................................................................................. 249

Guy LemeunierAux origines de l’apiculture rationnelle : la transhumance des ruches (France et Espagne, V. 1750-V. 1850) .................................................................. 263

Bruno Jaudon, Jacques Lepart, Pascal Marty, Elie PelaquierTroupeaux et paysages sur le Causse Mejan (XVIIe-XXe s.) ................ 275

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José Luis Castan EstebanLa gestion du troupeau transhumant dans la Sierra d’Albarracín (XVIIe-XVIIIe siècles) ........................................ 291

Marc ConesaEspaces en partage et partage des espaces.Organisation et acteurs de la transhumance et de l’estivage dans les Pyrénées de l’est (Cerdagne, XVe-XVIIIe siècles) ...................................................................................... 307

Pierre-Olivier FanicaUn exemple d’apiculture transhumante : le gatinais............................ 327

Guillaume LebaudyDes « gens de moutons ». Sur les traces des bergers piémontais dans l’espace de la grande transhumance provençale-alpine ...... 341

Fernando Collantes Élevage extensif, industrialisation et économies montagnardes en Europe occidentale : un schéma comparatif .................................................................................................... 355

Laurent RieutortTranshumance et gestion des territoires montagnards : l’exemple des hautes terres lozeriennes .......................................................... 367

Éric BordessouleQualité, patrimoine et environnement : de nouveaux atouts pour la sauvegarde et la reconquête du domaine pastoral français ? ...................................... 385

Pierre-Yves LaffontTranshumance et estivage : quelques conclusions.................................. 401

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LES RECHERCHES SUR LES DÉPLACEMENTSDE BÉTAIL AU PORTUGAL AU MOYEN ÂGE,

BILAN DES TRAVAUX ET ÉLÉMENTS DE RÉFLEXION

Stéphane Boissellier

Ce travail vise à faire le point, d’après la bibliographie existante etquelques recherches personnelles sur le tiers méridional du pays 1, sur ceque l’on sait des formes de transhumance au Portugal. L’ensemble desdonnées recueillies sur les déplacements de bétail dans le Portugal médié-val est de faible ampleur, même s’il constitue un tableau à première vuesatisfaisant 2. Cette probable minoration par l’historiographie de l’activitéd’élevage, notamment pour les déplacements courts, tient à plusieurscauses : d’une part, il n’existe pas au Portugal une institution comme la

1. Ma spécialisation explique que le bilan soit légèrement déséquilibré en faveur desrégions méridionales.

2. De nombreux problèmes techniques, comme les relations des bergers avec leursemployeurs, la fiscalité sur la transhumance ou les dates des déplacements, ont étébien étudiés.

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Stéphane Boissellier

Mesta castillane ou les casa de ganaderos aragonaises, plus modestes maisdotées de chartriers ; d’autre part, le latifundisme à vocation pastorale ysemble moins développé qu’en Andalousie et en Estrémadure ; enfin, lacolonisation et le « repeuplement » des zones prises à l’Islam ont pourvocation, de l’aveu même de leurs dirigeants, la mise en culture perma-nente des terres – une occupation majoritaire des surfaces par l’élevageétant considérée comme une « défaite ». Les chercheurs ont donc eu leurattention détournée vers l’agriculture. Mon propos sera de transformer cetableau, dans ce qu’il a d’artificiel, en système, tout en indiquant les pro-blèmes à aborder ou à creuser 3.

TRAVAUX EXISTANTS, SOURCES

Historiographie

Les études consacrées exclusivement à l’élevage sont rares, si l’onexcepte les travaux maintenant anciens de Maria José Trindade 4. Les der-niers auteurs ayant tenté une synthèse sur l’élevage se réfèrent au précé-dent auteur et à la compilation de sources réalisée à la fin du XIXe siècledans le 9e volume de la grande « Histoire de l’administration publique »de H. da Gama Barros 5. Pour apporter des perspectives nouvelles etrécentes, il faut donc glaner les données dans des monographies locales 6,

3. Ce travail de bilan bibliographique implique nécessairement une part de critiqueconstructive ; les lacunes que je traque sont présentes aussi bien dans mes travaux(Stéphane Boissellier, Naissance d’une identité portugaise. La vie rurale entre Tage et Gua-diana (Portugal) de l’Islam à la Reconquête (Xe-XIVe siècles, Lisboa, 1998 et Le peuplementmédiéval dans le Sud du Portugal. Constitution et fonctionnement d’un réseau d’habitats etde territoires XIIe-XVe siècles, Paris, 2003), dans lesquels j’ai sous-estimé le rôle des acti-vités pastorales et donc éludé les problèmes qu’elles impliquent.

4. Maria José LagosTrindade, « A vida pastoril e o pastoreio em Portugal nos séculos XII

a XVI. Subsídios para a sua história », dans Idem, Estudos de história medieval e outros,Lisboa, 1981, p. 5-95 et « Alguns problemas do pastoreio, em Portugal, nos séculos XVe

XVIe », Do tempo e da história, 1, 1965, p. 113-34.5. Malgré son titre prometteur et la thématique du volume dans lequel il s’insère, l’ar-

ticle plus récent de Carlos Alberto Medeiros, « Environnement, agriculture et élevageau Portugal à l’époque des découvertes maritimes », dans Robert Durand (dir.),L’homme, l’animal domestique et l’environnement du Moyen Âge au XVIIIe siècle, Nantes,1993, p. 307-13 n’est qu’une rapide synthèse fondée sur une bibliographie réduite.

6. Outre celles qui seront particulièrement exploitées dans la suite de ce travail etcelles, plus nombreuses dépouillées sans trouver de données sur notre question,voir Maria Ângela Rocha Beirante, Santarém medieval, Lisboa, 1980, Maria ManuelaCatarino, Na margem direita do Baixo Tejo. Paisagem rural e recursos alimentares (sécs.XIV e XV), Cascais, 2000, João Pedro Ferro, Alenquer medieval (séculos XII-XV). Subsídiospara o seu estudo, Cascais, 1996, Rita Costa Gomes, A Guarda medieval. Posição, morfo-

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mais l’élevage y est étudié sur la base d’une documentation locale, forméesurtout d’actes de la pratique. Or, il faut travailler au niveau supra-local,et les données les plus intéressantes se trouvent dans les quelquesouvrages qui traitent de l’organisation de l’espace à l’échelle des pro-vinces 7 ; tandis que les nombreuses monographies urbaines envisagentles espaces agro-pastoraux en relation avec les centres agglomérés et nonpas comme des entités en relation les unes avec les autres 8. On notera queles développements des monographies locales sur les routes intègrent peula notion de réseau et ne mentionnent jamais les itinéraires du bétail ; larecherche s’est concentrée, dans des études spécifiques, sur les cheminsréservés au bétail, et le problème de l’utilisation du réseau viaire « ordi-naire » par les troupeaux transhumants n’est jamais posé.

Les nombreuses études consacrées à un domaine, presque toujours untemporel ecclésiastique 9, présentent un autre défaut en adoptant le pointde vue exclusif de l’institution étudiée, et leurs analyses utilisent unegrille étroitement calquée sur les données les plus explicites de la docu-mentation, essentiellement diplomatique, notamment celles relatives à lapropriété et au faire-valoir 10. Or, l’élevage ambulant utilise massivementdes terres non appropriées, et les contrats qui mettent en œuvre l’activitéproprement dite sont à trop court terme pour être rédigés ou conservés, sitant est que le grand élevage ne relève pas le plus souvent de l’exploita-tion directe (vu la faiblesse de la main d’œuvre nécessaire). Mais dans lestravaux consacrés aux institutions publiques et à l’exercice de la juridic-tion, l’on aborde les interventions politiques des autorités centrales oulocales dans le déplacement des troupeaux.

