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Les origines du Mouvement de libration des femmes en
FranceAuthor(s): Christine DelphySource: Nouvelles Questions
Fministes, No. 16/18, PARTICULARISME & UNIVERSALISME:COORDONN
PAR CHRISTINE DELPHY (1991), pp. 137-148Published by: Nouvelles
Questions Fministes & Questions Feministes and Editions
AntipodesStable URL: http://www.jstor.org/stable/40602853
.Accessed: 08/03/2015 11:24
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Christine Delphy
Les origines du Mouvement de libration des femmes en France
Rsum
Christine Delphy : Les origines du Mouvement de libration des
femmes en France .
En France, l'histoire du mouvement de libration des femmes est
falsifie, depuis quinze ans, par le leader charismatique et
capitaliste d'un groupe financier, qui se fait passer pour sa
"fondatrice". Les vnements marquants de l' apparition du Mouvement
de libration des femmes en 1970 sont rappels : A. Fouque n'y a pas
particip, mais s'est ensuite appropri le nom et le renom du
mouvement des fins politiques et commerciales.
Abstract
Christine Delphy : "The origins of the Women's Liberation
Movement in France".
In France, the history of the Women's Liberation Movement has
undergone , for the last fifteen years, a process of falsification
at the hands of the capitalist and charismatic leader of a
financial holding who pretends to be its "founder". The events
which marked the public appearance of the movement in 1970 are
recalled : A. Fouque didnot contribute to them, but later has
appropriated the name and the fame of the movement for her own
political and commercial aims.
Devant la distorsion systmatique de l'histoire laquelle on
assiste, il devient imprieux de rappeler quelques faits, qui,bien
qu'ils ne soient gure loigns, ne sont pas bien connus.
Cela est d'ailleurs curieux : la naissance, la re-naissance du
mouvement fministe ne date que de 20 ans. Elle a t le fait de
femmes dont la plupart avaient moins de trente ans l'poque en 1970
et qui n'ont pas encore un pied dans la tombe, encore moins les
deux. De plus les traces et preuves crites de ce qui s'est
rellement pass existent. Pourquoi, en dpit de cela, et surtout,
comment peut-on, sans vergogne, r-crire l'histoire de la faon la
plus grossire ? Mais ceci fait partie d'un sujet extrmement vaste :
comment en gnral arrive-t'on falsifier l'histoire ?
J'ai lu dans le Nouvel Observateur du 6 au 12 Dcembre 1990, et
entendu dans l'mission de Jean-Marie Cavada La marche du sicle
du
N.Q.F.n 16-17-18, 1991 137
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5 Dcembre 1990, intitule Les annes femmes , et base sur ce
numro, que le M.L.F. a t fond en 1970 par Antoinette Fouque,
Josiane Chanel et Monique Wittig. .
Toutes celles qui ont vcu cette priode, se sont senties plus que
choques : interloques, furieuses, floues,et beaucoup souhaitaient
que les faits soient rtablis dans N.Q.F. Ce n'est pas tonnant :
tout comme en 1979, date laquelle la mme Antoinette Fouque a dpos
le sigle M.L.F. , non seulement en tant qu'association, mais comme
proprit industrielle et commerciale t les vraies actrices du
mouvement sont dpossdes de ce qu 'elles ont fait, donc
d'elles-mmes. Ce n'est pas seulement l'histoire qui est falsifie.
L'imposture, la supercherie, se doublent d'une injure grave aux
personnes, dont l'identit - car tre fministe fait partie de notre
identit - est ainsi nie.
L'histoire n'est pas ma discipline. Ce queje livre ici, ce sont
des faits bruts. Je connais la plupart de premire main. Certains
autres m'ont t raconts par diffrentes amies, que je cite.
D'abord, peut-on dire que le mouvement a t fond par trois
individes ? Non. Une association peut tre dpose par trois
personnes, ou mme deux, mais un mouvement, par dfinition, n'est pas
fond (dans le sens o il ne serait pas l un jour et apparatrait
miraculeusement le lendemain). Un mouvement apparat
progressivement, et avant qu'il ne soit un mouvement, pour qu'il
soit un mouvement, il faut qu'il soit compos de personnes en grande
partie anonymes.
