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LES FRANCISCAINS OBSERVANTS HONGROIS DE L’EXPANSION À LA DÉBÂCLE (VERS 1450 - VERS 1540)
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Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

Feb 06, 2023

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LES FRANCISCAINS OBSERVANTSHONGROIS

DE L’EXPANSION À LA DÉBÂCLE

(VERS 1450 - VERS 1540)

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B I B L I O T H E C A S E R A P H I C O – C A P U C C I N A

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MARIE-MADELEINE DE CEVINS

LES FRANCISCAINS OBSERVANTSHONGROIS

DE L’EXPANSION À LA DÉBÂCLE

(VERS 1450 - VERS 1540)

ROMA 2008ISTITUTO STORICO DEI CAPPUCCINI

Page 4: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

ISBN 978-88-88001-50-0

Edizioni Collegio San Lorenzo da Brindisi

Istituto Storico dei CappucciniCirconv. Occidentale 6850 (GRA km. 65,050) - 00163 ROMA

Tel. 06.66.05.21 - Fax 06.66.05.25.32E.mail: [email protected] - Internet: www.istcap.org

In copertina:

Le couvent et église de Visegrád (à la fin du XVe siècle).Source: Medieval Visegrád, dir. J. Laszlovszky, fig. 205.

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Remerciements

Ce travail issu de mon mémoire pour l’Habilitation à diriger des recherches n’aurait pu voir le jour sans la bienveillance éclairée des professeurs qui ont accepté de le parrainer. Moins par esprit de clocher que dans l’intérêt du propos, Madame Nicole Bériou m’a d’abord convain-cue de la nécessité de remonter plus loin dans le temps que dans le projet initial, apportant ainsi davantage de perspective historique à cette enquête; c’est elle aussi qui m’a suggéré d’élargir le corpus documentaire au fonds a priori prometteur de la Sacrée Pénitencerie Apostolique. Sur-montant l’éloignement géographique, Monsieur Gábor Klaniczay m’a été d’un précieux secours, par les contacts qu’il m’a permis d’établir avec les enseignants-chercheurs de la Central Euro-pean University (à Budapest) et par ses constantes mises à jour historiographiques.

J’ai bénéficié également de l’appui indéfectible de mon collègue Jean-Michel Matz – soutien moral pendant mon exil sur les austères rivages de la Corne de l’Afrique et éclaircissements scientifiques à partir d’exemples angevins. Catherine Vincent et André Vauchez ont contribué à leur manière, au cours de discussions informelles, à la genèse de cette entreprise. Jean Bérenger et Olivier Chaline ont apporté quant à eux la touche du moderniste, indispensable, en m’éclairant sur l’évolution religieuse de l’Europe centrale à partir du XVIe siècle finissant. Et je n’aurais pu établir les comparaisons souhaitées avec d’autres espaces de la Chrétienté sans l’heureuse initiative de Ludovic Viallet, co-organisateur avec Frédéric Meyer depuis 2003 de colloques stimulants et informés autour du thème “Identités franciscaines à l’âge des réformes”.

Enfin, je ne sais comment remercier mes collègues hongrois de l’aide pratique et intellec-tuelle qu’ils m’ont apportée à chaque étape de mon parcours, en particulier Edit Madas, Beatrix Romhányi, Attila Sárosi et Katalin Szende à Budapest, László Koszta et Zsolt Hunyadi à Szeged, sans oublier Gergely Kiss, à Pécs. Côté français, je dois beaucoup à l’attention, la com-pétence et la disponibilité des responsables de la Bibliothèque des Capucins de Paris, Cécile de Cacqueray et Pierre Moracchini.

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Avertissement au lecteur

Traiter d’un sujet relatif à l’histoire de l’Europe centrale dans une langue qui n’est pas celle des pays concernés pose l’éternelle question de la transcription des noms propres. Le problème est d’autant plus délicat que nous nous trouvons ici à la charnière entre Moyen Âge et Époque Moderne, les spécialistes de chacune de ces deux périodes – pour ne pas dire chaque historien – ayant des usages pro-pres.

La plupart des localités situées à l’intérieur du royaume magyar au tournant des XVe et XVIe siècles n’ont pas de nom français. Lorsqu’il existe, il est souvent tombé en désuétude (comme Bude ou Strigonie). Les évoquer d’emblée sous leur forme actuelle ne facilite pas la consultation des sources, où elles apparaissent en hongrois latinisé, et encore moins de la bibliographie, principalement magyare. C’est pour ces différentes raisons – et non par nostalgie révisionniste – que j’ai pris le parti d’indiquer les toponymes en hongrois dans les pages qui suivent. Ils seront accompagnés à la première occurrence de leur appellation actuelle et du nom de l’État auquel ils appartiennent aujourd’hui. Pour les localités ayant abrité l’un des couvents étudiés, on se reportera au tableau synoptique présenté en fin d’ouvrage. Seules les villes de Presbourg, Zagreb et Raguse garderont leur forme française.

Dans la mesure du possible, les noms de personnes seront traduits. Les pa-tronymes hongrois se référant à un nom de lieu – composés d’un toponyme muni du suffixe -i /-y – seront restitués en de, suivi du toponyme cité. János Hunyadi de-vient ainsi Jean de Hunyad. Les surnoms descriptifs, ethniques ou géographiques sont également donnés en français.

Le moyen le plus rapide d’identifier les noms propres est de recourir à l’in-dex, qui récapitule par ordre alphabétique les différentes formes de chacun des toponymes et anthroponymes mentionnés dans ce livre.

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Abréviations

Références bibliographiques:

Les travaux répertoriés dans la bibliographie proposée en fin d’ouvrage et dans le « catalogue des sources imprimées » de l’annexe Sources apparaissent dans les notes sous forme contractée (nom de l’auteur et premiers mots du titre).

Les travaux et recueils de sources imprimées souvent cités et figurant dans le Tableau synoptique des couvents sont ainsi abrégés 1:

Andrić = S. Andrić, The Miracles Boros = F. Boros, Az erdélyi ferencrendiek Buzás = G. Buzás et alii, The Franciscan Friary Entz = G. Entz, Erdély építészeteErdély = G. Erdély, Egy kolostorperGalamb = Gy. Galamb, A ferences obszervanciaGyörffy = Gy. Györffy, Az Árpád-kori Magyarország György = J. György, A ferencrendiek Horvat = A. Horvat, Navi poglediKarácsonyi (ou Ka) = J. Karácsonyi, Szent Ferencz Kollányi = F. Kollányi, Magyar ferenczrendiekMuck. = E. Muckenhaupt, A csíksomlyói ferencesPapp = Sz. Papp, A királyi udvarRom. = B. Romhányi, Kolostorok és társaskáptalanok Rusu = Dicţionarul mănăstirilor, dir. A. A. RusuSolymosi = L. Solymosi, Adatok Pápa városSoós = Z. Soós, The Franciscan FriarySzűcs = J. Szűcs, A ferences obszervancia

AcBos = Acta Bosnae potissimum ecclesiastica cum insertis editorum documentorum regestis ab anno 925 usque ad annum 1752, t. XXIII de Monumenta spectantia historiam Slavorum Meridionalium, éd. E. Fermendžin, Zagreb, 1892.

1 Pour compléter ces références, voir Bibliographie.

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ABRÉVIATIONS10

AF = Analecta Franciscana sive Chronica aliaque varia Documenta ad historiam Fratrum Minorum spectantia, t. I-XII, Quaracchi-Grottaferrata, 1885-1983.

AM = Annales Minorum seu trium Ordinum a s. Francisco insti tutorum, éd. L. Wad ding, Quaracchi, J. M. Fonseca ab Ebora, 1731- (1933 - pour la 3e éd).

BF = Bullarium franciscanum, éd. J. H. Sbaralea, Romae 1759 -.BF ns = Bullarium franciscanum, Nova Series, éd. U. Hüntemann, Ad Claras Aquas 1929 -.EEMH = Egyház történelmi emlékek a magyarországi hitujítás korából. Monumenta eccle-

siastica tempora innovatae in Hunga ria religionis, éd. V. Bunyitay, R. Rapaics, J. Karácsonyi, Budapest 1902-1906, 3 vol.

LERH III = Leges ecclesiasticae regni Hungariae et provinciarum adiacentium III, éd. I. Batthyány, Claudiopoli 1827.

MVH = Monumenta Vaticana historiam regni Hungariae illustrantia. Vatikáni Magyar Okirattár, Budapestini 1887-1891, série I, 6 vol.

Collections, éditeurs scientifiques et périodiques:

AFH = Archivum Franciscanum HistoricumAMSCEU = Annual of Medieval Studies at CEUBSC = Bibliotheca Seraphico-CapuccinaCEFR = Collection de l’École Française de RomeCEUP = Central European University PressEFR = École Française de RomeISC = Istituto Storico dei CappucciniMETEM = Magyar Egyháztörténeti Encyclopédia MunkaközösségeMTA = Magyar Tudományos Akadémia

Bibliothèques et dépôts d’archives:

CsML = Csongrád Megyei Levéltár [Archives du comitat de Csongrád], Szeged, Hongrie.MFL = Magyar Ferences Levéltár [Archives Franciscaines Hongroises], Budapest,

Hongrie.MOL = Magyar Országos Levéltár [Archives Nationales Hongroises], Budapest, Hongrie.OSzK: Orzságos Széchényi Könyvtár [Bibliothèque Nationale Széchényi], Buda pest,

Hongrie.SPA = Sacra Penitenzieria Apostolica [Sacrée Pénitencerie Apostolique], Archives

Secrètes du Vatican, (Archivio Segreto Vaticano), Cité du Vatican.bte = boîte ms = manuscritfds = fonds tr = tiroir

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ABRÉVIATIONS 11

inv. 1930 = inventaire des archives (aujourd’hui dispersées) du couvent fran ci scain de Gyöngyös, établi en 1930 sous le titre de A gyöngyösi zárda okle véltára, Buda-pest 1930.

Documents: Bullaire de Gyöngyös = bullaire franciscain conservé longtemps à Gyön gyös mais

aujourd’hui à Budapest: MFL, Gyöngyösi Bullárium2.Bullaire de Szeged = bullaire franciscain provenant également de Gyöngyös,

actuel lement conservé à Szeged: CsML, fds XII. 4, ms a/182.C[h]ronica = C[h]ronica seu Origo fratrum minorum de Observantia in Provincia Boznae

et Hungariae, dans l’édition de F. Toldy: Analecta monumentorum Hungariae his-toricorum litterariorum maximum inedita I, Pest 1862, (reprint: Budapest, MTA, 1986), 213-3153; il subsiste un manuscrit original: CsML, fds XII. 4, ms a/19, qui comporte aussi des fragments inédits (notamment les folios 62v-74v).

1er form. = Formularium in usum ordinis Fratrum Minorum regularis obser vantiae in Hun-garia (-1525), OSzK, Codex Latinus medii aevi n° 4322.

2e form. = formulaire franciscain observant (1532-1535) décrit et commenté par J. Csontosi (1880) et F. Kollányi (1898)3.

pj = pièce justificative, éditée en fin d’ouvrage.

Recueils de sermons: PT = Pelbart de Temesvár Dom. = Sermones dominicalesOL = Oswald de Laskó Quadr.=Sermones quadragesimales ou

Quadragesimale Sanctis = Sermones de Sanctis,

I / II = Pars Hyemalis / Estivalis Temp. = Sermones de Tempore

Statuts conventuels de 1454 = constitutions réformées rédigées par le pro vin cial de Hongrie Fabien d’Igal et adoptées en 1454 par les frères mineurs de la province conventuelle de Hongrie, dans l’édition d’A. Magyar: Die Ungaris-chen Reformstatuten des Fabian Igali aus dem Jahre 1454. Vorgeschichte und Aus-wirkungen der Statuten, dans AFH 64 (1971) 91-103.

2 Voir l’annexe Sources, “Catalogue des sources manuscrites” (que j’abrégerai en Sources manuscrites).

3 Voir l’annexe Sources, “Catalogue des sources imprimées” (ou Sources imprimées).

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INTRODUCTION

L’Église latine connut à partir du milieu du XIVe siècle et jusqu’au début du XVIe siècle un vaste mouvement réformateur, que les historiens ont coutume d’ap-peler “réforme catholique”, soulignant par là l’existence, bien avant l’ap parition du protestantisme, d’une dynamique de changement au sein même du christia-nisme occidental. Elle s’inscrit entre deux grands courants de nature similaire mieux connus du grand public: la Réforme grégorienne d’un côté, et la Contre Réforme, de l’autre1. Comme elles, la réforme catholique s’en prit aux clercs vi-vant au contact des fidèles, mais encore et surtout aux religieux. Elle toucha les communautés anciennes, issues de la grande famille bénédictine, comme les cha-noines réguliers ou les groupements érémitiques, et n’épargna pas les couvents de frères mendiants. C’est à leur sujet que l’on parle généralement d’“observance”2.

Chez les moines comme chez les frères, on invoquait la nécessité de restau-rer les usages oubliés par la négligence coupable des frères, tout en posant des exigences nouvelles qui, elles, reflétaient l’évolution de la piété dans les derniers siècles du Moyen Âge, autrement dit la “religion flamboyante”3. Les réformateurs réguliers se trouvaient donc immanquablement tiraillés entre tradition et innova-tion. Cet écartèlement constitue la première faiblesse inhérente au mouvement. Il en existe une seconde: son effroyable manque d’unité. Tirées d’expériences spontanées survenues dans des foyers multiples très éloignés les uns des autres, les réponses apportées à la question du rapport entre modèles anciens et formes récentes de la spiritualité chez les religieux variaient selon les lieux et les époques. N’y voyons pas seulement la trace du folklore local. L’enjeu était autre. Il s’agissait

1 Voir Histoire du christianisme 7, dir. J.-M. Mayeur et alii, ainsi que les autres ouvrages cités dans la rubrique Le christianisme occidental à l’aube de la Réforme de la Bibliographie.

2 Sur les différentes acceptions du mot “observance”, mise au point synthétique de Grado G. Merlo, dans Dictionnaire encyclopédique, dir. A. Vauchez, art. Observance, 1095.

3 J’emprunte cette formule passée dans le langage courant à Jacques Chiffoleau. Histoire de la France religieuse 2, dir. J. le Goff et R. Rémond, Du christianisme flamboyant à l’aube des Lumières (XIVe-XVIIIe siècle), dir. F. Lebrun, Paris 1988, ch. 1: La religion flamboyante (v. 1320 - v. 1520), 11-183.

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de savoir comment interpréter les préceptes – souvent elliptiques – laissés par les fondateurs d’ordres, et de déterminer jusqu’à quel point il fallait les adapter aux mutations politiques, sociales et culturelles survenues depuis leur apparition. La reconnaissance officielle de la réforme monastique par la hiérarchie ecclésiastique, tardive et longtemps hésitante, ne parvint jamais à faire taire ces dissonances4.

L’ordre de saint François souffrait de ce point de vue d’un handicap sup-plémentaire. Victime de son succès, il avait essaimé d’un bout à l’autre du conti-nent européen, y compris en terre orthodoxe et musulmane, s’aventurant jusqu’en Afrique du Nord et en Extrême-Orient. Difficile, même pour un ordre centralisé, de maintenir un semblant de cohérence dans ces conditions. D’autant que, depuis sa naissance, le franciscanisme était traversé de courants d’opinion divergents. Les partisans de la pauvreté absolue n’avaient pas tous disparu avec les persécutions lancées contre les Spirituels à la fin du XIIIe et au début du XIVe siècle. Comment revenir au modèle du poverello sans être soupçonné de dissidence ni raviver les querelles du passé5? Se posait aussi la question de savoir si, faute d’avoir réussi à convaincre la direction de l’ordre, une nouvelle hiérarchie devait être mise en place. Leur vœu d’obéissance ne commandait-il pas aux frères de s’en tenir aux rouages traditionnels? D’un foyer à l’autre, les solutions imaginées par les réfor-mateurs différaient fortement. En France, on insistait sur la pauvreté, plutôt que sur l’érémitisme ou les expériences mystiques, que recherchaient au contraire les observants italiens ou espagnols. Le respect des cadres anciens l’emportait en Allemagne (avec Mathias Döring) et en Flandre (autour de Colette de Corbie), tandis qu’il inspirait crainte et méfiance en Italie. Si bien qu’à la fin du Moyen Âge, en dépit des tentatives pontificales ou franciscaines visant à unifier la réforme, il y avait presque autant d’observances que d’observants6.

Fondé par les descendants de tribus païennes qui nomadisaient encore dans la steppe au moment où Charlemagne dilatait les frontières de ce qui allait bientôt devenir la Christianitas jusqu’aux rives de la Baltique et en Pannonie, le royaume de Hongrie conservait aux XVe et XVIe siècles de nombreux particularismes religieux. La persistance de motifs chamaniques dans la culture populaire, la vigueur du culte des saints de la dynastie arpadienne, le voisinage des chrétiens orthodoxes et

4 Pour une vue d’ensemble des réformes monastique et observante de la fin du Moyen Age: K. Elm, Reformbemühungen; Id.,Riforme e osservanze; Id.,Verfall und Erneuerung; F. Rapp, Le combat pour la stricte observance; M. Fois, L’ “osservanza” come espressione..

5 Voir H. Holzapfel, Handbuch der Geschichte; J. Moorman, A History of the Franciscan, ainsi que les autres ouvrages cités dans la rubrique L’ordre des frères mineurs à la fin du Moyen Age de la Bibliographie.

6 Comme le fait observer Bernard Chevalier dans Olivier Maillard, 34.

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INTRODUCTION 15

des Infidèles ottomans, ou encore l’emprise des laïcs (à commencer par le roi) sur la vie des églises et des com munautés régulières tandis que les prélats gardaient la haute main sur la gestion des affaires du royaume, créaient un contexte favorable à l’éclosion de courants spirituels originaux7. Rappelons par ailleurs que l’ordre fondé par saint François connut dans ce pays un succès aussi précoce que dura-ble, qui le plaça en tête de toutes les congrégations régulières jamais implantées sur le sol hongrois. Il ouvrit le bassin des Carpates aux tendances impulsées par le centre de l’ordre, donnant progressivement à la piété magyare une coloration méditerranéenne8.

En retour, les frères de Hongrie eurent l’opportunité d’enrichir de leur expé-rience les vives controverses qui entourèrent la genèse et la diffusion du courant observant. Pièce unique dans une mosaïque déjà bigarrée, l’observance francis-caine hongroise constitue-t-elle un cas singulier dans l’histoire du mouvement, ou ses membres se bornèrent-ils à suivre des modèles venus d’ailleurs? Les travaux consacrés à l’histoire du franciscanisme magyar, trop souvent confinés au cadre national, ne permettent guère de le savoir.

Se pose également la question de la réussite de la formule en Hongrie. La réforme observante connut en effet un essor prodigieux dans le royaume de saint Étienne après le milieu du XVe siècle – plus spectaculaire apparemment que dans les autres provinces de l’ordre. L’actif soutien du roi et des aristocrates, ajouté à l’inter-vention personnelle de deux grandes figures de l’observance italienne (dont Jean de Capestran) procura aux frères mineurs réformés un poids incomparable et très envié dans la société civile comme dans l’Église, loin devant les “conventuels” et les autres congrégations régulières. Aucun ordre, pas même celui des ermites de saint Paul, de fondation hongroise et en plein épanouissement, n’exerçait une telle influence à la cour et auprès des fidèles, des foules urbaines jusqu’aux masses paysannes9.

Cette position dominante aurait fort bien pu déboucher, à terme, sur la fon-dation d’une nouvelle famille de tradition franciscaine, comme celles des Récollets et des Capucins, approuvées respectivement en 1489 et 1528. Au lieu de tout cela, une fois entrés dans le XVIe siècle, les observants hongrois semblent frappés de léthargie. A la surprise générale, certains de leurs membres prirent le parti des insurgés pendant la grande jacquerie de 1514, au mépris des injonctions de leurs supérieurs. Après quoi les franciscains observants disparurent presque to-

7 E. Hermann, A katolikus egyház, 7-220. Aperçu en français: Gy. Györffy, La christia-nisation des Hongrois et les peuples de la Hongrie, dans L’Église et le peuple chrétien, 1990, 57-66. Voir aussi Bibliographie (rubrique Ouvrages généraux ).

8 Voir à ce propos les travaux d’Erik Fügedi cités dans la Bibliographie.9 Nous le constaterons dans les chapitres 1 et 6.

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INTRODUCTION16

talement de la scène monastique en un demi-siècle. A l’évidence, tous n’ont pas été massacrés par les Turcs ou expulsés de force par les Luthériens, comme le voudrait l’historiographie édifiante. Certains ont même changé de camp, on en a la certitude10. Par sa doctrine ou par ses excès, le mouvement n’aurait-il pas fait, à sa manière, le lit de la Réformation? Peut-on voir dans son agonie prématurée la conséquence d’une expansion précipitée, imposée artificiellement par le pouvoir royal avec la complicité de la direction italienne de l’observance (un peu comme en Angleterre11, toutes proportions gardées)? Voilà quelles zones d’ombre cette enquête se propose d’éclaircir.

Un siècle d’histoire franciscaine dans le bassin des Carpates

Avant d’aller plus loin, il convient de préciser les limites du propos. J’enten-drai ici par “franciscains observants hongrois” l’ensemble des religieux ayant ap-partenu à la province observante de l’ordre de saint François appelée vicairie puis province de Hongrie. Qu’ils aient prononcé leur vœux ou non, qu’ils aient choisi de devenir convers ou demandé et obtenu leur ordination sacerdotale. Et ceci quelles qu’aient été leur langue et leur culture d’origine, le qualificatif “hongrois” ne se référant pas ici à une catégorie ethnico-linguistique mais à une réalité territo-riale et administrative. Il ne sera question que d’hommes, et non de femmes. Des couvents de clarisses existaient depuis deux siècles dans le royaume magyar; deux ou trois passèrent au XVe siècle sous la coupe des frères observants12. Mais leur ef-fectif total se réduisait à une vingtaine de personnes à la fin du XVe siècle, reflet de l’atrophie chronique du monachisme féminin en Hongrie médiévale13. En outre, ces femmes ne vivaient pas autrement que leurs consoeurs soumises aux conven-tuels et elles n’ont laissé à peu près aucune trace de leurs activités. Nous ne les ver-rons apparaître qu’à propos des conflits entre observants et conventuels, lorsque chaque branche s’efforça d’obtenir ou de conserver leur tutelle. Les membres des fraternités de tertiaires seront principalement examinés sous l’angle des relations qu’ils cultivaient avec les frères. Enfin, l’essor de l’observance franciscaine étant

10 C’est ce que nous observerons dans le chapitre 12.11 Andrew Little résume par ces mots le cas anglais: In England, the Strict Observance was a

plant of foreign origin; it required much artificial stimulation, and took long to strike its roots in the soil. The Introduction, 466.

12 Voir le Tableau synoptique des couvents observants (cinquième colonne).13 On comptait une quarantaine d’établissements de moniales dans le royaume de saint

Étienne vers 1500, pour plus de 330 maisons masculines. F. Hervay, A magyarországi kolostorok, 183-184.

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INTRODUCTION 17

indissociable de l’évolution des frères mineurs en général, je serai amenée à parler incidemment des conventuels, pour souligner notamment ce qui les différenciait des adeptes de l’observance.

La Vicaria (ou Provincia) Hungarie correspondait grossièrement à la “Hongrie millénaire”, c’est-à-dire à la Hongrie d’avant le traité de Trianon (1920). Pour mé-moire, celle-ci couvrait l’ensemble du bassin des Carpates, en incluant l’actuelle Slovaquie et la Transylvanie, et elle se prolongeait jusqu’en Croatie et à la côte dalmate, qui formaient depuis le tout début du XIIe siècle un royaume associé. Soit quelque 300000 km² au total. Mon étude ne s’arrête pas pour autant aux frontiè-res nationales. En effet, les liens qui unissaient depuis longtemps la Hongrie aux royaumes et principautés voisins (Bohème, Pologne et Autriche) n’ont cessé de se resserrer à la fin du Moyen Âge. Noués depuis l’époque arpadienne pour faire contrepoids à l’influence des deux géants germanique et byzantin, ils se trou-vèrent renforcés par les conquêtes territoriales de Mathias Corvin (1458-1490): maître de la Moravie, de la Silésie et de la Lusace en 1469, il s’imposa en Basse Autriche dans la dernière décennie de son règne14. Ils prirent ensuite la forme, pa-cifique et durable, de l’union personnelle ou dynastique. Inaugurée par Louis Ier d’Anjou à partir de 1370 (avec la Pologne), elle se prolongea sous Sigismond de Luxembourg (avec l’empire germanique et en particulier la Bohème). Les Jagel-lon Wladislas II et Louis II régnaient simultanément sur la Hongrie et la Bohè-me (1490-1526), tandis qu’un autre Jagellon occupait le trône de Pologne (Jean Albert, puis Alexandre, puis Sigismond). Après la mort de Louis II sur le champ de bataille de Mohács le 29 août 1526, son beau-frère Ferdinand (Ier) de Habs-bourg, cadet de l’empereur Charles Quint et grand-duc d’Autriche († 1564), réussit à se faire élire puis couronner roi de Hongrie en décembre 1526, puis roi de Croatie l’année suivante, alors qu’il venait d’obtenir la couronne de Bohème. Ces souverains d’origine étrangère respectèrent dans l’ensemble les institutions et traditions propres à chacun des pays qu’ils gouvernaient – à commencer par les assemblées d’États (ou diètes) avec qui ils devaient partager le pouvoir. Mais ils travaillèrent dans le même temps à l’harmonisation de l’Europe centrale. L’histoire de l’observance franciscaine hongroise doit donc impérativement être replacée dans un contexte centro-européen. Elle peut aussi fournir des clefs

14 Parmi les nombreux travaux consacrés à l’expansion hongroise sous Mathias Corvin, voir en priorité: A. Kubinyi, Mátyás király [Le roi Mathias], Budapest 2001; J. K. Hoensch, Matthias Corvinus. Diplomat, Feldherr und Mäzen, Graz 1998; K. Nehring, Matthias Corvinus, Kaiser Friedrich III. und das Reich. Zum hunyadisch-habsburgischen Gegensatz im Donauraum, Mün-chen 1975 (19892).

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INTRODUCTION18

d’interprétation sup plémentaires pour comprendre l’évolution du mouvement dans les autres pays de la région.

L’enquête débute autour de l’année 1450. Grâce à l’énergie déployée par Jacques de la Marche puis Jean de Capestran, les observants hongrois avaient réussi à obtenir une indépendance de principe à l’égard du ministre conventuel, puis surtout la reconnaissance de leur propre province, détachée de la vicairie de Bosnie en 1448. Le procès en canonisation de Bernardin de Sienne, l’un des piliers de l’observance franciscaine, s’achevait deux ans plus tard (1450). Lors de son long séjour en Hongrie, entre le printemps 1455 et la fin de l’été 1456, Jean de Capestran l’érigea en modèle suprême pour les frères de la vicairie de Hongrie. La gloire posthume que valut à ce dernier sa participation à la célèbre victoire de Belgrade contre les Turcs (22 juillet 1456) rejaillit sur le mouvement. L’expansion de l’observance franciscaine hongroise pouvait commencer. Elle bénéficia après l’avènement de Mathias Corvin en 1458 de l’appui du roi et de son entourage. Elle avait pour toile de fond un contexte de paix et de stabilité intérieures por-tant le royaume de saint Étienne à son apogée médiéval. Agrandie des conquêtes territoriales précédemment évoquées, bien défendue par une armée directement soumise au roi (la fameuse “Armée Noire”), la Hongrie abritait alors quelque trois millions d’habitants, son maximum pour le Moyen Âge. Véritable plaque tournante de l’économie de l’Europe centrale en relation avec les villes d’Allema-gne méridionale, elle disposait d’une agri culture prospère et diversifiée, de plus en plus orientée vers l’élevage bovin d’exportation, et d’un commerce très actif, même s’il s’appuyait sur des capi taux étrangers. Le roi Mathias, féru d’humanisme, entretenait des relations di plo matiques avec les plus grandes cours européennes et orientales et rivalisait avec les princes italiens sur le plan du mécénat artistique et littéraire, ainsi qu’en témoignent les vestiges des palais de Buda et de Visegrád, ou encore les splen dides manuscrits enluminés qu’il avait réunis dans son illustre bibliothèque15.

Un peu moins d’un siècle plus tard, vers 1540, le décor avait considérable-ment changé. Le pays vivait les heures les plus sombres de son histoire. Convoité à la fois par les Habsbourg, les Turcs ottomans et le prince de Transylvanie, il s’acheminait inexorablement vers la partition entérinée en 1541, lorsque le sultan Souleiman Ier (plus connu du public français sous le nom de Soliman le Magnifi-que) annexa le centre du pays à son empire et y installa un gouverneur permanent, le pacha de Buda, assisté d’administrateurs locaux. Les violences des deux décen-nies précédentes avaient déjà contraint les frères à fermer plusieurs de leurs cou-

15 Aperçu général dans: P. Engel et alii, Magyarország I, passim; A. Kubinyi, Mátyás király. Bientôt en français: M.-M. de Cevins, Mathias Corvin (en préparation).

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vents, tandis que les vocations se faisaient rares. Ne pouvant plus se déplacer d’un couvent à l’autre sans risquer leur vie, ils s’enfermèrent dans un isolement aussi héroïque que désespéré. Le contenu des débats du concile qui s’ouvrait à Trente en 1545 leur paraissait bien loin des souffrances qu’ils vivaient au quotidien. En Hongrie centrale, leur survie dépendait purement et simplement du bon vouloir des agents du sultan. Leur sort était à peine plus enviable en Transylvanie et dans les territoires contrôlés par les Habsbourg: ils se trouvaient en butte à l’hostilité croissante des habitants, qui les accusaient d’être inféodés au pape ou au pouvoir “allemand” des Habsbourg. Beaucoup cédèrent au découragement et s’enfuirent. Ceux qui subsistèrent furent progressivement investis d’une nouvelle mission: ré-conforter les derniers catholiques hongrois, privés de clercs paroissiaux par les progrès de la Réforme protestante.

Si l’intervalle chronologique ainsi défini correspond peu ou prou à la pé-riode que les Anglo-Saxons appellent Early modern history, il ne manquera pas d’in-commoder les médiévistes français habitués à prendre pour terminus ante quem les dates de 1453 ou 1492. Il déplaira autant à mes collègues hongrois, pour qui l’an-née du désastre de Mohács (1526) joue sensiblement le même rôle. Les éléments du contexte précédemment évoqués montrent pourtant combien il est nécessaire de s’affranchir de ces conventions pour un sujet comme celui-ci. S’y ajoutent des raisons documentaires. Terminer l’enquête au tour de 1490 – par exemple au moment où les observants hongrois se dotèrent de leurs propres constitutions, en 1499 – eût été se priver des précieuses sources dont on dispose à partir du début du siècle suivant. Et s’arrêter en 1526 n’a aucun sens si l’on veut examiner le reflux de l’observance franciscaine hongroise: c’est seulement dans les années 1530 qu’on commence à l’observer pré cisément dans les textes. Inversement, les historiens modernistes me reprocheront de n’avoir pas poussé jusqu’à l’extrême fin du XVIe siècle, jusqu’au creux de l’étiage observant, lorsqu’il ne restait plus que quatre ou cinq maisons et une vingtaine de frères dans les trois parties de l’ex-royaume de Hongrie. J’aurais alors dépassé les limites du raisonnable en matière de format. De plus, dans la recherche des causes de l’extinction presque totale de l’observance, c’est l’en clenchement du processus qui m’intéressait au premier chef, non ses effets à long terme.

De la norme à la pratique, ou les limites imposées par le terrain documentaire

Pour des raisons de conservation, les textes les plus nombreux ne sont pas ceux qui ont été produits sur place, dans le milieu des franciscains observants, ou plus généralement en Hongrie. Les inventaires actuels font état d’une centaine seulement de chartes médiévales hongroises d’origine franciscaine. Ceci tient à

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l’histoire mouvementée des archives de l’ordre. La masse des documents rassem-blés dans la sacristie du couvent Saint-Jean de Buda au début du XVIe siècle – qui servait manifestement de dépôt central pour les observants de la province hon-groise – semble avoir disparu peu après la prise de Buda par les Turcs en 1541. Quelques-uns échappèrent heureusement au désastre, grâce à leur rapatriement en Moravie, à Hradistye, puis à Kassa (Kosiče, Slovaquie), en Hongrie royale. Après la reconquête du pays par les Habsbourg (à partir de 1686), les frères re-groupèrent les manuscrits qu’ils avaient pu sauver au couvent de Gyöngyös, l’un des rares qui ait survécu à l’occupation turque16. Ils ne furent transférés aux Ar-chives Franciscaines Hongroises (Magyar Ferences Levéltár, à Budapest) qu’après la Seconde guerre mondiale; du moins une partie d’entre eux, car d’autres ont été volontairement dissimulés par les frères qui en avaient la garde, inquiets du sort que leur réserveraient les communistes au pouvoir. Leur consultation demeure aléatoire aujourd’hui. Faute de moyens matériels, et dans l’attente d’une centrali-sation des sources franciscaines au détriment des archives d’État (Archives Na-tionales, Bibliothèque Széchényi et fonds des comitats) d’ailleurs controversée, ils n’ont toujours pas fait l’objet d’un catalogue exhaustif et détaillé17. Pire encore, ils sont si mal classés que certains documents restent introuvables. Nul doute qu’une investigation libre et prolongée dans les locaux des Franciscains de Budapest ré-serverait d’intéressantes surprises!

Les documents médiévaux que l’on trouve dans ce fonds comme dans les autres dépôts hongrois ne sont pas des originaux, mais des transcriptions – plus ou moins fidèles et parfois très tardives – ou des citations partielles, insérées dans le tissu narratif d’une chronique. Ils n’en ont pas moins une valeur inestimable pour le chercheur, car ils s’appuient sur les manuscrits détruits au XVIe siècle. Dans l’enthousiasme, on en viendrait presque à oublier les inévitables erreurs de copie (dans les dates et les noms propres, en particulier), de même que les corrections intentionnelles, effectuées pour dissimuler les faits susceptibles de ternir la gloire de l’ordre ou pour justifier la politique des dirigeants en place au moment de la transcription. C’est le premier obstacle à surmonter dans l’exploitation de ces sources.

Il en existe un autre: la nature presque exclusivement normative de ces do-cuments. Composés pour une large part des injonctions du pape et des supérieurs franciscains, ils prescrivent ce qu’il faudrait faire, mais décrivent rarement ce qui

16 Ils s’y trouvaient encore lorsque János Karácsony rédigea sa monumentale synthèse sur l’histoire des franciscains hongrois (Szent Ferencz); c’est pourquoi il se réfère aux Archives de Gyöngyös (Gyöngyösi Levéltár).

17 Voir l’annexe Sources manuscrites.

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était fait. Même les textes narratifs, élaborés pour rappeler les frères à leur devoir et faire l’éloge de l’ordre, présentent ce défaut. Tel est le cas en l’occurrence de la C[h]ronica seu origo fratrum minorum de Observantia in provinciis Bozne et Hungarie Christo Jesu militantium, parfois appelée “Chronique de Gyöngyös” car elle fut longtemps conservée dans le couvent franciscain de Gyöngyös (du moins dans sa transcrip-tion de 1627, l’original ayant là encore disparu). Par commodité, je m’y réfèrerai sous le nom de “Chronique observante”. Commencée vers 1420 par le vicaire observant de Bosnie Blaise de Szalka (ou Szalkó) et poursuivie par ses continua-teurs hongrois jusqu’en 1642, c’est un peu l’équivalent magyar de la chronique de Jean de Komorowo, qui rapporte l’histoire des franciscains polonais18. Elle retrace l’évolution de la province de Hongrie depuis ses origines bosniaques jusqu’au milieu du XVIe siècle, avec une relative précision chronologique et géographique. Elle s’appuie souvent sur des documents que l’on n’a jamais retrouvés depuis. La partie centrale, qui couvre les années 1510 à 1533, semble avoir été écrite par Étienne d’Ivanics. Celui-ci cumulait les fonctions de conservator des archives de l’ordre, alors rassemblées au couvent de Buda, et de secrétaire du provincial19. En dehors d’innombrables transcriptions tardives, ce récit a fait l’objet en 1862 d’une édition à peu près intégrale (due à Ferenc Toldy20) que les historiens hongrois et étrangers ont abondamment utilisée depuis. Il existe une autre édition de ce texte, réalisée par un auteur croate à partir du même manuscrit et presque identique, à quelques coupures et ajouts près21. Mais la Chronique observante exprime le dis-cours autorisé. Elle invoque des arguments totalement fantaisistes pour justifier le statut particulier de la province de Hongrie22. Plus encore, comme l’a bien montré Jenő Szűcs à propos des événements de 1514, elle déforme volontiers la réalité pour ne pas entacher la mémoire franciscaine. Les cruels châtiments infligés aux rebelles sur ordre du roi – pal, bûcher, écartèlement, mutilation... – sont présentés comme ceux que les insurgés auraient appliqués aux religieux dans leur rage d’en

18 K. Kantak, Les données historiques.19 A. Tarnai, A magyar nyelvet, 94-95; Szűcs, 227; Karácsonyi II, 573-575 et 577-578.20 Analecta monumentorum, éd. F. Toldy, que j’abrège dans les notes qui suivent en C[h]

ronica.21 Chronicon observantis, éd. E. Fermendžin. Bref commentaire dans Andrič, 31-32, note 16.22 Nous verrons dans le chapitre premier que les observants hongrois cherchaient à faire

croire vers 1500 que la plus ancienne province observante était celle de Bosnie, dont ils pro-venaient. Ils racontaient impudemment qu’un franciscain qui avait vécu pendant trente ans dans cette province rentra ensuite chez lui, à Sienne. Là, il aurait admis dans l’ordre Bernardin de Sienne, puis Jean de Capestran, les deux grandes figures de l’observance ita lienne. Bien évidemment, les frères de la péninsule ont toujours nié cette version des faits. A. Tarnai, A magyar nyelvet, 91.

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découdre23! En bref, les auteurs de la Chronique passent volontairement sous si-lence les moments critiques de l’histoire de la province; au mieux, ils les évoquent en des termes équivoques ou édulcorés24.

Norme et pratique sont indissociablement liées. Mais lorsqu’on ne dispose d’aucune source sur la seconde, comment identifier le rapport qui les unissait, que ce soit en amont (ces textes prennent-ils des mesures préventives ou sanction-nent-ils des abus effectivement constatés?) ou en aval (quel fut leur degré d’ap-plication?). En outre, ces documents s’inspirent très souvent les uns des autres, quand ils ne se répètent pas à l’identique, parfois à plusieurs décennies d’intervalle. Faut-il conclure à l’immobilisme de l’observance hongroise, ou chercher dans le moindre écart de formulation la trace de réelles mutations dans la vie des frères? Dans l’ensemble, les textes qui émanent des religieux eux-mêmes restent l’excep-tion, en dehors des listes d’entrées dans les confréries de tertiaires ou des lettres confraternelles. On n’a retrouvé ni comptes de gardien, ni journal ou chronique conventuelle, ni registre de profession, ni nécrologe et pas un seul compte-rendu de visite! Quant aux sermons destinés aux frères, ils ont presque tous disparu. Les célèbres recueils dus à la plume érudite et talentueuse d’Oswald de Laskó et de Pelbart de Temesvár, imprimés et réimprimés aussitôt après leur première édition, ne nous concernent qu’indirectement. Car ces outils de travail destinés aux mo-destes curés de paroisse ne s’adressaient pas aux réguliers – même si ceux-ci les utilisèrent également. Ils permettent d’ap pro cher le contenu du message pastoral diffusé par les franciscains observants, mais nous éclairent peu sur la spiritualité propre aux religieux.

A première vue, les documents produits par la Sacrée Pénitencerie Aposto-lique, ouverte depuis 1983 seulement, auraient pu venir au secours du chercheur découragé par ces lacunes documentaires. Rappelons que cet organe judiciaire de la Curie, en plein développement à l’époque qui nous occupe, traitait les cas réservés du souverain pontife, en accordant aux laïcs et surtout aux clercs de toute la Chrétienté des dispenses (pour défaut de naissance, le plus souvent), des licences (telles que le droit de quitter son couvent) ou des absolutions pour des fautes graves encourant normalement l’excommunication (simonie, apostasie, cri-mes sexuels, etc.)25. En d’autres termes, les actes issus de cette institution donnent à voir l’envers du décor, tout ce que les textes officiels, soumis à la censure de la hiérarchie (franciscaine ou pontificale, en l’occurrence), tendent habituellement à

23 J. Szűcs, Ferences ellenzéki, 417.24 Nous le constaterons dans le chapitre 9.25 Voir les titres cités dans la rubrique Instruments de travail (Sacrée Pénitencerie Apostoli-

que) de la Bibliographie.

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occulter. D’où leur immense intérêt pour mesurer l’écart entre norme et pratique et, de manière plus générale, pour connaître les maux dont souffraient les frères. Malheureusement, cette piste n’a donné pour le moment que de maigres résultats. Outre le fait que ces documents restent peu accessibles – le projet d’édition des notices relatives à la Hongrie n’en est qu’à ses balbutiements et certains collègues en font leur chasse gardée –, les sondages effectués dans les séries numérisées par l’équipe des médiévistes de la Central European University sont décevants. Ab-sents des registres du XVe siècle, les franciscains hongrois (observants ou conven-tuels) y tiennent au début du siècle suivant une place extrêmement réduite, loin derrière les autres religieux. Ils obtiennent des autorisations de transfert d’un cou-vent à un autre, ou le droit d’entrer dans un ordre différent, pour des raisons que les secrétaires apostoliques ont rarement pris la peine d’expliciter. Point de trace à ce jour (comme dans l’espace allemand par exemple26) d’actes de violence ou de manquements graves à la discipline dans ces notices, alors que le contexte de dégradation de l’ordre public et d’agitation dans les couvents qui caractérise la Hongrie à partir des années 1510-1520 faisait espérer mieux27. J’ajouterai que, dans la forêt touffue de la Bibliothèque Vaticane, aucun ensemble documentaire relatif aux franciscains hongrois n’a encore émergé – à l’instar du copieux registre des dépositions rapportant en 1518 la vie tumultueuse des ermites augustiniens de Körmend, récemment exhumé de la collection Barberini (datant pour l’essentiel du XVIIe siècle!)28.

On aurait tort cependant de dresser une barrière trop étanche entre docu-ments normatifs et textes nés de la pratique. Les bulles pontificales promulguées à l’intention des franciscains hongrois de l’observance, éditées ou recensées depuis longtemps, ont été abondamment exploitées par l’historiographie. Sans m’y attar-der, je préciserai seulement qu’à partir de la fin du XVIIe siècle, les frères de quel-ques couvents hongrois les consignèrent partiellement, en les mêlant à des docu-ments de provenance extérieure, dans des recueils manuscrits. Deux au moins ont subsisté; l’un se trouve aujourd’hui aux Archives Fran ciscaines Hongroises (celui que j’appellerai le “bullaire de Gyöngyös”), l’autre aux Archives du Comitat de

26 Voir les cas relatifs à des franciscains observants relevés dans le tome V du Reper torium Poenitentiariae Germanicum (éd. L. Smügge et alii, Tübingen 2002) par Cesare Cenci dans AFH 96 (2003) 250-254; exemples de moines et de religieux appartenant à d’autres ordres dans G. Brucker, Religious Sensibilities, 15-19.

27 Cette sous-représentation des franciscains observants hongrois a peut-être des ori gines institutionnelles, comme nous le verrons dans le chapitre 4.

28 Édition: G. Erdélyi, The Register of a Convent ; exploitation historique: Erdélyi.

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Csongrád (le “bullaire de Szeged”)29. Les textes retenus par les religieux indiquent certainement à quels documents se référaient en priorité leurs prédécesseurs de la fin du Moyen Âge. Je n’insisterai pas davantage sur les directives des chapitres généraux et (le cas échéant) cismon tains, connus et publiés eux aussi. Soulignons seulement l’intérêt qu’il y a à com parer ces textes avec ceux qui virent le jour à l’intérieur de la province hon groise, afin de mesurer l’écart qui séparait les im-pulsions venues de Rome ou d’Italie en général, de leur interprétation sur place. L’entreprise est relativement aisée: à l’exception de ceux de 1539, tous les actes des chapitres hongrois ont été retrouvés (au moins sous forme abrégée, pour les années 1517 à 1529) et édités à partir de 149930. Ils s’ouvrent par les Constitutiones adoptées au chapitre provincial d’Atya en 1499, véritable armature législative de la province hongroise pendant un siècle. Les acta des chapitres suivants, très suc-cincts au début du XVIe siècle, s’enrichissent à partir de 1531 de notations qui dé-passent le cadre normatif: les tabulae énumèrent ainsi les couvents de la province et établissent la liste des gardiens puis (à partir de 1535) celle de tous les frères.

L’exemple des formulaires est encore plus instructif. On connaît leur fonc-tion: chez les franciscains comme dans d’autres milieux, ces recueils hybrides met-taient à la disposition des scribes des modèles formels de documents correspon-dant à diverses situations, par le biais d’actes transcrits en totalité ou en partie et classés par genre. Les deux registres observants dont on a connaissance pour la Hongrie servaient au secrétaire du vicaire (ou ministre) de la province hongroise, en particulier pendant ses déplacements; d’où leur format réduit (environ 10 cm de haut sur 15 cm de large). Ils reproduisent principalement des textes émis par la hiérarchie franciscaine. Parmi eux, des circulaires – lettres pastorales (exhortationes) ou injonctions de portée générale (obedientiae) –, mais encore des lettres adressées ponctuellement par tel dirigeant à tel frère ou dirigeant subalterne en réponse à une question précise. Enfin, on y trouve des extraits de correspondance privée qui offrent un éclairage encore plus direct sur l’existence des frères. Certes, il faut compter avec les incon vénients du genre: rareté des noms propres (remplacés par N. ou talis) et des dates, présentation brouillonne, sélection et classement aléa-toire des textes, sans parler de leur amputation quasi systématique. En outre, si le plus ancien de ces registres, celui que j’appelle “premier formulaire”, peut être consulté sans diffi culté au département des manuscrits de la Bibliothèque Szé-chényi, le second reste introuvable depuis un siècle! Pour exploiter son contenu, il faut se contenter des extraits traduits, résumés ou commentés (en hongrois)

29 Voir la rubrique Sources manuscrites de l’annexe Sources.30 Voir la rubrique Sources imprimées.

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par Ferenc(z) Kollányi en 189831. Malgré tout, l’un et l’autre de ces recueils sont une mine d’informations pour l’historien; par leur volume (entre 230 et 240 fo-lios chacun), par le nombre et la variété des documents qui s’y trouvent et par la certitude de ce que ces textes servaient réellement aux frères. La date de leur rédaction – entre 1514 et 1525 environ pour le premier, entre 1530 et 1535 pour le second – permet en outre un tuilage chronologique presque parfait. Enfin, ils n’ont guère été exploités à ce jour par les historiens. Le plus ancien n’avait pas encore été identifié au moment où János Karácsonyi écrivait sa monumentale “Histoire des Franciscains hongrois jusqu’en 1711”32. Jenő Szűcs y a puisé voici trente ans des indices ponctuels accréditant la thèse de la participation des frères à la révolte armée de 151433, ainsi que quelques données chiffrées sur les observants hongrois, analysées récemment par András Kubinyi34 et Beatrix Romhányi sous l’angle quantitatif35. Le reste, c’est-à-dire les neuf dixièmes du registre, demeure à l’état de matériau brut.

Par où commencer?

L’histoire des franciscains hongrois a suscité nombre de publications en Hongrie depuis le XVIIIe siècle. Fondées sur les récits antérieurs et composées par des membres de l’ordre à des fins d’édification, elles s’apparentèrent longtemps à des compilations narratives rapportant les hauts faits des religieux. Dans la province observante, l’Historia (…) Provinciae Hungariae d’Orbán Fridrich publiée en 1759 fit autorité pendant près de deux siècles; elle est encore citée dans des ouvrages datant de l’entre-deux guerres36. La parution dans les années 1920 de la somme de János Karácsonyi marqua un tournant décisif. En rupture avec ses prédécesseurs, l’auteur s’appuyait presque exclu sivement sur les documents d’époque (originaux ou transcrits) disponibles en Hongrie et dans les pays voi-sins. Il utilisa en particulier le fonds du couvent de Gyöngyös évoqué plus haut; notons que certains des textes qu’il contenait, égarés pendant leur transfert à Bu-

31 F. Kollányi, Magyar ferenczrendiek (abrégé en Kollányi). L’auteur se réfère au second formulaire sous le nom de “levelező-könyv” [livre de correspondance] en indiquant le numéro des folios, mais il n’édite que de très courts extraits de l’original latin.

32 Szent Ferencz.33 Voir en particulier A ferences obszervancia (abrégé en Szűcs) et Ferences ellenzéki.34 Dans Mátyás király.35 Voir Kolostorok és társaskáptalanok et Monasteriologia Hungarica.36 F. Boros, Az erdélyi ferencrendiek (abrégé en Boros); J. György, A ferencrendiek élete (abrégé

en György); P. Gy. Szabó, Ferencrendiek, ouvrage d’une médiocre fiabilité.

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dapest, n’ont jamais été retrouvés. Dans un souci d’exhau stivité et d’exactitude, János Karácsonyi distingue l’histoire générale des deux provinces (conventuelle et observante) de l’évolution de chaque couvent hongrois. L’ouvrage constitue aujourd’hui encore une solide base de travail pour les chercheurs. Aucune de ses conclusions, en dehors de points de détails, n’a été remise en cause. Certes, on lui reprochera d’avoir résumé sommairement l’évo lution chronologique des deux provinces, qui l’intéressait moins, visiblement, que les événements survenus dans chaque établissement. La rigueur du propos n’empêche pas par ailleurs une présen tation orientée des faits. Fervent admirateur de l’ordre et nostalgique de son unité originelle, János Karácsonyi juge sévèrement la scission entre conven-tuels et observants. Et il expédie en quelques lignes le rôle trouble des francis-cains observants pendant la jacquerie de 151437.

De manière générale, János Karácsonyi ne prête qu’une attention réduite à la première moitié du XVIe siècle. Un défaut que l’on retrouve chez nombre d’historiens du franciscanisme et de l’observance franciscaine à l’échelle de la Chrétienté toute entière, de Heribert Holzapfel à John Moorman, Duncan Nim-mo et Kaspar Elm. Ils décrivent copieusement le “triomphe de l’observance” mais se bornent ensuite à constater la fracture de 1517, sans en examiner ni les préliminaires, ni les conséquences38. Par la force des choses, János Karácsonyi n’avait pu exploiter le premier formulaire. Mais pourquoi ne cite-t-il à aucun moment les travaux de Ferenc Kollányi, publiés vingt ans plus tôt? Ils contien-nent des erreurs méthodologiques manifestes, certes, et reprennent parfois sans le savoir le contenu de documents déjà connus. Kollányi s’appuie ainsi sur une transcription tardive (1535) des Constitutions de 1499, retrouvée dans un ma-nuscrit conservé à Munich (qu’il appelle “codex de Munich”), ignorant visible-ment l’édition de ce texte, pourtant ancienne (1827)39. Il utilise par ailleurs les actes des chapitres obser vants des années 1530 à 1550, dont János Karácsonyi préparait justement l’édi tion. Mais il rapporte aussi le contenu d’une large partie du second formulaire, inédit, registre dont Karácsonyi ne tient aucun compte dans son ouvrage.

Enfin, en dehors des injonctions venues du centre (italien) de l’ordre, János Karácsonyi ne prit guère en considération ce qui se passait hors des frontières magyares. A sa décharge, les travaux de synthèse sur l’observance fran ciscaine effectués à une échelle régionale ou nationale étaient trop peu

37 Voir chapitre 9.38 Voir la rubrique Ouvrages généraux. L’ordre des frères mineurs à la fin du Moyen Age de la

Bibliographie.39 Leges ecclesiasticae III, éd. I. Batthyány, 609-635. Voir Sources imprimées.

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nombreux de son vivant pour permettre une approche comparative. Aujour-d’hui encore, la plupart des synthèses régionales et des monographies s’inter-rompent au milieu du XVe siècle40 ou en restent à l’exposé “sec” des événements (pour la Saxe)41. Les recherches menées au cours de ces trente der nières années infléchissent lentement la tendance en Hongrie. A la suite d’Andor Tarnai, Jenő Szűcs a repéré dans les sources hongroises et étrangères des éléments suggérant la participation idéologique des frères mineurs à la révolte de 151442. Plus récemment, György Galamb s’est appuyé sur les données italiennes pour éclairer le rôle de Jacques de la Marche dans la genèse de l’observance francis-caine hongroise43. Les comptes-rendus de fouilles archéologiques mettent en évidence, de leur côté, les parallèles que l’on peut établir entre l’architecture des observants hongrois et celle de leurs confrères étrangers44.

Dans ces circonstances, vouloir écrire l’histoire des franciscains de l’obser-vance en Hongrie à l’aube des temps modernes en soulignant sa spécificité à l’échelle de la Chrétienté paraît une entreprise prématurée. Elle le restera tant que les archives hongroises de l’ordre et l’océan des fonds pontificaux n’auront pas été mieux inventoriés d’une part, et que des travaux similaires concernant d’autres espaces de l’Europe chrétienne n’auront pas vu le jour, d’autre part. L’objectif de ce livre n’est donc point de faire le tour de la question, mais seulement de réunir les matériaux qui, à terme, permettront d’y parvenir. Le tableau synoptique des couvents hongrois, ainsi que les pièces justi ficatives qui accompagnent le texte ont précisément cette vocation. On cherchera en vain dans les développements qui suivent des conclusions définitives. Seuls feront l’objet de mises au point synthéti-ques les thèmes déjà abordés par l’historiographie ou évoqués dans les sources les plus accessibles. Je soulignerai chemin faisant les éléments nouveaux ou contra-dictoires qu’apporte la consultation des documents originaux que j’ai pu explorer. Je me contenterai partout ailleurs de formuler les questions restées en suspens et de suggérer des pistes d’investigation.

Pour la clarté de l’exposé, j’ai procédé par tranches chronologiques. Les années 1450 à 1490 apparaissent comme le temps de la mise en place, celui de l’essor observant. La fin du XVe siècle, jusque vers 1510, marque l’apogée du mouvement, aussi bien du point de vue idéologique et social qu’institution-

40 Voir la rubrique Ouvrages utilisés à titre comparatif de la Bibliographie.41 F. Doelle, Die Observanzbewegung.42 Dans Dózsa paraszháborújának.43 Dans Marchiai Jakab et San Giacomo della Marca.44 Voir dans la Bibliographie la rubrique intitulée Les Franciscains observants en Hongrie: mo-

nographies.

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nel. Les deux décennies suivantes virent se dessiner les premières lézardes dans l’édifice, brusquement révélées par les événements sanglants de l’année 1514. Commence ensuite la débâcle, que nous examinerons de la défaite hongroise de Mohács jusqu’à la partition du pays, au lendemain de l’offensive ottomane des années 1541-1544.

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PREMIÈRE PARTIE

LE TEMPS DES FONDATIONS (VERS 1450 – VERS 1490)

La seconde moitié du XVe siècle correspond à l’expansion de l’observance franciscaine dans le royaume magyar. Après avoir rappelé les étapes préliminai-res du processus, nous tenterons de le mesurer dans le temps et dans l’espace. Il nous faudra aussi préciser à quelle réforme nous avons affaire. En troisième lieu, nous nous interrogerons sur les causes de son succès en Hongrie, en distinguant autant que possible les causes internes, – autrement dit celles qui répondaient au contexte religieux et franciscain local – des autres facteurs qui ont permis ou favorisé son épanouissement.

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Chapitre premier

UN ESSOR SPECTACULAIRE

Toutes les données disponibles convergent dans le sens d’un formidable dé-veloppement de l’observance franciscaine en Hongrie entre les années 1450 et la fin du XVe siècle. Une belle success story, pour reprendre l’expression de Beatrix Romhányi1. Cependant, elle n’était pas partie de rien; nous commencerons donc par remonter la piste de ses origines. Il nous faudra ensuite mesurer l’ampleur de l’essor observant, quantitativement, même si les chiffres que l’on peut établir manquent de précision, mais aussi dans l’espace, en dessinant les contours de sa couverture géographique. Enfin, nous découvrirons dans quelles circonstan-ces – création ou transfert – chacune des maisons de l’observance hongroise vit le jour.

I. Aux origines de l’observance franciscaine hongroise

Dans les pays slaves et germaniques d’Europe centrale et orientale – Polo-gne, Bohème, Autriche – la diffusion de l’observance franciscaine s’est faite à partir de foyers allemands au début des années 1420, sous l’impulsion du ministre Mathias Döring, puis en écho à la propagande déployée avec fou gue par Jacques de la Marche puis Jean de Capestran2. En Hongrie au contraire, le mouvement remonte au XIVe siècle; il puise sa source en Bosnie et, en amont, dans les projets missionnaires des disciples italiens de saint François d’Assise.

1 Elle l’applique à l’ensemble des frères mineurs, mais en soulignant la part écrasante des observants dans la vitalité du franciscanisme en Hongrie médiévale. B. Romhányi, Monasterio-logia Hungarica, 74 90.

2 Commencer par J. Kłoczowski, The Mendicant Orders, L’Observance et Les ordres mendian ts.

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CHAPITRE 132

Des racines bosniaques

La persistance au nord des Balkans de communautés bogomiles – ou consi-dérées comme telles3 – suscita dès le début du XIIIe siècle l’organisation de mis-sions animées par les jeunes ordres mendiants. Des frères mineurs venus de la péninsule italienne s’implantèrent dans un premier temps sur la côte dalmate4. Ils furent supplantés peu après par des dominicains, qui pénétrèrent jusqu’au cœur de la Bosnie hérétique mais renoncèrent au bout d’un demi-siècle d’activité, n’ayant obtenu que de piètres résultats… du moins selon l’histo rio graphie franciscaine5. Toujours est-il qu’en 1291, le pape Nicolas IV chargea officiellement les frères mineurs de la province de Dalmatie, appelée alors Provincia Sclavonie et centrée autour de Raguse, de reprendre le flambeau de la lutte contre l’hérésie; Bonifa-ce VIII leur confirma en 1298 leur rôle d’inquisitores heretice pravitatis6. Mais l’empri-se serbe (orthodoxe) sur la Bosnie, perceptible jusqu’aux campagnes menées par Charles Ier d’Anjou (de 1319 à 1322 puis en 1334), ainsi que les protestations des frères prêcheurs – qui revendiquèrent jusqu’en 1327 le droit exclusif de convertir les “patarènes” de la région – paralysèrent longtemps leur action. Ils s’attelèrent ensuite à la tâche avec ardeur, autour d’un certain Fabien (Fabianus), natif de Dal-matie7. Dès cette période, semble-t-il, il ne s’agissait pas uniquement de traquer les hérétiques, mais de ramener dans le giron de Rome les “Schismatiques”8. Les frères bénéficièrent du soutien enthousiaste du roi de Hongrie, qui voyait sans nul doute dans les missions de conversion le moyen de consolider une autorité encore mal assise en Bosnie, pendant qu’il essuyait revers sur revers dans les principautés voisines de Croatie et de Serbie9.

Malgré ces conditions a priori favorables, les missionnaires franciscains n’étaient toujours pas parvenus à enrayer l’hérésie à la fin des années 1330. Leurs origines, généralement italiennes, et le fait qu’ils exigeaient de la population qu’elle renonce à des pratiques souvent séculaires leur valurent l’hostilité farouche des habitants. C’est alors que le ministre général de l’ordre de saint François, Gui-ral Ot (Gerardus Odonis), conçut le projet de créer en Bosnie, avec l’aide du roi

3 Voir chapitre 3.4 Voir A. Matanič, San Francesco d’Assisi, 311-317.5 Karácsonyi I, 305.6 Karácsonyi I, 305; J. Džambo, Die Franziskaner, en particulier p. 73-74 148 180.7 Karácsonyi I, 306.8 B. Unyi, Sokácok-bunyevácok és a bosnyák ferencesek története [Les Sokac-Bunyevac et l’histoi-

re des franciscains de Bosnie], Budapest 1947, 91, que cite A. Lang dans Ortodox és eretnek, 95.9 M.-M. de Cevins, Les rois angevins.

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de Hongrie, une circonscription franciscaine d’un genre nouveau, adaptée à sa vocation missionnaire. Pour cela, il envisageait la fondation de multiples petits er-mitages disséminés dans le pays, peuplés chacun d’une poignée de frères motivés (donc volontaires) et disposés à apprendre la langue locale. Ils seraient soumis à un vicaire – au lieu du ministre provincial élu, comme dans les autres provin-ces franciscaines – obéissant directement au ministre général et nommé par lui. Guiral Ot se rendit auprès de Charles Ier, au palais de Visegrád, sur les bords du Danube, pour lui soumettre son programme. Le roi, acquis à la cause, l’assura de son concours. Le ministre rencontra éga lement le ban de Bosnie Etienne II Kotromanić, qui s’était montré jusqu’alors réticent à l’égard des frères en activité dans sa principauté. Il laissa entendre au religieux qu’il ne s’opposerait pas à ses vues. Précisons que c’est Charles Ier qui l’avait placé à la tête du pays en 1322, en remplacement du croate Mladen II Šubić, hostile à la tutelle hongroise. Craignant une offensive serbe, Etienne n’osa pas défier son protecteur. Le 5 octobre 1339, Guiral Ot annonçait publiquement la création de la vicairie franciscaine de Bosnie (Vicaria Bosnensis ou Vicaria Bosne). Il nomma aussitôt son premier responsable en la personne de Pérégrin de Saxe, qui avait accompagné le général jusqu’en Hongrie10.

L’historiographie observante hongroise présente ce moment comme l’évé-nement fondateur par excellence du franciscanisme réformé dans le bassin des Carpates, oubliant un peu vite les expériences avortées des années précédentes. Quoi qu’il en soit, dans la décennie qui suivit sa création, la vicairie de Bosnie s’épanouit au point de sortir rapidement du cadre de la principauté bosniaque. En 1347, les missionnaires franciscains franchirent pour la première fois le cours de la Save, le fleuve qui séparait la Croatie et la Serbie de la Hongrie: ils jetèrent cette année-là les fondations du couvent de Diakóvár (l’actuelle Đakovo, en Croatie, située alors dans le banat de Slavonie), ce qui fait de cet établissement le plus ancien couvent hongrois issu de la vicairie bosniaque. D’autres créations se succé-dèrent, au rythme des avancées territoriales de Louis Ier d’Anjou dans les Balkans, … comme de ses revers, du côté de la Bulgarie en particulier. Les frères suivirent les troupes royales dans leur repli à la fin des années 1360, avant d’être installés au nord des Carpates par le roi angevin. Au total, près d’un tiers des couvents observants hongrois de la fin du Moyen Âge – soit 25 ou 26 maisons sur 78 à 80 établissements stables mentionnés du XIVe au XVIe siècle en Hongrie – dérivent directement de la vicairie de Bosnie11. Sans anticiper sur un prochain chapitre, si-gnalons que les couvents fondés à l’in térieur des frontières magyares n’avaient pas

10 Karácsonyi I, 306-307; György, 62. Sources: AF, t. III, 705; C[h]ronica, 230-231.11 Voir le Tableau synoptique des couvents.

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exactement la même vocation que les établissements bosniaques. La conversion des héré tiques passait au second rang des priorités, derrière le ralliement des chré-tiens de rite byzantin d’une part, ainsi que l’encadrement pastoral de populations dont le clergé paroissial était trop clairsemé pour assurer convenablement la cura animarum, d’autre part12. S’y ajouta peu après la défense de la Chrétienté face aux Ottomans, que leur assigna le pape Martin V dès 142413.

La Hongrie n’était pas la seule direction dans laquelle la vicairie bosniaque se déploya au début de son histoire. Née sur la côte adriatique, elle prit pied vers l’est jusqu’en Bulgarie, à la faveur des campagnes menées par Louis le Grand dans les années 1360, campagnes que le roi voulait justement consolider par la fondation de couvents chargés de conduire les habitants dans l’obédience romaine. Ce qui permit à la province de s’étirer jusqu’à la Mer Noire (la “Mer des Tatares” dans l’inventaire de 1384). Elle se développa aussi dans la direction opposée: renouant avec ses origines italiennes, elle s’établit jusque dans les Pouilles, en particulier sous le long vicariat du toscan Barthélemy d’Al verne (Bartolomeo d’Alverna) (1367-1407). Certes, elle connut également des épi sodes tragiques, comme le massacre de cinq frères installés depuis peu à Vidin, en Bulgarie, après la prise de la ville par un tsar bulgare ennemi du roi de Hon grie en 136914. Les franciscains bosniaques avaient maintenant leurs martyrs.

A cette date, ils ne se définissaient pas encore comme observants. C’est trois ans plus tard, en 1372, que Barthélemy d’Alverne rattacha délibérément sa pro-vince au courant fondé par Paoluccio (dei) Trinci et Giovanni da Stroncone en Italie. Encore minoritaire dans la péninsule, le mouvement venait de recevoir son expression officielle en 136815. La Chronique de Blaise de Szalka rapporte que les franciscains de la vicairie de Bosnie prirent alors le nom de fratres observantes16. Leur adhésion marque en quelque sorte la troisième étape chronologique de la nais-sance de l’observance franciscaine hongroise. A vrai dire, elle était dans l’ordre des choses: les sympathies des premiers missionnaires dans le milieu des Spirituels – Fabianus avait séjourné au couvent d’Avignon du temps où y régnaient les inter-

12 Nous le verrons dans le chapitre 6.13 Karácsonyi I, 323; Galamb, 166-167.14 Karácsonyi I, 309-310. Source: C[h]ronica, 235-236.15 Karácsonyi I, 312; T. Klaniczay, A ferencesek és domonkosok, 123-124; A. Tarnai, A magyar

nyelvet, 92. L’allégation de François de Sessevalle, selon laquelle “il y aurait eu, paraît-il, des Observants en Hongrie vers 1380” (Histoire générale I, 185) doit être rectifiée à la lu mière de ces données.

16 Karácsonyi I, 312; Andrić, 20. Source: C[h]ronica, 236, où l’on peut lire: Nam tunc sola vicaria Bozne sic Observantia minorum nominabatur.

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prétations de Pierre de Jean Olieu17–, puis les préférences personnelles de Barthé-lemy d’Alverne – dont le nom ferait référence au mont sur lequel saint François aimait à se retirer dans la solitude –, ou encore les directives initiales du ministre général Guiral Ot, qui avait axé le mode de vie des frères bosniaques autour de l’érémitisme et de la mendicité, portaient naturellement les membres de la vicairie de Bosnie à s’engager (ou plutôt à demeurer) dans la voie de l’observance.

Le nouveau visage de l’observance en Bosnie au XVe siècle

La vicairie de Bosnie vivait depuis sa création en étroite symbiose avec l’Ita-lie, où battait le cœur de l’ordre: les frères qui la peuplaient en provenaient pour une large part, soit directement, soit après un séjour dans un couvent dalmate. Au point qu’elle apparaît comme une annexe de l’observance italienne. Les religieux bosniaques tinrent longtemps pour un honneur le fait de ne pas choisir eux-mê-mes leur vicaire, désigné depuis 1339 par le ministre général. Toutefois, les liens avec la mère patrie se distendirent à partir du tournant des XIVe et XVe siècles. Dès 1406, les membres de la vicairie de Bosnie avaient obtenu du pape Gré-goire XII le droit d’élire leur chef18. Rendue inapplicable par le Grand Schisme, cette revendication trouva un nouveau défenseur en la personne de Sigismond de Luxembourg, couronné empereur en 1433 par le pape Eugène IV, grâce à la probable médiation de Bernardin de Sienne. Elle semble être entrée une première fois en vigueur entre 1424 – le pape Martin V parle d’un vicaire electus seu postulatus à propos des observants bosniaques19 – et 1434 – lorsque les pères assemblés à Bâle confirmèrent l’existence d’un vicaire observant de Bosnie élu par les frères20. Mais, face à la résistance du général franciscain, il fallut près de dix années encore aux frères bosniaques pour l’exercer de manière continue. Jacques de la Marche, vicaire de Bosnie de 1435 à la fin de l’année 1437, avait par exemple été imposé par le ministre. Cela ne l’empêcha pas d’ailleurs de soutenir la cause des religieux auprès du roi de Hongrie, du pape et de la direction de l’ordre; c’est probablement grâce à lui qu’ils purent enfin élire leur vicaire dans les années 144021. Vers 1445 en tous cas, l’usage semble bien établi: le pape Eugène IV confirma officiellement

17 T. Klaniczay, A ferencesek és domonkosok, 122-123.18 MFL, fds I, ms VI.19 AcBos n°660.20 MFL, fds I, ms XIX.21 A. Matanić, De duplici activitate, 120-121; Karácsonyi I, 324.

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aux frères de Bosnie la légitimité de cette prérogative, entre autres privilèges “an-ciens”, le 3 juillet 144622.

Ce désir d’autonomie reflétait le fossé qui s’était creusé peu à peu, au plan des mœurs cette fois, entre les franciscains bosniaques et les dirigeants italiens de l’observance. Il résultait indirectement des troubles qui avaient suivi la mort de Louis le Grand en 1382. La guerre civile, puis les incursions turques lancées à partir de la Serbie après 1389 détériorèrent considérablement les conditions d’existence des frères, au point qu’ils durent abandonner nombre de couvents. La plupart disparurent sans laisser de traces. Des raisons politiques vinrent s’ajouter à la confusion générale. Le roi de Bosnie Ostoja (1398-1421) avait rejoint la coali-tion qui cherchait à renverser Sigismond de Luxembourg au profit de Ladislas de Naples. A partir de 1408, le vicaire observant de Bosnie prit ouvertement posi-tion contre Sigismond à propos de la Dalmatie, que Venise venait de recevoir des mains de son rival napolitain. Dans ces conditions, plus question pour les religieux de continuer à bénéficier du soutien royal; pire, ils étaient devenus personae non gra-tae. Lorsque le roi de Hongrie parvint à reprendre pied en Bosnie, après la victoire de Dobor en 1408, puis en 1421, nombreux furent les frères qui jugèrent pré-férable de rentrer au pays. Parmi eux se trouvait apparemment Pierre de Sienne, celui qui aurait – selon Blaise de Szalka – suscité par la suite les belles vocations de Bernardin de Sienne et de Jean de Capestran23. A la faveur de l’instabilité am-biante, les observants restés sur place s’affranchirent peu à peu des contraintes qui pesaient jadis sur eux, en matière de pauvreté notamment. Le Status locorum vicarie Bosnie rédigé sous le pontificat de Nicolas V (1447-1455) ou peu après, vers 1456, montre que les franciscains bosniaques employaient volontiers des paysans (jobagiones fratrum) pour accomplir les corvées de charroi. Ils empruntaient de l’ar-gent aux nobles et se faisaient livrer périodiquement les vivres et matériaux dont ils estimaient avoir besoin. Le prince bosniaque leur accordait chaque année des subsides en argent. Ils possédaient des bœufs et des chevaux, avaient des parts dans l’exploitation de moulins ou de mines d’argent, vendaient sur les marchés des fleurs et de l’huile24. Ces libertés s’expliquent aussi par un autre facteur: le recrutement désormais indigène des frères25. En d’autres termes, tout en se disant

22 MFL, inv. 1930, 7, n°41; CsML, bullaire de Szeged, 41-43.23 Karácsonyi I, 314-315; A. Tarnai, A magyar nyelvet, 188, note 221. Source: C[h]ronica, 230

236. 24 Conservé à Capestrano, en Italie, ce document a fait l’objet de plusieurs éditions. Sour-

ce: Matanić, De duplici activitate, 126-127. Voir aussi Galamb, 172; J. Fine, The Late Medieval Balkans, 485.

25 J. Džambo, Die Franziskaner, 123.

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observants, les frères de Bosnie étaient aussi immergés dans le siècle, sinon plus, que les franciscains conventuels26.

Les dirigeants de l’ordre s’efforcèrent de mettre fin à des écarts qui, à l’heu-re où les prédicateurs observants prônaient le retour à la pauvreté évangélique, avaient un parfum de scandale. C’est dans cette intention qu’en avril 1432, le ministre général Guillaume de Casale dépêcha sur place Jacques de la Marche, déjà connu comme réformateur monastique, en tant que commissarius visitator pour la Bosnie. Il le qualifia de deformata reformatore dès l’année suivante27. Toutefois, en multipliant les sentences d’exclusion ou de transfert dans d’autres couvents, Jacques se heurta rapidement à l’opposition de la majorité des frères de la vicairie; les religieux qu’il envoya de Dalmatie en Bosnie pour remplacer les punis trouvè-rent souvent porte close, quand ils n’étaient pas tout bonnement expulsés par le gardien28. Fort du soutien d’Eugène IV, Jacques ne tint aucun compte des appels à la modération lancés par Guillaume de Casale. Celui-ci finit par lui reprocher ouvertement son intransigeance. Le prédicateur quitta la Bosnie in ira, en 143329.

Faute d’avoir réussi à réformer les couvents existants, Jacques de la Marche se débattit pour obtenir l’autorisation d’en fonder de nouveaux, en Bosnie comme sur le sol hongrois. Il obtint en août 1436 d’Eugène IV, contre l’avis du ministre général, le droit de créer des établissements en Bohème (2 loca), en Autriche (3), ainsi que dans la vicairie de Bosnie (3), dont il était le chef depuis 143530. En décembre 1437, il sollicitait du pape l’autorisation de fonder sept maisons réfor-mées en Hongrie (ut in regno Hungarie, septem loca (....) concedantur), puis sept autres un an plus tard, au motif que les incursions turques en avaient fait disparaître au moins autant31. C’était la première fois qu’un vicaire observant (et non le roi ou un baron) décidait personnellement, après consultation du pape, de la création d’une série d’établissements franciscains32. Tous ne virent pas le jour. D’après les

26 J. Džambo, Die Franziskaner, 105-160.27 Karácsonyi I, 317; Gy. Székely, Efforts, 333.28 Galamb, 173-174.29 A. Matanić, De duplici activitate, 118-120; Galamb, 171.30 J. Kłoczowski, L’Observance, 176; Gy. Galamb, San Giacomo della Marca, 19. Source: AM,

t. X, 273-274, n°14.31 Karácsonyi I, 322-323; Galamb, 176 178 179; Id., Marchiai Jakab, 226-227. Sources:

AcBos, n° 733 769 759 772 777; BF ns, t. I, n° 345, 383; MFL, fds I, ms XXX, XXIX; CsML, bullaire de Szeged, 31-34.

32 Comme le souligne György Galamb, dans A ferences, 178. La remarque s’applique seu-lement aux fondations collectives. En effet, le couvent de Kabol, fondé en 1421, résultait déjà de l’initiative des membres de la vicairie de Bosnie, appuyés par leur chef. Karácsonyi II, 87. L’originalité de la démarche de Jacques de la Marche réside dans le fait qu’il sollicita du pape

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sources, sur l’ensemble des couvents fondés du vivant de Jacques de la Marche, seuls ceux de Nagybánya, de Tata et peut-être de Kölyüd semblent avoir un lien avec son intervention. En tenant compte des lacunes documentaires, il n’est pas interdit de penser que le réformateur italien se trouve malgré tout à l’origine d’une large part des transferts et des créations survenues en Hongrie dans les années 1440.

Mais revenons à la Bosnie. Là, le séjour de Jacques de la Marche avait laissé de très mauvais souvenirs. Les frères nourrirent contre lui de vives rancoeurs – que l’on ne retrouve pas, semble-t-il, côté hongrois33. Trois ans après le départ de Jacques, qui venait d’être nommé vicaire de la province (le 27 décembre 1435), ils portèrent la querelle au niveau institutionnel: en 1436, ils demandèrent au pape Eugène IV l’autorisation de quitter la vicairie de Bosnie pour créer une vicairie de Dalmatie. Cette tentative de sécession, déboutée l’année suivante après que Jacques de la Marche fut intervenu auprès du pape, était une manière d’exprimer leur opposition aux innovations que voulait leur imposer le nouveau vicaire34. Le rattachement de la vicairie de Bosnie à la famille observante cismontaine, domi-née par l’Italie depuis sa délimitation en 1446, n’y changea rien.

Par la suite, l’installation des Turcs dans la quasi-totalité du pays à partir de 1463, après leur victoire contre le roi Etienne III Tomasević (1459-1463), ne fit qu’accentuer les particularismes visibles depuis le début du siècle. En un sens d’ailleurs, cela valait mieux pour les frères bosniaques. S’ils purent poursuivre leurs activités liturgiques et pastorales, c’est parce qu’ils bénéficiaient du soutien d’une bonne partie de la population locale. Ils surent également composer avec l’ennemi, en lui proposant d’emblée un modus vivendi acceptable par les deux par-ties, qui fonctionna plutôt bien jusqu’au durcissement ottoman de la fin du XVe siècle35. Leur sort n’avait cependant rien d’enviable, loin s’en faut. La sécession de la vicairie de Hongrie en 1448 leur ôta la possibilité de venir se réfugier au nord de la Save, dans le royaume de Hongrie. Ils s’adressèrent à plusieurs reprises au pape pour obtenir la fusion des deux vicairies dans les années 1470, en vain. Ils se

l’autorisation de fonder simultanément plusieurs établissements. Et s’il obtint gain de cause, c’est certainement à cause des récentes destructions turques. Après lui, les vi caires de Bosnie puis de Hongrie ne recevront que des autorisations limitées à un seul couvent.

33 Gy. Galamb, Marchiai Jakab, 231.34 La bulle promulguée par Eugène IV en juin 1437 justifie ce refus par le fait qu’on lui

a rapporté la vie dissolue que menaient certains frères de Dalmatie (nobis expositum sit, quod nonnulli fratres dicti ordinis dissoluti et vagabundi sub sanctitatis specie et bonitatis simulatione...). Voir à ce propos l’analyse judicieuse de György Galamb, dans Galamb, 174. Source: MFL, fds I, ms XXIV; CsML, bullaire de Szeged, 31; AcBos n°757.

35 J. Džambo, Die Franziskaner, 201-208.

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virent refuser le droit de construire des maisons au nord de la frontière hongroise, alors qu’elles auraient pu compenser les pertes subies en Bosnie, même lorsque la pression ottomane devint plus menaçante que jamais. Ainsi en décidèrent les pè-res assemblés à Mantoue en 1504, puis en 1514 à la Portioncule, lors du chapitre général cismontain. Ils n’acceptèrent de leur laisser qu’un seul couvent au nord de la Save (en un lieu mal identifié nommé Gilentincz)36.

Les observants bosniaques suivaient donc leur propre destinée, très éloignée de celle des frères vivant dans les territoires restés sous domination chrétienne. La scission de la vicairie bosniaque en Bosna Argentina au sud, occupée par les Turcs, et Bosna Croata au nord-ouest, sous contrôle hongrois, entérina en 1514 une situation de fait.

L’émancipation hongroise

On se souvient de ce que la vicairie de Bosnie avait, dès le milieu du XIVe siècle, étendu ses ramifications au-delà des frontières bosniaques. A la différence des fondations effectuées en Bulgarie, balayées dès la fin des années 1360 par la retraite précipitée des troupes de Louis le Grand, les couvents établis à l’intérieur du royaume magyar eurent une existence durable. Toutefois, à l’échelle de la pro-vince, ils représentaient encore peu de choses à l’aube du XVe siècle. D’une dou-zaine d’implantations tout au plus vers 1390, ils étaient passés à une grosse ving-taine (au moins vingt-quatre ou vingt-cinq) depuis les créations des années 1400 à 1430, mais n’avaient toujours pas atteint la tren taine d’établissements vers 144037. Sur le plan administratif, disséminés sur plus de la moitié du bassin carpatique, ils ne formaient pas une custodie “hon groise”. Certains appartenaient à la custodie de Keve, d’autres à la custodie “de Bulgarie”, à l’est, le reste se trouvant rattaché à deux autres custodies, sur les sept circonscriptions que comptait au total la vicairie de Bosnie depuis 1384. On notera aussi que les fondateurs de ces maisons, pour pérenniser leur oeuvre, demandaient généralement aux dirigeants de leur envoyer des frères pour les peupler, faute de recrues locales. Point de couvents hongrois sans frères bosniaques, en ce début du XVe siècle.

En 1431 encore, le roi Sigismond obtenait la reconnaissance officielle par le pape Eugène IV de l’appartenance des établissements observants de Hongrie à la vicairie de Bosnie38. La démarche visait davantage à protéger les frères hongrois

36 Karácsonyi I, 363 371. Source: C[h]ronica, 256-259.37 Karácsonyi I, 326; Szűcs, 220.38 J. Džambo, Die Franziskaner, 79-81; Karácsonyi I, 323; Galamb, 168. Source: AcBos

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de l’appétit des membres de la province franciscaine conventuelle de Hongrie, qui cherchaient à en obtenir la tutelle, qu’à resserrer les liens avec le vicaire de Bosnie. Quoi qu’il en soit, peu après que les frères bosniaques eurent enfin obtenu le droit de choisir librement leur chef, les frères hongrois réclamaient leur détachement de la province bosniaque39. Et ils joignirent aussitôt les actes à la parole. Au cours de l’assemblée vicariale d’octobre 1444, les observants hongrois tinrent chapi-tre séparément et élirent leur propre vicaire, en la personne de Fabien Kenyeres (ou Fabien de Bács)40. Le pape Eugène IV, tout en regrettant qu’ils aient d’aussi mauvais rapports avec leur confrères bosniaques, les y avait initialement autori-sés à la demande du roi de Hongrie. Mais, sur le conseil probablement de Jean de Capestran, il revint peu après sur cette décision. Le 24 janvier 1445, il annula les dispositions antérieures, au motif qu’il ne voulait pas accroître la zizania qui opposait les frères de Hongrie à ceux de Bosnie41. Trois ans après cette tentative avortée, les franciscains hongrois obtenaient enfin gain de cause. Nicolas V re-connut le 10 février 1448 la sécession hongroise42. Elle prit effet à partir du mois de mai suivant, lorsque la bulle qui l’officialisait parvint sur les rives du Danube. Les frères hongrois procédèrent sur le champ à l’élection en chapitre d’un vicaire – Michel de Bölcsény –, le 12 mai 144843. La province franciscaine observante de Hongrie était née. Officiellement, bien sûr, il ne s’agissait encore que d’une vicaria; elle le restera jusqu’à la bulle Ite vos qui érigea les vicairies observantes en provin-ces en 1517. Elle fonctionnait néanmoins dès 1448 comme une province à part entière au sein de la famille cismontaine44, à laquelle elle avait été affiliée d’emblée en raison de ses origines bosniaques. Ses limites, définies par la bulle de 1448 et confirmées ensuite à plusieurs reprises (en 1476, en 1514…), ne reproduisaient qu’imparfaitement celles du royaume magyar. Elle englobait tous les couvents de la vicairie de Bosnie fondés au nord de la Save, jusqu’à l’arc carpatique au nord

39 Les deux événements sont probablement liés: au sein de la vicairie de Bosnie, les frères de Hongrie s’étaient battus pour obtenir l’élection du vicaire dans l’intention de se donner un chef hongrois (et non bosniaque ou italien), première étape vers l’autonomie “nationale”.

