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Les industries préhistoriques des amas coquillers de Tarfaya

Feb 20, 2023

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Association Algérienne pour la Sauvegarde et la Promotion du Patrimoine Archéologique (AASPPA)

Siège : 33, rue Didouche Mourad, Alger centreTéléphone : 213 (0)7 70 35 15 97 ou 213 (0)7 70 17 75 80

Adresse électronique : [email protected]

FondateursN. Aïn-Séba, G. Aumassip, F. Benouis, N. Benseddik, Y. Chaïd-Saoudi, S. Chergui, N. Chérif

Comité scientifiqueAïn-Séba Nagète, préhistorienne, Institut d’Archéologie, Alger

Aït Amara Ouiza, historienne, Bouzareah, AlgerAumassip Ginette, préhistorienne, Alger

Chaïd-Saoudi Yasmina, préhistorienne, Institut d'Archéologie, AlgerDesanges Jehan, historien, Académie des Inscriptions et Belles Lettres (France)

Ghaki Mansour, archéologue, Universita degli studi di Napoli « L’Orientale » (Italie)Heddouche Abdelkader, préhistorien, CNRPAH, Alger

RédactionF. Benouis, directrice

N. Aïn-Séba, G. Aumassip

© AASPPAISSN n°2170-1016Logo D. Sadaoui

Conception couverture et infographieRym Mokhtari

Le contenu scientifique de chacun des articles relève de la responsabilité des auteurs

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SOMMAIRE

Hadjouis D. : Equilibre postural des Hominidés d'Algérie et du Maghreb et leurs relations architecturales cranio-faciales avec les populations modernes...................................................7Vernet R. : Regards sur une région préhistorique méconnue des confins du nord-ouest saharien…..................................................................................................................................21Laporte J.-P. : Petits thermes tardifs de Sétif et jeux de l’amphithéâtre….....................................55aiLLet C. : Archéologie, savoirs coloniaux et projet saharien : les cent premières années de recherches sur Sedrata (1845-1945).....................................................................................67LeVeau P. : Le patrimoine hydraulique comme composante d’une identité ..................................89taHari B. H. : D’Alger et d’ailleurs, histoire d’eaux pluviales.....................................................101Ben Mansour A.-H. : Forts et fortins d’Alger la « Bien-gardée » au début du XVIIe siècle........119 drici R. : El Kherqa ou la fibre de l'investiture.............................................................................129

Notes et travauxrodrigue A. : Les industries préhistoriques des amas coquilliers de Tarfaya (Maroc saharien atlantique).................................................................................................................139Bernezat J.-L. : L’abri de l’oryctérope en Immidir.......................................................................148BoukHenouf A., kerkacHe L. : Canons de la Citadelle d’Alger (Casbah)…...............................152 Benouis F. : L’aqueduc de Aïn Zeboudja, une restauration en deux temps..................................159Marini S. : Grecs et Romains face aux populations libyennes. Des origines à la fin du paganisme (VIIe s. av. J.-C. – IVe s. ap. J.-C.)...................................................................166184................................................................................................... مّجاني ع. الّسور البيزنطي لمدينة "ميالف"، ميلة

Chronique du patrimoine déplacéHanoune R. : Une tuile de Lambèse dans le Pas-de-Calais (France)…........................................185Laporte J.-P. : Des chapiteaux de Tigava au Musée de Carthage (Tunisie).................................187

Hommageaïn-séBa N. : L’œuvre de H.-J. Hugot….....................................................................................189

Comptes rendus….....................................................................................................................195

Résumés.......................................................................................................................................201

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* Président du Comité Départemental d'Archéologie du Tarn ([email protected]).

Dès l'après-guerre, les « amas coquilliers » de Tarfaya ont alimenté les collections des cher-cheurs de « fléchettes » d'Agadir. Il nous a été donné d'évaluer à plusieurs milliers les armatures à aileron et pédoncule ainsi que les armatures foliacées d'une seule collection « privée » d'un ensei-gnant français dans cette ville. Les pointes de flèche avaient la primeur dans ces collections, mais les « rondelles » en test d'œufs d'autruche étaient aussi très recherchées. Quant aux autres artefacts, ils ont été la plupart du temps négligés, sauf s'ils avaient un quelconque intérêt esthétique.