Tout ce que l'on peut dire d'un mouvement, c'est qu'il a des
origines, et qu
' ces origines, on peut effectivement identifier certaines
personnes (mais pas ncessairement toutes).
Le mouvement de libration des femmes est apparu en France, avec
ce nom, au cours de l't 1970, grce quatre manifestations publiques
:
1) la parution de l'article Combat pour la libration de la femme
dans U idiot International dat de Mai 1970.
2) une manifestation l'Universit de Vincennes, tenue le 21 Mai
1970, dans laquelle on voit pour la premire fois des affiches et
banderoles portant les mots : Libration des femmes, anne 0 .
3) La manifestation l'Arc de Triomphe, organise en solidarit
avec la grve des fministes amricaines, le 20 Aot 1970.
4) enfin, la publication d'un numro spcial de la revue
Partisans, intitul Libration des femmes, anne 0 , en Novembre
1970.
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Qui participait ces diverses manifestations publiques auxquelles
on peut faire remonter l'existence du mouvement en tant que
mouvement, c'est dire en tant que mouvement ayant un nom, et une
existence publique ?
Remontons un peu plus haut. A l'automne 1967, Anne Zelensky et
Jacqueline Feldman-Hogasen crent un groupe intitul Fminin-Masculin-
Avenir l'intrieur du Mouvement Dmocratique Fminin (dirig par Marie-
Thrse Eyquem, Colette Audry et Yvette Roudy). Ce groupe prendra
vite son indpendance.
En 1968, je rencontre Jacqueline au C.N.R.S., elle me parle de
ce groupe et j'y adhre. Nous tions quatre ou cinq l'poque. Notant
que, parmi les innombrables thmes abords dans la Sorbonne occupe,
la question des femmes tait absente, nous organisons plusieurs
dbats(voir le livre d'Anne Tristan et Anne de Pisan, Histoires du
MLF, Calmann-Levy, 1977). En Juin 1968, FMA est fort de quarante
personnes, dont moiti d'hommes. Pendant deux ans, nous organisons
des runions toutes les semaines. Mais la presse se refuse
systmatiquement faire tat de nos activits et protestations - nous
n'arrtons pourtant pas d'crire au Monde, propos de l'affaire
Gabrielle Russier, de celle du forcen de Cestas, de la
discrimination par sexe des petites annonces, etc..
Aprs 1968, la fivre militante retombe, la plupart des gens
partent. En Avril 1970, il ne reste dans FMA que quatre personnes :
Anne, Jacqueline, Emmanuele de Lesseps et moi. En deux ans, nous
nous sommes radicalises. Nous avons chang la signification de nos
trois lettres qui sont devenues Fminisme-Marxisme- Action (1). Nous
avons compris aussi que les hommes, mme de bonne volont, ne peuvent
jouer le mme rle que nous dans cette action. Eux aussi l'ont
compris. Nous n'avons pas les jeter dehors : le dernier rester nous
demande un jour de l'exclure, ce que nous finissons par faire en
rigolant. Pendant ces deux ans, une chose nous taraudait : tions
-nous le seul groupe de notre genre en France ou en existait-il
d'autres ? Il en existait peut- tre, mais nous ne pouvions pas le
savoir parce que nous n'arrivions pas faire connatre notre
existence; et les autres, s'ils existaient, n'arrivaient pas non
plus passer le barrage de la presse. Ainsi, nous ne nous
rencontrerions jamais . . .Cette ide tait pour moi l'un des points
les plus douloureux.
Il en existait au moins un autre, et je tiens son histoire,
jusqu' notre rencontre, de Gille Wittig. En Septembre 1969, une
huitaine de femmes commencrent se runir chez Gille Wittig : Monique
et Gille Wittig, Mareia Rothenburg, Margaret Stephenson, Josiane
Chanel, Antoinette Fouque, Suzanne Fenn et une autre femme, dont le
nom nous chappe.
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Revenons aux actions qui ont cr le Mouvement de libration des
femmes.
1) L'article de l'Idiot.
Les deux amricaines racontaient qu'aux Etats-Unis, l'agitation
des femmes passait par les universits. Gille et Monique Wittig, qui
souhaitaient rencontrer d'autres femmes et agrandir le groupe, en
font une proposition concrte. Les autres s'y opposaient fortement.