40 Karácsonyi I, 326.41 Karácsonyi I, 326-327. Aperçu en français: M. Bihl, L’édition du Speculum Vitae, 139; J.

Kłoczowski, L’Observance, 176-177. Sources: AM, t. XI, 207-210 473-474 510; AcBos, 188-190; BF n.s., t. I, n° 534, 863; MFL, fds I, ms XXXIV; CsML, bullaire de Szeged, 34-35.

42 MFL, fds I, ms XLIII, XLIV; AcBos, n° 862. Voir aussi Karácsonyi I, 330. Ce texte a fait l’objet de nombreuses transcriptions ultérieures. L’historiographie ancienne parle de 1447, ou bliant que le style utilisé par les scribes pontificaux était alors celui de l’Incarnation (25 mars).

43 Karácsonyi I, 330-331.44 Nous examinerons son fonctionnement dans le chapitre 4.

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et aux rives de la Mer Noire à l’est; seules les maisons édifiées en Croatie demeu-raient dans la vicairie-mère bosniaque45.

Plus tard, les frères hongrois firent systématiquement échouer les tentatives de fusion venues de Bosnie. Insensibles aux déchirants appels à l’aide de leurs confrères bosniaques qui cherchaient à échapper aux Turcs, ils obtinrent entre 1475 et 1477 du pape Sixte IV une bulle confirmant la séparation des deux vi-cairies, grâce à l’entremise du baron Nicolas d’Újlak, leur protecteur, qui portait depuis peu le titre (honorifique) de “roi de Bosnie”46. Ils poussèrent les pères du chapitre cismontain de Mantoue à déclarer illégale la construction récente par les membres de la vicairie de Bosnie d’un couvent situé au nord de la Save, en Slavonie. Et dix ans plus tard, à la Portioncule, ils réunirent toutes les preuves nécessaires pour empêcher le chapitre général d’autoriser le repli des frères bos-niaques, menacés d’extermination pure et simple, sur la rive gauche du fleuve47. Les franciscains hongrois évitaient tout contact avec eux. Même lorsqu’ils devai-ent traverser la Croatie pour se rendre en Italie, ils préféraient loger chez des laïcs plutôt que de passer la nuit dans des couvents de la vicairie de Bosnie, ainsi que le leur reprocha le vicaire cismontain en 151448.

Quelles raisons ont donc poussé les frères hongrois à la rupture? D’un point de vue géographique, cette décision ne se justifiait pas objectivement. La vicairie de Bosnie ne s’étirait plus aussi loin vers l’est qu’à la fin du XIVe siècle: cela faisait près d’un siècle que les fondations bulgares avaient disparu. Certes, les créations survenues depuis le règne de Sigismond en Hongrie centrale avaient dilaté les frontières de la vicairie en direction du nord et du nord-est. Plus de cinq cents kilomètres séparaient les couvents de Visegrád ou de Jenő de la côte dalmate. Mais d’autres vicairies observantes avaient, à la même époque et sur le continent européen, une taille égale voire supérieure; la vicairie d’Autriche, par exemple, qui se prolongeait jusqu’en Pologne et en Bohème entre 1452 et 1467. La démarche de 1448 ne répondait donc pas en priorité à une nécessité administrative.

La partition demandée par les Hongrois apparaît avant tout comme la consé-quence à long terme du relâchement des liens avec le centre bosniaque de la vicai-rie. Pour des raisons purement circonstancielles tout d’abord, puis idéologiques. Bien avant l’installation des Ottomans au cœur de la Bosnie, l’anarchie de la fin du

45 Elles formeront en 1514 la vicairie de Bosna Croata mentionnée plus haut. Karácsonyi I, 329. Sources: MFL, fds I, ms LXIV; CsML, bullaire de Szeged, p. 58-59; MFL, fds I, ms LXV.

46 Karácsonyi I, 348.47 Karácsonyi I, 371.48 Il leur imposa de se signaler à l’avenir au gardien bosniaque le plus proche. Kará-

csonyi I, 371; Source: C[h]ronica, 292.

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XIVe siècle avait coupé les frères hongrois des couvents bosniaques. Ils ignorèrent du coup les aménagements à la règle progressivement introduits en Bosnie. On imagine leur stupéfaction lorsqu’ils en découvrirent l’existence dans les années 1420, au moment où Sigismond reprenait le contrôle de la Bosnie. La profonde discordia entre frères hongrois et bosniaques que déplorait Eugène IV en 1444 aurait donc des bases doctrinales49.

Reposait-elle aussi, comme se plait à le souligner l’historiographie nationale, sur des antagonismes culturels ou ethniques? Rien n’est moins sûr. Car aucun texte ne fait allusion à une quelconque hostilité anti-slave ou anti-hongroise, ni d’un côté, ni de l’autre. En outre, on assiste dans le deuxième quart du XVe siècle à un processus de magyarisation de la vicairie de Bosnie. Tandis que les créations avaient pratiquement cessé en Bosnie, sans parler des maisons détruites par les bandes ottomanes, elles se multipliaient en Hongrie. Le nombre de couvents et de frères hongrois tendit alors à atteindre – puis à dépasser – celui de l’espace bos-niaque. Dans le même temps, le centre de gravité de la province se déplaçait vers le nord-est. Certes, les frères qui peuplaient les couvents hongrois n’étaient pas tous nés en Hongrie, comme le montrent les demandes des fondateurs auxquelles j’ai fait allusion. Mais le recrutement magyar progressa rapidement dans les mai-sons fondées au nord de la Save. Dans les années 1430, Jacques de la Marche s’en-tourait d’interprètes franciscains hungarophones pour dépister les hérésies qui persistaient au sud de la Hongrie. C’est pour prolonger leur action qu’après avoir quitté la vicairie, il appuya auprès du pape la fondation de nouvelles maisons en Hongrie. Enfin, ayant désormais pour eux le bénéfice du nombre, les Hongrois hissèrent plus facilement l’un des leurs aux commandes de la province. Une lon-gue pause avait suivi la nomination pour trois ans de Luc le Hongrois, quatrième vicaire de Bosnie, en 1361. Un demi-siècle plus tard, on trouve à la tête de la province bosniaque le hongrois Blaise de Szalka (de 1420 à 1433): premier auteur de la chronique qui porte son nom, il est considéré à juste titre comme le fonda-teur de la tradition franciscaine hungaro-bosniaque50. Un dalmate originaire de Raguse, Jean de Korčula, lui succéda jusqu’en 1435, date à laquelle il fut nommé évêque de Nagyvárad, en Hongrie, ce qui témoigne de ses liens avec le royaume magyar. Après Jacques de la Marche et son successeur immédiat, c’est à nouveau un Hongrois, Jean de Vaja, qui prit la direction de la province. Enfin, Fabien de Bács, celui-là même que les sécessionnistes magyars avaient élu vicaire de Hongrie

49 … nobis ad audiendum relata est discordia inter Fratres Hungaros ex una, et Bosnenses ceterosque Sclavos citra flumen Sava residentes ex altera partibus… CsML, bullaire de Szeged, 34.

50 Karácsonyi I, 308 315-316.

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en 1444, demeura vicaire de Bosnie de 1445 jusqu’en 1452, avant comme après la séparation de la province hongroise51.

L’hypothèse d’une démarche à caractère national paraît fragile à la lumière d’un autre indice: l’attachement des frères de Hongrie à leur passé bosniaque. Il s’exprime tout particulièrement dans la Chronique observante. Blaise de Szalka et ses continuateurs y situent en effet l’observance hongroise dans la lignée de la vicairie de Bosnie et en tirent une grande fierté. On sait qu’ils faisaient des francis-cains de Bosnie les “vrais” fondateurs de l’observance franciscaine, diffusant la lé-gende selon laquelle ce sont les frères bosniaques qui appliquèrent en pionniers les principes observants, principes qu’ils auraient ensuite “exportés” à leur retour chez eux, en Italie, dans les années 1420, d’où ils se propagèrent dans toute l’Europe.

En définitive, la naissance de la vicairie de Hongrie traduisait la volonté des frères hongrois d’affirmer leur différence par rapport à leurs coreligionnaires de Bosnie – une différence religieuse plutôt qu’ethnique –, en profitant du fait qu’ils étaient alors en position de force au sein de la province, et sans pour autant renier l’héritage bosniaque.

A l’opposé de la plupart des vicairies de l’observance franciscaine qui exis-taient vers le milieu du XVe siècle, la vicairie de Hongrie ne résultait pas de l’essor du système vicarial – ce régime grâce auquel, avec l’appui de la papauté, les obser-vants avaient réussi depuis le début du siècle à s’émanciper peu à peu des cadres conventuels. Elle prenait la suite d’une province franciscaine déjà instituée, celle de Bosnie, qui avait toujours porté le nom de vicairie depuis sa naissance en 1339 et qui avait été rattachée par la suite seulement au courant de l’observance, au moment de ses débuts italiens. Ancrée dans une tradition déjà séculaire, l’obser-vance hongroise conservait le souvenir de ses origines balka niques mais entendait maintenant voler de ses propres ailes.

II. Les chiffres, le temps et l’espaceL’expansion de l’observance franciscaine ne se fit pas de manière continue

et identique sur l’ensemble du continent européen. Les dernières campagnes de la Guerre de Cent Ans à l’ouest, comme les guerres hussites en Europe centrale, entravèrent sa progression jusque dans les années 1420 à 1430, le tout dans un contexte de violentes polémiques à propos du gouvernement de l’Église et du rôle devant revenir aux ordres mendiants au sein de celle-ci. Le charisme de quelques

51 Karácsonyi I, 316 324-325.

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grandes figures du mouvement – Colette de Corbie et Olivier Maillard en France, Bernardin de Sienne puis Jean de Capestran en Italie – lui donna ici ou là une forte accélération, suivie de paliers plus ou moins prolongés. Tandis qu’en certai-nes régions l’observance submergea littéralement le franciscanisme traditionnel, essaimant jusqu’en terre d’Islam (au Maroc)52, elle restait marginale ailleurs (en Alsace53, en Angleterre54). Qu’en fut-il en Hongrie?

Une croissance soutenue et à peu près régulière

Avant d’aller plus loin, il convient de prendre conscience des limites im-posées par le corpus documentaire hongrois. L’historiographie traditionnelle, is-sue de l’ordre, a spontanément tendance à gonfler les chiffres de l’observance. Considérant – avec raison d’ailleurs – que les inventaires internes sont souvent incomplets, elle s’appuie de préférence sur les bulles pontificales et les char-tes royales autorisant ou ordonnant de nouvelles fondations observantes. C’est oublier qu’entre-temps, divers aléas compromirent la construction ou la survie des maisons programmées. Les dommages causés par les pillards ottomans aux établissements proches de la frontière méridionale, les difficultés du recrutement, la résistance des conventuels locaux (à Debrecen par exemple55), ainsi que d’autres facteurs mal connus faute de sources ont pourtant mis fin très rapidement à l’exis-tence de certains couvents. Le tableau synoptique présenté en fin d’ouvrage ne recense que quatre disparitions attestées par la documentation, mais il y en eut certainement beaucoup d’autres; sans parler des couvents qui, à Ermény, Haram et Keve par exemple, furent détruits par les Turcs avant l’essor spectaculaire de l’observance franciscaine dans la seconde moitié du XVe siècle. Inversement, si l’on additionne tous les établissements que mentionne la documentation écrite et archéologique sur une période donnée, même en retranchant les couvents dispa-rus dans l’intervalle, on aboutit à des chiffres différents de ceux que fournissent les inventaires franciscains, soit en positif (comme en 1448 et en 1509), soit en négatif (en 1475)56. Un écart que l’inattention des secrétaires ou des visiteurs de l’ordre ne suffit pas à expliquer. Sans doute de nombreux couvents eurent-ils une activité intermittente. Toute estimation quantitative demeure, dans ces conditions, sujette à caution.

52 D. Nimmo, Reform and Division, 577.53 F. Rapp, L’Observance et la Réformation, 41-43.54 Voir infra.55 Karácsonyi I, 158.56 Voir graphique n° 1.

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Ces précautions prises, que peut-on déduire des données fournies par les sources consultées? En valeur absolue, d’après son acte fondateur, la jeune vi-cairie de Hongrie comptait 23 couvents à sa naissance en 144857. Ce total com-prend aussi bien les conventus, regroupant plus de douze frères, que les loca, plus modestes. Les chiffres bruts font état de 34 maisons58. Un quart de siècle plus tard, l’inventaire établi par les frères pour le chapitre de 1475 énumère 49 éta-blissements59; les données cumulatives en indiquent 46 à la même date. Pour la dernière décennie du XVe siècle, on ne dispose d’aucun inventaire détaillé avant celui de 1509, qui dénombre 70 maisons; le total des couvents mentionnés par la documentation comme appartenant à la vicairie de Hongrie à ce moment précis est de 74 couvents, en ne retenant bien sûr que les fondations prouvées.

Les conventuels, eux, n’en avaient plus qu’une grosse quarantaine depuis les transferts des années 1440 et 1450; ils en perdirent d’autres par la suite, tombant au début du XVIe siècle en dessous de quarante établissements, faiblement peuplés de surcroît60. Les franciscains observants dominaient non seulement la famille des fils de saint François, mais aussi l’ensemble des ordres mendiants présents dans le royaume. Car les dominicains n’y comptaient que trente-cinq couvents masculins environ au tournant du siècle, malgré quelques fondations tardives (jusque vers 1516)61. Les ermites de saint Augustin avaient un peu moins de trente établisse-ments62 et les carmes seulement trois ou quatre. De manière plus générale, l’ob-servance franciscaine pesait d’un poids non négligeable dans l’ensemble du mo-nachisme hongrois, avec un cinquième des établissements réguliers du royaume magyar, soit au total 334 monastères (ou couvents) vers 1500; surtout si l’on ne tient compte que des ordres non mendiants, dont les abbayes, prospères sur le plan matériel, se dépeuplaient inexorablement63. Enfin, par son volume, la vicairie de Hongrie dépassait, de très loin, ses voisines de l’observance franciscaine. Rap-pelons que la vicairie observante d’Autriche comptait en tout et pour tout douze couvents à la fin du XVe siècle; et elle n’en avait encore que dix-neuf en 152364. La Bohème regroupait vingt maisons vers 151065. Même en Pologne, où l’obser-

57 Karácsonyi I, 330-331.58 Voir graphique n°1.59 Karácsonyi I, 330-331; A. Magyar, Die Ungarischen Reformstatuten, 74-76.60 Karácsonyi I, 60-93.61 A. Harsányi, A domonkosrend, 24 80-85.62 E. Mályusz, Egyházi társadalom, 276; F. Hervay, A magyarországi kolostorok, 188.63 A. Kubinyi, Mátyás király, 538; F. Hervay, A magyarországi kolostorok, 183.64 J. Kłoczowski, L’Observance, 181.65 1er form., fol. 232v.

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vance franciscaine avait eu davantage de succès, on ne dépassa jamais 25 couvents, d’après les inventaires des années 151066.

Ces chiffres ne tiennent pas compte de la taille des couvents, critère pour lequel nous sommes une fois de plus tributaires des lacunes de la documentation. Les sources hongroises du XVe siècle ne font pas encore la distinction entre conven-tus et loca. La liste établie vers 1509 suggère cependant une écrasante majorité de petits établissements (avec 12 conventus pour 58 loca)67. Les inventaires internes produits avant 1500 n’indiquent jamais le nombre total des frères de la province – sans parler des listes conventuelles, inexistantes à cette période. Les données tardi-ves confirment néanmoins le poids écrasant de la vicairie de Hongrie par rapport à ses voisines. Le recensement le plus ancien, celui qui fut établi en vue du chapitre général de Ferrare prévu pour 1509, mentionne 1700 frères dans la provincia Hun-gariae68. C’était deux à trois fois plus que dans la vicaire polono-lithuanienne (600 à 700 frères)69 ou de Bohème (avec 700 religieux)70. A l’échelle de l’ensemble du mouvement, la province de Hongrie représentait alors entre 6 et 8 % du total des frères mineurs de l’observance71. C’est peu au regard de leurs confrères espagnols, français et bien sûr italiens, mais nettement plus que dans les autres royaumes et principautés d’Europe centrale, sans parler du cas anglais72.

Les inventaires montrent un doublement du nombre de maisons hongroises de 1448 à 1475, suivi d’une progression de 30% en un peu plus de trois décennies, de 1475 à 1509 environ. Au total, le nombre de couvents fut multiplié par trois en-tre 1448 et le tout début du XVIe siècle. Les données cumulées confirment ces ten-dances générales, en atténuant seulement la progression initiale (+ 35% de 1448

66 J. Kłoczowski, L’Observance, 184; M. Derwich, Foyers et diffusion, 277; K. Kantak, Les données historiques, 433. Une copie de l’inventaire établi vers 1509 se trouve dans le premier formulaire, au fol. 232v.

67 1er form., fol. 233-234.68 Inventaire publié dans AM, t. XV, 401-404. Voir aussi 1er formulaire, fol. 232v.69 J. Kłoczowski, L’Observance, 184.70 1er form., fol. 232v.71 En 1493, il y aurait eu 22 910 frères de l’observance franciscaine dans le monde et envi-

ron 30 000 en 1517. H. Holzapfel, Manuale Historiae, 151. En 1517, dans une bulle adressée aux observants hongrois et recopiée dans le premier formulaire, Léon X parle de “plus de vingt mille frères observants, selon la rumeur”: Sunt preterea, ut fama est, supra viginti milia fratrum qui de observantia dicuntur. 1er form., fol. 132.

72 Rappelons que l’Angleterre comptait seulement quatre couvents franciscains obser-vants à la fin du xve siècle – l’Irlande en avait alors 28 à elle seule –, et six à l’apogée du mou-vement en 1525. En outre, la plupart des frères qui les peuplaient venaient du continent. A. G. Little, The Introduction, en particulier p. 463 et 465-466.

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à 1475)73. En Pologne aussi, c’est dans la seconde moitié du XVe siècle qu’eut lieu la grande vague de fondation des couvents franciscains observants74. En France, où elle avait d’abord atteint les régions périphériques (la Bretagne avant la fin du XIVe siècle, puis la Bourgogne, le Nord, et enfin l’Ouest, les Flandres et la Savoie), elle déferla sur le bassin parisien pendant les mêmes décennies75. Elle marquait seulement le pas en Italie, après les progrès foudroyants du second quart du XVe siècle, qu’était venue couronner symboliquement la canonisation de Bernardin de Sienne en 145076.

L’essor des observants hongrois à cette période paraît encore plus specta-culaire si on le compare à la situation des conventuels. Après 1437, il n’y eut plus aucune fondation dans cette branche en Hongrie centrale; la toute dernière création magyare survint en 1495 à Pókafalva (Păuca, en Roumanie), en Transyl-vanie77. Les transferts ordonnés par le pape ou ses représentants, avec l’appui du roi, des nobles ou de la population, opéraient simultanément des ponctions sur le réseau des couvents traditionnels. A eux seuls, les franciscains observants incar-naient le dynamisme du modèle régulier cénobitique dans tout le royaume. Avec les ermites de saint Paul (jusqu’en 1512), ils étaient les uniques religieux à fonder de nouveaux établissements à l’extrême fin du XVe siècle78.

Voilà pour les grandes tendances chronologiques. Peut-on affiner ces ob-servations? En se fondant sur les chiffres fournis par les inventaires observants, János Karácsonyi crut déceler un replat du milieu des années 1450 à 1470 envi-ron. Il l’interprète comme la conséquence de la réforme des conventuels décidée par Fabien d’Igal en 1454, réforme qui aurait pour ainsi dire coupé l’herbe sous le pied des observants79. Beatrix Romhányi souligne inversement l’essor continu du mouvement: après une courte pause entre 1444 et 1458 environ, il couvre tout le règne de Mathias Corvin et se prolonge bien au-delà, jusqu’au coeur des années 151080. Une chose est sûre: l’évolution chronologique du mouvement ne peut être appréhendée finement à l’aide des seuls inventaires de l’ordre. Ils

73 Voir graphique n° 1.74 M. Derwich, Foyers et diffusion, 277 282-283.75 J.-M. Le Gall, Les moines, 35-36, 44-46; R. Emery, Friars in Medieval France, 3, 22; Alain

Guerreau, Observations statistiques sur les créations de couvents franciscains, dans Revue d’Histoi re de l’Église de France 70 (1984) 27-40.

76 D. Nimmo, Reform and Division, 575-577.77 Karácsonyi I, 74-75.78 Bilan global pour la Hongrie dans F. Hervay, A magyarországi kolostorok, 186. 79 Karácsonyi I, 66.80 B. Romhányi, Monasteriologia Hungarica, 76 et Kolostorok és társaskáptalanok, graphique

p. 128-129.

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sont trop espacés, dans la seconde moitié du XVe siècle, pour donner à voir les phases d’accélération ou de ralentissement de la croissance observante. Même en les complétant par les comptes-rendus de fouilles archéologiques les plus récents, comme l’a fait Beatrix Romhányi, on reste inévitablement dans le flou. C’est alors que la méthode cumulative, malgré ses imperfections, peut se révéler précieuse.

Le graphique n°1 ne montre ni palier prolongé – que ce soit dans les an-nées 1450 ou dans les décennies suivantes –, ni accélération spectaculaire dans la seconde moitié du XVe siècle. A de menues inflexions près, qui peuvent être uniquement l’effet des lacunes documentaires, il laisse au contraire l’im pression d’une augmentation régulière. Tout juste note-t-on un léger tassement de la croissance observante entre la fin des années 1460 et la fin des années 1470, ainsi qu’un autre, plus éphémère encore, au milieu des années 1480. Pour me-surer le dynamisme de l’observance franciscaine dans le temps, il existe un meilleur indice: le nombre de fondations par décennie, qu’illustre le graphique n°3. On constate alors que la seconde moitié du XVe siècle – et plus précisément les années 1440 à 1500 – correspond bien au pic de vitalité du mouvement en Hongrie; c’est là qu’il connut son expansion maximale, avec une moyenne de huit créations tous les dix ans. Le rythme des fondations semble avoir été à peu près continu pendant ces six décennies; à l’exception toutefois des années 1470 à 1480, où il subit un net fléchissement (quatre fondations seulement dont l’une hors des frontières du royaume). À peine visible dans le graphique précédent, celui-ci n’avait jamais été signalé par l’historiographie. Doit-on y voir l’effet à retardement des réformes menées chez les conventuels dans les années 1450? L’interprétation de János Karácsonyi vaut peut-être pour les années 1450 (cinq fondations stables, au lieu de onze dans la décennie précédente). Une précision s’impose toutefois: parmi les créations comptabilisées dans la décennie suivante (1480-1489) se trouvent cinq couvents (Jászberény, Petróc, Szántó, Szeged et Tálad) dont on ignore s’ils ont été fondés peu avant 1480 ou peu après81. Dans la réalité, le creux des années 1470 fut donc certainement moins accusé que sur nos courbes. Il nous faudra néanmoins tenter de l’expliquer.

Au total, l’expansion de l’observance franciscaine se produisit en Hongrie à un rythme très soutenu pendant une soixantaine d’années. Il dépasse d’en vi ron dix ans le règne de Mathias Corvin et ne connut que des pauses de courte durée, dans les années 1450 tout d’abord, puis une vingtaine d’années plus tard.

81 Voir le Tableau synoptique des couvents.

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Un vent de sud-ouest

Partie de Dalmatie et de Bosnie, l’observance franciscaine avait commencé par toucher le secteur du bassin carpatique le plus proche du berceau initial: la Sla-vonie. C’est là que le plus ancien couvent “hongrois” de la vicairie de Bosnie avait vu le jour, en 1347, à Diakóvár82. Elle gagna lentement du terrain dans un premier temps: en 1384, il n’existait encore que deux couvents situés au nord de la Save, Diakóvár et Alsán, ce dernier (que l’on peine à localiser précisément) se trouvant non loin de la frontière hungaro-croate. L’essentiel des fondations de l’époque an-gevine se fit nettement plus à l’est, en direction de la Serbie, de la Valachie et de la Bulgarie. Conséquence des visées expansionnistes de Louis le Grand, elles suscitè-rent la création au sein de la vicairie bosniaque d’une custodie de Bulgarie, mention-née par l’inventaire de 1384, qui enjambait les Carpates. Les couvents situés au sud de celle-ci étaient les plus nombreux à l’origine; n’ayant pas survécu au repli des ar-mées hongroises à partir de la fin des années 1360, ils furent transplantés avec l’aide du roi de l’autre côté de la frontière. D’où l’apparition d’une dizaine de maisons dans la vallée de la Temes – et jusqu’à l’ouest de la Transylvanie si l’on compte celui de Hátszeg –, dont celle (célèbre entre toutes) de Cseri. Les couvents frontaliers de Keve, Haram et Orsova, derniers vestiges des ambitions de Louis Ier en Serbie, suc-comberont l’un après l’autre aux attaques ottomanes de la fin du XVe siècle.

Les fondations aristocratiques des années 1390 à 1430 (à Atya, à Harapk) tendirent à relier ces deux pôles primitifs. Elles amorcèrent également la péné-tration du mouvement jusqu’au cœur de la Hongrie, puis dans le nord et l’est du pays. En demandant au pape l’autorisation de fonder un couvent observant dans le coude du Danube, à Visegrád, en 1425, le roi Sigismond de Luxembourg ne fai-sait que prolonger les efforts des barons hongrois en ce sens. Il mourut d’ailleurs avant d’avoir pu achever son oeuvre. Avant lui, Ladislas de Losonc avait fondé le couvent de Jenő, à mi parcours, dès les années 1390 et les Csák celui de Szalárd, nettement plus septentrional. Philippe de Kórógy lançait le projet de Perecske, au sud-ouest cette fois, en 1415. Peu après, les Jakcs fondaient le couvent de Kusaly, à l’est du Danube et à une latitude presque aussi élevée que celle de Visegrád. Pipon d’Ozora institua un couvent au centre de la Transdanubie, sur la terre dont il prit le nom, dès 1418. Cette lente ascension due aux initiatives aristocratiques se poursuivit dans les années 1430 (à Gyula, à Kölyüd et, plus à l’est, à Felfalu), parfois à l’impulsion de Jacques de la Marche, et se prolongea bien après la mort de Sigismond. Elle toucha la Transdanubie (à Várpalota, à Pápa), s’étira vers le

82 Voir les cartes n° 1 et 2.

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nord-est jusqu’à Nagybánya (dès 1437 ou 1438) et vers l’est jusqu’aux marges de la lointaine Transylvanie (à Fehéregyháza et à Csíksomlyó, sous l’impulsion du voïvode Jean de Hunyad).

Peu après, les transferts de maisons conventuelles aux frères observants or-donnés par le pape à partir de 1444 renforcèrent l’emprise de la réforme sur le centre et le nord du royaume (Buda, Pest, Esztergom, Sárospatak dans les an-nées 1440, Gyöngyös, Szécsény, Jászberény dans les années 1460 et 1480) ainsi qu’en Transylvanie (Márosvásárhely). Les fondations nobiliaires des années 1460 à 1490 l’étendirent à la Slovaquie (Galgóc, Fülek, puis Sóvár et Homonna) et au nord-est du bassin carpatique (Szőllős). Le roi Mathias Ier confirma cette tendance en faisant construire le couvent le plus septentrional du royaume magyar, celui d’Okolicsnó, en 1476. Quelques années plus tard, il soutint activement le projet de création d’un couvent à Szeged, dans une région (le centre de la Grande Plaine) restée à l’écart de l’expansion observante. Dans le même temps, d’autres puis-sants laïcs densifiaient par leurs fondations successives le réseau des couvents observants en Transdanubie, en Slavonie – où le ban Nicolas fit pression pour obtenir l’attribution du couvent Notre-Dame d’Újlak aux observants en 1451 –, comme en Transylvanie, où les Hunyades avaient montré l’exemple (le voïvode puis régent Jean de Hunyad à Csíksomlyó et à Tövis au début des années 1440, son fils Mathias à Kolozsvár, sa ville natale, en 1486). Le centre de gravité de la province ne cessait donc de se déplacer vers le nord. Ce changement se traduisit bientôt au niveau institutionnel: en 1465, la custodie d’Esztergom détrôna celle de Karánsebes à la tête des circonscriptions observantes de la province de Hon-grie. Sur le plan humain, on lit également une évolution: les frères mentionnés au moment de la fondation de la vicairie de Hongrie en 1448 étaient presque tous natifs des marges sud du pays83; ce n’est plus vrai à la fin du XVe siècle et au début du siècle suivant.

Néanmoins, la géographie des couvents de l’observance franciscaine hon-groise conserva toujours le souvenir de ses origines slaves méridionales; et ceci bien avant que l’intensification des incursions turques au sud du royaume et le durcissement de la domination ottomane en Bosnie n’entraînent une nouvelle vague de fondations de couvents en Slavonie et en Croatie au tournant du siècle. Vers 1490 en effet, les couvents observants étaient nettement plus nombreux dans la moitié sud du royaume que dans le nord – alors que les établissements conventuels étaient répartis de manière assez homogène dans tout le pays. En d’autres termes, la Slovaquie, ainsi que le nord de la Transdanubie et de la Grande

83 Karácsonyi I, 330.

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Plaine résistèrent mieux à la poussée observante que les régions méridionales, où le poids relatif des maisons réformées écrasait largement celui des autres établis-sements franciscains, notamment en Transylvanie84.

Une implantation semi-rurale

A la différence de leurs confrères polonais85, et plus nettement encore que les minorites autrichiens86, les membres de l’observance franciscaine hongroise s’installèrent rarement dans de véritables villes. Ils se démarquaient fortement en cela des frères prêcheurs du royaume magyar, implantés dans les grands centres urbains, et des conventuels, dont le maillage correspondait peu ou prou au réseau des villes et des grosses bourgades du pays87. La plupart des franciscains réformés de Hongrie exerçaient au contraire leurs activités liturgiques et pastorales en mi-lieu rural, ce qui établit très tôt un lien privilégié entre le mouvement observant et la paysannerie hongroise88. Le fait est généralement interprété comme le résul-tat de l’implication de l’aristocratie locale dans l’expansion observante, argument sur lequel nous reviendrons dans un prochain chapitre. Bornons-nous pour le moment à reconnaître qu’effectivement, un cinquième seulement des couvents fondés avant le début du XVIe siècle se trouvaient dans des villes. Des cités très populeuses parfois (comme Buda, Pest, Esztergom, Szeged et Nagyvárad, où, à l’exception des deux dernières villes citées, les frères s’in stal lèrent dans les murs des conventuels), ou beaucoup plus modestes (Szakolca, Újlak, Gyula, Nyírbátor, etc.). Certes, les grandes agglomérations urbaines concentraient les plus gros éta-blissements de la province – à en juger par les lourdes obligations liturgiques que le chapitre provincial imposa à leurs membres en 1499 et par leurs effectifs au début du siècle suivant. Du reste, on ne peut guère parler pour les autres couvents d’implantation véritablement rurale. Point de bâtiment construit au cœur d’une sombre forêt ou sur un îlot minuscule et désolé, comme en Bretagne89. Si quel-ques maisons furent érigées à l’écart des concentrations de peuplement, la plupart

84 Comme l’observe Beatrix Romhányi dans Monasteriologia Hungarica, 77.85 La quasi totalité des fondations observantes de la province de Pologne se firent en

ville, ou aux abords immédiats des villes. M. Derwich, Foyers et diffusion», 277; J. Kłoczowski, L’Observance, 187.

86 G. Rant, Die Franziskaner der österreichischen, 28.87 Voir la carte établie par Beatrix Romhányi dans Kolostorok és társaskáptalanok, 152-153.88 Telle est du moins l’hypothèse d’Erik Fügedi, que les remarques formulées dans la suite

de ce paragraphe incitent à nuancer. E. Fügedi,A koldulórendek elterjedése, 18.89 H. Martin, Les ordres mendiants en Bretagne, 72-84.

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avaient pour environnement une bourgade, ou au moins un gros village (Hátszeg, Igal, Kusaly, Tövis, Szálard, Szentgrót, …) dont le marché hebdomadaire attirait la population des campagnes alentour, assurant ainsi aux frères des moyens régu-liers de subsistance90. Nul doute que les fondateurs, roi, nobles ou prélats, même s’ils nous éclairent peu sur leurs intentions, ont tenu compte de ce critère écono-mique. Sans rechercher la proximité des foules urbaines, les franciscains hongrois ne fuyaient pas pour autant au désert.

Les couvents observants occupaient-ils un emplacement caractéristique à l’in-térieur de chaque localité? Dans les villages et les petites bourgades, l’espa ce ment des constructions permettait aux religieux de s’installer où bon leur semblait, en concertation bien sûr avec le seigneur du lieu et les habitants. Peut-être s’éloignè-rent-ils autant que possible de l’église paroissiale, comme la plupart des couvents mendiants depuis le XIIIe siècle, pour éviter d’envenimer les conflits latents avec un curé inquiet de la concurrence qu’ils lui feraient auprès de ses ouailles91. Mais le manque de données archéologiques ne permet pas de l’af firmer avec certitude.

Dans les villes, dont la population stagnait (voire reculait) depuis le milieu du XVe siècle, les frères prirent ce qui restait. Derniers arrivés parmi les religieux vivant en communauté, ils durent souvent renoncer au centre ancien, comme dans les villes françaises ou italiennes, faute de place au cœur des cités. Ce sont donc des considérations pratiques, et non leur attirance hypothétique pour l’é-ré mitisme du franciscanisme originel, qui expliquent la position excentrée des couvents observants hongrois. N’y cherchons pas non plus la volonté de se poser symboliquement en protecteurs de la ville, ainsi qu’on l’a avancé à propos des observants de la péninsule italienne92, celle de s’affranchir du contrôle des muni-cipalités – encore embryonnaires en Hongrie – ou l’intention délibérée de se rap-procher des artisans et boutiquiers peuplant les faubourgs, comme en Pologne93. Il est impossible au demeurant de mettre en lumière une topographie propre aux couvents observants, quand on sait que les frères réformés se contentèrent, dans certains cas, d’emménager dans les murs des franciscains conventuels. Ils vi vaient comme leurs prédécesseurs en marge du territoire urbain, si possible en deçà des remparts (à Buda, à Pest, à Esztergom) ou du fossé extérieur entourant la ville; ceci pour d’évidentes raisons de sécurité, que la progression ottomane avait brus-quement remises à l’ordre du jour depuis le début du XVe siècle94.

90 B. Romhányi, Monasteriologia Hungarica, 90.91 M.-M. de Cevins, Les religieux et la ville, 109-111.92 G. Zarri, Aspetti dello sviluppo, 235-237.93 M. Derwich, Foyers et diffusion, 278-280; J. Kłoczowski, L’Observance, 187-188.94 M.-M. de Cevins, Les religieux et la ville, 109-111.

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Obtient-on une image plus précise en ne retenant que les fondations obser-vantes réalisées ex nihilo (et non par transfert) dans de véritables villes? Les exem-ples ne sont pas légion – Kolozsvár, Nagybánya, Nagyvárad, Szeged et Visegrád – et ils répondent très souvent à des contraintes locales. Ce qui empêche de déga-ger une tendance générale, derrière laquelle se cacherait une politique délibérée de la part des fondateurs des couvents ou des dirigeants de l’ordre qui entérinèrent leurs initiatives. Ainsi, à Szeged, les frères s’installèrent-ils dans l’ancien hôpital Saint-Pierre, construit dans la ville basse, loin des deux noyaux principaux de la ville95. Une position assez proche de celle qui caractérise le couvent observant de Nagybánya où, un demi-siècle plus tôt, le despote serbe Branković avait établi les frères dans le faubourg d’Asszonypataka. A Visegrád, leur église prolongeait initialement la chapelle royale Saint-Georges, tout près du palais édifié par les rois angevins et dans lequel Mathias Corvin commandita d’ambitieux travaux d’agran-dissement. Les franciscains de Csanád occupèrent quant à eux les bâtiments dé-saffectés des bénédictins, à l’initiative de l’évêque. A Kolozsvár, c’est la municipa-lité qui choisit le terrain où les observants furent autorisés à dresser un couvent en 1486, selon des critères certainement plus pratiques que religieux. De son côté, l’évêque de Nagyvárad autorisa les observants à s’installer au cœur même de la cité vers 1490; cette localisation inhabituelle pour un couvent mendiant s’explique vraisemblablement par le souvenir des terribles dommages causés par les soldats turcs qui avaient mis la ville à feu et à sang en 1474. Il fallait rassurer les habitants en installant au milieu d’eux de nouveaux intercesseurs.

Déterminée le plus souvent par les données locales, la position des couvents franciscains observants dans l’espace urbain ou villageois ne se démarquait guère, il faut en convenir, de celle des maisons de la branche conventuelle96.

L’essor de l’observance franciscaine dans la seconde moitié du XVe siècle couvrit le royaume magyar d’un blanc manteau de couvents. Aménagés dans des localités de toutes tailles, des marges croates jusqu’aux monts slovaques et aux Carpates orientales, ils colmatèrent en quelques décennies les brèches du réseau monastique hongrois, surtout dans le sud et le centre du pays97. N’échappaient à leur emprise, à l’aube du XVIe siècle, que les zones quasiment vides d’hommes:

95 M.-M. de Cevins, L’Église dans les villes hongroises, 379 (plan de Szeged).96 C’est ce qu’a suggéré – sans entrer dans le détail de l’historique des fondations – Beatrix

Romhányi dans Monasteriologia Hungarica, 78.97 On le constate en superposant les différentes cartes du monachisme médiéval hongrois

dessinées (ordre par ordre) par Beatrix Romhányi dans Kolostorok és társaskáptalanok, 139-165.

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l’interfluve entre Danube et Tisza, marécageux et dévolu à l’élevage extensif, et les hauts versants des Carpates, laissés à la forêt98.

III. Une conquête pacifiqueL’essor observant ne se fit pas partout sans heurts. Certains épisodes occi-

dentaux, marqués par des violences physiques ou verbales indignes de l’idéal que prétendaient incarner les réformés, restèrent longtemps gravés dans les mémoires. Ils entachèrent la réputation du mouvement, voire celle de l’Église toute entière, prêtant le flanc aux critiques pré-luthériennes. Car, dans leur acharnement, les observants se jetèrent parfois sur les restes matériels des conventuels avec une ra-pacité indécente (comme à Marseille en 152699). Ils n’hésitèrent pas à employer la force pour expulser les religieux récalcitrants, ainsi qu’on en a différents exemples en France (à Grenoble, dans les premières décennies du XVIe siècle100), dans la pé-ninsule ibérique101 ou encore en Irlande102. La Hongrie semble avoir été épargnée par ces débordements.

Une majorité de créations ex nihilo

La première raison de ce déroulement pacifique tient au mode d’expansion de l’observance en Hongrie. C’est au moment où les conventuels devaient céder la place aux frères réformés que les affrontements étaient généralement les plus vio-lents, on s’en doute. Or les fondations par transfert concernèrent une petite mi-norité d’établissements hongrois: neuf des 80 couvents affiliés à la province ma-gyare et situés à l’intérieur des frontières nationales virent le jour de cette manière. Près de neuf maisons sur dix résultaient donc de créations effectuées ex nihilo, au sens étroit du terme, ou encore à partir de monastères désaffectés, de chapelles inachevées ou inemployées. C’est beaucoup plus qu’en France, en Espagne103, et même qu’en Allemagne104. Cette proportion rapproche le royau me magyar de

98 Voir carte n° 1.99 P. Péano, Documents sur les Observants, 334.100 P. Paravy, De la Chrétienté Romaine I, 753-754.101 J. Garcia Oro, M. J. Portela Silva, La Regular Observancia I, 682-686.102 C. ó Clabaigh, The Franciscans in Ireland, 37.103 J. Garcia Oro, M. J. Portela Silva, La Regular Observancia I, 682-686.104 Les créations de toutes pièces représentaient à peine la moitié des établissements pas-

sés à l’observance dans les provinces franciscaines de Cologne et de Saxe, un peu plus dans les provinces méridionales (41 couvents sur 57). P. Nyhus, The Franciscan Observant, 212.

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l’Autriche, où le passage de Jean de Capestran entraîna un cortè ge de fondations franciscaines dans les années 1450105. Rappelons qu’il avait eu des effets encore plus spectaculaires en Pologne, donnant naissance à un ordre unanimement perçu comme nouveau (puisqu’il n’avait donné lieu à aucun transfert), dont les membres reçurent bientôt le nom de Bernardins106. Et en Bohème centrale, où la révolte hussite avait balayé la plupart des couvents mendiants, tout se passa comme si les conventuels n’avaient pour ainsi dire jamais existé107.

Malgré tout, les risques de conflit n’étaient pas entièrement écartés. L’implan-tation d’un nouveau couvent, observant ou pas, suscitait inévitablement l’oppo-sition des clercs de paroisse. En Hongrie, elle ne put guère s’exprimer pendant la seconde moitié du XVe siècle: les observants avaient pour eux l’appui et l’autorité du pape, du roi et des seigneurs fondateurs. A l’évidence, surtout dans les bour-gades et les villages, les curés ne faisaient pas le poids. C’est seulement au début du XVIe siècle que quelques prêtres des grandes villes marchandes, soutenus par des municipalités au bord de la faillite, donnèrent de la voix. En 1507, le curé de Brassó (Braşov, en Roumanie) se lança dans une guerre ouverte afin d’empêcher l’installation de frères réformés dans la ville. Il entama un procès contre la pro-vince de Hongrie, qu’il remporta peu après 1520, en dépit de l’hostilité du voïvode de Transylvanie108.

Dans les villes où un autre couvent franciscain existait déjà, comme Szeged ou Nagyvárad, les frères mineurs présents sur place voyaient naturellement d’un très mauvais œil l’arrivée de ces dangereux concurrents. Car ils risquaient non seulement de détourner à leur profit une partie des aumônes, mais aussi de susci-ter des vocations locales – alors qu’eux-mêmes avaient déjà du mal à recruter –, voire d’attirer à eux des novices ou des profès de leur couvent. Les exemples de défections de ce genre ne manquent pas dans la Chrétienté. Tout près de là, en Po-logne, Jean de Komorowo raconte dans sa chronique que Jean de Dukla (mort en odeur de sainteté en 1484) quitta son couvent dès qu’il apprit vers 1460 la création d’un second couvent franciscain, observant, dans la cité où il vivait109. Les choses semblent s’être bien passées malgré tout à Nagyvárad; du moins mieux qu’avec le clergé paroissial de la ville, sans cesse en conflit avec les observants au début du XVIe siècle, tandis qu’aucun litige entre les couvents Saint-François et Saint-Esprit

105 G. Rant, Die Franziskaner der österreichischen, 28.106 J. Kłoczowski, The Mendicant Orders. 107 F. Šmahel, La révolution hussite et The Hussite Revolution.108 Karácsonyi I, 367, II, 19. Source: C[h]ronica, 262.109 K. Kantak, Les données historiques, 435-436.

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n’affleure dans la documentation. Solidarité franciscaine contre les séculiers ou arbitrage bienveillant de l’évêque? On l’ignore.

A Szeged, les évènements prirent une tournure différente. Les frères de l’ob-servance avaient pris place, sur proposition sans doute des habitants, à l’autre extrémité de la ville, dans le quartier de Palánk; ceci afin d’occuper les murs de l’ancien hôpital Saint-Pierre et peut-être pour ne pas porter ombrage aux frères du couvent Sainte-Elisabeth. Malgré ces précautions, à peine la construction com-mencée (vers 1494), ces derniers s’employèrent à faire obstacle au projet. L’accord de compromis signé le 3 mai 1495 entre les chefs des deux provinces franciscaines hongroises imposa d’emblée aux observants de laisser les conventuels quêter dans les environs de la ville, comme ils l’avaient toujours fait; ceux-ci s’engageaient seule-ment à faire de même vis-à-vis des observants110. Un autre article, valable pour toute la Hongrie cette fois mais en grande partie inspiré par la situation de Szeged, stipu-lait qu’un religieux ne pourrait passer d’une province franciscaine à l’autre qu’avec l’accord formel des supérieurs de celle-ci111. Voici qui aurait dû contenter les frères du couvent Sainte-Elisabeth. Pourtant, le conflit reprit de plus belle moins de deux ans plus tard. En 1497, au cours du chapitre “mixte” d’Óbuda, le vicaire Oswald de Laskó accepta finalement devant son homologue conventuel de ne plus admettre de transfuges de l’autre branche. Surtout, il dut promettre qu’à l’avenir, aucun cou-vent observant ne serait construit dans une ville où existait déjà un établissement conventuel. Szeged et Nagyvárad devaient rester des exceptions112.

Des transferts sans heurts

Un autre accord, contracté en septembre 1492, mit un terme définitif à la pratique des transferts en Hongrie: il interdisait aux observants de s’emparer des maisons des conventuels, même inoccupées113. A vrai dire, cela faisait plus de dix ans que l’on avait renoncé à cette méthode. Sa période de gloire remontait aux années 1440 – en deux vagues successives, février 1444 et juin 1448 –, lorsque les légats Julien Cesarini puis Jean de Carvajal avaient, au nom des papes Eugène IV et Nicolas V, attribué quatre puis sept maisons franciscaines aux observants114. La

110 Karácsonyi I, 74, 354-355 ; S. Bálint, Szeged reneszánsz kori müveltsége, Budapest 1975, 24-28.

111 Karácsonyi I, 74, 354.112 Karácsonyi I, 76-77, 358; à défaut: Gy. Szabó, Ferencrendiek, 67.113 Karácsonyi I, 74 et 354. Source: MFL, fds I, ms LXXV.114 Karácsonyi I, p. 58, 326, 331. Sources: inv. 1930, p. 7, n° 44 (transcription de 1506),

n° 45 (transcription plus tardive) et n° 46 (sur le couvent de Sárospatak seulement).

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pilule était amère pour les conventuels, qui perdaient coup sur coup les deux éta-blissements de la capitale du royaume et de sa voisine, Pest, ainsi que leur maison la plus prestigieuse, Notre-Dame d’Esztergom. Ils réussirent néanmoins à conser-ver cinq des onze maisons frappées par les décrets de 1444 et de 1448. Après quoi les transferts ne s’appliquèrent qu’à un seul couvent à la fois: Újlak en mai 1451, Gyöngyös et Szécsény dans le courant de l’année 1467, puis Jászberény peu avant 1480. Il n’y en eut plus après cette date. Faut-il voir dans cette interruption l’effet de la bulle Dum singulos de Sixte IV, qui interdit en 1474 aux laïcs de chasser des frères de leur couvent pour y installer des observants115? En 1490 en tous cas, elle semble déjà oubliée. Mathias Corvin obtint alors du pape un décret réformant six nouveaux couvents (Sopron, Kismarton, Győr, Presbourg, Debrecen et Eger). C’est la mort soudaine du roi au début du mois d’avril 1490 qui empêcha son entrée en vigueur116.

Il est possible que les efforts déployés par Fabien d’Igal pour améliorer les mœurs des conventuels durant son long provincialat (1454-1472) aient fini par porter leurs fruits. Ils ôtaient aux observants, on le verra bientôt, l’essentiel de leurs arguments en faveur de l’affiliation des couvents existants à l’observance117. D’où le fait que les conventuels aient pu conserver certaines des maisons attri-buées aux réformés dans les années 1440 (Sainte-Elisabeth de Szeged, mais aussi les couvents de Győr, Debrecen, Lippa et Szatmár). Au moins les frères qui les occupaient surent-ils faire amende honorable à temps. La décision finale, laissée à l’appréciation d’enquêteurs choisis parmi les prélats du royaume, en l’occurrence l’archevêque d’Esztergom ou son vicaire général (à Esztergom en 1448118, puis à Újlak en 1451119), leur fut en effet favorable. Dans le détail cependant, le rat-tachement des franciscains hongrois à l’observance résultait parfois d’une sorte de marchandage entre membres des deux branches de l’ordre. Ainsi, n’ayant pu obtenir la réforme simultanée des couvents de Debrecen et de Szécsény vers 1467 – malgré l’appui de la reine-mère Elisabeth pour le premier et du palatin Michel Ország pour le second – les dirigeants de la province observante se contentèrent de recevoir celui de Szécsény, entré officiellement dans la vicairie de Hongrie en mai 1468120, renonçant en contrepartie à celui de Debrecen121.

115 Telle est l’opinion de János Karácsonyi (Szent Ferencz I, 70).116 Karácsonyi I, 72-73.117 Nous reviendrons sur ce point dans le chapitre 3.118 Karácsonyi I, 332.119 Source: inv. 1930, 7, n°48; CsML, bullaire de Szeged, 91-92.120 Karácsonyi I, 66.121 Karácsonyi I, 68.

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CHAPITRE 158

Comment se déroulèrent les transferts sur le terrain? L’idéal, bien sûr, eût été qu’ils se produisent spontanément, à l’initiative des frères. En dépit de ce que rapporte la tradition observante, aucune translatio ne semble avoir répondu en Hongrie à la demande des religieux. Imposés d’en haut, les transferts s’effec-tuèrent toujours sur le mode injonctif. Huit des neuf cas dont on a connaissance résultent d’une décision émanant du pape ou de son représentant, autrement dit le légat (à Buda, Esztergom, Márosvásárhely, Sárospatak) ou un prélat mandaté par lui (à Szécsény). Elle répondait éventuellement à la requête du roi Mathias (à Jászberény) ou du régent Jean de Hunyad, d’un prélat (généralement le pri-mat, comme à Esztergom) ou d’un baron (à Gyöngyös, Sárospatak, Szécsény et Újlak), éventuellement appuyé par les habitants (à Újlak). Mais aucun transfert n’émane des franciscains eux-mêmes. Tout juste peut-on avancer que, dans le cas de Jászberény, il fallut l’accord du provincial conventuel pour réformer le couvent: après intervention du roi Mathias Corvin, les frères observants l’occupèrent dès 1480, soit moins de huit ans après que le pape Sixte IV eut reconnu au ministre conventuel de Hongrie le droit d’y installer de membres de sa congrégation (en mai 1472)122.

Dans la pratique, les hôtes des couvents tombés sous le coup des déci-sions de transfert se trouvaient confrontés au dilemme suivant: plier bagages ou passer à l’observance. On ne leur laissait guère le temps de la réflexion. C’est ce que montrent les consignes données en juin 1448 par le légat Carvajal et les précisions concrètes que fournit la lettre de l’archevêque d’Esztergom Denis de Szécs en octobre de la même année à propos de leur application. Le prélat ordonnait aux religieux d’adopter les constitutions observantes, sans quoi ils devraient abandonner la place123. A Sárospatak, ils n’eurent que trois jours pour s’exécuter124; il est vrai que des accusations très graves pesaient sur les membres du couvent. Ceux d’Újlak n’eurent même pas la possibilité de s’amender: en 1451, ils durent partir sur le champ et se rendre au couvent de Bács, le plus pro-che des établissements non réformés125. Un rapport de force aussi déséquilibré pouvait engendrer, comme partout, des abus. Mais les témoignages directs ou indirects manquent pour permettre de mesurer leur fréquence et leur gravité sur le théâtre hongrois.

122 Karácsonyi I, 68-69, II, 83.123 Karácsonyi I, 58-59.124 Karácsonyi I, 59.125 Karácsonyi I, 60

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UN ESSOR SPECTACULAIRE 59

La résistance des conventuels

La rareté des conflits tiendrait-elle à la passivité résignée des conventuels? On peine à le croire, tant les signes d’opposition aux progrès observants sont nombreux de leur côté. Ou bien faut-il distinguer deux phases dans leur attitude face au boom observant – comme en Provence, où ils adoptèrent profil bas jus-que dans les années 1480, ne faisant exploser leur animosité que bien plus tard, dans les années 1520126? Non, car les premières manifestations de la résistance des conventuels hongrois – une résistance pacifique certes, mais néanmoins dé-terminée – remontent aux années 1440 et elles se prolongent jusqu’au XVIe siècle inclus127. Dès 1448, les frères mineurs d’Esztergom refusèrent de prendre acte de la décision prononcée en juin par le légat Carvajal; l’enquête fut confiée à l’arche-vêque-primat Denis de Szécs la même année et elle s’étala sur plusieurs mois128. Lorsqu’il fut assigné à comparaître devant l’archevêque d’Esztergom en 1451, le gardien du couvent d’Újlak, Georges, soutenu par le custode de Bács, Fabien, et le provincial en personne, Paul de Vercsek, se battit comme un diable pour se disculper129.

Le conflit né autour du couvent de Szécsény est plus instructif encore. Pré-cisons que, l’établissement se trouvant vide au moment des faits, l’enjeu n’égalait en rien celui des populeux couvents dont la perte avait touché au vif la province conventuelle de Hongrie (Buda et Esztergom, en particulier). Ayant appris que le maître des lieux, le palatin Michel Ország, avait demandé au pape l’affiliation du couvent désaffecté de Szécsény à la vicairie observante, le ministre Fabien d’Igal envoya immédiatement deux religieux sur place, en 1466. Il fallut les armes ecclé-siastiques – la menace d’excommu ni ca tion brandie par les clercs chargés d’exé-cuter, après enquête, les ordres formels du pape (l’abbé de Tereske et le prévôt de Bozók) – et l’intimidation physique exercée sur les frères par les gardes de la forteresse – obéissant aux ordres du capitaine Jean de Laposrév, lui-même soumis au palatin – pour les déloger au cours de l’année suivante. Qu’à cela ne tienne: l’énergique provincial se tour na vers les instances judiciaires suprêmes de l’Église. Il entama une procédure d’appel auprès du Saint-Siège, en protestant contre l’illé-galité des méthodes employées. Le pape confia alors l’affaire à l’archevêque d’Esz-

126 P. Péano, Documents sur les Observants, 330 337-338.127 Elles dépassent d’ailleurs le cadre franciscain, comme en témoigne l’opposition tenace

des ermites de saint Augustin au transfert de leur couvent de Körmend aux franciscains obser-vants en 1517. Erdélyi, 21-26.

128 Karácsonyi I, 58-59.129 Karácsonyi I, 60.

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CHAPITRE 160

tergom et à l’évêque de Pécs. Au début de l’an née 1468, le roi ordonna son report en raison de la guerre contre la Bohème de Georges de Poděbrady, qui commen-çait tout juste. Furieux, Fabien d’Igal soutint devant l’archevêque d’Esztergom que ce retard était injustifié, puisque aucun des intéressés n’était parti combattre en terre tchèque. Mais il essuya un refus catégorique, au motif que le palatin était effectivement engagé dans le conflit contre le roi “hérétique” de Bohème. Le pro-vincial ne lâcha pas prise pour autant. Il s’adressa au ministre général, en tant que supérieur direct du vicaire observant de Hongrie, pour qu’il ordonne à celui-ci la restitution du couvent de Szécsény. L’affaire fut portée en 1469 devant le chapitre général de Venise, qui trancha à l’avantage des conventuels. Le vicaire observant Valentin de Sziget accepta peu après de remettre l’établisse ment au ministre de la province franciscaine de Hongrie, en vertu d’un compromis confirmé par le pape à la demande de Fabien d’Igal130. Ce sont les pressions exercées sur place par le palatin de Hongrie qui empêchèrent finalement sa mise en oeuvre.

La résistance redoubla d’intensité dans les années 1490. En 1492, soit plus de cinquante ans après son transfert, les conventuels revendiquaient la possession du couvent de Buda; ils prétendaient détenir une bulle par laquelle Innocent VIII décrétait sa restitution à la branche la plus ancienne de l’or dre131. Moins de cinq ans plus tard, avant 1497, ils contestaient devant le ministre général la légalité de la construction des couvents observants de Szeged et de Nagyvárad, au motif (fallacieux) qu’elle avait eu lieu sans autorisation pontificale132. La rivalité pour la direction de ces deux couvents ne s’éteignit qu’avec le compromis signé à Óbuda en 1497.

Ce n’est donc pas parce que les conventuels se laissaient faire que les vio-lences furent évitées. Sans doute plusieurs couvents (comme celui de Szécsény) étaient-ils inutilisés au moment de leur transfert, par manque de vocations. Les choses se trouvaient ainsi facilitées pour les observants – encore que l’exemple de Szécsény incite à nuancer l’affirmation. A l’inverse de la situation irlandaise133, les querelles entre conventuels et observants ne se greffaient pas, semble-t-il, sur des tensions ethniques susceptibles d’engendrer des réactions brutales et épidermi-ques. Le déroulement pacifique des transferts s’explique aussi par le soutien des autorités laïques. Car, ne l’oublions pas, les observants avaient la force pour eux. Que ce soit dans les villes royales (Buda, Pest, Esztergom), où le nom du régent Jean de Hunyad, puis celui de son fils, le roi Mathias, tous deux partisans déclarés

130 Karácsonyi I, 66-68, en s’appuyant sur un manuscrit disparu depuis.131 Karácsonyi I, 352.132 Karácsonyi I, 357.133 C. ó Clabaigh, The Franciscans in Ireland, 37.

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UN ESSOR SPECTACULAIRE 61

des observants, suffisait à étouffer les velléités de résistance des conventuels, ou dans les bourgades, où le seigneur local jouait le même rôle (comme à Szécsény). On invoquera pour finir une raison institutionnelle: de 1458 à 1502, nous l’ap-prendrons dans le prochain chapitre, le vicaire de Hongrie dépendait directement du ministre général de l’ordre franciscain, et non plus du vicaire général cismon-tain. Représentés à tous les chapitres généraux, au même titre que les conventuels, les observants hongrois purent s’entendre avec eux par la voie du compromis (comme à Venise en 1469), certainement plus facilement que s’ils avaient eu une hiérarchie séparée.

L’histoire de l’observance franciscaine en Hongrie dans la seconde moitié du XVe siècle s’apparente effectivement à une success story. Du point de vue quantitatif tout d’abord, avec le triplement des maisons existantes, et géographique ensuite, puisque le mouvement gagna l’ensemble du royaume magyar. J’ajouterai un troi-sième élément à cette réussite: elle sut éviter les traumatismes qui déchiraient à la même période d’autres provinces de la Chrétienté.

Elle ne tarda pas à rayonner au-delà des frontières nationales. Certains frè-res originaires du royaume magyar participèrent personnellement à l’essor de la réforme en Europe centrale. Les religieux qui accompagnèrent Jean de Capestran en Moravie, en Bohème, en Autriche, en Silésie puis dans le royaume de Pologne dans les années 1450 étaient pour la plupart natifs de la péninsule italienne; ou, dans le cas contraire, des régions dans lesquelles le célèbre prédicateur avait déjà fait des adeptes lors de ses précédents voyages et espérait susciter des fonda-tions. Parmi les seize frères qui l’entouraient pendant son long séjour à Cracovie d’août 1453 à mai 1454, on relève la présence d’un Hongrois nommé Ladislas134. D’autres textes parlent d’un certain Pierre de Sopron (frater Petrus de Sopronio) – parfois confondu avec un juif allemand converti par Jean de Capestran et dont la ville natale porte le même nom que celui de Sopron en allemand (Ödenburg)135. Depuis qu’il l’avait rencontré à Padoue en 1450, où il s’était rendu dans le cadre de l’année jubilaire, Pierre n’avait plus quitté le prédicateur, le suivant dans tous ses déplacements à travers l’Europe jusqu’au début de l’année 1456136.

Par ces initiatives individuelles comme par ses origines, l’observance hon-groise contribua en définitive à jeter un pont supplémentaire entre l’Europe cen-

134 M. Derwich, Foyers et diffusion, 276.135 Fl. Banfi, Le fonti per la storia di S. Giovanni da Capestrano, dans Studi francescani 53 (1956)

299-344, en particulier 319-320; Andrič, 115.136 Capestran parle de lui comme de “son fidèle compagnon” dès 1452. Pierre raconte les

voyages qu’il fit avec le prédicateur dans son plaidoyer rédigé vers 1460 en faveur de la canoni-sation de son maître (Praecanonizatio Capestrani). Andrič, 115-130.

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CHAPITRE 162

trale et le centre italien de l’observance. Le rattachement des circonscriptions observantes centro-européennes (la vicairie unique d’Autriche fondée en 1452, scindée en trois en 1467) à la famille cismontaine découlait du fait que c’étaient des franciscains de la péninsule (Jacques de la Marche puis surtout Jean de Cape-stran) qui avaient impulsé la formidable vague de créations du milieu du XVe siè-cle137. Alors que la géographie conventuelle intégrait les Hongrois et leurs voisins à l’espace “atlantique”, celui des Ultramontains (avec la France, l’Espagne et l’An-gleterre), et pendant que les réformateurs franciscains de l’empire germanique restaient imprégnés par l’enseignement de Mathias Döring et des frères venus de Touraine dans les années 1420, l’observance les amarrait à la source italienne du franciscanisme.

137 J. Kłoczowski, L’Observance, 174-175.

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Chapitre 2

QUELLE OBSERVANCE ?

Ajoutée à la spécificité du terrain hongrois, la genèse peu ordinaire du mou-vement de réforme franciscaine qui s’épanouit en Hongrie dans la seconde moitié du XVe siècle ne pouvait manquer d’influer sur son contenu. Ce chapitre a pour but de dresser la carte d’identité de l’observance franciscaine hongroise à l’heu-re de son expansion, en s’appuyant sur les données comparatives répertoriées jusqu’à aujourd’hui1.

Avant d’en venir à la manière de vivre des frères, commençons par examiner leur position à l’intérieur de l’ordre de saint François sur le plan institutionnel: elle distingue à elle seule l’observance hongroise des autres observances et orienta sans aucun doute ses choix idéologiques.

I. Un statut singulier au sein de l’ordre

Comme la vicaria Hungariae à sa naissance en 1448, la plupart des vicairies ob-servantes apparues au cours du XVe siècle se rattachèrent à l’une des deux familiae instaurées par la bulle Ut sacra ordinis minorum religio de 1446, les Cismontains et les Ultramontains. C’est à l’issue d’un long bras de fer avec les tenants de la hiérarchie traditionnelle, rappelons-le, que les chefs de file de la réforme franciscaine avaient obtenu du pape ce régime, qui leur permettait de s’affranchir presque entièrement de la tutelle des supérieurs conventuels: les vicaires observants ne dépendaient plus du ministre de la province (conventuelle), mais du vicaire général (cismontain ou ultramontain) qu’ils avaient élu en chapitre, lequel chapitre avait aussi le droit d’édicter une législation propre à la familia. S’ils obéissaient toujours, en dernier ressort, au ministre général (alors conventuel), ils n’en acquirent pas moins une

1 Leur éventail mériterait naturellement d’être élargi par la suite.

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CHAPITRE 264

autonomie bien plus grande qu’auparavant, donnant ainsi tout son sens à l’orga-nisation sub vicariis2. Curieusement, les observants hongrois choisirent très vite de sortir de ce système.

Une situation paradoxale

Moins de dix ans après que Nicolas V eut enfin reconnu l’existence de la circonscription hongroise, le vicaire Étienne de Varsány formulait la requête sui-vante, au nom des frères de Hongrie, devant les pères du chapitre général réunis à Milan en 1457: il souhaitait ne plus obéir à l’avenir au vicaire et au chapitre gé-néral cismontains, mais directement au ministre et au chapitre de l’ordre. En mai de l’année suivante, le chapitre général ouvert à Rome, dans le couvent de l’Ara Coeli, lui répondit favorablement: il soumettait désormais le vicaire de Hongrie à l’immediata obedientia du général franciscain3. Une décision que le pape Calixte III entérina par la bulle Regimini universalis ecclesiae du 22 juin 14584. Et, pour bien marquer la différence, les observants hongrois s’intitulèrent désormais “frères mi-neurs de l’observance du ministre général” (ordinis Minorum de observantia reverendi patris ministri generalis). Le vicaire de Hongrie emploie cette formule dès janvier 1459, et ses successeurs la reprirent à leur compte5.

Le cas n’est certes pas isolé. On connaît d’autres exemples similaires, dans la famille cismontaine (en Sardaigne avant 1495) comme chez les Ultramontains (au Portugal dans les mêmes années). Les observants de Bosnie en auraient fait autant entre 1469 et le début des années 14906. Il reste que la démarche est, dans l’en-semble, inhabituelle à l’échelle de la Chrétienté7. Elle est d’autant plus surprenante pour la Hongrie qu’elle intervient moins de deux ans après la mort de Jean de

2 H. Holzapfel, Manuale Historiae, 179.3 Karácsonyi I, 338; M. Bihl, L’édition du Speculum Vitae, 140. Sources: BF n.s., t. II,

n° 460; AM, t. III, 5-56; A. Theiner (éd.), Vetera monumenta II, 294-296; CsML, bullaire de Szeged, 96-98 (transcription de 1479); MFL, fds I, ms LIII (inv. 1930, 8 n° 53).

4 CsML, bullaire de Szeged, 43-44; MFL, fds I, ms LIV (inv. 1930, 8 n° 54).5 Karácsonyi I, 339. François de Sessevalle commet à ce propos une double erreur

chrono lo gique lorsque, sans citer ses sources, il date de 1487 à 1489 la période pendant laquelle la vi cai rie de Hongrie s’affranchit de la tutelle cismontaine. F. de Sessevalle, Histoire générale I, 36.

6 Exemples cités par François de Sessevalle, dans Histoire générale I, 36 et 39, qui appel lent toutefois vérification.

7 Michael Bihl reconnaît qu’il s’agit d’un “fait assez particulier”. M. Bihl, L’édition du Spe-culum Vitae, 140.

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Capestran sur le sol hongrois8. Sa réputation rayonnait dans le pays et dans toute l’Europe centrale, avant comme après la victoire de Belgrade, suscitant de nom-breux miracles auprès de sa tombe9. Les constitutions qu’il avait rédigées pour la famille cismontaine, adoptées officiellement en 1461 sous le nom de “Constitu-tions martiniennes”, ne seront jamais appliquées en Hongrie.

Comment interpréter cette initiative? Les textes officiels n’apportent guère d’informations sur les objectifs qu’elle poursuivait. Les pères du chapitre général et le pape Calixte III invoquent, outre la demande des intéressés, la recherche de la “paix” et de “l’unité”10. Autant de lieux communs de la phraséologie ecclésias-tique. Le dernier terme donne toutefois matière à réflexion. Pris de remords, les frères hongrois auraient-ils finalement regretté, sur le conseil de leurs collègues allemands, d’avoir quitté les structures traditionnelles de l’ordre? Faute de pou-voir les réintégrer totalement, puisqu’il était trop tard pour revenir en arrière, ils auraient choisi cette solution intermédiaire – une vicairie distincte de la province franciscaine mais soumise au ministre général – pour retrouver autant que pos-sible les cadres institués par saint François. Elle rappelait aussi d’une certaine manière les débuts de la vicairie de Bosnie, formée quelque trois décennies avant l’expression du courant observant.

Si l’argument du respect des cadres anciens fut sans doute avancé par les frè-res hongrois pour les besoins de la cause, il masque mal leurs intentions réelles. Ils cherchaient en effet à s’affranchir en priorité de la tutelle du provincial de Hongrie. Il faut dire que celui-ci acceptait difficilement de voir ses prérogatives rognées par le régime sub vicariis, avant comme après la création des vicairies générales ob-servantes. Profitant des atermoiements de la législation pontificale, il n’avait pas renoncé à contrôler – par des tournées d’inspection notamment – les couvents observants fondés à l’intérieur des limites de sa circonscription11. Dépendre im-médiatement du ministre permettait aux observants de “court-circuiter” le niveau provincial, annihilant ainsi toute velléité d’intervention du ministre de la province de Hongrie. Le procédé était particulièrement habile. Au nom de l’obéissance, les frères hongrois échappaient mieux que jamais à la tutelle du provincial, sapant ainsi le régime sub ministris sans en avoir l’air, et avec la caution des instances gé-nérales de l’ordre. Les modalités d’application du nouveau statut des observants hongrois telles qu’elles furent définies le 21 mai 1458 par le ministre général de l’ordre, Jacques Sarcuela, puis approuvées peu après par le pape, confirment cette

8 János Karácsonyi soulignait déjà la contradiction dans Szent Ferencz I, 338.9 Sur ces miracles en général, voir Andrić.10 CsML, bullaire de Szeged, 97.11 H. Holzapfel, Manuale Historiae, 146-147. Voir aussi chapitre 4.

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CHAPITRE 266

analyse. Aucun dirigeant sauf le général n’aurait désormais le droit de s’immiscer dans les affaires des observants hongrois; ni le provincial de Hongrie, premier visé par le texte, ni le vicaire observant de Bosnie – ce qui réaffirmait au passage l’émancipation hongroise de 144812.

Diverses interprétations

L’historiographie traditionnelle propose une autre explication. Elle met en avant la personnalité trouble du vicaire Étienne de Varsány, qui voyait dans ce statut le moyen d’accroître son autorité sur les frères de Hongrie: n’ayant aucun vicaire au dessus de lui, mais seulement le ministre général, il devenait l’égal du provincial conventuel. En d’autres termes, il aurait trahi la cause observante pour satisfaire son appétit de pouvoir. Les continuateurs de la chronique commencée par Blaise de Szalka rapportent même qu’il aurait agi à l’insu des frères (occulte et singillatim), lesquels se seraient aussitôt efforcés de retourner dans le giron cismon-tain13. Aucun document n’évoque une telle démarche de la part des religieux. Cer-tes, Étienne de Varsány avait manifestement des penchants autoritaires: il tenta quelques années plus tard de conserver sa charge à vie. Sa détermination favorisa peut-être le succès de l’entreprise. Mais on imagine difficilement que celle-ci ait pu avoir lieu sans l’assentiment préalable des frères; sans quoi ils auraient exprimé au ministre leur désaccord, comme ils le firent quelques années plus tard, en 1462, pour demander au général la destitution de l’ambitieux vicaire.

Le changement de statut survenu en 1458 lésait de facto un autre dignitaire franciscain dont il a peu été question jusqu’à présent: le vicaire général cismontain. C’est sans doute la raison pour laquelle le ministre général accepta sans hésiter la proposition, trop heureux de nuire par là au système vicarial. Mais revenons au point de vue des observants hongrois: pourquoi supprimer cet intermédiaire en-tre le vicaire provincial et la direction centrale de l’ordre, alors qu’il aurait pu faire contrepoids aux prétentions du provincial de Hongrie? Plus que les tendances despotiques d’Étienne de Varsány, ou la nostalgie du temps où la Hongrie appar-tenait au vicariat de Bosnie, cette décision reflète vraisemblablement la volonté des observants hongrois de continuer à suivre leur propre voie. En ce sens, elle prolonge la sécession de 1448. L’institution des vicairies générales s’était accom-pagnée en effet de dispositions qui limitaient la marge de manœuvre des vicaires provinciaux. Le vicaire cismontain envoyait chaque année sur place un commissarius

12 Karácsonyi I, 339.13 C[h]ronica, 245-247. György Szabó se fait l’écho, sans aucune réserve, de cette lecture

psychologique des faits, dans Ferencrendiek (en particulier p. 67).

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QUELLE OBSERVANCE? 67

chargé d’inspecter les couvents et d’y appliquer les ordres du vicaire et du chapitre cismontains. La mise en œuvre de ce régime causait en outre de graves dysfonc-tionnements. Ainsi l’élection du vicaire de Hongrie, ancrée dans les habitudes depuis les années 1430 ou 1440, devait-elle être normalement confirmée par le vicaire cismontain. Cela prenait des mois, à cause de la lenteur des communica-tions, et paralysait du coup les institutions de la province, puisque son chef ne pouvait rien décider avant d’avoir obtenu sa confirmation. Alors que dans le nou-veau système, le vicaire de Hongrie (ou ses agents) se chargeait, seul, des visites dans les couvents – prérogative qu’Étienne de Varsány exerça dès 1458. Quant au problème de l’élection du vicaire, il fut résolu de la façon suivante par le ministre général en mai 1458: il accepta de confirmer a priori, immédiatement après son élection, chaque nouveau vicaire de Hongrie, lequel pouvait désormais exercer ses responsabilités sans avoir à attendre la sanction officielle du chef de l’ordre ni à se rendre jusqu’en Italie14.

La rupture de 1458, dirigée d’abord et avant tout contre le ministre de la province conventuelle de Hongrie, exprimait donc aussi la volonté de se proté-ger de l’ingérence devenue pesante des dirigeants cismontains15. Peut-on parler de réaction nationale? Ce serait extrapoler. Aucun responsable hongrois ne prit ouvertement la défense des usages magyars à cette période, ni n’exprima de ma-nière latente ou déclarée un quelconque sentiment anti-italien. C’est seulement au début du siècle suivant que ces arguments affleurent dans la documentation. D’ailleurs, sortir du giron cismontain n’affranchissait pas les frères de Hongrie des liens d’obéissance qui les soumettaient aux supérieurs de l’ordre, tous italiens. Désormais tenus de se rendre aux chapitres généraux ou de s’y faire représenter, comme les conventuels, ils s’acquittèrent scrupuleusement de cette obligation. Ils envoyaient leur vicaire, accompagné (comme chez les conventuels) d’un “custode des custodes” (custos custodum); ainsi au chapitre de 1458, en la personne d’Étienne de Varsány et de Clément d’Irdenc16. Le mode d’élection du vicaire provincial, calqué sur les usages conventuels, fut codifié plus tard jusque dans les moindres détails par les Constitutions d’Atya (1499)17.

Dans la pratique, cette solution revenait à remplacer le contrôle tatillon du vicaire cismontain par celui, lointain et plutôt bienveillant, du ministre général. Ni lui ni le chapitre général n’empêchèrent les observants hongrois de conserver leurs traditions. La rédaction des Constitutions de 1499, indiscutablement obser-

14 Karácsonyi I, 339.15 C’est l’hypothèse que privilégiait déjà János Karácsonyi dans Szent Ferencz I, 338-339.16 Karácsonyi I, 339.17 LERH III, 630-632.

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vantes en dehors de menus éléments de procédure, en est la preuve. Le texte ne fait aucune allusion au consentement des instances générales de l’ordre. De son côté, le ministre général ne chercha guère à prendre la place du vicaire cismontain. Il n’effectua pas une seule visite personnelle en Hongrie; il est vrai que cela n’était pas dans ses habitudes, puisque la dernière remontait à 1379! Il n’envoya sur pla-ce (en son nom ou en celui du chapitre général) aucun inspecteur (commissarius) pendant les quarante-quatre années que dura ce régime. Respectant les engage-ments pris à Rome par Jacques Sarcuela en mai 1458, il accorda systématiquement sa confirmation aux vicaires de Hongrie fraîchement élus18. Enfin, il n’intervint dans les affaires de la vicairie qu’à la demande des frères – en 1462, par exemple, lorsqu’il destitua Étienne de Varsány pour violation des règles vicariales19.

Habilement menée, la réforme institutionnelle de 1458 passa quasiment ina-perçue en dehors du pays. Rares sont les textes narratifs ou normatifs franciscains qui y font allusion. Au moment où se généralisait la soumission des observants aux vicaires généraux, le statut des observants hongrois les singularisa pendant plus de quatre décennies – jusqu’en 1502 – de leurs confrères étrangers. Il semble avoir longtemps donné satisfaction. Du moins les frères de Hongrie ne songè-rent-ils pas, jusqu’à l’aube du XVIe siècle, à y mettre fin. Ils ne découvrirent ses inconvénients qu’au moment où les conventuels multiplièrent les attaques contre eux, dans les années 149020. Quant aux dirigeants italiens de l’observance, ils mi-rent plus longtemps encore à prendre conscience des torts qu’il causait à l’unité idéologique du mouvement.

“Frères gris” ou “frères de Cseri”?

Pour se faire une idée de la manière dont les membres de l’observance hon-groise se définissaient eux-mêmes et comment ils se positionnaient au sein de la grande famille franciscaine, quel meilleur indice que le nom qu’ils se donnaient? Le mot observantia était apparu dans leur dénomination dès la fin du XIVe siècle, au moment de l’affiliation de la vicairie de Bosnie au courant italien de l’observance, on s’en souvient. Les textes officiels – les bulles pontificales, les lettres des diri-geants de la vicairie hongroise, les chartes royales ou émises par les municipalités urbaines – adoptent sous des formes plus ou moins développées l’appellation d’“ordre des frères mineurs de saint François de la régulière observance” (ordo

18 Karácsonyi I, 339.19 Karácsonyi I, 342.20 Voir chapitre 4.

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fratrum minorum sancti Francisci de regulari observantia)21. Employée dans la seconde moitié du XVe siècle comme au siècle suivant22, elle apparentait sans ambiguïté l’observance hongroise à la mouvance réformée de l’ordre franciscain, sans dire un mot de son originalité institutionnelle. Et, à la différence des bernardyni polo-nais, elle la rattachait explicitement et directement à l’héritage du poverello.

Dès les années 1470 au plus tard, les habitants du royaume magyar donnè-rent aux observants hongrois un autre nom, celui de “frères de Cseri” (fratres Che-rienses). Jean de Thuróc est le premier, à ma connaissance, à coucher l’expression par écrit, dans sa chronique des Hongrois rédigée dans les années 1470 à 1480 (viri…de ordine fratrum Cheriensium)23. Il l’emploie à propos des malheureuses victi-mes des campagnes turques des années 1444-1445, sans l’accom pa gner d’aucune explication, ce qui prouve que ses lecteurs savaient de qui l’on par lait. Les frères eux-mêmes l’adoptèrent rapidement. On trouve cette dénomination au siècle sui-vant dans la correspondance officielle – une exhortation du mi nistre Gabriel de Pécsvárad parle de numero fratrum Cheriensium au début des années 152024 – comme dans les pages de la chronique observante hongroise rédigées au milieu du XVIe siècle25. Elle passa dans le langage commun sous la forme de cseri barátok, qui éclipsa rapidement le nom officiel d’observants.

N’en déduisons pas trop vite que la masse des chrétiens hongrois percevait ces religieux comme étrangers à la famille franciscaine. D’autant que l’on peine à traduire fidèlement cette formule. Deux hypothèses s’affrontent aujourd’hui. La première, fort ancienne puisqu’elle remonte à la tradition franciscaine du début du XVIe siècle, la met en relation avec l’un des couvents les plus anciens de la vi-cairie de Hongrie, celui de Cseri, fondé dans les années 1360. Par extension, tous les observants hongrois auraient progressivement été appelés “frères de Cseri”. Mais on peut aussi traduire (du slave) cseri par “gris”, en se souvenant de ce que

21 Il serait fastidieux de citer ici tous les documents consultés qui utilisent cette dénomi-nation.

22 Quelques exemples tardifs: en 1518, le ministre observant Albert de Dereszlény s’in-titulait minister provincie Hungarie de regulari observantia ; on retrouve la même dénomination à son sujet dans les registres de l’enquête pontificale de Körmend rédigés la même année (par exemple : Albertus de Dereslyen minister fratrum ordinis Sancti Francisci de regulari observantia in pro-vincia Hungarie) ; une charte de la ville de Gyöngyös dressée en 1539 évoque les franciscains observants installés sur place par ces mots: venerabilium religiosorum Ordinis Fratrum Minorum S. Francisci de regulari observantia. Voir respectivement : 1er form., fol. 210 (pj n° 5) ; The Register of a Convent, éd. G. Erdélyi, 5; EEMH, t. I, n°328, p. 310.

23 Jean de Thuróc, Chronica Hungarorum, éd. J. Horváth, I. Boronkai, 281.24 1er form., fol. 213 (pj n° 7).25 Comme le note Stanko Andrić dans The Miracles, 20.

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la population environnante provenait pour une bonne part de Serbie et de Bul-garie au moment où les couvents de Hongrie méridionale virent le jour, sous Louis le Grand26. Les observants hongrois auraient ainsi été qualifiés de “frères gris” – comme l’étaient déjà les moines cisterciens (fratres grisei)27 – en raison de la couleur indéfinissable de leur froc, non teint. Rappelons que ces surnoms des-criptifs pullulaient à l’époque. Les observants de Bohème, par exemple, étaient souvent appelés “déchaussés” (bosáci); au début du XVIIe siècle, ceux de Hongrie deviendront les “frères à la semelle de bois” (fatalpu barátok)28. János Karácsonyi fut le premier historien à défendre cette interprétation, en soulignant (à juste titre) le fait que le couvent de Cseri n’était ni le plus ancien, ni le plus important des couvents de l’observance hongroise à la fin du Moyen Âge29. Elle ne fait pas l’unanimité cependant30, et nombre d’ou vrages généraux en restent à la pré-sentation antérieure. Il est probable en réalité que les deux significations aient été étroitement mêlées dès l’origine: c’est parce qu’ils s’installèrent dès la fin du XIVe siècle dans des régions de peuplement partiellement slave (autour de Cseri et dans tout le sud du royaume) que les observants hongrois reçurent le nom de “frères gris”, sous sa forme slave. L’ancienneté relative du couvent de Cseri, puis sa destruction par les bandes ottomanes avant 1516, suffirent par la suite à alimenter la rumeur selon laquelle les frères tenaient leur nom de cet établisse-ment entré dans la légende.