Les recherches sur les déplacements de bétail au Portugal au Moyen Âge 165

logia e sociedade (1200-1500), Lisboa, 1987 et Richard C. Hoffmann, Harold B. John-son, « Un village portugais en mutation. Póvoa d’El Rey à la fin du quatorzièmesiècle », Annales. ESC, 5, 1971, p. 917-40.

7. Ainsi, il n’y a pratiquement rien sur d’éventuels déplacements du bétail dans le tra-vail de Manuel Sílvio Alves Conde, Uma paisagem humanizada. O Médio Tejo nos finaisda Idade Média, Cascais, 2000 en raison du cadre micro-régional.

8. Du point de vue méthodologique, les travaux récents intègrent de plus en plus ladimension écologique mais juxtaposent souvent les analyses des divers modes d’ex-ploitation des incultes sans étudier toujours leur concurrence matérielle.

9. Par exemple Maria de Fátima Botão, Poder e influência de uma igreja medieval. A colegiadade Santa Maria de alcáçova de Santarém, Cascais, 1998, Luís António Santos Nunes Mata,Ser, ter e poder. O hospital do Espírito Santo de Santarém nos finais da Idade Média, Leiria,2000 et Bernardo Vasconcelos e Sousa, A propriedade das albergarias de Évora nos finaisda Idade Média, Lisboa, 1990, pour la seule région au sud du Tage ; la principale thèseest Iria Gonçalves, O património do mosteiro de Alcobaça nos séculos XIV e XV, Lisboa, 1989.

10. On retrouve cette perspective très organiciste (dans ce cas avec une focalisation insti-tutionnelle) dans la série de monographies consacrées aux Ordres militaires au basMoyen Âge réalisées à l’Université de Porto, particulièrement importantes à cause del’association souvent faite pour la Castille entre élevage et Ordres militaires.

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Stéphane Boissellier

Les sources

Cette bibliographie reflète l’état des sources primaires qui ne conser-vent aucun type de document destiné à compter les troupeaux ou à fixerles itinéraires. On pense aux traces que devrait laisser la location despâtures aux transhumants, au bas Moyen Âge, quand les droits d’usage sesont suffisamment réduits pour que les propriétaires privés puissent mon-nayer les herbages de leurs défens et les autorités municipales ceux descommunaux. Mais il s’agit de locations saisonnières dont les contrats n’ontprobablement jamais été rédigés ou ne l’ont été que dans des registresnotariaux (non conservés, au Portugal, avant la toute fin du XVe s.). Lesprincipaux acteurs de l’élevage eux-mêmes n’ont pas laissé de documen-tation médiévale propre. Pourtant, il a existé dès le XIIIe s. des associationsde bergers, les rafalas, dont on sait seulement, par les coutumiers de RibaCôa, qu’elles nommaient certains agents collaborant avec les autoritéslocales 11 ; mais elles semblent supplantées dans ces fonctions, dès le XIVe s.,par des agents de la monarchie. L’existence des associations de proprié-taires est probable (comme le prouve le règlement d’une confrérie des ovel-heiros dans le village alentejan de Viana), mais leur rôle juridictionnel n’estpas comparable à la Mesta castillane ou aux juntes aragonaises 12.

L’absence de documentation des acteurs économiques eux-mêmesoblige à se tourner vers les sources indirectes, émanant des autorités. Maisles juridictions municipales, chargées d’organiser sur le terrain le par-cours local des troupeaux et le prélèvement fiscal sur le passage et lapâture, n’ont pas laissé la comptabilité issue de ce contrôle 13. Or de nom-breux déplacements de bétail ont dû se mettre en place, durant les tempstroublés de la Reconquête, sous le contrôle des autorités locales, avant quel’allongement des parcours et la complexification des intérêts n’obligent

11. M. J. Trindade, A vida pastoril…, p. 56-57. Les cabanas font l’objet d’interprétationsdivergentes ; remontant étymologiquement à l’abri des bergers, elles désignent aussibien des troupeaux que des associations de bergers (Maria Helena Coelho et ArmandoLuís de Carvalho Homem (coord.), Portugal em definição de fronteiras (1096-1325). Docondado portucalense à crise do século XIV, Lisboa, 1996, p. 434).

12. Outre le rôle de la monarchie, agent d’encadrement supra-local, la nécessité d’un syn-dicat d’éleveurs totalement centralisé est moindre au Portugal qu’en Castille carl’étonnante diversité écologique du pays sur un territoire aussi réduit implique desparcours pastoraux dépassant très rarement les 300 km ; or, le degré d’organisation dela transhumance est proportionnel à la longueur des itinéraires.

13. S’il n’est pas sûr que toutes les juridictions locales aient exercé un tel contrôle (commetendraient à le faire penser les « Ordonnances » générales du royaume compilées auXVe s.), celui-ci est bien attesté dans certains cas : pour le municipe d’Abrantes, un pro-cès évoque la tenue d’un livre municipal de comptage du bétail venu d’autres concel-hos (cité par M. Conde, Uma paisagem humanizada…, p. 264).

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une autorité suprême, la monarchie, à chapeauter le tout. Si on peut noterl’intérêt des chartes de franchises rénovées sous le règne de Manuel Ier, ils’agit de textes du début du XVIe s., d’utilisation régressive difficile,notamment pour la période antérieure à la dynastie d’Avis. Au bas MoyenÂge, les instances locales de l’administration royale effectuent le travailde comptabilité de la transhumance (celui-ci parfaitement attesté par lalégislation administrative), particulièrement les « alcaides das sacas » surla frontière luso-castillane à partir de la fin du XIVe s., mais la productionadministrative de la Couronne portugaise est très mal conservée avant leXVIe s. Le poids croissant de la Monarchie dans la constitution de réseauxà l’échelle du royaume s’exprime donc par une documentation normativeabondante mais peu concrète.

Les actes relatifs aux déplacements du bétail sont en majorité issus deconflits judiciaires avec les agriculteurs, et des problèmes d’interprétationse posent sur la place de l’élevage mobile. On peut aussi se tourner versles actes, bien plus nombreux, relatifs aux terres qui portent le bétail,notamment le gros dossier des « enclosures » (coutadas) tardo-médiévales,qui se trouve commodément rassemblé et édité 14.

RÉSULTATS DES RECHERCHES : L’AMPLEUR DES MOUVEMENTS DE BÉTAIL

Voici quelques résultats les plus solides, sans s’attarder longuementcar la récente synthèse de Marie-Claude Gerbet a inclus quelques cha-pitres consacrés spécifiquement au Portugal, qui ont aussi le mérite d’in-troduire une dimension comparative 15. J’insisterai surtout sur quelquesproblèmes bien posés par d’autres ouvrages, en partant toutefois du plusconcret, les différents caractères techniques des déplacements de bétail,mais en étudiant leur valeur comme indicateur.

La nécessité écologique et la localisation de la transhumance 16

L’élevage peut constituer la meilleure solution dans le rapport entrel’homme et son milieu mais de façon moins volontariste que l’agriculture,même dans ses effets sur l’environnement : l’élevage obéit plus fortement

Les recherches sur les déplacements de bétail au Portugal au Moyen Âge 167

14. Carlos Manuel Baeta Neves (dir.), História florestal, aquícola e cinegética. Colectanêa dedocumentos existentes no ANTT Chancelarias reais, Lisboa, 1980-8.

15. Marie-Claude Gerbet, Un élevage original au Moyen Âge : la péninsule Ibérique, Biarritz,2000.

16. Pour tout ceci voir principalement la synthèse d’Orlando Ribeiro, Portugal, o Mediter-râneo e o Atlântico. Esboço de relações geográficas, Lisboa, 1987 (1e éd. 1945).