La magistrale synthèse de M. Almagro Basch (Almagro, 1946) signale plusieurs concheros (« escargotières ») immédiatement au sud de la ville de Tarfaya. Les prélèvements effectués par J. Mateu sur cette station donnaient une première estimation chronologique.

La dernière étude des gisements de Tarfaya, avant que la zone soit interdite pendant plus d'une décennie lors du conflit entre les Marocains et les nationalistes sahraouis, fut celle de R. de Bayle (Bayle et Vialou, 1979). Les gisements à l'est de la ville furent revus, les inventaires abondés par de nouvelles prospections. Lors d'une opération d'accompagnement d'une mission ornithologique dans la lagune de Khnifiss diligentée par l'Université des Sciences de Marrakech (Parker et Dakki, 1988), nous avons pu effectuer des prospections archéologiques sur les amas coquilliers au sud de Tarfaya, afin de compléter, sinon de préciser les profils typologiques des industries lithiques de cinq stations. Deux d'entre elles correspondaient à la localisation et à la description qu'en faisait M. Almagro Basch, mais les trois suivantes semblaient inédites. C'est l'industrie recueillie sur ces amas coquilliers qui est présentée ici.

LES AMAS COQUILLIERS

La côte de cette zone du Sahara atlantique prend l'aspect d'une falaise qui domine la mer de 10 à 50 m d'altitude. La dalle gréseuse encroûtée moghrébienne (Petit-Maire, 1979), tabulaire jusqu'aux reliefs de la Seguia el Hamra, est parsemée de dunes vives et de dunes anciennes. C'est sur les dunes anciennes fixées que les hommes se sont installés.

Par endroit, la falaise s'abaisse ou une chaaba (vallée sèche) l'entaille, permettant l'accès à d'étroites plages de sable. Les stations préhistoriques sont soit situées sur la falaise elle-même, à

Les industries préhistoriques des amas coquilliersde Tarfaya (Maroc saharien atlantique)

Alain rodrigue*

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quelques mètres de l'abrupt, soit en contrebas, sur la plage (Rodrigue, 2002). Hormis la dune d'Izriten (Grébénart, 1975b), qui mesure 80 m de longueur et 45 m de largeur, tous ces « amas coquilliers » sont peu étendus. Ceux de Tarfaya ne dépassent pas 10 m de diamètre. Le sable de la dune est recou-vert d'une mince pellicule (entre 10 et 20 cm) formé d'un mélange de rebuts de taille de silex, de galets rapportés, de fragments de test d'œufs d'autruche et parfois d'ossements humains ou animaux, mais surtout de coquillages marins (Patella safiana, Mytilus perna, Thais haemastoma). Sous cette couche, qui a agi comme une carapace et jusqu'au substratum rocheux, le sable est stérile. Il ne s'agit donc pas, à proprement parler et comme l'on fait remarquer les différents auteurs, de véritables escar-gotières, semblables aux escargotières capsiennes de l'Algérie orientale (Camps, 1974).

Tous ces dunes anthropisées ont en commun d'avoir été fréquentées pendant de longues périodes (de 9500 à 1080 BP), périodes à éclipses pour certaines d'entre elles, plus ponctuelles pour d'autres. Les mélanges d'industries épipaléolithiques et néolithiques sont donc la règle, les hommes ont souvent enseveli leurs morts dans la dune elle-même, tout au moins dans le cas de dunes de grande dimension. Nous n'avons pas constaté de présence d'ossements humains dans les amas coquilliers inventoriés.