La réforme observante s’effectua donc en Hongrie dans un cadre qui résol-vait de manière originale la tension inhérente à un mouvement attaché au francis-canisme primitif mais imprégné de traditions locales. Il eut pour principal effet d’assurer aux frères une large autonomie au sein de l’ordre. Ceux-ci en usèrent-ils au point de donner à l’observance un nouveau visage?

II. Des références universelles

Dans le royaume magyar comme partout ailleurs, la réforme du franciscanis-me s’apparentait moins à une révolution qu’à une restauration. Elle s’effectua au

26 A l’appui de cette hypothèse, on observera que le mot barát ne signifie pas “ami” dans cette expression, comme en hongrois, mais “frère”, comme dans les langues slaves.

27 Lexikon Latinitatis IV, dir. J. Harmatta, 226, article “griseus”..28 K. Timár, Ferencrendi hitszónokok, 262, note 2.29 Karácsonyi I, 313.30 Boros, 274, note 128.

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nom de valeurs fondamentales, de principes immuables exprimés dans des textes faisant autorité depuis longtemps et incarnés par des hommes exceptionnels qui avaient eux-mêmes été érigés, plus ou moins récemment, en modèles.

On ne dispose malheureusement pour la Hongrie que d’indices très frag-mentaires et indirects sur les intentions des réformateurs – qu’il s’agisse des fon-dateurs (laïcs ou ecclésiastiques) de nouveaux couvents, de ceux qui demandèrent leur transfert, ou même des dirigeants de l’observance hongroise. Les textes nor-matifs issus de l’ordre, qui forment comme on sait l’énorme majorité des sources accessibles, ne s’y attardent guère, se contentant de formuler en préambule de plates généralités. Point de liste énumérant, comme en France, les livres dont la lecture était recommandée aux frères par les supérieurs, ou qu’ils faisaient acheter pour les couvents dont ils avaient la responsabilité. Nulle trace d’inventaires de bibliothèques franciscaines réformées, pour la simple raison qu’elles ont toutes disparu (sauf à Csíksomlyó). Ne restent que les sermons composés à l’extrême fin du XVe siècle par Oswald de Laskó et Pelbart de Temesvár, dont les citations favo-rites permettent d’établir une liste d’ouvrages de référence31; mais ils parlent très peu de la vie régulière. La poignée de textes anciens transcrits dans les formulaires du début du XVIe siècle et les auteurs mentionnés par les dirigeants de la province dans leur correspondance (telle qu’elle apparaît dans ces mêmes registres) ne per-mettent pas de fixer avec précision le palmarès des autorités qu’invoquaient les acteurs de la réforme observante au moment où ils la mirent en œuvre. Faute de pouvoir reconstituer en totalité leur univers mental, je me bornerai ici à quelques observations.

La règle, quelle règle?

L’observance franciscaine, à l’instar de tous les mouvements de réforme monastique du Moyen Âge, s’était d’abord définie comme un retour à la règle, comme la volonté de mieux l’ ”observer” – d’où le nom de regulari observantia. Les dirigeants de la province observante hongroise ne cessaient d’en appeler à la regula. Dans leurs exhortations (d’après celles qui ont été recopiées dans le premier formulaire), dans les statuts ou constitutions de la province (en particulier celles de 1499), les vicaires de Hongrie se placent toujours sous le patronage de la rè-gle. Honneur insigne, celle-ci arrive à égalité avec les Évangiles, invoqués sous la forme de “loi évangélique” (evangelica lex)32. Ils lui attribuent, à elle aussi, un carac-

31 Pour la dresser, on peut partir des éléments rassemblés par Ildikó Bárczi dans Ars compilandi – A szövegformálás.

32 LERH III, 610.

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tère divin – la qualifiant de “sainte règle des frères mineurs” (sacra regula Minorum). Convaincus de ce qu’elle avait été directement inspirée par Dieu à saint François33, ils voient en elle le prolongement de la lex Domini34. Mais de quelle règle parlent-ils au juste? Entre la toute première, celle de 1221, la regula bullata de 1223 et le Testament rédigé par le poverello en 1226 et revendiqué par les Spirituels comme complément nécessaire à la règle, ils s’en tiennent à la seconde, l’“officielle”, celle que suivaient aussi les conventuels35. Pas question donc de raviver les querelles des siècles précédents. Au moment de prononcer leurs vœux, les novices s’enga-geaient selon les constitutions hongroises à respecter “la règle des frères Mineurs confirmée par le pape Honorius [III]36“.

Malgré tout, la règle apparaît comme une entité abstraite. Objet de vénéra-tion, elle ne pouvait suffire, à elle seule, à résoudre tous les cas de conscience qui pouvaient se poser aux fils spirituels de saint François. C’est pour répondre à la diversité des hommes et des situations qu’il a fallu la compléter par des réglemen-tations successives, édictées par le pape ou par les chefs de l’ordre, rappelaient en substance les pères réunis à Atya en 149937. Que faut-il entendre par là? Pas plus qu’aux constitutions ultramontaines définies à Barcelone en 1451, les dirigeants hongrois ne font jamais allusion aux Constitutions martiniennes. Effectuant la synthèse des actes des chapitres franciscains qui s’é taient tenus dans la pénin-sule au cours des décennies précédentes, elles avaient le mérite de concilier les différentes tendances de l’observance cismontaine38. Nous savons maintenant pourquoi elles ne pouvaient être appliquées en Hongrie: les observants hongrois avaient quitté la familia cismontana dès 1458 et ne la réintègreront qu’en 1502. Il leur apparut rapidement nécessaire de combler le vide qui résultait de cette situation. Car aucun texte ne faisait le lien entre les règlements de portée générale – bulles pontificales, constitutions valables pour l’ensemble de l’ordre, et privilèges accor-dés à la vicairie de Bosnie puis à celle de Hongrie – et les décisions ponctuelles

33 On lit ainsi dans une exhortation du ministre Albert de Dereszlény en 1518: …norma rectitudinis nostre perfectionis videlicet ewangelice forma sive regula a domino Jehsu beatissimo patri nostro Francisco celicus inspirata… 1er form., fol. 205 (pj n° 5).

34 Voir à ce propos le long préambule des Constitutions de 1499. LERH III, 609-610.35 A. Magyar, Die Ungarische Reformstatuten, 90.36 Ego (…) voveo et promitto (…) servare regulam Fratrum minorum, per dominum Honorium papam

confirmatam… LERH III, 619-620.37 Tamen tum propter humani actus varietatem, tum etiam casuum emergentium multiplicitatem, tum

insuper conscientiarum timorosarum securitatem, ad dictam regulam sacrosancta mater Ecclesia superaddidit multimodam constitutionum differentiam. (…) LERH III, 610.

38 D. Nimmo, Reform and Division, 607.

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arrêtées tous les deux ou trois ans par les pères réunis en chapitre dans l’un des couvents hongrois. C’est pourquoi le vicaire Oswald de Laskó entreprit la lourde tâche de rédiger des constitutions détaillées pour la province de Hongrie, celles qui furent adoptées au chapitre d’Atya en 1499. On notera au passage que, si elles citent de nombreux extraits de la règle de 122339 et d’autres textes unanime-ment reconnus, elles ne s’inspirent guère, dans leur présentation comme dans leur contenu, des Constitutions martiniennes. Voilà qui confirme l’impression selon laquelle les observants hongrois entendaient suivre leur propre ligne, et non né-cessairement celle de l’observance cismontaine. La fonction des statuts de 1499 ne se bornait pas non plus, comme les Tables capitulaires de Bretagne, à rendre opératoires les décisions des chapitres généraux en les adaptant aux contraintes locales40. Les clauses faisant allusion au contexte particulier de la Hongrie demeu-rent l’exception, en effet41. Les Constitutions d’Atya apparaissent plutôt – même si les sources manquent pour confirmer ce point de vue42 – comme la compilation logiquement ordonnée de tous les règlements antérieurement appliqués dans la province, sur la base des préceptes de la regula bullata et des règlements pontificaux et généraux de l’ordre. Les ajouts et corrections apportés par la suite à ce texte, mineurs, ne changèrent rien à sa nature profonde43.

Dès lors, “la” règle à laquelle les observants hongrois étaient censés obéir apparaît comme l’association combinatoire des grands principes édictés par saint François d’un côté (celui de “l’esprit”) et des prescriptions concrètes rassemblées dans les constitutions générales puis provinciales, de l’autre (“la lettre”). Les deux ensembles, soulignons-le, étaient placés sur le même plan: “Cogatis tam regulam ipsam quam statuta ordinis districte ac solicitius observare”, recommandait le ministre Al-bert de Dereszlény aux frères de Hongrie en 151844. C’est seulement au début du XVIe siècle que les dirigeants hongrois élargirent le débat en suggérant aux frères

39 Ils apparaissent en caractères italiques dans l’édition d’Ignác Batthyány (LERH III).40 H. Martin, Les ordres mendiants en Bretagne, 260.41 Un article autorise par exception les frères vivant aux marges du royaume (exceptis

fratribus in confiniis habitantibus), souvent victimes des pillards turcs, à avoir des armes sur eux. LERH III, 629.

42 Rappelons qu’aucun procès-verbal de chapitre hongrois n’a été conservé avant celui de …1499. Voir Sources imprimées. Le texte des Constitutions de 1499 mériterait une étude minutieuse (structure, concepts, terminologie, citations et allusions) afin d’identifier avec pré-cision ses différentes sources d’inspiration (en dehors de la règle de 1223) et mieux faire la part des innovations; elle pourrait être assortie d’une édition moderne, plus rigoureuse que celle effectuée par l’évêque de Transylvanie Ignác Batthyány en 1827 (LERH III).

43 Voir le chapitre 4.44 1er form. fol. 205 (pj n° 5).

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de lire des commentaires de la règle de saint François de production relativement récente et étrangère45.

Les observants hongrois se targuaient-ils de mieux connaître la règle que les conventuels? Le thème connaissait un grand succès dans la Pologne voisine, incarné à la fois par Jean de Dukla (qui crut entendre la règle pour la première fois lorsqu’il entra chez les observants) et Simon de Lipnica (qui l’apprit par cœur avant de partir en Terre Sainte, comme l’avait fait Jean de Dukla quand il perdit la vue)46. Lorsqu’ils accusent les conventuels de ne plus respecter la règle, les réfor-més hongrois ne citent pas d’exemples ou d’extraits précis pour étayer leurs dires. Difficile dans ces conditions de les qualifier d’“éplucheurs de règles”, comme le faisaient les habitants de certaines villes françaises à l’égard des franciscains de l’observance47. Aucune exhortation provinciale ne demande for mellement aux frères d’apprendre la règle. Mais, à l’image peut-être de Jean de Capestran qui les affectionnait tout particulièrement, on a la preuve de ce qu’ils utilisaient des pro-cédés mnémotechniques pour s’en imprégner. La rime, par exemple: quatre vers relatifs aux vœux monastiques (intitulés de tribus [votis]) figurent sur la première page du formulaire achevé avant 152548; la page suivante en rapporte douze autres, de provenance extérieure (Raymond de Capoue et Hugues de Saint-Victor), qui dénoncent les comportements à éviter par les religieux49. Conscient des vertus pédagogiques de la répétition, le vicaire demandait aux custodes de lire plusieurs fois aux frères les nouveaux statuts adoptés par chaque chapitre provincial. Et pas question d’apprendre sans comprendre. Dès la fin du XVe siècle, au moment où la documentation interne se fait plus abondante, on voit les dirigeants de la province ordonner aux custodes et aux gardiens de traduire et d’expliquer aux frères dans leur langue le texte des constitutions et les statuts capitulaires50. Cette obligation pesait aussi, on le verra bientôt, sur les exhortations des vicaires. Car il fallait évi-

45 Voir le paragraphe suivant. 46 K. Kantak, Les données historiques, 436 443.47 B. Chevalier, Olivier Maillard, 34-38.48 Nisi caste vivas et serves que jubet abbas / Et proprium demas dampnandum te fore credas / Hec tria

si spernis, bona que facis omnia perdis / Quod si non credis, cogeris credere penis [sic]. 1er form., fol. 1.49 Duodecim abusiones claustri secundum Ray[mundum], que secundum Hugonem sunt iste: Prelatus

negligens / Discipulus inobediens /Juvenis otiosus / Senex obstinatus / Monachus curialis / Religiosus cau-sidicus / Habitus preciosus / Cibus exquisitus / Rumor in claustro / Lis in capitulo / Dissolutio in choro / Irreverencia circa altarem.1er form., fol. 1v.

50 Les Constitutions d’Atya leur demandaient de traduire en hongrois les lettres du vicaire, obligation étendue rapidement à tous les règlements de la province, ainsi que l’at testent plusieurs documents du premier formulaire. On lit ainsi dans une exhortation d’Étien ne de Sopronca écrite dans les années 1490: Quod ut melius efficere possitis ipsam sanctam romanam ac constitutiones,

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ter que les simples frères ne pèchent par ignorance51, nuisant ainsi à la qualité de leur vie monastique (conversatio), écrivait le vicaire Étienne de Sopronca au custode d’Ozora dans les années 149052.

Auteurs à lire et modèles à suivre

Des lectures des frères observants hongrois, on sait bien peu de choses. Les remarques qui suivent doivent donc être maniées avec prudence. A en juger par quelques lettres isolées – recopiées dans le premier formulaire – et par le nom des auteurs qu’invoquent les dirigeants de la province dans leurs exhortations ou en préambule des constitutions hongroises, il semble qu’ils aient eu des goûts très “conformistes” pour leur milieu. On retrouve en effet les mêmes lectures domi-nantes que dans le cercle des réformateurs monastiques français du tournant des XVe et XVIe siècles53. Les Écritures, en particulier le Nouveau Testament, arrivent en tête des textes cités. Rares sont les dirigeants qui se dispensent de les mention-ner. Loin derrière, on trouve les Pères de l’Église. Saint Ambroise avait toujours la faveur des frères de Hongrie dans les années 1530: l’un d’eux demanda à un autre l’une de ses œuvres, en lui précisant qu’il ne pouvait s’en passer54. Parmi les grands maîtres de la théologie monastique, saint Bernard figure en bonne place. Le premier formulaire contient deux textes de lui, l’un inséré dans une lettre de Thomas d’Aquin rappelant l’importance du chant des psaumes à l’unisson pour les moines55, l’autre dépeignant les travers de l’hom me que la vie monastique per-met de vaincre56. Les auteurs plus modernes occu pent une position subalterne. L’extrait de la lettre de saint Thomas d’A quin recopié dans le premier formulaire se contente d’énumérer – sans originalité aucune – les différentes vertus monasti-ques, en citant… saint Bernard57.

A ces références traditionnelles s’ajoutaient les auteurs franciscains, au premier rang desquels saint Bonaventure. Oswald de Laskó le présente même comme l’un des pères fondateurs de l’observance58. Il souligne son rôle dans la

maxime in illis articulis qui sancte vivendi modum et conversationem tangunt utilitatem, coram fratribus pluries legere et wulgariter exponi facere velitis et debeatis. 1er form., fol. 25 (pj n° 2).

51 …ne ignorantia sit occasio delinquendi, précisent les Constitutions de 1499. LERH III, 635.52 1er form, fol. 25 (pj n° 2).53 J..-M. Le Gall, Les moines, 198-219.54 Kollányi, 93, d’après 2e form., fol. 36.55 1er form., fol. 177v.56 1er form., fol. 178-178v (paragraphe intitulé super rerum que religiosos conqueritur dicens [sic]).57 1er form., fol. 177-177v.58 OL, Sanctis, sermo LV (De sancto Bonaventura).

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mise en forme de la règle59. Le premier formulaire reproduit deux longues lettres signées de lui60. Ce choix ne résulte certainement pas du hasard: à la fin du XVe siè-cle, traversant les tempêtes qui avaient ébranlé l’ordre, Bonaventure faisait toujours l’unanimité parmi les fils de saint François comme dans l’ensemble de la littérature religieuse de l’époque. Et la présence de certains de ses écrits dans le formulaire facilita son maintien au palmarès des auteurs faisant autorité chez les observants hongrois. Quoi de plus facile en effet pour les vicaires de Hongrie que d’y puiser, où qu’ils se trouvent, les tournures de phrases et les concepts dont ils avaient besoin, puisque leur secrétaire avait constamment le précieux recueil sur lui? Les auteurs du XIVe siècle, en revanche, tardaient à sortir de l’anonymat. Tout juste voit-on le vicaire de Hongrie offrir en 1504 aux frères du couvent de Karánsebes, à l’occasion d’une visite de routine, un commentaire de la règle dû à la plume du célèbre juriste Barto-lus de Saxoferrato (ou Barthole) († 1356), imprimé deux ans plus tôt61.

Quels saints et bienheureux les dirigeants hongrois donnaient-ils en exemple? Deux modèles absolus reviennent dans leurs sermons et dans la correspondance administrative: le Christ d’une part, et saint François d’autre part, le second étant sys-tématiquement présenté comme le plus fidèle imitateur du premier62. Les dignitaires éprouvaient à l’égard du fondateur de l’ordre des mineurs un immense respect et ils lui réservaient une place centrale dans la vie de la congrégation. Après Dieu et la Vierge Marie, c’est devant lui que les novices prêtaient leurs vœux63. On conserve une lettre du ministre de Hongrie autorisant un frère à se rendre à Assise et dans les environs dans les années 1530 pour se recueillir sur les lieux fréquentés par saint François64. Mais, ainsi que les recherches récentes l’ont établi, la vision du poverello qu’avaient les réformateurs franciscains variait selon les convictions de ceux qui invoquaient sa mémoire – des observants radicaux espagnols, comme Pierre de Villacreces, aux modérés italiens, tel Bernardin de Sienne65. Pour savoir quelle image avaient de saint François les membres de la province magyare, il faudrait pouvoir identifier les légen-des du saint qui circulaient dans les couvents hongrois. Parmi elles se trouvent sans doute les Vitae de Bonaventure, qui inspiraient aussi les villacrecianos66. Les allusions à

59 …quicumque hanc regulam tamque perfectionis formam secuti fuerit. OL, Sanctis, sermo LV.60 1er form, fol. 34v-37v 37v-40.61 Karácsonyi II, 88. Voir aussi chapitre 7.62 Voir par exemple le sermon d’Oswald de Laskó intitulé “De sancto Francisco”, dans

Sanctis, sermo XCIII.63 Ego…promitto Deo omnipotenti et Beatae Mariae Virgini et beato Francisco et omnibus sanctis…

LERH, III, 619-620.64 Kollányi, 88, d’après 2e form., fol. 129.65 D. Nimmo, S. Francis, passim.66 Isidoro da Villapadierna, Il ritorno all’ideale, 279-283.

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son auteur évoquées précédemment et le thème récurrent des stigmates dans les écrits des dirigeants hongrois tendent à le prouver. Deux autres légendes, issues cette fois du milieu spirituel, étaient connues des frères: le Speculum perfectionis et l’Actus beati Francisci et sociorum ejus. Rassemblées dans le Codex Jókai, elles ont été traduites en hongrois vers 1440 à partir d’un original composé dans la péninsule italienne au début des années 1370. C’est par le biais de l’observance bosniaque que ces textes auraient pénétré dans le royaume magyar67. On ignore cependant à quel point ils étaient lus et utilisés par les frères de Hongrie.

Les dirigeants louaient volontiers les vertus personnelles de saint Bona-venture. Oswald de Laskó souligne ses performances dans la haine des vices (in viciorum detestatione), dans la pratique des vertus (in virtutum operatione) et dans l’amour de Dieu (in perfecta Dei dilectione)68. Il fait aussi l’éloge de son activité de réformateur monastique, point sur laquelle nous reviendrons. En revanche, les figures de l’observance italienne devenues de véritables vedettes dans la pé-ninsule restaient en retrait. Bernardin de Sienne, pourtant canonisé dès 1450 (six ans après sa mort) et si célèbre en Pologne, grâce à Jean de Capestran, est rarement cité en exemple par les franciscains hongrois. Le culte de Jacques de la Marche, mort en 1476, tarda à s’implanter dans le bassin des Carpates. Malgré ses indéniables succès en matière de lutte contre l’hérésie, l’homme avait laissé le souvenir d’un doctrinaire rigide et intransigeant; il fut rapidement supplanté par Jean de Capestran dans le rôle de héraut de la Croisade contre les Turcs, un rôle qu’il avait pourtant envisagé dès 1437 et qui lui tenait toujours à cœur à la fin de sa vie69.

Jean de Capestran conserva longtemps après sa disparition à l’automne 1456 une aura exceptionnelle parmi les observants hongrois. Bien avant sa canonisation (en 1690), ils le considéraient déjà comme un saint: la chronique locale rapporte que le chapitre provincial de 1509 s’ouvrit in conventu de Wylak apud beatum Capestranum70. Ils prirent une part active à la promotion de son culte, rejoignant les efforts de leurs confrères italiens, qui cherchaient alors à susciter une nouvelle série de canonisations pontificales depuis celle de Bernardin. Le vicaire de Hongrie Étienne de Varsány écrivit personnellement en 1459 à la protectrice de l’ordre, la comtesse de Celano, pour qu’elle relance la pro-

67 T. Klaniczay, A ferencesek és domonkosok, 120-122 , notations que l’on complètera par les traductions commentées de Zsuzsa Aczél et de László Szörényi.

68 OL, Sanctis, sermo LV, (De sancto Bonaventura).69 Après la mort de Jean de Capestran et le retour en Italie de Jacques de la Marche, ce

dernier continua jusqu’à sa mort de développer en chaire le thème de la croisade contre les Infidèles. Gy. Galamb, Marchiai Jakab, 249-250; T. Klaniczay, Hagyo mányok, 182.

70 C[h]ronica, 270.

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cédure entamée auprès du pape71. Les frères de Hongrie prirent rapidement en mains la tâche de consignation par écrit des miracles – confiée de mai à septembre 1461 au frère Jean de Geszt (Johannes de Geszth), ancien gardien du couvent de Tövis72. Ajoutons que si Michel Székely (ou Michel le Sicule) fut élu vicaire de Hongrie en 1462, c’est très certainement parce qu’il avait été l’un des compagnons de Jean de Capestran73.

Ce rayonnement ne tient pas seulement aux vertus personnelles du prédica-teur mais aussi aux circonstances, en particulier à l’imminence d’une invasion ot-tomane et à la victoire inespérée de Belgrade. Alors qu’il s’était initialement rendu en Hongrie pour traquer les hérétiques et pourchasser les orthodoxes, ce pan de son activité éclipsa rapidement tous les autres aux yeux des contemporains, de son vivant comme après sa mort. Son charisme personnel n’avait certes pas échappé aux frères de l’observance hongroise, mais il semble avoir davantage impression-né les fidèles que les religieux. Parmi les témoins et les bénéficiaires des miracles survenus auprès de sa tombe, on relève peu de membres de l’ordre: deux témoins et un frère guéri de surdité, selon la liste fragmentaire établie par János Karácso-nyi74 et un total de quatre frères de l’observance franciscaine selon les statistiques plus complètes de Stanko Andrić75. Faut-il voir dans cette discrétion une manœu-vre visant à mieux promouvoir le culte de Jean de Capestran, comme le suggère Stanko Andrić qui parle de tactical self-restraint 76? Les frères auraient poussé le zèle jusqu’à mettre en scène des religieux hostiles au saint défunt77. Toutefois, d’autres indices renforcent l’impression d’un décalage entre la hiérarchie hongroise et les simples frères. Les couvents observants ne jouèrent à peu près aucun rôle dans la diffusion de la haute réputation de Jean Capistran: d’après les repérages d’Erik Fügedi, elle se transmit principalement par le biais des villes marchandes78. Tout se passe comme si, dans un premier temps au moins, la direction observante avait cherché à défendre la cause du célèbre prédicateur auprès de Rome, plutôt qu’à l’intérieur de sa propre famille. La custodie d’Újlak ne prit son nom que dans les

71 Andrić, 90-91.72 Andrić, 108-114; E. Fügedi, Kapisztránói János, 847-850.73 Karácsonyi I, 342.74 Karácsonyi I, 340. 75 Stanko Andrić souligne la faible représentation des clercs parmi les miraculés post mor-

tem (26 sur un total de 156) et l’écrasante majorité en leur sein des prêtres de paroisses (18 sur 26). Andrić, 328, tableau 8.5, 330.

76 Andrić, 330.77 Selon la Vita de Nicolas de Fara rédigée au début des années 1460 sur la base de

témoignages locaux, un gardien du couvent d’Újlak aurait été puni miraculeusement de son opposition à la canonisation de Jean de Capestran. Andrić, 155.

78 E Fügedi, Kapisztránói János, 862-863, carte en regard de la p. 876.

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QUELLE OBSERVANCE? 79

années 1510 (custodia beati Joannis de Capestrano)79; elle préfigurait la future Province de Saint Jean Capistran née en 1757, qui regroupait alors les couvents du sud du royaume. Les premières autorisations de sortie délivrées aux frères par le ministre de la province hongroise pour se rendre auprès de la tombe de Capestran, absen-tes du premier formulaire, ne remontent pas au-delà des années 153080.

Les responsables de la vicairie de Hongrie parlent peu des mérites individuels de Jean de Capestran, pas plus qu’ils ne citent ses écrits, d’ailleurs. Certes, comme toujours, il faut compter avec les documents perdus. La biographie de Jean de Capestran qu’aurait écrite Oswald de Laskó en 1473, aujourd’hui perdue, aurait pu nous renseigner sur ce point. Ses sermons évoquent les “innombrables miracles” survenus auprès de la tombe du saint81, mais sans décrire ses qualités propres, et encore moins ce en quoi il pouvait servir de modèle aux frères mineurs82. L’exal-tation de la mémoire de Jean de Capestran par la direction observante de Hongrie apparaît en définitive comme un instrument permettant à la branche d’assurer sa propre promotion, face aux conventuels notamment, ou encore vis-à-vis du haut clergé et des fidèles.

Les figures de l’observance polonaise immortalisées par la chronique de Jean de Komorowo – tel Jean de Dukla, mort en laissant le souvenir d’un saint homme en 1484 – demeurent étrangement absentes du panthéon des observants hon-grois. Cherchaient-ils en les ignorant à préserver leur identité? Il faut dire qu’ils souffraient d’un terrible handicap: ils ne disposaient pas au sein de la province magyare d’hommes d’un charisme comparable à ceux des Polonais cités, ou à celui de Nicolas Caroli, ce gardien du couvent de Heidelberg qui fit tant pour la diffusion de l’observance en Allemagne83. La chronique franciscaine hongroise, récit apologétique par excellence, vante les qualités de prédicateurs ou d’admi-nistra teurs de Pelbart de Temesvár, d’Oswald de Laskó ou bien encore d’Étienne de Sopronca, dont elle salue le courage lors des tentatives de fusion opérées par les conventuels84. Elle n’en fait pas pour autant des étalons du franciscanisme vécu. Prenons le cas d’Oswald de Laskó: la chronique locale regrette sa dispari-

79 Du moins selon la liste présentée dans AM, t. 15, p. 402; mais ni les sources consultées, ni la bibliographie (dont János Karácsonyi) ne confirment ce changement de nom pour le début du XVIe siècle. Une recherche spécifique serait nécessaire pour dater précisément l’appa-rition de ce nom.

80 Kollányi, 88, d’après 2e form., fol. 130.81 Andrić, 159.82 R. Horváth, Laskai Ozsvát, 26, 48. Source: OL, Dom., sermo XVI.83 P. Nyhus, The Observant Reform, 164.84 C[h]ronica, 251-252.

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CHAPITRE 280

tion en 1511 en le qualifiant de notabilis provincie pater85. Les lettres des dirigeants copiées dans le premier formulaire rappellent sa mémoire par des formules tout aussi ternes (vir optime meritus, etc.). Seul Michel de Szentmiklós (Michael de Sancto Nicolao), qui vivait au couvent d’Esztergom au début des années 1480, a droit à un (bref) éloge dans la chronique hongroise: quidam frater Michael de Sancto Nicolao (...), qui erat mirae simplicitatis et humilitatis86. Sa renommée demeurait néanmoins insuf-fisante, manifestement, pour que les dirigeants de la province hongroise pussent s’y référer dans leurs recommandations aux frères87.

Les figures données en exemple aux membres de l’observance franciscaine hongroise manquaient cruellement d’originalité, et plus encore d’actualité. Au lieu d’exalter les vertus personnelles des derniers représentants du mouvement, les idéologues de la province magyare en restaient à des références universelles dans le milieu des franciscains européens et vieilles de plusieurs siècles: Bernard de Clairvaux, François d’Assise et la règle de 1223, Bonaventure, sans oublier bien sûr l’Écriture Sainte. C’est donc au nom de valeurs traditionnelles, pour ne pas dire passéistes dans certains cas, que les observants hongrois promurent la ré-forme régulière.

Sur le terrain, cette orientation conservatrice de l’observance hongroise atté-nua-t-elle les effets rénovateurs de son passé bosniaque? Une autre question vient à l’esprit: dans quelle mesure les observants de Hongrie se démarquaient-ils des conventuels, qui se réclamaient des mêmes autorités?

III. La réforme hongroise: une restauration

On distingue habituellement deux courants majeurs dans la réforme francis-caine: celui, érémitique et mystique, des observants italiens et espagnols, et celui, axé autour de la question de la pauvreté évangélique, des religieux français88. En outre, certains réformateurs mettaient l’accent sur les éléments extérieurs de la réforme (l’habit, la tonsure, le jeûne, etc.), tandis que d’autres, en France notam-ment89, s’attachaient avant tout à la conversion intérieure. A quelle tendance ap-partenaient les observants hongrois?

85 C[h]ronica, 271.86 C[h]ronica, 250. Voir aussi K. Timár, Ferencrendi, 261.87 Nous tenterons d’interpréter cette réalité dans le chapitre 5.88 Voir Introduction.89 J.-M. Le Gall, Les moines, 230-233.

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QUELLE OBSERVANCE? 81

Pour saisir sur le vif la teneur de la réforme franciscaine, point de meilleur indice que les changements imposés aux frères au moment précis de leur passage à l’observance. Malheureusement, la procédure de transfert, peu appliquée dans le bassin des Carpates (on l’a vu), n’y a laissé aucune source exploitable en ce sens. Les textes hongrois se contentent de déplorer la vie dissolue des conventuels, sans préciser quels changements concrets survinrent par la suite dans leur existence, ni quelles conditions (mise en vente des biens fonciers, participation obligatoire aux offices, etc.) avaient été posées à leur maintien sur place. Impossible donc de distinguer “l’avant” de “l’après”. Les exhortations des dirigeants exposent la vie idéale du bon franciscain observant en des termes très vagues, sans donner à voir ce qui faisait l’essence même de la réforme. On peut cependant supposer que les points à vérifier par les inspecteurs, détaillés en un paragraphe spécifique des constitutions provinciales et énumérés dans la correspondance administrative, constituent pour ainsi dire un “concentré” des exigences observantes. Bien qu’ils insistent davantage sur la procédure que sur le fond, nous leur accorderons de ce fait une attention particulière. Dernier obstacle documentaire, et non des moin-dres: les sources ne remontent pas au-delà de 1499, ce qui interdit de retracer la genèse idéologique du mouvement au long du second XVe siècle.

Dans un sermon sur saint Bonaventure, Oswald de Laskó loue le travail de réformateur monastique accompli par celui-ci en distinguant trois domaines d’application – qui recouvrent peu ou prou le contenu des vœux réguliers –: le rétablissement de la paix entre les frères par la soumission aux supérieurs, la cor-rection des mœurs, et enfin le retour à la vraie pauvreté90. Cette liste nous servira grossièrement de fil directeur, après avoir analysé le discours des réformateurs hongrois sur l’état monastique et ses marqueurs visuels.

Redéfinir l’état de régulier

Les observants hongrois et leurs protecteurs reprochaient souvent aux conventuels leur imprégnation par le siècle: à les croire, elle était si poussée que l’on peinait à voir en eux des religieux91. Leur comportement constituait une insulte à la dignité cléricale, en particulier à l’état de moine, décrit comme le meilleur état possible sur cette terre. Car, de tous les serments qui soient, écrit Oswald de Laskó, celui prêté par les moines est le plus estimable: votum religio-

90 …nisi claustrum, ubi pax includit.., honestas claudit.., voluptas excludit… OL, Sanctis, sermo LV, De sancto Bonaventura.

91 Voir chapitre suivant.

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CHAPITRE 282

nis est altissimum92. Il implique de se couper véritablement du milieu des laïcs. Le thème revient fréquemment dans les exhortations des dirigeants de la province hongroise, jusque dans les années 1520, sous le ministérialat de Gabriel de Pécs-várad93. La clôture, matérialisée par un rideau isolant la partie de l’église conven-tuelle où se tenaient les frères (le chœur) de celle où se trouvaient les fidèles (la nef), servait à marquer visuellement cette séparation. Son introduction dans la province hongroise fut cependant assez tardive: c’est en 1507, à la demande du commissaire cismontain Grumelli, que le vicaire de Hongrie se résolut à ordonner aux frères de recouvrir de tentures le jubé de leurs églises94. Pourquoi ce retard? Peut-être les habitudes prises du temps des ermitages missionnaires de Bosnie – avec leurs minuscules oratoires dont le chœur restait nécessairement ouvert, comme dans les couvents insulaires bretons à la même époque95 – avaient-elles été conservées dans les fondations ultérieures. Par la suite, les frères s’étaient probablement satisfaits d’une solution qui entretenait une certaine proximité avec leurs ouailles.

Pour autant, les dirigeants se soucièrent très tôt d’empêcher les échanges qui pouvaient entraîner les frères à enfreindre leur vœu de chasteté. C’est justement pour limiter les contacts avec les laïcs que les convers avaient été institués. Rap-pelons à toutes fins utiles que, contrairement à ce que pourrait laisser croire le terme de laici qui les désigne dans les sources franciscaines (hongroises ou non), les convers se rapprochaient davantage des (autres) frères profès que des laïcs ou des clercs séculiers. Eux aussi prêtaient les trois vœux d’obéissance, de pauvreté et de chasteté – ils peuvent donc être considérés stricto sensu comme des profès – et ils demeuraient entièrement soumis à la hiérarchie de l’ordre. C’est leur degré de cléricature ainsi que leur fonction à l’intérieur du couvent qui distinguaient les frères lais de leurs compagnons: au lieu de se destiner à la prêtrise, ils en restaient toute leur vie aux ordres mineurs. Ce choix initial avait un caractère définitif qui les plaçait d’emblée et pour toujours au service des autres religieux, comme l’écrit le vicaire Bernardin de Somlyó au début des années 152096. L’un de ses prédéces-seurs, Blaise de Dézs, considère que leur présence ne se justifiait que s’ils accom-plissaient leur tâche avec zèle et efficacité97. Ajouté à leur éloignement du mystère

92 OL, Quadr., sermo XI, paragraphe B.93 1er form., fol. 210v (pj n° 7).94 Karácsonyi I, 365.95 H. Martin, Les ordres mendiants en Bretagne, 260.96 Similiter fratres laici ad altarem domini reverenter sacerdotibus assistant, serviant, vestiant... 1er

form., fol. 199 (pj n° 6).97 Laici quoniam compellantur ad labores sibi competentes, ne otiose et inutiliter tempus consumant. 1er

form., fol. 204.

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QUELLE OBSERVANCE? 83

de la Sainte Table, cette subordination en faisait indiscutablement des “moines de seconde zone”, pour reprendre la formule de Jean-Marie Le Gall98. D’autant qu’en Hongrie, à la différence des convers italiens ou espagnols99, ils ne se virent jamais confier de responsabilités au sein de l’ordre. Pas un ne fut érigé en modèle spirituel, dans la lignée du franciscanisme primitif. Les convers hongrois se consa-craient en priorité aux activités exigeant de rencontrer des laïcs (achat de denrées, transport de vivres et de matériaux, direction de chantiers…) –, à l’exception bien sûr de la pastorale, confiée aux seuls prêtres. Déliés d’une partie des obligations liturgiques qui pesaient sur les frères mineurs, ils accomplissaient la totalité des tâches manuelles et comptables qu’impliquait le fonctionnement du couvent, de la subsistance quotidienne des frères à l’entretien des bâtiments100. Grâce à quoi, sans avoir à embaucher des serviteurs laïcs, les profès ordonnés ou en passe de l’être (clerici) pouvaient s’adon ner librement à leurs occupations pastorales et litur-giques, sans gaspiller leur temps et leur énergie en corvées matérielles. Attention seulement à ne pas laisser les clerici sombrer dans l’oisiveté (otium), décrite comme la mère de tous les vices par les Constitutions d’Atya101 et les exhortations vicaria-les102. Mieux valait dans ce cas les occuper à des travaux manuels103. Mais l’officium divi num, sous ses diverses formes – cérémonies mais aussi lecture des Écritures et de la littérature pieuse, prière et méditation contemplative – devait rester la prio-rité et constituer jour après jour le moment fort de leur vie spirituelle104. C’est à lui que les frères consacraient normalement l’essentiel de leur journée, car telle était leur vocation profonde, comme le déclaraient Barthélemy de Sáros en 1488105 puis Oswald de Laskó et les pères assemblés à Atya en 1499106. Les réformateurs

98 Les moines, 321.99 Ch.-M. de la Roncière, Identités franciscaines, 43-44.100 Voir chapitre 5.101 LERH III, 624-625.102 Dans un paragraphe intitulé de otio, Barthélemy de Sáros écrit en 1488 que l’oisiveté

conduit à la stérilité spirituelle et engendre les troubles des vices et des scandales (spinas et tribu-los producunt viciorum et scandalorum). En 1514, Blaise de Dézs la décrit dans les mêmes termes, en prenant comme exemple inverse saint François en personne. 1er form., fol. 22, 190.

103 Voir chapitre 5.104 LERH III, 620-621. Voir aussi chapitre 5.105 Nam servitium Dei opportet sine intermissione operari, aut legendo, aut orando, aut meditando vel

contemplando…. 1er form, fol. 22 (pj n° 1). La part des travaux utilitaires apparaît également secondaire à Blaise de Dézs, qui écrit dans une exhortation de 1514 que les frères doivent in devotionibus, orationibus et lectionibus sacre scripture, necnon ceteris utilibus occupari, les convers se char-geant spécifiquement des labores manuales. 1er form., fol. 190.

106 LERH III, 625.

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CHAPITRE 284

reprochaient souvent aux conventuels de l’avoir oublié, en se montrant négligents sur ce chapitre107.

Le recours aux convers, aussi vieux que l’ordre lui-même (puisqu’il est prévu par la règle de 1223), n’était pas l’apanage de l’observance franciscaine, on le sait. Les réformateurs monastiques en avaient fait l’un de leurs chevaux de bataille, aug-mentant la proportion de laici par rapport aux clerici et délimitant plus strictement leurs attributions respectives108. Le plus ancien inventaire détaillé de la province observante de Hongrie ne date que de 1535. Les convers représentaient alors 42,3 % des religieux de la province hongroise (331 individus sur 782)109. Sachant que l’ordre connaissait alors de graves problèmes de recrutement (surtout chez les convers), on peut raisonnablement estimer que, dans les dernières décennies du XVe siècle, le nombre de laici atteignait largement celui des clerici. On ne dispose pas de listes détaillées permettant d’établir leur proportion chez les conventuels. Cependant, leur mention succincte dans les statuts hongrois de 1454, leur rares apparitions dans les sources de la pratique (tandis que l’on y rencontre souvent des clerici occupés à des tâches manuelles), tendent à prouver qu’en Hongrie, ils étaient bien moins nombreux chez les conventuels que chez les observants. Les frères lais étaient plus présents en tous cas chez les franciscains observants que chez les dominicains – d’après les chiffres de 1524, qui font état d’un quart à un tiers de convers parmi les prêcheurs –110, mais moins que chez les ermites de saint Paul111. Remarquons enfin que les réformés hongrois en recrutaient davantage que leurs coreligionnaires polonais (23,4 % de convers d’après le nécrologe de la province bernardine établi en 1531112) et sans doute autant que les observants italiens113.

Une fois sortis des murs de leur couvent, les frères étaient particulièrement vulnérables. Les dirigeants hongrois soumirent donc à des conditions très stric-tes leurs déplacements, les réglementant avec minutie. Les Constitutions de 1499 consacrent de longs paragraphes à cette question, qui n’épargnent pas les diri-geants eux-mêmes. En dehors des sorties habituelles ou imposées – les visites ré-gulières et la participation au chapitre (provincial ou général), ou encore, dans un rayon limité aux villages voisins du couvent, les tournées de quêtes –, les départs

107 A Buda et à Pest en 1444, à Sárospatak et Debrecen en 1448. Voir chapitre suivant.108 Comme le rappelle Jean-Marie Le Gall, dans Les moines, 319-321.109 CsML, fds XII.4, ms a/19, fol. 65-72.110 F. Hervay, A magyarországi kolostorok, 189.111 E. Mályusz, Egyházi társadalom, 272.112 M. Derwich, Foyers et diffusion, 281.113 Les études rassemblant et confrontant les données relatives à tous les couvents de la

péninsule italienne manquent cependant pour confirmer cette impression.

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QUELLE OBSERVANCE? 85

ne pouvaient avoir lieu sans dispense écrite d’un supérieur, custode ou gardien. Celle-ci n’était accordée qu’à titre exceptionnel et pour des affaires dont le règle-ment ne pouvait être différé, en s’entendant au préalable sur l’itinéraire et la durée du voyage114. Les modèles de litterae obedientiales consignés dans le premier for-mulaire prouvent que ces dispositions étaient réellement appliquées115. De toutes façons, les distances parcourues étaient limitées dans l’espace et dans le temps par l’interdiction d’utiliser chevaux et voitures, dont nous reparlerons à propos de la pauvreté. Pendant toute la durée du déplacement, les contacts prolongés avec des laïcs étaient interdits: les frères ne devaient s’arrêter ni dans les auberges, ni dans les demeures privées (à l’exception de celles des prélats, du patron du couvent ou éventuellement des membres de leur famille); sans quoi ils se verraient privés de vin pendant huit jours116. Des mesures qui font penser à celles du chapitre général cismontain de Châteauroux en 1478, lorsqu’il demandait aux frères de s’éloigner des foires et de n’accepter une invitation à déjeuner en ville qu’avec l’auto ri sation du gardien local117.

Les voyages étaient l’occasion pour les frères de marquer la supériorité de leur état. Pas question donc de se laisser aller quando vadunt per mundum, car toute conduite scandaleuse, voire médiocrement ordinaire était susceptible d’entacher durablement la réputation de l’ordre, avertissent les Constitutions de 1499118. Vers 1510, le vi-caire de Hongrie demandait aux custodes d’exhorter les frères envoyés au chapitre à adopter une attitude irréprochable dès qu’ils se trouvaient entourés de laïcs (ut eorum conversatio inter homines mundiales sit exemplaris); ceci en se montrant sobres dans le boire et le manger (sint in cibo et potu temperati), prudents dans leurs conversations (in locutionibus et colloquiis circumspecti), afin de ne pas prêter le flanc aux critiques de ceux qui les recevaient et de s’attirer des éloges par leur exemple édifiant119.

L’esprit communautairePour éviter de céder aux tentations, les frères devaient obligatoirement être

accompagnés d’un clerc (socius) pendant leurs déplacements extérieurs, y compris

114 LERH III, 622-623. Voir aussi Kollányi, 80.115 1er form., fol. 99 99-99v 100 100-100v 103-103v 111-111v 111v-112 112-112v 114v-

115 (pj n° 26); 2e form., fol. 130-133 180-185, d’après Kollányi, 89-91.116 LERH III, 622; Kollányi, 81.117 J.-M. Le Gall, Les moines, 315, d’après Actes du chapitre des frères mineurs de l’Observance

cismontaine de Chateauroux de 1478, in Revue d’histoire franciscaine, t. I, 1924, 491.118 LERH III, 622-623; Kollányi, 80.119 …a quibus discesserint non querulationis et oblocutionis materiam, quinpotius edificationis et vite

salutaris relinquant exempla. 1er form, fol. 80v.

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CHAPITRE 286

lors des quêtes régulières120. En cas d’infraction commise par l’un, l’autre serait autorisé – et même fortement encouragé – à dénoncer son compagnon auprès des dirigeants, ainsi que le rappelle le vicaire de Hongrie aux custodes vers 1510121. Un document du second formulaire montre que les dirigeants (gardiens ou custodes) pouvaient ordonner à un frère d’en suivre un second devant effectuer un voyage, selon une procédure apparemment coutumière dans la province122. Ces précau-tions s’apparentent, là encore, à celles que prirent en ce sens les dominicains et les carmes français au tout début du XVIe siècle123.

Se faire escorter par un socius trahissait aussi une certaine vision du mo-nachisme, celle qui considérait que l’isolement était synonyme de danger. Entre anachorétisme et cénobitisme, les observants hongrois avaient d’abord opté pour la voie médiane des petits ermitages isolés, on s’en souvient. Ils conservèrent de leur passé la taille modeste de leurs maisons: la liste établie vers 1509 mentionne seulement douze couvents de plus de douze frères contre 58 loca124. Encore les plus grands couvents ne dépassaient-ils jamais quarante à cinquante religieux. En 1535, les plus populeux, ceux de Buda et de Kolozsvár, abritaient respectivement 28 et 34 frères, en incluant novices et convers125; on peut raisonnablement estimer qu’ils en comptaient au moins un tiers de plus à l’apogée de l’observance fran-ciscaine, au tournant des XVe et XVIe siècles. Même ceux des couvents qui virent le jour après l’émancipation hongroise de 1448 – en dehors des cas de transfert – avaient au mieux douze religieux dans leurs murs. Divers indices permettent de supposer que ces effectifs réduits résultaient moins de la préoccupation de respecter la tradition observante bosniaque ou de fuir le monde (par contemptus mundi) que de raisons matérielles. Les fondateurs, presque tous des seigneurs laïcs, avaient des moyens limités. Seul le roi pouvait fonder de grands établissements; c’est ce que fit Mathias Corvin à Kolozsvár. En outre, implantés en milieu semi-rural, les couvents hongrois ne pouvaient compter sur des aumônes quotidiennes suffisamment abondantes pour nourrir des foules de religieux.

D’autres données corroborent ce point de vue. Les dirigeants hongrois re-fusèrent toujours de reconnaître la validité des fondations érémitiques issues de

120 LERH III, 622; Kollányi, 80. Ces dispositions furent réitérées par les pères du chapitre provincial de Jászberény en 1537. Karácsonyi I, 396.

121 Hoc autem specialiter firmissimo eisdem committatis mandato, ut eorum quilibet sui itineris socii excessus nonnulles in via emergentes in loco ipsius capituli fideliter mihi significare teneatur. 1er form., fol. 81.

122 Obedientia associandi fratrem itinera. Kollányi, 80.123 J.-M. Le Gall, Les moines, 315.124 Voir chapitre premier.125 Voir Tableau synoptique des couvents.

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QUELLE OBSERVANCE? 87

l’ordre des frères mineurs. Au milieu des années 1460, ils firent pression sur les membres du petit ermitage isolé fondé vers 1440 ou 1450 à Igal, avec l’accord du pape, par un frère nommé Gilles d’Igal qui prônait à sa manière le retour au fran-ciscanisme des origines; tant et si bien qu’ils le contraignirent, lui et ses émules, à abandonner les lieux126. Au moment même où l’idéal érémitique connaissait à nouveau un vif succès en Occident, en particulier au sein de l’observance fran-ciscaine (en Italie centrale où il donnera naissance aux Capucins, ou encore en Espagne), les réformateurs hongrois s’éloignaient ainsi délibérément de l’érémi-tisme originel127. Peut-être cherchaient-ils à se démarquer de l’ordre des ermites de saint Paul, qui rencontrait alors un vif succès, en Hongrie comme en Pologne, où les observants n’avaient qu’un seul ermitage. Dans leur discours en tous cas, ils s’opposaient vigoureusement à ce qu’ils considéraient au fond comme un com-portement égoïste. Ils promouvaient au contraire le sens de la communauté parmi les frères. Si en Hongrie aussi le dortoir commun avait cédé la place aux cellules (cellae), celles-ci étaient regroupées dans un seul bâtiment128. C’est ensemble que les frères prenaient leurs repas au réfectoire. Chaque soir pour les profès et trois fois par semaine pour les novices, ils avouaient coram fratribus in communitate les fautes commises dans la journée. Tous les vendredis, chaque frère énumérait en public les négligences ou autres torts dont il s’était rendu coupable durant les jours précédents129.

Autre ciment communautaire, la pratique de la charité à l’intérieur du cou-vent, qui revêtait aux yeux des responsables une importance particulière. Les Constitutions d’Atya lui consacrent un paragraphe spécifique. Elles demandent à tous les responsables – sous peine de destitution immédiate – de veiller, à leur niveau, à ce que les malades soient convenablement pris en charge et soignés. Comme chez les “villacrecianos” espagnols130, tout couvent devait avoir son infir-merie, confiée au frère infirmarius. L’une des tâches du gardien était d’accueillir avec compréhension ceux qui se signalaient à lui comme souffrants; il prélevait

126 Il est vrai que cette fondation avait aussi le tort à leurs yeux de ne pas dépendre, par privilège pontifical renouvelé en 1462 et en 1464, de la province observante de Hongrie. Elle apparaissait donc comme illégale. Karácsonyi II, 80-81. Voir également chapitre 8.

127 M. Sensi, Le osservanze francescane, passim (en particulier la conclusion, p. 295-305).128 La cellule est le lieu de la prière en privé, de la méditation, de la lecture et du repos: …

quod fratres (…) occupentur in lectionibus, scripturis et orationibus in suis cellis. LERH III, 625. Un autre passage des Constitutions évoque le dormitorium à propos de la literie; mais on comprend dans un troisième que ce terme ne désignait pas un dortoir collectif, mais l’édifice dans lequel se trouvaient les différentes cellules des frères (in dormitorio in quo sunt cellae). LERH III, 620 625.

129 LERH III, 627; Kollányi, 74. Voir aussi chapitre 4.130 Isidoro da Villapadierna, Il ritorno all’ideale, 283-284.

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CHAPITRE 288

ce qu’il fallait sur le produit des quêtes pour assurer leur entretien et punissait les infirmiers négligents. Le custode et les visiteurs devaient écouter attentivement les plaintes des frères à ce sujet et les transmettre au provincial si nécessaire131. Mem-bres d’un seul corps, la famille observante, les religieux avaient pour obligation de prendre soin de leurs frères malades, écrivait le provincial Bernardin de Somlyó au début des années 1520132.

Dans l’ensemble, les dignitaires devaient veiller à maintenir – ou à rétablir, le cas échéant – pax et concordia entre les frères133. Telle était la fonction majeure du gardien à l’échelle de chaque établissement, là où les occasions de frictions étaient les plus fréquentes. Avant toute chose, il devait faire en sorte que les frères du couvent dont il avait la charge vivent en paix. Le vicaire provincial le rappelait par écrit à chaque gardien nouvellement nommé134. Celui-ci avait à sa disposition un arsenal répressif développé par les Constitutions: il pouvait priver de l’habit pendant un mois tout frère ayant menacé un autre membre de la communauté, pendant trois mois s’il avait tenté de porter la main sur lui, pendant un an s’il l’avait réellement frappé; il l’enverrait en prison s’il avait utilisé une pierre ou un couteau, et à vie s’il y avait eu blessure grave ou mort d’homme. Pour de banales insultes, le coupable serait mis au pain sec et à l’eau et resterait assis dans le réfec-toire pendant les repas. Calomnies et injures répétées relevaient de la juridiction du custode, qui pouvait décréter une peine d’emprisonnement135. A l’échelon su-périeur, les custodes et le vicaire devaient veiller à ce que les frères ne subissent ni injustices ni mauvais traitements de la part du gardien. Solidarité et affection do-minaient en principe les relations entre tous les membres de la province, puisqu’ils participaient d’une seule et même religio (ou professio)136.

Symboles d’appartenance

L’objet qui symbolisait le mieux l’état de régulier était évidemment l’habit. Ce signe explicite d’appartenance à l’ordre devait être porté dès le noviciat, jour et

131 LERH III, 624; Kollányi, 90.132 Ita singuli alter alterius membra infirmosque vestros curate. 1er form., fol. 197v-198 (pj n° 6).133 LERH III, 613.134 …sic gubernes et exequaris, ut inter tibi subjectos fratres pax et concordia nutriatur..., lit-on dans une

lettre type du premier formulaire datant de 1515 environ. 1er form., fol. 65v (pj n° 22). 135 LERH III, 628.136 Summus quippe unius religionis et observantie membra, écrit un frère à un autre en l’assurant

de ce qu’il priera pour lui, dans une rubrique du premier formulaire intitulée ad fratres unius professionis. 1er form., fol. 180.

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nuit, et jusque dans la tombe! L’exigent aussi bien les Constitutions de 1499 que les textes plus tardifs (en particulier les actes des chapitres de 1535 et de 1552), qui interdisent aux frères – sauf cas de maladie – d’enlever froc et ceinture pendant leur sommeil; sans quoi ils seraient astreints à prendre leur déjeuner du lendemain assis par terre au milieu du réfectoire et sine habitu137. Le matériau et la forme de l’habit, minutieusement codifiés, obéissaient en priorité à l’exigence de pauvreté. Dans un souci d’uniformité, c’est le (ou les) tailleur(s) (sartor) du couvent – un convers – qui confectionnait les nouveaux frocs et réparait ceux qui étaient usagés, selon les actes du chapitre de 1505138. Il les taillait dans un tissu dont la fourniture était organisée à l’échelle de la custodie par le custode. C’est lui qui, de manière générale, devait faire en sorte que tous les frères de la circonscription portent le même vêtement139 et leur donner les moyens matériels d’en avoir suffisamment140. Dès 1499, des normes très précises réglementaient sa forme: l’habitus devait être coupé de telle façon qu’une fois noué à la taille, il atteignait approximativement le talon, sans remonter à plus de quatre pouces au dessus de celui-ci ni toucher le sol. Les manches, cousues à deux paumes des épaules, devaient couvrir le bras jusqu’aux premières phalanges des mains, en s’élargissant vers le bas. La capuche (capucium), aussi longue que large, arrivait jusqu’à la corde formant ceinture (cingu-lum), à moins de deux pouces de distance. Le mantelet (mantellus) qui recouvrait le tout – pour ne point apparaître comme un élément de coquetterie – ne devait être ni garni de volants, ni plissé autour du cou, et d’une longueur inférieure à celle du froc141. Ces normes, soit dit en passant, ne distinguaient aucunement les observants des conventuels – à ceci près que chez ces derniers, elles étaient un peu moins détaillées, donc plus sujettes à des variantes locales142. Eux aussi portaient un froc de drap grossier de couleur grise depuis 1454 au plus tard143.

L’absence de chaussures, qui leur valut parfois le sobriquet de “déchaus-sés”, comptait également parmi les signes identifiants de la branche réformée de l’ordre. Les dirigeants hongrois hésitèrent toutefois à l’imposer formellement aux membres de leur province. Les Constitutions de 1499 établissent une dis-

137 LERH t. III, 620; Kollányi, 43.138 LERH III, 648.139 Custodes (…) omnes et singulos fratres suae custodiae teneantur reducere ad uniformitatem habituum

et vestium. LERH III, 620.140 …de vestitura providere. LERH III, 613. 141 LERH III, 620.142 Statuts conventuels de 1454, 96-97.143 …de panno vili per regulam concessi, grisei coloris. Statuts conventuels de 1454, 96. Aupa-

ravant, d’après la tradition, leur habit était nettement plus foncé que celui des observants. Karácsonyi I, 313.

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CHAPITRE 290

tinction subtile entre les chaussures fermées (calceamenta) – interdites aux frères sauf urgenti et manifesta necessitate et avec autorisation spéciale du supérieur – et les sandales ouvertes (calig[a]e lanea, sole[a]e sive sandalia), dont l’emploi était autorisé, à condition seulement qu’elles soient exemptes de toute fantaisie144. Pour diffé-rencier les observants des conventuels, qui avaient aussi un couvent dans la ville, les habitants de Szeged les appelaient les “porteurs de pantoufles” (zoccolanti, dans un testament de 1502)145. Comme l’habit, les sandales étaient fabriquées sur place, par le cordonnier du couvent, d’ordinaire un convers 146. Dans les années 1530, on restreignit encore l’usage des chaussures: les actes du chapitre de 1537, renouvelés en 1550, confièrent au custode et au petit groupe de frères âgés qui le conseillaient (les discreti) la tâche de désigner quels seraient les membres de chaque établisse-ment qui auraient ou non le droit de marcher avec des sandales147.

A l’autre extrémité du corps, la tonsure jouait un rôle similaire. Les constitu-tions de 1499 l’imposaient tant aux convers qu’aux profès148, conformément aux règlements des autres provinces franciscaines. Toutefois, dans la pratique, seuls les profès ordonnés prêtres ou attendant leur ordination se pliaient à cette obligation. Si bien que la tonsure marquait davantage en Hongrie l’opposition entre frères convers et frères profès que l’appartenance à l’ordre des Mineurs. Les critiques formulées à cet égard par le commissaire cismontain en 1506-1507 aboutirent à une solution de compromis qui infléchit lentement les habitudes: elle encouragea les frères non consacrés à se faire eux aussi tonsurer, par souci d’uniformité, mais sans en faire une nécessité absolue149. Les constitutions hongroises cherchèrent là encore à instaurer une relative homogénéité dans la coiffure des frères: le sommet du crâne devait être rasé de près, tous les quinze jours, de manière à laisser une couronne de cheveux large de trois doigts entre les oreilles et la partie découverte du cuir chevelu150. Nom-bre de couvents hongrois comptaient parmi leurs convers un barbier; la tonsure des religieux était sa principale occupation151. Quant à la barbe, souvent proscrite en Occident jusqu’à sa réhabilitation par les Capucins, elle n’avait rien de choquant sur les bords du Danube. Aucun règlement provincial ne l’interdit et la tradition locale rapporte, sans s’en indigner, que le vicaire Étienne de Varsány arborait une longue

144 LERH III, 620.145 Karácsonyi II, 162, d’après MOL, ms Dl 30141.146 Kollányi, p. 45, d’après 2e form., fol. 36.147 Item patres custodes cum discretis dijudicent qui debent portare sandalia et qui non. EEMH, t. II,

488; Ka., t. I, 396 413; Kollányi, 42.148 Tonsuram de super aures tam clerici quam laici sibi fieri procurent… LERH III, 620.149 Karácsonyi I, 365.150 LERH, III, 620; Kollányi, 80.151 Voir chapitre 5.

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barbe (barba prolixa) avant son élection dans les années 1450. La notation indique seu lement que la chose était plutôt inhabituelle152.

En revanche, contrairement aux franciscains anglais, les frères de l’obser-vance hongroise ne changeaient pas de nom à leur entrée en religion. Les Consti-tutions d’Atya ne leur imposent pas ce sacrifice. La formule de profession qu’elles prescrivent – débutant par Ego, frater N, voveo… – laisse penser qu’ils conservaient leur nom d’usage, tout au moins leur prénom153. Certes, celui-ci n’est jamais suivi d’un patronyme, à une période où les noms de famille tendaient à se généraliser en Hongrie, en particulier dans les villes. Le prénom des religieux était souvent accompagné d’un toponyme (que les formulaires rapportent sous la forme de N de N). Il correspondait manifestement au lieu où résidait le frère ainsi nommé, ou encore à celui où il était né ou avait vécu avant son entrée dans l’ordre (comme pour Oswald de Laskó et Pelbart de Temesvár). L’usage semble toutefois avoir été limité dans un premier temps aux hauts responsables de la province; il ne s’étendit à tous les frères que dans les années 1530, où les noms de couvents deviennent plus rares dans les listes de religieux154. A la fin du XVe siècle, l’engagement mo-nastique s’accompagnait donc chez les franciscains observants d’usages anthro-ponymiques marquant une rupture seulement partielle par rapport au milieu de naissance et à l’entourage familial.

Les trois vœux

Sur le fond, la différence entre les religieux – convers, prêtres ou futurs prê-tres – et les laïcs résidait d’abord dans leur choix de vie. L’entrée en religion se faisait par un serment solennel, prêté devant les hommes (en l’occurrence les di-rigeants de la province), mais aussi devant Dieu et tous les saints, celui de respec-ter la regulam fratrum minorum. La formule énoncée par les Constitutions de 1499 subdivise cette obligation en trois domaines, correspondant aux trois vœux mo-nastiques d’obéissance, de pauvreté et de chasteté: vivendo in obedientia, sine proprio et in castitate155. Appartenir à l’observance, c’était d’abord s’astreindre à tenir ces en-gagements, quoi qu’il en coûte et sans mollir comme le faisaient les conventuels. Reprenant un motif ancien dans la tradition franciscaine, les dirigeants hongrois comparaient volontiers les trois vœux aux trois clous enfoncés dans les membres du Christ. Les profès qui s’y conformaient prenaient part à la Passion du Christ

152 C[h]ronica, 244; Karácsonyi I, 338.153 LERH III, 619.154 Voir chapitre 5.155 LERH III, 619-620.

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CHAPITRE 292

mais aussi au mystère de la Rédemption, écrit Étienne de Sopronca dans les an-nées 1490156. Ce n’est pas par hasard que le premier formulaire s’ouvre dès le premier folio sur un paragraphe de tribus votis. Dans leurs exhortations du début du XVIe siècle, les vicaires de Hongrie développent abondamment ce thème. Ils commentent une à une chacune des vertus franciscaines qui en dérivent (obéis-sance, humilité, chasteté, pauvreté)157. Et, afin que leur souvenir reste vivace chez les frères, ils demandent aux custodes de remémorer le contenu des trois vœux aux frères qu’ils rencontraient pendant leurs visites ordinaires158.

Pour que l’engagement soit valable, il devait répondre aux critères juridi-ques habituels (être sain de corps et d’esprit et libre de tout lien matrimonial ou financier), mais aussi à certaines conditions permettant d’écarter les voca-tions forcées ou immatures159. Un seuil d’âge limitait, en Hongrie comme partout ailleurs (y compris chez les conventuels), l’entrée au couvent. Conformément à la tradition franciscaine, les candidats au noviciat devaient avoir atteint quatorze ans, rappellent les Constitutions de 1499160. Et avant de pouvoir prononcer leurs voeux, ils devaient attendre un an, l’année de noviciat constituant une véritable mise à l’épreuve justifiant pleinement son nom de période probatoire161. Une lettre adressée par le vicaire de Hongrie à un gardien mentionne le cas d’un adolescens – terme flou, il est vrai – qui s’apprêtait à entrer comme novice dans son couvent162. Au total, l’âge minimal requis pour les profès hongrois semble avoir été légèrement inférieur à celui des observants français depuis les réformes du tournant des XVe et XVIe siècles163. Mais, à la différence des conventuels, qui admettaient toujours les entrées précoces à la demande des parents (oblati)164, le seuil de 14 ans ne souffrait aucune dérogation – sauf intervention spéciale du vicaire de la province.

156 … ejusdem professionis observantia, in qua Salvatoris nostri Jhesus Christi depingetur vita et passio. Cujus membrorum per trium clavorum est confessio, in quo viget, fratres dilectissimi, trium votorum nostrorum professio. 1er form, fol. 24 v (pj n° 2).

157 1er form., passim (en particulier pj n° 1 à 7).158 On lit par exemple au fol. 3 du premier formulaire: ... ac sanctitatis tribus votis essentialibus

nostre observantie regularis, puta obedientie sancte, paupertate ewangelice ac castitati illibate....159 Voir chapitre 4.160 LERH III, 619.161 Ferenc Kollányi rapporte que cette limite fut portée par la suite (en 1537?) à 18 ans, in-

formation dont je n’ai pas trouvé confirmation à ce jour dans les sources. Kollányi, 37.162 1er form., fol. 144v.163 F. Rapp, Réformes et Réformation, 147; J.-M. Le Gall, Les moines, 160164 Karácsonyi I, 64. Cette clause ne fut pas abrogée par les constitutions réformatrices de

1454. Source: statuts conventuels de 1454, 91-103.

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L’obéissance apparaît comme la mère des vertus dans le discours des diri-geants de la province hongroise. Elle constituait le premier des trois vœux, comme le montre la formule de profession citée plus haut. Faire partie de l’observance, c’était par définition s’astreindre à “observer” la règle, sans quoi la paix entre les frères et la discipline étaient immanquablement compromises. C’est ce que devai-ent inlassablement répéter les custodes aux frères des couvents qu’ils visitaient, selon les Constitutions de 1499165. Naturellement, obéir ne signifiait pas seule-ment respecter la règle, mais aussi se soumettre à la volonté des supérieurs. Les vicaires de Hongrie de la fin du XVe et du début du XVIe siècle, de Barthélemy de Sáros en 1488 à Blaise de Dézs vers 1515, développent systématiquement le sujet dans leurs exhortationes recopiées dans le premier formulaire. L’obedientia figure toujours en tête de la liste des vertus franciscaines qu’ils dressent. Elle occupe un volume écrasant par rapport aux autres vertus, bien supérieur à celui de la chasteté, de l’humilité ou même de la pauvreté. Gabriel de Pécsvárad la qualifie d’altissima en 1512166. Véritable entraînement à l’humilité, elle manifeste l’abnéga-tion personnelle167. L’égalité entre les frères voulue par saint François ne signifiait pas l’abolition de toute hiérarchie au sein de l’ordre168. A l’exemple du Christ, qui obéit à son Père jusqu’à en mourir sur une croix169, et à l’image de saint François, qui avait accepté de son vivant de se soumettre aux prélats170, les frères doivent, quelle que soit leur position au sein de l’ordre, obéir fidèlement et filialement à tous ceux à qui a été temporairement confiée l’auctoritas, autrement dit aux prelati ou superiores171.

Le dernier des trois vœux portait sur la continence. La castitas entre dans la catégorie des vertus souvent louées par les dirigeants de la province hongroise, dans des proportions variables mais toujours plus brièvement que l’obéissance, et avec insistance à partir du début du XVIe siècle172. On retrouve les thèmes chers

165 …et in quolibet [loco suae custodiae] pacem et concordiam inter fratres ordinare, exhortando eosdem ad regularum observantiam exponendo regulam ac Constitutiones has. LERH III, 613.

166 1er form, fol. 2-11, en particulier 3v (pj n° 4).167 1er form., fol. 3v (1512) (pj n° 4), 186v-187v (vers 1515).168 1er form., fol. 186v-187v (1514).169 Voici quelques extraits de ces textes: …ibi pendet exemplar obendientie nostre in filio Dei,

qui se humilians factus est obediens usque ad mortem (1er form, fol. 24, vers 1490 pj n° 2); sancte (...) obedientie, quod pro amore domini nostri Jehsus Cristi suscepimus, qui pro nobis factus est obediens usque ad mortem crucis (1er form., fol. 194-194v, vers 1515).

170 1er form., fol. 186v-187v (1514).171 1er form, fol. 21 (1488) (pj n° 1), fol. 186v-187v (1514).172 Étienne de Sopronca rappelle seulement vers 1490 qu’elle fait partie des trois vœux de

profession; Oswald de Laskó la cite, sans s’y attarder plus que cela, parmi les vertus franciscaines;

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CHAPITRE 294

aux réformateurs monastiques de la fin du Moyen Âge: la chasteté comme occa-sion de dominer son corps173, de le soumettre à des mortifications174, la “vertu céleste” pratiquée à la perfection par saint François175 et le garde-fou de la pureté de l’esprit176. De la même manière qu’en France à cette période177, les textes nor-matifs imposaient des mesures visant très clairement à éviter les tentations char-nelles. Les Constitutions de 1499 stipulent que les frères devaient confesser les femmes à la vue de tous178. Aucune ne pouvait entrer dans un couvent, ni seule, ni en groupe. Inversement, les frères n’avaient pas accès aux établissements fémi-nins. Lorsqu’ils voulaient atteindre les secteurs ouverts aux laïcs, pour collecter des aumônes par exemple, ils devaient solliciter des dirigeants une autorisation spéciale179. Des restrictions similaires s’appliquaient aux sœurs tertiaires, du moins d’après les sources des années 1530: leur confesseur n’était autorisé à pénétrer dans les murs de la maison que pour administrer l’extrême onction180. Lors des sorties hors du couvent, les risques étaient évidemment démultipliés. Les frères devaient donc s’abstenir impérativement d’avoir des conversations privées avec des femmes. Tout religieux qui s’isolerait de manière suspecte avec une femme – sequestratio, que le manuscrit de Münich utilisé par Ferenc Kollányi traduit en hongrois par elwalas (“séparation”) – ou serait convaincu de crimes plus graves encore – innominabili crimine, autrement dit la sodomie – se verrait démis de ses fonctions; et, en cas de récidive, emprisonné “pour qu’il pleure sa vie de péché en jeûnant au pain et à l’eau, dans l’amertume et dans la douleur”181. Ajoutons pour finir que le péché de chair (lapsus carnis) ne pouvait être absous par le confesseur ordinaire, celui du couvent, mais seulement par un dirigeant de l’ordre182.

les exhortationes des années 1500-1520 se montrent plus disertes sur le sujet, peut-être en relation avec un relâchement de la discipline (voir chapitre 7). Dans l’ordre chronologique: 1er form., fol. 24v (pj n° 2), 29, 32v-33v (pj n° 3) , 5v-7 (pj n° 4), 189v 202 207-208.

173 1er form, fol. 21 (1488) (pj n° 1).174 1er form, fol. 5v-7 (1512) (pj n° 4).175 1er form, fol. 5v-7 (1512) (pj n° 4).176 Castitatem denique et puritatem illibatam totis viribus ac mentis et corporis totis affectionibus intus et

foris illibate custodiamus. 1er form, fol. 189v (1514). Sur la même page: Castitatem in super preciosis-simam, et mentis ac corporis puritatem, totis affectionibus intus et foris custodiamus (vers 1515). Formula-tions analogues dans 1er form., fol. 202 (vers 1515), fol. 207-208 (1518) (pj n° 5).

177 J.-M. Le Gall, Les moines, 310-311.178 LERH III, 618, 634.179 LERH III, 634.180 Kollányi, 81, d’après les acta capituli de 1539; Karácsonyi I, 399.181 …carceri perpetuo mancipetur, ubi panem et aquam quotidie comedens, defleat peccata sua in amari-

tudine et dolore. LERH III, 618-619; Kollányi, 81.182 LERH III, 627.

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La pauvreté

Rien de très original, en définitive, dans le discours des responsables obser-vants hongrois sur l’obéissance et la chasteté: leurs prescriptions se retrouvent presque mot pour mot chez les conventuels. C’est autour de la question de la pau-vreté, on le sait, que s’était dessinée pour l’essentiel la ligne de fracture entre les deux branches de l’ordre. En Hongrie cependant, l’écart entre elles semble avoir été moins profond qu’en France, par exemple.

En effet, dans leurs exhortations, les vicaires de Hongrie ne s’attardent guère plus longuement sur le vœu de pauvreté que sur les autres voeux. Comme le faisait saint Bonaventure deux siècles plus tôt, ils présentent la pauvreté comme un pri-vilège de l’ordre franciscain (prerogativa solumnis, nobilissima prerogativa)183. Ils rappel-lent qu’il les distingue des autres familles monastiques, sans chercher toutefois à en faire l’apanage de l’observance184. Servir Dame Pauvreté est aussi se conformer à l’exemple du Christ, écrit l’un d’eux en 1512, comme à celui du poverello185. C’est un véritable exercice spirituel, qui permet de mieux percevoir la fragilité, la préca-rité de la condition humaine, souligne un autre en 1488186. Il fournit aussi l’occa-sion de se mortifier, ajoute son successeur trente ans plus tard187. Des déclarations de principe qui nous plongent en plein XIIIe siècle, du temps de la fondation des premiers ordres mendiants, et confirment l’im pres sion d’une restauration plutôt que d’une révolution, même à propos de la pauvreté.

Les rares chefs d’accusation que fournit la documentation à l’égard des conventuels portent souvent sur ce sujet. Selon leurs détracteurs, les conventuels manquaient à la règle et à leur vœu de pauvreté car ils possédaient souvent (à ti-

183 La lettre de saint Bonaventure copiée dans le premier formulaire parle de nostre religionis prerogativa solumnis; Barthélemy de Sáros qualifie en 1488 la pauvreté de nobilissima prerogativa; Gilles de Cegléd parle de paupertas sanctissima en 1506, expression que reprend à son compte Blaise de Dézs vers 1514 en citant plus longuement saint Bonaventure dans deux exhortations différentes: …ut verbis utar sancti Bonaventure: “est nostri religionis prerogativa sublimis, ne nobilis hec margarita conculcanda porcis viliter exponatur”. 1er form., fol. 36v, 20-20v (pj n° 1), 32 (pj n° 3), 193-193v 201v.

184 Gilles de Cegléd écrit en 1506: paupertas sanctissima est nostre religionis prerogativa sublimis. 1er form., fol. 32. Blaise de Dézs fait aussi de la pauvreté un critère de différenciation par rap-port aux autres ordres: … hac singulariter (...) nos a religiosis ceteris discernere.... 1er form., fol. 188-188v.

185 Exhortation de Gabriel de Pécsvárad, 1er form., fol. 4v-5v (pj n° 4).186 …fragilitas humane condicionis admittit asperitatem. Exhortation de Barthélemy de Sáros, 1er

form., fol. 20-20v (pj n° 1).187 Exhortation d’Albert de Dereszlény, 1er form., fol. 206-206v (pj n° 5).

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tre communautaire certes) une vaisselle et des vêtements liturgiques somptueux, voire des biens fonciers, se déplaçaient à cheval et non à pied, avaient des effets personnels et menaient dans l’ensemble une vie confortable188. Parmi les infrac-tions que les visitatores devaient signaler au chapitre provincial selon les Consti-tutions d’Atya, beaucoup concernent l’usus pauper: le luxe excessif des bâtiments et des objets de culte, ou la possession et l’utilisation de chevaux par les frères189. On les retrouve quinze ans plus tard parmi les recommandations adressées aux visiteurs de la province, à l’approche du chapitre provincial de 1515190, comme dans les années 1530191. L’habit, par son matériau frustre – un drap grossier cou-leur de cendre ou brun (de vili panno coloris cinerei sive aerei, dans les Constitutions de 1499) noué à la taille par une corde grossière (corda rudis et communis)192 – devait manifester aux yeux de tous ce choix de la pauvreté absolue, de même que la forme minimaliste des sandales. Cette insistance sur la rusticité du vêtement mo-nastique rapprochait indiscutablement les observants hongrois des “villacrecianos” espagnols193. D’autant que les frères ne devaient avoir qu’un seul habit, celui qu’ils portaient jour et nuit; et il appartenait au couvent, comme les couvertures qu’ils utilisaient, non à eux-mêmes. Seuls les cuisiniers et ceux qui, en raison de leurs activités, avaient impérativement besoin d’en changer pouvaient disposer de deux frocs194. Tout frère qui emportait une couverture avec lui pour se rendre au chapi-tre provincial devait la restituer au couvent à son retour, précisent encore les actes du chapitre de 1552195. Il était évidemment interdit aux religieux de les vendre ou d’en acheter pour leur usage personnel196. Pour la même raison, ils dormaient sur une literie som maire, et non sous de douillets édredons de plume197. C’est en vertu de la pauvreté enfin qu’ils devaient, des simples frères aux dirigeants suprêmes

188 Voir chapitre suivant.189 … si custodiam visitatam invenerit vitiosam in sumptuositate aedificiorum, sacra vestium, ac vaso-

rum, vel aequitatura, seu relaxionibus regularis disciplinae. LERH III, 616.190 Sur l’interdiction de se déplacer à cheval, on lit par exemple: Quintum equitatura sew

quadrigatura in casibus non gressis… 1er form., fol. 73.191 2e form.192 LERH III, 620.193 Isidoro da Villapadierna, Il ritorno, 283-284.194 LERH III, 620.195 Kollányi, 46.196 En 1533, l’ami intime d’un frère d’Ozora récemment disparu voulut racheter à prix

d’or son froc; il se heurta à une fin de non recevoir de la part du gardien. Kollányi, 45, d’après 2e form., fol. 59.

197 Nec in dormitorio pulvinaribus de pluma utantur fratres. LERH III, 620. Voir aussi chapitre 5.

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de la province, se contenter d’un régime alimentaire frugal, se déplacer exclusive-ment à pied et, de manière générale, ne pas s’entourer d’objets superflus et vivre dans un confort rudimentaire, au couvent comme en voyage198.

Les religieux réformés avaient par ailleurs pour obligation d’éviter tout contact avec l’argent, rappellent les Constitutions de 1499. Même lors de leurs déplacements, ils ne devaient pas avoir de bourse (bursae, bursarii) ni de lettres de créances (litterae bancae) sur eux, écrivait le vicaire Bernardin de Somlyó au début des années 1520199, en écho aux statuts d’Atya200. Les chapitres provinciaux de 1533 et 1542 réitèrent cette prohibition201. Interdiction également de cacher et d’entreposer de l’argent ou des objets de valeur dans la sacristie, sur l’autel ou dans un coffre. Un comptable extérieur au couvent, le procureur (procurator) ou confrère (confrater), se chargeait exclusivement et obligatoirement de gérer le produit des aumônes202. C’est à lui que les quêteurs, aussitôt leur tournée achevée, devaient remettre ce qu’ils avaient récolté. Les actes du chapitre de 1542 ajoutent à cette obligation celle de déclarer tous les huit jours les sommes reçues devant son supérieur, sous peine de se les voir retirer sur le champ, non sans avoir été puni de coups de fouet203. L’accumula-tion d’objets liturgiques de grande valeur était sinon interdite, du moins fortement déconseillée, en 1499 comme en 1505204. Constituer des réserves alimentaires ou stocker des matériaux était hautement répréhensible, déclarait le chapitre provin-cial aux gardiens et aux custodes à Atya en 1499 puis à Paks en 1507205; ceci même en période de crise, lit-on dans une exhortation du vicaire Blaise de Dézs écrite vers 1515206. Le chapitre de Buda ordonna dans cet esprit que les frères n’utilisent

198 LERH III, p. 618 et (à propos de l’interdiction de se déplacer à cheval ou en voiture) 623.

199 …ne aliquis secum bursarios ducat, nisi ubi manifesta egestas contrarium suadeat. 1er form., fol. 197v (pj n° 6).

200 LERH III, 622.201 Kollányi, 61.202 En 1499, en 1505, comme au lendemain du chapitre généralissime de 1517, en vertu

des actes du chapitre provincial qui s’ouvrit l’année suivante à Újlak, ou encore en 1533, en 1542 et en 1544. LERH III, 623-624, 647; Karácsonyi I, 363-364 378-379 404; Kollányi, 58 55. Voir aussi chapitre 5.

203 Kollányi, 58.204 Item paramenta praetiosa, calices, monstrantiae, thuribula et hujusmodi quae capiunt thesauriationem

in nostris locis non multiplicentur… LERH III, 624. Actes capitulaires de 1505 édités dans LERH III, 647.

205 LERH III, 613-614; Karácsonyi I, 366.206 …prot ut ex regula et omnibus declaracionibus et statutis nostris, habemus nudam et veram neces-

sitatem attendite in vino, grano, lardo, pecuniam et alys, quorum usus dumtaxat necessarius concedit et omnis superfluitas interdicitur. 1er form., fol. 194.

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CHAPITRE 298

pas d’amphores à vin de grande taille207. En d’autres termes, les frères ne devaient pas obtenir en mendiant plus que ce dont ils avaient besoin sur le moment208. Les bâtiments monastiques, à leur image, devaient rester dépouillés et ne pas faire l’objet de travaux d’agrandissement ou d’ornementation superflus209. Enfin, comme chez les conventuels, la propriété individuelle était strictement interdite et les sanctions prévues d’une extrême sévérité. Ainsi, si l’on découvrait à la mort d’un frère qu’il était propriétaire de biens, on lui refuserait la sépulture chrétienne210.

Toutefois, ces restrictions ne constituaient pas, dans l’ensemble, un grand bouleversement dans la pratique franciscaine de la pauvreté. Les Constitutions hongroises ne font qu’appliquer le contenu des statuts généraux de l’ordre, en détaillant seulement leurs implications concrètes de manière à écarter d’emblée les abus auxquels certains conventuels s’étaient laissés aller211. Si elles interdisent formellement toute possession personnelle, elles demeurent floues en matière de biens ou revenus communautaires. Elle restent étrangement discrètes, par exem-ple, sur la détention par les frères de biens fonciers, ou sur les rentes perpétuelles associées à des fondations privées, qui avaient soulevé tant de critiques ailleurs. Aucun texte ne reproche formellement aux conventuels d’en posséder. Tout juste apprend-on que la municipalité de Sopron, influencée par le discours des obser-vants, tenta d’en tirer argument pour réclamer la réforme du couvent de Sopron212. Dans les faits, nous le verrons dans un prochain chapitre, les observants n’avaient ni terres, ni maisons, ni revenus qui en provenaient. Leurs admirateurs le savaient: ils n’établissaient pas (sauf exception213) de donations foncières à leur intention – se contentant de leur donner des sommes d’argent, des objets ou des vivres214 –, tandis qu’ils continuaient d’en céder aux conventuels. Le passage à l’observance

207 Item vasa vinaria magna nimis in omnibus locis minorentur… LERH III, 649.208 … in superfluarum elemosinarum congregacione et pecuniarum recepcione absque vera necessitate…,

stipule une exhortation du vicaire de Hongrie rédigée au tout début du XVIe siècle. 1er form, fol. 28v.

209 Les Constitutions d’Atya demandent aux visitatores d’avertir le chapitre provincial si custodiam visitatam invenerit vitiosam in sumptuositate aedificiorum. LERH III, 616. Nombre d’exhor-tations copiées dans le premier formulaire, inspirées souvent de saint Bonaventure, dévelop-pent le thème des sumptuositates edificiorumque et structurarum superfluitates. 1er form., fol. 35v (lettre de saint Bonaventure), 32v (exhortation de 1506) (pj n° 3), 77 (1509), 189 (1514), 201v (vers 1515), 193v (vers 1515).