Dj dans ce petit groupe, les lignes de clivage que l'on va
retrouver dans le mouvement existent : priorit la lutte des femmes
ou la lutte des classes ? Antoinette Fouque, Josiane Chanel, et les
deux autres femmes, qui appartiennent la Gauche Proltarienne ,
soutiennent la priorit de la lutte des classes. De plus, Antoinette
Fouque en particulier s'oppose tout agrandissement du groupe et, a
fortiori, toute apparition publique, avant que leur petit groupe
n'ait labor une thorie complte de l'oppression des femmes, que l'on
pourra alors livrer prte consommer aux autres femmes. Aprs des
disputes pres, les Wittig et les deux amricaines dcident de passer
outre l'opposition du reste du groupe, et Monique Wittig rdige cet
article historique, qui devait s 'appeller Pour un mouvement de
libration des femmes et que la rdaction de L'idiot International
rebaptisa Combat pour la libration de la femme (dj.. .encore..
.toujours..?), et qui est donc sign d'elle, de Gille Wittig, de
Marcia Rothenburg et de Margaret Stephenson, les quatre autres
ayant refus de s'y associer.
2) La manifestation de Vincennes.
A la mme poque, elles ont rencontr des femmes de Vincennes, qui
prparent une manifestation - d'aprs certains rcits, il y eut deux
apparitions publiques Vincennes, mais je n'ai pas d'information
prcise sur ce point. Pour cette manifestation - ou l'une des deux -
les femmes de l'Universit de Vincennes ont prpar des T-shirts, des
banderoles et des affichettes, dont l'une est reproduite sur la
couverture du n7 de Questions Fministes (Fvrier 1980). On y lit :
Libration des femmes, Anne Zro , et entre les deux, est imprim le
dessin classique - un poing ferm dans le symbole biologique du
fminin. Sur le ct, au marqueur, cette inscription : Meeting Jeudi
21 14hCafte 1970 .Gille Wittig et moi pensons qu'il s 'agit du 21
Mai.
Anne Zelensky et Jacqueline Feldman-Hogasen ont lu l'article de
U idiot. Elles crivent aux auteures, aux bons soins du journal,
mais ne reoivent pas de rponse. Monique Wittig m'a dit depuis que
A.Fouque avait conseill au groupe de ne pas rpondre, que FMA tait
un groupe rformiste .
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Cependant, un jour entre Mai et Juin, je reois un coup de
tlphone de la mme Antoinette Fouque. Comment s'tait-elle procur mon
numro ? Je ne la connaissais pas, bien videmment. Elle se prsente :
Je fais partie du groupe qui a crit l'article de V Idiot et organis
la manif de Vincennes . Devant ma raction chaleureuse, elle corrige
: mais je ne suis pas de celles qui ont crit l'article et organis
la manif. (!!!). Pourquoi me tlphone-t-elle si elle est contre les
choses qui auraient pu nous rapprocher ? Elle se lance dans des
explications embarrasses qui ne m'clairent pas sur cette dmarche
paradoxale. Je comprends trs vite que cette femme soutient des
positions lutte de classes (on verra plus loin en quoi cette
position consistait). J'accepte cependant une rencontre, dans
l'appartement d'un autre groupe dont nous avons entendu parler.
Ce troisime groupe parisien - car il y en avait peut-tre en
province dont nous n'avons jamais entendu parler - est un mystre de
l'histoire. Il s'appellait Les oreilles vertes , ce qui est trs
joli. Je ne sais comment nous sommes entres en contact avec lui, ni
ce qu'il est devenu. Nous avons donc une runion chez et avec ces
oreilles vertes. De FMA, il y a Emmanuele, Anne et moi. De l'autre
groupe, Antoinette Fouque et Jo Chanel. Seule Antoinette parlait -
je crois d'ailleurs que je n'ai jamais entendu le son de la voix de
Jo, que j
' ai vue pourtant un nombre incalculable de fois ensuite - . Mon
interprtation de cette rencontre est que Antoinette Fouque esprait
trouver des allies contre les autres membres de son groupe, les
signataires de l'article, en dpit du fait que notre conversation
tlphonique aurait du l'difier ; elle esprait peut-tre alors que les
autres membres de FMA seraient en dsaccord avec moi. Mais nous
ignorions ce genre de clivage; nous tions peu, mais tout fait
d'accord entre nous. Pour nous, le fait que tous les partis et
toutes les rvolutions nous avaient trahies et nous trahiraient,
tait une chose entendue, que l'on retrouve dans les premiers
manifestes de FMA datant du printemps 1968 : Les femmes ont t la
pitaille de toutes les rvolutions; elles en ont aussi t les dupes
parce qu'elles ont fait les rvolutions des autres.. .( Pourquoi
F.M. A. , Juin 1968).