L'INDUSTRIE LITHIQUE

INDUSTRIE T1 T2 T3 T4 T5Nucleus 2 5 1 5Pièce esquillée 3Lame et lamelle à crête 7éclat retouché 7 17 1Lame et lamelle retouchée 6 27Racloir 2 1 1 5Grattoir 4 1 3 7 3Perçoir 1 1 3 18 3Burin 1 1 2Coche et denticulé 3 4 9 1Lame 6 17 4Lamelle 17 2Outil composite 1Armature 4 6 2Tranchet 2Microlithe géométrique 1Pièce biface « sbaikienne » 1 1« Perles » en test 6 24 44 6Fragment ou ébauche de « perle » 2 68 16 4Fragment de test gravé 9 11 4 7Coquillage percé 2 3 Fig. 1 - Répartition

des industries par station.

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Très inégalement répartie sur les cinq amas coquilliers que nous avons inventoriés, l'industrie façonnée à partir d'un silex d'excellente qualité (silex du Turonien) est aussi très variée selon les types. Il y a peu de nucleus et les déchets de taille ou de ravivage sont rares (7 lamelles à crête). En revanche, les éclats et les lames bruts se retrouvent partout en abondance. Sur ces éclats et lames, les retouches marginales ne permettent pas d'identifier un type d'outil particulier (pièces esquillées, Fig. 2 ; 1, 9 – lamelles retouchées, Fig. 3 ; 9, 14, 16).

Racloir (Fig. 2 ; 2, 3) : ils confèrent à l'ensemble un aspect faussement archaïque. Obtenus sur des éclats de débitage à dos cortical, ces artefacts sont toujours présents sur les sites épipaléo-lithiques et néolithiques de la région, atteignant jusqu'à 6% de l'outillage sur la station de l'Oued Laaguig (Rodrigue, 2002), au sud de Tan Tan. Peut-être sont-ils dans ce cas liés à des pratiques de pêche hautement spécialisées ?

Grattoir (Fig. 2 ; 11, 16, 17 – Fig. 3 ; 22) : sur éclats larges et épais, presque circulaires, mais aussi, fréquemment, en bout de lame, avec front de grattage étroit et associés à des coches ou den-ticulés (Fig. 2 ; 20, 21).

Perçoir : ils peuvent avoir été façonnés sur des éclats acérés au débitage (Fig. 2 ; 8), parfois mal venus et gibbeux (Fig. 3 ; 2). L'extrémité perçante est épaisse, puissante, les retouches d'aména-gement du foret débordant largement sur la face d'éclatement (Fig. 3 ; 3). Cependant, les perçoirs, et notamment ceux de T3 et T4, ont été majoritairement obtenus sur des éclats plus petits, aménageant une mèche fine et courte (Fig. 3 ; 5). Il est probable que ces petits perçoirs étaient liés à la confection des perles en test d'œufs d'autruche (Fig. 4).

Burin : ils sont notablement rares ici (Fig. 2 ; 18, 19), ainsi que le constatait déjà M. Almagro Basch (1946). À l'encontre de ce qui s'est passé pour les « fléchettes » et les « rondelles », cet indice très faible doit correspondre à une réalité, l'artefact échappant à l'observation des non spécialistes. Nous avons fait un bilan identique sur deux stations du Sahara Occidental, l'une continentale, la seconde en bord de mer (Rodrigue, 2011). Les sites à l'est de Tarfaya, inventoriés par D. Grébénart, n'ont pas été plus généreux. Ce constat est d'autant plus curieux que le site du Km 20, à 20 km au sud de Tan Tan (Rodrigue, 2002), a fourni 90 burins (29,2% de l'outillage s.s.), de types variés (d'angle, dièdre, sur troncature, double, multiple...). Peut-être faut-il voir là, de nouveau, une très forte spécialisation de certains de ces sites côtiers, liés à des activités de pêche ?

Coche et denticulé : sur éclats (Fig. 2 ; 6, 7) ou sur lames (Fig. 2 ; 20 à 22). La délinéation est rarement profonde.