210 LERH III, 626.211 LERH III, 618 623-626.212 Karácsonyi I, 252; J. Házi, Sopron középkori, 174.213 En faveur du couvent de Pápa en 1480 (une maison) puis 1501 (une vigne). Zs. Me-

zei, A pápai ferencesek, 218-219.214 On ne peut citer ici tous les textes qui le montrent. Voir Karácsonyi II, passim.

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QUELLE OBSERVANCE? 99

se traduisit-il, comme souvent en Occident, par la mise en vente immédiate des biens immeubles que tenaient les frères? La bulle de 1451 donnant satisfaction au voïvode de Transylvanie et aux habitants d’Újlak indique que les possessiones et immobilia bona qui appartenaient au couvent avant son transfert seraient cédés à l’hôpital Toussaints-et-Saint-Nicolas récemment construit dans la ville215. Sept décennies plus tard, lors de la fusion observante découlant de la bulle Ite vos, les frères conventuels de Verőce (Virovitica, en Croatie) devront, comme les autres, mettre en vente leur impressionnant patrimoine foncier216. Les couvents passés entre-temps à l’observance avaient probablement dû en faire autant, bien que les lacunes documentaires ne permettent pas d’en établir partout la preuve. Reste la question des objets liturgiques précieux. Les observants hongrois en possédaient suffisamment en 1502 pour que le commissaire cismontain s’en émeuve217.

Entre ceux des réformateurs qui faisaient de la pauvreté absolue leur cheval de bataille, au risque d’apparaître comme les héritiers des Spirituels, et la tendance modérée de la réforme franciscaine, incarnée tout récemment par Bernardin de Sienne puis Jean de Capestran – qui subordonnait la pauvreté à l’humilité et pour-suivit sans relâche les Fratricelles218 – les frères hongrois semblent donc avoir opté pour le second courant.

Cette relative pondération a vraisemblablement un lien avec les origines bos-niaques de l’observance hongroise: souvenons-nous des libertés qu’avaient prises dans ce domaine les frères de la vicaire de Bosnie depuis le début du XVe siècle, au grand dam de Jacques de la Marche… et de certains frères hongrois. Après que ceux-ci s’en furent détachés, le discours de Jean de Capestran et son exemple de dénue ment absolu les encouragèrent probablement à rester dans cette voie médiane.

A la fin du XVe siècle, au moment où ils se dotaient du cadre normatif qu’ils conserveront un siècle durant, les observants hongrois ne menaient plus l’exis-tence aventureuse qui caractérisait leurs prédécesseurs bosniaques de l’époque angevine. Une fois leurs couvents stabilisés, la pastorale ayant remplacé le travail missionnaire, ils restèrent fidèles à leur passé héroïque dans le principe, sans pour autant reprendre à leur compte le discours radical des Spirituels. Ils gardaient de l’esprit observant un incontestable sentiment de supériorité par rapport aux “dé-formés”. Pour ne pas être confondus avec eux, ils uniformisèrent strictement l’ha-

215 CsML, bullaire de Szeged, 92.216 Karácsonyi I, 295.217 Karácsonyi I, 362-363. Nous reviendrons sur cette question dans le chapitre 5.218 J. Moorman, A History of the Franciscan, 468.

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CHAPITRE 2100

bit et appliquèrent avec rigueur le dogme franciscain de la pauvreté évangélique. Mais ceci dans un cadre cénobitique – et non érémitique – qui excluait les initiati-ves extrêmes et les expériences isolées, et comptait davantage sur les confessions publiques pour élever le niveau spirituel des religieux que sur les conversions spectaculaires.

Les frères de Hongrie renouaient ainsi avec les débuts du mouvement fran-ciscain. Paradoxalement, à rebours des observances italiennes ou françaises dont ils s’étaient institutionnellement détachés, ils se rapprochaient aussi des conven-tuels; surtout depuis que ceux-ci avaient entamé leur propre réforme, au milieu du XVe siècle. Ce constat soulève une question fondamentale: celle de leur raison d’être au sein du paysage ecclesiastique hongrois de la fin du Moyen Âge.

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Chapitre 3

LES CLEFS DU SUCCÈS OBSERVANT

La réussite spectaculaire de l’observance franciscaine en Hongrie dans la seconde moitié du XVe siècle a fait l’objet d’inter prétations divergentes. Pour les uns, elle résulte d’un élan spontané répondant aux besoins religieux du pays: la décadence de la branche traditionnelle de l’ordre, la persistance de foyers déviants que seuls les franciscains observants, par leur courage et leur abnégation, étaient à même d’extirper définitivement, ainsi que la nécessité de ressusciter l’idéal décli-nant de la croisade, dans un pays directement menacé par l’expansion ottomane. Conscients de leur utilité, le roi de Hongrie et l’élite sociale du royaume magyar auraient appuyé sans réserve leur expansion1. D’autres historiens, moins nom-breux, soulignent au contraire le caractère importé de la réforme, qu’ils situent dans la stratégie générale de la branche observante de l’ordre d’une part, voire, en amont, dans les plans d’une papauté très préoccupée par l’avenir de ce rem-part de la Chrétienté qu’était la Hongrie et hantée par l’idée d’uniformisation religieuse. Ses agents, servis par un indiscutable charisme personnel (chez Jean de Capestran), auraient habillé leurs intentions du masque de la réforme monastique, en noircissant à dessein le mode de vie des conventuels. Le souverain et les aris-tocrates magyars nouèrent rapidement avec eux une alliance d’intérêts, pour des raisons purement profanes2.

Nous nous efforcerons dans ce chapitre de faire la part des choses. Au préa-lable, il convient d’évacuer une idée fausse: celle qui considère que le courant

1 Cette tendance domine l’historiographie édifiante, des ouvrages anciens jusqu’aux pu-blications plus récentes (E. Hermann, A katolikus egyház et J. Török, Szerzetes-…) ainsi que nombre d’exposés synthétiques rédigés en langues occidentales (notamment ceux de Jerzy Kłoczowski). Voir Bibliographie.

2 Après János Karácsonyi, qui accordait peu de crédit aux critiques des observants hon-grois à l’égard des conventuels, les recherches d’Erik Fügedi et, tout récemment, celles de György Galamb confortent ce point de vue. Voir Bibliographie.

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CHAPITRE 3102

observant vint combler les attentes spirituelles de la population. Cet argument ne saurait être invoqué pour la Hongrie. En effet, dans la seconde moitié du XVe siècle, les habitants du bassin carpatique vivaient encore dans une gran de séré-nité religieuse, qu’expriment à merveille peintres et sculpteurs de l’épo que3. Dans un contexte de stabilité intérieure et de rayonnement international, sous le règne brillant de Mathias Corvin, ils en restaient à une foi inscrite dans les œuvres et exempte des angoisses eschatologiques qui commençaient à traverser l’Occident. S’ils s’insurgeaient parfois contre l’emprise matérielle des prél ats, ce n’était pas au nom de la pauvreté évangélique; ils ne leur en voulaient pas davantage qu’à leur seigneur laïc. Ils faisaient aux clercs, séculiers et réguliers, une confiance à peu près totale dans l’économie du salut et leur pardonnaient facilement leurs écarts en matière de conduite personnelle. Même dans les villes les plus actives sur le plan intellectuel, on peine à trouver des traces de “dévotion moderne” avant le siècle suivant. Les citadins ne voyaient guère l’utilité de se livrer à des expériences extrê-mes, mystiques ou érémitiques, ou encore d’imaginer de nouveaux schémas de vie régulière. Les candidats au dénuement volontaire se satisfaisaient du mode de vie des quatre ordres mendiants présents sur le sol hongrois, tandis que les âmes en quête de solitude entraient chez les ermites de saint Paul4. Le silence des fidèles au moment des transferts est très significatif à cet égard. C’est seulement à partir du tournant du siècle qu’on les vit dénoncer les agissements des conventuels et réclamer l’installation des observants5. Seules trois ou quatre fondations obser-vantes résultent de l’initiative populaire, presque toujours relayée par le seigneur local ou le roi: les couvents de Szakolca (à partir de 1467), de Szeged (vers 1480) et plus tard de Brassó (en 1492)6. Partout ailleurs, les dons des laïcs continuaient d’affluer vers les établissements conventuels, qu’ils défendaient à l’occasion con-tre les curés de paroisse7.

I. La décadence des conventuels: prétexte ou réalité?

Le motif invoqué par les dirigeants de l’observance hongroise et leurs pro-tecteurs avant de procéder au transfert d’un (ou de plusieurs) couvent(s) est tou-

3 Magyarországi művészet, dir. E. Marosi, passim. 4 M.-M. de Cevins, L’Église dans les villes hongroises, 215-241; L. Pásztor, A magyarság vallásos,

passim.5 Comme à Brassó en 1492. Karácsonyi II, 19.6 Karácsonyi II, 154-156, 160-166.7 M.-M. de Cevins, L’Église dans les villes hongroises, 226-227 et Clercs de paroisse.

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LES CLEFS DU SUCCÈS OBSERVANT 103

jours le même: ils dénoncent unanimement la déchéance des conventuels. Dans des termes aussi extrêmes et méprisants que ceux des réformateurs français ou allemands8, ils les accusent de difformitas. Le mot apparaît dès février 1444 sous la plume du légat Julien Cesarini, à propos des frères des couvents de Buda et de Pest dont il décide sur le champ l’attribution aux observants9. Par leurs man-quements répétés à la règle, les conventuels menaient une existence “déformée” (deformata), caractérisée par le laxisme et la dissolution des mœurs (vita dissoluta), par des écarts (excessus) faisant scandale (scandalum) et entachant la réputation de l’ordre tout entier10.

Or les dernières recherches menées en France notamment ont permis d’éta-blir que les excès imputés aux conventuels par leurs détracteurs réformés, col-portés ensuite de génération en génération par les historiens de l’ordre, n’étaient souvent au départ que purs produits de l’imagination. Accusés de violer le vœu de pauvreté, les franciscains bretons s’en tenaient en définitive à la législation en vi-gueur en matière de propriété, depuis que la bulle Dum fructus uberes de 1472 auto-risait prêcheurs et mineurs à posséder biens immeubles et rentes perpétuelles11. Les frères d’Avignon, vertement incriminés eux aussi, menaient pour la plupart une vie tout à fait convenable, selon les témoignages extérieurs à l’ordre12. Qu’en était-il en Hongrie?

Les torts imputés aux conventuels

Très souvent, les promoteurs de la réforme observante se contentent de déclarations très vagues pour justifier leur requête de transfert ou leur décision finale. Ils déplorent la vie désordonnée des frères, en reprenant à leur compte les topoi habituels et en usant du vocabulaire convenu, sans davantage de précision13. Voilà qui fait déjà peser de sérieux doutes sur la véracité de leurs allégations. En outre, les auteurs de ces réquisitoires ont rarement été les témoins oculaires des faits dont ils tirent argument, qu’il s’agisse du pape bien sûr, des légats (qui n’ef-

8 J.-M. Le Gall, Les moines, 112-113; F. Doelle, Die Observanzbewegung, 31-32.9 Karácsonyi I, 326 (d’après le bullaire de Gyöngyös). Source: MFL, inv. 1930, 6, n°36;

CsML, bullaire de Szeged, fol. 74-75.10 Voir les exemples précis mentionnés dans la suite de ce paragraphe.11 H. Martin, Les ordres mendiants en Bretagne, 236-237; B. Chevalier, Olivier Maillard, 37.12 M. Venard, Réforme protestante, 187.13 Rappelons que l’on ne dispose pas à propos des franciscains hongrois de rapports d’en-

quête détaillés comparables à celui établi à Körmend en 1518 pour décider du sort des ermites de saint Augustin. Voir Introduction.

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fectuaient pas toujours personnellement le déplacement), ou encore du roi de Hongrie et des barons, qui résidaient loin des couvents impliqués. On ne saurait donc prêter foi sans réserve à leurs affirmations.

Si l’on s’en tient à celles, peu nombreuses, qui font état de manquements pré-cis à la règle, et aux témoignages directs ou corroborés par plusieurs personnes ou groupes d’individus, les frères mineurs se seraient principalement rendus coupables de deux travers: l’oubli de l’exigence franciscaine de pauvreté d’une part, et l’aban-don partiel ou total de leurs obligations en matière d’officium divinum, d’autre part. Ils étaient d’ailleurs souvent associés. Dès 1422, le rapport du légat envoyé par Martin V en Hongrie constatait la possession par les frères du couvent franciscain de Debrecen d’objets liturgiques d’une grande valeur marchande. Malgré les rappels à l’ordre, ils ne s’en étaient toujours pas défaits en 1448, date à laquelle le régent Jean de Hunyad s’indignait auprès du pape de ce que les membres de cet établissement détenaient des vêtements liturgiques extrêmement coûteux, de la vaisselle d’or et d’argent ornée de pierres précieuses et de perles, fruit de la libéralité des rois et des nobles de Hongrie14. Il y avait plus grave. Arrivé sur place deux ans plus tôt, le légat Julien Cesarini se dit scandalisé en 1444 par le fait que les religieux des couvents de Buda et de Pest prétendaient posséder des biens à titre personnel; et ils vivaient dans le luxe, en négligeant leurs obligations liturgiques au grand dam des fidèles15. En 1448, le baron Ladislas de Pálóc, seigneur de Sárospatak, et deux nobles de son entourage portaient à la connaissance du légat Carvajal les événements suivants: les frères du couvent de Sárospatak auraient dilapidé les objets de culte offerts à l’éta-blissement par ses bienfaiteurs et délaissé une large part des célébrations commu-nes. En outre, les deux frères qui l’habitaient encore violaient l’obligation de clôture par leurs déplacements injustifiés hors du couvent16. En 1451 enfin, le voïvode de Transylvanie Nicolas d’Újlak décrivait au pape Nicolas V les maux dont souffrait le couvent franciscain de la ville d’Újlak. Une fois de plus, les deux principaux chefs d’accusation portent sur le détournement des objets de culte en métal précieux, que ses ancêtres avaient donnés à l’établissement, et sur l’oubli par les frères de leurs

14 Gy. Módy, Ferencesek és domonkosok, 23; Karácsonyi I, 156.15 …quod certi fratres conventuales dicti ordinis in eisdem tum degentes, contra eorum professionem et

beati Francisci regulam, sancta paupertatis disciplinam deserentes, sibi propria bona vendicare, ac mundanis vacare luxuriis non formidabant, (...) horas canonicas ac alia divina obsequia in diminutionem divini cultus et ipsius ordinis scandalum, praesertim horas debitas celebrare negligenter, ac alia multa re pro sensibilia perpe-trantes christianum populum scandalizabant. CsML, bullaire de Szeged, fol. 74-75; MFL, inv. 1930, 6, n° 36. Voir aussi Karácsonyi I, 326.

16 Karácsonyi I, 59, d’après un document des archives franciscaines de Gyöngyös aujour-d’hui perdu.

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devoirs cléricaux17. Ces agissements hautement préjudiciables à la réputation de l’ordre18 étaient devenus insupportables et aux habitants, et à leur seigneur19.

Les investigations menées pour répondre à ces plaintes donnèrent parfois raison aux observants. Après avoir entendu les dépositions des témoins, des plai-gnants et des défenseurs, l’archevêque d’Esztergom estima avoir obtenu la preuve de la culpabilité des franciscains d’Újlak20; suite à quoi il ordonna la réforme du cou-vent. Peu auparavant, l’enquête qu’il avait lancée à Esztergom en 1448 avait établi les torts des frères mineurs de la ville21. Prudence cependant: l’arche vê que Denis de Szécs était un partisan déclaré de l’observance. D’autres rapports d’enquête confir-ment-ils de manière générale les reproches faits aux conventuels? Il y a bien celui établi à la demande du pape par l’abbé de Tereske et le prévôt de Bozók au couvent de Szécsény en 1466; mais, loin d’établir la culpabilité des frères, il constatait seulement que l’établissement était désert. C’est la force armée du seigneur local qui aboutit en dernier ressort au transfert du couvent à l’observance, et non les dérives des religieux qui l’habi taient22.

Pour y voir plus clair, revenons un instant sur les griefs faits aux conventuels. Si dans certains cas au moins, les accusations portant sur eux étaient fondées, leur attitude en matière de pauvreté n’avait rien de choquant dans le contexte de l’époque. Les objets précieux dont le légat et le régent hunyade leur reprochaient la possession ne leur appartenaient pas en propre: ils demeuraient au plan juridi-que la propriété des généreux donateurs qui les leur avaient confiés pour le salut de leur âme. Leur utilisation entrait donc parfaitement dans le cadre de l’usus pau-

17 MFL, inv. 1930, 7, n° 48 et 49; CsML, bullaire de Szeged, fol. 91-92. On trouve un ex-trait de la bulle du 2 mai 1451, intitulée Clausula super claustrum de Wylak. 1451 quod nostri fratres intraverunt, dans le premier formulaire, fol. 172-172v. Voir aussi Karácsonyi I, 60 (d’après le bullaire de Gyöngyös).

18 Nichilominus a pluribus temporibus citra et maxime de presenti ipsius ordinis professores in illa degentes, suavi jugo Domini et regulari observantia, sub quibus Altissimo famulari deberent, penitus post erg[o d]atis. Adeo ducunt per omnia vitam dissolutam, quod loci prefati et illarum partium populi devotio propterea erga fratres predictos extincta et deperdita non ambigitur,… 1er form., fol. 172.

19 … ob ea que in dies temere ïdem fratres committunt scandala et excessus, majestatem Altissimi offendentes, in scandalum fidelium plurimorum, wayvoda, incole et habitatores loci et partium earundem dic-tos fratres veluti reprobos in prefata domo amplius moram facere pati aut tollerare non possunt. 1er form., fol. 172.

20 …excessus, scandala, vit[a]e dissolutio ac reproba facta ipsorum, quorum evidenter non clamore indi-gnem videbatur accusatoris (...) probata esse. MFL, inv. 1930, p. 8, n° 49; CsML, bullaire de Szeged, fol. 93.

21 Karácsonyi I, 331-332.22 Voir chapitre premier.

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per. D’ailleurs, les observants en acceptaient aussi23. Ladislas de Pálóc et Nicolas d’Újlak parlent de dilapidation et de gaspillage, non de violation de la pauvreté évangélique. En définitive, ils reprochaient seulement aux frères d’avoir “oublié” que ces objets ne leur appartenaient pas. En les vendant ou en les gageant à leur profit, c’est à eux qu’ils avaient porté atteinte, plutôt qu’à l’ordre. Il reste que le confort matériel dans lequel vivaient les “déformés”, en particulier la possession de biens individuels, constituaient de réelles dérives et souffraient plus difficilement la comparaison avec les observants. L’accusation de négligence dans l’office divin est encore plus grave, puisqu’elle touche à la nature même de l’état de clerc et à la fonc-tion essentielle des établissements réguliers. Au-delà de l’amollissement provoqué par le goût du bien-être, elle peut révéler une profonde crise au sein de l’ordre des Mineurs, plusieurs de ses membres doutant à l’évidence de leur vocation.

Gardons-nous cependant de généraliser à tous les couvents franciscains hongrois le mal qui touchait une poignée d’entre eux. Un seul des quatre établis-sements dont le légat Carvajal avait demandé la réforme en 1448, celui d’Eszter-gom, dut réellement s’amender, après enquête. Sur les neuf maisons transférées aux observants dans la seconde moitié du XVe siècle, trois au moins ne semblent pas avoir fait l’objet de critiques suffisamment fondées pour justifier un change-ment d’obédience (Gyöngyös, Jászberény et Marosvásárhely). Du moins la docu-mentation disponible n’en garde-t-elle aucune trace. A Jászberény au contraire, les habitants avaient d’abord songé à peupler le nouveau couvent de frères conven-tuels en 1472; c’est l’obstination de Mathias Corvin, et non les excès des religieux, qui aboutit finalement à l’affiliation de l’établisse ment à la province observante de Hongrie vers 148024.

Dans l’ensemble, les données relatives à la vie des franciscains hongrois au milieu du XVe siècle ne confirment aucunement l’impression de décadence qui ressort des diatribes des observants. Plus de deux siècles après la fondation des premiers couvents de Hongrie dans les années 1220, les fils de saint François conservaient leur prestige (en particulier auprès des nobles et de la cour royale) et leurs positions au sein du paysage monastique magyar. Loin de démériter, ils continuaient tout récemment encore de s’illustrer sur les fronts missionnaires bal-kaniques, avant que les frères du vicariat de Bosnie ne les supplantent peu à peu sur ce terrain.

Il est vrai qu’ils incarnaient la tendance tempérée de l’ordre, celle qui opéra rapidement des aménagements en matière de pauvreté – non par esprit de lucre mais tout simplement pour ne plus avoir à se soucier de la question lancinante

23 Voir chapitre 5.24 Karácsonyi I, 68-69.

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de la subsistance des frères. Dès le dernier tiers du XIIIe siècle, certains couvents de Hongrie possédaient des biens fonciers – manses paysans, vignes, prés, moulins –, des revenus fixes – péages, loyers de maisons ou d’étals –, généralement reçus par donation et de plus en plus souvent associés à des chapellenies (altaria)25. Ils les dé-tenaient toujours au cœur du XVe siècle (comme on l’a constaté à Újlak)26. Personne, avant le séisme observant, ne s’en était jamais offusqué, en dehors des adeptes du hussitisme. Les frères de Hongrie ne faisaient somme toute que se conformer à la législation pontificale, qui avait multiplié les dispenses sur ce chapitre depuis près de deux siècles. C’est ce que le provincial Fabien d’Igal rappela aux conseillers mu-nicipaux de Sopron, qui avaient écouté d’une oreille attentive les accusations des observants sur ce sujet et… espéraient peut-être faire main basse sur les biens du couvent de la ville27. Le principal tort des frères mineurs était de défendre avec ténacité leurs intérêts matériels contre ceux des laïcs qui les convoitaient28, de la même manière qu’ils résistaient farouchement aux prétentions des curés de paroisse à propos des droits liés à la cure d’âmes29. A terme, les effets d’une telle attitude pouvaient s’avérer désastreux pour l’image de l’ordre, ainsi qu’on a pu le mesurer en Allemagne30.

Plus gênants encore étaient les manquements à la pauvreté individuelle, que tous les statuts des ordres mendiants excluaient formellement. Les frères portaient ou cachaient sur eux des sommes d’argent, semble-t-on pouvoir lire en creux dans les statuts réformés de 1454. Si la possession de biens privés était manifestement l’exception, un certain appétit de confort apparut dans les couvents: chevaux et voitures pour les déplacements, vêtements agrémentés de franges, boutons, dou-blure fourrée, chaussures hautes et fermées, literie et alimentation de qualité, etc31. On manque d’indices sur le respect par les frères mineurs hongrois de la conti-nence sexuelle. Fabien d’Igal leur interdit en 1454 de recevoir des femmes dans le couvent et de s’entretenir en privé avec elles, même pour les confesser, ainsi qu’avec de jeunes frères. L’admission d’enfants (pueri) – sans doute les enfants de chœur – au dormitorium fut désormais prohibée, de même que celle de novices dans

25 Karácsonyi I, passim. Voir bientôt M.-M. de Cevins, Les frères mendiants et l’économie en Hongrie médiévale (en préparation).

26 CsML, bullaire de Szeged, 91; Karácsonyi I, 60. Voir aussi chapitre précédent.27 Karácsonyi I, 252; J. Házi, Sopron középkori, 174.28 On en a la preuve documentaire pour les frères des couvents d’Esztergom, Nyitra (Ni-

tra, en Slovaquie), Presbourg et Zagreb. Karácsonyi I, 166 216 298 232-233. M.-M. de Cevins, Les frères mendiants et l’économie.

29 M.-M. de Cevins, Clercs de paroisse; Ead., A világi papság.30 P. Nyhus, The Franciscan Observant, 207-209; Id.,The Franciscans in South Germany, 10-11.31 Karácsonyi I, 63-64.

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CHAPITRE 3108

les cellules32. Liaisons avec des femmes, pratiques homosexuelles, pédophilie… Faut-il conclure que les franciscains avaient des mœurs débridées? Sur ce point comme sur tous les autres, il serait excessif de voir dans les constitutions de 1454 le reflet inverse de la situation qui caractérisait les couvents hongrois à la veille de la rédaction du texte. Les détails pratiques des mesures prises tendent néanmoins à prouver que des abus avaient effectivement été constatés. Un relâchement incon-testable donc, comme le suggère János Karácsonyi (qui parle d’ellanyhulás33), mais certainement pas de décadence généralisée.

De fait, l’ordre de saint François connaissait depuis trois ou quatre décennies un net essoufflement dans le royaume magyar. Signe on ne peut plus révélateur: les couvents se vidaient inexorablement de leurs occupants. Celui de Sárospatak n’était pas le seul à ne plus compter que deux frères au milieu du siècle. En 1466, si l’on en croit les déclarations du seigneur du lieu, le locus de Szécsény était totalement désert34. Plusieurs frères avaient franchi le pas décisif dès la fin du siècle précédent en obtenant de pouvoir résider à demeure auprès de puissants laïcs ou ecclésiasti-ques, en tant que confesseur ou chapelain particulier. Beaucoup quitteront l’ordre après la réforme de 1454 – preuve de ce qu’ils préféraient le service de leur maître aux contraintes de la vie régulière35. Hésitants, les dirigeants de la province de Hongrie se réfugiaient dans une attitude attentiste; mal suivis par leur confrères, ils passaient rapidement la main. La tête de la province connut longtemps, jusqu’à l’élection de Fabien d’Igal en 1452, une grande instabilité; surtout dans les années 1440, où les ministres obtenaient rarement leur réélection36. Aucun chapitre pro-vincial ne semble s’être tenu de 1440 à 1450, selon les sources37. A la léthargie du franciscanisme hongrois s’ajoutait la vacance du pouvoir collégial.

La réforme de 1454

Les exemples invoqués plus haut montrent que c’est principalement entre les années 1420 et le début des années 1450 que les frères mineurs furent accusés de mener une existence indigne de leur état38. Cette période marquerait-elle le pic de

32 Statuts conventuels de 1454, p. 97-98.33 Karácsonyi I, 57.34 Karácsonyi I, 66.35 Karácsonyi I, 55 65.36 Karácsonyi I, 60-61.37 Karácsonyi I, 61.38 Le cas du couvent de Szécsény (en 1466) ne constitue pas vraiment une exception,

puisqu’on lui reprochait seulement d’être devenu une coquille vide.

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la crise franciscaine en Hongrie? Notons qu’elle correspond au moment où l’ob-servance partie de Bosnie, longtemps cantonnée aux marges du royaume, com-mençait à s’ancrer solidement au cœur du bassin carpatique. C’est alors que l’on se mit à établir des comparaisons entre les deux familles franciscaines, comparaisons a fortiori défavorables aux conventuels. Sans le réveil observant, gageons que ces derniers n’auraient guère été inquiétés pendant de longues décennies encore. Mais les critiques à leur égard s’apaisèrent à partir de la fin des années 1450. Pourquoi? Parce qu’ils avaient entamé eux aussi leur réforme, à l’initiative du ministre pro-vincial Fabien d’Igal, et avec succès.

Replaçons les faits dans leur contexte. La seconde moitié du XVe siècle vit le nouveau départ des réformes monastiques en Hongrie. Après un premier cri d’alarme lancé au siècle précédent chez les bénédictins et les cisterciens, elle com-mença à porter ses fruits à la fin du XVe siècle, grâce à l’action déterminée de certains abbés eux-mêmes et à l’appui du roi Mathias puis des Jagellon. Certes, elle s’effectuait sur un mode mineur: pas question, comme le proposaient alors d’audacieux réformateurs polonais39, de mettre en vente les biens monastiques. Les dominicains, accusés de laxisme dès le début du XIVe siècle par la direction de l’ordre, durent eux aussi s’amender. Ainsi que s’en inquiétait Sigismond de Luxembourg auprès du pape en 1433, ils tardaient à appliquer les mesures prises par Raymond de Capoue et Léonard Dati pour mieux faire connaître et respecter la règle par les profès40. L’arrivée du réformateur bâlois Jacques Riecher, nommé vicaire de Transylvanie par Eugène IV de 1444 à 1447 marqua le début de la ré-forme des prêcheurs, laquelle s’appliqua d’abord aux couvents de Transylvanie récemment endommagés par les Turcs. Il fut remplacé dans les années 1450 par le viennois Léonard de Brixenthal (Huntpichler), invité par le régent Hunyad 41. L’impulsion donnée par les deux hommes aboutit à la réforme, un à un, de nombreux couvents dominicains hongrois dans la seconde moitié du siècle. Les terribles révélations de l’enquête menée à Eperjes en 1437 obligèrent les carmes à suivre le mouvement42. Il faut dire que, surtout dans les villes, les habitants n’hésitaient plus à dénoncer les frères auprès des prélats lorsqu’ils jugeaient leur

39 J. Kłoczowski, La question des relations entre l’État et l’Église au XVe siècle polonais, dans His-toire des idées politiques, dir. Ch. Delsol – M. Masłowski, 67.

40 A. Hársányi, A domonkosrend, 34-35.41 A. Hársányi, A domonkosrend, 33-61.42 Présentation rapide de ces réformes dans: J. Török, Szerzetes-…, 135-142 (chapitre 10:

Virágjukban megfagyott reformok).

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comportement répréhensible43. Les ermites de saint Augustin le constatèrent éga-lement à leurs dépens44.

C’est dans ces circonstances que le ministre Fabien d’Igal décida de réformer les frères mineurs hongrois. Quelle qu’ait été la sincérité de son engagement, il su-bissait de toute évidence de fortes pressions. En effet, il ne s’agissait pas seulement d’empêcher le réseau des couvents existants de se réduire comme peau de chagrin faute de vocations et de redorer l’image de l’ordre malmenée par les critiques des observants; encore moins de répondre aux injonctions d’une hiérarchie franciscaine somme toute très discrète, accaparée qu’elle était à l’échelon central par les attaques observantes. Le provincial de Hongrie devait agir avant que les maisons de sa circonscription ne soient absorbées une à une par les observants, qui avaient alors le vent en poupe. Les transferts des années 1440 suffisaient à prouver leur déter-mination et la solidité des appuis dont ils disposaient au Saint-Siège et à la cour royale. En bref, il fallait redresser la barre, et vite.

Fabien d’Igal commença par s’assurer du soutien de la hiérarchie franciscaine. Pas question en effet de laisser croire qu’il faisait sécession, au moment où la di-rection conventuelle déplorait des pertes toujours plus sévères dans ses rangs. La réforme se ferait dans l’obéissance. Peu après son élection à la tête de la province hongroise, il sollicita du ministre général Ange Serpetri de Pérouse la charge de commissaire général pour la Hongrie, cum plenitudine potestatis45. C’est en tant que tel qu’il put engager la réforme. Il commença probablement par inspecter un à un les couvents de la province, pour prendre connaissance des problèmes concrets qui les affectaient. Après quoi il élabora de nouvelles constitutions, qu’il soumit au chapitre provincial réuni à son appel en 1454, à Eger.

Les vingt chapitres des Constitutions de 1454 se concentrent à la fois sur les piliers du franciscanisme et sur les domaines dans lesquels les frères avaient mon-tré récemment des faiblesses. La réforme conventuelle s’effectua tout d’abord au nom du retour à la règle. Le ministre reconnaissait en préambule qu’elle avait pu être oubliée; c’est pour remettre les frères sur le droit chemin qu’il édictait ces sta-tuts46. Cette déclaration ôtait d’emblée leurs arguments à ceux qui décrivaient les conventuels comme des “déformés”. A quelle règle pensait-on? À celle de 1223,

43 M.-M. de Cevins, L’Église dans les villes hongroises, 221.44 A Bártfa en 1493 (F. Fallenbüchl, Az ágostonrendiek, 34), puis à Körmend au début des

années 1510 (Erdélyi).45 Karácsonyi I, 61. Source: statuts conventuels de 1454, 91.46 Cum ex injuncto mei regiminis officio compellor circumspicere animo vigilanti statum et modum vite

regularis dicte provincie non sine mentis turbatione consideravi aliqua, a via salutis et justitie declinata, ad viam rectitudinis et status regularis revocare. Statuts conventuels de 1454, 91.

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principale source des nouveaux statuts, complétée par les constitutions générales qui régissaient l’ordre depuis le ministérialat de Guillaume Farinier (1348-1357), en particulier depuis les constitutions approuvées en chapitre à Assise en 135447. La règle ne doit plus être ignorée des frères, insiste Fabien d’Igal dans le chapitre six: tous les vendredis et tous les samedis, le lector ou l’un des frères lira à voix haute la règle de saint François et les textes pontificaux ou généraux qui la commentent48. Pour marquer leur appartenance à l’ordre, les frères devront porter, de jour comme de nuit, l’habit prescrit, taillé conformément aux règles en vigueur et dépourvu des fantaisies dont certains l’avaient affublé; les contrevenants seront condamnés à arborer un insigne humiliant (caparo) pendant deux mois49. Le port d’armes, taxé d’infamie (deformitas) pour tout clerc, qu’il soit régulier ou séculier, était totalement prohibé50. Les statuts réformés soulignent aussi la nécessité de respecter la voca-tion première des religieux: ils s’ouvrent par un long chapitre exigeant une grande ponctualité dans la récitation des heures. Prenant en compte les difficultés prati-ques liées au tarissement du recrutement, ils enjoignent aux frères de les célébrer même lorsque l’effectif était réduit, en les lisant simplement au lieu de les chan-ter51. Jeûnes canoniques et interdits alimentaires devront être scrupuleusement respectés, précisent les chapitres trois et quatre52.

Afin d’aider les frères à progresser dans la voie du salut, un confesseur nom-mé par le custode ou le gardien écoutait leurs fautes une fois par semaine; en outre, chaque vendredi, les frères devaient avouer leurs torts devant tous les membres du couvent, constitués selon l’usage en capitulum culparum53. Il fallait aussi restreindre les tentations. D’où l’importance du retour à la clôture. Les frères ne pourraient sortir du couvent sans être accompagnés et sans l’auto risation préalable de leur su-périeur54. Impossible désormais d’avoir commerce avec des femmes sous prétexte de les confesser: elles ne pourraient l’être qu’en public, dans la nef de l’église. De même, on l’a dit, l’admission de laïcs et d’en fants au dortoir ou de novices dans les cellules était maintenant proscrite55. Pour matérialiser visuellement la séparation d’avec le “monde”, chaque gardien devrait veiller à disposer des cloisons (clausurae) dans l’établissement, dans une limite de trois mois; passé ce délai, il se verrait confis-

47 Statuts conventuels de 1454, 90.48 Statuts conventuels de 1454, 95-96; Karácsonyi I, 62.49 Statuts conventuels de 1454, 95-96; Karácsonyi I, 64.50 Statuts conventuels de 1454, 102.51 Statuts conventuels de 1454, 92-93; Karácsonyi I, 62.52 Statuts conventuels de 1454, 93-95; Karácsonyi I, 62.53 Statuts conventuels de 1454, 100; Karácsonyi I, 61-62.54 Statuts conventuels de 1454, 95; Karácsonyi I, 62.55 Statuts conventuels de 1454, 97.

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quer par le custode son habit et éventuellement ses livres, lesquels seraient mis en vente pour effectuer les travaux nécessaires56. De manière générale, les gardiens étaient invités à ne plus céder à l’avarice, en refusant par exemple des novices pour ne pas avoir à leur fournir d’ha bit57. Un pro curator laïc se chargerait dorénavant dans chaque couvent de rassembler le produit des quêtes et de les mettre à la disposition du gardien ou du custode58. Aucun religieux n’était autorisé à posséder in proprio de l’argent ou des biens ma té riels, même pour une courte durée, sauf autorisation spéciale des discreti du cou vent, ceci en les déposant dans un endroit approprié (et non pas dans sa cellule)59.

Au total, la réforme de 1454 témoigne moins des manquements à la règle survenus dans les années précédentes, que d’une élévation des exigences fran-ciscaines. Plus question de fermer les yeux sur les compromissions antérieures, parfois vieilles de plus d’un siècle. Il fallait revenir à l’esprit des origines et aux tex-tes faisant autorité. De ce point de vue, Fabien d’Igal, comme d’autres réforma-teurs monastiques de la fin du Moyen Âge, fut immanquablement influencé par l’exemple observant. Certes, il se garde bien d’aborder les questions qui divisaient toujours l’ordre. Un demi-siècle avant les Constitutions Alexandrines (confirmées par le pape en 1501)60, il ne renonce en aucune manière à la propriété in communi. La règle de 1223, comme les statuts dominicains de 1220, formulait pourtant l’in-terdiction absolue pour frères mineurs de posséder quoi que ce soit, en propre ou en commun. Fabien d’Igal ne s’étonne pas du fait que les couvents franciscains de la province hongroise jouissaient de biens immeubles ou de revenus réguliers; il confie seulement aux procuratores leur gestion pour éviter aux religieux de tractare pecuniam manibus suis61. Sa vision de la pauvreté demeure donc conservatrice. En-fin, dans l’ensemble, les statuts de 1454, même après les ajouts effectués en 1508 sur proposition du ministre Luc de Segösd62, sont nettement moins détaillés que les constitutions observantes de 1499. Ils ouvraient ainsi la porte à des accomo-dements individuels.

S’il ne s’inspirait pas directement dans son contenu de la législation obser-vante, le nouveau code franciscain exprimait malgré tout à sa façon la volonté de revenir à l’obéissance stricte de la règle. Il ne resta pas lettre morte. Fabien d’Igal

56 Statuts conventuels de 1454, 98; Karácsonyi I, 63.57 Statuts conventuels de 1454, 99.58 Statuts conventuels de 1454, 98.59 Statuts conventuels de 1454, 98-99; Karácsonyi I, 63.60 H. Holzapfel, Manuale Historiae, 126-127.61 Statuts conventuels de 1454, 98.62 Voir chapitre 7.

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veilla lui-même au grain: réélu jusqu’en 1474, il put suivre pendant deux décennies la mise en œuvre de sa réforme63. Ne faisons pas pour autant de celle-ci l’œuvre d’un seul homme: les constitutions furent adoptées de consensu totius capituli. Et si Fabien d’Igal put demeurer ministre pendant vingt-deux ans, c’est parce que les frères mineurs de Hongrie le voulaient bien. La prise de conscience de la néces-sité d’une réforme dépasse donc la (forte) personnalité de Fabien d’Igal. Dans le dernier paragraphe des constitutions, celui-ci demandait à chaque custode d’en recopier les articles, puis de les reproduire en autant d’exemplaires qu’il y avait de couvents dans sa custodie. Ils devraient être lus une fois par quinzaine dans chaque couvent64. Ces dispositions semblent avoir été effectivement appliquées: on a retrouvé une transcription au couvent de Presbourg65. La pérennité de la ré-forme tient également aux perfectionnements qu’elle avait introduits ou restaurés en matière institutionnelle, pour améliorer le contrôle des frères. Les confesseurs et prédicateurs devaient tous avoir été désignés et examinés au préalable par le ministre (provincial ou général); seul le provincial pouvait absoudre les fautes les plus graves, celles qui menaçaient la paix dans les couvents66. Des peines d’em-prisonnement étaient prévues. Pour assurer leur mise en œuvre, le texte de 1454 obligeait les custodes à s’assurer de ce qu’il y aurait, avant neuf mois, deux prisons munies de fers (duos carceres fortes cum compedibus) dans leur circonscription67.

Ce bel exemple de réforme dans l’unité – unique en Europe centrale68 – faisait que les conventuels hongrois apparaissaient désormais eux aussi comme des réfor-més. Le nom que prit leur province après 1454 le disait assez: Provincia Hungariae Conventualium Reformatorum69. Plus tard, entretenant volontairement la confusion, ils oseront s’intituler fratres ordinis sancti Francisci de observantia (com me à Nagyszombat en 151670). Ils tirèrent de ces mesures un surcroît de prestige et un retour d’hono-rabilité, y compris auprès des dirigeants observants, qui n’osèrent jamais mettre en doute la qualité du travail accompli par Fabien d’Igal. Ragaillardis, les conventuels purent résister plus efficacement à la vague observante, gagnant même en com-bativité dans les dernières décennies du XVe siècle71. De leur côté, les observants savaient qu’ils n’étendraient à l’avenir leur réseau de couvents hongrois que par

63 Karácsonyi I, 61-65.64 Statuts conventuels de 1454, 103; Karácsonyi I, 65.65 Karácsonyi I, 65.66 Statuts conventuels de 1454, 100; Karácsonyi I, 64.67 Statuts conventuels de 1454, 103; Karácsonyi I, 65.68 J. Kłoczowski, L’Observance, 180.69 Comme le souligne Arnold Magyar dans Die Ungarische Reformstatuten, 80.70 Karácsonyi I, 82-83. Voir aussi chapitre 7.71 Voir chapitre premier.

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des créations ex nihilo. Plus encore, un défi leur était lancé. Cette situation de concurrence explique certainement le ralentissement des fondations observantes qui culmina dans les années 1470. La période correspond à l’extension maximale de la réforme amorcée par Fabien d’Igal: elle touchait alors tous les couvents hongrois.

Dans ces conditions, la réforme observante aurait pu apparaître comme su-perflue. Ce qui distinguait toujours les observants des conventuels – l’ac cepta tion ou le refus de revenus réguliers – ne suscitait guère de débats passionnés parmi les clercs et les laïcs. Les observants le savaient bien, qui n’en tiraient pas argument dans leurs réquisitoires contre les conventuels. Pour autant, même après 1454, les fondations observantes se poursuivirent à un rythme presque aussi soutenu qu’auparavant. La réforme de Fabien d’Igal ne réussit donc pas à couper totale-ment l’herbe sous le pied des observants. C’est ailleurs qu’il nous faut rechercher les causes de leur incroyable succès.

II. Les hussards de la papauté

Le souverain pontife avait toujours écouté avec bienveillance les plaintes for-mulées par les observants à l’encontre des conventuels. Personnellement ou par l’intermédiaire de ses légats, il leur avait accordé son appui de manière quasiment systématique; au pire, il ordonnait une enquête, sans mettre en cause la sincérité des observants. C’est un légat pontifical, Julien Cesarini, qui avait enclenché la mécanique des transferts au début des années 1440. Les fondations ex nihilo de-mandées par le roi ou les barons recevaient quant à elles l’aval immédiat de l’auto-rité romaine. Ne parlons même pas de celles que décidaient les frères: ils n’avaient plus besoin d’autorisation particulière pour procéder sur le champ à une création72. Les frères de Hongrie obtinrent sans difficulté du successeur de Pierre la con fir-mation de leurs privilèges anciens (en 1446 pour toute la vicairie de Bosnie73, puis à de nombreuses reprises après 144874) et les indulgences souhaitées (à l’échelle de la province en 144675, ainsi que maison par maison, pour soutenir les travaux

72 Comme le rappelle la confirmation pontificale du 3 juillet 1446. MFL, inv. 1930, p. 7, n° 41; CsML, bullaire de Szeged, 41-43.

73 MFL, inv. 1930, p. 7, n° 41; CsML, bullaire de Szeged, 41-43.74 Les bullaires de Szeged et de Gyöngyös abondent en confirmations de ce type.75 MFL, inv. 1930, p. 7, n°40; CsML, bullaire de Szeged, 38-39.

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nécessaires76). Certes, vers 1490, Innocent VIII restituait contre toute attente aux con ven tuels le prestigieux couvent de Buda, observant depuis près d’un demi-siè-cle. Mais cette décision prise à la hâte et dans des circonstances exceptionnelles77 fut rapidement annulée par celui qui lui succéda. Alexandre VI rassura en outre les réformés en reconnaissant formellement en 1492 leur tutelle sur les couvents reçus par transfert78. Quant au décret de Léon X rendant en 1517 aux ermites de saint Augustin le couvent de Körmend, que le primat et seigneur du lieu Thomas Bakócz venait d’ouvrir aux franciscains observants, il ne résista pas à la procédure d’enquête menée l’année suivante avec la participation (entendue) des habitants et des collaborateurs de l’archevêque79.

Ces faveurs répétées s’expliquent par le soutien presque continu qu’appor-tèrent les papes du XVe siècle à l’observance franciscaine dans toute la Chrétienté. Rappelons qu’il fut particulièrement actif sous le pontificat d’Eugène IV (1431-1447), qui en provenait: ses bulles occupent une large place des bullaires de Szeged et de Gyöngyös, de même que celles de Pie II (1458-1464). Il s’affaiblit cependant de Sixte IV (1471-1484) à Alexandre VI (1492-1503) – puis sous Jules II, de 1503 à 1513 –, suscitant même la méfiance de Calixte III (1455-1458)80.

Si le Saint-Siège portait une attention toute particulière à l’évolution de l’ob-servance franciscaine dans le royaume magyar, c’est aussi pour des raisons qui étaient propres à ce pays. La réforme des mineurs ne l’intéressait pas tant que les perspectives inespérées qu’elle offrait en Hongrie. Elles dépassaient largement le cadre de l’ordre: elles engageaient ni plus ni moins que l’avenir de la Chrétienté la-tine. Car le bassin carpatique était le lieu où se déployaient les trois fléaux qui, à ses yeux, mettaient en péril la Christianitas: l’hérésie, le schisme oriental et la progres-sion turque. Face à de telles menaces, l’Église devait, comme elle l’avait fait deux cents ans auparavant avec les jeunes ordres mendiants, leur opposer les meilleurs de ses combattants. Ce rôle revint aux observants, devenus les troupes d’élite de la papauté par leur ardeur à la tâche, leur dévouement inconditionnel et leurs talents de persuasion auprès des populations. On ne saurait trop souligner à cet égard le rôle de Jean de Capestran, qui faisait de la lutte contre les “ennemis de la foi” une priorité absolue, pour lui-même, pour son ordre et pour l’Église; ceci sur un ton particulièrement combatif, celui du soldat qu’il était avant de prendre l’habit81.

76 Voir Tableau synoptique des couvents. 77 Voir chapitre suivant.78 Karácsonyi I, 353.79 Erdélyi, 186-187.80 M. Fois, I papi e l’Osservanza.81 D. Nimmo, Reform and Division, 584-585, qui s’appuie sur H. Hofer (Johannes Kapistran).

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CHAPITRE 3116

Extirper l’hérésie: les jalons posés par Jacques de la Marche

Longtemps épargnée par la contagion hérétique, la Hongrie abritait de nom-breux foyers hétérodoxes au milieu du XVe siècle82. Leur vigueur dépassait celle de ses voisins polonais83 et autrichien, chez qui des mesures prophylactiques avaient étouffé dans l’œuf l’impact initial du hussitisme. Les vaudois arrivés d’Autriche et de Bohème au XIVe siècle s’étaient installés à l’ouest du bassin carpatique. Pour-chassés par l’Inquisition jusqu’au tout début du XVe siècle, ils avaient trouvé re-fuge dans les confins méridionaux du royaume, où ils s’étaient plus ou moins fondus avec les “patarènes” présents en Slavonie et en Bosnie depuis les XIIe et XIIIe siècles. Comme en Bosnie, le mot ne désignait pas seulement les adeptes du catharisme pur et dur, apparemment peu nombreux. Leurs croyances, bien que teintées selon certains témoignages de dualisme, étaient globalement orthodoxes; mais, coupés de Rome, ils avaient adopté comme les “chrétiens bosniaques” une organisation ecclésiastique inspirée à la fois de Byzance (d’où l’amal game entre Scismatici et Patareni dans les sources) et des communautés cathares de Dalmatie ayant fui les persécutions du XIIIe siècle84.

Les missions franciscaines n’avaient toujours pas réussi à venir à bout de ces déviances quand éclata la révolution hussite en Bohème. Les sermons pronon-cés à Buda par Jérôme de Prague, mais aussi et surtout la fréquentation par les étudiants magyars de l’université pragoise assurèrent au hussitisme une diffusion large et précoce en Hongrie. L’hérésie toucha divers points du royaume pendant les décennies 1420 et 1430, de Sopron, en Transdanubie, à la Transylvanie (bien que la jacquerie de 1437 n’ait visiblement aucun rapport avec le hussitisme85) et en Slovaquie (malgré les destructions taborites). Elle prit des proportions parti-culièrement inquiétantes dans le sud, en Sirmie et en Croatie. Là – Jacques de la Marche le constata par lui-même –, les hussites fusionnèrent avec les “patarènes” et les vaudois. Le mouvement fit des ravages dans les rangs du clergé paroissial dès les années 141086. Nombreux étaient les prêtres de Hongrie méridionale qui avaient étudié à Prague au début du siècle. Parmi eux se trouvait sans doute Va-lentin d’Újlak; il est l’auteur, avec Thomas de Pécs, d’une traduction hongroise

82 Mise au point argumentée dans Gy. Galamb, Marchiai Jakab. Voir aussi P. Tóth- Szabó, A cseh-huszita mozgalmak et Gy. Székely, A huszitizmus.

83 S. Bylina, La Bible, les laïcs, en particulier p. 289-293.84 Gy. Galamb, Marchiai Jakab, 159-167.85 Comme le montre György Galamb dans Francescani, 55, à l’inverse de Jenő Szűcs. Voir

aussi L. Demény, Parasztfelkélés Erdélyben. 1437-1438, Budapest, 1987.86 Gy. Galamb, Marchiai Jakab, 221-222.

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LES CLEFS DU SUCCÈS OBSERVANT 117

de la Bible, improprement appelée “bible hussite”87. Plus à l’est, les hussites de Moldavie, protégés par le voïvode Alexandre, faisaient tache d’huile sur le versant occidental des Carpates dans les années 144088. Les documents contemporains des faits précisent que, pour échapper aux poursuites, ils se terraient dans les bois, les grottes, les caves et les greniers89.

Quelles croyances professaient ces hérétiques? D’après ce qu’écrit Jacques de la Marche dans les Articuli hus[s]itarum, composés en Hongrie vers 1436, leur degré d’ ”erreur” était très variable90. La présence de calices peints sur les murs de certaines églises du diocèse de Nagyvárad semble confirmer l’impression selon laquelle le hussitisme modéré (calixtin) l’emportait à l’est du pays. Tandis qu’au sud, près des foyers bosniaques ou de la frontière valaque, ils tenaient un discours radical à coloration antisociale, plus proche de la tendance taborite que des ca-lixtins tchèques91. Ils ne vouaient aucun culte aux saints, pas même à la Vierge Marie, ne croyant pas à leurs miracles. Ils simplifiaient les célébrations à outrance: la messe se réduisait aux lectures, à la récitation du Notre Père et à la communion, administrée sous les deux espèces. Hommes et femmes pouvaient être indiffé-remment consacrés. Ils se moquaient du pape et des clercs, et ils n’accordaient bien sûr aucune valeur aux indulgences. Hostiles à toute forme de vie régulière, ils n’hé si taient pas à attaquer des monastères; deux couvents franciscains furent détruits par leurs adeptes en 1433, dans l’extrémité nord du royaume92. Au nom de l’éga lité évangélique, ils ne se contentaient pas de faire main basse sur les biens ecclésiastiques. Ils incitaient les paysans à ne plus payer la dîme et appelaient le bas clergé à les rejoindre, en leur faisant miroiter la possibilité de ne plus être astreints au célibat93. Leurs agissements, ajoutés à l’extrémisme de leur discours, faisaient courir un terrible danger à l’Église.

Or, face à la recrudescence de l’hérésie, les ordres mendiants installés sur pla-ce ne suffisaient plus. Très impliqués dans la pastorale et proches des cours royale et

87 G. Székely, A huszitizmus… (passim); J. Szűcs, A magyarországi huszita, 22; Andrić, 49-50.88 C’est ce que montre une bulle de juillet 1446 élargissant les prérogatives de Jacques de

la Marche, recopiée dans le bullaire de Szeged. …quod tunc in regno Moldavia haeretica pra vitatis et praesertim ejusdam sectae abominabilis Hussitarum nuncupata satore malorum operum id procu rante, numerosa personarum multitudo existebat, quod non modo incolarum, verum etiam ab ipso regno distantium et praecipui non paucorum regni Hungariae incolarum animas perversi dogmatis veneno pestifero infecerant. MFL, inv. 1930, 7, n° 39; CsML, bullaire de Szeged, 39.

89 J. Szűcs, A magyarországi huszita, 9-12.90 Gy. Galamb, Marchiai Jakab, 178-187.91 Gy. Galamb, Marchiai Jakab, 186 210.92 Karácsonyi I, 50.93 J. Szűcs, A magyarországi huszita, 22-25.

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seigneuriales, les dominicains et les franciscains de la province de Hongrie n’avaient plus l’ardeur des débuts. Associés depuis le XIIIe siècle à la procédure inquisito-riale, ils s’étaient épuisés en une vaine rivalité qui ne fit qu’en tacher leur réputation, chacun accusant l’autre de laisser se propager les déviances94. Leur participation à l’œuvre de conversion se bornait à fournir des titulaires aux évêchés missionnaires fondés aux marges du royaume – souvent plus fictifs que réels, d’ailleurs, depuis la progression des Ottomans dans le nord des Balkans. Soutenus par les rois angevins, les franciscains avaient fini par obtenir l’exclu sivité des tâches d’Inquisition en 1330. Mais leurs méthodes – dont rien ne permet de prouver la cruauté95 – s’avérè-rent inefficaces. Ils furent remplacés par les dominicains au début du XVe siècle. La dernière mission évangélisatrice de grande ampleur qui avait été confiée aux frères mineurs – convertir les Coumans païens installés en Hongrie depuis le XIIIe siècle – était terminée. La décision de Sigismond de Luxem bourg, prise en 1410-1411 avec l’aval du pape, de charger désormais le clergé paroissial de l’encadrement des populations converties y mit un terme définitif96.

Les observants apparurent rapidement comme mieux armés pour venir à bout du fléau hérétique. Les membres de la vicairie de Hongrie ne disposaient-ils pas dans ce domaine d’une expérience séculaire, acquise en Bosnie? Par ailleurs, les dirigeants (italiens) de l’observance voyaient dans le bassin des Carpates le terrain idéal pour appliquer la vocation missionnaire de la réforme régulière, sur laquelle ils insistaient tout particulièrement depuis le début du XVe siècle. On ne s’étonnera donc pas de voir le pape Eugène IV reprendre le flambeau de la lutte aussitôt après son élection, à l’appel d’un autre ennemi des hérésies: Sigismond de Luxembourg. A l’instigation de ce dernier, les pères du concile de Bâle décidèrent à la fin de l’année 1435 d’envoyer sur place l’une des plus brillantes figures de l’observance italienne: Jacques de la Marche.

Nommé vicaire de Bosnie en décembre 1435, celui-ci n’eut guère le loisir de reprendre le travail de réformateur monastique qu’il avait mené dans la région

94 L’histoire de l’Inquisition en Hongrie reste à écrire. L’ouvrage de Jenő Mátyás Fehér – Középkori magyar inkvizició, Buenos Aires 1968 (reprint: Budapest vers 1996) – repose sur une documentation forgée de toutes pièces et trahit une haine farouche à l’égard de l’institution dont il prétend faire l’histo rique.

95 Il s’agit du Liber inquisitorum ou Codex de Kassa, un registre dominicain du milieu du XIVe siècle sur lequel Jenő Mátyás Fehér dit s’appuyer… mais qu’il est le seul à avoir jamais vu! L’auteur accuse les franciscains d’avoir simplifié la procédure inquisitoriale, condamnant pour parjure des centaines de malheureux au bûcher. Ils auraient fait preuve d’une effroya ble cruauté au sud du pays, où ils auraient ordonné que les hérétiques déclarés soient brûlés vifs dans leur maison. Középkori magyar, 103-104.

96 Karácsonyi I, 50-51.

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jusqu’en 1433. Sigismond l’appela auprès de lui en Moravie, et y remarqua ses talents dans les controverses contre les hussites. Comme Charles Ier d’Anjou un siècle auparavant, il obtint du roi de Bosnie Étienne Tvrtkó, venu quémander une aide militaire au roi-empereur, la promesse de défendre les couvents bosniaques. Rassuré, Jacques de la Marche accepta le titre d’inquisiteur pour la Hongrie et l’Autriche, que Sigismond avait brigué pour lui en août 143697. Il se mit aussitôt au travail, séjournant presque continuellement en Hongrie entre la fin de l’année 1436 et 1439, à de brèves interruptions près – dans les dernières semaines de l’an-née 1437 puis à la fin de l’année 1438, où il fut convoqué au con ci le de Ferrare. Son itinéraire, reconstitué minutieusement par György Galamb98, le mena d’abord dans l’ouest du royaume (à Buda et à Székesfehérvár), puis en Transylvanie, où la situation semblait particulièrement critique, à en juger par les cris d’alarme de l’évêque. Ses sermons y rencontrèrent un certain succès, de même que dans le diocèse voisin de Nagyvárad. Il y bénéficia du soutien de l’évêque Jean de Korčula – l’un des tout premiers prélats du royaume magyar issu de l’observance fran-ciscaine99. Même accueil à Szeged, où la tradition veut que le siège en bois qui se trouve toujours dans le couvent franciscain de la Ville Basse soit celui qu’il aurait utilisé comme inquisiteur100. Il demeura longtemps dans les diocèses mé-ridionaux, en s’y heurtant cette fois à l’hostilité de la population. L’élite locale, souvent formée à Prague, était fortement imprégnée par les thèses hussites. Jacques fut même refoulé du diocèse de Pécs en 1437. Le clergé séculier, qui n’appréciait guère ses invectives contre les prêtres simoniaques et concubinaires, lui dénia le droit d’exercer ses fonctions d’inquisiteur dans le diocèse. Il fallut l’intervention combinée du pape et du roi pour que l’évêque de Pécs rappelle le prédicateur. Le ministre général invita néanmoins Jacques de la Marche à faire preuve de davantage de modération101. Il rencontra de plus grandes difficultés en-core à l’extrémité méridionale du pays, en Sirmie. L’hérésie y avait touché jusqu’aux curés eux-mê mes, tel celui de Belcsény (Bocsin, aujourd’hui serbe), dont le corps

97 Karácsonyi I, 317-319; Gy. Székely, Efforts vers une réforme, 333; Gy. Galamb, 172-173. Sources: AM, t. X, 269, n° 3; BF n.s., t. I, 114, n° 246. Afin de disposer de colla borateurs, il reçut aussi le droit de nommer d’autres inquisiteurs, au sein de l’ordre, en juin 1437. AM, t. XI, 6-7, n° 13.

98 Gy. Galamb, San Giacomo della Marca, 15-18; Id., Marchiai Jakab, 170-178.99 Voir chapitre premier.100 Magyarországi művészet I, dir. E. Marosi, 286; Gy. Galamb, Marchiai Jakab, 176-177. L’hy-

pothèse est peu crédible puisqu’à cette date l’église franciscaine de la Ville Basse n’existait pas! Peut-être la tradition a-t-elle confondu Jacques de la Marche avec Jean de Capestran, qui séjourna effectivement dans la ville après la fondation du couvent observant.

101 Karácsonyi I, 318-319; Gy. Székely, A huszitizmus, 334.

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aurait été exhumé post mortem sur ordre de Jacques de la Marche pour être livré aux flammes. Les habitants de la bourgade de Kamonc (Kamenic ou Sremska Ka-menica, en Serbie), mécontents des peines d’emprisonnement et des confiscations de biens que l’inquisiteur venait de prononcer à l’encontre des hérétiques, prirent les armes et libérèrent les con damnés, bravant les troupes royales en août 1439102. Ces déboires entamèrent la détermination du prédicateur. Plusieurs fois menacé de mort (selon la tradition observante), fatigué et contrarié, il rentra en Italie cen trale en 1439, où il exerça ses talents contre d’autres déviants, les Fratricelles103.

A cette date, l’hérésie n’avait pas disparu du royaume de Hongrie. Impossible de vérifier l’authenticité des déclarations de Jacques de la Marche lorsqu’il affirme avoir converti “25 000” hérétiques. Le mal avait néanmoins fortement reculé, en particulier en Transylvanie (surtout parmi les Sicules) et dans la Grande Plaine. Les hérétiques étaient contraints de vivre dans la clandestinité, ou de prendre le chemin de l’exil, notamment en direction de la Moldavie, où les derniers hussites hongrois s’établirent sous le règne de Mathias Corvin104. Inachevée, l’œuvre de Jacques de la Marche eut cependant à moyen terme une gran de portée pour les frères observants de Hongrie, en particulier sur la manière dont ils procédèrent par la suite pour extir-per les hérésies. Contrairement à une idée reçue (dont Jenő Szűcs lui-même se fait l’écho), Jacques n’avait guère employé l’intimidation: l’escorte qui l’accompagnait, fournie par le roi de Hongrie, était là pour assurer sa sécurité, et non pour faire pression sur la population. Dès son arrivée, il prêchait devant la foule, longuement et jour après jour105, en ne brandissant la menace de l’excommunication et du bûcher qu’en dernier recours. Deux prêtres furent brûlés vifs à Kamonc, c’est un fait, mais d’autres se convertirent… ou s’enfuirent. Si la chronique observante locale parle de “nombreux” hérétiques brûlés sur le bûcher, c’est d’abord à des fins de propagande: son auteur pensait ainsi faire l’éloge de son ordre. En réalité, les noms de condamnés que fournissent les sources proviennent d’un seul foyer, limité à Kamonc et à ses proches environs. Ailleurs, le prédicateur n’était pas allé aussi loin106. L’arme favorite de Jacques de la Marche était la prédication. Il incar-nait par là un nouveau modèle d’inquisiteur, plus “positif ”, qui inspira bientôt Jean de Capestran à son arrivée en Bohème. A la persécution sans relâche des dé-

102 Karácsonyi I, 320-321; J. Szűcs, A magyarországi huszita, 30; Gy. Galamb, San Giacomo della Marca, 16; Source: C[h]ronica, 239-241.

103 D. Nimmo, Reform and Division, 584.104 Karácsonyi I, 318-319; Gy. Galamb, Marchiai Jakab, 224-225.105 On en a la preuve documentaire à Székesfehérvár, comme à Presbourg et à Pécs. Gy.

Galamb, Marchiai Jakab, 242.106 Gy. Galamb, Marchiai Jakab, 222-223.

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viants (persecutor haereticorum) succédait la défense de la vraie foi par la prédication et la controverse. En d’autres termes, on privilégiait le dialogue (qui donna son nom à une œuvre célèbre de Jacques de la Marche: le Dialogus contra fratricellos de opinione) plutôt que la répression, la persuasion plutôt que la coercition107.

Convertir ne suffisait pas, il fallait maintenir les fidèles dans l’orthodoxie. C’est aux observants hongrois que revint ce travail de fond dans les années sui-vantes. Leurs établissements, déjà nombreux au sud du royaume continuèrent d’essaimer dans les régions qui avaient été gravement contaminées par l’hérésie. Le couvent de Csíksomlyó, fondé en 1441 avec l’appui de Jean de Hunyad et achevé en 1448, avait ainsi pour vocation d’encadrer les Sicules, qui venaient tout juste de renoncer à leurs erreurs108. Situé au pied des Carpates orientales, l’établis-sement servit également de point de départ aux missions lan cées jusqu’en Mol-davie, où venaient de se réfugier les hussites hongrois. Telle était aussi la fonction du couvent de Kilia, décidée en 1453 par Jean de Hunyad, à l’instigation de Jean de Capestran (d’où sa dédicace à Bernardin de Sienne). L’instabilité politique de la région voua cependant ces entreprises à l’échec: depuis le milieu des années 1460, le voïvode Étienne jouait la carte ottomane contre les Hongrois. Des initiatives plus audacieuses encore avaient vu le jour. Le couvent de Kimpulung semble avoir été implanté de l’autre côté des Carpates, en plein territoire moldave, avant 1454. Peu après la soumission du voïvode de Moldavie à Mathias Corvin vers 1475, les franciscains observants fondaient le couvent de Bákó109. En dehors de ces créations mal documentées, les sources montrent que, des années 1440 jusqu’au début du XVIe siècle, les franciscains observants hongrois déployèrent des trésors d’éner gie pour éteindre les ultimes foyers hérétiques de Moldavie. Après une pre-mière expédition missionnaire dans cette direction (ad regna Scythia et aliarum partium quarumcunque nationum circumstantium) autorisée en 1440 par le pape à la demande du vicaire de Bosnie Jean de Vaja et confiée au frère Denis d’Újlak110, une autre suivit en juillet 1442, qui avait le même objectif (ob salutem fidelium christianorum et conversione

107 M. D’Alatri, Eretici e inquisitori II, 279-290. On ne saurait souscrire au jugement hâtif d’Elemér Mályusz, qui voit dans l’activité en Hongrie de Jacques de la Marche et de Jean de Capestran la parfaite illustration du fait que le “fanatisme aveugle” parvient à faire oublier les “sentiments humains”: …a Magyarországon is tevénykedő két inkvizitor pedig példát mutatott arra, hogy az elvakult fanatizmus mily mértékben képes megfeledkezni az emberies érzelmekből. E. Mályusz, Egyházi társadalom, 291.

108 Karácsonyi II, 26-28.109 Karácsonyi I, 347, 377 et II, 12-13; György, 74.110 Karácsonyi I , 325 (d’après le bullaire de Gyöngyös). MFL, inv. 1930, 6 n° 31; CsML,

bullaire de Szeged, fol. 36.

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CHAPITRE 3122

infidelium, haereticorum et schismaticorum)111. Officiellement, les frères agis saient au nom du pape, en tant que commissaires: Eugène IV qualifia Denis d’Újlak de commissarium nostrum en 1442112. La bulle l’autorisait à prêcher et à confesser hors des limites de la province, ainsi qu’à fonder de nouveaux couvents (Verbum Dei praedicare, domos seu monasteria erigere). Les créations moldaves mentionnées précé-demment se produisirent certainement dans ce cadre. En janvier 1445, Eugène IV franchit un pas supplémentaire en nommant le vicaire de Bosnie, Fabien de Bács, et chacun de ses successeurs, inquisitor à titre perpétuel pour la Hongrie et la Bos-nie, ainsi qu’en Moldavie, Valachie et Bulgarie113. Il confirma cette charge au nou-veau vicaire de Bosnie en juillet 1446114. Passa-t-elle au vicaire de Hongrie après la sécession de 1448? La documentation consultée ne l’indique pas. Néanmoins, dans les décennies suivantes, la papauté confia volontiers aux franciscains réfor-més hongrois des tâches inquisitoriales, à commencer par la traque des déviants et des curés concubinaires.

Ramener les Schismatiques dans le giron de Rome: un objectif obsolète

Outre la persistance de noyaux hérétiques, la Hongrie se caractérisait, com-me la Pologne, par la proportion importante de chrétiens orthodoxes vivant sur son sol. Les revers essuyés par Louis le Grand à la fin des années 1360 dans les Balkans, puis l’installation des Ottomans dans la région, de Bosnie jusqu’en Bul-garie et en Moldavie, avaient incité des foules de Ruthènes, Roumains, Serbes et Bosniaques à venir se réfugier à l’intérieur du royaume magyar bien avant le milieu du XVe siècle. A peine ralenti par la victoire de Belgrade (1456), ce flux migratoire reprit de plus belle après la prise de la Serbie par les Turcs en 1459. Il atteignit son niveau maximal au lendemain des campagnes serbes de Mathias Corvin, en 1480. Dans le double but d’affaiblir les Turcs et de repeupler les villages frontaliers aban-donnés depuis les derniers raids de pillage ottomans, le roi demanda au pape l’auto-risation de déplacer – même contre leur gré – les chrétiens orthodoxes jusqu’alors

111 Karácsonyi I, 325-326 (d’après le bullaire de Gyöngyös). MFL, inv. 1930, 6 n° 32; CsML, bullaire de Szeged, fol. 35-36.

112 CsML, bullaire de Szeged, 36.113 … inquisitorem et inquisitores haeretica pravitatis perpetuo fecimus ipsos Fabianum ac illius suc-

cessores qui pro tempore erunt praefata vicariae vicarios in Hungariae, Bosnae, Moldaviae, Valachiae, Bul-gariae, Rasciae, necnon Sclavoniae ac omnibus et singulis regnis seu partibus ad quae seu quas vicaria Bosnae hujusmodi se extendere dignoscitur. BF ns, t. I, n°860; MFL, fds I, ms XXXVII; CsML, bullaire de Szeged, 37-38.

114 MFL, inv. 1930, 7, n° 39; CsML, bullaire de Szeged, 39-40.

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sujets de la Porte qui vivaient au sud de la frontière, afin de les installer en Hongrie méridionale. Le flux aurait touché quelque deux cent mille personnes, serbes pour la plupart. Bien que l’on ne dispose d’aucune estimation chiffrée se rapportant à l’ensemble du royaume, il semble que la communauté de rite oriental (byzantin ou slavon) ait constitué une minorité de poids significatif dans le royaume magyar à la fin du règne de Mathias Corvin. Elle était suffisamment populeuse et attachée à son culte pour que le souverain en personne demande à la diète de l’exempter du versement de la dîme en 1481115.

Pendant trois siècles et demi, du règne de saint Étienne (1000-1038) au milieu du XIVe siècle, catholiques et orthodoxes avaient cohabité en bonne entente dans le bassin des Carpates. La papauté avait invité à plusieurs reprises les rois arpadiens à “conduire” les orientaux “dans l’Église de Rome” (à partir de 1234), sans succès116. L’avènement de la dynastie angevine, qui devait beaucoup à l’appui du Saint-Siège, remit peu à peu en cause cette ère de tolérance religieuse. Après Charles Ier, qui s’était contenté de déclarations de principe, Louis le Grand jugea le moment venu de passer à l’action, en particulier à la fin de son règne. Il adhérait pleinement aux vues pontificales selon lesquelles il fallait renforcer l’unité de la foi chrétienne aux marges de la Chrétienté latine, là où elle était la plus menacée; il voyait là également le moyen de consolider son propre royaume117. Il imposa donc des mesures discri-minatoires à l’encontre des chrétiens d’Orient. Désormais exclus de la propriété foncière (comme les juifs), ils ne pourraient plus épouser des catholiques; ceux qui retourneraient à leurs anciennes erreurs après avoir été baptisés dans le rite latin seraient traités comme des hérétiques118. Pour comprendre l’état d’esprit du roi, précisons qu’en 1366, il traita par le mépris la proposition d’alliance contre les Turcs que lui fit le basileus Jean V Paléologue. Au lieu d’encourager les efforts de ce dernier tandis que se resserrait l’étau ottoman, il posa une condition inac-ceptable: que tous les sujets de l’empereur soient rebaptisés dans le rite latin (!). C’est encore Louis d’Anjou qui, le premier, assigna expressément aux franciscains de Bosnie la tâche de “convertir” les “Schismatiques” au temps des conquêtes en Bulgarie; puis, après le repli de ses troupes et l’afflux de réfugiés bulgares au sud du royaume, celle de les rallier à l’Église latine.

Sigismond de Luxembourg suivit les traces de son prédécesseur: au moment même où il confirmait leurs privilèges à quatre couvents observants du sud du pays (Karánsebes, Orsova, Hátszeg, Cseri), en 1428, il reprenait à son compte

115 Decreta regni Hungariae, éd. J. Bak et alii, Series I, vol. 3, 36.116 Á. Lang, Ortodox és eretnek, 94.117 Voir le prochain paragraphe.118 Galamb, 168-169. Source: AcBos, n° 679.

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la législation anti-orthodoxe de Louis le Grand119. Jacques de la Marche avait été envoyé par le pape en Bosnie pour lutter contre les dualistes puis en Hongrie par Sigismond de Luxembourg pour endiguer l’hérésie hussite. Mais il s’en prit égale-ment aux “Schismatiques” serbes et roumains lors des séjours qu’il effectua aux confins méridionaux et orientaux du royaume120.

Peu après, l’union de Florence contractée en 1439 et confirmée en 1452, à la veille de la chute de Constantinople, rendit officiellement caduque le projet de “conversion” des orthodoxes. En plein milieu du XVe siècle, les frères obser-vants de Hongrie s’efforçaient toujours malgré tout d’attirer les populations de rite oriental à l’obédience romaine; par la douceur et la persuasion, certes, plus que par la menace ou l’invective. Vers 1447, ils obtinrent des Ruthènes orthodoxes de Transylvanie orientale, autour des couvents observants de Felfalu et de Nagybá-nya, leur adhésion à l’Église de Rome. Les nouveaux convertis ne demandaient qu’une chose en retour: que les frères demeurent leurs pasteurs, en lieu et place du clergé paroissial. Elle leur fut accordée par le pape, en attendant l’arrivée sur place d’un évêque catholique de rite grec susceptible d’orga niser de façon appropriée et durable leur encadrement religieux121.

Les franciscains hongrois mirent un singulier acharnement à “convertir” les orthodoxes. Il s’exprimait déjà dans la manière dont Blaise de Szalka racontait, vers 1420, le martyre des frères mineurs de Vidin en 1369. L’auteur souligne à des-sein la cruauté des prêtres orthodoxes de la ville (sacerdotes et calugeros, hoc est religiosos haereticos) – qu’il accuse d’avoir défenestré l’un des frères, avant de livrer les quatre autres au nouveau maître de la ville, le “roi” Bozorad –, occultant ainsi la responsa-bilité (pourtant évidente) du chef bulgare dans le massacre122. Le parallèle est ici manifeste entre les “Schismatiques” dénonçant les franciscains d’une part, et les juifs conduisant le Christ devant Pilate, d’autre part. Au demeurant, ce parti pris dépassait le cadre des observants: outre les espoirs inavoués de la papauté, il rejoi-gnait l’hostilité de la population magyare à l’égard des chrétiens orientaux depuis deux ou trois décennies. En Hongrie comme en Pologne à l’égard des Ruthènes123, on assiste en effet à partir des années 1430 et 1440 (et plus encore après la chute de Constantinople) à une montée générale de l’aversion contre les orthodoxes; en particulier au sein du clergé, des évêques jusqu’aux curés de paroisse. Elle ne tarda

119 Comme le fait observer György Galamb, dans A ferences obszervancia, 168-169. Source: AcBos, n°679.

120 Gy. Székely, Efforts vers une réforme, 333-334.121 Karácsonyi I, 28.122 C[h]ronica, 235-236.123 Histoire du christianisme VII, dir. J.-M. Mayeur et alii, 13 (Jerzy Kłoczowski).

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LES CLEFS DU SUCCÈS OBSERVANT 125

pas à gagner leurs ouailles. Tous s’inquiétaient de l’installation devenue massive de populations de rite oriental aux marges méridionales et orientales du royaume. En témoignent les déclarations alarmistes des chanoines d’Arad et des magistrats de Lippa que reçut Jean de Capestran en 1455124.

Plus que Jacques de la Marche, celui-ci porte une lourde part de responsa-bilité dans les progrès de l’intolérance anti-orthodoxe en Hongrie. Au nom de l’obéissance au successeur de saint Pierre, il eut longtemps des mots très durs à l’encontre des chrétiens d’Orient. Ni les confirmations successives de l’unité des deux Églises proclamée à Florence, ni la chute de Constantinople après une lente agonie ne réfrénèrent son animosité, pas plus que les réserves de Jean de Hunyad – qui souhaitait, comme nombre de barons du sud du royaume, conser-ver l’alliance des nobles méridionaux face aux Turcs, quitte à fermer les yeux sur leurs particularismes cultuels. Le célèbre prédicateur n’acceptait pas l’idée que la religion du Christ ne soit pas une; c’est cela qui lui faisait condamner, dans les mêmes années, l’utraquisme. Impressionnés, les observants hongrois se sentirent encouragés dans leur attitude. C’est seulement dans les mois qui précèdent l’enga-gement décisif de Belgrade, au printemps 1456, que Jean de Capestran adopta un ton différent. Les ennemis d’hier, des orthodoxes aux juifs et aux hérétiques, lui apparaissaient désormais comme de précieux alliés (des “amis”) contre les Turcs, note son compagnon Jean de Tagliacozzo125. Un retour nement pour le moins tardif, intéressé et au bout du compte inefficace.

Un an plus tôt, Jean de Capestran avait reçu des avis inquiétants sur la pous-sée orthodoxe en Hongrie. Avec l’accord du pape et de la hiérarchie cismontaine, il décida d’agir en conséquence. Si la conversion des chrétiens orientaux n’était pas le principal motif de son séjour, elle lui fournit une raison supplémentaire de se rendre dans le bassin carpatique. Aussitôt arrivé sur place en mai 1455, il se montra sensible aux appels émanant des clercs de Transylvanie déjà cités et du gardien du couvent observant de Tövis, Jean de Geszt. Il prit le chemin de l’est du royaume126. Là, avec l’aide de Jean de Geszt et de Mathieu de Transylvanie, hongrois lui aussi, il aurait converti “10 000” orthodoxes, en Transylvanie et dans la région de Temes (selon son biographe)127. Il poussa plus avant et s’installa au cœur d’un secteur peu-plé d’une majorité de Roumains, à Hátszeg. Citant l’exemple prestigieux de Jean de

124 Karácsonyi I, 335.125 Quicumque nobiscum etiam contra Turcas assistere volunt, amici nostri sunt, Rassiani schisma tici,

Valachi, Judaei, Haeretici et quicumque infideles nobiscum in hac tempestate esse volunt, eos amicitia complec-tamur. Andrić, 26; A. Lang, Ortodox és eretnek, 106-107. Source: AF, t. 12, 407-408.

126 Karácsonyi I, 335.127 J. Hofer, Johannes Kapistran II, 358-359.

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CHAPITRE 3126

Hunyad, il exhorta les seigneurs de la province à soutenir l’entreprise de conversion des Roumains et des Ruthènes qui vivaient sur leurs terres. Avec succès, comme on le verra plus loin. Jean de Hunyad aurait même ordonné de mettre le feu à toutes les églises orientales et de chasser les prêtres qui refusaient de renoncer à leurs erreurs. Sans doute est-ce là une invention du prédicateur: aucun décret n’indique que le hé-ros de Belgrade, lui-même d’origine roumaine, soit allé aussi loin. Bien au contrai-re, le régent se serait plaint auprès du pape des méthodes brutales de certains mis-sionnaires agissant depuis la région de Turnu Severin – lesquels n’avaient du reste aucun lien avec l’observance. Il soutint seulement Jean de Capistran contre ses ennemis: lorsqu’à la fin de l’année 1455, le métropolite Jean de Caffa, fraîchement arrivé de Moldavie pour inciter ses ouailles à la résistance, s’opposa à Capestran, le hunyade le fit arrêter. Au début de l’année 1456, les deux parties conclurent enfin un accord de compromis en vertu duquel les orthodoxes de Hongrie rallieraient l’Église de Rome… à condition de ne pas payer la dîme pendant plusieurs années, et d’en recevoir l’ordre formel du roi et de tous les seigneurs concernés (!)128. Des conditions impossibles à remplir, à l’évidence, et vite oubliées à l’heure du siège de Belgrade. En définitive, l’union des chrétiens contre les Infidèles assura à la com-munauté orthodoxe de Hongrie un bel avenir. A peine affaiblie par les missions du début du siècle, sauf dans certains secteurs du sud de la Transylvanie, elle reçut ensuite l’apport des réfugiés slaves et roumains qui affluèrent dans le bassin des Carpates sous le règne de Mathias Corvin129.

Après la mort de Jean de Capestran, l’idée de la nécessité de convertir les chrétiens d’Orient passa au second plan. Tandis que les observants polonais enregistraient de brillants résultats dans ce domaine – selon Jean de Komorowo, Lituaniens et Ruthènes affluaient sur la tombe de Jean de Dukla depuis 1484 et beaucoup entraient person-nellement dans l’ordre (d’après la liste des frères de la province) après une procédure sommaire de conversion130 –, les sources n’en parlent plus en Hongrie. Michel le Sicule, qui avait suivi Jean de Capestran jusqu’à Hátszeg, parvint à être élu vicaire de Hongrie à deux reprises, en 1465 puis en 1471; mais il ne semble nullement avoir poursuivi l’enter-prise commencée par son défunt maître. Aurait-il soudain fait sienne la tolérance de ses confrères polono-lituaniens ? Même après l’arrivée massive de Roumains et de Serbes orthodoxes dans le pays au début des années 1480, les frères hongrois se désintéressè-rent de la question. Car la priorité, à Rome comme en Hongrie, allait à la lutte contre les Turcs. C’est elle qui faisait la gloire posthume de Jean de Capestran.

128 Karácsonyi I, 336.129 A. Lang, Ortodox és eretnek, 107.130 K. Kantak, Les données historiques, 437; S. C. Napiórkowski, Saint François dans les pays

slaves, 327-328; U. Borkowska, Bracia Mniejsi.

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LES CLEFS DU SUCCÈS OBSERVANT 127

Défendre la Chrétienté face aux Turcs: l’exemple de Jean de Capestran

Si le légat Julien Cesarini s’était personnellement engagé dans l’expansion de l’observance en Hongrie, ce n’est pas seulement parce que ce qu’il avait vu aux cou-vents de Buda et de Pest au début des années 1440 l’avait choqué, mais aussi et surtout parce qu’il avait été impressionné par le comportement héroïque des observants de Transylvanie au moment de la difficile campagne menée par Jean de Hunyad contre les Turcs en 1443 et 1444131. Lui qu’Eugène IV avait envoyé sur place avant tout dans l’idée de relancer les projets de croisade contre les Infidèles comprit immé-diatement que ces hommes – et non les conventuels “ra mollis” – étaient ceux dont la papauté avait besoin pour accomplir ses vues132.