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Stéphane Boissellier

aux contraintes naturelles. Dans les régions de climat nettement méditer-ranéen, le Trás-os-Montes, la Beira intérieure et la région au sud du Tage,les herbages sont trop médiocres durant l’été pour supporter de grandstroupeaux, et il faut donc recourir à l’estivage. Mais, dans toute la moitiénord du pays, les reliefs marqués sont suffisamment denses pour que ledéplacement entre herbages d’été et d’hiver s’opère à courte distance. Endehors même du principal massif à estivage, la serra da Estrela, une étudedirigée par José Mattoso à partir des enquêtes dionisiennes sur la régionlittorale au sud du Douro a révélé une véritable transhumance saisonnièreintra-régionale 17. Dans le Sud, tout l’Algarve bénéficie également d’unrégime de déplacement court du bétail, avec complémentarité entre litto-ral et montagne proche au sein de chaque concelho ; la partie du bas Alen-tejo en contact avec les serras d’Algarve y va estiver. Ces mouvements àfaible distance peuvent concerner les bovins. L’Alentejo occupe donc laplace cruciale dans la transhumance, en particulier comme région d’ac-cueil du bétail castillan, même si sa vocation bétaillère et latifundiste estun poncif à rejeter.

La nécessité d’envoyer les troupeaux en hivernage vers le sud à causedu froid est moins répandue car la majorité du territoire portugais béné-ficie de températures hivernales clémentes, sauf en altitude excessive(moins de 10 % du territoire) ; ainsi, les éleveurs de l’Estremadura ne sem-blent avoir aucun besoin écologique d’envoyer leur bétail dans d’autresrégions ou même hors de leur juridiction d’appartenance 18 (et la régionne peut accueillir du bétail étranger). La transhumance à long rayon estdonc liée à la complémentarité entre les massifs montagneux (le systèmecentral et les serras de Montemuro sur la rive sud du Douro et d’Algarve),et les régions précédemment citées. On peut estimer que les massifs nesont pas assez élevés pour offrir de véritables prairies d’alpage. Leur prin-cipal atout est la faiblesse durable de leur anthropisation, qui en fait uncomplément des zones cultivées, sans concurrencer les troupeaux exté-rieurs par un important élevage local durant l’été.

Il semble que le plus long courant de transhumance à l’intérieur duroyaume portugais – le plus éclairé par les sources mais inférieur en

17. José Mattoso, Luis Krus, Amélia Andrade, O castelo e a feira. A terra de Santa Maria nosséculos XI a XIII, Lisboa, 1989.

18. Ana Maria Rodrigues, Torres Vedras. A vila e o termo nos finais da Idade Média, Lisboa,1995, p. 272-3, n’identifie que 3 grands troupeaux ovins (dont un de 450-600 têtes)pour le territoire de Torres Vedras au XVe s., ne sortant jamais du territoire municipal.Or, Pedro Gomes Barbosa, Povoamento e estrutura agrícola na Estremadura central. Séc. XII

a 1325, Lisboa, 1992, p. 145 et 200, envisage une transhumance courte pour les trou-peaux cisterciens d’Alcobaça (grange de Turquel) mais rejette le lien entre la politiqued’implantation du monastère et ses nécessités pastorales.

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volume aux déplacements plus courts – s’établisse, à une date mal connuemais assez tardive, entre la serra da Estrela et le Campo de Ourique. Leurcomplémentarité, fruit de deux excès écologiques, semble évidente, et lalenteur de l’intégration économique du Sud explique peut être que laconnexion soit tardive, ou imposée conjoncturellement par un dévelop-pement brutal du grand élevage au XVe siècle. Mais il est probable que lesgrands troupeaux ont recouru auparavant à d’autres solutions 19, ce quimontre que les données écologiques récentes que nous offrent les géo-graphes ne sont peut-être pas applicables aux temps médiévaux 20. Latranshumance régulière entre la Castille et le Campo de Ourique, n’estpas attestée formellement avant le règne d’Afonso V 21.

Les mouvements de bétail n’obéissent pas qu’aux contraintes écolo-giques mais aussi à l’ensemble de la structure socio-économique ; lanotion essentielle de surcharge pastorale (à utiliser à l’échelle locale) estrelative, liée aux facilités d’accès aux pâtures, à la nécessité de mise en cul-ture (donc au mouvement démographique) et à la puissance socio-poli-tique des éleveurs. En dehors de la région d’entre Douro et Minho,densément peuplée, et de quelques îlots de bonne terre, les incultes occu-pent de vastes superficies aux marges des terroirs dans le Portugal médié-val. Pour un bétail aussi peu exigeant que les ovins, chaque communautéd’habitants peut donc théoriquement accéder à suffisamment de pâturespour entretenir des troupeaux importants, avec de faibles déplacements àl’intérieur de sa juridiction ou dans les juridictions limitrophes grâce auxnombreux accords de co-pâturage 22.

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19. Les documents invoqués par Maria Ângela Rocha Beirante, Évora na Idade Média, Lis-boa, 1995, p. 380 montrent que le bétail d’Évora va pâturer dans le Campo de Ouriqueet le Ribatejo et même, en conjoncture de guerre, en Estremadura mais ne signalentaucun estivage en altitude.

20. Cf., pour la serra da Estrela, Isabel Castro Pina, A encosta ocidental da Serra da Estrela.Um espaço rural na Idade Média, Cascais, 1998, p. 15. Le bas Alentejo, que l’on présentecomme non pâturable durant l’été, semble, d’après les divers codes forestiers etaccords avec l’Ordre de Santiago, revêtu d’un manteau forestier notable, fragmenté,aux XIIIe-XIVe s. (voir Alexandra Manuela de S.S. Soares e. a., « Ocupação do concelhode Almodôvar no período muçulmano II : reconstituição regressiva da paisagem »,dans V jornadas arqueológicas (20, 21 e 22 de maio de 1993), Lisboa, 1994, vol. I, p. 49-64et quelques documents que j’ai présentés dans Daniel Baloup, Stéphane Boissellier etClaude Denjean, La péninsule Ibérique au Moyen Âge. Documents traduits et présentés,Rennes, 2003, p. 131-135 ; Nicole Devy-Vareta, « Para uma geografia histórica da flo-resta portuguesa. As matas medievais e a ‘coutada velha’ do rei », Revista da Faculdadede Letras – Geografia, 1, 1985, p. 47-67).

21. M. J. Trindade, A vida pastoril…, p. 44.22. Le vocable employé pour désigner les incultes, le monte, qui est une zone de pente

mais pas forcément d’altitude, montre que chaque finage a sa propre zone de « mon-tagne », composée de véritables petits massifs mais qui est le plus souvent sans carac-

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La plus grande masse du bétail ovin est possédée en petites unités, quine doivent pas beaucoup circuler pour se nourrir toute l’année. Jusqu’auXVe siècle, la taille des troupeaux n’est connue que par des sources nor-matives ; on peut en déduire que les unités confiées à un berger et sesaides pour une saison comptent plusieurs centaines et peut-être plus de1 000 têtes. La documentation diplomatique fournit ponctuellement leschiffres de troupeaux de grands propriétaires de bétail, qui n’excédentjamais les capacités des pâtures proches, même dans un terroir fortementcultivé 23. Des chiffres globaux, fruits d’estimations et de déclarations tou-jours suspectes, ne nous sont fournis que pour l’extrême fin du XVe s., ainsices 50 000 têtes que la serra da Estrela est réputée héberger (dont 15 000 duseul monastère castillan de Guadalupe) ou ces 50-60 000 têtes amenéespar la Mesta sur le Guadiana portugais par la cañada léonaise 24.

Les indicateurs de mobilité pastorale

L’existence de chemins bétaillers spécifiques est, pour beaucoup d’au-teurs, le principal indice d’une « transhumance », sans parler des innom-brables mentions d’enclos à bétail, qui ne prouvent rien car ces abrispeuvent servir aussi bien à de longs parcours inter-régionaux qu’à l’abrinocturne du bétail sédentaire en divagation courte. Le passage de vastesmanades pose des problèmes dans les alentours ; on connaît donc bien leslieux matériels de ce passage. Cependant, l’existence de chemins aussispécifiques que les cañadas castillanes est loin d’être prouvée. Au-delàd’une toponymie douteuse 25, le vocable portugais canada est d’emploi

tère morphologique marqué ; les principales différences entre monte et massif monta-gneux sont la taille et donc ces massifs sont partagés entre plusieurs communautés etsurtout peuvent accueillir du bétail en plus de celui des citoyens.