Lame et lamelle : les indices des lames et lamelles sont élevés, le débitage se traduisant pas une élaboration in situ, les nucléus recueillis étant notablement globuleux. Il faut envisager une pré-paration des lames dans les bancs du silex du Turonien, à 80 km à l'est de la ville. Les lames peuvent être de grande dimension (jusqu'à 10 cm de longueur). Nombreuses sont celles qui, semble-t-il, ont été utilisées pour des actions ponctuelles, telles ces lames à peine retouchées par « grignotage » marginal (Fig. 3 ; 8, 9). Ces longues lames comportent souvent des plages corticales (Fig. 2 ; 12, 20 – Fig. 3 ; 10, 11). Trois d'entre elles ont été utilisées comme lissoir, l'émoussé et le lustre intéressant une bonne partie du bord peu ou pas retouché (Fig. 3 ; 8, 10, 15). Le débitage lamellaire a produit des éclats longs et naturellement acérés, qu'il a suffi d'appointer (Fig. 3 ; 11) ou de retoucher sur un

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Fig. 2 - Industries de T1 (1 à 9), T2 (10), T3 (11 à 15), T4 (16 à 22).

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Fig. 3 - Industries de T4 (1 à 19, 21 à 24), T5 (20, 25).

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bord (Fig. 3 ; 12) pour obtenir, dans ce dernier cas, un couteau. Il est important de noter que pas une seule fois, sur les cinq « amas coquilliers » que nous avons prospectés, de véritables lamelles à dos abattu par retouche abrupte, de type ibéromaurusien, qui sont omniprésentes sur les stations épipaléolithiques et néolithiques au nord de l'Atlas, ont été enregistrées.

Armature : l'indice réel des armatures reste, pour les raisons invoquées supra, une inconnue. Il n'y a aucune armature perçante ou tranchante sur T1 et sur T2. Nous pensons que ces deux sta-tions ont été par le passé soigneusement « écrémées ». Quatre armatures perçantes ont été recueil-lies sur T3. Elles consistent, comme c'est très fréquemment le cas sur les sites de cette région, en une lamelle naturellement acérée (ou très partiellement retouchée à son extrémité distale), à la base de laquelle un pédoncule est aménagé (Fig. 2 ; 13). La retouche envahit l'avers (Fig. 2 ; 15). Cette technique « à l'économie » est identique pour les « amas coquilliers » T4 et T5 (Fig. 3 ; 18, 19, 23), deux stations qui s'enrichissent de « pointes d'Ounan » (Fig. 3 ; 24) ou de pointes losangiques plus ou moins lancéolées (les plus fines étant appelées « épines » par D. Grebenart, lorsqu'elles sont bifaces), décomptées ici dans la rubrique armature (Fig. 3 ; 25). Certaines lamelles, très étroites et portant des retouches périphériques (Fig. 3 ; 6) ont pu faire fonction de pointes de flèches. La grande lame, naturellement acérée et arborant une ébauche de pédoncule, est très probablement une armature de sagaie ou de harpon (Fig. 3 ; 21).

Notons enfin deux pièces remarquables : - sur T2 : grande lame à retouches couvrantes bifaces (Fig. 2 ; 10), dite ici « sbaikienne », pour reprendre une détermination certes obsolète au niveau chronologique mais qui a l'avan-tage d'illustrer immédiatement la définition (Brézillon, 1977). Elle fait figure d'intruse, tant pas la maîtrise de la technique de « pelure » du silex que par la nature de ce dernier, un silex noir, fortement cacholonné en blanc laiteux. Elle a un équivalent plus petit, fragmentaire, moins bien retouché, sur T5 (Fig. 3 ; 20). - sur T4 : grande lame épaisse, de section trapézoïdale, retouchée sur la périphérie par des enlè-vements abrupts et partiellement reprise aux extrémités sur la face d'éclatement (Fig. 3 ; 13).

Si la lame « sbaikienne » de T2 peut suggérer un couteau ou un objet socialement valorisé, la destination de la pointe de T4 reste obscure.