On sait quels efforts déploya le Saint-Siège (d’Eugène IV à Pie II) pour re-lancer la croisade contre les Infidèles après la conclusion de l’union de Florence, qui faisait de l’aide militaire à l’Église d’Orient une obligation133. Le cuisant revers subi par les armées chrétiennes à Nikopol en 1396, gravé dans toutes les mémoi-res, avait tragiquement révélé la puissance de l’ennemi. A l’évidence, la Hongrie ne pourrait plus assumer seule très longtemps son rôle de “rempart de la Chré-tienté”. Il fallait lui trouver d’urgence des fonds et des combattants. Le soutien ex-clusif de la papauté, dont les collecteurs avaient de plus en plus de mal à lever des décimes, n’était pas suffisant. Les croisés commandés par le légat Cesarini furent battus à Varna en novembre 1444. Lorsque Constantinople succomba, le 29 mai 1453, à peine plus de mille soldats latins comptaient parmi les défenseurs de la cité impériale. La terrible nouvelle n’engendra même pas le sursaut que l’on aurait pu espérer: l’appel à la croisade lancé par Nicolas V le 3 septembre suivant, relayé par les plus grands intellectuels du temps, n’eut à peu près aucun écho auprès des souverains occidentaux. Ceux qui firent mine de s’intéresser au projet se désen-gagèrent dès que l’on en arriva aux clauses concrètes. Au moment de lancer une nouvelle bulle de croisade, en mai 1455, le pape comprit très vite que c’est sur place, en Hongrie et chez ses voisins d’Europe centrale, autrement dit parmi les populations les plus directement menacées par la progression turque, qu’il y avait quelque espoir de réunir les moyens nécessaires pour refouler les Turcs.

Jean de Capestran, que l’annonce de la chute de Constantinople avait atteint alors qu’il se trouvait à Cracovie, se vit donc chargé de prêcher la croisade aux marges de la Chrétienté latine. Rappelons que son engagement au service de la croisade contre les Turcs était ancien. Dès 1443, il jugeait honteuses les querelles

131 Karácsonyi I, 326.132 Karácsonyi I, 58.133 Histoire du christianisme VII, dir. J.-M. Mayeur et alii, 80-92 (Francis Rapp).

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entre nations chrétiennes, tandis que la Hongrie était menacée par les Ottomans. Il avait perdu en Julien Cesarini, tombé à Varna, un ami fidèle134. Le pape avait chargé Capestran de prêcher la croisade à la diète de Francfort en 1454. Il pa-raissait logique de le voir poursuivre son périple européen en Hongrie, puisque que celle-ci était devenue le principal théâtre de l’affrontement entre chrétiens et musulmans. Pourtant, il y acheva presque par hasard sa vaste campagne de recrutement.

Ayant eu vent des nombreux miracles qui encadraient ses tournées en Eu-rope centrale, des clercs (comme le curé de Bártfa135 nommé Christian en 1454) mais aussi des laïcs, souvent nobles, demandèrent dès 1453 à Jean de Capestran leur entrée dans la communauté spirituelle de l’ordre136. D’autres se déplacèrent jusqu’à lui pour bénéficier directement de ses grâces, quand ils apprirent qu’il avait guéri de la surdité un hongrois, Benoît de Budafalva137. Mais, jusqu’en 1455, Jean n’avait visiblement pas programmé de séjour sur le sol magyar. C’est en réponse à l’appel d’un frère hongrois, Ladislas de Tar, qu’il arriva en Hongrie au début du mois de mai 1455138; non pour prêcher la croisade, notons-le, mais pour arbitrer le grave conflit qui opposait le roi Ladislas V aux barons. Il s’acquitta d’ailleurs fort bien de son travail de médiateur, comme en témoignent les décrets de la diète promulgués en juillet 1455139. Il apprit alors l’imminence d’une invasion ottomane. Son séjour prit du coup une autre tournure. Il se rendit aussitôt en Transylvanie dans l’espoir d’y rencontrer Jean de Hunyad, qu’une campagne en Moldavie avait éloigné du royaume. Il y parvint au début de l’année suivante, à Torda, où il fit éga-lement la connaissance du jeune Mathias, âgé de 13 ans. Après quoi le légat Jean de Carvajal l’appela à Buda pour qu’ils élaborent ensemble un projet de croisade. Arrivé début février dans la capitale – où la cour l’accueillit plutôt fraîchement –, il reçut la croix envoyée par Calixte III des mains de son légat, Jean de Carvajal, le 14 février 1456. A compter de cette date, c’est lui qui fut officiellement chargé de diriger la croisade. Il se déplaça ensuite dans tout le pays, parcourant des centaines de kilomètres – à près de soixante-dix ans et en toutes saisons140 – pour recruter des volontaires. Il faisait étape dans les différents couvents de l’observance hon-

134 J. Hofer, Johannes Kapistran I, 291; Andrić, 25.135 Bardejov, en Slovaquie.136 Gy. Székely, Efforts, 338; Karácsonyi I, 333.137 Karácsonyi I, 333.138 L’itinéraire que suivit Jean de Capestran en Hongrie est décrit par Hans Hofer, dans le

chapitre 14 de Johannes Kapistran, que l’on complètera par les indications de János Karácso nyi (I, 336-337), fondées sur la documentation hongroise.

139 Karácsonyi I, 334.140 Andrić, 26, qui reprend ici les conclusions de Joseph Held.

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groise. Après Kölyüd, le long du Danube, où il rassembla les croisés, il termina par celui d’Újlak, qu’il quitta vers le 10 juillet pour se rendre jusqu’aux abords de Belgrade141.

On connaît la suite. Ses talents oratoires, son art de la mise en scène et sa fougue permirent à Jean de Capestran de réunir une armée hétéroclite – compo-sée de paysans, de bourgeois, d’étudiants et de membres du bas clergé – mais très motivée. Galvanisée par les harangues enflammées du prédicateur, elle contribua à infléchir l’issue du face à face décisif de Belgrade, le 22 juillet 1456. Alors que la bataille était très mal engagée et que l’ennemi disposait de troupes deux fois plus nombreuses, équipées de canons et appuyées par une flotte, les soldats du Christ obligèrent les Ottomans à battre retraite au bout de huit jours de combat. Mehmet II lui-même, le Conquérant, y fut blessé. Certes, l’ardeur de Capestran n’explique pas à elle seule la victoire du camp chrétien: les stratagèmes utilisés par les assiégés en sont aussi la cause142. Mal exploitée sur le plan militaire en raison des troubles politiques qui suivirent la mort de Jean de Hunyad, elle n’en montrait pas moins au sultan la capacité de résistance des croisés. Pendant six décennies, la Hongrie restera à l’écart des projets d’expansion territoriale de la Sublime Porte.

La victoire de Belgrade procura indiscutablement à l’observance franciscaine un regain de prestige. Décrite par les contemporains comme miraculeuse, elle fa-vorisa l’instruction du procès en canonisation de Jean de Capestran143. Certes, les chroniqueurs proches de la noblesse occidentale tentèrent d’étouffer par la suite cette dimension providentielle, pour ne pas laisser penser que les troupes infor-melles rassemblées par le prédicateur étaient seules redevables de ce formidable succès, reléguant au second plan les chevaliers. Il n’empêche que les habitants du royaume magyar, eux, imputaient la victoire au prédicateur italien et à tous ceux qui l’avaient soutenu jusqu’au bout, parmi lesquels se trouvaient les frères mineurs réformés de Hongrie. Dès les semaines qui suivent la mort de Jean de Capestran – victime en octobre 1456 du même mal que celui qui avait emporté Jean de Hu-nyad, une dysenterie contractée à Belgrade –, les Hongrois rapportaient les nom-breux miracles qui se produisaient autour de sa tombe. Les habitants d’Újlak pri-

141 Karácsonyi I, 336-337.142 Sur le déroulement de la bataille de Belgrade, parmi une bibliographie pléthorique et

souvent vieillie, signalons la présentation éclairante de A. Kubinyi, A nándorfehérvári diadal. Kérdések és következések [La victoire de Belgrade. Questions et conclusions], in Historia 29 (2007) 15-20.

143 Dans sa chronique, Mariano da Firenze attribue expressément la victoire de Belgrade à Jean de Capestran et l’assimile à un miracle (per miraculum victoriam habuit de magno Turcho...). Édition: AFH 4 (1911) 135 135.

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rent en mains leur consignation par écrit à partir de mars 1458144. Les chroniques hongroises, franciscaines ou non, parlent de lui comme d’un saint145. Le séjour de Capestran en Hongrie donna donc un nouvel élan à l’observance. Il tenait à son charisme personnel, qui suscita de nombreuses vocations (mais beaucoup moins qu’en Pologne146, en Autriche147, en Moravie148) ainsi que des demandes d’entrée dans la communauté spirituelle de l’ordre149; mais il venait aussi et surtout de son rôle à Belgrade, qui décupla post mortem les effets de sa vibrante prédication.

Jacques de la Marche succéda brièvement à Capestran en 1457. Il reçut la double mission de prêcher la croisade et d’enquêter sur les miracles survenus auprès de la sépulture du disparu – avant que la détérioration de son état de santé ne l’oblige à rentrer définitivement en Italie au début de l’année suivante150. Souli-gnons toutefois que ni lui, ni aucun autre membre de l’ordre ne fut autorisé après Jean de Capestran à superviser la mise sur pied d’une armée de croisés en Hon-grie. Il faut attendre 1514, dans un tout autre contexte, pour voir les observants hongrois proclamer une bulle de croisade contre les Turcs depuis leurs couvents et organiser aussitôt après la levée des volontaires et le rassemblement des fonds indispensables à la réussite de l’opération. Jusqu’à cette date, les légats pontificaux (depuis Cesarini) et les commissaires du pape (ce qu’était d’ailleurs Jean de Capes-tran) s’en chargèrent exclusivement. A une exception près, qui ne concernait pas la croisade contre les Turcs mais une autre guerre sainte décidée elle aussi par la papauté: celle qui opposait Mathias Corvin, érigé pour la circonstance en champion de l’orthodoxie, au gouverneur puis roi de Bohème calixtin Georges de Poděbrady, (excommunié par Paul II en 1466), depuis 1469. Les observants hongrois du nord du pays reçurent en effet la mission de réunir subsides et volontaires en Slovaquie et en Moravie, principauté tenue alors par le roi de Hongrie151.

144 Andrić, 94-101. Source : I. Mažuran, Čudesa Ivana Kapistrana, Osijek, 1972.145 Andrić, 159-160.146 K. Kantak, Les données historiques, 433; J. Kłoczowski, Les ordres mendiants, 193;

Id., L’Observance, 171 177-179; Histoire du christianisme VII, dir. J.-M. Mayeur et alii, 420 (J. Kłoczowski). L’assertion de Stanko Andrić (16) selon laquelle “Indeed, the expansion of the Observance into Central Europe was almost entirely his personal work.” ne vaut donc pas pour la Hongrie.

147 G. Rant, Die Franziskaner der österreichischen, 28; J. Kłoczowski, L’Observance, 178; F. de Sessevalle, Histoire générale II, 5454.

148 J. Kłoczowski, L’Observance, 178; F. Šmahel, Intra et extra muros, 302.149 Karácsonyi I, 334.150 Karácsonyi I, 38; Andrić, 85-86.151 En 1469, Nicolas Morva, gardien de Szakolca, reçut l’ordre de prêcher contre

Poděbrady dans la région de Trencsén (Trenćin, Slovaquie) en tant que commissaire du légat

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Bien avant 1514, les frères hongrois avaient déjà acquis une position émi-nente dans le processus de préparation des croisades contre les Turcs. Alors qu’ils passaient traditionnellement par la voie hiérarchique – les évêques et ar-chevêques, relayés par le clergé paroissial –, les appels à la croisade lancés par le pape furent publiés de plus en plus fréquemment par les membres des ordres mendiants, les dominicains en particulier152, mais aussi les frères mineurs de l’ob-servance. On a la preuve documentaire de ce qu’ils diffusèrent les indulgences jubilaires, promises par le pape à tous ceux qui soutiendraient la guerre contre les Infidèles par leurs dons, au début des années 1480. Le gardien du couvent de Nagybánya, Ladislas, assisté d’un recteur d’autel, fut chargé en 1481 de prêcher l’appel à la croisade lancé par le pape en 1479 – en accordant le pardon maximal des fautes – dans l’église paroissiale de la ville153. Ce n’était là qu’un début: en 1500, les observants passeront au premier plan dans la vente des indulgences jubilaires.

Ajoutons que ceux-ci jouaient un rôle important dans la défense de la Chré-tienté contre les Turcs d’une manière plus originale. Aumôniers des troupes lan-cées contre eux depuis la fin du règne de Sigismond de Luxembourg, ils appor-taient réconfort moral et motivation inébranlable aux combattants. Leur courage allait jusqu’à suivre les soldats au cœur de la mêlée, au péril de leur vie. Selon le chroniqueur Jean de Thuróc, la défaite de Varna en 1444 fit de nombreuses vic-times dans les rangs des “frères de Cseri”. Ils apparurent désormais comme des héros de la patrie154.

Enfin, les observants effectuaient depuis longtemps un travail de fond, tou-chant des cercles bien plus larges que celui des guerriers et susceptible d’éveiller à terme de nouvelles vocations de croisés: la propagande anti-turque. Ils dévelop-paient dans leurs sermons aux laïcs le thème de l’Infidèle, ennemi acharné de la Chrétienté et de tous ses habitants, assoiffé de sang et de butin. Que ce soit dans leurs murs ou devant les laïcs, ils décrivaient les Ottomans comme les suppôts de Satan155. Le vicaire de Hongrie Étienne de Sopronca demanda dans les années 1490 aux membres de la province de prier instamment, avec larmes et gémissements (fusis lachrimis, gemitibus), jour et nuit, pour que Dieu délivre le pays du fléau ottoman. Il leur suggéra de réciter une prière dont le premier formulaire garde le souvenir, dans

pontifical; un autre frère, Pierre de Galgóc, se rendit en Moravie, près de Brno, pour faire de même. Karácsonyi I, 345 et t. II, 154; J. Gajdoš, Franciszkanie na Słowacji.

152 A. Hársányi, A domonkosrend, 310.153 Karácsonyi I, 350; II, 122.154 Karácsonyi I, 322; J. Kłoczowski, L’Observance, 176.155 Voir chapitre 11.

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un paragraphe intitulé de oratione contra Infideles156. Elle était encore recommandée par son successeur vers 1515157.

L’appui de la papauté à l’observance hongroise s’inscrivait en définitive dans une certaine continuité. Le vicariat de Bosnie n’avait-il pas été institué pour rame-ner les hérétiques à la vraie foi, préparer le retour des orthodoxes dans l’obédience romaine, avant de faire barrage à la progression turque? Ce qui avait fait le succès des premiers ordres mendiants en Europe centrale et orientale au début du XIIIe siècle – le voisinage des orthodoxes, des hérétiques et des païens – explique aussi l’essor observant survenu un siècle et demi plus tard158. La recrudescence des hérésies, ranimées par le courant hussite, et la mainmise des Turcs sur une large partie des Balkans placèrent à nouveau ces objectifs à l’ordre du jour. L’envoi sur place des deux piliers de l’observance franciscaine, Jacques de la Marche puis Jean de Capestran, avec la double responsabilité de réformateur monastique et d’inqui-siteur, donne la mesure de la détermination pontificale. Il n’aboutit pas seulement au recul des déviances et à la victoire de Belgrade. Il impulsa au mouvement franciscain réformé, jusqu’alors marginal, un second départ à partir des années 1440. Car les deux prédicateurs réussirent à convaincre la population magyare, à commencer par les élites, de ce que la fondation de couvents observants était une nécessité pour l’Église et pour le royaume.

III. L’indéfectible soutien du roi et des aristocrates

Le pape et les grandes figures de l’observance italienne n’auraient pu mul-tiplier le nombre d’établissements réformés en Hongrie sans le soutien du sou-verain et des grands du royaume. Fonder un couvent, même de petite taille, ne pouvait se faire qu’à l’aide de moyens matériels (matériaux, fonds et vivres) dont les frères ne disposaient pas, par vocation, et avec l’autorisation du propriétaire des lieux, roi, noble ou bourgeois. Or, en Hongrie, non seulement le souverain et les barons accordèrent sans difficulté l’aide demandée par les dirigeants de la province, mais ils devancèrent leurs attentes en prenant souvent l’initiative des fondations ou, le cas échéant, des transferts.

156 1er form., fol. 25v-26 (pj n° 2).157 1er form., fol. 204v (pj n° 5).158 J. Kłoczowski, The Mendicant Orders, 95-96; Id., Les ordres mendiants, 189, L’Observance,

173-174.

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LES CLEFS DU SUCCÈS OBSERVANT 133

La Hongrie ne faisait pas exception de ce point de vue: en Bretagne159 , en Provence160, en Italie161, en Espagne162, au Portugal163, en Allemagne164 ou en co re en Pologne-Lituanie165 et pendant un temps en Bohème166, les princes n’a vaient pas ménagé leurs efforts pour appuyer le mouvement. Mais constater la participa-tion du roi et des seigneurs hongrois au développement de l’observance francis-caine et en décrire les manifestations ne suffit pas. Il faut élucider les raisons de leur engagement, spirituelles et profanes, affichées ou inavouées.

Les formes du soutien royal

Les moyens qu’employèrent les rois de Hongrie pour favoriser l’essor de l’observance au XVe siècle différaient sensiblement de ceux par lesquels leurs pré-décesseurs avaient facilité l’installation des ordres mendiants dans le royaume, puis les débuts de la réforme franciscaine. La vague de créations amorcée par les rois angevins, en particulier Louis le Grand, retomba brusquement en effet sous leurs successeurs167. Les fondations royales du XVe siècle se réduisent à une poi-gnée d’établissements: Visegrád (et peut-être Tata) avant le milieu du siècle, puis Kolozsvár, Okolicsnó, auquel on peut ajouter Vajdahunyad, créé à partir d’un an-cien ermitage inachevé. En prenant en compte les deux fondations (Csíksomlyó et Tövis) dues au régent Jean de Hunyad – que l’on peut considérer comme le véritable maître du royaume des années 1440 à 1456 même s’il ne portait pas la couronne –, le total se monte à six ou sept maisons. Cela représente un huitième seulement des créations stables survenues dans le bassin des Carpates pendant le XVe siècle, transferts exclus; et si l’on s’en tient à la période 1458-1510, cette proportion tombe à moins de dix pour cent des fondations hongroises (trois sur trente-cinq)168. L’effacement du roi de Hongrie sur le terrain des créations observantes, perceptible aussi en Pologne (avec un cinquième des fondations)169, tiendrait au fait que, par nature, ces couvents n’acceptaient ni donation foncière,

159 H. Martin, Les ordres mendiants en Bretagne, 66-67, 73, 89-92.160 P. Péano, Documents sur les Observants, 333-340.161 Voir entre autres: G. Merlo, Ordini mendicanti.162 Histoire du christianisme VII, dir. J.-M. Mayeur et alii, 397-398 (Alain Milhou).163 Histoire du christianisme VII, dir. J.-M. Mayeur et alii, 405 (Alain Milhou).164 P. Nyhus, The Franciscan Observant, 212-213; Id.,The Franciscans in South Germany, 12-14.165 V. Gidžiunas, De initiis Fratrum Minorum, 62-63, 70.166 P. Hlavaček, Die böhmischen Franziskaner, 345 349.167 Comme note Beatrix Romhányi dans Monasteriologia Hungarica, 77.168 Voir graphique n°4.169 M. Derwich, Foyers et diffusion, 282-283. Voir aussi J. Kłoczowski, L’Observance, 186.

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ni services perpétuels financés par des rentes170. Or c’est à travers eux que le roi perpétuait la mémoire de sa pieuse munificence. Donner aux établissements des objets liturgiques de grande valeur, ainsi que l’indique la tradition tardive (1571) à propos du couvent d’Okolicsnó171, ne compensait qu’imparfaitement cet inconvé-nient. Pour inscrire leur œuvre dans la durée, les souverains magyars préféraient réserver l’essentiel de leurs faveurs aux autres ordres. Ajoutons que, de manière générale, tous ordres confondus, la tendance n’était plus après 1450 à l’institution de nouveaux établissement monastiques – dont le nombre pouvait objectivement apparaître comme suffisant, eu égard à la situation démographique du pays et à la dispersion de ses habitants – mais plutôt aux donations ponctuelles, aux fonda-tions de services et de chapellenies.

Cependant, le souverain apportait volontiers son concours aux propositions venues des habitants. A Szeged, par exemple, Mathias Corvin soutint active-ment le projet de construction d’un couvent observant dans la Ville Basse, vers 1480172. Les rois de Hongrie jouèrent un rôle plus déterminant encore dans la réforme des couvents existants. Comme en France à la même période (en Dauphiné173 et en Ile de France), ce sont les officiers royaux qui procédèrent à l’expulsion des conventuels et permirent aux observants d’entrer dans leurs murs, parfois contre l’avis de la population (à Jászberény). Les gouvernants magyars se trouvent en outre à l’origine de nombreuses demandes de transfert. En 1448, Jean de Hunyad demanda instamment au légat Carvajal, en son nom et en celui du conseil royal, l’attribution de sept couvents hongrois aux obser-vants174. En 1489, Mathias Corvin insista auprès du légat Angelo Pechinoli pour qu’il ordonne le transfert de six nouveaux établissements; il obtint satisfaction par la bulle du 1er mars 1490, même si sa mort un mois plus tard empêcha fina-lement l’accomplissement de ses volontés175. Alors que Sixte IV avait autorisé les habitants yazigues de Jászberény à installer des conventuels dans le bâtiment qu’ils venaient d’ériger dans la ville, Mathias imposa leur remplacement par des observants peu avant 1480176.

Le roi se fit aussi un devoir de confirmer ou d’élargir les privilèges dont jouissaient les observants. Sigismond renouvela ainsi en 1428 à l’intention de qua-

170 B. Romhányi, Monasteriologia Hungarica, 77.171 Karácsonyi II, 127.172 Karácsonyi II, 160-162.173 L. Viallet, Autour du Calvaire, 93.174 Karácsonyi I, 58 et 331-332.175 Karácsonyi I, 72-73.176 Karácsonyi I, 68-69.

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tre couvents méridionaux (Karánsebes, Orsova, Hátszeg, Cseri) l’exemption des douanes et péages et la fourniture gracieuse de bois provenant des forêts royales dont Louis le Grand les avait gratifiés177. Mathias Corvin confirma cette charte cinquante ans plus tard178. En 1480, il dispensait de toute taxe le gérant (confrater) du couvent de Jászberény179. François de Várda, trésorier royal sous les Jagellon, octroya aux religieux de la province salvatorienne un salvus conductus portant sur toutes les denrées transportées en direction de leurs maisons180. Le second formu-laire confirme pour les années suivantes que, lorsque les frères devaient acheminer des vêtements, de l’alimentation ou d’autres marchandises d’un couvent à un autre, ou traverser un fleuve pour effectuer leurs tournées de quête, leurs supérieurs les munissaient d’une attestation faisant état de leur exemption des contributions roya-les181. En période de travaux sur les bâtiments conventuels ou sur l’église, il n’est pas rare de voir le roi soutenir leur exécution de ses deniers: à Karánsebes en 1428, comme à Atyina, qui n’était pourtant pas une fondation royale, sous Wladislas II182. Le souverain apportait également aux observants un renfort juridique. L’accord conclu avec les conventuels en 1495, dont il se porta garant, avait été élaboré après consultation du roi et des légistes de la cour183. Il se fit l’avocat des observants hon-grois auprès du pape. En 1479, alerté par le vicaire Gabriel de Pály, qui redoutait une récupération des couvents hongrois par les conventuels, Mathias demanda au souve-rain pontife de maintenir les observants hongrois “dans leurs habitudes anciennes et dans la paix”; sans quoi toute la nation hongroise en pâtirait184. Le successeur de saint Étienne s’érigeait ainsi, comme son contemporain polonais Casimir IV (1447-1492)185, en protecteur affiché de l’observance franciscaine. On ne s’éton nera donc pas de voir les frères hongrois appeler le roi de Hongrie tutor, patrone ac protector nostri congregationis au début du siècle suivant (d’après le premier formulaire). Les dirigeants italiens en étaient eux-mêmes convaincus: en 1497, le ministre général demanda à Wladislas II Jagellon, en tant que protecteur des églises du royaume, d’expulser les responsables franciscains qui ne respecteraient pas l’ac cord de compromis signé entre observants et conventuels la même année186.

177 AcBos n° 679.178 Karácsonyi I, 349.179 Karácsonyi II, 83.180 1er form., fol. 148-148v.181 Kollányi, 72, d’après 2e form., fol. 238v.182 Karácsonyi II, 10-11.183 Karácsonyi I, 354.184 Karácsonyi I, 350.185 J. Kłoczowski, L’Observance, 186-187.186 Karácsonyi I, 77.

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N’oublions pas par ailleurs que c’est Sigismond de Luxembourg qui avait appelé Jacques de la Marche en Hongrie; moins comme réformateur que pour extirper le hussitisme du pays, certes, mais on a vu l’impact qu’eut son séjour sur l’essor de l’observance hongroise. Si Jean de Hunyad ne se trouve pas directement à l’origine de la venue de Jean de Capestran, il lui fit un très bon accueil187. Plus tard, Mathias relança la campagne de canonisation du prédicateur, restée en atten-te depuis le bref passage de Jacques de la Marche en 1457 puis l’enquête commen-cée en 1459 par Jean de Tagliacozzo. Il envoya un ambassadeur à Rome peu après 1460; sa mère, Elisabeth de Szilágy, intervint elle aussi auprès du pape188. Mathias répandit la rumeur selon laquelle il avait été libéré de ses geôliers (peu avant son élection royale en 1458) conformément à une prédiction qu’aurait faite Jean de Capestran à son père, sur son lit de mort189. Il faisait ainsi une belle publicité aux talents prophétiques du prédicateur. Après une pause de plusieurs décennies – liée au refroidissement des relations entre le roi de Hongrie et la papauté –, Wladislas et Louis Jagellon, puis Jean de Szapolya (après 1526) continuèrent de promouvoir la mémoire de Jean de Capestran auprès du Saint-Siège190.

Enfin, honneur suprême, les observants entrèrent dans l’entourage royal. Mathias avait pour confesseur un observant, frère Grégoire, dans les années 1480, de même que sa femme Béatrice, même si celui de cette dernière était italien191. Parmi les rares privilégiés qui suivaient le roi dans ses déplacements, les frères avaient leur place. Le premier formulaire contient un modèle de dispense com-posé sous Wladislas II, par laquelle un gardien ou un custode autorise un frère à accompagner le roi en voyage192. Enfin, les membres du couvent Saint-Jean de Buda entretenaient des liens étroits avec la cour royale. C’est la raison pour la-quelle, des années 1470 jusque dans les années 1520, le vicaire de Hongrie résidait de préférence dans cet établissement193, ainsi que le prouve sa correspondance, rédigée la plupart du temps depuis la capitale194. Dans les années 1530 encore, l’un des frères du couvent de Buda prêchait à la cour, tandis qu’un autre officiait en qualité de confesseur du roi Jean Ier195.

187 Karácsonyi I, 334.188 Andrić, 91-92, 157; Karácsonyi I, 340.189 Andrić, 92-93.190 Andrić, 162-163.191 Karácsonyi I, 350-352.192 1er form., fol. 102-102v (pj n°26). 193 Karácsonyi II, 20.194 1er form., passim.195 Karácsonyi II, 22.

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Des objectifs communs

Le soutien des Hunyades et de leurs successeurs Jagellon aux frères mineurs réformés s’inscrivait dans une longue tradition. L’implantation de l’ordre de saint François en Hongrie devait beaucoup, comme on sait, aux rois de la dynastie arpa-dienne. Les deux Angevins marchèrent sur leurs traces, pour asseoir leur légitimité sur le trône de saint Étienne, ainsi qu’en raison de leurs origines napolitaines. Les accointances entre la cour de Naples et le milieu des Spirituels motivèrent sans doute l’aide apportée par Charles Ier puis Louis le Grand à la fondation et à l’épa-nouissement de la vicairie de Bosnie, le noyau de l’observance franciscaine hon-groise. Elle servait également leur politique religieuse; en particulier sous Louis Ier d’Anjou, très attaché à son devoir royal de défenseur de la foi, et trop heureux de trouver dans les observants des agents susceptibles d’extirper toute forme d’hété-rodoxie du royaume. Avec les évêchés missionnaires, ceux-ci étaient son principal espoir de réaliser l’unité religieuse de la Hongrie196 et, par voie de conséquence, de raffermir l’autorité monarchique. Les rois de Pologne n’agiront pas autrement un siècle plus tard dans les frontières de leur immense royaume, en fondant des cou-vents observants là où vivaient d’importantes communautés orthodoxes197. Comme l’écrivait le vicaire Barthélemy d’Alverne à propos de la politique religieuse de Louis le Grand: “Ne pourront jamais être fidèles à leur souverain ceux qui se montrent in-fidèles envers Dieu par la différence de leur foi”198. L’intérêt des rois angevins pour les frères bosniaques tenait par ailleurs à des raisons stratégiques et diplomatiques: dans les provinces extérieures où leur autorité était mal reconnue (Bosnie, Bulgarie), voire aux marges méridionales et orientales du royaume, la fondation de couvents observants, précédée ou suivie de la conversion des autochtones, permettait aux rois de Hongrie d’enraciner leur emprise territoriale. En d’autres termes, elle appuyait l’expansionnisme hongrois199.

A partir du XVe siècle, le royaume magyar dut se placer sur la défensive. Sigismond de Luxembourg reprit néanmoins à son compte la politique de ses prédécesseurs. Surtout après la consolidation de son pouvoir intérieur, vers 1400, et lorsque se dissipèrent enfin les tensions nées de la nomination (en 1408) d’un

196 Á. Lang, Ortodox és eretnek, 94.197 M. Derwich, Foyers et diffusion, 279.198 Cité par Ádám Lang dans Ortodox és eretnek, 94.199 M.-M. de Cevins, L’alliance du sabre et du goupillon en Hongrie au XIVe siècle: les frères mendiants

comme agents de l’expansionnisme angevin dans les Balkans, communication présentée au colloque La diplomatie des États angevins aux XIIIe et XIVe siècles (Szeged-Visegrád-Budapest, 13-16 septembre 2007), à paraître.

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vicaire vénitien, en plein conflit avec la Sérénissime, qui obéissait de surcroît à l’autre pape (depuis 1410)200. Fonder des établissements réformés aux marges du royaume permettait de consolider les positions du catholicisme (au détriment de l’hérésie et du christianisme oriental) mais aussi la frontière avec les Ottomans, à une période où ces derniers se rapprochaient dangereusement de la Hongrie. Il y avait donc une fois de plus convergence d’intérêts entre la papauté (et l’ordre des fils de saint François) et le roi de Hongrie. Sigismond assigna bientôt un autre rôle aux observants venus de Bosnie: il encouragea leurs velléités à s’installer au cœur du royaume, par la fondation royale de Visegrád en 1425. Voulait-il seu-lement assurer par ce moyen l’avenir de la ville qu’il cherchait à développer, et notamment promouvoir le quartier où se trouvait le palais royal?201 Il n’y avait pas que cela. Les créations de couvents en Hongrie intérieure confiaient aux religieux réformés une parte de l’encadrement religieux des chrétiens, dévolu habituelle-ment au clergé paroissial et aux (autres) ordres mendiants.

A la fin de son règne, Sigismond ajouta une fonction que nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer brièvement: celle d’aumôniers militaires. Il demanda en janvier 1437 à Jacques de la Marche, alors vicaire de Bosnie, d’envoyer six à huit de ses compagnons auprès de l’armée qu’il menait à la guerre contre les Infidèles, “pour leur prêcher la parole de Dieu et promouvoir le salut de leur âme”202. Par la suite, Jean de Hunyad eut également recours à leurs services: bien avant que Jean de Capestran et ses compagnons ne l’accom pa gnent à Belgrade, il avait recruté des observants pour ses campagnes contre les Ottomans203. Tout porte à croire qu’il avait apprécié leurs prestations. Nul doute que, pour lui comme pour les ba-rons et les soldats qu’il commandait, la proximité avec la mort qu’il partagea avec les frères plusieurs années durant créa entre eux des liens très forts. Les origines géographiques et ethniques de Jean de Hunyad et les charges qu’il exerça au début de sa carrière l’inclinaient à une certaine sympathie envers les observants. Issu d’une famille valaque implantée au début du siècle à l’extrémité sud de la Transyl-vanie, il avait rempli les fonctions de ban de Turnu Severin (Szörény en hongrois) puis d’ispan de Temes (du nom de la rivière Timiş, aujourd’hui roumaine). A ce titre, il avait certainement eu des contacts personnels avec les occupants des nom-

200 Karácsonyi I, 315-316.201 Telle est l’hypothèse avancée par József Laszlovsky, qui invoque la simultanéité des

travaux sur le palais et sur le couvent tout proche. J. Laszlovszky, Királyi palota, en particulier p. 64-69. Elle paraît fragile, compte tenu du faible impact des créations observantes sur le développement urbain.

202 Karácsonyi I, 322.203 Karácsonyi I, 325.

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breux couvents de la région (Cseri, Kövesd, Karánsebes, Orsova…), contacts qui lui laissèrent apparemment le souvenir d’hommes admirables204.

Mathias Corvin hérita de l’estime que portait son père aux franciscains ob-servants. La Realpolitik qu’il pratiqua pendant tout son règne ne l’empêcha pas de se considérer lui aussi comme investi de la mission de promouvoir la nécessaire réforme de l’Église dans son royaume, à l’instar d’autres souverains européens205. Il la prit particulièrement à cœur, appuyant de toute son autorité les différentes réformes monastiques qui tardaient encore, chez les bénédictins comme chez les dominicains, à faire sentir leurs effets206. Au fil de ses conquêtes, il n’hésita pas à étendre le mouvement réformateur en dehors des limites de la province francis-caine de Hongrie. En témoigne la fondation du couvent de Weldsperg, en Autriche orientale, un couvent abandonné dont il demanda à Innocent VIII le rattache-ment à l’observance en octobre 1486207; il fit de même pour celui de Jawor en Silésie dans les mêmes années, sur le conseil de son chancelier morave Jean Fili-pec, fervent partisan du renouveau franciscain208. Mais l’appui de Mathias Corvin à l’observance répondait aussi à des visées pragmatiques. La participation des couvents du nord du pays à la prédication de la croisade lancée en 1469 contre le calixtin Poděbrady, à la demande du pape, lui montra l’intérêt politique qu’il y avait à soutenir l’ordre… du moins tant que les vues de celui-ci ne divergeaient pas trop ostensiblement des siennes. En bref, les mineurs réformés faisaient office comme sous les Angevins d’agents favorisant la réalisation de ses ambitions extérieures, pour peu qu’il les dissimule sous des arguments religieux.

Des liens précoces avec la noblesse hongroise

Sur les 71 fondations observantes nées par création (transferts exclus) attes-tées par la documentation, 41 émanent de membres de la noblesse hongroise209; sans compter deux fondations avortées, survenues dès la fin du XIVe siècle. Entre

204 Karácsonyi I, 325.205 Généralités et étude du cas français dans J.-M. Le Gall, Les moines, 122-129. Sur l’im-

plication dans la réforme monastique des princes allemands, qui en profitèrent pour ac croî tre leurs prérogatives religieuses, aperçu synthétique dans J.-M. Mayeur et alii (dir.), Histoire du christia nisme VII, 313 (Francis Rapp).

206 E. Mályusz, Egyházi társadalom, 295-296.207 MVH, t. I, vol. 5, n° CLXXXIII, 233-234. De la même façon, il demanda au pape en 1478

la réforme du couvent dominicain de Budějovice (en allemand Budweiss), en Moravie. A. Harsányi, A domonkosrend, 65.

208 P. Hlavaček, Die Böhmischen Franziskaner, 349.209 Voir graphique n°4.

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les années 1440 et 1514, la participation des aristocrates atteignit 60 % du total (29 sur 48). C’est mieux qu’en Pologne, où une dizaine seulement des 25 fondations observantes résultaient d’une initiative nobiliaire210. On pourrait y ajouter l’inter-vention des prélats – presque tous issus du milieu aristocratique – qui contribua à étendre le réseau des couvents observants (avec cinq demandes de fondation, dont quatre après le milieu du siècle211), dans des proportions moindres cepen-dant que dans la province polonaise212. Dans le royaume magyar, le phénomène des créations nobiliaires est ancien: il remonte aux années 1370. Il se poursuivit sous le règne de Sigismond de Luxembourg, prenant le relais des fondations roya-les angevines. A son apogée, des années 1410 aux années 1430 (avec près d’une création nobiliaire tous les deux ans), les dirigeants de la vicairie hongroise pei-naient à trouver des occupants pour peupler les nouveaux établissements, tant ils étaient nombreux213. Le rythme des fondations redevables aux nobles resta très soutenu jusqu’à l’aube du XVIe siècle. Après 1514, ils étaient les derniers à fonder (ou à restaurer) des couvents, jusqu’en 1546 (!), à Ormosd214. On enregistre certes un net fléchissement dans les années 1470, probablement lié à la politique inté-rieure de Mathias Corvin: après la terrible conjuration de 1471, qui faillit lui coûter son trône, il procéda au renouvellement partiel de l’aristocratie hongroise.

Les grands appuyèrent d’autre part le processus des transferts. Ils en firent la demande expresse au souverain pontife pour les couvents de Sárospatak en 1448215 et d’Újlak en 1451216, comme à Gyöngyös (requête formulée par Jean Ország de Gút) et à Szécsény en 1467 (par le palatin Michel Ország, après une première démarche effectuée en ce sens par la reine-mère l’année précédente)217. Les observants leur devaient au total près de la moitié des couvents réformés par translatio. Avec plus de détermination encore que le roi, les nobles n’hésitaient pas à user de la force pour imposer l’attribution d’un couvent aux observants. A Szécsény les gardes du palatin Michel Ország empêchèrent le retour des conventuels dans l’établissement, malgré l’accord officiellement conclu par les chefs des deux provinces franciscaines en 1469 et approuvé par le pape qui stipulait le contraire218. Nicolas d’Újlak mit un point

210 M. Derwich, Foyers et diffusion, 282-283; chiffres sensiblement différents dans J. Kłoczowski, L’Observance, 8686.

211 Voir graphique n° 4.212 M. Derwich, Foyers et diffusion, 282-283.213 Karácsonyi I, 314-315.214 Voir graphique n° 4.215 Karácsonyi I, 59 et 331.216 Karácsonyi I, 60.217 Karácsonyi I, 58-59, 66, 344; MOL, Dl 73519.218 Voir chapitre premier.

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d’honneur à construire – contrairement aux vœux du défunt – une superbe chapelle funéraire pour abriter le corps de Jean de Capestran. S’érigeant lui aussi en protecteur des observants – surtout depuis qu’il avait été nommé roi de Bosnie par Mathias Corvin –, il sollicita avec succès de Sixte IV la confirmation de leurs privilèges219.

Les nobles hongrois soutinrent également les observants par leurs dons gé-néreux. Ceux-ci atteignaient parfois des montants vertigineux. En 1492, Étienne Csupor, neveu du fondateur, légua aux frères de Monoszlóváralja la coquette somme de six cents florins pour qu’ils réparent la toiture du couvent, ainsi que cent florins pour redorer leur monstrance et vingt autres en échange de prières à son intention; il y ajouta cinq florins pour chaque couvent de la custodie de Sla-vonie220. Les grands assumaient volontiers les frais qu’impliquaient la tenue des chapitres provinciaux: à Gyula en 1452, à Várpalota quatre ans plus tard (grâce là encore à Nicolas d’Újlak), comme en 1481 à Abaújszántó, terre des Szapolya, puis à Atya, fief des Marót, en 1495, 1499 et 1511221. Certains obtinrent du souverain pontife des indulgences en faveur de leur création, tel le ban Jean de Marót pour le couvent d’Atya dès 1415, qui devint un centre de pèlerinage régional222.

De quels nobles parlons-nous au juste? Si l’on s’en tient aux fondateurs de couvents et à ceux qui demandèrent leur transfert, on constate qu’il s’agit pres-que exclusivement de barons, et plus précisément de barons proches de la cour royale223. Rien de très étonnant à cela, puisqu’ils étaient les seuls à disposer des moyens et du prestige nécessaires pour procéder à des fondations monastiques et s’adresser directement au pape avec quelque chance d’être entendu. Sous Si-gismond, nous trouvons les Gara, les Marót, les Losonc, mais aussi des familles moins illustres comme les Jakcs de Kusaly, les Kórógy, les Geszt, ainsi que des étrangers proches du roi, tels Pipon d’Ozora ou encore le despote serbe vassal du roi de Hongrie Georges Branković. Par la suite, dans les années 1440, ce sont les Újlak et les Hunyad qui s’investirent le plus dans les fondations observantes. Les rejoignirent sous Mathias Corvin des membres de la moyenne noblesse entrés depuis peu au service du roi (les Bodó à Györgyi, les Csupor à Monoszlóvára-lja, les Czecze à Okolicsnó) ou des barons de souche plus ancienne (les Bátor,

219 C’est à sa demande que pape ordonna à l’évêque de Veszprém de confirmer et de faire respecter ces privilèges le 20 mars 1474. Karácsonyi I, 345-346.

220 Karácsonyi II, 120.221 Karácsonyi I, 337, 332-333 350 et II, 10.222 Karácsonyi II, 9.223 György Galamb l’observe en particulier pour les fondations des années 1410-1440. A

ferences obszervancia, 169-170. La remarque vaut pour les créations des décennies suivantes. Voir Tableau synoptique des couvents.

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fondateurs des couvents de Nyírbátor et de Kőröshegy). La construction du couvent de Szakolca, à partir de 1467, n’aurait pu commencer sans l’aide de Jean de Tarca, capitaine de Mathias Corvin considéré comme bienfaiteur de l’établissement, qui séjourna dans la région dans les années 1467 à 1470224. Ces barons avaient généralement des attaches en Hongrie méridionale; c’est là qu’ils avaient fait connaissance avec l’observance franciscaine du temps de la vicairie de Bosnie. Lorsqu’ils reçurent du roi des domaines situés plus au nord, ils y “importèrent” le mouvement: après les Gara (pour le couvent de Pápa) et les Újlak (à Várpalota), les Rátót de Paks (à Paks)225 et les Szapolya, originaires des rives de la Save (pour Szántó) fondèrent à leur tour des couvents observants sur leurs nouvelles terres226. Leur initiative faisant souvent suite à une donation royale, on peut considérer que c’est pour remercier Dieu et le roi, en quelque sorte, que le bénéficiaire y instituait une maison de frères mineurs réformés. La genèse du couvent de Fülek, né après que Ladislas V eut récompensé la loyauté de Jean de Perény par d’importantes concessions foncières en 1455, illustre ce cas de figure227; il se reproduisit à Atyina en 1496, domaine que la veuve de Jean (Ivan) de Korbava venait de recevoir du roi228. Ou bien, sur le modèle de Jean de Hunyad, les grands rendaient grâce à Dieu de cette manière après une vic-toire militaire, comme à Nyírbátor, fondé probablement par le voïvode Étienne de Bátor au lendemain du refoulement par celui-ci des pillards turcs battus à Kenyérmező en 1479229.

Les liens entre l’aristocratie hongroise et l’ordre de saint François sont presque aussi anciens que ceux qui unissaient les rois de Hongrie aux membres de cet ordre. Rappelons que, dès le XIIIe siècle, et plus encore au siècle suivant, les barons avaient multiplié les fondations franciscaines. Ils lui reconnaissaient certes quelques incon-vénients par rapport aux fondations monastiques ou séculières (collégiales ou pa-roissiales) de leurs ancêtres. Ils n’exerçaient sur les églises mendiantes qu’une partie du droit de patronage (jus patronatus) puisqu’ils ne pouvaient prélever leur part des revenus fixes de l’établissement (comme ils le faisaient pour les dîmes paroissiales ou les biens monastiques) et ils ne jouaient aucun rôle dans la désignation du supé-rieur de l’établissement (nommé par les membres de l’ordre). Mais les fondations

224 Karácsonyi II, 54.225 Karácsonyi II, 133.226 C’est ce qu’avait déjà pressenti János Karácsonyi (dans Szent Ferencz II, 160), à partir

d’une poignée d’exemples.227 MFL, fds I, ms LII.228 Karácsonyi II, 10-11.229 Karácsonyi II, 125.

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franciscaines les dispensaient de rogner leur patrimoine foncier, tout en conservant les mêmes fonctions d’exaltation de la mémoire familiale, de cohésion lignagère et de sacralisation de la résidence seigneuriale que les églises monastiques ou sé-culières. Les fondateurs enterraient leurs membres dans les sanctuaires des frères mineurs et y faisaient représenter leurs armoiries230. Les petits seigneurs, faute de pouvoir les imiter, se bornaient à financer la tenue de leurs chapitres ou à choisir parmi eux un confesseur231.

Dans les années 1440 encore, les nobles hongrois continuaient à soutenir de leurs deniers les franciscains de la province conventuelle232. Toutefois, à partir des années 1370, ils délaissèrent lentement les fondations traditionnelles pour s’intéresser aux observants. Appuyer la réforme des mendiants à une période où ils étaient de plus en plus décriés contribuait immanquablement à légitimer leurs pouvoirs spirituels en tant que patroni. Or, par leur discours modéré, les francis-cains observants ne risquaient pas de remettre en cause leur position sociale. Bien au contraire, leurs maisons pouvaient, comme celles des frères mineurs ordinaires, perpétuer le souvenir familial, en acceptant la sépulture du fondateur et de ses héritiers. En vertu des Constitutions d’Atya, la décision d’accéder à la demande d’un laïc souhaitant être enseveli dans une église observante, dans l’habit francis-cain, dépendait seulement du gardien du couvent233. On imagine que, face aux puissants seigneurs du voisinage, les gardiens avaient rarement la témérité de leur opposer un refus. Au moment de demander la réforme du couvent d’Újlak, Nico-las rappelle qu’il avait été fondé par l’un de ses ancêtres – en l’occurrence Ugrin Posa d’Újlak, qui vécut à la fin du XIIIe siècle – et que la tradition familiale voulait que les siens y fussent enterrés de génération en génération; à aucun moment il n’envisage de mettre fin à la vocation funéraire de l’église franciscaine234. Outre celui d’Atya, fief des Geréb qui s’y firent ensevelir en 1483, en 1502 et encore en 1504235, l’exemple du couvent de Szalárd, fondé en 1395, trahit la même conti-nuité. Dans son testament daté de 1490, François de Csák, comte des Sicules et descendant des fondateurs du couvent, demandait encore à y être inhumé,

230 M.-M. de Cevins, L. Koszta, Noblesse et ordres religieux, 600.231 M.-M. de Cevins, L. Koszta, Noblesse et ordres religieux, en particulier p. 590-596; Karác-

sonyi I, 43.232 Les sondages que j’ai eu l’occsion d’effectuer dans les fonds urbains de Hongrie le

prouvent. M.-M. de Cevins, L’Église dans les villes hongroises, 223.233 LERH III, 615.234 …juxta omnem ipsius progenitorum consuetudinem apud ecclesiam dicte domus sepulturam haben-

tium inibi etiam sepeliri. 1er form., fol. 172.235 Karácsonyi II, 10.

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CHAPITRE 3144

avec son fils Benoît236. Les armes familiales avaient été sculptées sur les murs de l’église237. Même lorsqu’ils n’étaient que bienfaiteurs, les nobles des environs pouvaient obtenir des faveurs similaires, ainsi qu’on l’observe à Marosvásárhely238, à Sárospatak239 et à Okolicsnó240. Étienne Csupor, à la fois héritier du fondateur et généreux bienfaiteur, obtint en 1492 l’honneur insigne d’être enseveli devant le maître autel241. En Pologne-Lituanie également, cette fonction de représenta-tion lignagère concourait au succès de l’observance auprès des membres de la noblesse242, tout comme en Bretagne243, en Italie244 ou encore en Allemagne245. Elle se doublait parfois en Hongrie de l’exaltation personnelle du donateur, par l’entremise de son saint patron, comme le montre cet exemple tar dif: à l’époque où il consentait d’importants dons au couvent de Márosvásárhely en vue de s’y faire enterrer (en 1525), le vice-voïvode Léonard de Barlabás commandait l’exécution sur les murs de l’église de fresques illustrant la vie de saint Léonard246.

En outre, créer un établissement observant présentait d’indiscutables avanta-ges matériels par rapport aux fondations traditionnelles. Cela n’impliquait pas un engagement très lourd pour le fondateur, qui n’était plus tenu d’assurer des revenus stables à ceux qui l’occupaient. Il lui suffisait de financer la construction et l’entre-tien des bâtiments, d’équiper l’église des ornements ecclésiastiques indispensables, de fournir aux frères une dotation initiale en vivres et autres biens meubles et de leur trouver un gérant (confrater) laïc. Peut-on se risquer à interpréter les demandes de transferts émanant des seigneurs comme une manière de reprendre possession des biens dont leurs ancêtres avaient doté l’établissement initial, en arguant de leur mauvaise utilisation par les frères “déformés”? L’examen attentif des sources in-cite, en Hongrie comme en Allemagne (dans la province de Saxe)247, à ne pas

236 Karácsonyi II, 158.237 Rusu, 223.238 Les armes des Apafi figurent sur l’une des tombes de la fin du XVe siècle récem ment

exhumées dans l’église franciscaine. Z. Soós, The Franciscan Friary, 261.239 B. Kovács, Az egri egyházmegye története 1596-ig [Histoire du diocèse d’Eger jusqu’en 1596],

Eger, 1987, 112, cité par Erdélyi, 186.240 Papp, 42-44.241 Karácsonyi II, 120.242 J. Kłoczowski, L’Observance, 186; V. Gidžiunas, De initiis Fratrum Minorum, 62-63, 70.243 H. Martin, Les ordres mendiants, 66-67 73 89-92.244 G. Zarri, Aspetti dello sviluppo, 238-240.245 P. Nyhus, The Observant Reform, 166-167.246 Z. Soós, The Franciscan Friary, 263.247 F. Doelle, Die Observanzbewegung, 70. Les recherches menées plus récemment par Ber-

nard Neidiger (à Bâle) confirment ce point de vue. Voir Mendikanten.

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tomber dans la caricature. Lorsque Nicolas d’Újlak demanda la translatio du cou-vent franciscain de la ville à Nicolas V, il n’en profita pas pour récupérer son temporel. Il stipula au contraire que les biens des conventuels iraient à l’hôpital de la ville qui, déclarait-il, en avait davantage besoin que les observants248. Et il tint parole, comme le prouve la sentence épiscopale prononcée après enquête à la fin de l’année 1451249. Quant aux objets liturgiques de valeur, du moins ceux que les conventuels n’avaient pas vendus ou mis en gage, il les laissa aux observants. Il n’était pas perdant pour autant: le décès sur place de Jean de Capestran, qu’il avait tout fait pour retenir sur place après la victoire de Belgrade, fit de la modeste bourgade d’Újlak un actif foyer de pèlerinage susceptible d’augmenter de manière substantielle les revenus de son seigneur250.

Les frères de l’observance avaient un atout supplémentaire aux yeux des aris-tocrates: leur vocation missionnaire. Une véritable aubaine pour les seigneurs du sud et de l’est du royaume qui voyaient déferler sur leurs terres des foules de réfu-giés roumains, ruthènes, serbes ou bulgares, tous orthodoxes251. Certains fondateurs nobles ne justifient pas autrement leur fondation, de Nicolas de Csák à Szalárd en 1400, au despote serbe Georges Branković, fondateur du couvent de Nagybánya en 1437252. Bien avant les prêches de Jean de Capestran exhortant en 1455 les nobles transylvains à “convertir” leurs paysans, les nobles des confins adhéraient à une entreprise grâce à laquelle ils espéraient mettre fin aux antagonismes culturels et religieux qui déchiraient leurs domaines253. Sur un plan plus terre-à-terre, elle lais-sait entrevoir aux fondateurs nobles la perspective de toucher leur part des dîmes versées par les nouveaux catholiques.

On ne saurait négliger pour finir la part des qualités distinctives des francis-cains observants dans le soutien des nobles hongrois à l’observance franciscaine. Les barons et les petits chevaliers qui combattaient contre les Turcs depuis les années 1440 avaient pu apprécier leurs services spirituels et leur courage person-nel en tant qu’aumôniers militaires. L’installation des observants à Buda et à Pest dès 1444, où les barons du royaume séjournaient fréquemment pour traiter leurs affaires à la cour royale, contribua certainement à les faire connaître. Les grands

248 eisdem fratribus juxta ipsorum requisitionem in omnibus ipsorum necessitatibus auxilio et juvamine adesse debeant… Karácsonyi I, 60.

249 MFL, inv. 1930, p. 7, n° 48 et 49; CsML, bullaire de Szeged, fol. 91-92 et 92-94 (confir-mation de l’archevêque d’Esztergom datée du 21 décembre 1451).

250 Andrić, 69.251 Karácsonyi I, 311 313.252 Karácsonyi I, 313-315, t. II, 121.253 … populi devotio in ipsorum consueto et pacifico statu conquiescat , lit-on dans un document de

1445. Cité par György Galamb, dans A ferences obszervancia, 170. Source: AF, t. XII, 285, n° 65.

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purent sans doute mesurer à cette occasion la piété et le degré d’élévation des membres de la branche réformée de l’ordre254. Célébré par des ministres aussi exceptionnels, le culte divin ne manquerait pas de réduire les souffrances endurées au Purgatoire par les fondateurs et bienfaiteurs de leurs maisons255.

Les réticences de la bourgeoisie urbaine

Les habitants des villes et des bourgades, patriciens inclus, participèrent ti-midement au développement du réseau observant. Seuls quatre à cinq établisse-ments – ceux de Kabol (créé en 1421)256, de Medgyes (avant 1444), de Szakolca (en 1467, avec l’aide toutefois de Jean de Tarca), de Szeged (fondé avec l’appui du roi vers 1480)257 et de Brassó (demandé par les habitants en 1492 et finale-ment accordé en 1507)258 répondaient aux voeux des citadins. Les bourgeois ne réclamèrent visiblement aucun transfert – sinon à Újlak, mais probablement en cédant aux pressions du seigneur de la ville, Nicolas d’Újlak, dont nous avons vu combien il était attaché à la réforme du couvent.

Pire, à Kolozsvár, ils inventèrent mille et un prétextes pour retarder autant que possible l’installation de frères observants. Lorsque le roi demanda à la mu-nicipalité de trouver un terrain pour le couvent qu’il voulait fonder dans la ville, elle ne lui proposa (en novembre 1486) qu’un lopin situé à la périphérie, en exi-geant que le loyer des maisons qui s’y trouvaient continue d’être versé à leur propriétaire259. Mathias Corvin dut ordonner l’année suivante aux conseillers de déléguer deux hommes compétents pour aider les frères à effectuer les travaux de construction et à se procurer les matériaux nécessaires260… preuve de ce que les habitants ne leur avaient apporté jusque là aucun concours.

Ces réticences tiennent vraisemblablement aux liens qu’entretenaient les conventuels avec les notables locaux (comme souvent en France261). Ces derniers trouvaient injustes les reproches faits aux conventuels, et nous savons maintenant

254 Karácsonyi I, 331.255 Ainsi que le rapporte en 1451 le pape Nicolas V, en réponse à la demande de trans-

fert émise par Nicolas d’Újlak, à l’archevêque d’Esztergom. MOL, ms Df 275506. Voir aussi Erdélyi, 185.

256 Karácsonyi I, 314.257 Karácsonyi II, 160-166.258 Boros, 40.259 Karácsonyi II, 99. Source: György (éd.), 664-665, n° 8.260 Karácsonyi II, 99. Source: György (éd.), 665-666, n° 9.261 J.-M. Le Gall, Les moines, 87-89.

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qu’ils n’avaient pas toujours tort sur ce point ; ils leur confiaient encore leurs en-fants et se montraient prodigues à leur égard.

Les remarques précédentes confirment l’impression selon laquelle ce ne sont pas les tares des conventuels qui expliquent le succès de l’observance franciscaine dans le bassin carpatique, mais la profonde convergence de vues qui unissait le pape au roi de Hongrie et aux aristocrates magyars. Tous n’aspiraient finalement qu’à une chose à la fin du XVe siècle, que ce fût par sentiment religieux, par intérêt politique ou pour obtenir la paix sociale: consolider les positions du catholicisme en Hongrie, pour faire front contre le péril ottoman.

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DEUXIÈME PARTIE

L’APOGÉE (VERS 1490 – VERS 1510)

La seconde moitié du XVe siècle avait vu l’expansion spectaculaire de l’obser-vance franciscaine en Hongrie. La réforme des frères mineurs ayant été réalisée sur un mode pacifique mais autoritaire, grâce au soutien des élites, il restait aux religieux à convaincre la population de leur utilité spirituelle. Sans quoi elle ris-quait de demeurer un phénomène artificiel, imposé d’”en haut” et donc voué à l’échec, faute d’aumônes et de vocations. Un risque d’autant plus grand qu’elle évoluait depuis la fin des années 1480 dans un contexte de récession économique, de stagnation démographique et de tensions sociales. En outre, l’affaiblissement du pouvoir royal après la mort de Mathias Corvin (le 6 avril 1490) et les luttes de factions entre barons à la cour pouvaient lui ôter les précieux appuis qui avaient permis sa mise en œuvre.

Les récents progrès des Turcs dans les Balkans, en cristallisant les peurs des fidèles autour de la figure de l’Infidèle, furent incontestablement favorables aux observants hongrois. Mais ils durent surmonter un nouvel obstacle. A l’heure des invectives de Savonarole et de la résurgence du prophétisme eschatologique, ils de-vaient maintenir envers et contre tous – des supérieurs italiens de l’observance aux dissidents hongrois – ce qui faisait depuis toujours l’ori ginalité de l’observance ma-gyare: son adéquation au terrain local. Sans pour autant donner du grain à moudre aux conventuels, qui relançaient alors auprès du pape les projets de fusion visant à mettre un terme définitif à l’autonomie des observants, au nom de l’obéissance.

Les “frères de Cseri” réussirent l’exploit de gagner sur tous les tableaux. Au prix de concessions mineures, ils consolidèrent leur organisation administrative sans renoncer à leur liberté d’action. Ils maintinrent les particularismes de leur vie monastique. Enfin, ils se postèrent à l’avant-scène de l’Église hongroise et s’acquirent toujours plus de suffrages dans la société civile.

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Chapitre 4

UNE ORGANISATION PERFECTIONNÉE

La réforme des ordres monastiques et mendiants comportait des aspects institutionnels, que l’on ne saurait négliger d’emblée au motif qu’ils n’occupaient pas le centre des débats entre “déformés” et “réformés”1. Rappelons à cet égard que l’essor de l’observance franciscaine à partir des foyers d’Ita lie centrale et sep-tentrionale s’était accompagné d’une centralisation territoriale qui avait grande-ment facilité la diffusion du mouvement2. De manière plus générale, l’heure était à la codification, afin que rien ne puisse prêter à confusion ou laisser planer le doute en matière de respect de la règle. L’exemple hongrois exprime également cette préoccupation: le montre aussi bien la rédaction en 1499 des Constitutions d’Atya, d’une longueur et d’une précision peu communes, que la fabrication des formulaires, qui prolongeait la législation provinciale en établissant des modèles d’actes à reproduire mot pour mot3.

L’une des forces de l’observance franciscaine hongroise à la fin du Moyen Âge résidait dans la solidité et le perfectionnement de son armature administra-tive. Longtemps calquée dans ses grandes lignes sur celle des autres provinces de l’ordre, elle fit l’objet au cours de la seconde moitié du XVe siècle d’ajouts succes-sifs répondant à la spécificité du contexte magyar. Ils aboutirent à la mise en place d’un système très élaboré, que donnent à voir les Constitutions de 1499. Doté de multiples rouages, il permettait de faire circuler ordres, informations et desiderata du niveau des simples frères jusqu’à celui du vicaire (puis ministre) provincial.

Nous en examinerons les principaux aspects dans ce chapitre, en soulignant leurs traits originaux, dans la norme comme dans son application con crète, il-lustrée par le premier formulaire. Ne perdant pas de vue les hommes qui se cachent derrière les institutions, nous accorderons une attention particulière à la

1 R. Darricau, Avant-propos de La réforme des réguliers en France, 7.2 G. Zarri, Aspetti dello sviluppo, en particulier 222-227.3 Comme le suggérait déjà Jenő Szűcs dans A ferences obszervancia, 221-222.

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réglementation concernant le recrutement et la formation des frères: elles aussi faisaient la qualité – voire la supériorité – de l’observance hongroise. Mais au préalable, il nous faut éclaircir la question des relations avec le centre italien du mouvement, marquées par le retour de la province hongroise dans le giron cismontain en 1502. Elle pose à nouveau le problème de l’autonomie des obser-vants hongrois, par rapport aux leaders de l’observance franciscaine – qui cher-chaient alors à la centraliser pour l’unifier –, comme vis-à-vis des responsables conventuels.

I. L’autonomie préservée au sein de l’ordre

On se souvient de ce que la fondation de la vicairie de Hongrie en 1448, et plus encore la décision prise dix ans plus tard de quitter la familia cismontana pour ne dépendre que du ministre général de l’ordre, traduisaient la volonté qu’avaient les frères hongrois de s’affranchir une fois pour toutes de la tutelle des dirigeants conventuels, sans avoir pour autant à subir celle des chefs italiens du mouvement4. Quatre décennies plus tard, ils faisaient machine arrière en retournant parmi les Cismontains. Auraient-ils renoncé à préserver ce qui faisait leur singularité dans le paysage contrasté de l’observance, comblant ainsi les espoirs d’une direction italienne plus soucieuse que jamais d’homogénéiser la réforme? Elle s’acharnait alors à établir une distinction stricte entre les “vrais” observants, reconnus et intégrés aux cadres administratifs de l’observance franciscaine, et les groupus-cules extrémistes, souvent à tendance érémitique, qui avaient fleuri ici et là sous couvert d’observance5. En réalité, la démarche de 1502, effectuée à contrecoeur, s’explique par l’épreuve de force qui venait d’opposer les observants hongrois aux conventuels.

Concessions aux conventuels…

L’essor de l’observance, même sous forme de créations ex nihilo, avait suscité dès le départ de vives querelles avec les conventuels de la province hongroise, on s’en souvient. Elles redoublèrent d’intensité au tournant des XIVe et XVIe siècles. A l’opposé de nombreux royaumes occidentaux (en France par exemple), c’est après la réforme des couvents, et non au moment critique de son instauration, que la tension atteignit son paroxysme en Hongrie. Cette différence tient à l’évolution

4 Voir chapitre 2.5 D. Nimmo, Reform and Division, 204.

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du contexte national. Depuis la mort de Mathias Corvin, souverains, prélats et ba-rons se montraient davantage préoccupés par leurs intérêts personnels, matériels ou politiques, que par le soutien au mouvement. Étouffées jusqu’alors par le ca-ractère autoritaire d’un courant qui avait la force pour lui, les revendications des conventuels purent enfin s’exprimer au grand jour. Les craintes des observants hongrois, désormais sur la défensive, se lisent à l’insistance qu’ils mirent à de-mander au pape, à partir des années 1470 et jusque dans les premières décennies du XVIe siècle, la confirmation des textes qui réglementaient leurs relations avec les franciscains traditionnels. Dès le début des années 1490, ils se cherchèrent un porte-parole au sein du haut clergé. Le pape désigna l’évêque d’Eger Tho-mas Bakócz, proche de la cour, protecteur (conservator) des observants en 1491; tandis que les conventuels bénéficieraient de l’appui officiel de l’archevêque de Kalocsa, Pierre de Várad, lui aussi nommé par le pape6. Les années qui suivi-rent furent caractérisées par d’âpres négociations entre les deux camps. Certes, menés sur le terrain juridique par la voie de la négociation et du compromis, les heurts ne furent jamais aussi violents qu’en France, où ils défrayèrent la chronique jusque dans le premier tiers du XVIe siècle. Il y eut même de beaux instants de solidarité franciscaine, en particulier lorsqu’il s’agissait de défendre les droits des frères mineurs face au clergé paroissial. Ainsi, quand les délégués de la province conventuelle rentrèrent de Rome avec un exemplaire de la bulle Mare magnum de Sixte IV, datée du 31 août 1474, qui énumérait tous les privilèges accordés antérieurement à l’ordre, ils acceptèrent d’en transmettre une copie au vicaire observant, Brice de Tolna7.

Les conflits entre observants et conventuels concernaient tout d’abord l’exercice de la juridiction particulière. La présence simultanée de deux couvents franciscains, l’un conventuel, l’autre observant (à Szeged et à Nagyvárad) posait le problème de leur concurrence dans la pastorale: elle entraînait un inévitable manque à gagner pour l’établissement conventuel, au plan du rayonnement spiri-tuel, comme sur celui des moyens de subsistance des frères (aumônes, quêtes et dons). Elle explique que les conventuels se soient opposés pendant une bonne quinzaine d’années à l’installation des observants dans la ville de Szeged, décidée par le roi Mathias Corvin dès le début des années 1480. Ce n’est qu’en 1495 que les observants sortirent de l’impasse, et à condition (en vertu de la première clause de l’accord conclu avec le ministre provincial le 3 mai 1495) de laisser les frères de l’établissement conventuel quêter à leur guise aux abords de la ville8. A l’échelle du

6 Karácsonyi I, 353-354.7 Karácsonyi I, 70.8 Karácsonyi I, 74 et 354-355.

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royaume, le problème se résolut finalement à l’avantage des conventuels, puisque les observants durent s’engager en 1497 à ne plus construire de couvents là où existait déjà une maison franciscaine9.

Si la tutelle sur les fraternités de tertiaires ne semble pas avoir occasionné de conflits entre observants et conventuels hongrois, celle qui s’appliquait aux clarisses mit longtemps à faire l’objet d’un consensus. Non pas dans le cas où les frères avaient reçu, au moment de leur transfert, la surveillance du couvent fémi-nin tout proche (à Sárospatak), ni bien sûr lorsque la fondation de celui-ci était survenue après-coup (à Kolozsvár), mais seulement quand les soeurs vivaient à proximité d’un établissement conventuel qui les avait encadrées jusqu’à l’arrivée des observants dans la ville. Le provincial de Hongrie prétendait en effet avoir son mot à dire dans la direction des établissements féminins qui comptaient dans leur voisinage un couvent de frères conventuels, même lorsque leur garde avait été explicitement confiée aux observants. C’était le cas à Óbuda, dont le couvent de clarisses relevait normalement (depuis le milieu du siècle) des observants de Saint-Jean de Buda, à quatre ou cinq kilomètres de là. En 1480, le provincial Benoît d’Esztergom accorda aux religieuses d’Óbuda l’autorisation de recevoir des visiteurs, à condition que ceux-ci ne passent pas la nuit sur place. Indignés, les dirigeants observants interdirent immédiatement les visites aux clarisses sous la menace de l’excommunication. Le conflit, soulignons-le, ne portait pas sur l’in-terprétation de l’obligation de clôture, mais sur le fait que le ministre de Hongrie s’était octroyé le droit de répondre aux religieuses en tant que leur supérieur. En d’autres termes, ce n’est pas parce que les “déformés” jouaient mal leur rôle que les observants réagissaient aussi vigoureusement, mais parce qu’ils considéraient que les conventuels n’avaient pas à intervenir dans cette affaire. Celle-ci fut bien-tôt portée à Rome. Les deux délégués chargés par le pape de résoudre le conflit donnèrent raison au provincial conventuel10. Mathias Corvin tenta alors d’annuler cette disposition. Accusant les conventuels de négligence, il obtint en 1489 du lé-gat puis du pape lui-même le rattachement officiel des clarisses d’Óbuda à l’obser-vance. Sa mort empêcha cependant l’application de cette décision et, comme le prouve un document de 1497, les soeurs demeurèrent sous l’autorité du ministre de la province conventuelle de Hongrie11. En 1502, une convention statua enfin sur ce cas de figure. Entérinant une situation de fait, elle prévoyait que les établis-sements de clarisses situés dans les villes où se trouvaient des franciscains tradi-tionnels seraient placés sous leur tutelle, et non sous celle des observants. Une

9 Voir chapitre premier.10 Karácsonyi I, 70-71.11 Karácsonyi I, 72-73.

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fois de plus, même si leur autorité sur les autres couvents féminins restait intacte – leurs confrères espagnols12 et français13 n’eurent pas toujours cette chance – les observants avaient été contraints de reculer.

La multiplication des couvents observants soulevait par ailleurs la question des transfuges. Les responsables de la province conventuelle, déjà inquiets du tarissement des vocations, redoutaient que les départs ne se transforment en une véritable hémorragie. De nombreux frères mineurs en désaccord avec leurs supé-rieurs tiraient argument de l’existence des observants pour quitter leur couvent; ils entraient chez les réformés ou… grossissaient les rangs des clercs gyrovagues. D’après sa transcription de 1496, un accord entre les deux provinciaux hongrois, avalisé par le ministre général, interdit dès le 16 mai 1475 l’admission d’un frère conventuel dans la province observante, sauf approbation écrite du ministre pro-vincial14. Il reprenait en substance les clauses du décret pontifical de Paul II – confirmé par son successeur en 1496 à la demande du vicaire observant de Hon-grie –, qui précisait qu’aucun conventuel ne serait autorisé à passer à l’observance sans autorisation écrite précisant d’où il venait et dans quel couvent il se rendait15. Les chefs des deux provinces s’étaient récemment entendus sur ce point par la convention de mai 1495, renouvelée en 1497. Ils décrétèrent que nul ne pourrait aller d’une province à l’autre sans l’accord exprès de ses supérieurs. Les obser-vants s’engageaient aussi à ne plus dénigrer en chaire leurs frères conventuels16 par des propos méprisants ou calomnieux – propos que le ministre Albert de Dereszlény condamnait encore en 151817.

Enfin, profitant des silences de la législation pontificale, les conventuels contestaient maintenant la légitimité des transferts en faveur des observants. Aus-sitôt après la mort du roi Mathias, ils avaient obtenu du pape la restitution du couvent Saint-Jean de Buda, on l’a vu. Il fallut plus de deux ans aux observants pour obtenir d’Alexandre VI qu’il annule ce décret malheureux d’Inno cent VIII en 1492 et confirme aux observants leur tutelle sur les couvents qu’ils avaient obtenus par translatio. Mais en échange, le principe même du transfert, qualifié implicitement de fratricide, se trouva remis en cause, puisque les observants reçu-

12 J. Garcia Oro, M. J. Portela Silva, La Regular Observancia I, 682-686.13 M. Richards, The Conflict.14 Karácsonyi I, 346-347.15 Karácsonyi I, 354-355. Source: MFL, fds I, ms LVII.16 Karácsonyi I, 74 et 354.17 Super omnia autem caveant fratres sese ab omni inusitatione, collocutione et detractione prelatorum et

dominos, ac religiosarum quorumcunque, presertim predicatorum et conventualium publice et occulte. 1er form., fol. 208 (pj n°5).

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rent l’interdiction de prendre possession à l’avenir d’un établissement conventuel, même vide18.

… pour éloigner le spectre de la fusion

Ces concessions n’allaient pas, dans l’esprit des dirigeants de l’observance hongroise, sans contreparties. Elles avaient un seul but: déjouer les projets de fusion des conventuels, qui risquaient de mettre fin à l’autonomie des observants. Céder sur les détails pour ne pas perdre l’essentiel, telle fut leur ligne de conduite. Ils avaient fort bien compris en effet que la réunification que réclamaient alors les leaders conventuels (en particulier Gilles Delfin, élu ministre général en 1500 sur ce programme grâce à l’appui d’Alexandre VI19), motivée ou non par le désir sincère de restaurer l’unité perdue du premier franciscanisme, donnerait à ceux-ci l’ascendant sur tous les fils de saint François.

Sur place, le provincial de Hongrie ne cessait de prouver aux observants que leur liberté pouvait à tout moment être remise en question. Même après que les observants hongrois furent placés sous l’autorité immédiate du ministre général de l’ordre, en mai 1458 – avec interdiction formelle pour le ministre de visiter les couvents observants –, le provincial de Hongrie refusa de prendre acte d’un sys-tème qui avait les mêmes travers que le statut sub vicariis, à savoir la négation pure et simple de son droit de regard sur les couvents réformés. Pire encore à ses yeux, il mettait les chefs des deux provinces sur le même plan, face au ministre et au chapitre général. Mieux valait encore le système vicarial que celui-là. Mais, à tout prendre, la meilleure solution était naturellement la réunion des deux provinces sous son sceptre. Reconnaissons que, sur le fond, il ne manquait pas d’arguments pour obtenir satisfaction: la réforme de Fabien d’Igal avait indiscutablement rap-proché les deux formes de franciscanisme qui coexistaient sur le sol hongrois. En attendant, jamais le provincial ne reconnut la validité du décret de 1458; il s’ap-puya sur les déclarations d’Eugène IV pour le dénoncer pendant plus de quatre décennies.

Il défendit cette idée avec vigueur dès la fin du règne de Mathias Corvin. Les observants ne durent de conserver leur indépendance qu’à la fermeté du roi. Averti des projets de fusion, Mathias réagit vigoureusement en obtenant le 26 juillet 1479 de Sixte IV un décret permettant aux réformés de conserver leurs usages propres20. Un an plus tard, ayant appris que les dirigeants conventuels

18 Voir chapitre premier.19 H. Holzapfel, Manuale Historiae, 126-127; F. de Sessevalle, Histoire générale I, 225-226.20 Karácsonyi I, 358-359.

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continuaient de nourrir les mêmes desseins, il protesta auprès du pape en dénon-çant l’illégalité de leurs agissements. Lorsque le pape envoya sur place un émissaire en 1489, le Hunyade accusa ouvertement les conventuels de ne pas remplir leurs engagements (à propos notamment des clarisses d’Óbuda évoquées plus haut)21. La mort de Mathias Corvin raviva les querelles. En 1495 puis 1497, à la demande des protecteurs officiels des deux branches, les con ventuels promettaient de re-noncer à leurs funestes projets22. Une promesse non tenue. Entre 1498 et 1500 (sous le vicariat d’Oswald de Laskó), à en croire ce que rapporte la Chronique observante, plusieurs barons (dont le voïvode Barthélemy Drágffy et le grand juge royal Pierre Geréb), ainsi que des nobles fidèles aux conventuels auraient, à l’occasion de la diète réunie à Rákosmező, convoqué le vicaire de Hongrie en lui ordonnant, sous la menace d’une expulsion sine die, de fusionner avec les franciscains traditionnels23. Oswald de Laskó leur opposa un refus catégorique, que l’ancien vicaire Etienne de Sopronca, alors custode d’Újlak, appuya en décla-rant publiquement qu’il n’obéirait ni au roi ni à la diète sur ce point et qu’il était prêt à prendre le chemin de l’exil s’il le fallait24. Si l’épisode demeure difficile à vérifier – aucune ordonnance de la diète de Hongrie n’y fait allusion et la Chro-nique comporte ici d’évidentes incohérences chronologiques25 –, il montre que la menace de fusion devait être prise au sérieux. Seule la détermination personnelle du vicaire Oswald de Laskó, qui entama aussitôt les démarches préparant le rat-tachement de la vicairie de Hongrie à la famille cismontaine, permit d’en retarder l’exécution. Déboutés sur le terrain local après que ce rattachement fut prononcé en 1502, les conventuels hongrois ne désarmèrent pas: ils placèrent leurs espoirs dans les initiatives que menait, à l’échelle de l’ensemble de l’ordre, le ministre

21 Karácsonyi I, 72.22 Karácsonyi I, 74 76-77 et 358.23 In anno ergo jubilaeo, quo omnes barones regni et nobiles ad Campum Rakos convenissent, tunc qui-

dam, videlicet magnificus Bartholomaeus Dragfy et Petrus Gereb et alii nobiles multi per fratres conventuales inclinati voluerunt observantiam minorum conventualibus unire, et ideo praedictum vicarium fratrem Osvaldum in medium vocantes, statuerunt quem primo humiliter flagitantes rogaverunt, ut suae observantiae familiae ipsos conventuales uniret, additis comminationibus quod, si non fecerit, tunc ipse cum omnibus fratribus suae observantiae de regno Hungariae exire deberet. C[h]ronica, 252. Exposé critique des faits dans Kollá-nyi, 10-13, qui distingue la version observante et la version conven tuelle de ces décennies de querelles. Voir aussi Karácsonyi I, 358.

24 Nam de baronum comminatione praedictus venerabilis pater senex frater Stephanus de Szaporcza (sic) condam vicarius et tunc custos de Ujlak dicebat, quod nec regi nec regno in hac unione obediens erit, sed pro sancta observantia de regno Hungariae ipse paratus exire esset. C[h]ronica, 252.

25 Comme le note János Karácsonyi (Szent Ferencz I, 358), la diète de 1498 est située par le chroniqueur en 1500; le voïvode Barthélemy Dragfi (ou Drágffy), cité parmi les partisans des conventuels, avait alors déjà quitté ses fonctions. Source: C[h]ronica, 252.

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CHAPITRE 4158

Gilles Delfin. Une annotation élogieuse accompagnant l’édition du Speculum Vitae B. Francisci effectuée à Venise en 1504 à la demande des conventuels hongrois témoigne du soutien qu’ils apportaient au ministre dans son entreprise26.

A la lumière de ces événements, on comprend mieux l’acharnement déses-péré avec lequel les observants hongrois sollicitèrent du pape la confirmation de leur indépendance à l’égard des conventuels, longtemps après le règlement de 1458. Arrivé à Rome en 1468, le vicaire Michel le Sicule avait obtenu satisfac-tion au bout de deux ans d’attente, par la bulle du 8 décembre 1471. Dès 1473, il demandait la transcription de celle-ci et sa validation officielle par le chapitre collégial de Székesfehérvár. Ces précautions s’étant avérées insuffisantes, il eut recours à Nicolas d’Újlak, déjà connu comme l’un des plus actifs et influents partisans de l’observance. Mais l’ordre donné par le pape à l’évêque de Veszprém en mars 1474, à la demande de Nicolas d’Újlak, de faire appliquer les privilèges des observants ne suffit pas27. En 1477, le vicaire de Hongrie Brice de Tolna fit en sorte que chaque custode, pour résister aux attaques des conventuels, dispose d’un exemplaire de cette bulle. Une copie effectuée cette année-là par le gardien du couvent de Sárospatak a subsisté28. Enfin, en 1499, Oswald de Laskó obtenait du pape la confirmation officielle de la bulle de juillet 1479 réitérant les privilèges des observants29. Les textes reproduits dans le premier formulaire montrent que, dans les années 1510 encore, les frères observants hongrois réclamaient le renou-vellement d’autres décrets pontificaux relatifs à leur autonomie30.

Or, de ce point de vue, il faut le reconnaître, le régime défini en 1458 mon-trait ses limites. Les frères de Hongrie constatèrent à leurs dépens qu’en quittant la familia cismontana, ils s’étaient privés en la personne du vicaire général cismontain d’un interlocuteur susceptible d’une part d’en imposer au ministre provincial, et d’autre part de plaider efficacement leur cause auprès du pape – ce que ne pouvait faire, et pour cause, le ministre général, conventuel. Qu’il s’agît, à l’échelon local, d’obtenir la tutelle d’un nouveau couvent – celui de Szécsény dans les années 1460, qu’ils avaient eu tant de mal à obtenir31 –, ou de faire obstacle au projet de fusion des deux provinces franciscaines de Hongrie, qui menaçait la survie de l’observance hongroise. Malgré tout, les frères étaient attachés à un statut qui fai-sait de leur chef l’égal du ministre de la province conventuelle et leur laissait une

26 M. Bihl, L’édition du Speculum Vitae, 141.27 Karácsonyi I, 345-346. Voir aussi chapitre précédent.28 Karácsonyi I, 348-349.29 Karácsonyi I, 358-359.30 1er form., fol. 129v-130v, 130v-132v.31 Karácsonyi I, 68 344-345. Voir aussi chapitre premier.

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grande liberté au sein de l’ordre. C’est seulement à partir de l’extrême fin du siècle, sous le vicariat d’Oswald de Laskó, qu’ils infléchirent leurs positions: les risques de fusion étaient tels qu’ils n’avaient plus vraiment le choix. Entre deux maux, ils choisirent le moindre.

Échaudé par les manœuvres d’intimidation exercées sur les frères vers 149832, qui montraient que les conventuels n’avaient toujours pas renoncé à leurs intentions et qu’ils disposaient maintenant de solides appuis, Oswald de Laskó prit les devants. Il demanda aux instances supérieures de l’ordre le rattachement de la vicairie à la famille cismontaine; peut-être dès 1498, au chapitre général de Milan, en tous les cas, peu après 1500. Une lettre officielle, appuyée par le roi et les prélats du royaume, fut adressée au pape en ce sens avant l’été 1501. Le 14 août, Alexandre VI chargea son légat résidant en Hongrie, Pierre Izvalics (Isvalies), d’interroger conventuels et observants pour juger du bien-fondé de la requête. Le prélat donna son avis favorable le 27 novembre, arguant laconiquement de la “commodité” du retour dans le cadre cismontain. La procédure aboutit à la bulle du 30 mai 1502 – qui prit réellement effet au début de l’au tomne suivant, lorsque les deux émissaires observants envoyés à Rome, Bonaventure de Kapronca et Michel d’Esztergom, rentrèrent au pays munis d’une copie authentique du décret pontifical33.

Le décret de 1502 ou la confirmation de l’émancipation observante

La bulle de mai 1502 comportait plusieurs clauses, dont beaucoup apparais-sent à première vue comme des concessions des observants aux conventuels. Les premiers acceptaient d’abord de perdre la tutelle des couvents de clarisses situés à proximité d’un établissement conventuel, ainsi que nous l’avons constaté. Ils con-servaient les couvents masculins de Szeged et de Nagyvárad mais s’enga geaient à ne plus fonder d’établissements là où existait déjà un couvent franciscain (ce qui renouvelait les termes de l’accord de 1497). Surtout, ils retournaient dans la famille cismontaine, mettant ainsi fin à la sécession de 1458. En contrepartie, le

32 La Chronique observante établit clairement (p. 252-253 et 254) un lien de cause à effet entre les pressions exercées par la diète sur le vicaire de Hongrie à la fin du XVe siècle et la dé-marche de rattachement à la famille cismontaine (…et post haec juxta ultimam opinionem de unione cum vicario generali cepit soliciter laborare…, 253). Il n’y a guère de raisons de la mettre en doute.

33 Karácsonyi I, 358-361. Source: C[h]ronica, 254-255. L’occasion m’est ici donnée de rec-tifier une erreur qui s’est glissée malencontreusement dans mon récent article L’Observance franciscaine à propos de cette bulle, datée de mai et non de “juin” 1502 (p. 435).