23. Pour les XIIIe-XIVe s., j’ai repéré au sud du Tage des troupeaux ovins d’une centaine à500 têtes (S. Boissellier, Naissance…, p. 566-568). En Estremadura (à Cós), P. Barbosa,Povoamento…, p. 141, identifie un troupeau de 226 moutons possédé par un riche laïcau début du XIIIe s. Voir aussi les chiffres cités supra pour le territoire de Torres Vedras.

24. Respectivement I. Pina, A encosta…, p. 53-55 et M.J. Trindade, A vida pastoril…, p. 44.On peut regretter que la savante étude de Marie-Claude Gerbet, « Une voie de trans-humance méconnue. La cañada Soria-Portugal à l’époque des Rois Catholiques », dansJoaquín Gómez-Pantoja (éd.), Los rebaños de Gerión. Pastores y trashumancia en Iberiaantigua y medieval, Madrid, 2001, p. 21-36 ne soit consacrée qu’à la partie « espagnole »de ce flux, ce qui ne permet pas de l’envisager dans son aspect réticulaire.

25. Voir par exemple Manuel Sílvio Alves Conde, Tomar medieval. O espaço e os homens,Cascais, 1996, p. 227 (citant un « Porto da ovelha »), Idem, Uma paisagem…, p. 263 etP. Barbosa, Povoamento…, p. 200 (toponyme Alcanada).

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plus ancien qu’on ne le pense 26 mais rare, généralisé très tardivement etavec une signification claire alors. Son adoption est certainement liée àl’influence du castillan – en raison de la transhumance castillane au Portugal –, et il vaut mieux rechercher auparavant les servitudes de pas-sage du bétail dans les énigmatiques « entrées et sorties » (qui ne sont pasde véritables voies car leur mise bout à bout ne constitue pas encore delongs parcours rectilignes) 27. Ceci correspond à la relative décentralisa-tion dans l’organisation des parcours. Si des espaces de passage sont bienaménagés périodiquement pour les troupeaux selon des règles rigou-reuses, l’absence de véritables drailles aux itinéraires obligés ne plaidepas pour l’énormité des troupeaux, qui rend inévitables les grandesroutes pastorales.

Un indicateur très ancien est la taxe levée par les communautés localessur la dépaissance du bétail étranger (montaticum/montado), dont le nommême indique que la transhumance primitive s’opère dans de vastesmarges encore incultes et non sur des pâtures appropriées (donc louéespar les éleveurs). Mais sa mention presque uniquement dans les chartesde franchises (forais) et coutumiers requiert certaines précautions. Dupoint de vue diplomatique, les chartes se constituent en « familles » tex-tuelles à partir du milieu du XIIe s., et la présence d’une clause ne signifiepas sa réalité sociale, ce qui impose d’établir une typologie plus qu’unerépartition géographique des chartes. Du point de vue chronologique, leschartes et surtout les coutumiers (particulièrement focalisés sur les moda-lités de prélèvement du montado) éclairent des époques anciennes et sontdéjà anachroniques lors de leur rédaction. Mais le principal problème estl’interprétation socio-économique : le prélèvement du montado n’indiquepas si le bétail vient du concelho voisin (trasterminante selon la terminolo-

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26. M. J. Trindade, A vida pastoril…, p. 36 (et à sa suite la plupart des autres auteurs) datela plus ancienne occurrence de 1362 mais j’ai repéré une mention dès 1290, dans lazone frontalière avec la Castille (S. Boissellier, Naissance…, p. 567).

27. Encore en 1362, la réglementation générale des défens d’Alentejo par le roi Pedro Idésigne comme canada la partie des terrains dont le propriétaire cède momentané-ment un droit de passage, concernant surtout le bétail sédentaire. Même au XVe s., les plus nombreuses canadas sont des passages permanents réservés au bétail (voir,M.A. Beirante, Évora…, p. 380, Sebastiana Alves Pereira L. Lopes, « Os bens de FreiJoão Fernandes de Oliveira na comenda da Ordem de Cristo de Castro Marim [ca1440-70] », dans Isabel Cristina Fernandes (coord.), Ordens militares. Guerra, religião,poder e cultura, Lisboa, 1999, vol. 2, p. 156 et Joaquim Antero Romero Magalhães, Parao estudo do Algarve económico durante o século XVI, Lisboa, 1970, p. 114). Mais, jamaisidentifiés par une destination lointaine, cités génériquement comme un réseau de passages vicinaux, ils ne peuvent donc, à cause de leur nombre, constituer de grandsaxes.

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gie castillane) ou de l’autre bout du royaume, et le nombre de commu-nautés municipales croît après la « fondation » des chefs-lieux au momentde la Reconquête, avec un cadre de prélèvement (le territoire municipal,termo) qui se réduit 28. Tout cela oblige à suivre l’évolution du montadodans les documents concrets (actes de la pratique foncière et administra-tive), surtout pour le bas Moyen Âge, que les études éclairent directementpar les chartes de franchises ; or, ce travail reste largement à faire.

PESANTEURS HISTORIOGRAPHIQUES ET NÉCESSITÉ DE MISE EN CONTEXTE

L’historiographie de l’élevage médiéval a suivi une méthode régres-sive, en partant des travaux des géographes, ce qui ne va pas sans quelqueanachronisme, comme on l’a vu pour les données écologiques. En effet, siles techniques de l’élevage transhumant sont quasiment intemporelles,leurs enjeux sociaux ont considérablement varié, autant dans l’opiniondes autorités que dans l’encadrement imposé. Ainsi, la question desdébouchés du grand élevage spécialisé, évidente pour les périodesrécentes, est peu posée alors qu’elle conditionne toute la thèse d’une inva-sion des grands troupeaux au bas Moyen Âge : les marchés accessiblesaux possesseurs de bétail sont-ils suffisants pour augmenter considéra-blement le cheptel 29 ? J’ai de fortes réserves à ce sujet.

28. M. J. Trindade, A vida pastoril…, p. 34-35, base son interprétation peu évolutive dumontado sur un article de la charte d’Évora (1166) qui est très imprécis dans sa formu-lation. On peut se demander, pour la région au sud du Tage à cette époque mais pro-bablement pour toutes les zones au sud du Douro juste après leur conquête, si lemontado n’est pas alors, selon l’interprétation classique de J. Klein, une amende com-pensant les dégâts commis par le bétail dans les cultures, ce qui impliquerait qu’ellefrappe les éleveurs quelle que soit leur appartenance juridictionnelle. Quand onconnaît l’immensité et l’indéfinition des territoires municipaux (supra-locaux) lors del’occupation des chefs-lieux, il semble logique qu’un prélèvement comme le montadofrappe surtout les habitants des villages dépendants du chef-lieu. Cela n’exclut nulle-ment que le montado soit prélevé aussi comme véritable taxe de pâture sur le bétail deséleveurs venant d’autres chefs-lieux, notamment de régions plus au nord où s’est déjàproduit le processus de multiplication des territoires municipaux.

29. La bibliographie courante montre que, dans la documentation comptable commer-ciale de la fin du Moyen Âge, la laine ibérique non portugaise est présente partout (cf.Philippe Contamine et alii, L’économie médiévale, Paris, 1993, p. 280-281), donc peu tra-vaillée sur place ; en revanche, les exportations portugaises ne semblent pas notables(cf. Filipe Themudo Barata, Navegação, comércio e relações políticas : os Portugueses noMediterrâneo ocidental (1385-1466), Lisboa, 1998, passim) et la production lainière doitêtre absorbée par une industrie nationale pourtant pas très active : les importations detissus travaillés constituent un des principaux postes d’importation (ibid.).