De mauvais gr, mais s 'tant prise son propre pige, A.Fouque nous
communique cependant le lieu et la date de la prochaine runion de
leur groupe.
C'tait chez Marcia Rothenburg, et il y avait tout au plus une
trentaine de femmes : n'empche qu'elles parurent aux yeux merveills
d'Emmanule et de moi comme une foule. Les autres avaient, comme
nous, crit L Idiot International, ou elles connaisssaient l'une des
signataires de l'article, ou elles avaient eu vent de la manif de
Vincennes.
Tout de suite le mme clivage se reproduit, quand nous avons lu
le
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manifeste de F.M.A., qui comprenait une partie prfigurant les
arguments que j 'ai dvelopps quelques mois plus tard dans L'ennemi
principal {Partisans, Nov. 1970). L'assertion que les femmes
forment une classe souleva un toll parmi les gauchistes, dont l'une
des plus vocales tait A.Fouque.
Si le mouvement a pris un moment, comme on dit qu'une mayonnaise
prend, c'est cette runion. Les petits groupes ont cess d'exister,
et mme de se runir sparment. Un seul grand groupe s'est cr,
defacto, incluant aussi bien les femmes venues individuellement que
celles qui faisaient partie de ces deux petits groupes qui taient
trs conflictuels, comme celui o taient les Wittig et A. Fouque, ou
alors moribonds comme FMA. Et ce nouveau groupe, bien qu' peine
plus grand que FMA l'tait en Juin 68, possde cette fois-ci cette
chose mystrieuse : une dynamique. Il fait boule de neige, au lieu
de vgter, ce qui est la diffrence entre un groupe et un
mouvement.
Cette dynamique n'tait pas pourtant sui generis. FMA, les
signataires de l'article, et nombre d'autres, nous n'avions eu
qu'une ide en tte : toucher d'autres femmes, constituer un
mouvement. La plupart des autres taient d'accord, mme si pour les
gauchistes, ce mouvement devait avoir la lutte de classes pour
priorit. Antoinette Fouque et son entourage, en revanche, n'taient
mme pas d'accord pour un mouvement. Elles continuent demander que
nos runions soient fermes, que nous approfondissions la question
ensemble. Pour elles, toute apparition publique est prmature.
3) L'Arc de Triomphe.
Pour nous, au contraire, c'est la condition sine qua non, comme
la manif de Vincennes et l'article de L'Idiot l'ont dmontr, de la
constitution d'une force politique. C'est pourquoi nous organisons
la manifestation de l'Arc de Triomphe, qui a un retentissement sans
commune mesure avec le nombre des participantes, ce qui est
exactement ce que nous dsirions : une action symbolique - c'est
dire rsumant le message dans une forme courte et frappante - et
rpercute, par le biais des mdias, auprs d'un maximum de femmes.
Notre nombre est rest pendant des annes un objet de supputations et
de fabulations. Un an aprs, un hebdomadaire - Paris-Match je crois
- parlait de mille femmes. En ralit, nous tions neuf. La plupart
des femmes de ce groupe large nouvellement runi taient en vacances
- beaucoup taient tudiantes; une autre partie tait farouchement
contre le but - la large diffusion - et la forme - symbolique - de
cette action, dont A.Fouque et ses amies; enfin certaines d'entre
nous, n'ayant pas la nationalit franaise, ne pouvaient s'exposer au
risque d'expulsion. Car nous savions que nous serions arrtes, ce
qui est arriv (ce qui me permet de rvler ici que l'une des jambes
de l'Arc est.. .un poste de police). La police elle-mme ne savait
pas combien nous
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tions; elle fait amener trois cars, alors que nous tenions
largement dans le quart d'un car. Une fois rassurs quant notre
nombre, au bout de dix minutes de trajet, car pour tre policier, on
n'est pas forcment un as du calcul, ils cessent d'actionner la
sirne du car. Nous en sommes profondment vexes, et crions nous-mmes
pin-pon par les fentres... mais ceci est une autre histoire. Ainsi
se retrouvent au commissariat du huitime arrondissement, par ordre
alphabtique : Cathy Bernheim, Monique Bourroux, Frdrique Daber,
Christine Delphy, Emmanuele de Lesseps, Christiane Rochefort,
Janine Sert, Monique Wittig, Anne Zelensky.