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CHAPITRE 4160

ministre de la province hongroise renonçait formellement à exercer ou à revendi-quer une autorité quelconque sur les couvents observants du pays34.

Vis-à-vis des conventuels, la décision de 1502 n’apportait pas de changement radical pour les observants. Mais elle écartait définitivement le spectre de la fusion et répondait enfin clairement à la question de fond sur laquelle les compromis antérieurs n’avaient pas statué: celle de savoir si, oui ou non, les dirigeants conven-tuels avaient un droit de regard sur les couvents observants et les établissements féminins qui en dépendaient. Entérinant la coupure de facto entre les membres des deux rameaux du franciscanisme présents en Hongrie, elle préparait à sa manière la “bulle d’union” (ou plutôt de division) de 1517. D’ailleurs, peu avant la tenue du chapitre généralissime de l’Ara Coeli, redoutant peut-être que l’issue des débats ne leur fût défavorable, les observants hongrois demandèrent la confirmation de la bulle de 150235. L’année 1523 marqua, en Hongrie aussi, le stade ultime de l’évo-lution séparée des deux branches franciscaines: le chapitre général réuni en mai à Burgos reconnut publiquement à la province observante hongroise le nom de province “salvatorienne” (Provincia SS. Salvatoris) qu’elle s’était choisi. Il faisait ré-férence aux instruments de la Passion qui étaient représentés sur les armes du vi-cariat de Hongrie depuis 1448, ou encore – comme le veut la tradition de l’ordre, sans en apporter la preuve – parce que tel était le voeu de Jean de Capestran, qui avait invoqué le Sauveur au moment d’engager la bataille décisive de Belgrade36. Ce nom permettait en tous cas de distinguer clairement la province observante de l’autre province franciscaine, qui se plaça quant à elle sous l’invocation de la Vierge, d’où son nom de “province marianiste” (Provincia S. Mariae)37. Le chapitre général de Parme sanctionna ces dénominations en 1529.

A cette date, cela faisait longtemps que les deux organisations franciscaines menaient une vie séparée. La vicairie de Hongrie disposait d’un cadre institution-nel aussi perfectionné et hiérarchisé (sinon plus) que celui de la province conven-tuelle. Elle fonctionnait donc déjà comme une provincia. Bien avant la décision de 1517 érigeant les vicairies observantes en provinces, les sources hongroises parlent volontiers de provincia Hungarie, plutôt que de vicaria38. Cette évolution du vocabu-

34 Karácsonyi I, 305-376; H. Holzapfel, Manuale Historiae, 146-147.35 1er form., fol. 129v-130v.36 György, 71.37 Karácsonyi I, 378, 382-383; Kollányi, 10-11; M. Bihl (éd.) Statuta provincialia, 150 et L’édi-

tion du Speculum Vitae, 140; C[h]ronica, 296.38 On trouve les termes de capitulum provinciale dans le premier formulaire (fol. 31, 60v),

ainsi que des formulations composites (vicarius provincialis, ou X Ordinis Fratrum Minorum de Observancia provincie Hungarie vicarius, fol. 60). L’expression familia Hungarie apparaît dans une

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laire trahit, comme en Italie à la même période39, un phénomène d’émancipation anticipée, en ce sens qu’il n’at tendit pas l’autorisation du pape pour s’exprimer. Sur un tout autre plan, celui des liens d’homme à homme, les échanges entre les deux provinces demeuraient exceptionnels. La direction observante s’en méfiait. En 1497, le vicaire Oswald de Laskó punit le convers serrurier de l’établissement de Tálad, Paul de Pécs, d’une mutation disciplinaire pour avoir logé et nourri aux frais des observants de son couvent des franciscains traditionnels40. Côté conven-tuel, les annales ou chroniques internes n’accordent absolument aucune attention aux faits concernant les observants. L’auteur de la liste commentée des ministres de la province de Hongrie recopiée dans le volume du Speculum imprimé à Venise en 1504 passe totalement sous silence l’existence d’une autre province francis-caine dans le pays41!

Le retour dans le giron cismontain et ses effets immédiats

Du point de vue de leurs relations avec les observants italiens, le décret de 1502 opérait un changement majeur dans la vie des frères de Hongrie. Dès les mois qui suivirent, le vicaire cismontain Jérôme Tornielli et son prédécesseur, Louis de la Turre, leur envoyèrent une lettre amicale se réjouissant de leur retour dans la familia42. Inversement, l’émissaire qui rapporta le texte de la bulle, Bona-venture de Kapronca, ne masqua pas sa joie devant ses confrères d’avoir enfin obtenu ce qu’il souhaitait, raconte la Chronique43. Cet enthousiasme partagé ne doit pas occulter le fait que cette décision mettait fin à un demi-siècle d’évolution en dehors de tout cadre observant. En rétablissant le lien qui unissait jadis les frères hongrois aux dirigeants cismontains, elle ouvrait la voie à la suppression des particularismes hongrois, d’autant que les dirigeants italiens cherchaient alors, on l’a dit, à homogénéiser le mouvement. A cette période, la famille cismontaine comptait environ vingt-cinq provinces (26 en 1517), dont la majorité (17) étaient italiennes. Ce sont elles qui donnaient le ton, tandis que les autres, situées aux

exhortation de Gilles de Cegléd datée de 1506 (fol. 34v), de même que, dès 1499, dans les Constitutions d’Atya. LERH III, 609 et suivantes.

39 Statuta provincialia, éd. M. Bihl, 151.40 Karácsonyi II, 192.41 M. Bihl, L’édition du Speculum Vitae, 139-141.42 Karácsonyi I, 361. Source: C[h]ronica, 255.43 …patrem fratrem Bonaventuram de Kaproncza (…), qui licet post multum tempus ab Italia regres-

sus, tamen eum bona relatione, quia post multa tempora a patribus desideratam unionem eum gaudio report-avit. C[h]ronica, 253.

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marges orientales de la Chrétienté ou en Terre Sainte, n’a vaient guère leur mot à dire dans les décisions générales44. Les observants hongrois allaient-ils se fondre dans le moule45?

Les rouages institutionnels qui marquaient l’appartenance de la vicairie de Hongrie à la famille cismontaine, supprimés en 1458, furent immédiatement res-taurés. Dès 1502, rapporte la Chronique46, des commissarii generales munis d’ins-tructions précises de la part du vicaire général cismontain47 et dotés des pleins pouvoirs pour la Hongrie et les provinces voisines48, furent chargés de procé-der à l’inspection de tous les couvents hongrois. D’autres visites suivirent, au rythme régulier d’une fois tous les deux ou trois ans49. Certains commissaires ne se pri vèrent pas à cette occasion de dénoncer les bizarreries locales. Jacques de Mantoue critiqua dès 1502 le mode d’élection des dirigeants de la province50, ce qui perturba son déroulement51. Jacques Grumelli s’en prit en 1506 ou 1507 aux barrières fermant l’accès au chœur des églises, qu’il jugeait insuffisantes, à la ton-sure des convers ou encore à la procédure des visites effectuées par les visitatores de la province52. De leur côté, les observants hongrois durent siéger au chapitre général cismontain, à partir de celui de Mantoue en 1504. Ils s’acquit tèrent scru-puleusement de cette obligation (jusqu’au chapitre généralissime de 1517 inclus)53,

44 L. Iriarte, Storia del Francescanesimo, 136 291-292.45 La suite de ce paragraphe reprend en substance le contenu de mon article L’Observance fran-

ciscaine (en particulier p. 446-451), en le complétant par de nouvelles références documentaires.46 Elle rapporte la nomination, dès l’arrivée en Hongrie de la bulle de 1502, d’un premier

commissaire général, en la personne de Jacques de Mantoue (frater Jacobus de Man tua). C[h]ronica, 253 et 256.

47 Le premier formulaire reproduit plusieurs lettres d’obédience adressées par le vicaire cismontain à son commissaire en visite en Hongrie, aux fol. 48-49 (1513) et 46v-47v (1515).

48 Jacques de Mantoue (mentionné dans le premier formulaire aux fol. 56v 108v 109) était commissaire cum plenitudine potestatis pour les provinces de Hongrie, Autriche, Bohème et Pologne. Benoît Benkovich avait en 1513 la charge des couvents de Hongrie et d’Au tri che, Jacques Porca-ria celle des établissements hongrois et polonais en 1515. Karácsonyi I, 361.

49 Si l’en juge par les lettres d’obédience adressées par le vicaire cismontain à ses commis-saires généraux présents en Hongrie. 1er form., fol. 46v-49.

50 En 1503, il envoyait une lettre d’obédience aux custodes hongrois pour modifier l’ élection des discrets en vue du prochain chapitre provincial. 1er form., fol. 108v-109v (pj n° 13).

51 …missus fuit a (…) vicario generali ad ipsam provinciam Hungariae primus commissarius, videlicet pater Jacobus de Mantua, et secuta fuere in ipsa provincia multa disturbia. Veniens namque ipse commissarius, cepit patres et fratres in multis confundere et condemnare, praecipue circa electiones officialium, ac provinciae consuetudines et mores… C[h]ronica, 256. Voir aussi Karácsonyi I, 361-362.

52 C[h]ronica, 261. Voir aussi Karácsonyi I, 364-365.53 Voir chapitre 7.

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en se conformant au système de représentation en usage dans les autres vicairies de la familia: ils déléguaient sur place le vicaire de Hongrie en per sonne – ou, à défaut, son représentant (commissarius)54 – accompagné non plus du “custode des custodes” (comme avant 1502 pour le chapitre général), mais d’un discretus pro-vinciae élu par les membres du chapitre provincial extraordinaire con voqué à cet effet plusieurs semaines auparavant55. S’ils trouvaient dans la participation à ces assemblées l’occasion de présenter leurs requêtes – comme l’explique le vicaire de Hongrie à son représentant en 150456 –, les observants hongrois devaient adopter en retour les décisions qui y étaient prises à la majorité, tandis qu’eux ne dispo-saient que d’un vingt-sixième des voix. La Chronique locale rapporte intégrale-ment le contenu de ces actes capitulaires, preuve de ce que les frères de Hongrie en avaient parfaitement con naissance. Ceux-ci acceptèrent d’introduire dans les statuts de leur province des règlements inspirés des constitutions cismontaines. Dès 1505, le chapitre de Buda réformait les constitutions de 1499 à propos des clercs gyrovagues sicut habetur in constitutionibus generalibus patrum cismontanorum57. D’autres amendements furent adoptés, à la demande souvent du chapitre cismon-tain, en 1507 puis en 151558.

54 Cette éventualité ne se limitait pas à des cas de force majeure – comme lorsqu’en 1514, en pleine jacquerie, Blaise de Dézs choisira de se faire représenter au chapitre cismontain par Albert de Dereszlény (1er form., fol. 63-63v). Par mauvaise volonté ou tout simplement parce qu’ils répugnaient à entreprendre un voyage aussi lointain, les chefs de la province hongroise se firent souvent remplacer (en 1504, 1509, 1512 et 1514: 1er form., fol. 16v 84v 63-63v; Karácso-nyi I, 366 368-369). Ils invoquaient le plus souvent des problèmes de santé: des maux de pieds en 1509 (ob pedum meorum molestiam ac proficiscendi impossibilitatem, 1er form., fol. 84v), un état de santé défaillant en 1514 (in tanta infirmitatie gravatum et etiam aliis impedimentis preventum, 1er form., fol. 63-63v). Parti pour Naples par la mer, le vicaire Gabriel de Pécsvárad tomba malade et dut rebrousser chemin; il envoya à sa place son secrétaire, Etienne d’Ivánics. Karácsonyi I, 368-369. D’autres fois, le vicaire ne prenait pas la peine de fournir de motif précis (certis supervenien-tibus impedimentis en 1514, 1er form., fol. 88v); dans ce dernier cas (voir chapitre 7), l’imprécision était voulue.

55 Karácsonyi I, 362. Le premier formulaire rapporte l’élection du discretus en 1503, 1506, 1514 et 1517, aux fol. 62v 64, 64v 87-88 64v-65. Il comporte également des modèles de convo-cations (vocatio ad capitulum generale) rédigés au nom du vicaire cismontain à l’in ten tion du vicaire et du discret de la province, pour le prochain chapitre général de la familia (ici le chapitre extra-ordinaire de 1508 et celui de 1509). 1er form., fol. 81v-82 82-82v 82v-83v.

56 … ne igitur propter meam absentiam fratres ipsi providens eis necessaria sint privati... 1er form., fol. 16v.

57 LERH III, 647.58 Karácsonyi I, 363-364 372-373.

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CHAPITRE 4164

Pour autant, les dirigeants cismontains – Jérôme Tornielli puis, après 1509, François de Zeno et enfin Christophe Forli – se gardèrent de s’attaquer de front à ce qui faisait l’originalité de la province magyare; tant du point de vue des institutions que de la vie des religieux. Craignant que les observants hongrois ne fissent à nouveau sécession, ils étaient conscients de leur importance dans l’organisation des jubilés et des prochaines croisades contre les Turcs – qui, vus d’Italie, étaient la priorité des priorités en ce début du XVIe siècle. Ils préféraient donc désavouer leurs propres agents plutôt que de froisser la susceptibilité des frères de Hongrie. Ils firent bon accueil au délégué hongrois Benoît de Mucsa, gardien d’Újlak, venu plaider leur cause contre Jacques de Mantoue, et repous-sèrent l’examen de la conformité des élections hongroises au prochain chapitre général, prévu pour 1504 à Mantoue. Là, loin de prononcer la déchéance des dirigeants hongrois pour invalidité, comme le demandait le zélé commissaire, les pères assemblés suggérèrent des modifications de détail, en ne prohibant formellement que la détention d’objets liturgiques de grande valeur59. Le chapi-tre provincial tenu à Buda l’année suivante, en 1505, ne prit même pas la peine de consigner ces directives dans ses actes. On déroula le même scénario en 1507. Après que le chapitre provincial eut refusé d’effectuer les nombreux change-ments réclamés par le commissaire Jacques Grumelli, l’affaire fut portée devant le chapitre général, qui se contenta – en dehors d’une clause imposant l’amé-nagement dans tous les couvents de cloisons intérieures pour bien matérialiser la clôture – de recommandations très vagues60. En 1509, le chapitre de Ferrare en-térina les nouveautés introduites dans leur circonscription par les frères hongrois (au sujet des gardiens qui siégeaient au chapitre provincial) et confirma le mode d’élection des discrets, accentuant ainsi les particularismes institutionnels de la province de Hongrie61. Mieux encore, à la demande du vicaire, il limita les préro-gatives des commissaires cismontains théoriquement munis des pleins pouvoirs (etiam cum plenitudine potestatis veniens): il leur interdit de réformer les statuts de la province qu’ils visitaient s’ils n’avaient pas obtenu l’accord de la majorité des membres du chapitre provincial et de déplacer des gardiens sans l’avis favorable de deux autres gardiens de la custodie62. Le comble fut atteint en juin 1514. Sans nous attarder sur les événements survenus cette année-là, retenons que les Hongrois venaient d’expulser du pays le commissaire cismontain Benoît Ben-kovich. Lorsque les délégués de la province s’en expliquèrent devant le chapitre

59 Karácsonyi I, 361-362. Source: C[h]ronica, 256-259.60 Karácsonyi I, 364-365. Source: C[h]ronica, 260-262.61 Karácsonyi I, 366-367. Sur ces modifications institutionnelles, voir paragraphe suivant.62 C[h]ronica, 264-265. Voir aussi Kollányi, 27 et Karácsonyi I, 367.

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général de la Portioncule, le vicaire général cismontain, Christophe Forli, loin de les réprimander pour cet acte d’insoumission caractérisée, leur déclara d’un ton rassurant qu’il n’avait pas la moindre intention de supprimer les coutumes hon-groises. Il ajouta qu’en Italie même, il ne se trouvait pas deux provinces ayant des usages identiques63!

Jusqu’au début des années 1510, le rattachement à la famille cismontaine ne mit donc pas réellement en péril l’autonomie des observants hongrois. Les timides réajustements programmés à partir de 1507 mirent souvent une ou deux décennies à entrer dans les constitutions hongroises,... quand ils ne tombèrent pas dans l’oubli. Et s’ils se sen taient menacés, les observants hongrois n’hésitaient pas à faire directement appel au pape. Ainsi Oswald de Laskó obtint-il le 31 mai 1507 de Jules II l’autorisation pour les frères de continuer à utiliser de la vaisselle liturgique en métal précieux, ôtant leurs derniers arguments aux inspecteurs cis-montains qui exigeaient depuis des années l’abandon de cette pratique contraire au vœu de pauvreté64.

Au terme de plusieurs décennies de querelles avec les conventuels, les obser-vants de Hongrie réussirent donc par la bulle de 1502 à se dégager totalement de leur emprise. Pour remporter cette victoire, ils avaient couru le risque de perdre à tout jamais leur autonomie par rapport aux dirigeants italiens de l’observance, puisqu’il leur avait fallu retourner dans la famille cismontaine. Ce rattachement n’impliquant pour le moment aucun sacrifice, il semblait être un bon calcul. C’est ce que prouve notamment le maintien en l’état – à de quelques vétilles près – de l’administration provinciale.

II. Les cadres de la province

Tôt confrontés au succès massif du genre de vie prôné par saint François, les frères mineurs avaient adopté depuis le XIIIe siècle une organisation inspirée des cadres monastiques traditionnels. Elle était à la fois pyramidale et collégiale. Le principe d’égalité entre les frères et l’idéal franciscain d’humilité n’empê chèrent

63 “Non est, inquit, intentionis meae vel patrum infringere privilegia vestra, sed omnia privilegia vestra maneant intacta, similiter et conditiones, ritus, observantiae et consuetudines provinciae vestrae, dum modo in votis essentialibus conformetis vos: quandoquidem etiam in Italia non est reperire duas provincias simul, quae simul concordarent in omnibus ritibus, consuetudinibus et moribus”. C[h]ronica, 284-285. Voir aussi Karácsonyi I, 370-371.

64 Karácsonyi I, 365. Voir aussi chapitre 5.

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pas la mise en place d’une hiérarchie à plusieurs niveaux, du ministre général au simple frère. Mais les décisions importantes se prenaient toujours en chapitre, et les responsables (officiales), qui ne pouvaient cumuler plusieurs mandats, étaient soit élus à la majorité, soit nommés par un dirigeant tenant lui-même son pouvoir des urnes, et ce à titre temporaire. Les visites effectuées par les dignitaires élus (ou leurs délégués) et les chapitres périodiques permettaient d’assurer en permanence la circulation des informations, de “haut” en “bas” (directives générales, décisions ponctuelles) comme de “bas” en “haut” (plaintes, requêtes, interrogations). Ils assu raient ainsi l’unité de la famille franciscaine. La réforme observante, loin de critiquer l’ensemble du système, s’était attachée à faire revivre certains rouages oubliés. Laissons de côté la question des vicairies – dont les réformés firent un emploi spécifique, destiné à les affranchir du contrôle des supérieurs conventuels. Tout en prônant le retour à l’égalité des origines, les observants s’efforcèrent de centraliser le choix des dirigeants. Aussi bien au début du mouvement, pour res-serrer les liens entre les frères réformés, souvent isolés et menacés d’absorption par les conventuels, que par la suite, afin d’en préserver la cohérence. Le phéno-mène s’observe en Irlande65 comme en Italie, où se généralisa par exemple l’usage de la nomination des gardiens par le chapitre vicarial66, en remplacement de l’élec-tion par les frères – que conservèrent en revanche les observants espagnols, de même que les dominicains réformés. A l’impulsion des responsables italiens, cette pratique se généralisa en 1507 à l’ensemble de la famille cismontaine.

Mais les besoins n’étaient pas les mêmes partout. Ils dépendaient en par-ticulier du nombre de frères et de leur degré de dispersion géographique. La Hongrie se caractérisait, au sein de l’observance cismontaine, par son effectif important (du moins au regard de celui des frères polonais, autrichiens ou tchè-ques) et réparti dans un espace très vaste: dépassant les 300 000 km², il était sans commune mesure avec les minuscules provinces italiennes. Il lui fallait donc des cadres performants. Dès la fin du XVe siècle, sur la base de l’expérience acquise pendant les décennies précédentes, les Constitutions d’Atya donnèrent à la vi-cairie de Hongrie l’armature institutionnelle qui lui manquait; elle demeura en vigueur (dans ses grandes lignes) jusqu’à la Contre Réforme. C’est d’abord dans cet esprit qu’Oswald de Laskó avait rédigé ces statuts, ainsi qu’il l’explique dans le Prologus67. On comprend mieux pourquoi les premiers chapitres du texte portent exclusivement sur les questions administratives68. Les décrets capitulaires du XVIe

65 C. N. ó Clabaigh, The Franciscans in Ireland, 58.66 G. Zarri, Aspetti dello sviluppo, 222-227.67 LERH III, 609-610.68 LERH III, 609-616. La suite de ce paragraphe s’appuie sur ces articles.

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siècle n’apporteront que des ajouts mineurs à l’édifice. En 1535, les statuts d’Atya restaient d’actualité: les frères du couvent de Sóvár s’attachaient encore à les co-pier dans leur version originale69.

Les circonscriptions de l’observance hongroise

La province hongroise se distinguait par la complexité de son organisation hiérarchique et territoriale70. A la différence de la plupart des vicairies observantes de la famille cismontaine, la vicaria Hungariae était en effet structurée en trois (et non deux) niveaux de décision: la province, la custodie et le couvent.

Commençons par le cadre provincial. Les frontières extérieures de la vicaria (provincia à partir de 1517) ne connurent guère de profonds changements dans les décennies qui suivirent sa fondation en 1448. On sait comment les franciscains hongrois empêchèrent la fusion qu’appelaient de leurs vœux leurs confrères bos-niaques, menacés de disparition depuis les avancées turques du début du XVIe siècle71. En 1514, un seul couvent de la vicairie de Bosnie avait été autorisé à sub-sister au nord de la Save, en deçà des limites géographiques de la vicaria Hungariae. En sens inverse, trois couvents virent le jour hors du bassin carpatique: ceux de Kimpulung (peut-être dès 1454?) et de Bákó (vers 1475, en tous cas avant 1509) en Moldavie, fondés dans le contexte de la lutte contre les hérétiques, et celui de Tergavistya (dès 1477 ou en 1507), en Valachie. Ils étaient rattachés à la custodie la plus proche, celle de Transylvanie, mais n’avaient pas la même vocation que les autres établissements de la province. Les couvents moldaves se distinguaient par leur orientation missionnaire qui remontait à la fin des an-nées 1440. L’établissement de Tergavistya s’occupait d’encadrer spirituellement la minorité catholique de la ville, Hongrois et Allemands confondus72. Quant au couvent d’Ormosd, situé en Autriche (à Fridau), son appartenance à la pro-vince de Hongrie résulte des conquêtes territoriales réalisées par Mathias Cor-vin. Au moment de sa fondation, la région se trouvait sous l’autorité du roi de

69 Dans le manuscrit conservé à Münich dont s’inspira Ferenc Kollányi à la fin du XIXe siècle pour écrire A magyar ferenczrendiek. Les Constitutiones provinciae Hungariae Fratrum Mino rum figurent en effet en deuxième partie d’un codex commençant par les premières pages de la Chronique et comportant l’annotation: finis in Sowar 15. Marty, 1535. Voir Kollányi et l’an-nexe Sources imprimées.

70 Voir (sur ce point comme pour les développements qui suivent) l’Organigramme pré-senté en annexe. J’ai abordé une partie de ces aspects institutionnels dans mon article L’Obser-vance franciscaine (p. 436-446) avec un éventail de sources beaucoup plus restreint.

71 Voir chapitre premier.72 Voir Tableau synoptique des couvents, dernière rubrique.

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Hongrie; le traité signé en 1491 par Wladislas II Jagellon la rétrocéda ensuite aux Habsbourg. L’établissement demeura malgré tout affilié à la custodie hongroise d’Uzsaszentlélek73.

Mieux que sa voisine polonaise74, la province de Hongrie résista aux tentati-ves de sécession interne. Les frères de la custodie de Slavonie (soit sept couvents et 153 religieux en 152375) demandèrent peu avant 1514 à se détacher de la vicairie de Hongrie, pour des raisons obscures. Est-ce à cause de leur langue slave ou de leurs liens anciens avec la vicairie voisine de Bosnie, dont ils supportaient diffi-cilement d’être séparés76? Dans un rapport recopié dans le premier formulaire77, les délégués hongrois du chapitre de la Portioncule mirent en doute la sincé-rité des intentions des demandeurs, qu’ils accusent d’arrogance et d’avidité (!)78; ils déploraient les conséquences fâcheuses (detrimentum) qu’aurait cette sécession pour l’unité de l’ordre et l’avenir de leur “misérable” province (nostre paupercule provincie)79. Ils s’adressèrent directement au pape et obtinrent gain de cause. La bulle de Léon X Exponi suber nobis ordonna le 7 juillet 1514 aux frères de la custo-die de Slavonie de cesser leur démarche “scandaleuse” sous peine d’excommuni-cation. Elle chargeait plusieurs évêques de sanctionner les réfractaires, comme le précise la transcription officielle de cette bulle effectuée à Esztergom le 31 août 151580. L’affaire fut enterrée.

L’échelon intermédiaire, celui des custodies, avait une origine ancienne en Hongrie: il remontait à son passé bosniaque. En effet, la vicairie de Bosnie, née avant l’apparition du courant observant, était déjà divisée en custodiae. Elles survé-curent, avec des limites différentes bien sûr, après la sécession hongroise de 1448. Il est question de custodies hongroises dans les sources dès les années suivantes. La plus ancienne d’entre elles semble avoir été celle de Karánsebes. Alors qu’elle ne regroupait que trois ou quatre maisons au milieu du XVe siècle, elle surpassait les autres par son prestige. On connaît l’existence de deux autres custodies à cette période, celles de Sirmie et de Transylvanie (avec cinq couvents chacune)81. Centré sur le sud et l’est du pays, ce découpage reflétait l’implantation encore très péri-

73 Karácsonyi II, 130-131.74 Les frères lituaniens obtinrent finalement leur autonomie en 1530. K. Kantak, Les don-

nées historiques, 456-458; J. Kłoczowski, L’Observance, 184.75 Voir tableau n°1.76 Karácsonyi I, 372. Nous formulerons une autre hypothèse à ce sujet dans le chapitre 8.77 Aux fol. 91-91v. Voir aussi J. Szűcs, Ferences ellenzéki, 425, note 65.78 Quoniam quidam fratres ambitiosi, nec minus honoris cupidi… 1er form., fol. 91.79 1er form., fol. 91-91v.80 Karácsonyi I, 372; J. Szűcs, Ferences ellenzéki, 425. Source: MFL, fds I, ms XCVIII.81 Karácsonyi I, 331.

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phérique de l’observance franciscaine avant le milieu du siècle. Selon une tradition qui perdura par la suite, les custodies hongroises portaient soit le nom d’un de leurs couvents – souvent le plus ancien, qui faisait office de siège de la circons-cription et abritait, comme chez les conventuels, un scriptorium82 – soit le nom de la région naturelle ou historique dont elles reprenaient peu ou prou les contours (Sirmie, Transylvanie puis Slavonie).

Les créations et les transferts des décennies suivantes bouleversèrent la géo-graphie custodiale hongroise. Limitées à trois ou quatre au départ, les custo-dies étaient une dizaine en 1475; ce nombre demeura inchangé jusqu’en 153183. Toutes n’avaient pas le même rang à l’intérieur de la province. Celle d’Eszter-gom apparaît à partir de 1465 comme la plus réputée; elle était suivie, dans l’or-dre qu’adoptent les sources franciscaines, de celles d’Újlak, de Transylvanie, de Jenő, de Nagybánya, d’Ozora, de Sárospatak, de Slavonie, d’Uzsaszentlélek et de Szécsény (mentionnée à partir de 1484 seulement)84. Ces distinctions repo-saient sur des critères qui nous échappent. Ils semblent combiner l’ancien neté des couvents ou des custodies – même si les vieux établissements n’étaient pas nécessairement les plus prestigieux, Karánsebes se trouvant éclipsé dès 1365 par Esztergom85 –, avec le nombre et la taille des couvents qu’elles comprenaient. Ainsi, la custodie d’Esztergom concentrait les trois établissements “phares” de Buda, Pest et Esztergom et elle regroupait le nombre le plus élevé de frères (225) d’après l’inventaire de 1523. Mais la seconde, celle d’Újlak, n’en avait que 120 à la même date! Chaque custodie regroupait entre cinq et onze couvents, le plus sou-vent entre six et huit, soit cent cinquante frères environ. Ces chiffres proches de ceux des custodies observantes de la famille ultramontaine, comme de ceux des vicairies de la péninsule italienne, ne doivent pas masquer le fait qu’en Hongrie, la distance à parcourir pour se rendre d’un couvent à un autre pouvait dépasser cent ou cent cinquante kilomètres. Aussi vastes que les circonscriptions polonai-ses86, les custodies hongroises couvraient chacune une superficie moyenne de 28 ou 29 000 km². Le maillage était un peu plus serré à l’ouest du royaume, là où la densité des couvents était élevée.

Remontons à présent les degrés de la pyramide, en examinant successive-ment les pouvoirs des différents responsables, niveau par niveau.

82 Fl. Szabó, Huszita-e, 125.83 Karácsonyi I, 347-348.84 Karácsonyi I, 347-348. Voir aussi carte n° 3.85 Karácsonyi I, 344. Source: C[h]ronica, 248.86 J. Kłoczowski, L’Observance, cartes hors texte.

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Gardiens, custodes et vicaire

A l’intérieur des couvents, une barrière séparait très nettement les convers des autres frères. Les laici, en dépit des propositions que fit Jean de Capestran dès 1444 en leur faveur, ne prenaient part à aucune décision. En Hongrie comme ailleurs87, ils n’étaient ni électeurs, ni éligibles. Ils n’avaient pas voix au chapitre du couvent: seuls les frères profès se destinant à la prêtrise y prenaient part. Sous la présidence du gardien et à son initiative, le capitulum conventuale jouait le rôle d’instance décision-nelle à l’échelle du couvent dans tous les cas qui sortaient de la compétence du gar-dien. Il décidait à la majorité de la peine à infliger aux frères dont le comportement insoumis troublait la paix du couvent – une peine pouvant aller jusqu’à l’exclusion pour un mois, ou à l’emprisonnement pendant trois jours. Il procédait en outre à l’élection tous les deux ans des représentants des membres du couvent (les discreti) au chapitre provincial. Mais tous les frères n’étaient pas égaux au sein de la commu-nauté: en cas de difficulté, c’est la major pars communitatis que le gardien consultait88. N’oublions pas enfin que les religieux n’intervenaient pas dans le choix de leur futur gardien, laissé depuis les débuts du mouvement au chapitre vicarial, sans consulta-tion des intéressés. Si d’aventure le gardien en exercice mourait avant la fin de son mandat, le vicaire décidait seul du nom de son remplaçant89.

Le voeu d’obéissance des profès et des novices s’appliquait d’abord au gar-dien, leur supérieur direct90. C’est lui qui prenait les décisions internes à l’établisse-ment. Une lourde tâche, puisqu’il était considéré comme responsable de son état matériel aussi bien que de la qualité spirituelle de ses hôtes. Son premier devoir, que lui assignait expressément le vicaire dès sa nomination, était de faire progres-ser les frères dont il avait la garde dans le respect de la règle et des préceptes évan-géliques91. Les fautes que les frères commettaient à son insu ou qu’il n’avait pas su réprimer convenablement lui seraient reprochées. Elles pouvaient même lui coûter

87 H. Holzapfel, Manuale, 179.88 LERH III, 614; Kollányi, 2189 Le premier formulaire reproduit un modèle de lettre adressée par le vicaire au rem-

plaçant qu’il vient de nommer dans ces circonstances (clausula per decessum prioris guardianis) et par laquelle il ordonne à un frère de prendre les fonctions du défunt, sans possibilité de refus: tibi presentibus per obedientie sancte meritum injungo dicti guardianatus officium sine conditione suscipias. 1er form., fol. 66v.

90 Les Constitutions de 1499, de même que les lettres adressées par le vicaire aux nou-veaux gardiens copiées dans le premier formulaire, stipulent que les frères devront obéir au gardien: Fratres autem tui tam presentes quam futuri in omnibus que ad tuum spectant officium firmiter tibi obedire teneantur. LERH III, p. 614; 1er form., fol. 66 (pj n° 22).

91 Voir par exemple 1er form., 65v (pj n° 22).

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son officium. Il avait à sa disposition la prison du couvent – rendue obligatoire par les constitutions de 149992. S’il estimait que l’affaire était trop grave pour relever de lui, il devait en informer la hiérarchie93. A lui de rappeler constamment aux frè-res ce que prescrivaient la règle et les statuts provinciaux pour prévenir les dévian-ces. Il nommait également le confesseur du couvent, ainsi que (lorsqu’il y en avait un) le confesseur spécifiquement chargé d’encadrer les novices94; alors que chez les conventuels, c’est le custode qui les désignait95. Le gardien devait aussi porter une attention particulière à ceux des frères que l’âge ou la maladie avaient affaiblis. Sur le plan économique, même si la comptabilité était confiée à un confrater laïc, le gardien fixait les grandes orientations concernant le ravitaillement du couvent, répartissait de manière équitable les rations alimentaires et ordonnait les achats nécessaires. Ceci de façons à ce que les biens (meubles) du couvent ne subissent pas de dommage. En 1552, il sera même tenu de remettre un inventaire à sa sortie de charge, pour prouver qu’il ne les a pas gaspillés96. Le gardien définissait égale-ment les attributions des convers (du sacristain au jardinier) et les travaux ingrats à effectuer par les frères. Dans ces conditions, on comprend que les Constitutions lui aient imposé de se trouver un remplaçant (viceguardianus) s’il devait s’absenter pendant plusieurs jours. Les compétences du gardien étaient toutefois limitées. Il ne pouvait condamner un frère délinquant à plus de trois mois de prison. Avant d’engager de lourdes dépenses – pour restaurer les bâtiments conventuels par exemple –, il avait besoin de l’autorisation du custode. Surtout, il devait veiller à ne pas abuser de son autorité. Car à la prochaine visite d’un inspecteur, les frères ne manqueraient pas de le dénoncer auprès de ses supérieurs97.

La tâche des custodes n’était guère plus aisée. Ils devaient maintenir l’équili-bre entre les différents couvents de leur circonscription, sur le plan des hommes (transferts de frères d’un couvent à un autre, admission des novices et affecta-tion dans leur futur couvent, entrée de laïcs dans la communauté spirituelle de l’ordre) et des biens (argent, vivres, mobilier, à répartir équitablement entre les établissements). Dans la pure tradition franciscaine, ils exerçaient l’essentiel de leurs responsabilités de manière itinérante. Après une première visite dans tous

92 Habeantur autem in singulis familiae locis boni carceres fortes, sed humani. LERH III, 628.93 C’est ce que rappellent, outre les Constitutions de 1499, plusieurs exhortations adres-

sées par le vicaire aux custodes copiées dans le premier formulaire.94 LERH III, 619; Kollányi, 75.95 Karácsonyi I, 97.96 Kollányi, 23, d’après les actes du chapitre provincial de 1552.97 LERH III, 614-615, rubrique De officio honorandorum patrum guardianorum; Kol-

lányi, 21-23.

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les couvents de leur circonscription au lendemain de leur entrée en charge, ils devaient en effectuer quatre autres avant la fin de leur mandat. Ils étaient chargés de vérifier sur place l’état matériel des bâtiments, ainsi que le bon déroulement du culte et le respect de la discipline. Ils pouvaient juger certaines affaires internes et lever les sanctions infligées par le gardien. D’où d’iné vi tables frictions avec les gardiens. Les Constitutions prient les custodes de faire preuve d’une affectueuse modération à leur égard dans l’exercice de leurs fonctions98. D’autre part, les cus-todes diffusaient lors de leurs visites les dernières recommandations exprimées par le vicaire dans ses circulaires pastorales (exhortationes), de même que les dé-cisions arrêtées en chapitre99. Ils ne se contentaient pas d’en faire la lecture: ils devaient les traduire et les commenter devant tous les frères, comme ils le faisaient pour la règle, dans leur langue maternelle100. La plupart des exhortationes du vicaire de Hongrie copiées dans le premier formulaire s’adressent aux custodes, plutôt qu’aux gardiens ou aux frères. Les custodes constituaient donc un maillon vital de la chaîne hiérarchique, faisant le lien entre la direction provinciale et les religieux. Ce qui explique que les statuts aient imposé au vicaire de Hongrie de nommer un vicecustos en cas de décès prématuré ou d’infirmité du custode101 et qu’ils deman-dent aux custodes éloignés pour cause de chapitre provincial ou général de se faire remplacer le temps de leur absence102.

98 Item patres custodes teneant cum charitate et pace patres guardianos, nec se mutuo in suis officiis perturbent. LERH III, 613.

99 LERH III, 612-614, rubrique De officio et facultate reverendorum patrum custodum; Kollányi, 19-21.

100 Plusieurs exhortations aux custodes le rappellent, de 1488 à 1516. On lit ainsi dans une exhortatio de Barthélémy de Sáros (1488): Presens series per singula custodie vestre loca defe ratur, et coram omnibus fratribus professis intelligibiliter exponatur; dans une autre d’Etienne de Sopronca (dans les années 1490): hec autem scripta per loca custodie vestre ad fratres in communitate exponere faciatis etc., vel sic: hec epistola in quolibet loco custodie legatur in communitate et in wlgari exponatur; dans une troisième de Gilles de Cegléd (1506): presentium seriem legi faciatis et intelligibiliter exponatis; dans une autre encore, de Gabriel de Pécsvárad (1512): Vestra igitur paternitate venerande ipsas easdem exhortatorias litteras in singulis vestre custodie locis per se vel per alium legi et clara expositione intelligibiliter faciat divulgari; dans une autre enfin écrite la même année: in vulgari exponetur. 1er form., fol. 23v (pj n° 1), 26 (pj n° 2), 34 (pj n° 3), 11v, 9v (pj n° 4); MFL, Középkori oklevelek, n° 99 (cité dans Szűcs, 228); Karácsonyi I, 375.

101 Un modèle de clausula pro custodi defuncto et de clausula pro custodi infirmo se trouve dans le premier formulaire, au fol. 67.

102 Exemples de clausule pro custode substituto dans le premier formulaire, pour un chapitre général, aux fol. 66v-67 et 67-67v, et pour le chapitre provincial, fol. 106v; ce dernier précise que le vicecustos avait tous pouvoirs par délégation.

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L’organe suprême de décision était le chapitre vicarial (provincial après 1517), dont nous détaillerons un peu plus loin la composition. Il se réunissait en un lieu fixé par le précédent chapitre, généralement dans un couvent de taille suffisante pour accueillir tous les participants; d’où la fréquence du choix de Buda103. On évitait les couvents trop exposés ou géographiquement excen-trés – ceux de la périphérie orientale du royaume ou très proches de la fron-tière autrichienne, par exemple –, les établissements méridionaux conservant cependant leur ascendant historique jusqu’au début du XVIe siècle104. Les pères se retrouvaient tous les deux ans, au lieu de trois, depuis 1473 – et non selon le rythme triennal que l’on pratiquait ailleurs105. Sorte de moyen terme entre la pratique dominicaine et celle des franciscains traditionnels (elle-même inspirée des usages cisterciens), cette périodicité assurait une rotation plus rapide des charges et une meilleure prise en compte des problèmes du moment. Elle fut interrompue au lendemain du chapitre généralissime de 1517, mais restaurée dès 1523 à la demande des observants hongrois106. D’ailleurs, les con ven tuels l’adopteront à leur tour vers 1520107. Le plus souvent, sauf lorsque le chapitre général cismontain se tenait à la même date, le capitulum provinciale avait lieu autour de la fête de la Pentecôte; ceci pour d’évidentes raisons climatiques que le chapitre de Gyöngyös invoqua en 1535 au moment où il inscrivit officielle-ment cette habitude parmi les normes de la province108. Il durait une semaine et constituait un événement local d’importance majeure, pour les frères comme pour les habitants. Tandis que les pères débattaient entre eux, des prédicateurs prononçaient chaque jour des sermons devant les fidèles assemblés dans l’église et des prêtres les entendaient en confession109. Sur convocation du vicaire, les pères pouvaient aussi se réunir à titre extraordinaire, pendant trois jours, pour

103 Karácsonyi II, 21 (pour le couvent de Buda).104 Voir carte n° 3 et la liste des chapitres de la province de Hongrie donnée en annexe.105 H. Holzapfel, Manuale Historiae 179; L. Iriarte, Storia del Francescanesimo, 131.106 Karácsonyi I, 378, 382.107 Karácsonyi I, 95 98-99.108 Karácsonyi I, 364 382 394.109 C’est ce qu’indiquent les actes du chapitre de 1542. Karácsonyi I, 400-401. Deux do-

cuments du premier formulaire, datés de 1514 et 1515, confirment ce déroulement général pour les décennies précédentes: le vicaire y nomme les prêtres qui seront chargés de prê cher devant les participants, mais aussi ceux qui s’exprimeront en chaire devant les fidèles pendant la durée du chapitre, en deux lieux différents (in ecclesia et in reffectorio). 1er form., fol. 80, 106v-107 (pj n° 24).

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préparer un chapitre général110; ou encore, aussi longtemps que nécessaire, pour résoudre une crise appelant des mesures d’exception, tels les événements dra-matiques survenus au printemps de l’année 1514111.

Le chapitre provincial avait, seul, le pouvoir de légiférer dans la province. Une prérogative qui n’était reconnue ni au vicaire (comme en Pologne, ainsi que le constata à ses dépens le ministre Raphaël de Proszowice en 1527112), ni aux ins-pecteurs plénipotentiaires, précisent les actes du chapitre de 1504113. Les dirigeants cismontains en furent écartés de la même manière puisque toute innovation devait être soumise à l’approbation des pères avant d’entrer en vigueur sur le sol magyar. C’est aussi le chapitre provincial qui désignait, par élection, les custodes et les gar-diens114. Outre le vicaire, élu dans les premiers jours de chaque session, il nommait les inspecteurs (visitatores ou commissarii) et les prédicateurs, qu’il affectait dans les différents territoires de prédication (con tratae) de la province115. Il avait également le pouvoir de les déposer, en cas de manquement grave et après enquête. Car tous les officiales, vicaire inclus, étaient responsables devant lui. Ainsi, une fois la durée de son mandat écoulée, le provincial devait répondre devant le chapitre de ses actes. Il subissait à cette occasion un interrogatoire mené par les quatre définiteurs désignés par le chapitre. Si des accusations graves avaient été portées contre lui, ces derniers enregistraient ses déclarations puis lui demandaient de se disculper en public, devant les pères assemblés ou, le cas échéant, le soumettaient à leur jugement116. Le chapitre faisait office d’instance judiciaire suprême; en première instance (pour les affaires les plus graves, définies en 1499 comme passibles de plus de trois mois de réclusion) et en appel (le chapitre pouvant, après enquête,

110 Le premier formulaire montre ainsi comment le chapitre général cismontain prévu pour le 21 juin 1514 à Assise fut préparé en Hongrie par le chapitre extraordinaire de Visegrád, réuni à l’initiative du vicaire Blaise de Dézs du 1er au 3 mai 1514. 1er form., fol. 60, 63-63v, 87-91v. Voir aussi Szűcs, 237.

111 Le vicaire de Hongrie demanda en août 1514, après la fin de la jacquerie, la convo-cation d’un chapitre exceptionnel, lequel s’ouvrit un an plus tard, en août 1515. 1er form., fol. 67v-68v (pj n° 21). Nous l’examinerons dans les chapitres 8 et 9.

112 K. Kantak, Les données historiques, 458.113 Ainsi que le rappelle la confirmation cismontaine de 1504. Karácsonyi I, 363.114 Le libellé de ces nominations se trouve dans la rubrique Super institutione guardiani vel

custodis du premier formulaire, fol. 65v-66 (pj n° 22).115 Exemples dans le premier formulaire (fol. 60v, …).116 LERH III, 631-632; Kollányi, 31-33

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UNE ORGANISATION PERFECTIONNÉE 175

casser les verdicts prononcés par les gardiens et les custodes)117. Enfin, aucune fondation ni aucun transfert ne pouvait avoir lieu sans son assentiment118.

Quelles prérogatives restait-il au chef de la province? En dehors des ses-sions capitulaires – qu’il présidait en fixant l’ordre du jour avant de quitter ses fonctions et en exprimant son avis avant les autres participants119 – le vicaire incarnait la continuité de la direction provinciale120. Il n’avait pas de résidence imposée mais, en dehors des visites et de ses nombreux déplacements, il vivait le plus souvent au couvent Saint-Jean de Buda (en particulier dans les années 1490 à 1520121). Proche de la cour, où il savait pouvoir trouver des protecteurs, il l’était également de son homologue conventuel, logé habituellement à Óbuda122. Et il disposait sur place de précieux outils de travail depuis les années 1510 au plus tard: c’est dans le couvent Saint-Jean que, peu à peu, on prit l’habitude d’entre-poser les archives de la province, à commencer par les actes des différents cha-pitres (à partir de 1510 environ)123. Les attributions du vicaire s’étendaient à des domaines très divers. Il était d’abord la mémoire de la province. Tout événement important (une condamnation à l’em prisonnement, par exemple) devait lui être signalé sans délai; il l’inscrivait dans un registre qu’il conservait jusqu’à la tenue du prochain chapitre et à l’élection de son successeur, à qui il transmettait ces documents. Le vicaire gérait par ailleurs les relations avec les laïcs. Lui seul avait qualité pour admettre des convers ainsi que les nouveaux membres de la confré-rie spirituelle et des fraternités124. Tout juste autorisait-il parfois les visiteurs et les custodes à rendre visite aux tertiaires ou (pour les seconds) à les déplacer d’une maison à une autre, en son nom125. Enfin, il pouvait lancer des enquêtes de sa

117 LERH III, 628-629.118 LERH III, 612.119 Kollányi, 30-31, d’après une source tardive certes, puisqu’il s’agit des actes du cha pitre

provincial de 1542.120 LERH III, 610-612, rubrique De officio et facultate reverendi patris vicarii; Kollányi, 18-19

34-35; Karácsonyi I, 362-363.121 Le prouvent les nombreuses lettres (en particulier les lettres confraternelles) du vicaire

de Hongrie recopiées dans le premier formulaire comportant des indications sur le lieu de leur ré-daction: il s’agit soit du couvent Saint-Jean (1er form., fol. 153v 210, etc.), soit des établissements dans lesquels le chef de la province faisait étape lors de ses tournées nationales.

122 Karácsonyi I, 70.123 Karácsonyi I, 379. Voir aussi Introduction.124 Les litterae confraternales du premier formulaire confirment cette prérogative. Voir pj

n° 37 38 39.125 1er form., fol. 108-108v (pj n° 34). Voir aussi chapitre 6.

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CHAPITRE 4176

propre initiative, revenir sur une sentence judiciaire prononcée par un gardien, un custode ou un inspecteur.

Pour éviter toute dérive monarchique – comme celle qu’avait tentée Etienne de Varsány avant d’être finalement destitué par le ministre général en 1462 –, les Constitutions précisaient que le vicaire ne pourrait être réélu deux fois de suite. Cette précaution était récente. Après l’affaire Varsány, le chapitre s’était contenté de rappeler que le mandat vicarial ne pouvait excéder trois ans. Et lorsque celui-ci passa de trois à deux ans, sous le vicariat de Michel le Sicule (1471-1473), rien n’interdisait la réélection du vicaire sortant126. Les commissaires cismontains obtiendront à partir de 1507 que le vicaire de Hongrie ne puisse briguer un nouveau mandat qu’après une interruption de deux ans minimum127. Ajoutons qu’à partir de 1504 au plus tard, le vicaire était assisté d’un coadjuteur élu lui aussi par le chapitre, le discretus provinciae128, ainsi que (dès 1499) de quatre diffinitores également élus par les pères de la province et non rééligibles de suite129. Avant d’accepter un nouveau convers, par exemple, le vicaire devait solliciter l’approbation de ce définitoire (solum cum consilio discretorum)130 . La démarche ap pa raît aussi dans les lettres nommant les responsables provisoires après un décès inattendu et le remplaçant du vicaire au chapitre géné-ral131. Ce conseil restreint n’avait pas seulement un rôle consultatif. Il disposait, en con certation avec le vicaire, d’un pouvoir décisionnel autonome, que le chapitre de Paks renforça au détriment de celui du vicaire en 1507: une fois ses visites terminées, le vicaire devait remettre les rapports qui en résultaient aux définiteurs, lesquels déci-daient de la suite à donner aux affaires qui y étaient consignées (jugement immédiat, ce qui accélérait la procédure, ou présentation au prochain chapitre)132.

Collégialité et représentativité

Même à l’échelon suprême, nous l’avons montré, les responsables de l’obser-vance hongroise exerçaient leurs pouvoirs de manière collégiale. Cette tendance s’affirma avec le temps. La composition du chapitre vicarial est à cet égard très

126 Karácsonyi I, 346.127 Karácsonyi I, 365.128 Karácsonyi I, 363; 1er form., fol. 87-88.129 LERH III, 630. Le premier formulaire donne la formule que prononçait chaque père

au moment de l’élection du définitoire provincial: Eligo et nomino in diffinitores presentis capituli provincialis fratres t., t., t., et t. 1er form., fol. 54 (pj n° 11).

130 LERH III, 612.131 1er form., fol. 66v-67 (de consilio venerabilium patrum discretorum), 67v (de nonnullorum fra-

trum discretorum consilio), 84 (de consilio discretorum patrum).132 Karácsonyi I, 366.

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révélatrice. Sur les cinquante voix qui s’y exprimaient (fratres vocales133), le vicaire et le discret de la province n’en avaient chacun qu’une seule. Les quarante-huit autres se répartissaient entre les dix custodes, tous présents, dix gardiens désignés selon un mode particulier décrit plus loin, les dix inspecteurs (visitatores) recrutés par le chapitre précédent, huit électeurs choisis par les 42 autres membres du nouveau chapitre, et enfin dix discreti134 élus par les frères à l’échelle chaque custodie, à la majorité (absolue jusqu’au cinquième tour135) et non rééligibles immédiatement136. Ces derniers, précisons-le, arrivaient au chapitre munis des lettres de doléances que leur avaient remis les frères de la custodie qu’ils représentaient137. Elles étaient suffisamment nombreuses pour occuper les pères pendant plus d’une journée. Certaines, transcrites dans les formulaires, ne manquent pas de détails pittores-ques, comme ce frère qui se plaignait vers 1530 au custode de ce qu’un membre de son couvent lui avait dérobé sa doublure en petit-gris138. Tous les niveaux de décision étaient ainsi représentés, jusqu’à celui des simples frères, qui disposaient par délégation d’au moins un cinquième des voix. Dans les vicairies italiennes, les discrets étaient élus par les gardiens seulement. Certes, tous les gardiens hongrois ne siégeaient pas au chapitre, à l’inverse de ceux d’Italie; ceci en raison naturel-lement de l’immen sité de la province, une raison que les dirigeants cismontains reconnurent sans difficulté en 1504, lorsqu’ils confirmèrent les statuts hongrois. Ils convinrent de ce que l’élection directe des discrets par les frères compensait en quelque sorte ce particularisme local139.

Au fil des ans, la représentativité du système s’améliora encore. En témoi-gne l’évolution de la désignation des dix gardiens siégeant au chapitre provincial. Jusqu’en 1509, il s’agissait des supérieurs des dix couvents les plus proches de celui où se tenait l’assemblée capitulaire; par commodité, là aussi. Du coup, les maisons situées aux marges orientales ou occidentales du royaume n’étaient à peu près jamais représentées. A la demande des participants hongrois, le chapitre cismontain de Ferrare décréta en 1509 que ces délégués seraient désormais élus

133 1er form., fol. 60-65.134 Signalons à toutes fins utiles que, dans les sources franciscaines, le mot discretus a par-

fois le sens de délégué (ou représentant) des frères, comme c’est le cas ici, mais d’autres fois celui – beaucoup plus vague – de conseiller (du vicaire, comme du custode ou du gardien).

135 ...eligere teneatur pro discreto, cujus electio secundum constitutiones superinde editas, excedat medieta-tem votum fratrum ipsius loci in quo eligitur (...). 1er form., fol. 71-71v.

136 Voir Organigramme. Karácsonyi I, 363 366-367; 1er form., fol. 31, 60v.137 1er form., fol. 70v-71, 76v (pj n° 11).138 Kollányi, 44, d’après le second formulaire, fol. 37.139 Karácsonyi I, 363.

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CHAPITRE 4178

par l’ensemble des gardiens de la province140. Après 1531, les gardiens des cou-vents les plus peuplés vinrent grossir le groupe des représentants des couvents au chapitre provincial141. Le mode d’élection des discrets élus par les frères pour les représenter au chapitre provincial subit manifestement la même évolution “dé-mocratique”. Au début des années 1490, semble-t-il, l’élection des discreti se dé-roulait en deux temps: les frères désignaient un discretus loci couvent par couvent, après quoi les discrets se réunissaient pour élire celui d’entre eux (le discretus custo-diae) qui représenterait la custodie au prochain chapitre provincial142. Par la suite, dans la première décennie du XVIe siècle, on adopta le suffrage direct: les visitatores furent chargés de collecter les bulletins des différents couvents et procédaient au dépouillement final dans le dernier couvent visité; ce qui évitait de déplacer les dis-creti loci143. Qu’il ait été motivé ou non par cet avantage pratique, le nouveau système faisait tomber un écran supplémentaire entre les simples frères et le sommet de la hiérarchie de la province. Le détail a son importance, surtout quand on se souvient de ce que les quatre définiteurs entourant le vicaire, véritables conseillers exécutifs de la province, étaient choisis parmi ces discreti élus directement par les frères.

Par ailleurs, pour éviter les fraudes, le déroulement des élections était étroite-ment contrôlé. Les visitatores examinaient la validité de l’élection des discreti. Munis d’instructions précises du vicaire avant de commencer leur travail144, ils vérifiaient que les candidats n’avaient pas occupé cette charge précédemment, élément réd-hibitoire145. Ils assistaient à l’élection proprement dite et rassemblaient les bulle-tins du couvent, qu’ils rapportaient sous pli cacheté jusqu’au dernier couvent de la custodie. Là, le gardien et ses conseillers ouvraient toutes les enveloppes et effec-tuaient le décompte final, toujours sous le contrôle du visiteur146. L’anonymat des élections se serait-il généralisé, tandis qu’en Italie par exemple, elles se déroulaient encore publiquement147? Le règlement provincial de 1507 imposait formellement

140 Karácsonyi I, 366-367.141 Kollányi, 28-30,142 Ibique cum aliis discretis locorum singulorum hujus custodie parimodo accessuris, de electione discreti

ad capitulum pretactum transmittendum tractare ac eligere ipsum discretum. 1er form., fol. 61v (pj n° 19). Ce document ne comporte aucune indication de date, mais sa place dans le for mu laire laisse penser – sans certitude – qu’il reproduit un modèle des années 1490.

143 In ultimo autem loco ubi terminabitis visitationem, aperiantur dicte littere et discutiantur coram guardiano et aliis aliquibus discretis. 1er form., fol. 76 (pj n° 11).

144 Voir la lettre intitulée visitatori de electione discreti (1515), recopiée aux fol. 110-110v du premier formulaire.

145 1er form., fol. 70v.146 1er form., fol. 76-76v (pj n° 11), 70v 110v.147 H. Holzapfel, Manuale Historiae, 179.

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l’utilisation dans chaque couvent de bulletins de vote écrits pour l’élection des discrets. Le premier formulaire reproduit plusieurs modèles de bulletins datant des années 1510 et concernant aussi bien l’élection du vicaire que celle des défi-niteurs148. Mais ce qui était visé ici, c’était moins l’anonymat des votants que les fraudes possibles par l’emploi de bulletins multiples. En effet, qu’il s’agît d’élire le discret de la custodie, les définiteurs ou le vicaire, le nom du votant figurait sur le bulletin (par exemple “Ego, frater Petrus de talis, eligo pro discreto ad capitulum fratrem Anthonium de Gerek”)149. Et avant de le déposer dans l’urne, le votant devait lire son contenu à voix haute150.

Dans le même temps, les critères d’éligibilité aux offices suprêmes de la pro-vince s’assouplirent. Seuls les custodes ou les gardiens pouvaient être élus vicaire de Hongrie avant 1502. Les constitutions du chapitre de Paks stipulèrent en 1507 que n’importe quel frère pourrait désormais briguer cette fonction, à condition seulement d’avoir dépassé trente ans151. Ajoutons que les quatre définiteurs entou-rant le vicaire étaient recrutés sans exigence d’officium, là encore. Certes, il y avait une marge entre la norme et la pratique: les noms de vicaires dont on dispose montrent que cette charge ne revenait jamais à un religieux n’ayant exercé aucune dignité.

Centralisation

Parallèlement, et c’est là toute l’ingéniosité du système, la province obser-vante de Hongrie fit l’objet d’une centralisation accrue. La nomination des officiales par le chapitre vicarial, plutôt que par élection, y contribuait déjà fortement; on se souvient de ce qu’elle remontait au passé bosniaque des couvents hongrois152. Dans son principe, elle ne fut jamais remise en cause par la suite, d’autant que les dirigeants cismontains lui étaient favorables. Ils demandèrent seulement aux observants hongrois de mettre en place une sorte de suffrage indirect, ce qu’ils acceptèrent en 1507: les pères établissaient dans un premier temps la liste de ceux des frères qu’ils jugeaient aptes à occuper un officium, après quoi ce sont les quatre définiteurs de la province qui, tels de grands électeurs, faisaient leur choix153. Les compétences judiciaires du chapitre provincial allèrent en s’élar gissant: la liste des

148 Par exemple aux fol. 54 et 76.149 1er form., fol. 76 (pj n° 11), fol. 54.150 Sic pronunciatur in medium… 1er form., fol. 54. 151 Karácsonyi I, 365. 152 Voir chapitre premier.153 Karácsonyi I, 365-366.

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affaires qui étaient exclusivement de son ressort, établie dès 1499 en fonction de la gravité des crimes et délits commis, s’allongea au fil du XVIe siècle154. Le vicaire lui-même pouvait, à l’intérieur de l’ordre, absoudre les cas réservés au pape, du moins certains d’entre eux155; ce qui explique certainement la rareté des docu-ments relatifs aux franciscains observants de Hongrie dans les fonds de la Péni-tencerie Apostolique156.

L’outil le plus efficace de la centralisation provinciale était sans conteste les visites effectuées par les inspecteurs de l’ordre dans les couvents. Mieux que la correspondance, elles établissaient un lien personnel entre les dirigeants (praelati) et les simples frères (subditi), qui permettait aux informations de circuler dans les deux sens, rapidement et directement. Les responsables pouvaient apprécier la situation des frères de leurs propres yeux, et non à travers le prisme réducteur d’intermédiaires souvent enclins à en atténuer la gravité pour ne pas être taxés d’incompétence157. De leur côté, les frères pouvaient à cette occasion con fier leurs doutes et leurs interrogations à une personne extérieure au couvent, ce qui les changeait de leur confesseur. On comprend que, dans une provin ce aussi vaste que la Hongrie, les dirigeants aient abondamment développé la for mule158. Les visites y étaient effectivement très fréquentes. Le vicaire pouvait charger des com-missaires (commissariii vicariales) d’inspecter tel ou tel couvent, pour y contrôler un point de la règle – l’application du vœu de pauvreté, par exemple –, ou en réponse à des plaintes mettant en cause ses occupants (com me à Okolicsnó en 1512159, et au moment de la révolte de 1514). A ces visites ponctuelles s’ajoutaient les visites ordinaires des officiales – celle du vicaire une fois au moins pendant la durée de son mandat, et celles des custodes, tous les six mois –, mais aussi et surtout les tournées d’inspection des visitatores.

Chaque couvent accueillait ceux-ci au moins une fois tous les deux ans, gé-néralement dans les mois qui précédaient la tenue du prochain chapitre provincial,

154 Comme le montrent les actes des chapitres provinciaux de 1505 à 1552. LERH III, 647-669; Kollányi, passim.

155 Item, reverendus pater vicarius potest absolvere sibi confitentes ab omnibus peccatis, etiam Sedi Apos-tolicae reservatis, exceptis semper casibus per processum Curiae denunciatis… LERH III, 612.

156 Voir Introduction.157 Une version tardive des Constitutions recommande ainsi au ministre de la province

d’effectuer personnellement des visites pour cette raison précise. Kollányi, 18-19.158 De manière significative, les textes relatifs aux visites occupent une large place des

deux formulaires.159 C’est ce qu’indique une lettre du vicaire Gabriel de Pécsvárad désignant un commis-

saire pour régler un différent entre les frères du couvent d’Okolicsnó et leur gardien. 1er form., fol. 13-13v (pj n° 30).

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puisque leur fonction était également de contrôler le déroulement de l’élection des discreti devant y siéger. Détail révélateur, les visitatores étaient élus parmi d’an-ciens gardiens; et le chapitre de 1507 conserva cette exigence. Sans doute esti-mait-on qu’une certaine expérience était nécessaire pour accomplir cette tâche délicate; les lettres du vicaire félicitant les visiteurs de leur nomination y font parfois allusion160. Pour s’assurer de leur impartialité, ils étaient recrutés en dehors de la custodie dont ils devaient inspecter les couvents, conformément aux statuts de 1499161. Les visiteurs dressaient d’abord un état des lieux global de la circons-cription, en en recensant tous les membres, vivants ou morts depuis peu, selon un document du début des années 1480162. Ils s’enquéraient surtout de son état moral et spirituel. Les statuts d’Atya leur demandaient de contrôler en priorité l’application du vœu de pauvreté (sobriété des bâtiments et des objets liturgiques, absence de montures) et l’éventuel relâchement de la discipline (relaxationibus regu-laris disciplinae)163. Mais le vicaire leur fournissait des instructions supplémentaires avant chaque tournée, en leur précisant exactement ce qu’ils devaient vérifier, leur indiquant jusqu’à l’énoncé des questions qu’ils devaient poser aux frères164. A la fin de chacune de leur visite, les inspecteurs adressaient à la direction de la province un rapport écrit signalant les infractions constatées165. Pas question de laisser une custodie sans visitator: si l’un d’eux venait à mourir avant d’avoir achevé sa tâche, le vicaire lui nommait aussitôt un remplaçant, ne igitur fratres ejusdem custo-die propter hoc providentia ipsis necessaria sint privati166.

Pour accomplir leur travail, les visitatores suivaient une procédure assez longue, étalée sur une semaine. Elle avait été minutieusement réglementée par les Consti-

160 1er form., fol. 69.161 LERH III, 615. On constate que les huit visitatores nommés dans les actes du chapitre

provincial de Nagyvárad tenu en 1531 appartenaient tous à une custodie différente de celle qu’ils devaient inspecter. Le gardien d’Atyina, en Slavonie, fut même nommé visitator de la custodie d’Esztergom! La remarque vaut pour le chapitre de 1533, avec une nette tendance cependant au rapprochement géographique, que justifiait la dégradation de la sécurité générale. Karácsonyi I, 388-389 et t. II, 11; Kollányi, 23.

162 Nomina etiam fratrum tam vivorum quam defunctorum ad capitulum importare debeas. 1er form., fol. 71 (pj n° 17).

163 LERH III, 616.164 Voir en particulier les folios 73v à 76v du premier formulaire et, dans le second formu-

laire, la lettre adressée aux visitatores par le ministre provincial le 3 février 1534. Kollányi, 23-25, d’après 2e form., fol. 155-158v.

165 LERH III, 616.166 C’est la formule employée par un document du premier formulaire intitulé substitutio

visitatoris per mortem. 1er form., fol. 114.

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tutions d’Atya167, que reprennent en substance de longues rubriques du premier formulaire rédigées dans les années 1510 (sous le nom de Informatio visitatore, ou encore Modus visitationis168). Dès leur arrivée, les visiteurs exhortaient les frères à leur raconter “sincèrement” tout ce qui leur paraissait incompatible avec la règle et les voeux, “en laissant de côté amour (…), haine (…), peur (…) [et] jalousie.»169 La suite de la procédure confirme l’impression selon laquelle tout était fait pour obtenir des aveux. Entre les déclarations publiques du premier jour devant l’as-semblée conventuelle, et en attendant le sermon de clôture devant la même assis-tance, les visitatores passaient leurs journées en entretiens privés avec chacun des frères de l’établissement. Peut-être cette pratique, qui pouvait facilement tourner en interrogatoires à huis clos, s’inspirait-elle des méthodes de l’Inquisition, une institution dont on connaît les liens avec l’obser vance franciscaine en Hongrie de-puis Jacques de la Marche. Cela reste néanmoins à prouver. Quoi qu’il en soit, des précautions s’efforçaient dès 1499 d’éviter les débordements qu’occasionnaient les situations de ce genre, propices aux règlements de comptes personnels. Les entretiens avaient lieu en présence de deux témoins (discreti), choisis parmi les frè-res du couvent par l’assemblée conventuelle avant le début des visites privées; et l’on consignait par écrit (sur des scedulae) le con tenu de chaque déposition170. Toute accusation devait être étayée par des preuves ou témoignages; sans quoi elle n’en-traînerait aucune sanction à l’égard des frères impliqués, mais seulement un rappel à l’ordre verbal. Le nom des accusés, ainsi que celui des témoins réunis contre lui, était tenu secret jusqu’au moment de leur jugement. Les propos calomnieux, de même que les indiscrétions, étaient sévèrement punis171. Enfin, le vicaire exhortait les visitatores à se montrer miséricordieux172. Malgré ces garde-fous, le déroulement des visites en Hongrie scandalisa les commissaires cismontains après 1502. Sans résultat visible. En 1507, le vicaire de Hongrie concéda au vicaire cismontain le confinement des entretiens particuliers dans les limites suivantes: désormais, les

167 LERH III, 615-616, rubrique De officio patrum visitatorum; Kollányi, 24-25.168 1er form., fol. 69v-76v (dont pj n° 11).169 … quod omnia quae sciunt contra regulam vel regularem vitam bona fide teneantur contra quemcun-

que revelare, postposito amore, favore, odio, timore, rancore, prece vel pretio. LERH III, 615. C’est encore ce que demandait le vicaire à un visitator vers 1515: …ad veritatem dicendam, que ab eis requires, invi-die, odii rancoris ac timoris, livoris nota et alia quavis sinistra intentione procul motis, sint firmissime obligati. 1er form., fol. 68v (pj n° 21). On retrouve une formule analogue quelques pages plus loin, dans le passage intitulé Modus visitationis (fol. 75, pj n° 11).

170 LERH III, 615; 1er form., fol. 75-75v (pj n° 11).171 LERH III, 616.172 …misericordie oleum inmiscere non ommittatis, semperque curationi et emendationi deliquentium

intendire potius quam vexationi… 1er form., fol. 69v-70.

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visiteurs interrogeraient uniformément dirigeants et simples frères devant tous les frères assemblés, ... sauf s’ils avaient un secret à révéler173. Une demi-mesure dont la portée fut à peu près nulle: les documents relatifs aux visites consignés dans le premier formulaire confirment le prolongement de la pratique des entrevues en privé.

Fidèle aux grands principes d’organisation de l’ordre, la province observante de Hongrie avait atteint au début du XVIe siècle un degré d’aboutissement adminis-tratif rarement égalé dans la Chrétienté, que ce soit chez les conventuels ou parmi les observants. La présence de l’échelon intermédiaire des custodies, la fréquence des visites, la périodicité du chapitre provincial et ses prérogatives en matière de nomination des custodes et des gardiens multipliaient les moyens de contrôle tout en facilitant les échanges entre la base et la direction, ainsi assurée de demeurer en phase avec les problèmes que rencontraient les frères au quotidien.

Au début du printemps 1514, la machine semblait fonctionner à merveille. Dès qu’ils en reçurent l’ordre, les dirigeants de l’observance hongroise diffusèrent en quelques jours auprès de milliers de personnes la bulle de croisade que venait de leur communiquer le légat. Un mois plus tard, avant la fin du mois d’avril, leurs prédicateurs avaient réussi à enrôler des foules de combattants174.

III. La qualité des hommes: une exigence absolue

Aussi perfectionné fût-il, le système ne pouvait œuvrer si les hommes qui l’animaient n’étaient pas imprégnés de l’affection qui devait unir tous les frères, dirigeants ou subordonnés. C’est ce que rappelle Gabriel de Pécsvárad dans une exhortation de 1512: prelati subditos ament ut filios, subditi autem prelatos diligant ut pa-trem175. Citant un court extrait de la règle de 1223, les Constitutions invitaient déjà les dirigeants à réprimander les frères cum pietate et charitate, sans sombrer dans le despotisme et l’arbitraire176.

Les réformateurs monastiques de la fin du Moyen Âge, bien placés pour savoir quelles dérives menaçaient la sainteté de leur genre de vie, s’efforçaient d’améliorer la qualité morale, spirituelle – accessoirement intellectuelle – des

173 Karácsonyi I, 365.174 Voir chapitre 9.175 1er form, fol. 10.176 Si quis vero in hoc vitiosus notabiliter inventus fuerit, utpote thirannizando, injuste puniendo, calum-

niando sicque subditos amaricando discordiam excitaverint… LERH III, 633.

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CHAPITRE 4184

membres de leur ordre, avant comme après leur entrée en religion. Cette pré-occupation figure pareillement au cœur de l’action des dirigeants de la province observante de Hongrie.

Un recrutement sélectif

Ne devenait pas franciscain observant qui voulait. Les réformés hongrois, comme dans d’autres congrégations régulières hors du pays177, accordaient une grande importance à la sincérité des vocations. Parmi les différentes voies qui mènent à la vie éternelle, écrivait Pelbart de Temesvár, choisir l’état de clerc est indiscutablement la meilleure. Encore faut-il répondre à l’appel de Dieu, et non à la pression exercée par l’entourage ou le milieu d’origine178. Les observants de Hongrie s’insurgeaient donc à leur tour contre les vocations forcées – par la volonté parentale – et immatures. Voilà pourquoi l’entrée au noviciat, ne pouvait se faire avant l’âge de 14 ans révolus (18 ans pour les convers)179. A la différence des statuts conventuels réformés, soulignons-le, les Constitutions de 1499 n’admettaient aucune exception; la pratique des oblats que toléraient encore les franciscains traditionnels180 était bel et bien abolie. Naturellement, de la même manière que dans les ordres traditionnels ainsi qu’en vertu de la règle de 1223, l’impétrant devait être sain de corps (corpore sanus) et d’esprit (animus promptus) et libre de tout engagement: lien conjugal (matrimonio non liga-tus), dettes (debitis expeditus), condamnation judiciaire et ecclésiastique (censuris ecclesiasticis absolvantur), dépendance servile (liber aetate), ou encore vœux pro-noncés dans un autre ordre, sauf autorisation formelle de son supérieur. Un homme marié pouvait de venir convers, mais à condition de se séparer de son conjoint, comme le fit l’or ganiste de Nyírbátor: il devint convers en 1537 après avoir obtenu la séparation légale (validée par un tribunal ecclésiastique) d’avec son épouse181. Il devait également être de naissance légitime (legitime natus). S’y ajoutaient des critères moraux et spirituels: seul un bon chrétien connaissant les principaux dogmes et éloigné de tout soupçon hérétique (fidelis et catholicus de nullo errore suspectus) pouvait entrer dans l’ordre – ainsi que l’exigeait déjà la

177 J.-M. Le Gall, Les moines, 168.178 ... quod nisi ipse filius consenserit non obligabitur ex matris vel patris quo ad aliquid personale, uvt

ieiunare, presbyterari, religionem intrare et similia. PT, Sanctis II, sermo XXIV G; L. Pásztor, Temesvári Pelbárt, 147; Id., A magyarság vallásos, 11.

179 …annorum adminus XIV... LERH III, 619. Voir aussi chapitre 2.180 Voir chapitre 3.181 EEMH II, 489; Kollányi, 37, d’après les actes du chapitre provincial de 1537.

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règle. Mieux, ses qualités devaient gran dir la réputation de la congrégation (talis conditionis existens, quod cujus receptio clero et populo non modicam afferat aedificationem). Enfin – et cela est plus original – il aurait nécessairement des rudiments d’ins-truction (sit competenter litteratus)182.

Dans la pratique, ce sont les custodes qui sélectionnaient les candidats au noviciat puis à la profession183. En 1518 encore, alors que les entrées se faisaient moins nombreuses, le ministre Albert de Dereszlény leur demandait très claire-ment de privilégier la qualité sur la quantité184. Il va de soi qu’ils se montraient particulièrement vigilants dans le recrutement des responsables (dirigeants ou re-présentants) de la province. L’irréprochabilité des candidats aux officia fit l’objet d’un contrôle de plus en plus rigoureux. Gardiens et custodes, depuis le chapitre de 1507, étaient nommés par les définiteurs de la province sur une liste allégée au préalable des noms de frères jugés suspects, on l’a vu. Après que les définiteurs avaient communiqué publiquement leur choix, les pères assemblés pouvaient jusqu’au dernier moment faire part de leurs réserves au sujet de tel ou tel officialis, en leur âme et conscience et avec tact185. Les futurs discreti, déclare le vicaire de Hongrie dans une lettre adressée à un visitator chargé de surveiller leur élection, doivent se caractériser par les qualités suivantes: laudabilis vita, conversatio sancta, sol-licitudinis vigilantia, zeli vivacitas, morum gravitas alieque virtutes186. Lorsqu’ils écrivaient aux nouveaux visiteurs, les vicaires leur rappelaient qu’ils avaient été sélectionnés pour les mêmes vertus, enrichies par l’expérience187.

L’épreuve du noviciat

Conformément à la tradition franciscaine, une période probatoire d’une année séparait l’entrée dans l’ordre de la cérémonie des vœux, qui marquait un engagement définitif et irréversible. Il s’agissait, comme dans les autres ordres mendiants et chez les conventuels, sur le modèle dominicain, d’éprouver le de-

182 LERH III, 619.183 Le premier formulaire reproduit certaines lettres par lesquelles ils adressent un nou-

veau novice au gardien d’un couvent (ad ordinem receptum). 1er form., fol. 144v.184 Caveatis etiam a recepcione personarum inutilium ad professionem, quam maxime in quibus tempore

probationis devotionis fervor et zelus religionis sancte non apparet, et in quibus contemnuntur etiam boni et ordo, despicitur et relaxatur. Nec cunctis tales multiplicari fratres in numero excessivo.... 1er form., fol. 209 (pj n° 5).

185 Karácsonyi I, 365-366. Source: LERH III, 650-653.186 1er form., fol. 110.187 ... laudabilis vita, conversatio sacta, discretio prefulgida, morum gravitas, zelus religionis, alieque

virtutes ... 1er form, fol. 70v (pj n° 17). S’y ajoutent parfois la sollicitudinis vigilantia et bien sûr la sagesse acquise par une longue pratique de la vie franciscaine. 1er form., fol. 69.

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gré de motivation des candidats à la vie régulière; aussi bien celui des frères qui se destinaient à la prêtrise, les clerici (futurs patres ou sacerdotes), que celui des convers (laici). Si, dans l’ensemble, la formation des novices observants obéissait au même schéma que chez les conventuels188, certains traits en faisaient un vé-ritable parcours du combattant. Précisons qu’au départ, elle avait lieu sur place, dans le couvent où le candidat s’était présenté, par commodité. Du coup, chaque couvent ou presque avait son ou ses novice(s) à la fin du XVe siècle. Leur traite-ment, placé sous la responsabilité du gardien, variait donc d’un établissement à l’autre. Par souci d’unité et afin de pouvoir s’assurer plus facilement de la qualité de leur éducation, le chapitre de Buda décida en 1505 de rassembler les novices de chaque custodie. Désormais, certains établissements, un ou deux tout au plus, désignés une fois pour toutes par le custode, rempliraient en permanence ce rôle189. Trente ans plus tard, ce système fonctionnait toujours, selon les directives des pères assemblés à Gyöngyös en 1535190. Le chapitre de Jászberény ajouta deux ans après que les novices n’avaient pas le droit de partager leur noviciat entre plusieurs couvents191.

Au moment de leur admission, les novices recevaient du chef de la province une lettre les félicitant de leur choix et les encourageant à poursuivre dans la voie de la sainteté franciscaine. Il leur rappelait à cette occasion les sacrifices qu’elle supposait sur le plan terrestre, mais aussi les récompenses qui les attendaient dans l’au-delà192. Après ces déclarations générales, dès qu’ils avaient franchi la porte du couvent, les novices étaient aussitôt mis en condition. On leur imposait de rom-pre entièrement avec leur vie antérieure, par une immersion totale dans le bain monastique. Car il ne fallait pas les tromper sur ce qui les attendait dans l’avenir: ils devaient choisir en connaissance de cause, déclaraient sur le même ton les ré-formateurs dominicains français de l’époque193. En Hongrie également, l’entrée au couvent devait être vécue comme une conversion (conversio, ou conversatio mo-rum). Après avoir reçu l’absolution et l’Eucha ri stie, les novices revêtaient l’habit de l’ordre et le conservaient dorénavant jour et nuit, comme les profès. Ils se soumet-taient aux mêmes obligations liturgiques qu’eux, assistant en particulier à tous les

188 E. Mályusz, Egyházi társadalom, 279-290; B. Romhányi, A koldulórendek szerepe.189 Item in omnibus nostrae provinciae custodiis deputentur loca specialia et aperta pro novitiis educan-

dis… LERH III, 649. Voir aussi Karácsonyi I, 364.190 Item in singulis custodiis pro novitiis deputentur duo loca devota et idonea vel saltem unus et ponantur

sub uno confessore. EEMH, II, 482.191 EEMH, t. II, 488. Voir aussi Kollányi, 38.192 1er form., fol. 143-143v (pj n° 8), 143v 144 145 (pj n° 9).193 J.-M. Le Gall, Les moines, 162-163.

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UNE ORGANISATION PERFECTIONNÉE 187

offices, ainsi que l’écrivait le vicaire de Hongrie dans les années 1510, puis dix ans plus tard194. On ne leur épargnait pas les humiliantes confessions publiques, en en réduisant seulement la fréquence (trois fois par semaine au lieu de chaque jour pour les profès)195. Vers 1520 encore, le ministre de la province salvatorienne les exhortait à se confesser fréquemment, y compris devant l’assemblée conventuel-le196. Les novices suivaient le même régime alimentaire que leurs compagnons et s’entouraient d’un confort rudimentaire. Eux aussi respectaient le silence, dont les dirigeants faisaient le rempart de la vie monastique197. Surtout, pour leur montrer ce à quoi ils s’engageaient, on les astreignait à la clôture complète: les Constitu-tions leur interdisaient de sortir du couvent (sauf pour les processions), d’entamer une discussion avec un laïc, même s’il s’agissait d’un proche (sauf autorisation du confesseur et en sa présence), et d’écrire des lettres à des personnes extérieures à l’institution (sans accord à nouveau de leur directeur de conscience)198.

Pour autant, les novices n’étaient pas livrés à eux-mêmes. Le gardien du cou-vent où ils vivaient nommait dès leur arrivée un frère, dûment sélectionné pour ses qualités morales et sa connaissance de la règle (maturum, discretum, devotum et in regulari expertum), qui avait pour mission de les accompagner pendant toute la durée du noviciat199. Il faisait office à la fois de directeur de conscience – d’où son nom de confessor, de director200 ou de tutor201 – et d’instructeur (il était parfois appelé magister)202. Il devait enseigner les vertus franciscaines aux novices verbo et exemplo et encourager leur désir de renoncer au monde par la vie régulière. C’est ce que recommandent les Constitutions de 1499, ainsi que diverses lettres des vicaires

194 1er form., fol. 143v (pj n° 8), 199v.195 Fratres vero novitii ter ad minus in septimana, videlicet secunda, quarta et sexta feriis humiliter dicant

suam culpam in communitate… LERH III, 627; Kollányi, 38-40.196 1er form., fol. 199v.197 1er form., fol. 199v. Sur les vertus prêtées au silence, voir chapitre suivant.198 Nec litteras mittant, vel recipiant, nisi de licentia sui confessoris. Nec loquantur cum aliqua per so-

na saeculari nisi praesente suo confessore, vel alio per suum praelatum sibi deputato. LERH III, 619. On retrouve ces interdictions chez les dominicains français. J.-M. Le Gall, Les moines, 162-163.

199 LERH III, 619. Plusieurs lettres vicariales copiées dans le premier formulaire rappel-lent sur le même ton quelles qualités doivent avoir les confesseurs. 1er form., fol. 9v-10 (1512, pj n° 4), 190 (1514), 144v 144v-145 (non datés).

200 …rogans diligenter , ut eidem in directorem et confessorem deputare velitis, (…) qui ipsum et verbis et exemplo ac conversatione sancta, ad optimos modos, regularemque disciplinam instruat et informet. 1er form., fol. 144v-145.

201 …dandum ei directorem, qui eum verbo et exemplo ad religiositates et bonos modos ac nostri ordinis consuetudines instruat. 1er form., fol. 144v.

202 1er form., fol. 9v-10 (pj n° 4) et 190.

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de Hongrie transcrites dans le premier formulaire203. Par ailleurs, afin d’aider les confesseurs et les gardiens dans leur tâche, le vicaire adressait aux gardiens et aux novices des lettres pastorales dans lesquelles il soulignait la supériorité de l’état monastique. Il y évoquait les vanités de ce monde et les vertus franciscaines, et rappelait aux novices ce qu’on attendait d’eux204. Non sans élitisme, il développait le thème de la sainte milice205, dont les combattants arboraient l’oriflamme du Christ et de saint François (signiferum vel vexilliferum Franciscum sanctum)206. Au cas où ces arguments ne suffiraient pas à les convaincre, il incitait les novices à faire preuve de persévérance, tout en laissant agir la grâce207.