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Le poids de l’exemple castillan constitue un autre problème. Dans laPéninsule ibérique non castillane, l’historiographie de la transhumanceest écrasée par la Mesta, un cas particulier dont le rôle est de plus en plusminoré par les recherches espagnoles récentes. Qu’elle serve à comparerest intéressant, mais il est plus critiquable d’en faire un « modèle »,conduisant à penser que la transhumance est moins fortement organiséedans les régions ne jouissant pas de la même qualité documentairequ’elle. Il reste à prouver que la concentration de la gestion dans un seulorganisme est plus efficace que sa dispersion entre différents organes,d’autant que les distances à parcourir sont inférieures au sein du royaumeportugais.

La périodisation des grandes phases pose des problèmes historiogra-phiques beaucoup plus larges de conjoncture socio-économique, impli-quant l’identification des acteurs de l’élevage (fort peu posée dans lesétudes existantes). L’élevage non sédentaire est associé pour la Péninsuleibérique à deux temps forts, à deux situations socio-économiques mar-quées, la situation frontalière durant la Reconquête et l’économie doma-niale aristocratique du bas Moyen Âge. Dans les deux cas, un agent socialest réputé peser d’un grand poids : les Ordres militaires, particulièrementprésents dans les deux tiers méridionaux du royaume portugais.

Posé par un article de Charles J. Bishko, la prédominance d’un élevagepresque nomade dans les populations de la frontière, en complément dumode de vie guerrier des chevaliers roturiers, est un schéma qui jouit debons arguments, du Douro à l’Algarve entre le Xe et le XIIIe s. Cependant,la minceur des données, principalement dans les chartes de franchises, nepermet pas d’éclairer les itinéraires, la taille des troupeaux ni les modali-tés techniques de l’élevage, même si l’étude du rôle des fortifications peutêtre éclairante. Le principal indicateur de l’existence assez générale d’unélevage mobile est la fréquence de la taxe municipale de pâture (montado)tandis que la spécialisation et la hiérarchisation des bergers, dans les cou-tumiers, peuvent être un autre indice de la massivité donc de la mobilitédes troupeaux en période haute. En revanche, sur le modèle de la situa-tion castillane, l’« abandon » par la monarchie aux Ordres militaires devastes espaces au sud du Tage ne constitue nullement, au Portugal, la for-mation de latifundia exploités extensivement par des troupeaux transhu-mants (pratique directe de l’élevage jusqu’au XIVe s. ou location despâtures aux éleveurs fin XIVe – XVe s.).

Pour le bas Moyen Âge, les problèmes d’interprétation sont considé-rables. Tout d’abord, on admet que l’élevage a progressé aux dépens descultures, en superficie occupée, en valeur ajoutée et en main-d’œuvremobilisée, raréfiée par la crise démographique. Cette thèse se fonde sur

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des travaux concernant des zones non portugaises 30 et sur la loi des ses-marias de 1375 dénonçant la conversion des cultivateurs à l’élevage, àcause de la hausse des salaires agricoles, mais elle s’appuie très peu surdes études des économies locales 31. De là, on déduit hypothétiquement,d’après le « modèle » castillan, un progrès du grand élevage, donc de latranshumance ; celle-ci pourrait être due, là où l’élevage se développe leplus, à la difficulté croissante d’accès aux pâtures, engendrée par le mou-vement de mise en défens des terres privées et d’utilisation privative desterres communes 32. En suivant ce modèle, il faudrait éclaircir l’attitudeéconomique des grands propriétaires, mais surtout de la noblesse 33, enparticulier la moyenne noblesse qui s’affirme dans le sud du pays avec ladynastie d’Avis. La formation de domaines nobiliaires laïcs méridionaux,à partir de la 2e moitié du XIVe s., n’aboutit pas à la constitution de latifun-dia mais opère une accumulation d’exploitations 34 ; le principal élémentde cette seigneurialisation économique en faveur d’une évolution vers legrand élevage est la tendance à l’enclosure et à l’utilisation privative des

30. En particulier dans la synthèse de A.H. de Oliveira Marques, Portugal na crise dos séculosXIV e XV, Lisboa, 1987, p. 104-108, qui fait autorité dans les études sur le bas Moyen Âge.

31. Il est improbable que l’économie portugaise soit aussi adaptative que les économiesitalienne ou anglaise de la même époque (qui constituent les références de cette thèse),notamment parce qu’elle semble moins dominée et contrôlée par une élite financièrenationale ou internationale (comme les industriels/banquiers italiens à Burgos etSéville ou les marchands catalans en Sicile aragonaise) ; en revanche, il est indéniableque le Portugal est entré à partir du XIVe s. dans une spécialisation internationale desproductions (impliquant des échanges commerciaux internationaux), en développantla vigne aux dépens des céréales, quitte à ce que certains voient dans le contrôle dublé maghrébin une des raisons de l’expansion outre-mer (R.C. Hoffmann et H.B. John-son, Un village portugais…, p. 917-918).

32. C’est la thèse exposée par Maria Helena Coelho, O baixo Mondego nos finais da IdadeMédia, Lisboa, 1989 (2 vol.), p. 235-251, qui constitue la principale recherche sur l’éco-nomie d’une région portugaise pour le bas Moyen Âge ; voir aussi, de ce même auteur,« Permanences et mutations dans le monde rural au Portugal aux XIVe et XVe siècles »,Arquivos do Centro cultural português, XXVI (« Le Portugal du XVe siècle. Actes du col-loque, Paris, 12 mars 1987 »), 1989, p. 67-96 et « A sociedade portuguesa quatrocentista :dinâmicas e padrões », Boletim do Instituto histórico da Ilha Terceira, LIII, 1995, p. 387-427.

33. Marie-Claude Gerbet, « Noblesse et élevage dans la couronne de Castille à la fin duMoyen Âge » dans La nobleza peninsular en la Edad Media, Madrid, 1999, p. 173-196.

34. Cf. l’exemple de domaine en Estremadura analysé par Harold B. Johnson, « A portu-guese estate of the late fourteenth century », Luso-brazilian review, 10/2, 1973, p. 149-162 ; Maria de Lurdes Rosa, Pero Afonso Mealha. Os bens e a gestão de riqueza de umproprietário leigo do século XIV, Redondo, 1995 ne cite aucun bétail dans la fortune dePero Afonso Mealha, dont les domaines sont très dispersés en Ribatejo et en vignespour profiter de la proximité des grands marchés urbains (Lisbonne, Santarém, Sin-tra, Almada-Setúbal), son principal domaine (= quinta) d’Almada ne portant aucunélevage. Il faudrait néanmoins multiplier les études de ce genre ; il y aurait une étudeà faire de la politique foncière de la famille Silveira en Alentejo central, à partir de soncopieux chartrier intégré dans les fonds de la « Casa de Abrantes ».

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terres communautaires 35. Pour le XVe s., grande phase de la transhumancemédiévale, des études qualitatives sur le groupe nobiliaire montrent unenouvelle noblesse attirée surtout par le grand commerce né de l’implan-tation portugaise au Maghreb puis en Afrique noire. D’autre part, lesétudes plus nombreuses sur l’économie monastique tardo-médiévale nemontrent pas une implication pastorale semblable à celle des grandsmonastères bénédictins et cisterciens de Castille 36.

Alors, qui reste-t-il pour pratiquer le grand élevage, éventuellementtranshumant ? D’abord les Ordres militaires, grands éleveurs dans laMeseta méridionale castillane, surtout pour les époques anciennes 37 ;même si l’absence de sources comptables des Ordres au Portugal doitnous inciter à la prudence, les études ne montrent pas une forte implica-tion dans l’élevage 38. Enfin, l’envoi de leur cheptel par les petits etmoyens propriétaires dans des déplacements longs est improbable ; maiscelui des éleveurs spécialisés 39 ? On peut donc se demander si ce ne sontpas les éleveurs castillans qui « exportent » au Portugal une évolutionsocio-économique assez différente, fournissant ainsi l’essentiel du cheptelqui vient gonfler une transhumance jusqu’alors modeste et dispersée.