Le lendemain, L'Aurore et Le Figaro annoncent la naissance du
Mouvement de libration de la (sic) femme franaise (re-sic) .
4) Le numro spcial de Partisans : Libration des femmes anne
0.
N'importe : le mouvement tait apparu. Pendant la fin de l't et
l'automne, nous prparons le numro spcial de Partisans, intitul
Libration des femmes anne 0 . Cette entreprise aussi, qui devait se
rvler si importante et fondatrice, qui annonait tous les thmes qui
furent dbattus dans et hors du mouvement pendant des annes venir,
est combattue bec et ongle par Antoinette Fouque. Comme elle
persiste contrer toutes les initiatives, la rentre de Septembre
1970, nous finissons par nous runir entre nous, car nous tions
fatigues de ces discussions avec les gauchistes o les mmes
arguments revenaient de faon rptitive sans qu'un clan arrive
convaincre l'autre. Cependant, nous maintenions des A.G. o nous lui
proposons d'exposer son point de vue dans le n de Partisans qui
tait en prparation. C'tait une offre gnreuse, puisqu'elle avait
refus de participer aux dures ngociations avec la rdaction (Emile
Copferman) au terme desquelles nous avions obtenu ce numro. Elle
n'en a cependant pas profit. Nous avons alors commenc comprendre
les raisons de son opposition ce numro comme toute initiative qui
impliquait la rdaction de tracts, de journaux etc.: parce qu'elle
ne pouvait pas crire, ce qui n'est pas dshonorant, elle voulait
empcher tout le monde d'crire, ce qui est immonde. Nous avons fini
de comprendre quand nous l'avons vue parvenue, en devenant ditrice
au moyen de soutiens financiers dont l'origine et le montant
restent des mystres, dtenir un pouvoir sur celles qui crivent.
A la rentre de Septembre 1970, nous appelons une Assemble gnrale
aux Beaux-Arts et nous nous dcouvrons plus de cent : le mouvement
existe dsormais.
Bien sr, il y aurait beaucoup d'autres choses dire sur les
origines du mouvement, mme sur ces deux courtes annes qui ont prcd
sa naissance.
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Mais mon but ici tait simplement de faire connatre certains
faits, au moins nos lectrices, certains faits qui sont non
seulement nis, mais carrment renverss par Antoinette Fouque, avec
la complicit des mdias - qui en toute autre matire, vrifieraient
leurs informations. Mais les femmes..., a a si peu d'importance...
Comme l'argent de PsychPo., devenu l'argent d'A.Fouque. On
s'interroge, on crit des livres, on passe des lois, les Franais
veulent savoir la vrit sur le financement des partis politiques.
Cependant, alors que les actifs financiers des diverses S.AR.L. et
de l'association Alliance des femmes pour la dmocratisation,
contrles par A.Fouque, sont du mme ordre de grandeur que ceux du
P.R., aucun des journalistes spcialiss dans la rvlation des dessous
financiers de la politique ne s'y est jusqu' prsent intress. Est-ce
parce qu'il s 'agit de bonnes femmes ? La misogynie aurait alors
des vertus insouponnes - et aussi douteuses que ses dfauts ?
1991 : Le Mouvement existe-t'il encore ?
Qu'une personne se prtende la fondatrice d'un mouvement - mme
avec deux autres - est une prtention exorbitante. C'est une
supercherie, une imposture, comme nous l'avons dj crit avant - voir
notamment Libration des femmes an dix (Delphy 1980) et Une presse
anti-fministe aujourd'hui (Kandel 1980) dans Questions Fministes.