INDUSTRIE SUR TEST D'ŒUFS D'AUTRUCHE

L'œuf d'autruche a été abondamment consommé sur les cinq amas coquilliers de Tarfaya. Les fragments de tests non décorés, fortement patinés ou usés par action éolienne, sont partout pré-sents. Nous ne reprendrons pas ici l'analyse des décors, synthèse qui a été réalisée à ce sujet sur les stations côtières, de l'Oued Dra à la Mauritanie (Vernet et alii, 2006). Les décors des stations de Tarfaya sont constitués de lignes ou de pointillés, aucun n'est figuratif.

80 « perles » ont été recueillies, plus nombreuses sur les stations T3 et T4. Sur T3, tous les stades de percement ont été relevés, du fragment tout juste entamé au produit fini, en passant par des ébauches et des fragments qui ont pu être reconstitués (Fig. 4). Cette station est véritablement un atelier de fabrication de rondelles d'enfilage. Certaines d'entre elles portent des incisions et

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Fig. 4 - Perçoirs et « perles » en test d'œufs d'autruche. En bas, « perles » de T4 (Cliché A. Rodrigue).

Fig. 5 - Tessons de T1 (Cliché A. Rodrigue).

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proviennent de fragments d'œufs décorés et brisés. Sur T4, plusieurs « perles » atteignent 2 cm de diamètre, dimension tout à fait inhabituelle. Comme il en va des « fléchettes », les « rondelles » en test d'œufs d'autruche ont été activement récoltées. Leur indice est donc très probablement faussé.

CéRAMIQUE

Sur T1, cinq tessons de céramique modelée ont été récoltés. Quatre d'entre eux portent des décors en « wavy line », le cinquième est décoré par impression tournante à l'aide d'un coquillage (Fig. 5). Ces tessons proviennent de vases dont les décors établissent un lien entre les grands vases de l'Oued Louar et Laaguig (Bensimon et Martineau, 1987) et les productions du Sahara Occidental et de la Mauritanie (Vernet, 1993).

CONCLUSIONS

Les charbons collectés par J. Mateu sur le grand amas coquilliers à 1 km environ au sud de Tarfaya (T1 ?) furent datés de 3300 ± 100 BP. Mais les conditions de récoltes sont inconnues. Les séries inventoriées par M. Almagro Basch (1946) – s'il s'agit bien du même emplacement, site « XIX, Cabo Juby » pour cet auteur - comprennent des lames retouchées, des grattoirs sur lame, une flèche pédonculée biface, une pointe « de tradition sbaikienne » et un tesson décoré au peigne. Une « escargotière » (« conchero n°3 », T3 ?) a fourni de nombreux tessons décorés au peigne. Mais, avec beaucoup de justesse de vue, M. Almagro Basch convient qu'aucune conclusion chronologique ne peut être établie. Les dates obtenues plus tard sur des charbons et des os humains (Charon et alii, 1973) le confirment : la période d'occupation s'étale sur trois millénaires. À la seule vue de l'analyse typologique, deux constats s'imposent cependant :

- au sud de l'Oued Dra, les différents groupes lithiques montrent qu'il existe une différence marquée entre ces industries et celles liées aux populations du Maroc continental (versants méridionaux et septentrionaux de l'Atlas). Il est vrai que les rares observations effectuées dans ces régions (autour d'Akka, par exemple) montrent une intrusion très loin vers le nord des techniques sahariennes, ceci étant encore plus flagrant avec la céramique à décor ondée. - la très forte concentration de population en bord de mer, de l'Oued Dra à la Seguia el Hamra (les amas coquilliers se raréfiant et disparaissant totalement au sud du Cap Bojador) traduisent plus un choix de facilité qu'une réelle contrainte climatique, le climat de l'époque étant plus clément qu'il ne l'est aujourd'hui. Cette côte de Tarfaya, sujette à la fois aux vents violents du nord-ouest qui ont pu faire dériver et s'échouer des cétacés et aux courants froids des Canaries, particulièrement poissonneux, a dû, très tôt, attirer les hommes. Peut-être certains indices typologiques traduisent-ils cette prédilection à vivre des produits de la mer, poissons et coquillages, agrémentés de quelques trophées de chasse et des inévitables œufs d'autruche ?

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BIBLIOGRAPHIE

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