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35. La monographie de José Pires Gonçalves, « Monsaraz e seu termo (ensaio monográ-fico) », Junta distrital de Évora. Boletim anual de cultura, 2, 1961, p. 3-158 et 3, 1962, p. 267-351 évoque l’attribution (peut-être en utilisant le vieux système de repartimientomunicipal = sesmaria) de la zone de monte municipal de Roncão, dans le territoire deMonsaraz, au duc de Bragance et sa location par le duc à des éleveurs de Santarém etde Soria en 1482-3 (pour les sommes considérables de 29 000 et 50 000 réaux).

36. Robert Durand, Les campagnes portugaises entre Douro et Tage aux XIIe et XIIIe siècles, Paris,1982, p. 402 repère un agent spécialisé pour les troupeaux au XIIIe s. au monastèred’Alcobaça, mais il l’interprète ensuite comme un préposé aux acquisitions (de terres)(Idem, « L’économie cistercienne au Portugal », dans L’économie cistercienne. Géographie– Mutations du Moyen Âge aux temps modernes, Auch, 1983, p. 101-117).

37. Enrique Rodríguez Picavea-Matilla, « La ganadería en la economía de frontera. Unaaproximación al caso de la meseta meridional castellana en los siglos XI-XIV », dansCarlos de Ayala Martínez e.a. (éd.), Identidad y representación de la frontera en la Españamedieval (siglos XI-XIV), Madrid, 2001, p. 181-203.

38. Maria Cristina Pimenta, « A Ordem militar de Avis (durante o mestrado de D. FernãoRodrigues de Sequeira) [ca 1385-1434] », Militarium Ordinum analecta, 1 (« As Ordensmilitares no reinado de D. João I »), 1997, p. 234 note que la multiplication des conflitsentre l’Ordre d’Avis et ses municipes autour des pâtures à partir de la fin du XIVe s. nepermet pas d’en déduire un développement de l’élevage par l’Ordre.

39. Ainsi les statuts de la confrérie des éleveurs de Viana do Alentejo, en 1329 (éd. MariaJosé Pimenta Ferro Tavares, « Para o estudo das confrarias medievais portuguesas : oscompromissos de tres confrarias de homens bons alentejanos », Estudos medievais, 8,1987, p. 55-72) prévoient des déplacements et même le décès des confrères hors du ter-ritoire municipal, mais il s’agit de prescriptions très répandues, dans des textes qui secopient mutuellement, et ces éleveurs ovilheiros, malgré leur nom (qui signifie « mou-tonneurs »), élèvent des animaux de toutes les espèces et non exclusivement ovins.

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Les conflits d’intérêt entre l’élevage transhumant et l’agriculture sontpeut-être surestimés ; certes, la documentation (notifications de sen-tences) les éclaire, mais on observe que, sans superposition des deux acti-vités sur un même espace, les procès impliquent plus un antagonismetechnique qu’une concurrence économique. Par ailleurs, il faut soulignerque les plaintes des paysans contre la divagation du bétail local – pasmême saisonnière – sont plus nombreuses que les conflits avec les trans-humants. La vision trop globale de ces tensions est liée à l’impression trèsnégative d’une « invasion » du bétail à cause d’un recul des cultures à lafin du Moyen Âge, donc d’une défaite dans la valorisation de l’espace,mettant en cause la notion même de crise de l’économie rurale. Mais unebonne partie de nos informations est de type législatif (plaintes enCortes), provoquant un biais documentaire car les Cortes ont changé denature à partir de la fin du XIVe s. avec la nouvelle dynastie d’Avis et sontdevenues un instrument d’administration devant lequel on évoque desnouveaux problèmes. La thèse d’un progrès massif des friches par déclindémographique est conventionnelle et offre une clé de lecture simplifica-trice des actes alors que les enjeux sont souvent plus complexes.

Le problème, plus important (posé par l’énorme dossier des mises endéfens), de concurrence pour les mêmes pâtures entre élevage sédentaire etélevage transhumant a moins intéressé que les variations de superficieentre activité agricole et élevage. Sauf en cas de surcharge démographiqueextrême, rare au Portugal, globalement moins humanisé que la Flandre, lebassin parisien ou les contadi italiens, les surfaces soustraites à la pâture pargains de terres sont modestes (quelques centaines d’ha pour chaque finage)et il vaut mieux raisonner à « pâturages constants », même lors de la récu-pération démographique qui suit les difficultés du XIVe siècle 40. On a l’im-pression que, au cours du XIVe s., le recul de l’ouverture des terresappropriées, temporairement ou durablement incultes, s’accompagne d’undéveloppement par leurs propriétaires de l’élevage sédentaire sur desterres qui n’ont qu’une faible vocation agricole ; il est donc primordial demesurer l’évolution conjointe des formes sédentaire et mobile de l’élevage.

40. L’ampleur de ces difficultés reste difficile à évaluer et varie considérablement d’unerégion à l’autre. La régression de la population reste à prouver pour la principale zoned’hivernage de la transhumance, le bas Alentejo (S. Boissellier, Le peuplement…, p. 123-145). Les remises en culture portent surtout sur des terres exploitées auparavant etaffectent peu les zones restées en inculte avant 1350 (M.S. Conde, Uma paisagem…,p. 160-161, qui synthétise la bibliographie et présente un cas régional allant dans cesens).

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PROBLÈMES D’INTERPRÉTATION DES DONNÉES EXISTANTES

Deux domaines d’analyse sont susceptibles d’aider à une pesée glo-bale de la transhumance médiévale portugaise : les enjeux socio-écono-miques et l’organisation spatiale.

Les enjeux socio-économiques

Ils sont particulièrement difficiles à évaluer car, si l’on perçoit desmouvements de bétail, on ignore le plus souvent qui sont les proprié-taires, c’est-à-dire d’où le bétail est originaire, ce qui rend difficile la miseen relation des privilèges locaux (en faveur de l’élevage et de l’appro-priation des pâtures) avec les mesures réglementant la transhumance. Onne peut non plus distinguer classiquement transhumance « normale » et« inverse ». D’ailleurs, même si on suit M.J. Trindade, on trouve des opi-nions assez divergentes sur les orientations de la politique des monarquesmédiévaux envers le grand élevage transhumant – quoique moins quedans l’historiographie castillane. Si les rois ont parfois choisi une poli-tique fiscaliste à courte vue privilégiant la taxation du bétail transhumant,ils semblent avoir généralement tenté de maintenir un équilibre social etpeut-être surtout écologique, comme par la protection des forêts d’unezone aussi cruciale que le Campo de Ourique.

On atteint là un autre élément de complexité sociale, qui interdit d’op-poser agriculteurs et pasteurs ou éleveurs sédentaires et transhumants ;c’est la concurrence, déjà évoquée pour le montado, entre les chefs-lieuxdétenteurs de pouvoirs d’autogestion et les « villages » qu’ils dominent. Sila plainte est rarement formulée, il semble que les élites municipalesouvrent la périphérie de leur juridiction aux dégâts des troupeaux trans-humants pour mieux préserver les cultures péri-urbaines et les défens, pri-vés ou municipaux, du chef-lieu destinés à la location au bétail extérieurou surtout à l’élevage local spéculatif dont ces élites sont les principauxacteurs. À partir de la fin du XIVe s., celles-ci sont en partie assimilables auxprivilégiés, surtout nobles, qui obtiennent des monarques le droit de miseen défens contre le petit élevage local des agriculteurs du chef-lieu même,dans le cadre de la concurrence entre « gros » et « petits » au sein du chef-lieu. Mais c’est aussi en tant qu’agents du centre contre la périphériequ’elles soustraient les terres aux usages locaux.