Cela devient une forfaiture sans nom, quand la personne qui se
donne ce rle glorieux est celle qui a tout fait, chaque occasion,
pour empcher ce mouvement d'abord d'exister, ensuite d'apparatre,
qui chaque moment a mis des batons dans les roues de celles qui
voulaient faire exister un mouvement, et qui y ont russi. Mais ce
mouvement dont elle ne voulait pas en 1 970, elle 1
' a tout de suite, et sans arrt, marqu , comme on dit au
football. Et quand elle a vu qu'il russissait, qu'il reprsentait un
capital symbolique (comme dirait Bourdieu), elle a commenc se
l'approprier.
Sur l'histoire de cette appropriation progressive du nom et donc
du renom du mouvement, il faut consulter le livre Chronique d' une
imposture : Du mouvement de libration des femmes une marque
commerciale, publi aux Editions Tierce en 1981.
Dans ce livre on trouve une analyse prcise de ce processus
pervers et unique - car dans aucun autre pays un phnomne ni
semblable ni mme vaguement ressemblant ne s'est produit - dans les
annales des mouvements fministes : un groupe se faisant passer pour
l'ensemble d'un mouvement social - et obligeant les autres groupes
soit renoncer se rclamer de leur mouvement, soit tre considres
comme des disciples d'Antoinette Fouque, soit se taire.
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On trouve des dtails sur les diffrentes tapes de la stratgie
d'A.Fouque : en 1974, cration de la S.A.R.L. des femmes , gnrique
renforc par l'inscription en couverture des livres de la phrase :
des femmes du MLF ditent . Envoi la presse, contrevenant ainsi
l'accord entre tous les groupes du mouvement, de communiqus signs
M.L.F , sans autre prcision. En 1979, dpt d'une association 1901
Mouvement de libration des femmes- MLF , et dpt d'une quarantaine
de marques la Proprit Industrielle, dont des femmes et Mouvement de
libration des femmes-MLF .
Longtemps rticent laver son linge sale en public , le mouvement
se rend enfin compte de la menace - comme l'crit Cathy (Cathy,
1981) : depuis le dpt des marques commerciales, tout ce que nous
crivons, publions, dclarons, toutes les actions que nous menons ne
nous appartiennent plus que momentanment .
Tous les groupes, cette fois unis, ragissent, en envoyant des
dmentis aux journaux, en sous-titrant tous leurs priodiques du
mouvement de libration des femmes , mettant ainsi au dfi A.Fouque
d'intenter des dizaines de procs. Finalement, le message finit par
passer. Si, au dbut, les journalistes ont appel tous les autres
groupes des fministes sauvages (sic) ou encore le MLF dissident
(re-sic, comme s'il y avait - mais peut-tre y aura-t'il bientt - un
MLF d'Etat?), au bout de quelque temps, ils prennent l'habitude
d'appeler PsychPo MLF dpos - ce qui contrarie quelque peu le but de
la dmarche.
Cette appropriation n'est pas la seule chose que les fministes
reprochent A.Fouque : Des dsaccords considrables sont apparus..trs
rapidement, entre PsychPo et d'autres courants. Ceux-ci portaient
sur les rfrences privilgies du groupe (le maosme, le lacanisme, le
bolchvisme, l' anti-fminisme) et surtout sur son fonctionnement
interne, en contradiction de plus en plus flagrante avec ses
options affiches : importance exorbitante donne la parole et la
pense d'une personne (Antoinette Fouque), dogmatisme, terrorisme
verbal, utilisation systmatique de la psychanalyse sauvage et/ou
procs politique pour obtenir l' auto-critique des opposantes,
uniformisation progressive des femmes du groupe, etc.. (Notre
mouvement nous appartient 1980).
C'tait et c'est cependant le principal reproche :
- Nous ne reprochons pas au groupe PP-DF (Psych et Po-Des
Femmes) de faire du commerce mais d'en faire avec ce qui ne lui
appartient pas : le nom, l'identit, les productions de toutes les
femmes en lutte et en mouvement...
- nous ne reprochons pas au groupe PP-DF d'crire son histoire,
mais de
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s'approprier et de falsifier la ntre
- nous ne lui reprochons pas de prendre des initiatives, de
faire des tracts, des textes, des journaux, ni mme que ceux-ci
soient le plus souvent aberrants (le soutien Jian Qing par
exemple)
- nous lui reprochons de le faire au nom des femmes, de toutes
les femmes; de nous forcer les endosser et de contribuer ainsi
considrablement , toutes, nous discrditer...