La formation des novices comprenait un second volet d’ordre culturel, celui-là. Le vicaire Etienne de Sopronca déclarait dans les années 1490 que l’instruc-tion des jeunes profès était indispensable à la bonne santé de la province208. Les Constitutions ne s’y attardent guère à première vue: elles demandent au confes-seur de conduire les novices vers la connaissance de Dieu, non par l’étude, mais praesertim se humiliandi, et Deum dulciter contemplandi erudiat. Plus loin cependant, elles l’enjoignent de sanctionner leurs erreurs de male lectis vel actis209. Le chapitre de Paks, réuni sous la présidence d’Oswald de Laskó, semble encourager les pro-grès littéraires des nouvelles recrues. Il décréta – en s’inspirant visiblement des statuts conventuels de 1454210 – que les novices et les jeunes profès devraient toujours converser litteraliter (en latin). Pendant les repas, ce sont eux qui feraient les lectures211. La documentation montre au demeurant que, dès le début de leur vie régulière, les franciscains hongrois connaissaient les bases de la langue latine, de la lecture et de l’écriture. En témoigne l’entreprise de rédaction du premier formulaire dans les années 1510, et plus encore la présence dans celui-ci de lettres écrites à titre privé par des frères à d’autres membres de la province de Hongrie. Certes, plusieurs d’entre elles révèlent une connaissance pour le moins floue des règles de la grammaire latine212 – sans parler bien sûr de l’orthographe, encore très

203 … confessorem (…), qui eorundem novitiorum continuam curam gerant viam Dei, mundi et sui contemptum doceat, mores et observantias religionis eis verbo et exemplo demonstret… LERH III, 619. Pour les lettres vicariales: 1er form., fol. 9v-10 (pj n° 4), 190 144v 144v-145.

204 1er form., fol. 143-143v (pj n° 8), 143v (pj n° 9).205 … erga novicios quos sanctissime nostre aggregavit militie. 1er form., fol. 143v.206 1er form., fol. 144 167v.207 1er form., fol. 143-143v (pj n° 8).208 … quia juvenum fratrum eruditio multum necessaria est nostre familie. 1er form, fol. 25 v.209 LERH III, 619.210 Statuts conventuels de 1454, p. 101.211 LERH III, p. 653; Kollányi, 41.212 Par exemple aux fol. 151v-152v (pj n° 32).

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souple à cette période. Mais les cahiers de Ladislas de Szalka († 1526), novice au couvent de Sárospatak à la fin du XVe siècle, indiquent une bonne maîtrise de la syntaxe latine et un éventail assez large de connaissances, qui ne tenaient peut-être pas seulement aux aptitudes exceptionnelles du futur archevêque-primat213.

Le polonais Simon de Lipnica, en visite au couvent de Varsovie vers la fin des années 1470, aurait ordonné aux novices de l’établissement de marcher pieds nus dans un brasier, en leur déclarant que s’ils ne traversaient pas cette épreuve avec succès, ils ne supporteraient pas la vie au couvent214. On ne trou ve nulle trace d’exigences de ce type, quasi initiatiques, dans les couvents hongrois. Malgré tout, l’admission définitive des frères faisait l’objet d’une sélection rigoureuse, princi-palement fondée sur la valeur morale et spirituelle du candidat. Au terme de son année de noviciat, les témoignages recueillis auprès des frères qui l’avaient côtoyé décidaient de son entrée dans l’ordre215. On aimerait savoir combien de candidats furent “reçus” ou “recalés” de cette manière; aucune source ne le permet malheu-reusement. Si le novice décidait de ne pas pour suivre l’expérience, il retrouvait les effets personnels qu’il avait remis à son arrivée, ce qui marquait symboliquement le retour à son état antérieur. Le second formulaire livre à ce propos une anecdote amusante. En 1534, un novice un peu trop sûr de lui avait fait cadeau de ses vête-ments, dès son arrivée au couvent, à l’un de ses proches. Ayant finalement renoncé à prononcer ses voeux, il se trouva bien embarrassé. Le ministre provincial déclara que l’on ne pouvait décemment le laisser repartir dans le plus simple appareil; il or-donna au gardien de lui donner de quoi se vêtir avant de quitter l’établissement216.

La formation des prêtres

Les novices étaient-ils convenablement préparés? Jusqu’à la fin des années 1510, les dirigeants ne semblent pas se plaindre de leur niveau. C’est en 1518 seu-lement que la qualité de leur formation fut mise en cause pour la première fois: une exhortation du ministre Albert de Dereszlény la juge insuffisante et l’accuse des nombreux maux dont souffrait alors la province217. Après la cérémonie des vœux (professio), qui marquait l’entrée définitive dans l’ordre, ceux des frères qui

213 Erik Fügedi, Les intellectuels et la société dans la Hongrie médiévale, dans Kings, Bishops, 14; I. Mészáros, A Szalkai-kódex és a XV. századi végi sárospataki iskola [Le codex Szalkai et l’école de Sárospatak à la fin du XVe siècle], Budapest 1972.

214 K. Kantak, Les données historiques, 443.215 LERH III, 619.216 Kollányi, 40, d’après 2e form., fol. 76.217 1er form., fol. 209 (pj n° 5). Voir chapitre 7.

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se destinaient à la prêtrise continuaient à s’instruire. Leur degré d’aptitude était laissé, là encore, à l’appréciation du custode. Il devait s’assurer de leur exemplarité morale et spirituelle, tout autant que de leurs connaissances: sit (…) laudabili vita et competens litterarum scientia, recommande une lettre d’obédience du premier for-mulaire218. Aucune durée minimale n’était imposée formellement à l’éducation des futurs prêtres. La seule condition était de ne pas être ordonné avant vingt-deux ans, condition formulée dans les sources hongroises dès 1436219. Sauf si le chef de la province estimait que le candidat avait la maturité nécessaire pour recevoir les ordres majeurs, auquel cas il lui accordait une dispense d’âge, par délégation de l’autorité pontificale. Ces dérogations, absentes du premier formulaire, demeu-raient apparemment l’exception. Mieux valait retarder l’ordination si nécessaire, plutôt que de la précipiter. Le ministre Bernardin de Somlyó (1520-1523) encou-rageait les custodes à ne pas ordonner trop rapidement les novices220; ils devaient d’abord vérifier la sincérité de leur engagement et s’assurer de ce qu’ils prenaient l’état sacerdotal au sérieux221.

Dans la pratique, l’instruction des candidats à la prêtrise était d’ordre intel-lectuel, beaucoup plus que moral. On a peu de renseignements sur les lieux dans lesquels elle se déroulait. Les sources n’évoquent pas de studia particularia à propos des observants. Mais il est probable qu’à partir de 1505, la formation des jeunes profès ait pris le même cadre que celle des novices, dans deux ou trois couvents seulement par custodie. Les deux maisons de Buda et d’Esztergom, qui abritaient dès les XIIIe et XIVe siècles un studium franciscain, continuèrent à remplir cette fonction après leur transfert aux observants dans les années 1440222. Leurs écoles s’imposèrent dans la seconde moitié du XVe siècle comme les deux établissements les plus avancés de la province observante. Le brillant prédicateur Pelbart de Te-mesvár enseignait la théologie à Buda dès 1483, et Oswald de Laskó, qui semble avoir été un temps gardien du couvent d’Esztergom, résidait le plus souvent non loin de Buda, à Pest, sur l’autre rive du Danube223. Le chapitre de Buda décréta en mai 1515 que les frères les plus doués pour les études, en particulier ceux qui se destinaient à devenir confesseur ou prédicateur, devraient être envoyés dans l’un

218 1er form., fol. 99.219 AcBos, n° 745. Voir aussi Galamb, 175.220 …cleros nostros ad sacros ordines ne cito promovere debeatis. 1er form., fol. 197v (pj n° 6).221 Sintque pura cordis intima (…). Scurrilitas autem et immundicia que ad rem non pertinet nec nomi-

netur inter vos, sicut decet Dei ministros... 1er form., fol. 197v (pj n° 6).222 B. Romhányi, A koldulórendek, 37. Voir carte n° 3.223 E. Mályusz, Egyházi társadalom, 284; J. Szűcs, A ferences obszervancia, 221.

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de ces deux couvents224. Les actes de ce même chapitre précisent que leur studium avait trois lecteurs, l’un en arts libéraux (artes), un autre en sententiae – c’est-à-dire en théologie –, le troisième en casuistique (casus conscientiae). Une formation cen-trée sur les savoirs “utiles” donc, plutôt que sur l’érudition. Dès 1490, le vicaire Etien ne de Sopronca demandait aux custodes de faire en sorte que les juvenes fratres acquièrent une meilleur connaissance des Écritures225, car tel était l’essentiel à ses yeux. Cette tendance, on le verra, se prolongea jusqu’au cœur du XVIe siècle. Une fois ordonnés, les futurs confesseurs et prédicateurs devaient prouver qu’ils avaient retenu ce qu’on leur avait enseigné. Ils exerçaient leurs responsabilités pastorales, sur mandat du provincial ou du custode, après avoir réussi un examen organisé par le custode ou le provincial. Les Constitutions d’Atya exigent en outre qu’ils aient franchi le cap des vingt-cinq ans226. Ces dispositions furent réitérées en 1515227. Comme le rappelle le vicaire aux custodes, ils ne devaient être autorisés à prêcher ou à confesser sine aliquali sufficientia litterarum228.

Cependant, pour faire pièce à une idée reçue, soulignons que la direction de l’ordre n’incitait nullement les frères hongrois à acquérir une formation de niveau universitaire. Le brillant parcours intellectuel de Jacques de la Marche et de Jean de Capestran ne doit pas masquer ce fait, resté inchangé après leur séjour en Hon-grie229. C’est avant d’entrer dans l’ordre que Pelbart de Temesvár obtint son grade de bachelier à Cracovie230 et qu’Oswald de Laskó effectua ses étu des à l’université de Vienne231. Michel de Szentmiklós, docteur en théologie au début des années 1480, avait obtenu son diplôme avant de prendre l’habit franciscain232. Tandis que chez les conventuels, les exigences étaient nettement plus éle vées sur ce plan: les statuts réformateurs de 1454 imposaient l’envoi extra provinciam, sur les bancs des universités étrangères, d’au moins deux frères par an233.

224 Karácsonyi I, 374. Source: LERH III, 669.225 1er form, fol. 25v (pj n° 2).226 LERH III, 633.227 LERH III, 669.228 LERH III, 633 (competentis literaturae, à propos des prédicateurs); Kollányi, 41.229 Elemér Mályusz l’avait déjà constaté dans Egyházi társadalom, 283-285; Szabó, Huszi-

ta-e, 125.230 T. Vida, Temesvári Pelbárt, 671-672. Voir aussi Á. Szilády, Temesvári Pelbárt.231 R. Horváth, Laskai Ozsvát, 8-9.232 K.Timár, Ferencrendi hitszonokok, 261.233 Statuts conventuels de 1454, p. 99-100.

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CHAPITRE 4192

Autocritique et dissuasion

Quel qu’ait été leur niveau d’instruction et leur degré de responsabilité pas-torale, les frères de la province hongroise étaient tenus de se remettre continuelle-ment en question. La pratique du chapitre des coulpes, traditionnelle dans l’ordre, fut maintenue chez les observants. Selon l’usage en vigueur chez les conventuels234, les membres du couvent se réunissaient une fois par semaine, le vendredi, à l’égli-se ou au réfectoire, et chacun d’entre eux énumérait alors à voix haute devant ses confrères les fautes et manquements (culpae suae) dont il s’était rendu coupable au cours de la semaine écoulée235. A cette confession publique hebdomadaire s’ajou-tait pour les profès un second entraînement à l’humilité: avouer ses torts chaque soir, devant les frères assemblés, du moins s’ils le pensaient nécessaire (de defectibus contingentibus). Et là aussi, le gardien pouvait leur infliger une sanction en rapport avec leur faute. Elle consistait le plus souvent à mettre le coupable au pain sec et à l’eau pendant plusieurs jours, ou à lui administrer des coups de fouets (disciplina) devant les membres du couvent236.

Les religieux devaient par ailleurs se confesser fréquemment. Ils avaient cha-cun un confessor attitré. Seuls les custodes et les gardiens avaient le privilège de pouvoir choisir celui-ci, au sein de l’ordre bien sûr; confirmé par Sixte IV en 1479237, ce droit apparaît dans les Constitutions d’Atya. Les simples frères de-vaient accepter celui que le gardien avait désigné comme leur confesseur. Ils le rencontraient normalement au moins deux fois par semaine – sous peine d’être privés de vin pendant une journée à chaque fois qu’ils omettraient de le faire238. Le secret de la confession devait être scrupuleusement gardé, oralement comme par écrit: tout indiscret se verrait retirer le droit d’absoudre les péchés et, s’il était pris sur le fait, il irait immédiatement en prison239. Mais les confesseurs des couvents ne pouvaient absoudre que les peines mineures, sauf autorisation spéciale du vi-caire. Les “abus énormes” (enormis excessus) relevaient des instances dirigeantes de la province, à savoir le vicaire ou le chapitre. Entraient dans cette catégorie les fautes suivantes, que j’énumère ici dans l’ordre des Constitutions: désobéissance caractérisée, détention de biens, péché de chair, vol d’objets de valeur, violences physiques, faux témoignage, production et diffusion d’écrits calomnieux, falsifi-

234 Statuts conventuels de 1454, p. 100, chapitre de capitulo culparum.235 LERH III, 627; Kollányi, 74.236 LERH III, 625 (à propos du silence) et 626-627.237 MFL, fds I, ms LXVIII.238 LERH III, 627.239 LERH III, 628.

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UNE ORGANISATION PERFECTIONNÉE 193

cation du sceau d’une autorité et propos diffamatoires240. Autant d’errements qui devaient être signalés au vicaire et appelaient une punition adéquate et exemplaire, dont les Constitutions fournissent le détail241. Comme dans les statuts d’autres provinces franciscaines (conventuelles ou observantes), le châtiment prévu com-prenait presque toujours une peine d’em prisonnement, assortie du retrait de l’ha-bit242. Et l’on mettait immédiatement fin aux charges pastorales (de confesseur ou de prédicateur) du coupable ainsi qu’à toutes ses fonctions administratives ou représentatives (comme discret, définiteur, visiteur, gardien ou custode) au sein de la province. Du moins en principe, car nous verrons que la pratique imposa par la suite une relative indulgence dans l’application des sanctions prévues243.

Leur retour dans la famille cismontaine en 1502 n’empêcha pas les obser-

vants hongrois de préserver une grande indépendance par rapport au centre de l’ordre. La position de la Hongrie comme bastion de la Chrétienté, que confir-mait jour après jour la situation militaire, leur laissait une marge de manœuvre à peu près unique sur le continent. Au demeurant, ils surent tirer profit des sug-gestions venues de leurs supérieurs italiens, en particulier sur les points qui pou-vaient prêter le flanc à la critique. Ils regardèrent même du côté des conventuels réformés depuis 1454 – sans l’avouer –, à propos de la formation intellectuelle par exemple.

Ces diverses sources d’inspiration leur permirent d’instaurer des cadres ad-ministratifs particulièrement élaborés, qu’ils ne cessèrent de perfectionner après la mise en forme initiale de 1499. Elles eurent également des répercussions sur l’évolution de leur genre de vie.

240 LERH III, 627-628; Kollányi, 75.241 LERH III, 628-630.242 Omnis etiam carceri mancipandus, habitu ordinis videlicet capucio et corda spolietur. LERH III, 627.243 Voir chapitre 12.

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Chapitre 5

UN FRANCISCANISME PRAGMATIQUE

Quatre décennies de gravitation en électron libre imprimèrent à l’observan-ce franciscaine hongroise une physionomie particulière. Les choix initiaux – qui privilégiaient déjà la restauration sur l’innovation, la tradition franciscaine sur le renouveau ascétique et érémitique1 – évoluèrent dans la pratique vers un francis-canisme modéré et soucieux de s’adapter autant que possible aux données du ter-rain local. Jusqu’où allèrent les observants hongrois dans la relecture de la rè gle (ou plutôt des règles)? C’est ce que le présent chapitre se propose d’éclaircir.

Les observations qui suivent s’appuient en premier lieu sur les rapports des envoyés de la direction cismontaine, dont les usages propres aux observants hon-grois suscitaient l’étonnement légitime – du moins dans la version qu’en fournit la Chronique locale, puisque les comptes-rendus originaux ont disparu. Elles s’ins-pirent également des recommandations des dirigeants de la province hongroise susceptibles de révéler, en creux, l’écart qui séparait norme et pratique. Mais elles se font avant tout l’écho des textes du premier formulaire: c’est là qu’af fleurent le mieux les aspects surprenants – voire déroutants, il faut bien le dire – de l’expérien-ce vécue par les frères observants de Hongrie au tournant des XVe et XVIe siècles.

I. Une vie tournée vers l’oraison

La vie régulière, chez les franciscains comme dans d’autres ordres, était rythmée par le son des cloches qu’agitait le sacristain à heure fixe. Il rappelait aux frères les différents temps forts de la journée, en particulier les rendez-vous communautaires: offices et repas. Restaurer la discipline monastique, ainsi que le voulaient les réformateurs, passait par la mise en ordre de leur emploi du temps quotidien.

1 Voir chapitre 2.

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CHAPITRE 5196

Les couvents hongrois de l’observance employaient eux aussi un sacristain (sacrista). Cette fonction était habituellement confiée à un frère convers. Il avait à sa disposition une cloche, celle du couvent (campana communitatis), qu’il utilisait selon le code sonore suivant: à l’aube, un premier coup de cloche (ad primam pul-sationem) marquait le début de la journée monastique; un autre appelait les frères au réfectoire pour chacun des deux repas, et les invitait à se reposer après celui de midi; un troisième les réveillait en milieu d’après-midi, pour le second office commun2. Il s’agissait aussi, nous y reviendrons, de faire la différence entre les moments où les frères pouvaient parler librement et ceux où ils devaient respecter le silence absolu. On retrouve cette alternance entre temps forts et temps faibles dans l’organisation générale des activités quotidiennes des frères. Leur journée-type, conforme à l’esprit du premier franciscanisme, se partageait entre trois occu-pations principales: la prière (communautaire ou privée, à laquelle se rattachaient les lectures spirituelles), le travail (manuel et utilitaire) et l’action pastorale (en par-ticulier la prédication, du moins pour ceux des frères qui en avaient reçu l’autori-sation). A l’échelle de la Chrétienté, le dosage variait sensiblement d’une province à l’autre, les petites communautés privilégiant les deux premières activités sur la troisième, qui restait l’affaire des confesseurs et des prédicateurs. Qu’en était-il chez les observants hongrois?

La prière: célébrations communautaires et dévotions privées

Entrer en religion signifiait, pour les fils de saint François comme pour tous les réguliers, mener une existence tournée vers l’oraison. C’est ce qu’écri vait Blaise de Dézs en 1514 aux frères de la province hongroise3. Dans la pratique, cela consistait à s’acquitter de certaines obligations liturgiques, c’est-à-dire à célébrer l’officium divinum (pour les prêtres) et à réciter les prières prescrites à chaque heure liturgique, sans oublier les dévotions privées. Les Constitutions le rappellent en citant un extrait de la règle confirmée par le pape en 1223. Elles détaillent en de longs paragraphes la manière dont les frères de la province hongroise devaient prier. On observe qu’elles réservent une place centrale aux oraisons en commun, comme le faisaient au même moment les règlements d’autres provinces obser-vantes. Messes et heures canoniques figurent en tête des devoirs liturgiques des religieux. Les chefs de la province soulignent inlassablement, au milieu des années

2 LERH III, 625; Kollányi, 73.3 Quod quispiam nostram regulam promissam observare possit sine magna oratione. Unde etiam in

regula spiritus devotionis et orationis nobis specialius commendatur… 1er form., fol. 185v-186.

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UN FRANCISCANISME PRAGMATIQUE 197

1520 encore, leur importance4. Le principal grief des réformateurs à l’encontre des conventuels portait précisément sur ce point, qui suscita la fondation de la custodie des Récollets. Gardiens et custodes devaient veiller scrupuleusement (di-ligenter) à ce que les frères ne négligent pas leurs obligations en la matière. La pré-sence de tous les religieux pendant la durée intégrale des prières communes était considérée comme obligatoire, aussi bien pour les profès et novices que pour les frères lais – sauf causa rationabilis5. Seuls pouvaient s’en dispenser les frères mala-des et impotents (exceptis [a]egro tantibus et multum antiquis), sur décision du gardien, ainsi que ceux qui se trouvaient momentanément éloignés du couvent pour prê-cher (pendant le Carême, par exemple) ou bien afin de poursuivre leurs études6. Les convers chargés du ravitaillement n’en étaient visiblement pas exemptés, à l’inverse des couvents bretons7. Dans une circulaire pastorale, le vicaire Gabriel de Pécsvárad réitéra en 1512 l’obligation de présence à l’office tam capita quam membra, tam majores quam minores, tam clerici quam laici8; son successeur fit de même peu après 15149.

Selon la tradition, les célébrations se déroulaient trois fois par jour dans l’église, in choro, le matin, dans l’après-midi et enfin le soir. Un coup de cloche invitait chaque fois les frères à se rendre à l’église, ce qu’ils devaient faire dans le plus grand silence et en se préparant intérieurement (Domino pr[a]eparaturi corda sua). Car il ne suffisait pas d’être présent et de réciter les formules prescrites: il fallait se recueillir, chanter (du moins si les frères étaient suffisamment nombreux) et prier honeste ac religiose10. Pour cela, le silence absolu était indispensable entre les prières à haute voix et il fallait tourner son cœur vers Dieu11. Tous les couvents dont l’effectif le permettait devaient célébrer une messe chantée (avec vêpres) chaque jour, précisent les Constitutions, qui établissent la liste des établissements

4 1er form., fol. 9v (1512, pj n° 4), 203v (après 1514), 209v (1518, pj n° 5), 198v (vers 1520, pj n° 6).

5 LERH III, 621.6 LERH III, 621.7 H. Martin, Les ordres mendiants en Bretagne, 260.8 1er form., fol. 9v (pj n° 4).9 1er form., fol. 203v.10 LERH III, 621.11 On lit ainsi dans une exhortation d’Albert de Dereszlény datée de 1518: Quia sancti patres

olim dixerunt et determinaverunt quod armatura anime sint psalmi. Oratio murus, lacrime vero lavatorium, cerimonie nihilominus ordinis, ac sacrum silentium, quod est decor et fundamentum omnis religiositatis pro loco et tempore sollitius observantur. 1er form., fol. 209v (pj n° 5). Bernardin de Somlyó reprend ce thème au début des années 1520. 1er form., fol. 198v (pj n° 6).

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CHAPITRE 5198

concernés12. La direction du chant était l’affaire du cantor (à Csanád13, comme dans bien d’autres couvents au début du XVIe siècle). L’utilisation de l’orgue pour accompagner les cérémonies confirme l’impression selon laquelle on cherchait à leur donner une certaine solennité. Inconnue au début du mouvement, cette pratique semble résulter, du moins à l’origine, des vœux des fidèles, qui y avaient pris goût dans leur église paroissiale. Ainsi, dès 1499, les habitants de Nagybánya firent don à l’église Saint-Sauveur, celle des observants, d’un orgue14. L’instrument tendit à se généraliser par la suite, cette fois aux frais de la province: en 1531, les frères de Gyula reçurent l’autorisation d’en faire confectionner un pour leur église15. L’inventaire détaillé de 1535 atteste la présence d’organistes dans les couvents de Kolozsvár, de Márosvásárhely, de Medgyes, de Nagyvarad et de Szőllős16. Preuve de l’importance accordée à la qualité musicale des célébrations, le jeu à l’orgue était rarement confié à un convers (en 1542 à Nagybánya17); c’est un prêtre qui en avait habituellement la charge (à Nagybánya en 153518, comme à Csanád19, à Kolozsvár20, etc.). Le premier formulaire présente, dans les dernières pages, une tablature pour orgue (Concordancia in organo)21. Le calendrier liturgique se conformait aux coutu-mes hongroises, mais aussi aux usages cismontains. Au début des années 1520, le ministre de Hongrie introduisit le chant du Te Deum, déjà familier des maisons de la famille cismontaine, tous les dimanches et à chaque fête religieuse22.

En dehors des retrouvailles liées au culte divin, un autre moment vécu en commun permettait aux frères de progresser spirituellement: le temps des repas. Ils devaient garder le silence pendant toute la durée de la collation: sileatur…in refectorio, tam in prima, quam in secunda mensa, quandum comedunt fratres23. Tandis qu’ils mangeaient, un frère, jeune ou moins jeune, souvent novice (on l’a dit),

12 Il s’agit des couvents d’Esztergom, Buda, Pest, Újlak, Sárospatak, Márosvásárhely, Szécsény, Nagybánya, Nyírbátor et Nagyvárad. LERH III, 621.

13 Karácsonyi II, 23.14 Karácsonyi II, 122.15 Karácsonyi II, 71.16 Karácsonyi II, 102, 115, 117, 205, 185; Z. Soós, The Franciscan Friary, 262.17 Karácsonyi II, 122.18 Karácsonyi II, 122.19 Karácsonyi II, 23.20 Karácsonyi II, 102.21 Au folio 234v. Voir Illustrations, n° I, 4.22 Rogo autem ob reverentiam divini cultus, ut in singulis vestris conventibus, dominicis ac festis dup-

plicibus etiam minoribus, Te Deum Laudamus solenniter a vobis decantetur, juxta morem aliarum provin-ciarum. 1er form., fol. 198v (pj n° 6).

23 LERH III, 625.

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UN FRANCISCANISME PRAGMATIQUE 199

lisait un passage des Écritures. Conformément à ce que prescrivaient les réforma-teurs monastiques français, les religieux recevaient ainsi simultanément nourriture terrestre et aliments spirituels24. Cette dernière dimension tendit à s’accroître au cours du XVIe siècle: le chapitre de Nagyvárad réserva en 1550 les lectures saintes aux prédicateurs, espérant sans doute qu’ils en feraient un bref commentaire aux frères assemblés25.

Les dévotions privées n’occupent qu’une faible place des Constitutions. El-les y sont mêlées aux lectures pieuses et aux tâches d’écriture26. Les frères lais n’y étaient pas astreints. Pour les novices, prêtres et futurs prêtres, le créneau horaire réservé aux prières en solitaire se limitait au début de la matinée, jusqu’à neuf heures environ (usque ad tertiam [horam]); et il pouvait être interrompu à tout instant par l’appel de la cloche, si l’on avait besoin d’eux ailleurs27. Toutefois, au début du XVIe siècle, les dirigeants prêtèrent davantage d’attention à ces temps de médita-tion personnelle. Les actes du chapitre de 1507 prescrivent pour la première fois leur durée minimale, fixée à une heure; décomptée à l’aide d’un sablier, elle était signalée par le sacristain d’un coup de cloche28. Des textes plus tardifs, rédigés dans les années 1530, y ajoutent une heure pendant le Carême, avant le repas, en distinguant l’été (où la prière et la méditation en privé se feront l’après-midi) de l’hiver (le matin)29. Enfin, il ne fallait pas s’acquitter de cette obligation de manière hypocrite. Dans une exhortation datée de 1514, le vicaire Blaise de Dézs présente l’oratio comme un rempart contre les tentations, qui conduit vers le Ciel, mais à condition d’être effectuée sincero corde30. Étienne de Sopronca recomman-dait dès les années 1490 aux frères de Hongrie, lorsqu’ils priaient pour éloigner la menace turque, de vivre ce moment avec intériorité et émotion, si possible en versant des larmes31. C’est ainsi que priait l’observant polonais Jean de Dukla, d’après le chroniqueur Jean de Komorowo32.

24 J.-M. Le Gall, Les moines, 197.25 Kollányi, 73, d’après les actes du chapitre de 1550.26 … fratres sacerdotes et clerici (…) occupentur in lectionibus, scripturis et orationibus in suis cellis.

LERH III, 625. 27 LERH III, 625.28 Item maneant fratres omnes in oratione unanimiter per integram horam et sacrista pulset ad eam et

habeat horologiam arenariam et finita oratione faciat signum cum campanella altaris et exeant. LERH III, 651.

29 Kollányi, 92.30 1er form., fol. 185v-186.31 Eya igitur, fratres mei, surgite et armaturam sancte orationis induite, fusis lachrimis, gemitibus et

expansis manibus die ac nocte ad Deum clamate... 1er form, fol. 26 (pj n° 2).32 K. Kantak, Les données historiques, 436.

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CHAPITRE 5200

Le travail manuel laissé aux convers

Conformément à la règle, entre ces temps de prière collective ou privée, qui constituaient en principe les points forts de leur existence, les frères devaient travailler; ceci pour assurer leur élévation spirituelle différemment, mais surtout pour ne pas rester oisifs (ad excludendum otium)33. Les textes hongrois établissent une distinction très nette entre travail intellectuel (c’est-à-dire lecture et écri-ture, associées traditionnellement à la méditation individuelle) et travail manuel. Dans la hiérarchie des occupations monastiques, ils placent le premier très au dessus du second. C’est seulement s’ils sombraient dans l’oisiveté que des frères pouvaient être astreints par le gardien à effectuer des tâches matérielles34; ils de-vraient alors s’exécuter sans broncher, par humilité et obéissance, écrit Blaise de Dézs en 151435.

Pour le reste, c’est-à-dire dans la majorité des cas, ce sont les convers qui se chargeaient normalement des travaux manuels et utilitaires. Blaise de Dézs le reconnaît lui-même dans l’exhortation précédemment évoquée et, au début des années 1520, Bernardin de Somlyó considérait à son tour que les tâches ingrates étaient l’affaire des convers36. A l’approche d’un chapitre provincial, pour préparer l’événement, les convers étaient systématiquement désignés, avec les novices, pour nettoyer le couvent où il se tiendrait (d’après les actes du chapitre de 1542)37. Les couvents hongrois n’exerçaient donc plus depuis longtemps la vertu d’humilité par le travail, ce en quoi ils se rapprochaient là encore de la plupart des établisse-ments réformés de la fin du Moyen Âge38. La chronique locale rapporte que lors-que Étienne de Varsány apprit en 1456, à sa grande surprise, qu’il était élu vicaire de Hongrie, il était en train de faire la vaisselle39. Simple fantaisie du narrateur? On sait l’image négative que laissa le personnage dans la tradition observante. En dehors de cette notation ambiguë, on ne retrouve pas en Hongrie les exemples édifiants de l’observance polonaise: Jean de Dukla, qui avait toujours une cellule impeccable, et Raphaël de Proszowice († 1534), qui, dès son réveil, commençait

33 LERH III, 624. Voir aussi chapitre 2.34 Selon les Constitutions de 1499: Si vero aliqui fratres sacerdotes vel clerici in suis laboribus otiosi

inventi fuerint, tunc et ipsi compellantur per guardianum ad labores manuales. LERH III, 625.35 …stulti facti ut noluit manus apponere ad labores… 1er form., fol. 190.36 …admoneantur quoque ut coquina, sacristia simul et canaparia et alia que ad eos spectant (…)

administrent. 1er form., fol. 199 (pj n° 6).37 Kollányi, 30-31, d’après les actes du chapitre de 1542.38 J.-M. Le Gall, Les moines, 322-323.39 Quando scilicet scutellas lavaret in coquina… C[h]ronica, 244. Voir aussi Karácsonyi I, 338.

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UN FRANCISCANISME PRAGMATIQUE 201

par faire le ménage dans son couvent, sans oublier les lieux d’aisance40. Ils ne semblent pas avoir fait d’émules en Hongrie.

Les convers accomplissaient donc tous les gestes nécessaires au fonction-nement des établissements, selon la répartition des tâches établie par le gardien local. Du jardinage à la cuisine, de la réparation des bâtiments aux travaux de couture et à la fabrication d’objets courants, sans oublier le maniement des clo-ches, de l’orgue (parfois) et du rasoir pour tondre les frères, ils étaient les fourmis ouvrières du couvent. L’inventaire de la province dressé en 1535 dépeint l’éven-tail de leurs spécialités. Parmi les plus fréquentes, celles de cordonnier (sutor), tailleur (sartor), barbier (barberius), serrurier (canaparius), charpentier (carpentarius), portier (portarius) ou encore sacristain (sacrista). On trouve également des forge-rons (faber), des orfèvres (aurifaber), des cuisiniers (cocus), des tour neurs sur bois (formator), des vitriers (vitriarius, vitrior), des fondeurs de plomb (plumbeator), des infirmiers (infirmarius), des peintres (pictor), des jardiniers41. A leur recrutement, les convers devaient avoir acquis une certaine expérience et disposer d’une bon-ne constitution physique. D’où les limites d’âge imposées par les Constitutions à leur entrée au couvent: entre dix-huit et quarante ans42. La liste de 1535 mention-ne certes des convers impotents, âgés (senex), fous (fatuus) ou invalides (claudus, apoplex)43. Gageons qu’ils étaient entrés dans l’ordre avant d’être atteints de dé-bilité physique ou mentale. Par commodité, on recrutait volontiers les convers dans le milieu local: leur nom montre qu’ils provenaient des villages voisins44. Le custode les déplaçait ensuite fréquemment d’un couvent à l’autre, au gré des be-soins des différents établissements de sa circonscription. Cette mobilité s’accrut à partir des années 1520, lorsque le tarissement des vocations rendit leur nombre insuffisant. A la demande de son gardien, le custode envoyait tel convers dans tel couvent le temps d’y effectuer les travaux nécessaires, comme ce charpentier affecté à Szőllős au début des années 153045.

Parfois, la main d’œuvre fournie gracieusement par le fondateur de l’éta-blissement ou ses descendants évitait aux profès de gaspiller leur temps en corvées manuelles. Lorsqu’il jeta les fondations du couvent de Csíksomlyó à la fin des années 1440, le régent Jean de Hunyad mit à la disposition des frères

40 K. Kantak, Les données, 436 461.41 CsML, fds XII. 4, ms a/19, fol. 65-72.42 LERH III, 619.43 CsML, fds XII. 4, ms a/19, fol. 65v 68v 69 71 72.44 Dans le couvent transylvain de Medgyes, dans celui de Tálad et dans ceux de Slavonie (Mo-

noszlóváralja, Petróc, Poljánc, Szentlászló). Karácsonyi II, 117 120 141 142 175 193.45 Kollányi, 56, d’après 2e form., fol. 43 43v.

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des paysans dépendants (appelés confratres ou vitrici); une faveur que son fils Mathias renouvela en 1462, en précisant qu’ils seraient choisis avec l’accord des religieux et exemptés de toutes taxes et obligations militaires. Ils étaient alors au nombre de trente-deux (pour un couvent n’abritant que quatorze religieux en 1535!), de même qu’en 1519, lorsque Jean Ier de Szapolya confirma au couvent ce privilège46. Les dirigeants de la province ne semblent jamais s’être offusqués de cette pratique totalement contraire à l’esprit du franciscanisme. Ils reproduisirent dans les actes du chapitre de 1515 les clauses des constitutions générales interdi-sant, par esprit d’humilité, le recrutement d’un personnel laïc par les frères47 sans supprimer cette exception.

L’accomplissement des tâches pastorales

Comment les franciscains observants de Hongrie s’acquittaient-ils de leurs devoirs en matière de pastorale? Il faut naturellement distinguer la pastorale in-terne – celle qui consistait à accompagner les membres de l’ordre dans leur che-minement spirituel – de celle qui concernait les laïcs. On sait que de cette dernière dépendait la survie des membres de l’établissement, puisqu’ils ne vivaient que d’aumônes. Ces deux aspects ne se superposaient que dans la mesure où certains laïcs assistaient aux célébrations qui avaient lieu dans l’église conv entuelle – de-puis la nef, tandis que les frères se regroupaient dans le chœur. Laissons ici de côté la pastorale à usage interne, dont nous connaissons déjà en grande partie le déroulement (caractérisé par la fréquence des confessions et des assemblées conventuelles), pour nous intéresser à celle qui concernait les fidèles. Elle prenait principalement deux formes: la prédication et la confession. Elles étaient étroite-ment liées, naturellement: une bonne prédication incitait les membres de l’audi-toire à venir se confesser au plus vite, comme le rappelle un supérieur de l’ordre au prédicateur qu’il envoie dans une circonscription de prédication pro divini verbi predicatione ac Christifidelium confessionem audientia48. Prédication et con fession avaient pour cadre habituel l’église conventuelle. Des messes avec prêche y étaient célé-brées tous les dimanches et fêtes, ainsi qu’à l’occasion du chapitre provincial, et l’on y confessait les fidèles. La prédication se déroulait aussi et surtout en plein air, de manière itinérante, lors des tournées de quête effectuées à tour de rôle par

46 Karácsonyi II, 26. Source: György (éd.), 671-673, n° 13.47 Quod pro servitio fratrum in conventibus vel locis quoad officia interiora non habeantur saeculares, sed

magis ipsi fratres pro Christo humilitatis officia ac opera non recusent juxta statutum constitutionum generalum praesertim laici fratres per se et non saeculares faciant opera sibi incumbentia. LERH III, 668.

48 1er form, fol. 60v (pj n° 23).

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les frères désignés par le gardien. Elle pouvait enfin s’exercer à titre ponctuel: un prédicateur fut envoyé en 1515 par le chapitre provincial de Buda pour recueillir les fonds nécessaires à la construction d’un nouveau couvent49.

L’exercice de la prédication n’était pas confié à n’importe qui, en par-ticulier à l’extérieur des murs du couvent, dans les territoires de quête. La législation provinciale posait des exigences élevées en matière de formation théologique et de qualités morales. Les futurs prédicateurs étaient recrutés par définition au sein du groupe des profès ayant déjà reçu l’onction sacerdotale, lesquels représentaient à peine la moitié de l’ef fectif des couvents hongrois d’après les chiffres de 1535, peut-être seulement le tiers au début du siècle – convers et novices étant alors plus nombreux qu’au milieu des années 153050. L’inventaire de 1535 montre que les prédicateurs ne composaient guère que la moitié des prêtres de chaque établissement, soit trois ou quatre personnes par couvent en moyenne; sans doute étaient-ils un peu plus nombreux trente ans plus tôt51. Au total, seule une petite minorité de frères avait une activité prédicante. Les confesseurs, triés sur le volet, étaient plus rares encore: trois par couvent en moyenne en 1535, peut-être quatre ou cinq au tournant des XVe et XVIe siècles. En contradiction avec la règle et les Constitutions de 1499, qui imposaient à tous les religieux de participer aux tournées de quête52, certains prêtres (une poignée d’après les chiffres de 1535) n’étaient ni prédicateurs, ni confesseurs. S’agissait-il de frères impotents ou âgés? On l’ignore. Il ressort en tous cas des sources consultées que l’accom plissement des tâches pastorales était réservé à un cercle étroit de frères, souvent en déplacement hors de leur établissement de résidence.

La vie des membres de la province franciscaine observante hongroise s’articulait ainsi pour l’essentiel autour de l’office divin et répondait, pour cer-tains d’entre eux au moins, aux besoins de la pastorale. Les autres occupations avaient un caractère secondaire et les religieux se déchargeaient volontiers sur les convers des tâches ingrates ou humiliantes indispensables à la bonne marche de leur couvent.

49 1er form., fol. 107-107v (pj n° 25).50 Voir chapitre 2.51 CsML, fds XII. 4, ms a/19, fol. 65-72.52 LERH III, 626.

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CHAPITRE 5204

II. Un ascétisme modéré

Les réformateurs définissaient avant tout la vie monastique comme une forme – la meilleure qui soit – de pénitence corporelle53. Les chroniqueurs fran-ciscains ne cessaient de rappeler les souffrances, subies ou volontaires, qu’avait enduré saint François à la fin de ses jours. Les observants hongrois cherchaient-ils à partager dans leur chair ce type d’expériences? On peut en douter. Les efforts physiques demandés aux frères n’avaient manifestement rien d’éreintant. D’autres indices, relatifs au sommeil, à l’alimentation et au confort en général, confirment l’idée selon laquelle ils n’entendaient pas s’ériger en champions de l’ascèse.

Peu de privations au quotidien

Les frères de la province salvatorienne ne manquaient pas de sommeil. Entre complies, vers 19 heures, et la première heure de l’office divin, à l’aube (a comple-torio usque ad primam pulsationem horae primae diei), ils pouvaient se reposer à loisir54. Ils disposaient en outre, du début du printemps jusqu’au milieu du mois de sep-tembre – plus exactement du dimanche de Pâques jusqu’à la fête de l’Exaltation de la Croix – d’un temps supplémentaire de récupération pendant la journée (hora dormitionis). Au signal convenu, ils se retiraient dans leur cellule après le déjeuner (post prandium), jusqu’à trois heures de l’après-midi environ; ce qui leur laissait la possibilité de faire une sieste de deux heures! Une faveur surprenante, dans un pays dont le climat, certes lourd et orageux en fin d’été, ignore la canicule des régions méditerranéennes ou tropicales. Ceux qui ne parviennent pas à trouver le sommeil, ajoutent les Constitutions, doivent au moins garder le silence pour ne pas troubler le repos de leurs confrères55.

Le régime alimentaire, sobre, n’était pas frugal pour autant. Selon les sta-tuts de 1499, les frères prenaient deux repas par jour (prima et secunda mensa), le premier en milieu de journée (prandium), le second en début de soirée (collatio ou coena). Le texte confie aux gardiens la tâche d’établir rations et menus, en respectant l’exigence de pauvreté (secundum sanctam paupertatem) et en suivant les conseils des frères les plus âgés56. Ces consignes, assez floues, semblent refléter le même désintérêt pour le sujet que celui dont témoignaient alors nombre de ré-

53 J.-M. Le Gall, Les moines, 304.54 LERH III, 625.55 LERH III, 625.56 LERH III, 614.

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for mateurs monastiques, en France notamment57. Humilité oblige, le menu était le même pour tous, des convers au gardien58. La présence d’hôtes extérieurs à l’éta blissement permettait cependant d’améliorer l’ordinaire, pour faire honneur aux invités et cultiver le sens de l’hospitalité. Quant aux inspecteurs ou aux diri-geants en déplacement, ils étaient considérés comme des invités le jour de leur arrivée et éventuellement le lendemain, mais ils devaient se contenter les jours suivants du menu commun. L’alimentation des frères apparaît comme variée. En dehors des périodes d’abstinence, la consommation de viande n’était pas limitée. En 1505, peut-être à l’instigation de la direction cismontaine, le chapitre de Buda la restreignit au repas de midi, sauf le dimanche et le jeudi, où les frères pou-vaient en manger également le soir59. Pour que les repas ne deviennent pas des rendez-vous gastronomiques, les pères interdirent simultanément l’emploi des épices (sauf pour les invités)60. Cette clause était-elle rigou reusement respectée? Dans une lettre écrite vers 1510 ou 1515, un observant hongrois demande à son correspondant de lui rapporter du poivre et du safran de la cour où il séjournait61. On constate de manière générale que les quan tités alimentaires n’étaient pas can-tonnées par une législation détaillée et uniforme.

Il est vrai qu’en principe les interdits liturgiques tempéraient quelque peu cette possible abondance de nourriture. Conformément à la règle, les frères de Hongrie jeûnaient tous les jours entre la fête de la Toussaint et le jour de Noël, ainsi que pendant le Carême – lequel commençait pour eux une semaine plus tôt par rapport au calendrier national, le septième dimanche avant Pâques62. La viande était prohibée et ils devaient alors s’arranger pour avoir suffisamment de poisson pour nourrir les frères. En témoignent les plaintes des gardiens dans les années 1530 lorsque, dans un contexte de pénurie générale, ils suppliaient les cus-todes de leur fournir du poisson ou des filets de pêche à l’approche du Carême63. Mais en temps normal, le jeûne du vendredi ne leur était pas imposé, de même que celui des quarante jours suivant l’Épiphanie, qui remontaient pourtant aux origines de l’ordre. Ils étaient seulement soumis à une diète partielle le mercredi et le samedi. En effet, selon une coutume décrite comme ancienne dans la province

57 J.-M. Le Gall, Les moines, 303.58 LERH III, 614-615.59 De esu carnium hic modus servetur: quod exceptis diebus Dominicis et feriis quintis de sero non utan-

tur fratres carnibus… LERH III, 649.60 … cibi speciebus non condiantur, LERH III, 649; Karácsonyi I, 364.61 Sin vero aut cloacas incidunt aut tabernas aromatum piper aut crocum contenture… 1er form.,

fol. 173-173v.62 … et quod quadragesimalis observantia a quinquagesima inchoetur. LERH III, 622.63 Kollányi, 68, d’après 2e form., fol. 8 9v 10.

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hongroise (in nostra familia secundum antiquam consuetudinem), ils ne devaient rien manger ces deux jours-là en dehors du déjeuner. Du moins en théorie : le gardien était autorisé à distribuer du pain et du fromage à ceux qui, tiraillés par la faim, lui en demanderaient dans la soirée64.

Le vin, couramment consommé dans tous les milieux et souvent coupé d’eau, ne faisait l’objet d’aucune interdiction absolue. Les Constitutions se mon-trent particulièrement tolérantes à cet égard: elles excusent l’état d’ivres se passa-ger (“lorsque qu’on parle moins facilement”), pour ne condamner formellement que les abus criants (“celui qui boit du vin en grande quantité”), en particulier lorsqu’ils risquaient de choquer les jeunes profès ou les laïcs65. Le vin faisant partie du régime alimentaire habituel, c’est uniquement lorsqu’un frère était puni par un supérieur qu’il en était éventuellement privé. En 1552, les religieux durent s’en abstenir totalement dès lors qu’ils se trouvaient hors des murs du couvent66; précaution tardive cherchant visiblement à mettre fin à des excès répétés67. Pour se conformer à l’esprit de pauvreté et éviter l’ivro gne rie, il fallait limiter les quan-tités autorisées. Le gardien s’en chargea seul pendant longtemps, hors de tout cadre réglementaire. Puis, en vertu des actes du chapitre de 1505, chaque frère eut droit à une cruche de vin (unum pucarium vini) par repas. Au printemps et en été, si les stocks du couvent le permettaient, le gardien pouvait attribuer à chacun une cruche supplémentaire, que les religieux utilisaient selon leur gré dans l’après-midi68. Les sources des années 1530 montrent que les observants hongrois bu-vaient aussi de la bière: les frères de Nagyvárad se plaignirent de ce qu’ils n’avaient plus de vin et devaient restreindre leur consommation de bière69. L’abus d’alcool était donc un risque réel. Les Constitutions s’en souciaient déjà. Elles demandent aux dirigeants de sanctionner l’ebrie tas avec fermeté: retrait immédiat de toute res-ponsabilité à l’intérieur du couvent ou de l’ordre, maintien au pain sec et à l’eau et coups de fouet en cas de récidive70. Le chapitre de 1505 réitéra ces dispositions et

64 On lit dans les Constitutions d’Atya: Feria vero quarta et sabatho, fratres omnes contentur de cibis communitatis, ita quod nulli procurentus specialitates tiam occasione jejunandi, eisdem tamen diebus panis et caseus de sero fratribus non negentur. LERH III, 614. Les mêmes dispositions sont renouvelées un peu plus loin, p. 622, à propos du jeûne.

65 Intelligitur autem haec ebrietas, non quando quis minus expedite loquitur, sed qui in magna quantitate vinum bibit, cum usurationis amisso vel notabiliter impedito, unde fratres vel saeculares scandalizentur. LERH III, 629.

66 Kollányi, 62.67 Voir chapitre 10.68 LERH III, 648-649; Kollányi, 62.69 Kollányi, 67, d’après 2e form., fol. 16.70 LERH III, 628-629.

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ajouta que les frères portés sur la boisson ne pourraient recevoir plus d’une cruche de vin par repas71.

Dans le même souci d’éviter les débordements in cibo et in potu, les statuts provinciaux demandaient aux frères de ne pas s’attarder au réfectoire, en parti-culier le soir. Aussitôt le repas terminé, ils devaient entrer dans l’église ad gratias agendum, suivis de leurs invités; seuls restaient dans la salle à manger les cuisiniers et les serveurs, qui n’avaient pu se restaurer auparavant72. La directive, renouvelée en 150573, apparaît également dans les circulaires plus tardives des vicaires de Hon-grie74. Les invités étrangers échappaient en partie à ces restrictions: ils pouvaient se reposer des fatigues du voyage en demeurant un peu plus longtemps au réfectoire, pour bavarder autour d’une bouteille de vin, comme les y autorisaient les actes du chapitre de 150575. Mais s’ils mangeaient à une heure inhabituelle, leur repas ne devrait pas excéder une demie-heure, précisent les actes du chapitre de 153776. Enfin, lorsqu’ils étaient en déplacement, les frères devaient s’abstenir de prendre part aux banquets; et si le patron du couvent leur proposait de se restaurer chez lui, précisent les statuts de 1552, seuls deux profès réputés irréprochables honore-raient son invitation au nom de l’ensemble de la communauté77. Rien ne montre par ailleurs que les observants de Hongrie aient cherché à faire du zèle dans le domaine alimentaire. Ils se conformaient sans peine à une législation conciliante, qui ne punissait réellement que les écarts scandaleux. Il n’existe pas d’équivalent hongrois de Simon de Lipnica, cet observant polonais qui, entre autres privations quotidiennes, ne mangeait qu’une seule fois par jour78.

Les membres de la province salvatorienne souffraient-ils des frimas hiver-naux? Ils n’avaient pas d’édredons pour dormir – les Constitutions en interdi-saient l’usage79 – et devaient conserver leur froc toute la nuit. Mais ils disposaient de couvertures. Dans les années 1530, le gardien du couvent de Pest jugea leur nombre insuffisant dans son couvent et demanda au custode de lui prêter l’argent nécessaire pour en acheter d’autres80. S’en passer lui paraissait donc inimaginable, même en période de pénurie. L’habit monastique ne se réduisait pas au strict minimum. Il

71 LERH III, 648.72 LERH III, 622.73 LERH III, 648.74 Voir chapitre 7.75 LERH III, 648-649; Kollányi, 62-63.76 Karácsonyi I, 396; Kollányi, 63.77 Kollányi, 62.78 K. Kantak, Les données historiques, 443.79 Nec in dormitorio pulvinaribus de pluma utantur fratres. LERH III, 620.80 Kollányi, 46, d’après 2e form., fol. 18.

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avait beau avoir été taillé, selon la règle, dans une étoffe grossière, il était agrémenté durant l’hiver d’une doublure de petit-gris. Les protestations outrées de Jacques de Mantoue en 1502 ne la firent pas disparaître après le rattachement de la vicairie hongroise à la famille cismontaine. Le chapitre de Mantoue reconnut au contraire que, dans les pays froids, les frères observants pouvaient doubler leur froc de peaux, ou superposer plusieurs vêtements l’un sur l’autre81. Rappelons que cela était toléré également chez les ultramontains: les habitants des austères ermitages fondés par Villacreces et ses émules avaient le droit de porter une cape fourrée s’il faisait froid82. Les problèmes que posaient l’achat et le transport des peaux d’écu-reuil nécessaires à la confection des habits fourrés reviennent en maints endroits du premier83 et (plus encore) du second formulaire84. L’usage des doublures s’était donc généralisé.

Les écarts en matière de continence

Les dirigeants hongrois ne manquaient pas de rappeler aux frères que tout bon franciscain devait, à l’exemple du Christ et de saint François, plier le corps à l’esprit. La vie monastique comprenait par nature une forte part d’ascèse. Il convenait de soumettre le corps, toujours enclin à s’ouvrir aux sens, à des trai-tements destinés à lui rappeler qui était le maître, sous forme de privations et de souffrances corporelles volontaires (cilice, flagellation, etc.). C’est ce qu’écrivait le vicaire Gabriel de Pécsvárad à un custode vers 1512, en évoquant à ce propos la mémoire du poverello85. Dans les faits, les pratiques de mortification demeuraient exceptionnelles en Hongrie. Le port du cilice n’apparaît nulle part dans la documen-tation consultée. A lire les Constitutions, on découvre que la disciplina était d’abord et avant tout une sanction, et non un moyen de sanctification employé de leur plein gré par les frères86. La domus disciplin[a]e qui affleure dans plusieurs documents du

81 Karácsonyi I, 362.82 Isidoro da Villapadierna, Il ritorno, 283-284.83 Les observants avaient obtenu du roi, par l’intermédiaire de son trésorier, un sauf-con-

duit (intitulé Ad idem pro traducendis griseis) destiné précisément à faciliter l’approvision nement de la province salvatorienne en fourrure (…ordinis fratribus de griseis eisdem necessariis provisione facere...). 1er form., fol. 148v.

84 Kollányi, 20-22 43-44.85 … secundum apostolicum imperium membra vestra rigida castigatione mortificate, …; (…) beatus

pater noster etiam post adeptam cordis et corporis omnimodam puritatem non cessabat hymbre lachrymarum oculos expiare mentales, corpusque suum duris castigare disciplinis. 1er form., fol. 6-6v (pj n° 4).

86 L’affirmation de Ferenc Kollányi (Kollányi, 92) selon laquelle les frères se flagellaient trois fois par semaine en temps de Carême (le lundi, le mercredi et le vendredi) en vertu des

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début du XVIe siècle fait figure de prison, beaucoup plus que de lieu d’expiation volontaire87. Dans la Pologne voisine, la capacité à endurer les souffrances non vou-lues – les ulcères aux pieds dont souffrait en silence Jean de Dukla à la fin de sa vie – ou recherchées – Simon de Lipnica s’imposait de rester assis sur les fourmilières proches de son couvent – en trait pourtant parmi les signes de sainteté obser-vante88. C’est seulement à partir du début des années 1510 que certains frères hongrois songèrent à remettre à l’honneur la flagellation comme outil spirituel, non sans mal d’ailleurs89.

La légendaire lubricité des moines, supposés s’adonner à la fornication à la moindre occasion tout en se faisant passer pour saints, compte comme on sait parmi les lieux communs du discours protestant et, plus largement, de tous ceux qui, au début du XVIe siècle, avaient une vision très négative de l’Église et de ses représentants. Si la violation du vœu de chasteté n’était pas aussi systématique que ce que pourraient laisser croire ces caricatures, elle faisait partie dans une certaine mesure de la réalité. On invoque habituellement la tolérance coupable des diri-geants. Ils fermaient les yeux sur les infractions les plus banales de ce point de vue, en ne sanctionnant fermement que celles qui faisaient scandale. Non pour pouvoir s’y livrer eux-mêmes en toute impunité, comme le prétendaient les luthé-riens, mais pour éviter l’hémorragie qu’aurait provoqué le départ de tous ceux qui supportaient mal la continence sexuelle et ne pas les inciter à commettre le crime – ô combien plus grave aux yeux de l’Église – du péché contre-nature. Qu’en était-il chez les franciscains hongrois? La réforme de 1454 avait mis fin, côté conventuel, aux dérives les plus criantes, en obligeant les confesseurs à entendre les femmes au milieu de l’église et en interdisant l’entrée d’enfants dans le dortoir, on l’a vu90. Des règlements analogues – mais guère plus sévères – furent adoptés par les observants. Souvenons-nous de l’importance accordée à la castitas dans les exhortations des dirigeants de la province hongroise, ainsi que des mesures par lesquelles ils s’efforcèrent, dès 1499 sinon plus tôt, de limiter les occasions de pé-cher et appliquèrent aux coupables des sanctions suffisamment humiliantes pour avoir un effet dissuasif auprès des frères enclins au vice91.

Constitutions de 1499 résulte d’une lecture erronée du texte. Celui-ci ne contient en effet aucune recommandation de ce type, mais seulement des dispositions sur les temps de jeûne liturgique d’une part, et le chapitre des coulpes, d’autre part, dispositions que l’auteur semble avoir confondues.

87 Voir chapitre 7.88 K. Kantak, Les données historiques, 436.89 Voir chapitre 7.90 Voir chapitre 3.91 Voir chapitre 2.

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CHAPITRE 5210

Ces dispositions portèrent-elles leurs fruits? Les lacunes de la documenta-tion ne permettent guère de s’en assurer. Les premiers cas nominatifs de compor-tement scandaleux sur le plan sexuel datent seulement des années 1530, lorsqu’en 1531, le chapitre provincial exclut de l’ordre Nicolas de Selye pour cause de moeurs incorrigibles92. Aucun exemple analogue n’affleure dans les rapports capitulaires antérieurs, pas plus que dans les autres textes. On aimerait savoir ce que les diri-geants entendaient du reste par “mœurs incorrigibles” (homosexualité, pédophilie ou rapports sexuels répétés?). Certains agissements échappaient naturellement à la vigilance du gardien. Ne passons pas pour autant d’un extrême à l’autre: l’insis-tance que montrent les responsables à prôner la chasteté et à rappeler aux frères leur devoir de continence ne suffit pas à prouver que la plupart s’en affranchis-saient allègrement. Toutefois, l’alourdis sement des peines prévues par les statuts provinciaux, ainsi que certaines mesures extrêmement concrètes laissent penser que les déviances existaient. Les Constitutions interdisent aux membres de la pro-vince observante de se rendre dans les couvents de clarisses; les contrevenants se-raient fouettés et mis au pain sec et à l’eau, précisent-elles93. Les statuts du chapitre provincial de 1539 étendirent cet te impossibilité aux sœurs tertiaires; ils prévoyaient cette fois trois jours d’em prisonnement pour les délinquants94. Ceci incite à penser que, sous couvert d’assurer l’encadrement spirituel des tertiaires, certains religieux entretenaient avec elles des liaisons plus qu’intimes. Mais à partir de quand furent-elles constatées? Et dans quelles proportions? On constate par ailleurs qu’aucune clause observante ne limite avant 1535 les tentations pouvant porter les frères à des actes pédophiles, alors que Fabien d’Igal s’y était employé dès 1454 pour la province conventuelle de Hongrie. Les écarts auraient-ils été moins nombreux chez les observants? Les preuves documentaires manquent pour en acquérir la certitude.

Tous frères

Nous avons vu dans un précédent chapitre comment les dirigeants de la province s’efforçaient de renforcer le ciment communautaire, appelant sans cesse les frères à faire régner entre eux la paix. Ils leur demandaient notamment de pro-diguer des soins attentionnés à leurs compagnons impotents et d’ac cueillir cha-leureusement les religieux de passage au couvent95. Ces deux recom mandations

92 Kollányi, 97, d’après les actes du chapitre de 1531.93 LERH III, 634.94 Kollányi, 87, d’après les actes du chapitre de 1539.95 Voir chapitre 2.

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semblent avoir été globalement respectées. Si d’aventure le fondateur avait omis de faire construire un local affecté au soin des malades, les religieux le rappelaient à son devoir. Ils envoyèrent au roi Wladislas II une supplicatio ad regem le priant de les aider à édifier l’infirmerie dont ils avaient besoin; car le souverain avait amé-nagé autant de cellules qu’il y avait de frères, mais rien de plus. Du coup, ils étaient contraints d’envoyer malades et infirmes dans un autre couvent, à leurs risques et périls96. Lorsque l’ancienne infirmerie ne suffisait plus ou était affectée à un autre usage, on en construisait une seconde, comme à Szalárd en 153397. On y appliquait les remèdes de l’époque, fondés sur les vertus des plantes médicinales. Le premier formulaire énumère celles de la Momortecra (ou Momortecia?); il précise sous quelle forme elle peut être consommée (mélangée à du vin, pressée pour son huile, en composition pour un bau me) et comment la conserver98. Il fait aussi l’éloge de l’Alcapenge (en hongrois papmonya)99 et fournit la recette de plusieurs remèdes (contre les calculs, contre la goutte…)100. Cependant, l’infirmerie du couvent ne devait pas servir de dispensaire aux habitants de la région. Les Constitutions auto-risent les religieux à instruire les fidèles sur les propriétés des plantes, avec pru-dence toutefois (caute). Elles leur interdisent de soigner des laïcs sans l’auto risa tion de leur supérieur – en particulier pour des maladies oculaires, des blessures, des ulcères – et de leur administrer des laxatifs101. Les traitements prescrits avaient-ils fait des victimes dans la population alentour? Nulle plainte ne les mettant en cause n’a subsisté dans la documentation. Si cela était nécessaire à son rétablissement, et parfois sur le conseil de médecins (de consilio medicorum), un religieux pouvait être autorisé à changer de couvent pour changer d’air (aeris mutatio), comme ce frère envoyé au couvent de Buda au motif que sa santé l’exigeait102.

C’est pour favoriser la paix que les dirigeants hongrois, tels les réformateurs monastiques français103, prônaient inlassablement les vertus du silence. Loquere pau-ca, recommandait-on aux frères104. Parce que le bavardage nuisait à la piété, parce que le silence était le rempart de la vie régulière (murus vite religiose)105, son socle et son

96 …quia ultra X cellas preparatas non habent neque ubi fratres infirmos collocent; (…) sed necesse est hujusmodi infirmos fratres ad alium locum eorum in infirmariam transmittere. 1er form., fol. 137v-138.

97 Karácsonyi I, 391 et II, 159.98 1er form, fol. 49v-50.99 1er form, fol. 50-50v.100 1er form., fol. 50v, 52v.101 LERH III, 628.102 1er form., fol. 100v (pj n° 26), 101.103 J.-M. Le Gall, Les moines, 191.104 1er form., fol. 1.105 1er form., fol. 8 et 9 (pj n° 4), 203v.

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décor106, mais aussi parce qu’il était un précieux facteur d’apaisement, de réconcilia-tion à l’intérieur des couvents. Comme les Constitutions, les vicaires de la province hongroise insistent beaucoup sur ce point, de Barthélemy de Sáros en 1488, pour qui le sacrum silentium permet d’éviter les disputes entre les frères107, à Blaise de Dézs en 1514108. Ils appliquaient avant tout cette obligation aux célébrations liturgiques, qui ne pouvaient avoir lieu que dans le plus complet silence109. Mais, ainsi que l’énonça une nouvelle fois le chapitre provincial de 1505110, elle valait également pour d’autres moments de la journée: la nuit (de l’office de complies jusqu’au premier office du ma-tin), en début d’après midi, et pendant les repas. Les Constitutions demandent à ceux qui briseraient le silence de se dénoncer eux-mêmes au gardien, lequel les priverait de vin au repas suivant111.

Malgré ces précautions, les conflits de personne troublaient régulièrement la paix des couvents. Dans l’un de ses sermons, Oswald de Laskó évoque sur le ton de l’opprobre le cas d’un frère incapable de supporter la vie en communauté. Ne pouvant y trouver la sérénité, il quitta son couvent, “prit sa gourde et partit vivre seul”112. Le premier formulaire apporte la preuve concrète des tensions qui existaient bel et bien à l’intérieur des couvents hongrois. Des religieux y évoquent les vexations ou les accusations mensongères dont ils ont été victimes113. Le re-gistre fournit par ailleurs un modèle de lettre de réconciliation, rédigée sur un ton particulièrement insistant114.

Inversement, la documentation consultée semble indiquer que, au-delà ce que leur imposaient les textes, les observants hongrois s’apportaient mutuelle-ment assistance et réconfort; du moins lorsqu’ils vivaient dans des établissements distincts. Ils entretenaient une active correspondance avec d’autres membres de la

106 …sacrum silentium, quod est decor et fundamentum totius religiositatis… 1er form., fol. 190.107 1er form, fol. 20.108 1er form., fol. 190.109 Le rappellent les vicaires de Hongrie Étienne de Sopronca vers 1490, puis Gilles de

Cegléd en 1506 et enfin Blaise de Dézs à plusieurs reprises. 1er form., fol. 25v (pj n° 2) 34-34v (pj n° 3) 45-45v 190.

110 LERH III, 648-649. Voir aussi Karácsonyi I, 364.111 LERH III, 625. 112 OL, Dom., sermo LXXXV; cité par J. Szűcs, Ferences ellenzéki, 419.113 Ego enim multis sum vexatus contumeliis, pluribus lacessitus injuriis, jactatus obprobriis, ignomi-

nibus omnibus aflictus. 1er form., fol. 170v 176 (pj n° 33). On lit aussi dans une autre lettre: Non credo tuis litteris magisquam aliis clausum esse iter. Ceterorum enim littere ad me omnes deferuntur. Sed mitte obsecro hanc querelam apud me, qui calleo has versutias. Cum aliis hiisce et me si vis scribere scribe, et nun-quam impune me visitabis de re quam nunc postulas... 1er form., fol. 174.

114 Ne sis michi iratus. Redi in vitam pacis. (...) Fac ut pacatus me serves, paveo tuam iram, pacationem cupio… 1er form., fol. 169v.

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province. Elle apparaît dans le premier formulaire, avec une classification distin-guant diverses situations115 – sans rapport avec les lettres à caractère hiérarchique, qui avaient évidemment une vocation différente. Certaines étaient motivées par les besoins ponctuels de leur auteur: tel frère demandait à tel autre de lui rappor-ter un objet précis. D’autres servaient de moyen d’information: une rubrique du premier formulaire appelle l’une d’elles rei nove nuntiativa. Un frère annonce ainsi à second vers 1510 ou 1515, dans le style laconique d’une dépêche d’agence de presse, que l’armée turque venait d’être mise en déroute et que les troupes impériales com-battaient contre les Hongrois116.

Plus encore, les frères de Hongrie se prenaient facilement d’affection les uns pour les autres. C’est ce que montrent les émouvantes formules qui émaillent les lettres recopiées dans le premier formulaire, en particulier dans une rubrique spécialement consacrée à la correspondance personnelle entre les frères. Il y est constamment question de dilectio, d’amicitia, d’amor117. Hypocrisie? Il y a évidem-ment une part de convenances dans ces déclarations. Un paragraphe de cette rubrique s’intitule d’ailleurs Elegantie, comme si les formules proposées n’étaient que purs ornements stylistiques. Pire, leur utilisation était souvent intéressée: c’est pour obtenir un service ou une faveur que les frères y avaient recours. Le para-graphe Lamentatoria use largement, non sans exagération larmoyante, des formu-lations excessives pour solliciter l’aide d’un confrère118. Cependant, d’autres mo-dèles tendent à prouver qu’une réelle amitié liait les reli gieux à plusieurs de leurs confrères réguliers de la province. Dans l’un d’eux, un frère exprime lon guement la joie qu’il éprouve à lire les lettres de son correspondant; il espère que la récipro-que est vraie et se réjouit de ce que leurs échanges épistolaires ré dui sent en quel-que sorte la distance qui les sépare. Il termine en lui demandant de lui écrire plus souvent119. Certains frères regrettent sincèrement de ne pas avoir pu répondre plus tôt à leurs coreligionnaires, faute de messager (tabellarius)120 ou parce qu’ils étaient retenus par des affaires de la plus haute importance121. Un religieux se réjouit de la

115 En particulier aux folios 164-171v et 172v-180 (extraits dans pj n° 33).116 Turcorum exercitus fugatus est. Maximus fis in Turcos apparatus. Teutoni pugnant cum Pannoni-

cis... 1er form., fol. 169v.117 1er form., fol. 164-164v. On y lit par exemple: Nil litteris meis preterquam singularem quan-

dam dilectionem quam in te habeo significare studeo...; Non cogit me necessitas, sed amor scribere...; ou en-core: deinceps velim te mecum confidentius agere et non oblivisci ejus que inter nos fuit semper benivolentie et amicitie fraternitas.

118 Quod cum te non amicum mihi solum existantem sed etiam amicissimum. 1er form., fol. 164v-165.119 1er form., fol. 165v-166 (pj n° 33).120 1er form., fol. 174v.121 1er form., fol. 176.

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guérison de son correspondant, la joie ayant succédé chez lui à la peine122. Un autre écrit qu’il vient d’apprendre avec douleur l’exil de son ami, suite à des calomnies; il se dit convaincu de son innocence et l’as su re de sa profonde affection123. Submergé par les larmes (lachrimis obruor), un frè re apprend à un autre la mort d’un ami commun et lui demande de prier pour lui124. La rubrique Amatoria honesta montre un religieux réclamant à son correspondant, sur un ton quasi amoureux, que son affection soit payée de retour125. Face à d’aussi beaux témoignages, on en oublie-rait presque qu’il s’agit de modèles. Sans doute reproduisent-ils d’authentiques lettres privées. On trouve de nouveaux exemples de déclarations sentimentales dans le second formulaire. En 1533, ayant eu connaissance du décès de son ami, qui vivait au couvent d’Ozora, un frère voulut acquérir à prix d’or le froc qu’il avait porté126.

De multiples occasions de sortir du couvent

L’affection, les frères pouvaient aussi en trouver hors de la congrégation. Sans contrevenir aux interdictions formulées dans les Constitutions en matière de dépla-cements, les membres de la province hongroise élargirent sensiblement les occasions de sortir de leur couvent. Les dispenses accordées par les dirigeants, reproduites dans le premier formulaire, montrent l’éventail des cas dans lesquels les observants hongrois quittaient la communauté. Certes, ils le faisaient parfois dans l’intérêt de celle-ci: lorsqu’ils partaient mendier, se rendaient au chapitre (provincial ou général) ou effectuaient une visite, bien sûr, de même que pro diversis negotiis nécessaires au couvent, à la custodie ou à la vicairie127. Ces affaires pouvaient les mener jusqu’en terre étrangère; comme ce frère à qui un custode demanda d’aller au couvent de Buda pour y recevoir les instructions relatives à la suite de son voyage, avant de se rendre en Allemagne pour re présenter la custodie128, ou cet autre envoyé ad Curiam pro negotiis exequendis129. Les religieux se destinant à la prêtrise devaient par ailleurs

122 1er form., fol. 167.123 1er form., fol. 166v.124 1er form., fol. 177.125 Ego te plurimum amo. Cupio ut mutuo me ames. Incredibili sum in te benivolentia. Ama me ut te

amo. Si vis non esse ingratus, ama me ut amaris. Cum intelligas pro te sincera mente amem non dicas indignum, si me mutuo ames. 1er form., fol. 169v.

126 On a vu dans le chapitre 2 qu’il ne put obtenir ce qu’il demandait, au nom de la pau-vreté. Kollányi p. 45.

127 1er form., fol. 103-103v.128 1er form., fol. 112-112v.129 1er form., fol. 114v-115.

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se déplacer auprès de l’évêque qui les ordonnerait. Ils portaient sur eux une lettre du gardien du couvent dont ils provenaient. Le premier formulaire en fournit sept exemples distincts, dans la rubrique pro suscipiendis sacris. Toutes précisent dans quelle ville le futur prêtre devait aller et auprès de quel prélat, ainsi qu’à quel moment; elles lui rappellent aussi l’obligation de revenir au couvent aussitôt la cérémonie termi-née (absque mora ou celerius)130.

S’ajoutaient à ces raisons parfaitement légitimes des motifs purement personnels, dont la diversité semble s’élargir au fil des ans. Comme aupara-vant, des problèmes de santé suffisaient à motiver le déplacement temporaire d’un frère auprès de sources ther males ou dans un autre couvent. Dans les années 1530, un religieux fut envoyé à Buda pour cette raison, de même qu’un second à Esztergom, pour soigner une blessure à la main. Deux frè-res souffrant des yeux s’y rendirent sur l’ordre de leur supérieur, tandis que d’autres rejoignaient les thermes de Szentlászló, près de Nagyvárad131. On y verra une forme de sollicitude de la part des dirigeants, soucieux de l’état de santé de leurs “administrés”. Mais comment interpréter cette dispense auto-risant un frère du couvent de Pest à aller à Esztergom pour se détendre132? Il s’agit certes d’exemples tardifs, dont on ne trouve pas trace dans le premier formulaire. Celui-ci comporte en revanche plusieurs documents montrant que les religieux pouvaient visiter à l’occasion leur famille. Le discours offi-ciel, dont l’exhortation vicariale de Gabriel de Pécsvárad fournit un exemple vers 1512, rappelait que l’entrée en religion marquait une séparation par rap-port au milieu familial; parfois douloureuse puisqu’el le pouvait être ressentie comme un abandon (parentele relictio), elle était nécessaire pour s’en gager sur les chemins de la perfection133. Nous en avons vu les principales manifes-tations (changement de nom, prise de l’habit et clôture) dans un précédent chapitre. Les dirigeants hongrois autorisaient malgré tout les frères qui en faisaient la demande à aller célébrer leur première messe dans leur village natal, aussitôt après leur ordination. Frère Joseph, par exemple, quitta la cus-todie de Transylvanie pour celle de Nagybánya afin de dire la messe chez les siens, à Szőllős134. L’événement contribuait à élargir la réputation de l’ordre, dira-t-on. Mais d’autres dispenses n’y avaient aucune part. Ainsi, les frères pouvaient-ils rentrer au pays pour se rendre auprès de leurs parents malades

130 1er form., fol. 98v 99 99-99v 99v 100 100-100v (extraits dans pj n° 26).131 Kollányi, 90-91, d’après 2e form., fol. 180-185.132 Kollányi, 89, d’après 2e form., fol. 130-133.133 1er form., fol. 6v (pj n° 4).134 Kollányi, 89, d’après 2e form., fol. 130-133.

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et y demeurer plusieurs jours jusqu’à ce que leur état de santé s’améliore135. Le custode qui consentait au déplacement – tout en rappelant qu’ils devaient être accompagnés comme toujours d’un socius et se comporter dignement pendant toute la durée du voyage – louait même à cette occasion leur attache-ment filial136. Toujours dans le premier formulaire, on voit un autre custode accorder une rapatriandi licentia à un frère qui voulait aller réconforter sa mère ainsi que ses frères et sœurs137. L’entrée dans l’ordre ne marquait donc pas, dans les faits, une rupture totale avec le cercle familial. Un dernier indice déjà évoqué confirme cette impression à partir des années 1530 (et sans doute dès 1500 environ): le nom des frères, qui gardait le souvenir de leur lieu de naissance, tandis qu’au siècle précédent, cet usage se limitait apparemment aux seuls dignitaires138.

Entrer au couvent ne signifiait donc pas se soumettre à un régime éprou-vant, que ce soit sur le plan physique ou affectif. Les franciscains observants hongrois se contentaient de peu, mais ils ne s’imposaient pas de dures priva-tions. Au demeurant, les responsables ne leur en demandaient pas davantage. Le vicaire Barthélemy de Sáros avait expliqué en 1488 aux frères qu’il n’attendait pas d’eux qu’ils mènent une existence aussi périlleuse et tourmentée que celle qu’avaient connu en leur temps les apôtres139. Ses successeurs à la tête de la province ne se montrèrent pas plus exigeants, ni dans ce domaine, ni en matière de pauvreté.

III. La pauvreté sans la précarité

La législation observante hongroise s’étend longuement sur le respect du voeu de pauvreté. Elle ne se contente pas, comme chez les franciscains traditionnels, d’imposer à tous un confort minimal. Elle interdit aux frères de Hongrie la possession de biens ou de revenus fixes. Ils devaient vivre au jour

135 …in hiis diebus ipsos visitares atque cum eisdem per aliquot paucos dies permaneres, et quia quoad medicum admittendum te saluberrimum fore considerari… 1er form., fol. 111-111v.

136 …maxima parentum tuorum devotio… 1er form. fol. 111-111v. 137 …pro consolandis in Domino genitrice et fratribus ac sororibus tuis … 1er form., fol. 111v-112.138 Voir chapitre 2.139 Ne existimetis me illos invitare velle labores, aut pericula fames vel quottidianas mortes, quas apostoli

preferebant, vel persecutiones aut verbera vel vincula, atque omnes agones, quibus ipsi apostoli desudabant. Nil horum nunc a vobis exigo et exposco, …. 1er form., fol. 20v (pj n° 1).

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le jour, en tirant leur subsistance des dons des fidèles et en faisant confiance à Dieu140.

Dans l’ensemble, à la fin du XVe siècle comme dans les décennies précédentes, les membres de la province hongroise respectèrent ces directives générales. Ils ne possédaient toujours aucune terre et ne touchaient ni rentes, ni subventions de la part des municipalités ou des seigneurs au début du siècle suivant. En application des clauses provinciales prohibant toute activité lucrative, ils ne travaillaient pas pour le compte d’autrui. On observe à ce propos qu’à la différence de certains établisse-ments conventuels ou affiliés à d’autres ordres mendiants, les mai sons de l’observan-ce franciscaine ne remplirent jamais les fonctions notariales (en tant que locus credibilis) qu’assuraient en Hongrie nombre de chapitres cathédraux, collégiales et monastères. Celui de Buda, qui par sa taille et la formation de ses membres aurait très bien pu s’en charger, se bornait à retranscrire les privilèges accordés à la province hongroise, à l’intention des frères et naturellement sans contrepartie financière141.

Toutefois, les sources de la pratique montrent que les frères de Hongrie se prémunirent à leur manière contre les aléas d’une existence exclusivement fondée sur la générosité des habitants, … quitte à faire subir quelques entorses à la règle. Avaient-ils à l’esprit les difficultés dans lesquelles se débattaient certains couvents depuis le début du XVIe siècle faute d’aumônes suffisantes – comme Tárnok, que ses oc cupants furent autorisés (par le pape Jules II) à quitter en 1504 en raison de leur effroyable misère142? C’est possible.

L’organisation des quêtes et le rôle du confrater

D’après la règle et les statuts observants, les frères devaient vivre exclusive-ment des dons des fidèles. Les réformateurs occidentaux s’étaient attachés à restau-rer l’ancien système des zones de prédication et de quête (termini), qui avait souvent disparu143. Pour des raisons documentaires, son application en Hongrie demeure obscure, chez les franciscains plus encore que chez les dominicains144. La fondation

140 Voir chapitre 2.141 Karácsonyi II, 20.142 MFL, fds I, ms LXXXVII. Le couvent vivota malgré tout jusqu’en 1537. Les plaintes

des frères comportaient vraisemblablement une part d’exagération.143 K. Elm, Riforme e osservanza, 162.144 En 1498, le chapitre général de l’ordre des Prêcheurs approuva le partage des termes

récemment effectué par le chapitre de Hongrie; un acte du prieur provincial décrit en 1497 le terminus de trois couvents hongrois (Segesvár, Nagyszeben et Székelyudvarhely). A. Harsányi, A domonkosrend, 307-308. L’enquête que mène actuellement Beatrix Romhányi sur l’économie dominicaine devrait bientôt permettre d’affiner ces données.

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d’un nouvel établissement s’accompagnait normalement de la délimitation, dans les meilleurs délais, de l’espace à l’intérieur duquel les frères seraient autorisés à recueillir des aumônes auprès des fidèles. Comme en Italie, les textes hongrois appellent contra-ta ce territoire, qui était subdivisé en villae (à prendre ici au sens de village habité). Les lacunes de la documentation empêchent malheureusement d’établir la carte de ces circonscriptions. On sait seulement qu’elles couvraient pratiquement l’ensemble du royaume. Lorsqu’un couvent voyait le jour ex nihilo, en effet, les dirigeants de la province devaient tailler dans les contratae des couvents existants le territoire qui per-mettrait au nouveau venu d’assurer la subsistance de ses hôtes. On dispose d’un seul exemple précis, tardif de surcroît, puisqu’il date de 1531. Après qu’Étienne Abránfi eut décidé de fonder le couvent de Gerla, les pères du chapitre assemblés à Nagyvárad demandèrent au custode de Jenő de choisir les six villages (villae) de la contrata du couvent de Gyula où les frères de Gerla iraient demander l’aumône145. Quelles étaient partout ailleurs l’étendue et les limites des contratae? Il faut attendre les années 1530 pour en avoir une vague idée. La dégradation des conditions de vie et la fermeture de certains couvents obligèrent alors les dirigeants de la province à modifier la carte des custodies et des territoires de quête, dans le sens d’un regroupement146.

Dès le début du XVIe siècle, chaque religieux envoyé quêter portait sur lui un mandat du vicaire; la rubrique ad contratas du premier formulaire en reproduit plusieurs types, qui précisent toujours dans quelle circonscription le détenteur du document était autorisé à agir147. Pour éviter les fraudes, cette tâche ne devait être confiée qu’à des hommes au dessus de tout soupçon. Les Constitutions, fidèles à la règle, stipulent que la totalité des profès doivent quêter tour à tour; elles précisent également que le supérieur (praelatus) décidera du nom de ceux qui resteront au cou-vent tandis que les autres partiront pro eleemosynis acquirendis148. Barthélemy de Sáros déclare en 1488 que seuls les frères expérimentés et moralement irréprochables seront envoyés dans les contratae pour prêcher et quêter149. Il leur rappelle lui aussi l’obligation de rapporter au couvent l’intégralité de ce qu’ils ont récolté, sous peine de graves sanctions150, obligation que l’on retrouve aussi bien dans les Constitutions de 1499151 que dans les mandats ad contratas délivrés aux quêteurs. Car la tentation

145 EEMH II, 469. Voir aussi Karácsonyi I, 389.146 Voir chapitre 10.147 1er form, fol. 60v (pj n° 23).148 LERH III, 626.149 …ad contratas vel questas nullo exmittant, nisi probatos, maturos et spiritu roboratos…1er form,

fol. 22v (pj n° 1).150 1er form., fol. 23 (pj n° 1).151 LERH III, 623.

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était grande, évidemment, d’en garder une partie pour eux-mêmes. Il s’agissait aussi de les empêcher d’accumuler des quantités excessives dans leur couvent. Les obser-vants acceptaient tout: l’argent liquide, les matériaux de construction, les légumes, les céréales, les œufs, la viande, le vin, etc.; mais ils ne devaient pas dépasser en principe les limites du nécessaire. Ainsi, les pères réunis à Paks décrétèrent en 1507 que dès qu’ils avaient obtenu un quartier de lard, les deux quêteurs devaient interrompre leur tournée, sauf si la pièce était vraiment très petite; c’était au gar-dien qu’il revenait en pareil cas de prolonger ou non leur travail152.

Conformément aux statuts provinciaux, un comptable laïc s’occupait dans chaque couvent du maniement de l’argent et des objets de valeur reçus en aumône par les frères. Sous des appellations diverses (oeconomus, sindicus, actor ou plus fré-quemment procurator, confrater153), il apparaît dans les textes normatifs, dont on a vu qu’ils imposaient aux religieux leur recrutement154, comme dans les documents issus de la pratique. Dès 1433, le roi Sigismond avait placé au couvent de Cseri un procurateur chargé de comptabiliser les aumônes levées par les frères du cou-vent155. A partir de la fin du XVe siècle, la présence d’économes semble systémati-que dans les couvents hongrois. On les rencontre dans les sources seigneuriales des années 1490 (en 1496)156, dans les textes reproduits dans les deux formulaires (en 1509, au début des années 1520 et dans la décennie suivante)157, ainsi que dans d’autres documents internes (vers 1515, en 1526)158. Le chapitre de 1542 leur as-signa même un adjoint159.