En outre, l’élevage mobile est une activité qui requiert plus de « surfacesociale » (pour accéder aux terres d’autrui ou communautaires) que decapitaux, plus accessible aux puissants qu’aux riches, c’est-à-dire à ceux

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qui ont l’oreille du roi et/ou qui dominent les gouvernements munici-paux. La grande originalité des activités pastorales est de ne pas exiger devéritable possession foncière. Même à la fin du Moyen Âge, les noblesabusent pour acquérir un usage exclusif (et vénal) sur les montes munici-paux, mais ils le font en utilisant les mécanismes juridiques fonciers datantde la Reconquête, qui excluent une véritable appropriation. D’ailleurs lemouvement de mise en défens des domaines privés, alors, montre aussil’incapacité d’une bonne partie des élites à accéder facilement à despâtures autres que les leurs propres, ce qui prouve la résistance des droitsdes petits usagers face aux entrepreneurs de transhumance.

L’organisation de l’espace

Faute de documentation saisissant directement les objets et les struc-tures d’élevage, l’analyse spatiale, notamment de la formation et des fonc-tions des territoires politiques, permet de « remonter » vers les activitéséconomiques 41. Durant les phases actives de la Reconquête, les commu-nautés militaires des grands castra dominent des zones immenses,qu’elles peuvent parcourir sans restriction, ce qui permet le déplacementde troupeaux importants. Or, la définition censitaire de la chevalerie rotu-rière par la possession de bétail ovin induit que l’élevage est réellementune activité essentielle pour les élites des chefs-lieux, et la survie maté-rielle de nombreuses petites fortifications andalouses dans ces zones peuts’expliquer, en combinaison avec les besoins militaires, par la nécessitéd’abriter des troupeaux que l’on ne ramène pas chaque soir au chef-lieu 42.En outre, les zones soumises à ces communautés en formation constituentun réservoir d’espace pour les communautés plus anciennement organi-sées des régions plus au nord ; il est donc vraisemblable que celles-ci uti-lisent les vastes plaines au-delà du Tage comme un complément pourleurs troupeaux, en véritable transhumance. Ensuite, la multiplicationrapide (surtout dans les années 1250-1320) de villages pourvus d’autono-mie politique et donc d’un espace propre suscite la division des zones pri-mitives en territoires identifiés et appropriés. La restriction croissante des

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41. Sur les rapports entre les structures socio-économiques et l’organisation de l’espacedans le Midi portugais, voir S. Boissellier, Le peuplement…

42. Cf. quelques réflexions dans S. Boissellier, Le peuplement…, chap. VII ; M.J. Trindade,A vida pastoril…, p. 26, évoque la charte de Rebordãos, qui oppose la possibilité pourcertains citoyens de se réfugier dans la fortification du chef-lieu au refuge d’autreshabitants avec leur bétail dans des lieux non précisés, qui doivent être de petites for-tifications du territoire municipal.

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territoires réduit les possibilités de déplacement de vastes manades ausein de la même unité (c’est-à-dire sans payer la taxe municipale depâture), quoique cette tendance soit souvent freinée par des accords de co-pâturage (en fait une exemption du montaticum) quand le territoire d’unnouveau chef-lieu est démembré de son « territoire-mère 43 ».

Désormais, l’élevage transhumant est la principale activité à transcen-der le caractère communautaire fortement introverti de l’organisation éco-nomique. Certes, l’élevage pratiqué par une communauté sur ses propresincultes ne fournit pas des produits fortement commercialisés. L’extraver-sion ne vient donc pas des échanges commerciaux, mais la pâture est laseule activité que l’on pratique au-delà des seules terres communautaires :le montado payé par les « étrangers » bénéficie de suffisamment d’attentiondans les chartes de franchises et surtout dans les coutumiers, plus tardifs,pour induire que la pâture hors du concelho est largement pratiquée. L’in-suffisance des incultes locaux, tout au moins pour l’élevage spécialisé, estl’indice que certaines formes d’élevage sont nomades, si ce n’est transhu-mantes. C’est le paiement de la taxe de pâture qui devient le principal obs-tacle au déplacement du bétail au-delà de quelques dizaines de km.

Durant les XIIIe-XIVe s., on a l’impression que l’on passe d’une périodeoù le bétail étranger est bien accueilli en tant que source de revenus pourle gouvernement municipal (donc pour ses élites), à une phase où les diri-geants subissent une pression populaire pour restreindre l’accès du montelocal au bétail étranger, facteur de déséquilibre écologique, sans que latranshumance longue et massive ne soit forcément en cause. Les popula-tions considèrent non seulement qu’un équilibre est atteint mais surtoutqu’il ne peut être maintenu qu’à l’échelle locale, réflexe d’introversioncommunautaire classique. Cette 2e phase pourrait correspondre à unecroissance démographique mais aussi à un rétrécissement des espacesmunicipaux, avec des concelhos plus soucieux des intérêts locaux que leschefs-lieux dominant de très vastes zones et y accueillant des troupeauxdans leurs périphéries lointaines. Toutefois, il faut se méfier du biaisdocumentaire : le passage, entre le XIIIe et le XVe s., d’une documentationdiplomatique à des sources administratives accentue certainement l’im-pression d’un localisme exacerbé des populations.

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43. Parmi de très nombreux exemples possibles, voir l’accord de séparation entreAbrantes et Alter do Chão, commodément édité dans Virginia Rau, Sesmarias medie-vais portuguesas, Lisboa, 1982 (1er éd. 1946), p. 160.

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Pour finir, j’indiquerai quelques pistes de recherche ponctuelles, enparticulier dans le domaine technique de la collecte des données. Il fau-drait tout d’abord retravailler les grandes enquêtes royales, non utiliséespar M.J. Trindade et l’une des grandes richesses de la documentation por-tugaise, en particulier celle de 1258 (et les suivantes, inédites) quiéclaire(nt) la région de la serra da Estrela. L’étude, déjà évoquée, de J. Mat-toso e.a. en fournit un modèle d’exploitation, appelant à modérer, par laprise en compte de la nature du document, l’impression d’une explosionde l’élevage ovin-caprin au XIIIe s. 44 (liée au prisme fiscal des documentsou à l’utilisation des conflits autour du montado). D’autres types de docu-ments, largement sollicités, attendent une exploitation plus systématique :les actes des Cortes doivent être abordés pour eux-mêmes, comme ungenre qui a ses règles propres 45. Même si elle ne fournit qu’une vision trèsfocalisée, la législation municipale, peu abondante mais de plus en plusaccessible, offre les données techniques concrètes qui font défaut dans lessources normatives. Les chartes royales autorisant les défens, constituantun corpus inestimable pour une histoire écologique de l’inculte, méritentelles aussi une étude globale (et non ponctuelle par les monographieslocales), qui permettrait en particulier de cerner les conceptions écono-miques du principal agent d’encadrement de la transhumance, la monar-chie. Les sources littéraires descriptives, de type chorographique,impressionnistes et subjectives, offrent la vue d’ensemble indispensable àl’appréhension des phénomènes se déroulant sur de vastes espaces et, siles œuvres proprement portugaises de ce type sont rares et tardives 46, ilme semble que les récits de voyageurs étrangers des XIVe-XVe s. n’ont pasété exploités. Enfin, les rares comptabilités des établissements religieux –et peut-être quelques unes laïques, peu explorées – et des communes four-niraient peut-être des données financières 47. La majorité de cette docu-

44. J. Mattoso e.a., O castelo…, p. 81-85.45. Armindo de Sousa, As Cortes medievais portuguesas (1385-1490), Porto, 1990. Il existe

des publications d’actes de Cortes concernant une localité ou une région : Pedro deAzevedo, Capítulos do concelho de Elvas apresentadis em Cortes, Elvas, 1914 ; JoaquimAlberto Iria, O Algarve nas Cortes medievais portuguesas do século XIV (Subsídios para a suahistória), Lisboa, 1982 ; O Algarve nas Cortes medievais portuguesas do século XV (Subsídiospara a sua história) I, 1404-1449, Lisboa, 1990.