Il n'est pas question d'attribuer PP-DF la responsabilit de tout
ce qui ne va pas dans le Mouvementes difficults sont communes tous
les mouvements de femmes dans tous les pays industrialiss. C'est
par contre en France, et en France seulement, que le mouvement est
en outre attaqu de l'intrieur par un groupe qui s'en disait
autrefois partie prenante... (Notre mouvement nous appartient,
1981).
Aujourd'hui, dix ans aprs, tout cela reste vrai. Mais il y a dix
ans, aprs des annes d'efforts, le mouvement tait parvenu dissocier
son image de celle de PP-DF et d' A.Fouque. Tout ceci est oubli
maintenant. Et il faudrait recommencer nouveau ? Avec quelles
forces ? La socit franaise, et PsychPo , ont eu raison du MLF, du
vrai. Et comme le prdisait encore Cathy : l'Histoire sera rcrite
comme celle des dix dernires annes., .affiche, vendue, expose par
un seul groupe, au profit d'intrts financiers dont nous n'avons
aucune ide. . L'histoire est une fois de plus rcrite.
Aujourd'hui, comptant sur la bienveillance des mdias et des
hommes qui peuvent tre des femmes politiques, A.Fouque se laisse
crditer de tout : de la manifestation de Vincennes, de celle de
l'Arc de Triomphe, de toutes les actions du mouvement, alors qu'il
n'en est pas une qu'elle n'ait dnigre: par exemple, cherchez sa
signature dans le fameux manifeste des 343 qui a lanc la longue
lutte pour la libert de l'avortement. Elle revendique mme le
fminisme, alors que les runions de son groupe, pendant des annes,
taient consacres vilipender les fministes, et que les journaux
qu'elle a fait paratre sont pleins de ces attaques. On n'a que
l'embarras du choix pour les citations. Par exemple : Aujourd'hui,
Socialisme et Fminisme, pacifistes, rformistes ou soi-disant
rvolutionnaires, tous deux hritiers de l'humanisme occidental, sont
les deux plus puissants piliers du Patriarcat.. .etc.. ( Kandel
1980).
C'est quand mme aux socialistes, piliers du Patriarcat , qu'elle
a demand la Lgion d'honneur ; et ceux-ci, pas rancuniers, la lui
ont donne. Et pour quoi ? Pour services rendus la cause du fminisme
!
Encore un record franais : dans quel autre pays considrerait-on
que
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dire du fminisme Le fminisme est l'adversaire du Mouvement de
Libration des Femmes, de tout mouvement de libration, de tout
mouvement anti- imprialiste (A.Fouque 1980), c'est... lui rendre
service ?
Je signale celles qui veulent, encore et toujours, trouver des
excuses A. Fouque, que, contrairement beaucoup d'autres
distinctions, que d'autres peuvent demander pour vous (et qu'on
peut aussi refuser - Sartre l'a fait), ceci est impossible pour la
Lgion d'honneur. Aussi ne peut-on dire : Oh, tiens, une Lgion
d'honneur ! , comme si un papillon venait de se poser sur votre
paule. C 'est Napolon qui a cr la Lgion d'honneur, et sa mre lui
avait inculqu de stricts principes corses, par exemple que on ne
peut pas avoir et le beurre et l'air de s'en foutre (en corse,a
sonne mieux, mais on comprend quand mme l'ide gnrale). Il ne
voulait pas qu'on puisse arborer sa dcoration par devant et se
payer sa tte par derrire. Aussi a-t'il stipul, et comme c'tait trs
malin les gouvernants qui l'ont suivi la tte de notre Empire
(longue vie notre Empire), se sont bien gards d'y changer quoi que
ce soit, la rgle suivante : pour obtenir la Lgion d'honneur il faut
en avoir fait la demande personnellement.
Comme souvent, c'est encore Simone de Beauvoir qui a le plus
clairement formul l'essence du scandale (Beauvoir 1981) : Rduire au
silence des milliers de femmes en prtendant parler leur place,
c'est exercer une rvoltante tyrannie.. .cet abus est d'autant plus
inacceptable qu'Antoinette et ses disciples se disent prises de
justice sociale et en rbellion contre le monde des nantis. Or c'est
en tant que nanties qu'elles ont accompli cette prise de pouvoir
qui est depuis longtemps leur unique but .