46. Le plus ancien spécimen du genre, sous une forme très particulière, est le « livro deArautos » (écrit en 1416 par un héraut d’armes de Lamego) et les véritables chorogra-phies ne sont rédigées qu’à partir du début du XVIe s., peut-être sous l’influence desécrits issus de l’expansion en Afrique.

47. À côté des livres de comptes déjà repérés et signalés, on peut mentionner la publica-tion récente des comptes municipaux de Montemor-o-Novo par Jorge Fonseca, Mon-temor-o-Novo no século XV, Montemor-o-Novo, 1998 et surtout, pour la 2e moitié duXIVe s., les comptes de l’évêché de Lisbonne, conservés en copie ou même tenus direc-

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mentation est tardive 48, et, utilisable régressivement pour les techniquesd’élevage, elle ne peut l’être en aucune manière pour éclairer l’époque laplus ancienne de domination de l’élevage (durant la Reconquête) ni, plusgénéralement, pour évaluer rétrospectivement le poids global des grandstroupeaux avant le XVe siècle 49.

D’autres enquêtes, thématiques, sont à poursuivre : le repérage desprincipaux marqueurs de la transhumance, comme les mentions de che-mins bétaillers spécifiques (sans se focaliser sur le seul vocable canada) 50

et les toponymes significatifs, qui abondent dans les diplômes et dans leslivres fonciers 51 ; l’interprétation des mentions de montado dans leschartes et les coutumiers ; la collecte des mentions de cabanas de bergers.Pour les périodes les plus anciennes, quand l’élevage ambulant est large-ment lié à la vie en frontière, une étude de J.A. García de Cortázar 52 attireaussi notre attention sur la place des espaces d’élevage dans les formulesde pertinence des diplômes : dans les actes qui transmettent des droits surles choses, à quoi sert l’inclusion des silvae, montes et pascua (et, plus typi-quement portugais, les rossios) à côté des jardins, vignes, maisons etchamps dans l’énumération des biens, étant donnée la prégnance desusages sur les incultes ? Ce qui est transmis est-il un simple droit d’usage,au mieux préférentiel, ou des terres à usage de bétail dans leur matérialité(comme le sont les prés, les ferragines ou même les défens, qui bénéficientd’une véritable appropriation) ? Certes, beaucoup d’actes de ventes et dedonations font passer des biens de particuliers à des détenteurs de pou-voir public qui exercent une juridiction sur les espaces non appropriés etqui peuvent donc avoir intérêt à faire figurer les incultes ; mais que vientfaire la formule dans des actes entre particuliers ?

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tement durant la vacance du siège épiscopal par les collecteurs pontificaux (pourgérer le droit pontifical de dépouille) dans leurs registres de collectorie conservés àl’Archivio Segreto Vaticano (particulièrement les registres « Camera apostolica », Col-lectoriae, n° 275 et 179). Si les évêques ne sont certainement pas eux-mêmes de grandsentrepreneurs de transhumance, ils perçoivent la dîme sur le bétail.

48. Cf. les forais manuélins, très détaillés sur l’identification et la délimitation des pâturescollectives et sur les pratiques d’élevage, qui ont été, eux, bien exploités.

49. Dans les livres de comptes municipaux, jamais antérieurs au milieu du XVe s., l’évo-lution de la taxation du bétail mobile fait disparaître le montado, précieux indicateur.

50. R. Durand, Les campagnes…, p. 400, identifie (seule mention) une « via de gaado » en1271.

51. Le genre documentaire des terriers (tombos) ne se développe au Portugal qu’à partirde la fin du Moyen Âge. Signalons dans une documentation pléthorique mais large-ment inédite, ces canada do concelho mentionnées dans Iria Gonçalves et alii., Tombos daOrdem de Cristo. I Comendas a sul do Tejo (1505-1509), Lisboa, 2002, p. 145, 181.

52. José Ángel García de Cortázar, « La atribución social del espacio ganadero en el Nortepeninsular en los siglos IX a XI », Estudos medievais, 8, 1987, p. 3-27.

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L’introduction de sel dans le régime des animaux, interprétée diverse-ment et jamais évoquée dans les écrits, pose le problème de la qualité dessols à pâture, qui pourrait étayer une cartographie des zones pédologi-quement privilégiées de transhumance. Probablement plus fructueux estl’examen des espèces transhumantes. S’il semble établi que les différentesespèces circulent séparément, la classique focalisation des historiens de latranshumance sur les ovins (à laquelle je me suis conformé) est peut-êtreabusive. Les données techniques, notamment la qualité des pâtures, lataille des troupeaux (très inférieure) et les débouchés, ne sont évidem-ment pas les mêmes, mais les déplacements des bovins mériteraient d’êtreétudiés d’autant plus attentivement que leur élevage, produisant un ins-trument de travail essentiel, est mieux documenté que celui des ovins 53.On a signalé des mouvements de bovins dans la Terra de S. Maria, et onpourrait évoquer également la présence, exceptionnelle il est vrai, d’untroupeau de 5 à 600 vaches, amené en 1446 sur les pâtures de Montemor-o-Novo par le boucher du Régent D. Pedro 54. Il est évident que, commepour les chevaux du Ribatejo, la présence spécifique d’un marché desdenrées comme Lisbonne (à quelque 60 km) pousse certains propriétairesà constituer des cheptels bovins trop vastes pour que la périphérie ruralede la capitale suffise à leur alimentation. Plus généralement, il est pro-bable que le bœuf, outil agricole essentiel, ne peut être élevé par la plupartdes agriculteurs eux-mêmes (parce que les moyens à mettre en œuvresont plus coûteux que l’achat), ce qui donne lieu à un élevage spécialiséd’animaux jusqu’à l’âge adulte pour fournir les exploitations, comme entémoignent les nombreuses réglementations opposant les bœufs delabour possédés par les paysans et les autres bovins 55.

53. On dispose de nombreuses données dans la bibliographie compilée, même pour lesépoques les plus anciennes (cf. José Mattoso, Le monachisme ibérique et Cluny. Lesmonastères du diocèse de Porto de l’an mille à 1200, Louvain, 1968, p. 266-267).

54. J. Fonseca, Montemor…, p. 37.55. L’organisation par les autorités locales, rarement avant la fin du XVe s., d’un troupeau

collectif de bovins aratoires (adua ou maioria, voire boiada) ne signifie pas que les agri-culteurs assurent eux-mêmes le renouvellement de leur cheptel (voir M.A. Beirante,Évora…, p. 383-4 et J.A.R. Magalhães, Para o estudo do Algarve…, p. 101-7). Luís MiguelDuarte, « O gado, a fronteira, os alcaides das sacas e os pastores castelhanos », dansVicente A. Alvarez Palinzuela (éd.), Jornadas de cultura hispano-portuguesa, Madrid,1999, p. 127-146, éclaire les attitudes politiques des élites municipales et de la monar-chie envers le rôle économique de l’élevage et l’organisation administrative ducontrôle fiscal.

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P.-Y. Laffont / Ed.

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Vingt sixièmesJournéesd’Histoirede Flaran

Transhumance et estivageen Occident des originesaux enjeux actuelsDes milliers de bêtes trottinant dans letintement des sonnailles ont construit uneimage mythique des déplacements detroupeaux. Si aujourd’hui l’âge d’or d’unélevage fortement spéculatif semblerévolu, de nouvelles préoccupationspatrimoniales ou environnementalistesredonnent toute leur actualité aux enjeuxde la transhumance et de l’estivage.Au-delà de l’étonnante variété des typesd’élevage, l’étude des acteurs sociaux, dela construction des territoires, del’organisation étatique ont été au cœur desinterrogations portant sur un large espacegéographique incluant le Maghreb. Lesapproches croisées d’historiens,d’archéologues, de juristes, de géographeset d’ethnologues contribuent à la richessedes analyses de ce volume.

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Transhumanceet estivage

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