REFERENCES
BEAUVOIR, Simone de ( 1 98 1 ) Introduction , Chroniques d' une
imposture, Paris : Tierce.
CATHY (198 1) C'est la vrit.. .mais c'est pas une raison pour le
dire ^Chroniques d'une imposture, Paris : Tierce.
DELPHY, Christine (1980) Libration des femmes an dix , Questions
Fministes, N7, Fvrier.
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FOUQUE, Antoinette (1980) entretien avec Kate Millet, Des femmes
en mouvements- hebdo, n28,16 Mai.
KANDEL, Liliane (1980) Une presse anti-fministe aujourd'hui :
des femmes en mouvements , Questions fministes, N7, Fvrier.
NOTRE MOUVEMENT NOUS APPARTIENT (1981) Le commerce des femmes ,
Chroniques d'une imposture, Paris : Tierce.
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Article Contentsp. 137p. 138p. 139p. 140p. 141p. 142p. 143p.
144p. 145p. 146p. 147p. 148
Issue Table of ContentsNouvelles Questions Fministes, No. 16/18,
PARTICULARISME & UNIVERSALISME: COORDONN PAR CHRISTINE DELPHY
(1991), pp. 1-262Front MatterEDITORIAL[pp. 1-12]PARTICULARISME ET
UNIVERSALISME[pp. 13-15]Les luttes de femmes en Algrie[pp.
16-28]Les stratgies des femmes l'gard des fondamentalismes dans le
monde musulman[pp. 29-62]Vers une nouvelle idologie du droit
statutaire: Le temps de la diffrence de Luce Irigaray[pp.
63-92]Libration des femmes ou droits corporatistes des mres ?[pp.
93-118]Le point de vue lesbien dans les tudes fministes[pp.
119-136]Les origines du Mouvement de libration des femmes en
France[pp. 137-148]Le travail thrapeutique comme production
domestique[pp. 149-165]La dissuasion nuclaire en France et la
dmocratie interdite[pp. 166-189]L'Europe fministe[pp.
190-198]MOUVEMENTSLUTTES FMINISTES AU BRSIL: Notes sur un rcent
voyage : avril-mai 1989[pp. 199-203]EXCISION : DE QUEL(S) DROIT(S)
?[pp. 204-208]LUTTES DE FEMMES, LUTTES FMINISTES ?[pp. 208-211]IRAN
: 10 ANS DE POUVOIR ISLAMIQUE[pp. 211-213]COORDINATION AVEC LES
COMITS DE SOUTIEN AUX FEMMES ENLEVES, SQUESTRES OU CONTRAINTES A UN
MARIAGE[pp. 213-214]VIOL CONJUGAL : COMME TOUS LES VIOLS, UN
CRIME[pp. 214-216]LE COLLECTIF FMINISTE CONTRE LE VIOL : UN LIEU
D'INFORMATION, DE SOLIDARITE ET DE LUTTE[pp. 217-223]
GUERRE DU GOLFELETTRE OUVERTE DE CITOYENNES DE LA C.E. A LEURS
GOUVERNEMENTS ET A LA C.E. SUR LA CRISE DU GOLFE PERSIQUE[pp.
224-226]I. DERNIERES NOUVELLES SUR LE BATEAU DES FEMMES POUR LA
PAIX DANS LE GOLFE ARABO-PERSIQUE[pp. 226-229]LETTRE OUVERTE AUX
LESBIENNES CONTRE LA GUERRE[pp. 229-233]FORUM INTERNATIONAL DES
FEMMES POUR LA PAIX (16/17 fv. 1991) DECLARATION DE TUNIS[pp.
233-235]
REVUES CRITIQUESReview: untitled [pp. 236-245]Review: untitled
[pp. 245-248]Review: untitled [pp. 248-251]THEORIE ET PRATIQUE DANS
LES REVUES D'TUDES FMINISTES D'ALLEMAGNE DE L'OUEST : Chronique
partiale et bougrement subjective des revues et autres feuilles de
choux au pays des contes de Grimm[pp. 252-262]
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