Les sources confirment qu’il s’agissait bien d’un laïc, recruté initialement par le fondateur du couvent ou ses héritiers, parmi ses paysans instruits, et plus tard élu par les frères. En 1496, Catherine de Korbava nommait à ce poste le paysan Pierre Deák pour le couvent d’Atyina qu’elle venait de fonder160. En 1544 en-core, le confrater était un paysan mis à la disposition du couvent par le patronus. En

152 Kollányi, 61153 La formule la plus développée est celle d’une charte royale de 1501 recopiée dans le

premier formulaire: in sindicum, actorem, iconomum sive procuratorem quem communi vocabulo confratrem vocant…. 1er form., fol. 136v (pj n° 42).

154 Voir chapitre 2.155 Karácsonyi II, 25.156 Karácsonyi I, 356.157 1er form., fol. 77, 197v.158 Karácsonyi I, 368; MFL, fds I, ms CX; CsML, bullaire de Szeged, 108-109. Édition

récente: A. Fekete Nagy et alii (éd.), Monumenta Rusticorum, 541, n° 415.159 Karácsonyi I, 404.160 Karácsonyi I, 355-356.

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ville, ce pouvait être un bourgeois (civis), comme à Saint-Jean de Buda en 1526161. Par privilège du fondateur, les frères avaient éventuellement leur mot à dire dans son recrutement. Une charte royale de 1501 accorde aux religieux d’un couvent récemment fondé par le roi le droit d’élire leur économe, à la seule condition de le recruter parmi les habitants de la ville ou d’un domaine royal162. Le chapitre généralissime de 1517 avalisa ce mode de désignation en imposant l’élection du confrater par les frères163; leur choix devait néanmoins se porter sur l’un des candi-dats proposés par le patron de l’établissement.

La tâche du confrater ne se bornait pas à rassembler l’argent que rapportaient les tournées de quête afin de libérer les frères des tracas pécuniaires, pour reprendre les termes employés par la veuve de Jean de Korbava en 1496164. Il devait être capa-ble de donner à tout instant le montant exact des sommes accumulées, à l’invitation du fondateur du couvent ou du roi ou sur demande du custode. Car celui-ci pouvait en avoir besoin pour d’autres couvents de la custodie. Précisons qu’il s’agissait à cette période du produit des quêtes habituelles, mais aussi, le cas échéant, de l’argent obtenu par la prédication des frères pour les besoins de la guerre contre les Turcs. L’économe du couvent de Buda remit ainsi la coquette somme de 500 florins d’or à l’envoyé du roi Louis II, sur son ordre, en 1526165. Le chapitre cismontain de 1504 dispensa toutefois les confratres hongrois de produire des comptes périodiques, comme devaient le faire leurs homologues italiens166. De fait, on n’a retrouvé aucun document comptable de provenance observante en Hongrie, ni dans les deux formulaires, ni dans les archives franciscaines.

L’économe du couvent servait à l’occasion d’avocat: il formulait auprès du chapitre provincial les desiderata des membres de son couvent sur le plan maté-riel167. A l’échelle de la custodie cette fois, un procurator semble avoir tenu le même rôle, au moins à partir des années 1520. On le voit délivrer des dérogations aux frères devant transporter de l’argent dans un document du premier formulaire

161 Item circumspectus Gregorius Nyrew dictus civis civitatis nostre Budensis confrater et procurator claustri sancti Ioannis Budensis memorati ordinis. MFL, fds I, ms CX; CsML, bullaire de Szeged, 108-109; Monumenta Rusticorum, éd. A. Fekete Nagy et alii, 541, n° 415.

162 1er form., fol. 137 (pj n° 42).163 Karácsonyi I, 378-379.164 Karácsonyi I, 356, II, 11.165 Item (…) Gregorius Nyrew dictus civis civitatis nostre Budensis confrater et procurator claustri sancti Ioan-

nis Budensis memorati ordinis dedit ad manus dictorum commissarium nostrorum die datarum presencium sexingentos et triginta florenos in veteri moneta Hungaricali, in auro autem quingentos. MFL, fds I, ms CX; CsML, bullaire de Szeged, 108-109; Monumenta Rusticorum, éd. A. Fekete Nagy et alii, 541, n° 415.

166 Karácsonyi I, 363.167 1er form., fol. 77.

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rédigé entre 1520 et 1523168. Un autre syndicus apparaît en 1508 dans la docu-mentation, à titre ponctuel. Il ne s’agissait plus comme dans les années 1490 du protecteur nommé par le pape parmi les évêques du royaume pour arbitrer les conflits entre conventuels et observants. Membre de l’ordre nommé par le vicaire de la province avec le conseil des discrets, le sindicus, procurator ac iconomus specialis de la province de Hongrie mentionné cette année-là avait été institué pour défendre les intérêts des frères de Brassó, dont le couvent était menacé, notamment devant les tribunaux ecclésiastiques. Il devait réunir preuves et témoins et produire les chartes utiles à la plaidoirie169.

Les bâtiments et leur mobilier: un dépouillement relatif

Rares sont les bâtiments conventuels dont les vestiges subsistent aujour d’hui. En 1544, lorsque les pères du chapitre de Nagyvárad rappelèrent à Loup Bethlen ses devoirs de patron à l’égard du couvent de Felfalu, ils lui prescrivirent d’éri-ger un édifice en pierre comprenant cellules, réfectoire, cuisine et cave, et entouré d’une haie170. Les indices documentaires ou archéologiques relatifs aux décennies précédentes confirment dans l’ensemble ces éléments. La plupart des ensambles monastiques, construits en pierre ou en brique plutôt qu’en bois, comprenaient deux parties distinctes. Il y avait d’un côté la grande salle commune (le réfectoire, refectorium) qui servait aux repas communs et à certaines réunions (en dehors de l’église, qui avait aussi cette fonction). Elle est également appelée salle capitulaire dans l’historiographie (à Szeged et à Marosvásárhely par exemple). Elle jouxtait généralement la cuisine (coquina), laquelle avait un accès direct à la cave ou au cellier (cellarium) où étaient entreposés vivres et tonneaux de vin. D’autre part, le dormitorium regroupait à l’étage ou dans un bâtiment distinct l’ensemble des cellules (cellae) où se retiraient les frères pour se reposer ou méditer en silence. Celles-ci, réparties en une double rangée de part et d’autre d’un étroit couloir, ne mesuraient guère plus de 8 ou 9 m² (souvent 2,5 mètres sur 2,5), d’après les vestiges exhumés à Ozora, Gyula, Szeged et Okolicsnó171; ce qui laissait à peine la place de mettre un lit.

Le tout s’organisait parfois, avec l’église, autour d’une cour quadrilatérale, le traditionnel cloître; du moins lorsque l’étendue de l’enclos et la taille des bâtiments le permettaient. Tel était le cas à Visegrád, par l’effet de la générosité royale. Les fouilles commencées dans les années 1990 ont mis au jour les superbes arcatu-

168 1er form., fol. 197v.169 1er form., fol. 86-87 (pj n° 29).170 Kollányi, 54, d’après les actes du chapitre de 1544.171 E. Nagy, Az ozorai obszerváns, 260-263.

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res gothiques du cloître observant172. A Újlak, c’est seulement après les travaux ordonnés par Nicolas d’Újlak, qui prévoyaient la construction de bâtiments inter-médiaires, que l’on obtint un ensemble jointif173. Il en fut de même à Medgyes, après les travaux des années 1500174. Sans doute le réfectoire était-il chauffé, par une cheminée puis par un poêle175, au moins dans les grands couvents urbains. On comprend que les frères aient eu tendance à s’y attarder à la fin du dîner. Certains établissements disposaient d’installations modernes pour l’é po que. Ainsi, des fouilles ont récemment exhumé les vestiges d’une vaste citerne dans la cour du couvent Saint-Jean de Buda, d’un type inconnu jusqu’a lors176. Son usage se trouve confirmé par les textes écrits: en 1501, le prin ce Sigismond Jagellon, bienfaiteur du couvent, reçut l’autorisation de puiser de l’eau dans la citerne des frères mineurs pour les besoins de sa nombreuse sui te177.

Les églises, un peu mieux conservées, faisaient l’objet de soins attention-nés. Les phases de travaux indiquées par les sources le prouvent178. En dépit des déclarations des dirigeants hongrois et de la législation provinciale imposant la sobriété des édifices, elles semblent n’avoir été franchement très dépouillées que dans les toutes petites communautés, souvent éphémères. Là, le bois suffi-sait. Partout ailleurs, les sanctuaires avaient été construits – ou reconstruits – en pierres, comme le fut celui de Karánsebes en 1428 grâce aux largesses du roi Sigismond de Luxembourg179. Au besoin, on utilisait des matériaux récupérés sur les édifices abandonnés, ainsi qu’en témoignent les pierres romanes de l’église de Szeged: elles proviennent visiblement de l’ancien hôpital où les frères avaient été autorisés à s’installer180. Les églises observantes avaient parfois des dimensions imposantes. Elles étaient grossièrement proportionnelles au nombre de frères

172 Medieval Visegrád, dir. J. Laszlovszky, 156-160, fig. 198-204. Voir Illustrations, n° II, 1.a) et b).

173 Rom. p. 70; Andrić, 43.174 Karácsonyi II, 116-117.175 On n’a pas trouvé trace dans les couvents observants de systèmes aussi per fectionnés

que celui qui équipait le couvent franciscain conventuel d’Óbuda, où un chauf fa ge central par le sol avait été aménagé. J. Altmann, Az óbudai és a budavári ferences templom és kolostor kutatásái [L’exhumation des églises et des couvents franciscains d’Óbuda et de la citadelle de Buda], dans A. Haris (dir.), Koldulórendi épitészet, 140. L’utilisation de poêles est prouvée chez les dominicains dès la seconde moitié du xve siècle. É. Kozák, A vértesszent kereszti apátság a dominikánusok idején [L’ab-baye de Vértesszentkereszt au temps des dominicains], dans A. Haris (dir.), Koldulórendi épitészet, 315.

176 Rom., 16, d’après J. Altmann, Az óbudai, 137-152.177 Karácsonyi II, 21.178 Voir Tableau synoptique des couvents.179 Karácsonyi II, 88.180 Rom., 61.

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UN FRANCISCANISME PRAGMATIQUE 223

du couvent181. La nef, toujours unique (sauf à Okolicsnó) comme dans toutes les églises des ordres mendiants, et dépourvue de transept, était prolongée par un chœur plus étroit mais parfois presque aussi long qu’elle, à fermeture polygo-nale182. Large de douze à quinze mètres environ, elle s’étirait sur une trentaine de mètres de long dans les établissements les plus modestes, et sur plus de cinquante mètres dans les gros couvents (51 mètres à Újlak depuis les travaux entrepris à partir de 1468, soit deux fois plus que l’édifice précédent183, 54 mètres à Saint-Jean de Buda184, 57 à Szécsény185, 62,6 à Kolozsvár186, 63,6 à Szeged187) ou dans ceux qui attiraient de nombreux pèlerins (56 mètres à Marosvásárhely188). La sacristie jouxtait habituellement le chœur, comme à Hátszeg, Marosvásárhely, Tövis, Szalárd189, ou communiquait avec lui par un portique intermédiaire (à Medgyes, à Szalárd190); cela n’avait évidemment rien de très original et répondait avant tout à la fonction liturgique du lieu.

Un clocher unique surmontait d’ordinaire la jonction entre chœur et nef, ainsi que le révèle l’archéologie à Egervár, Gyöngyös, Kőröshegy, Nyírbátor, Okolicsnó, Sárospatak, Szécsény, Szentgrót191. Seule l’église de Sóvár semble avoir été dépourvue de tour, pour une raison inconnue192. Les exemples de dou-ble clocher ou d’emplacements différents pour le clocher unique s’expli quent presque toujours par la récupération d’églises existantes. Celle de Gerla, dont le couvent reprit les murs d’un ancien monastère bénédictin, se singularise non seulement par ses deux tours occidentales, mais aussi par son abside semi-cir-culaire193. A Remetinc, né dans les mêmes conditions, le clocher se trouve sur le côté nord du chœur194. Visegrád constitue un cas plus original encore: son clocher surmontait la sacristie, peut-être parce que l’église avait été construite

181 B. Romhányi, Monasteriologia Hungarica, 78.182 Voir Illustrations, n° II, 1 à 7.183 Rom., 70; Andrić, 43.184 Rom., 16, d’après J. Altmann, Az óbudai.185 Rom., 61.186 Rusu, 107187 Rom., 61.188 Rom., 72, d’après G. Entz, Erdély épitészete, 379-380. Voir aussi illustration n° II, 5.189 Rusu, 147-148, 261, 166. Voir aussi Illustrations, n° II, 6.190 Rusu, 170, 223.191 Rom., 22 28 39 48 48-49 57 61 62 (qui s’appuie notamment sur Magyarország

Műemlékjegyzéke, Budapest, 1976). Voir aussi illustration n° II, 4.192 Rom., 59.193 Rom., 27.194 Rom., 55.

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CHAPITRE 5224

à partir d’une chapelle royale demeurée inachevée. De manière générale, le clo-cher unique marquait une rupture par rapport aux monastères traditionnels et à toutes les églises dépendant étroitement des seigneurs par le biais du droit de patronage, prolongement direct de la pratique ancienne des églises privées195. Les observants, imitant en cela leurs prédécesseurs conventuels, ma ni festaient ainsi leur identité sur le plan visuel, en faisant passer l’exi gence de simplicité avant l’exaltation des lignages nobles.

L’architecture des églises de l’observance franciscaine hongroise obéissait aux traditions des ordres mendiants, qui remontaient souvent au XIIIe siècle. Outre le clocher unique, ils prirent le parti d’une seule nef, plutôt que trois, pour mieux se faire entendre des fidèles. Leurs églises reflétaient dans l’ensem ble les goûts de l’époque, dominés par un style gothique assez linéaire, à l’exclu sion seu-lement des ornements les plus exubérants de l’art flamboyant, qui fleurissaient alors sur les églises paroissiales et les chapelles urbaines. Cette nuance donne aux églises observantes un caractère plus dépouillé que les édifices construits à la même période. On relève par ailleurs d’étroites similitudes en tre certaines égli-ses observantes, celles de Visegrád et d’Atyina, par exemple, pour tant distantes d’environ trois cents kilomètres196. A ces réserves près, il est difficile de parler de “style observant”. D’autant que se lisent facilement dans les bâtiments des frères réformés les tendances de l’art régional, comme à Marosvásárhely197 ou, le cas échéant, celles des commandes royales (à Kolozsvár198). Les maîtres d’œuvre re-crutés par le fondateur étaient certainement les mêmes que ceux qui travaillaient sur les chantiers des églises paroissiales ou des demeures seigneuriales. Et ils avaient une grande marge de liberté dans l’exé cution des travaux. Les quelques fragments sculptés qui ont survécu – les immenses fenêtres de l’église de Nyír-bátor199, les restes de celles de Csíksomlyó200, les détails de l’église de Szécsény201 ou encore les vestiges récemment exhumés à Visegrád202 et à Marosvásárhely203 – montrent que des motifs décoratifs ornaient l’intérieur des églises. A l’exté-rieur, ils compensaient un peu la lourdeur des massifs con treforts. Des moulures raffinées soulignaient les lignes de l’édi fice, couvert de voûtes étoilées et orné à

195 E. Fügedi, Quelques questions, 201-202.196 Medieval Visegrád, dir. J. Laszlovszky, 162, fig. 207. Voir illustrations n° II, 1 et 7.197 Z. Soós, The Franciscan Friary, 261.198 Papp, 51-52.199 Voir illustration n° II, 2.200 Rusu, 172.201 Voir Illustrations, n° II, 3.202 Medieval Visegrád, dir. J. Laszlovszky, 144-161, fig. 170 à 205.203 Z. Soós, The Franciscan Friar.

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UN FRANCISCANISME PRAGMATIQUE 225

l’extérieur, sur le portail et autour des fenêtres, de nervures agrémentées de thè-mes végétaux. La voûte de l’église observante de Nyírbátor (aujourd’hui temple calviniste) constitue, par la finesse de ses nervures et l’élégance des motifs en étoile qu’elles dessinent, l’un des joyaux de l’ar chitecture médiévale hongroise204; celle de Szeged est une variante plus ordinaire. A côté des blasons nobiliaires ou nationaux (la demi-lune des Sicules), des sym boles franciscains (com me le Tau) décoraient les clefs de voûte205. Les couleurs étaient plus présentes dans les égli-ses observantes que ne pourrait le faire croire leur état actuel. En effet, à l’inverse des disciples espagnols de Villacreces206, les observants hongrois ne laissaient pas toujours à nu les murs de leurs sanctuaires. Des fragments de peintures murales ont été retrouvés dans l’église et dans la salle capitulaire du couvent de Maros-vásárhely207. L’éta blis sement avait été précédemment occupé par les con ventuels, certes, mais les fresques, exécutées au tournant des XVe et XVIe siècles, sont large-ment postérieures au transfert du couvent à l’obser vance.

On sait qu’à partir de l’extrême fin du XVe siècle, des orgues prirent place dans les églises observantes de Hongrie; ce qui les rapprocha des églises paroissiales, mais aussi des églises franciscaines allemandes (dès les années 1470)208 et de celles de plusieurs ermitages réformés espagnols (où un petit orgue était uti lisé pour les fêtes)209. Pour le reste, le mobilier intérieur se composait habituellement d’un polyptique central, surmontant le maître autel (comme celui de Marosvásárhely, hé-rité cette fois des conventuels puisqu’il fut achevé en 1400)210, ainsi peut-être que d’autres autels peints, plus petits, placés près des murs latéraux, et de nombreu-ses croix. Ils reflètent très nettement l’influence des courants artistiques récents, dérivés de la Renaissance italienne. En témoigne le crucifix offert au couvent de Marosvásárhely par Michel Apafi (avant 1537), de style renaissant, que l’on peut admirer aujourd’hui dans l’église paroissiale d’Eremitu, en Roumanie211. Le chœur était parfois habillé de stalles de belle facture, comme celles de l’église de Nyírbátor, qui se trouvent maintenant au Musée National de Budapest. Réalisées entre 1508 et 1511 par l’ébéniste florentin Marone, sans doute à la demande de son patronus, elles abondent en détails ornementaux antiquisants ..., très éloignés

204 Voir Illustrations, n° II, 2.205 Comme à Marosvásárhely. Z. Soós, The Franciscan Friary, 262.206 Isidoro da Villapadierna, Il ritorno all’ideale, 283-284.207 Z. Soós, The Franciscan Friary, 263.208 F. W. Riedel, FranzisKanische Liturgie, 733.209 Isidoro da Villapadierna, Il ritorno all’ideale, 283-284.210 Z. Soós, The Franciscan Friary, 262.211 Z. Soós, The Franciscan Friary, 262. Voir aussi chapitre 10.

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de l’idéal de pauvreté des Constitutions. Sans doute les Bátor, qui pouvaient déjà s’honorer de la réussite architecturale que constituait l’église observante de Nyír-bátor, voulaient-ils manifester par là leur dimension de mécènes humanisants.

La question des objets liturgiques

La générosité des aristocrates hongrois et leur amour pour l’art s’exprimait pareillement dans le domaine de l’orfèvrerie. On se souvient de ce que la législa-tion provinciale limitait, sans l’interdire totalement, l’utilisation d’objets de culte en matériaux précieux. Les couvents hongrois en détenaient malgré tout bien plus, apparemment, que les ermitages espagnols (où deux ou trois calices en ar-gent étaient considérés comme un maximum)212 ou les établissements italiens. Sur ce point, le commissaire cismontain Jacques de Mantoue avait obtenu satisfaction auprès des pères du chapitre général de 1504. Précisons que ceux-ci demandèrent aux frères de Hongrie de mettre en vente les objets de culte en argent, en or et sertis de pierreries qu’ils utilisaient, afin d’aider les couvents les plus démunis; s’ils appartenaient au patron de l’établissement, il faudrait lui demander préalablement son accord ou les lui restituer pour qu’il les garde sous clef dans sa demeure. Ces dispositions furent adoptées officiellement par le chapitre de Buda, en 1505, qui les plaça en tête de ses actes213. Mais, suivant la tactique qui lui était familière, le vicaire Oswald de Laskó fit diversion. Il obtint le 31 mai 1507 du pape Jules II une dispense pontificale autorisant les frères hongrois à continuer d’utiliser, comme ils l’avaient toujours fait, vaisselle liturgique et cha subles de valeur. Car ces objets leur avaient été confiés pour rendre gloire à Dieu, déclare l’auteur, et… parce que les lois méritent parfois d’être adaptées aux circonstances214. Seule concession, énoncée par le chapitre provincial de Paks en 1507: le vicaire de Hongrie, au nom du chapitre, serait désormais l’unique personne habilitée à accepter les dons en objets liturgi-ques d’une forte valeur marchande215.

Dans leur discours, les dirigeants hongrois faisaient encore mine de condam-ner l’emploi de vaisselle précieuse. Les visiteurs préparant le chapitre de 1515 reçurent la consigne de dénoncer les couvents coupables de edificiorum, sacrarum vestimentum et vasarum sumptuositas superfluitasque216. En 1514, Blaise de Dézs jugeait

212 Isidoro da Villapadierna, Il ritorno all’ideale, 283-284.213 LERH III, 647. Voir aussi Karácsonyi I, 362-363.214 … tamen quia pro temporum necessitate leges mutare convenit… Karácsonyi I, 365. Source: MFL,

fds I, ms LXXXIX; CsML, bullaire de Szeged, 45-46; Vetera monumen ta. II, éd. A. Theiner, 575.215 Karácsonyi I, 366.216 1er form., fol. 111.

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UN FRANCISCANISME PRAGMATIQUE 227

leur possession contradictoire avec le vœu de pauvreté, ajoutant qu’elle attisait la convoitise et ternissait la réputation de l’ordre. Mais il s’en prenait à leur acquisitio, qui s’apparentait à de la thésaurisation, non à leur usus; et il n’incitait nullement les frères à se défaire des objets qu’ils tenaient déjà217. Plus encore, les religieux re-vendiquèrent leur droit exclusif d’en avoir l’usage, face aux héritiers du fondateur. Pour faire obstacle aux revendications de François Bodó, qui réclamait les objets donnés par ses ancêtres aux observants, le ministre Albert de Dereszlény obtint en octobre 1519 une bulle de Léon X reconnaissant formellement aux membres de la province hongroise la faculté de se servir de vaisselle précieuse pour célébrer le culte divin218.

Dans la pratique, celle-ci continua d’être employée jusqu’au cœur du XVIe siècle, au moment de l’abandon des couvents les plus exposés ou des prévarica-tions des patrons passés au protestantisme. Les frères firent tout pour la sauver, la déménageant de couvent à couvent dans les années 1530 et 1540. Certains inventaires font état de fabuleux trésors liturgiques, en tous points comparables à ceux que l’on trouvait dans les églises bénédictines: à Györgyi (avant 1517)219, à Nagyszőllős en 1514220, à Szécsény en 1544 (avec dix-sept calices, une mons-trance, un bassin en argent, un encensoir en argent, trois devantures d’autel et des vêtements liturgiques)221, et enfin à Nagyvárad d’après la liste de 1556 (qui mentionne vingt-quatre calices, dix-neuf coupelles et patènes, cinq croix, trois monstrances, deux ampoules en argent, trois encensoirs, trois navettes à encens, deux crucifix, un reliquaire en argent, un plat en vermeil et diverses chasubles)222. Au moment de leur départ en 1559, les frères de Pápa avaient à leur disposition un total de 38 chasubles et de 15 aubes223. En 1537 encore, tandis que d’autres étaient restituées à leur seigneur (à Atyina puis à Céke) pour les sauver du pillage224, la superbe croix en argent commandée par Michel Apafi était installée dans le cou-vent de Marosvásárhely225. De belles pièces se trouvaient encore entre les mains

217 1er form., fol. 189. On lit dans une autre exhortation du vicaire: …nec per amplius para-mentis pretiosis ac ceteriisque ut monstranciis, calicibus sumptuosis, curribilis, naviculii, ampulis et aliis super-fluitatibus secundum Constitutiones defalcatis que sapiunt thezaurisationem. 1er form., fol. 202.

218 Karácsonyi I, 379-380. Nous reviendrons sur cette affaire dans le chapitre 9.219 Karácsonyi II, 70.220 Karácsonyi II, 125.221 Karácsonyi II, 179.222 Karácsonyi II, 206.223 Zs. Mezei, A pápai ferencesek, 221.224 Karácsonyi II, 11 35.225 Karácsonyi I, 396-397, d’après les actes du chapitre de 1537.

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CHAPITRE 5228

des frères au milieu du XVIe siècle (à Nagybánya en 1552)226. Rien d’étonnant donc à rencontrer des orfèvres parmi les convers jusqu’à une date tardive (comme à Buda en 1535)227. Leur tâche consistait à réparer les objets abîmés, mais aussi à en fabriquer de nouveaux à partir de ce que leur offraient les fidèles (espèces monétaires, ceintures à boucles d’argent, cuillères ou autres éléments de vaisselle). On en a la preuve à Monoszlóváralja dès 1492. En vertu du testament du voïvode de Transylvanie Nicolas Csupor, les membres de l’établissement firent dorer leur monstrance à l’aide des cent florins d’or que celui-ci leur avait légués228. De même, en 1531, un bienfaiteur offrit divers objets aux religieux de Kolozsvár en leur de-mandant de les fondre pour en faire de la vaisselle liturgique229.

Pourquoi ces usages manifestement contraires au modus humilis (ou à l’arte po-vera) prôné par les constitutions générales? Est-ce parce qu’ils aimaient s’en tourer d’objets luxueux que les frères hongrois acceptaient de célébrer la messe avec de la vaisselle digne d’un prince, comme le laissait entendre Jacques de Mantoue peu après 1502? Ou répondaient-ils à la demande des fidèles, pour qui ces éléments, au même titre que l’accompagnement à l’orgue et les fresques colorées, embellissaient les messes célébrées dans l’église et faisaient ainsi honneur à Dieu? L’explication se trouve ailleurs. Souvenons-nous de la proportion élevée de couvents nés de la générosité des membres de l’aristocratie hongroise, et dans une moindre mesure de celle des souverains. Ce sont eux qui, presque toujours, avaient fait don aux frères de la vaisselle liturgique qu’ils utilisaient depuis la fondation du couvent, ainsi que de tous les autres ornements ecclésiastiques d’une certaine valeur. Les fondateurs et leurs descendants ne voyaient à cela rien de choquant: ils avaient procédé de la même manière à l’intention des chapelles séculières et monastiques fondées par leurs ancêtres sur leurs terres. Et ils considéraient les biens concédés, bâtiments in-clus, comme faisant toujours partie de leur patrimoine familial. Autrement dit, ils les donnaient moins qu’ils ne les prêtaient aux frères – un argument que les observants hongrois avaient su avancer en temps utile face aux commissaires cismontains. La concession d’objets de va leur était pour les nobles un moyen de thésauriser une partie de leur capital, … tout en gardant l’œil sur lui, par l’intermédiaire du confrater qu’ils choisissaient. Ils en tiraient d’indiscutables bénéfices spirituels: la vaisselle liturgique, en contact direct avec les Saintes Espèces, avait à cet égard une forte dimension symbolique.

226 Karácsonyi II, 124.227 Karácsonyi II, 22.228 Karácsonyi II, 120.229 Karácsonyi II, 101-102.

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UN FRANCISCANISME PRAGMATIQUE 229

Telle était la contrepartie du patronage royal et aristocratique. Au demeurant, les dirigeants hongrois s’étaient très vite accommodés d’un régime qui, à leurs yeux au moins, ne remettait pas fondamentalement en cause leur qualité de mendiants et sans lequel leur mouvement n’aurait pas connu le succès qui était le sien.

Le franciscanisme qu’incarnaient les observants hongrois dans les premières années XVIe siècle n’avait rien d’héroïque. Ce trait explique probablement le fait qu’au cun d’entre eux ne fut canonisé, ou même seulement béatifié. La figure cha-rismatique de Jean de Capestran, mort au couvent d’Újlak et aussitôt vénéré par la population environnante, a pu éclipser les qualités personnelles des membres de l’observance hongroise. Mais elle ne suffit pas à tout expliquer. En Pologne aussi, les admirateurs de Capestran étaient nombreux. Or Jean de Komorowo rapporte le nom de quatre frères morts en odeur de sainteté entre la fin du XVe siècle et les années 1530230. L’italien Mariano da Firenze écrit dans sa Chronique que frère Nicolas, convers au couvent de Varsovie en 1468, opérait des miracles231. Rien de tout cela en Hongrie. Da Firenze raconte seulement, à l’année 1472, qu’un frère nommé Alexis, né à l’extrémité nord du royaume magyar, en Sépusie, avait la réputation d’accomplir des miracles dans le couvent de la province de Bohème (Saint-Nicolas de Bittum) où il vivait, une réputation encore vivace en 1506232. Quant aux deux “stars” internationales de l’observance franciscaine hongroise, Pelbart de Temesvár et Oswald de Laskó, aucun récit contemporain ou tardif ne fait l’éloge de leurs vertus monastiques, ni en Hongrie, ni hors du royaume.

L’absence de personnalité marquante formée en leur sein et la modération de leur genre de vie n’empêchèrent pas les observants hongrois de s’attirer la sympa-thie de couches sociales toujours plus larges dans la société hongroise. Qui sait si, au contraire, elles ne les ont pas rapprochés des fidèles? Toujours est-il que, devenu populaire, le mouvement gagna encore du terrain jusqu’au milieu des années 1510 et apparut plus que jamais comme l’élite de l’Église militante.

230 Jean de Dukla (†1484), Simon de Lipnica (†1482), Ladislas de Gielniów (†1505) et Ra-phaël de Proszowice (†1534). Leur élévation fut autorisée au XVIe siècle (au plus tard) et les trois premiers furent béatifiés au cours du XVIIIe siècle. K. Kantak, Les données, 437-461.

231 F. de Sessevalle, Histoire générale I, 365. Source: Mariano da Firenze, Compendium, 320.232 …in Provincia Bohemie et conventu sancti Nicolai de Bythim requiescit frater Alexius sacerdos, de

Signis regni Hungarie, miraculis gloriosus. Plus loin, à l’année 1506: Frater Alexius sacerdos de Zigifer regni Hungarie in loco Sancti Niccolai apud Bittum miraculis gloriosus jacet. Compendium», 319 336.

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Chapitre 6

UNE POSITION DOMINANTEDANS L’ÉGLISE ET LA SOCIÉTÉ HONGROISES

Les décennies 1490-1510 correspondent à tous points de vue à l’apogée du mouvement de l’observance franciscaine en Hongrie. Tandis qu’il commençait à s’essouffler en France septentrionale, en Angleterre et en Alsace1, il était encore en pleine santé un demi-siècle après l’impulsion décisive des années 1440. L’in-ventaire de 1509 fait état de 70 couvents, abritant un total de 1700 frères, chiffres les plus élevés parmi ceux que fournit ce type de sources2; d’autres données do-cumentaires indiquent un maximum absolu de 74 couvents, atteint entre 1513 et 1515. L’ensemble du corpus réuni montre une progression soutenue pendant ces deux décennies: on passa de 61 établissements hongrois en 1490 à 73 en 1510, soit une augmentation de 19,7% en vingt ans. Un couvent ou plus naissait tous les deux ans3. Chacun résultait d’une création ex nihilo en application de l’interdic-tion faite aux observants en 1492 de s’installer dans les murs des conventuels. Le dynamisme de l’observance ne s’en trouva nullement affecté, bien au contraire. Le nombre de frères par maison continuait de progresser: plusieurs des établisse-ments désignés comme loca en 1509 abritaient plus de douze frères dans les années suivantes4. La province observante continuait donc de capter les vocations. Ceux qu’attirait l’idéal de saint François entraient dans les couvents observants plutôt que chez les conventuels, où la réforme de Fabien d’Igal ne suffisait plus à pallier

1 J.-M. Le Gall, Les moines, 35-36; R. Emery, Friars in Medieval France III, 22; A. Guerreau, Observations statistiques sur les créations de couvents franciscains, dans Revue d’Histoire de l’Église de France 70 (1984) 27-40; F. Rapp, Réformes et réformation, 255-261.

2 Voir tableau n° 1, 2e colonne.3 Voir graphique n° 1.4 Voir Tableau synoptique des couvents, 4e colonne.

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CHAPITRE 6232

les problèmes de recrutement à la fin du XVe siècle: le nombre de leurs couvents tomba en dessous de quarante (37 selon l’inventaire de 1533)5.

Sans être bouleversé, l’équilibre des custodies de la province observante de Hongrie connut de nouveaux changements. Le poids des circonscriptions de l’ouest du pays s’alourdit, en particulier au sud-ouest, où affluaient les réfugiés venus de Bosnie6. A l’initiative du ban de Belgrade, on chargea des prisonniers turcs de construire le couvent méridional de Futak, vers 15097. Les frères réfor-més contribuaient ainsi de manière on ne peut plus tangible à faire de la Hongrie le rempart de la Chrétienté.

Les progrès enregistrés au tournant des XVe et XVIe siècles ne se limitaient pas aux plans quantitatif et géographique. L’observance franciscaine acquit alors une position inégalée au sein de l’Église hongroise, de même que dans la société civile, étendant son rayonnement à des catégories de population qui ignoraient pour ainsi dire jusqu’à son existence durant les décennies précédentes.

I. De nouvelles responsabilités dans l’Église

Les membres de l’observance n’apparaissent plus à cette période comme des clercs marginaux, tout juste bons à aller évangéliser les païens et les Infidèles loin du cœur du royaume ou, au mieux, à convertir les populations orthodoxes d’origine étrangère qui vivaient à ses confins. Ils formaient dès les années 1490 un groupe qui comptait dans la vie de l’Église, à l’échelle nationale et internationale, surtout depuis qu’ils s’inscrivaient dans les ambitieux projets de la papauté.

Liens entre l’observance franciscaine et le corps épiscopal

A la fin du règne de Mathias Corvin, les frères de l’observance s’étaient déjà considérablement rapprochés des deux sphères qui décidaient du fonctionnement de l’Église magyare: le cercle des évêques d’une part, et la cour royale, d’autre part.

Dès les années 1440 les observants avaient bénéficié du soutien de cer-tains prélats hongrois. Beaucoup se contentaient d’appliquer les ordres venus d’en haut – comme leurs collègues allemands8. En 1444, par exemple, lorsque

5 Karácsonyi I, 93.6 Voir tableau n° 1, 1ère et 2e colonnes.7 Karácsonyi II, 49.8 P. Nyhus, The Observant Reform, 164.

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UNE POSITION DOMINANTE 233

l’évêque de Vác assura les observants de Buda de sa protection au lendemain du double transfert des couvents de Buda et de Pest prononcé par le légat Julien Cesarini9; ou encore en 1448, quand le primat se chargea de faire appliquer aux couvents d’Esztergom et de Sárospatak les décisions du légat Jean de Carvajal10. Mais d’autres évêques, éprouvant de toute évidence une vive sympathie pour le mouvement, mirent une ardeur exceptionnelle à la tâche. Le primat Denis de Szécs était de ceux-là. Entouré de prélats dont il avait personnellement sollicité le concours, il appuya la requête formulée par Jean de Hunyad auprès de Carvajal pour que sept nouveaux couvents soient transférés aux observants en 144811. Il rejeta systématiquement les réclamations des con ventuels lorsqu’ils contestaient la légalité de la procédure de translatio. Face à la résistance des frères mineurs d’Esztergom, qui refusaient de prendre acte de la sentence prononcée en juin 1448, il se rendit en personne devant les religieux et leur intima l’ordre de quitter les lieux12. Quand le pape lui demanda en 1451 d’en quêter sur la vie que menaient les membres du couvent d’Újlak, très critiqués par les habitants, il confirma leurs dires, favorisant ainsi le passage de l’établis se ment à l’observance13. On le voit se prononcer à nouveau en faveur des obser vants en avril 145314. Enfin, le 12 octo-bre 1462, il excommuniait tous ceux qui n’obéiraient pas au vicaire de Hongrie, Michel le Sicule, élu en remplacement d’Étienne de Varsány15. Certes, l’appui des évêques magyars à l’obser vance n’était pas unanime: pensons ici aux difficultés rencontrées par Jacques de la Marche dans le diocèse de Pécs. Mais nous verrons plus loin qu’elles dépassaient le cadre du mouvement franciscain: elles s’expli-quent par la réforme du clergé séculier que le pape s’efforçait alors d’imposer par l’intermédiaire de l’inquisiteur italien.

Au tournant des XVe et XVIe siècles, plusieurs prélats prirent à leur tour la dé-fense des observants. Parmi eux se trouve Luc de Szeged, évêque de Csanád puis de Zagreb. Avait-il côtoyé les observants récemment installés dans sa ville natale? C’est lui en tous cas qui ordonna en 1493 l’attribution aux frères réformés du mo-nastère désaffecté Saint-Gérard de Csanád. Sa décision n’était peut-être pas totale-ment désintéressée, il est vrai: les revenus fonciers de l’ab baye, estimés à 50 florins

9 Karácsonyi I, 326.10 Karácsonyi I, 59.11 Karácsonyi I, 58.12 Karácsonyi I, 58-59, d’après une copie de cette déclaration effectuée en 1506.13 MFL, inv. 1930, p. 8, n° 49; CsML, bullaire de Szeged, 92-94.14 MOL, Df 286135.15 MFL, fds I, ms LV (inv. 1930: p. 8, n° 55).

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d’or par an, grossirent sur le champ la mense épiscopale16. En 1508, il fondait le couvent d’Ivanics, sur les domaines de l’évêché17. Thomas Bakócz, issu de la ro-ture lui aussi, avait été nommé protecteur (syndicus) des observants de la province hongroise par le pape Innocent VIII en 1491, quand il n’était encore qu’évêque d’Eger, on s’en souvient18. Il comptait des frères réformés dans son entourage19. Ses fonctions de chancelier royal lui permirent, bien avant sa promotion au siège primatial d’Esztergom en 1497, d’exercer une profonde influence sur Wladislas II Jagellon. Il le poussa notamment à défendre la cause des observants hongrois auprès du pape, lorsque les projets de fusion faisaient craindre leur absorption par les conventuels20. Sur ses terres, à Körmend, il obtint du pape (entre 1513 et 1517) la cession du vieux couvent d’er mites augustins aux observants21. Nous verrons dans la suite de ce chapitre qu’il les défendit également contre les curés de paroisse; moins par favoritisme que parce qu’il voyait en eux le moyen de relancer activement la réforme monastique dans le royaume magyar22. Sans doute avait-il compris l’intérêt du mouvement pour l’Église. Il sut en user quelques années plus tard, au printemps 1514: quand le pape lui demanda de prêcher la croisade, il ne se contenta pas d’en informer les évêques du royaume. Il chargea les chefs de la province observante de Hongrie de prendre l’affaire en mains23.

Les observants au sein de l’Église hongroise: pouvoir ou contre-pouvoir?

Après Jean de Kurzola dans les années 143024, d’autres frères réformés coif-fèrent la mitre épiscopale, moins nombreux certes que chez les conventuels25. Reconnaissons qu’il leur était difficile de résister à la pression du roi, qui avait la collation des bénéfices majeurs. C’est ainsi que frère Grégoire, con fesseur de

16 MFL, fds I, ms LXXVI; CsML, bullaire de Szeged, 113-114.17 Karácsonyi II, 81-82.18 Voir chapitre 4.19 Urbain de Kövesd annota de vers de sa composition le bréviaire qu’utilisait le primat.

Erdélyi, 52, sur la base des travaux d’Ágnes Szalay Ritoókné (Bakócz Tamás Breviárumának kézi-ratos versei [Les vers manuscrits du bréviaire de Thomas Bakócz], dans Ead., Nympha super ripam Danubii in Tanulmányok a XV.-XVI. századi magyarországi művelődés köréből, Budapest 2002, 189.

20 Karácsonyi I, 353.21 Erdélyi, 26.22 Récente mise au point sur ce sujet dans Erdélyi, 42-60.23 …commissarii in hac parte presertim extra civitates Budensem et Pesthiensem per nos specialiter

deputati… Cité dans Szűcs, 214. Voir aussi chapitre 9.24 Voir chapitre 3.25 Karácsonyi I, 56.

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Mathias Corvin, devint évêque de Nyitra à son corps défendant: le roi insista auprès du pape pour que celui-ci lui ordonne d’accepter cette char ge26. Un autre franciscain réformé, étranger cette fois, entra dans le corps épiscopal sous le règne de Mathias Corvin: Gabriel Rangoni, aussi appelé Gabriel de Vérone, disciple de Jean de Capestran qu’il avait suivi jusqu’en Hongrie en 1455. Nommé inquisiteur après la mort de Capestran, il fut promu évêque d’Eger à la demande du roi, qui en fit en outre son grand chancelier27.

Par ce biais, des membres de l’observance acquirent un incontestable pouvoir dans l’Église hongroise. Ceci dans les limites du diocèse qui leur avait été confié, bien sûr, mais également à l’échelon central et même dans les affaires profanes, puisque la dignité épiscopale donnait automatiquement accès à la diète et au puis-sant conseil royal. Les offices royaux confiés à certains d’entre eux – en particulier le titre de grand chancelier – leur conféraient des prérogatives supplémentaires. C’est sous Mathias Corvin que la participation des observants aux décisions im-portantes – ecclésiastiques ou non – semble avoir été la plus forte. Ses successeurs Jagellon se montrèrent moins ouverts. Contre l’avis des barons qui prônaient la fusion avec les conventuels, ils ne réduisirent pas brutalement l’influence des ob-servants à la cour. Rappelons qu’elle ne faisait pas exception en Occident. On connaît la figure éminente du cardinal Cisneros, issu de l’observance franciscaine espagnole, qui se trouva bientôt investi des plus hautes responsabilités religieuses et politiques du royaume de Castille: archevêque de Tolède et grand inquisiteur, il devint régent en 149528. Les observants hongrois ne gravirent jamais de tels sommets. Dans l’ensemble, leur poids – avec un ou deux évêques sur douze, au mieux – ne suffisait pas à faire d’eux une véritable force politique dans le royaume magyar. Sans quoi ils auraient probablement obtenu de Mathias Corvin que le projet de création d’une université dans la capitale prenne pour cadre le couvent franciscain observant de Buda, et non celui des dominicains. Et, après 1490, ils n’auraient pas été contraints de multiplier les concessions aux conventuels pour déjouer leurs manoeuvres de fusion29.

Une fois parvenu à la tête du royaume castillan, le cardinal Cisneros demeura fidèle à ses convictions, sans s’inféoder moralement à ceux qui l’y avaient placé. Il continua d’incarner la rigueur observante et, en tant que prélat, s’occupa conscien-cieusement de pastorale. Peut-on en dire autant des observants hongrois proches du pouvoir? Leur admission dans l’entourage royal les conduisit-elle à défendre

26 Karácsonyi I, 350-351.27 Gy. Székely, Efforts vers une réforme, 339-340.28 Histoire du christianisme VII, dir. J.-M. Mayeur et alii, 381.29 Voir chapitre 4.

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le point de vue de leur maître, au mépris des principes de l’ordre, ou surent-ils conserver leurs idéaux et exercer leur esprit critique envers ceux qu’ils servaient? Rien n’a filtré, malheureusement, des conversations qu’entretenait frère Gré-goire avec le roi Mathias. On ignore par ailleurs comment il dirigea son diocèse. Les têtes pensantes de l’ordre, du moins celles dont les opinions sont parvenues jusqu’à nous, ne se privaient pas en tous cas de critiquer, en des termes à peine voilés, les errements de la politique royale. Oswald de Laskó dénonça vigou-reusement le système des commendes, qu’il accusait littéralement de démolir l’Église hongroise30; or le souverain en était le principal bénéficiaire et l’unique responsable. Pelbart de Temesvár, qui composa l’essen tiel de ses sermonnaires entre 1489 et 1495 environ, ne s’en prit pas seulement aux spoliations des biens ecclésiastiques commises par le roi et les grands. Il écrivait sans détour que les impôts du roi et des seigneurs affamaient les masses. Voilà qui écornait le mythe du “bon roi” Mathias, dit “le Juste”, une image que le Hunyade s’était lui-même efforcé de diffuser de son vivant. Pelbart se prononçait dans un autre passage contre l’avènement de Jean Corvin, ce fils naturel que Mathias souhaitait voir lui succéder après sa mort31. Plus généralement, les deux prédicateurs hongrois imputaient la crise que traversait le royaume depuis la fin du règne de Mathias Corvin au choix par le monarque de ministres indignes des charges qu’il leur avait confiées32.

Si Oswald de Laskó et Pelbart de Temesvár affichaient de telles opinions, fera-t-on observer, c’est qu’ils pouvaient se le permettre. La popularité de l’or dre empêchait le roi de s’en prendre à ses plus illustres représentants. Impossible pour lui d’ordonner l’arrestation des prédicateurs ou de faire brûler leurs œuvres sans soulever un tollé général, au sein de l’Église comme parmi la population. De leur côté, il faut en convenir, les prédicateurs observants firent preu ve d’une relative modération dans leur discours politique. A la différence de leurs remuants col-lègues italiens, ils n’osaient pas assimiler explicitement le roi à la figure du tyran, celle des quatre bêtes du songe de Daniel (livre 7) qui ressurgit dans l’Apocalypse en annonçant la fin des temps.

Même lorsqu’ils n’avaient pas coiffé la mitre, les observants jouaient un rôle actif dans l’évolution de l’Église, en particulier dans la nécessaire réforme du

30 …ad quantam ruinem devenerunt [Hungarici] ut saecularis potestas per violentiam vel per com-mendaticios domini papae occuparet. OL, Sanctis, sermo LV (sur saint Bonaventure). Voir aussi R. Horváth, Laskai Ozsvát, 70.

31 Gy. Székely, Efforts vers une réforme, 340-341.32 M.-M. de Cevins, Le stéréotype du bon laïc, 27. Source: OL, Dom., sermo XXXIX, para-

graphe T.

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clergé. Pendant longtemps les frères s’étaient exclusivement occupés de missions de conversion puis de pastorale laïque. Accaparés par leur propre réforme, ils n’avaient guère le loisir de s’impliquer dans celle du clergé séculier – qui n’était pas, de toutes façons, de leur ressort. Le séjour de Jacques de la Marche en Hon-grie bouleversa ces habitudes à partir des années 1430. Scandalisé par la propor-tion de clercs concubinaires parmi les curés magyars, il lança de violentes diatribes à leur encontre. Il qualifia explicitement leur comportement d’hérétique et y vit une contamination “schismatique”33. Établir un tel lien entre hérésie et nicolaïsme revenait en définitive à charger les observants de faire respecter la discipline ec-clésiastique, non plus seulement aux frères, mais aux clercs paroissiaux. On sait ce que lui valurent ces propos: des menaces de mort, l’expulsion du diocèse de Pécs et l’hostilité des prêtres locaux, jusqu’aux évêques – sans parler de celle des frères, qui gardèrent en définitive de Jacques de la Marche un amer souvenir. Cette expé-rience avortée finit malgré tout par porter ses fruits. Le pape chargea désormais les observants hongrois de promouvoir la réforme des mœurs du clergé paroissial. Le 3 juillet 1446, Eugène IV conférait officiellement au vicaire de Bosnie, Fabien de Bács, le pouvoir de condamner les clercs concubinaires ou suspectés de l’être, en tant qu’inquisiteur. Elément remarquable: l’initiative venait apparemment du vicaire, qui disait avoir constaté l’ampleur du fléau à l’est du royaume, en Transyl-vanie, puis dans le diocèse méridional de Csanád34. Les frères observants de Hon-grie se sentaient donc réellement investis d’une nouvelle mission, celle d’élargir la réforme aux clercs demeurés dans le siècle.

Les prérogatives reconnues à Fabien de Bács passèrent-elles à ses succes-seurs hongrois au moment de la création de la vicairie autonome de Hongrie? On ne repère aucune trace de procédure entamée par les dirigeants magyars à l’encon-tre de clercs séculiers après le milieu du XVe siècle. Peut-être en restèrent-ils à des déclarations de principe, sans aller jusqu’à poursuivre les coupables, quand bien même ils en auraient obtenu le pouvoir. Le thème de la crise du clergé revient à plusieurs reprises dans les sermonnaires d’Oswald de Laskó et de Pelbart de Te-mesvár. Le premier, en particulier, stigmatise la conduite scandaleuse de certains pasteurs35. N’y voyons pas la marque de l’antagonisme entre séculiers et régu-liers: dans d’autres sermons, les deux prédicateurs exhortent les fidèles à vouer un profond respect aux prêtres, même s’ils vivent dans le péché; car, écrivent-ils, l’onction sacerdotale leur a conféré une fois pour toutes une dignité supérieure

33 Gy. Galamb, Marchiai Jakab, 229-230.34 Karácsonyi I, 328.35 R. Horváth, Laskai Ozsvát, 59-61. Source: OL, Sanctis, sermo 112.

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à celle des fidèles36. Du reste, leur plume n’épargne pas les réguliers, dénonçant vigoureusement leurs faiblesses, en particulier la pratique des commendes qu’ils ont laissé se répandre dans le royaume.

Les propagandistes du pape

La réforme du clergé séculier n’était que l’une des multiples tâches assignées depuis peu par le pape aux observants hongrois. Il y en avait d’autres, qui dépas-saient cette fois le cadre national et n’avaient pas de rapport direct avec leur rôle traditionnel de combattants de Dieu contre le mal hérétique. En cette fin du XVe siècle, la papauté avait plus que jamais besoin de serviteurs prêts à se dévouer corps et âme pour défendre la primauté pontificale – qui comptait toujours plus de détracteurs depuis qu’elle avait pris la forme de lourdes ponctions pécuniai-res37. Encore timide dans les décennies précédentes, le rôle assigné aux observants hongrois se développa considérablement à partir de l’année jubilaire 1500. Il ne s’agissait plus seulement d’aider les clercs de paroisse et les membres des autres ordres mendiants à prêcher les bulles pontificales, comme en 1481. Cette fois, le pape Alexandre VI confia directement aux observants la tâche de publier l’indul-gence plénière qu’il venait de proclamer à Rome. Il s’adressa d’une part à son légat en Hongrie, Pierre, à qui il envoya une bulle en ce sens le 5 octobre 1500, mais aussi au vicaire général de la famille cismontaine, Louis de Torre, invité à s’acquit-ter de la même tâche extra Italiam, autrement dit en Europe centrale38. N’oublions pas qu’à cette date, la vicairie de Hongrie ne dépendait pas du vicaire cismontain. Connaissant la situation, le légat prit apparemment l’initiative de transférer aux membres de la province hongroise la diffusion de la bulle d’indulgence jubilaire. Chaque couvent – ou bien seulement quelques-uns? – reçut dès lors un exemplai-re authentifié de cette bulle; celui destiné au couvent d’Atyina nous est parvenu dans une transcription de 150139. Les observants polonais se verront associés au projet un peu plus tard, en 1507, puis de 1509 à 1517, en remplacement des conventuels40. Mais le cadre hongrois était particulier: comme le précise la bulle du 5 octobre, il s’agissait aussi de financer les prochaines campagnes militaires contre les Ottomans, à la demande expresse du roi de Hongrie. Il paraissait natu-

36 M.-M. de Cevins, Le stéréotype du bon laïc, 24-25. Sources: PT, Sanctis, sermo LV, para-graphe L; OL, Quadr., II, sermo XVIII: Temesvári Pelbart, éd. S. Kovács, 16.

37 J.-M. Mayeur et alii (dir.), Histoire du christianisme VII, 77-142.38 Szűcs, 230.39 MFL, Középkori oklevelek, n° 83. Voir aussi Karácsonyi I, 359-360 et Szűcs, 230.40 K. Kantak, Les données historiques, 453.

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rel d’associer les observants à l’entreprise depuis les exploits de Jean de Capestran dans ce domaine.

A quels résultats aboutirent les prédicateurs observants en 1501? On l’ignore. La croisade projetée resta lettre morte, on le sait, faute de fonds et de participants. Sans doute les frères avaient-ils malgré tout donné satisfaction en Hongrie: le pape leur renouvela sa confiance dans les années suivantes. L’année 1507 vit s’accomplir la même procédure qu’en 1500, à cette différence près que la documentation permet de l’appréhender cette fois d’un bout à l’autre (ou pres-que) de la chaîne institutionnelle. Jules II cherchait alors – faut-il le rappeler – à financer la reconstruction pharaonique de la basilique Saint-Pierre. C’est dans ce but qu’il prolongea les indulgences jubilaires. Il ordonna au vicaire cismontain Jérôme Tornielli, en tant que commissaire apostolique, de les diffuser dans les limites de sa vaste circonscription, qui comprenait maintenant la Hongrie. A la différence des autres pays concernés, précise la bulle du 4 novembre 1507, les deux tiers des sommes récoltées dans le bassin carpatique iraient au roi Wladis-las II, pour les besoins de la guerre contre les Turcs; à condition seulement de ne pas signer de trêve avec l’ennemi41. Le vicaire général s’adressa à son tour au vicaire de Hongrie – qui n’était autre qu’Oswald de Laskó – et lui attribua par délégation la tâche de publier et de faire appliquer la bulle de Jules II en Hon-grie. Le premier formulaire reproduit cette lettre dont l’original a visiblement disparu42. Il montre aussi comment l’ordre fut transmis à l’échelon inférieur, celui des custodes: le vicaire demanda à chacun des custodes de publier à son tour lesdites indulgences, sans omettre de citer la clause relative à la lutte contre les Ottomans43. Les gardiens en furent ensuite informés par écrit, même si les sources qui le montrent sont plus tardives. En conséquence de quoi les fonds récoltés grâce aux religieux soutinrent activement l’effort de guerre contre les Infidèles à partir de 1508.

Au lendemain de la bulle du 11 janvier 1510, qui portait à nouveau sur les travaux de Saint-Pierre de Rome, on réitéra la procédure. Le vicaire cismontain François de Zeno conféra à cette occasion au vicaire de Hongrie le titre de sous-délégué apostolique (apostolicus subdelegatus)44. Le custode d’Újlak reçut peu après une lettre du vicaire de Hongrie lui demandant de diffuser la bulle jubilaire super

41 Karácsonyi I, 367; Szűcs, 230.42 1er form., fol. 118-118v (pj n° 14).43 …per litteras sub forma brevis datas, quo ad dictam Hungarie provinciam suos commissarios con-

stituit, fructusque a christifidelibus exinde proveniendos in subsidium hujus regium converti anuit, si saltem serenissimus rex noster pacem non inierit cum Infidelibus… 1er form., fol. 119.

44 1er form., fol. 107v-108.

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extensione et executione graciarum jubilei pro fabrica basilice principis apostolorum de Urbe45. Sans doute s’adressa-t-il alors à tous les gardiens de sa circonscription, comme ce fut le cas à partir de 151246.

Au début du XVIe siècle, les observants hongrois se trouvaient donc investis de responsabilités nouvelles au sein de l’Église hongroise. En accédant aux charges suprêmes du royaume, ils se rapprochèrent du pouvoir royal. Dans le même temps, le pape avait fait d’eux ses relais privilégiés, en complément puis en remplacement des rouages traditionnels qu’étaient les différents représentants de la hiérarchie ec-clésiastique séculière, des évêques jusqu’aux curés de paroisse.

II. L’action pastorale: formes, contenu et résultats

Si les membres de l’observance hongroise occupaient une place de pre-mier plan dans l’Église nationale, c’est aussi parce qu’ils avaient réussi à étendre leur rayonnement spirituel bien au-delà des murs de leurs couvents. Au prix d’inlassables ef forts, ils se posèrent en acteurs principaux de la pastorale laïque et parvinrent par ce biais à imprégner le christianisme magyar de leur propre vision du salut.

Le cadre légal et son application

En Hongrie comme partout ailleurs dans la Chrétienté, l’installation des frères mendiants avait engendré de nombreux conflits avec les recteurs de pa-roisse47. Les dirigeants observants avaient obtenu très tôt du souverain pontife des privilèges leur reconnaissant de larges prérogatives en la matière. Ces fa-veurs tenaient au contexte: les frères avaient dû suppléer bien souvent à des structures ecclésiastiques défaillantes ou entachées d’hérésie48. Dès le début du XVe siècle, du temps de la vicairie de Bosnie, ils obtinrent le droit d’administrer tous les sacrements aux brebis qu’ils venaient de faire rentrer dans le bercail de l’orthodoxie; un droit confirmé et élargi successivement par Martin V en 1418, puis par Eugène IV, à la demande de Jacques de la Marche et en prolongement

45 1er form, fol. 91v-92. Voir aussi Szűcs, 231.46 Voir chapitre suivant.47 M.-M. de Cevins, Clercs de paroisse; Ead., A világi papság.48 Voir chapitre premier.

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des mesures accordées par les successeurs de saint Pierre depuis Jean XXII49. A compter des années 1430, les observants de Bosnie pouvaient également bénir des vêtements ecclésiastiques, consacrer des cimetières et absoudre les cas réser-vés à l’évêque dans les localités situées à plus de deux jours de voyage du siège épiscopal50. Eugène IV renouvela ces dispositions par la bulle du 3 juillet 1446, en détaillant exactement ce qu’elles recouvraient: baptême, confirmation, Eucha-ristie, et “autres sacrements ecclésiastiques”, ainsi que le droit de confesser et de faire communier des malades dans les couvents observants51.

La vicairie de Hongrie ayant hérité à sa naissance de ces privilèges, ses mem-bres pouvaient occuper librement le terrain de la pastorale. Notons qu’à la diffé-rence des autres ordres mendiants, les observants hongrois n’étaient même pas tenus de verser aux curés la quarte funéraire, c’est-à-dire le quart des offrandes versées par la famille des défunts à l’occasion de leur enterrement dans l’église ou le cimetière du couvent. Les délégués de la province hongroise profitèrent de leur séjour à Naples en 1512, où ils venaient assister au chapitre cismontain, pour faire transcrire et authentifier la bulle qui les en dispensait expressément52.

Ils devaient compter malgré tout avec la résistance des prêtres de parois-se, que lésaient inévitablement leurs activités. Le soutien de l’archevêque-primat Thomas Bakócz leur fut d’un précieux secours. En 1508, il ordonnait aux curés d’Esztergom de ne pas empêcher les observants de la ville de venir quêter dans leur circonscription; il leur demandait même de leur apporter leur concours53. Un prochain chapitre montrera comment, après 1514, il ruina les audacieuses tenta-tives des curés qui cherchaient à rogner les prérogatives des frères en exploitant leurs récents déboires54.

Les nouvelles armes de la pédagogie religieuse: langue et liturgie

En parallèle, les observants affinèrent leurs méthodes. Comme les domini-cains et les franciscains conventuels, ils développèrent l’usage de la langue verna-culaire. Sermons et confessions se déroulaient dans l’idiome maternel des fi dèles.

49 Galamb, 174.50 MFL, fds I, ms XXIII, XXXVIII; AcBos, n° 712 756 761; BF ns, t. I, n° 249 344; AF,

t. X, 213, n° 13.51 MFL, fds I, ms XLI; CsML, bullaire de Szeged, 41-43; AcBos, n° 760; BF ns, t. I,

n° 343.52 Karácsonyi I, 369.53 Karácsonyi II, 44.54 Voir chapitre 9.

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Lorsqu’ils appartenaient à des ethnies différentes, on s’efforçait de mettre à leur disposition un prédicateur et un confesseur qui les comprennent. Peu après la fondation du couvent de Nagybánya, érigé en 1437 dans une ville peuplée en majorité d’Allemands, comme sa voisine Felsőbánya, les frères qui l’habitaient recrutèrent un prédicateur germanophone; il apparaît pour la première fois dans les sources en 146055. A Csíksomlyó, en terre sicule, un prédicateur “des Sicu-les” avait la charge d’instruire dans la foi la communauté sicule, au parler et aux coutumes spécifiques56. L’inventaire de 1535 montre qu’il y avait au couvent de Kolozsvár un prédicateur “saxon” (c’est-à-dire parlant allemand) et trois pré-dicateurs hungarophones57. A Szeged, où les réfugiés originaires des Balkans étaient nombreux, un confesseur se chargeait des Hongrois pendant qu’un se-cond confessait les Slaves58.

Dans quelle mesure les observants développèrent-ils l’usage de la langue vul-gaire dans la liturgie? Un extrait du récit de voyage du français Bertrandon de la Broquière, de passage à Szeged (Segading) en 1433, semble accréditer l’hy po thèse selon laquelle, dès le début du XVe siècle sinon plus tôt, les fils de saint François traduisaient à l’intention des laïcs certains passages du canon de la messe: “Il y a une assès belle eglise de Cordeliers. Je ouys le service qu’ilz font ung peu sur le hongre”59. Mais l’épisode se situe plus de quarante ans avant l’instal lation des observants dans la ville et l’on ne dispose pas de témoignages comparables pour les décennies suivantes. Une autre question demeure sans réponse à ce jour: celle de savoir si, pour associer les fidèles à l’accomplis sement de la liturgie, les ob-servants hongrois se lancèrent, comme leurs confrères polonais – tel Ladislas de Gielniów et ses acolytes60 –, dans la composition de chants religieux en langue magyare qui passèrent ensuite dans le fonds populaire local. Selon un document aujourd’hui perdu, André de Vásárhely († 1533) aurait écrit un chant en hongrois intitulé Angyaloknak nagyságos asszonya (Grande Reine des Anges)61. Peut-être les frè-res réformés de Hongrie se bornèrent-ils pour le reste à diffuser les prières et les chants religieux en rapport avec les derniers cultes en vogue, notamment avec les formes récentes de la dévotion mariale (Stabat Mater, Salve Regina). Il est possible

55 Karácsonyi II, 121-122.56 Karácsonyi II, 28.57 Karácsonyi II, 102.58 Karácsonyi II, 162.59 Bertrandon de La Broquière, Voyage d’Outremer et retour de Jérusalem en France par la voie de

terre, pendant le cours des années 1432 et 1433, éd. Ch. Schefer, Paris 1892, 233.60 K. Kantak, Les données historiques, 447 450-451.61 Karácsonyi I, 390; mais la page de la C[h]ronica à laquelle il se réfère (p. 297-298) n’évo-

que aucunement ce fait.

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– mais nullement prouvé – qu’ils aient joué un rôle dans la traduction de la Bible en hongrois. La fameuse “Bible hussite”, manuscrit datant du début du XVe siècle (vers 1416?) et considéré d’or di naire comme hérétique, sortirait en réalité d’un scriptorium franciscain62. Les in dices manquent toutefois pour l’assurer, sans parler de savoir si le texte a une origine observante ou conventuelle.

En matière de liturgie, les observants hongrois n’introduisirent guère de changement majeur. Les Constitutions de 1499 prescrivent aux religieux de se mettre à genoux au moment de la consécration et du “Verbum caro factum est”, ainsi que, dans le Credo, lorsqu’ils entendent “Homo factus est”, ou encore, dans l’Évangile, “et procidentes adoraverunt eum”. Ils devaient également baisser la tête chaque fois qu’était prononcé le nom de Jésus63. Sur tout autre point, ils se conformaient (comme le stipulent les statuts) aux règles habituelles64. En 1515, le chapitre de Buda y ajouta l’obligation de s’agenouiller à ces mots: “Ecce ancilla Domini” (dans l’Évangile) et “in nomine Jesu” (dans les Actes des Apôtres) et de porter leur étole autour du cou lorsqu’ils communiaient65. La tendance était donc à l’accroissement des attitudes marquant visuellement le respect pour les mystè-res divins. Mais que demandaient les religieux aux fidèles qui assistaient à leurs messes? Essentiellement d’avoir une attitude réceptive pendant toute la durée des célébrations. Oswald de Laskó et Pelbart de Temesvár insistent sur le fait que la présence physique ne suffit pas. Il faut être attentif aux paroles et aux gestes du célébrant, recommandent-ils, d’un bout à l’autre de la messe, sans laisser son esprit divaguer ni même prier intérieurement66.

Les formes récentes de la prédication observante

Jean de Capestran, lui, prêchait toujours en latin; il disposait certes de tra-ducteurs, des franciscains observants recrutés sur place. Cela ne décourageait pas

62 La question a fait couler beaucoup d’encre. Voir en priorité Fl. Szabó, Huszita-e et A huszita biblia és állítólagos patarén elemei, Irodalomtörténeti Közlemények 1966, 146-153; A. Tarnai, A magyar nyelvet. Ils prennent le contre-pied de T. Kardos, A Huszita Biblia keletkezése, Buda pest 1953. L’hypothèse d’une filiation franciscaine demeure fragile: la chronique observante parle d’un texte issu du milieu hérétique (duo clerici haeresim predictam seminantes utriusque testa menti scripta in Hungaricum idioma transtulerunt, dans C[h]ronica, 240) et aucune source issue de l’ordre des mineurs ne reconnaît l’existence de cette traduction.

63 Et ubicunque dicitur mellifluum nomen Jesus, revereantur, fratres devota capitis inclinatione…. LERH III, 621.

64 LERH III, 621.65 LERH III, 669.66 M.-M. de Cevins, La religion des laïcs, 154-155.

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les foules de l’écouter, par tous temps, souvent pendant quatre ou cinq heures d’affilée et debout, raconte un témoin oculaire, Nicolas de Fara67. Les prédicateurs hongrois, s’ils n’avaient pas son charisme, brillaient néanmoins par leur talent oratoire. Tel était le cas bien sûr d’Oswald de Laskó et de Pelbart de Temesvár, dont on sait qu’ils prononcèrent réellement devant des laïcs certains des sermons qu’ils consignèrent par la suite sous forme condensée dans leurs sermonnaires. Le premier l’atteste formellement dans le prologue de son Quadragesimale68. Les sources franciscaines ont également retenu les noms de Michel de Szentmiklós, docteur en théologie, qui avait précédé Pelbart de Temesvár à la chaire du couvent d’Esztergom au début des années 148069, et d’Étienne de Sopronca, qui paraît lui aussi avoir excellé dans l’art de la parole. D’après la chronique observante, c’est lui qui, après avoir été élu à trois reprises vicaire de Hongrie (entre 1491 et 1497) puis custode d’Újlak, aurait déclaré vers 1500 qu’il n’obéirait ni au roi ni à la diète et qu’il était prêt à prendre la route de l’exil si on lui imposait la fusion avec les conventuels. Des déclarations qui semblent avoir produit leur effet, puisque les détracteurs des observants firent machine arrière70. Les textes mentionnent enfin un autre prédicateur réputé vers 1510, Georges de Szeged, dont on ne sait rien par ailleurs71.

Les techniques de prédication qu’employaient les observants hongrois se conformaient aux lois du genre. La composition des sermons obéissait aux mê-mes règles que partout ailleurs dans la Chrétienté depuis le XIIIe siècle. Rappelons qu’elle s’apparentait à un savant exercice de compilation, qui consistait à résu-mer en quelques phrases la position de deux ou trois auteurs faisant autorité et à agencer des “blocs” de manière logique, terminés par une prière d’imploration. Oswald de Laskó et Pelbart de Temesvár, pas plus que leurs prédécesseurs de la branche réformée de l’ordre, ne s’écartèrent pas de ce modèle. Ils ne semblent pas avoir eu recours à des procédés aussi théâtraux que les grandes figures de l’ob-servance italienne, qui cherchaient à émouvoir et à frapper l’imagination, plutôt qu’à convaincre les intellects par une argumentation brillante et irréfutable. Des démonstrations de cris et de pleurs accompagnaient les sermons que prononça Jacques de la Marche à Buda en 1439; à intervalles répétés, il brandissait le crucifix qu’il tenait à la main pour appuyer son discours. Loin d’emporter sa conviction,

67 Andrić, 48.68 Analyse dans: R. Horváth, Laskai Ozsvát, 42.69 K. Timár, Ferencrendi hitszónokok, 261. Source: C[h]ronica, 25070 Voir chapitre 4.71 K. Timár, Ferencrendi hitszónokok, 262.

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ces pratiques déroutèrent le public hongrois72. Elles ne firent guère école auprès des observants de Hongrie, qui leur préféraient davantage de retenue. C’est du moins ce que laisse penser le fait que, lorsqu’ils expliquent aux clercs qui utili-seront leurs sermonnaires comment ils doivent s’y prendre, Oswald de Laskó et Pelbart de Temesvár ne leur recommandent à aucun moment d’adopter une gestuelle spectaculaire73.

Se souciaient-ils d’ajuster le contenu des sermons au profit de leur auditoi-re? Alors que les observants italiens (comme Chérubin de Spolète) remettaient à l’hon neur le genre oublié du sermo ad status74, tandis que d’autres (en Bretagne par exemple) distinguaient les sermons adressés à l’élite, prônant l’intériorisation de la foi, de ceux qu’ils prononçaient devant les foules, truffés d’images poignantes et de promesses de salut75, les frères hongrois ne s’embarrassaient pas de telles nuan-ces. Ou, plus exactement, ils semblent s’être davantage préoccupés de la masse des croyants que de la poignée d’âmes éprises de haute spiritualité. On en jugera par les conseils que formulent les deux célèbres prédicateurs aux prêtres chargés de prêcher devant les fidèles. L’important, c’est de se mettre à la portée du simplex populus, en particulier des humbles paysans (praesertim villanae seu rusticanae). Pour cela, écrivent-ils en substance, laissez de côté les points du dogme trop comple-xes, les détails d’érudition ou les argumentaires savants pour vous concentrer sur le plus important. Plutôt que les artifices de l’éloquence, utilisez abondamment images, paraboles et métaphores et employez un vocabulaire facilement compré-hensible du public, voire familier (mais non vulgaire)76. Sobriété, simplicité, insis-tance sur l’essentiel, recours aux exempla plutôt qu’aux subtils syllogismes: voilà qui rappelle fortement le modèle bonaventurien et se rapproche de l’ ”idiotisme” que défendaient les observants romains de la première moitié du XVIe siècle (au sens où saint François se voulait simplex et idiota comme Jésus Crucifié), à l’opposé de l’asianisme des conventuels77. En France également, les prédicateurs des ordres réformés s’en tenaient volontiers à ces principes78.

Les observants de Hongrie furent certainement les premiers à appliquer les directives homilétiques de Pelbart et d’Oswald. Même s’ils ne leur étaient pas

72 Gy. Galamb, Marchiai Jakab, 244.73 Voir le préambule des recueils de sermons des deux prédicateurs.74 R. Rusconi, Dal pulpito alla confessione, 278-279.75 H. Martin, Les ordres mendiants en Bretagne, 373-378.76 M.-M. de Cevins, Le stéréotype du bon laïc, 20. Sources: PT, Sanctis, Prologus et II, sermo

LXXVIII, paragraphe E; PT, Quadr., I, sermo XXXIX; OL, Quadr., Prologus; OL, Temp., Prologus.

77 Ch. Mouchel, Rome franciscaine, passim.78 J.-M. Le Gall, Les moines, 175-176.

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destinés à l’origine, leurs sermonnaires, une fois imprimés, entrèrent parmi les ouvrages de référence conservés et utilisés dans les couvents de la province hon-groise. Ils constituaient jusqu’à une date récente l’un des socles traditionnels du fonds des bibliothèques franciscaines. Un dirigeant observant recommande dans les années 1510 à son interlocuteur de se reporter à un sermon précis du Pomerium de Pelbart de Temesvár79. Les incunables conservés fourmillent d’an notations an-ciennes écrites de la main de frères; tel est le cas par exemple de l’édition de 1498 des Sermones dominicales d’Oswald de Laskó longtemps con servée à la bibliothèque franciscaine de Budapest. Or, ces recueils sont l’il lustration parfaite des principes qu’ils énoncent. Dès le titre de son Biga salutis, Oswald utilise une métaphore vi-suelle qu’il explicite ainsi dans le prologue, sur un rythme binaire: de même que la charrette a deux roues, ce recueil s’articule autour des dimanches d’une part, et des fêtes, d’autre part; il se rapporte à l’amour de Dieu pour les hommes, et à celui que les hommes portent envers Dieu; il illustre la double nature du Christ, divine et humaine; et le tout, comme la charrette, nous conduit vers la félicité éternelle, elle-même constituée de la majesté divine du Christ et de la contemplation de son humanité glorieuse80. Quand on les lit intégralement, les sermons d’Oswald de Laskó et de Pelbart de Temesvár portant sur tel dimanche ou tel saint fêté peuvent sembler très détaillés; mais n’oublions pas que leurs utilisateurs n’en gardaient qu’une partie, piochant ce qui leur paraissait le mieux convenir à leur propos. La valeur pédagogique de ces recueils est néanmoins inégale: Pelbart de Temesvár se situe sur un registre plus accessible qu’Oswald de Laskó, qui évolue souvent dans l’abstraction81.

Les recommandations des chefs de la province aux prédicateurs fraîchement nommés insistaient elles aussi sur le fond, plus que sur la forme. Aller à l’essentiel, telle était à leurs yeux la priorité. En vue du chapitre provincial prévu à Buda pour 1515, ils demandèrent à celui qui prononcerait les sermons ad clerum de faire court (caulum et succinctum, ut possis)82. Le vicaire de Hongrie donna à l’un des prédicateurs envoyé dans une ville royale (non nommée) par les pères du même chapitre ces instructions pour le moins laconiques: ut deus exinde glorificetur, populus christianus in via morum dirigatur83.

79 1er form., fol. 1v.: ...vide in Pomerio sermone XLV vel dominica XV post Penthecostem, in parte estivali.

80 R. Horváth, Laskai Ozsvát, 29.81 T. Vida, Temesvári Pelbárt, 674-676.82 1er form., fol. 107.83 1er form., fol. 107v (pj n° 25).

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Le principal progrès que l’on enregistre à cette période en matière de pré-dication réside précisément dans la mise à disposition des nouveaux instruments de travail qu’étaient les recueils de sermons issus de l’observance franciscaine. L’usage de sermonnaires n’était pas inconnu des observants hongrois; mais il prit manifestement une autre échelle à partir du tournant des XVe et XVIe siècles. Rap-pelons qu’en Italie aussi, les sermonnaires observants fleurissaient à cette période (ceux de Michele Carcano, de Bernardino Busti da Milano, pour s’en tenir aux plus connus)84. Plus volumineux que les précédents, les recueils d’Oswald de Laskó et de Pelbart de Temesvár permettaient de pallier le danger de la répétition des mêmes sermons d’une année sur l’autre. Ainsi le Biga salutis comprend-il presque toujours deux sermons pour chaque dimanche et fête, et souvent trois pour les jours du Carême85. Surtout, ils étaient bien plus commodes à utiliser, ainsi que les travaux d’Ildikó Bárczi viennent de le mettre en évidence. Les tables alphabéti-ques (tabulae), agencées de manière beaucoup plus rationnelle que celles de Pierre Lombard ou de Thomas d’Aquin dont elles s’inspirent, permettent en quelques heures d’élaborer des sermons à la fois informés – à une époque où il n’y a point de bon sermon sans citation ou référence à une autorité – et relativement origi-naux. Et ceci sans l’aide d’aucun autre outil. Les mots-clefs (claves) énumérés dans ces tables distinguent les grands événements de l’histoire du salut des sacrements et autres articles de foi, des biens spirituels, des actes susceptibles d’être jugés, des péchés et des symboles. Il suffisait de combiner tel mot-clef avec tel autre, en variant la formule selon les circonstances ou l’inspiration du moment pour construire un sermon de qualité et différent de celui prononcé le matin même ou l’année précédente86.

L’imprimerie donna aux sermonnaires observants une portée considérable. Précisons que l’idée ne vint sans doute pas de leurs auteurs, mais d’un marchand allemand, bientôt suivi d’autres entrepreneurs. En séjour à Buda pour affaires, Jean Riman découvrit presque par hasard les premiers sermonnaires d’Oswald de Laskó et de Pelbart de Temesvár. Il emporta alors les manuscrits avec lui pour les confier à l’un de ces nombreux ateliers rhénans qui dominaient le secteur de l’im-primerie à l’époque,… non sans en tirer de substantiels bénéfices87. Publiés dans la cité alsacienne de Haguenau à partir de 1497 (pour le premier recueil d’Oswald de Laskó) et 1498 (pour Pelbart de Temesvár), ils firent l’objet de multiples édi-tions successives, souvent à quelques années d’intervalles seulement, pendant

84 R. Rusconi, Dal pulpito alla confessione, 267-269.85 R. Horváth, Laskai Ozsvát, 31.86 I. Bárczi, Ars compilandi… et Ars compilandi, 102-103 105 110.87 Karácsonyi I, 360.

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toute la première moitié du XVIe siècle. On connaît cinq éditions antérieures à 1516 des Sermons du Dimanche d’Oswald de Laskó, quatre de ses Sermones de Sanctis, et trois pour le Quadragesimale88. Par ce biais, les deux franciscains réformés eurent un immense impact sur la prédication en Hongrie, qui dépasse largement le cadre de l’ordre, leurs ouvrages étant avant tout destinés aux clercs séculiers.

Ils touchaient aussi, indirectement mais à une échelle jamais atteinte par leurs prédécesseurs, la masse des chrétiens du royaume – et même d’autres ré-gions de la Chrétienté, puisqu’ils se diffusèrent rapidement en Allemagne et dans toute l’Europe centrale. Toutefois, leur influence ne put réellement s’exercer qu’après le début des années 1510, lorsque les prêtres paroissiaux furent de plus en plus nombreux – dans quelles proportions exactement? – à acquérir ces re-cueils. Ajoutons qu’elle ne fut jamais exclusive, les outils traditionnels (le fameux Manipulus curatorum, l’Histoire ecclésiastique de Pierre le Mangeur, la Légende dorée ainsi que différents sermonnaires) continuant d’être utilisés au début du siècle de Luther89.

Contenu moral

La confession occupe une place timide dans les textes provenants de l’ob-servance franciscaine hongroise. Le nombre de confesseurs exerçant dans les éta-blissements de la province salvatorienne, presque aussi élevé que celui des pré-dicateurs d’après l’inventaire de 1535, laisse toutefois penser que les observants hongrois la considéraient comme une part essentielle du ministère pastoral. On connaît ses liens étroits avec la prédication. Oswald de Laskó et Pelbart de Te-mesvár recommandaient à leurs ouailles de se confesser avant de communier, en conformité avec la législation synodale hongroise, donc une fois l’an au minimum, à Pâques90. Les observants hongrois donnèrent-ils un nouvel élan à la littérature pénitentielle, en rédigeant des examens de conscience particulièrement détaillés à l’intention des fidèles, dans leur langue maternelle, comme le faisaient leurs col-lègues italiens91 ou polonais92 depuis la fin du XVe siècle? Il semble que non. Du moins n’en a-t-on retrouvé aucun. La casuistique se trouvait cependant au cœur de la formation des prêtres de l’ordre, nous l’avons constaté.

88 R. Horváth, Laskai Ozsvát, 29 33 41.89 M.-M. de Cevins, La formation du clergé paroissial, 72-75.90 M.-M. de Cevins, Le stéréotype du bon laïc, 157. Sources: PT, Sanctis I, sermo LXIV, para-

graphe F; PT, Temp., sermo LVII, paragraphe K.91 R. Rusconi, Dal pulpito alla confessione, en particulier p. 262.92 J. Wiesiołowski, Problemy społeczne.

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Les auteurs de l’observance hongroise ne laissèrent derrière eux, outre les sermonnaires, que des traités et dictionnaires de théologie: le Gemma fidei d’Oswald de Laskó, le Stellarium de Pelbart de Temesvár, ou encore le monumental Aureum Rosarium commencé par le second et achevé par le premier. Entièrement rédigés en latin, ils s’adressent à un public averti, donc clérical. On n’a pas l’équivalent des histoires du Christ et de la Vierge que rédigeaient les bernardins polonais, en faisant appel, comme dans les examens de conscience rimés, à des procédés mné-motechniques vocaux facilitant leur mémorisation par les fidèles93. Comme pour les examens de conscience, ces manques tiennent peut-être au relatif illettrisme de la population qui les entourait: à l’exception des bourgeois des villes et du milieu clérical, rares étaient les habitants du royaume magyar qui auraient pu avoir accès à ces écrits et en enrichir d’autant leur vie spirituelle.

Quelle via salutis les prédicateurs observants proposaient-ils aux laïcs? Ré-pondant à leur manière aux grandes questions que se posaient les contempo-rains, ils s’efforcèrent de trouver un moyen terme entre le déterminisme des prédécesseurs de Luther et l’archaïsme d’une religiosité empreinte de ritua-lisme et dominée par les bona opera. Pour eux, la prédestination n’est que la pré-science de Dieu; l’homme peut participer à son salut par les œuvres, la grâce restant néanmoins indispensable pour accéder à la vie éternelle. Ils déve-loppent aussi une morale de l’intention: un acte, même méritoire, n’a de réelle valeur que s’il est motivé par l’intention de faire le bien et de plaire à Dieu94. A cette occasion, tandis que leurs confrères publiaient régulièrement des indul-gences pontificales, ils mettaient en garde les chrétiens contre la croyance erro-née selon laquelle les indulgences raccourcissaient automatiquement le temps passé au Purgatoire95.

Dans l’ensemble, comme nombre de prédicateurs observants96, les frères hongrois insistaient davantage sur la morale, l’éthique et la pratique des vertus que sur la doctrine. Ils estimaient de toutes façons (à l’instar de leurs homologues polonais97) que les fidèles devaient connaître les dogmes fondamentaux, rien de plus. Inutile d’accumuler des connaissances théologiques superflues, l’important étant de se familiariser avec les bases de la foi. Pour cela, il leur suffisait de savoir

93 J. Wiesiołowski, Problemy społeczne.94 Je n’insiste pas davantage ici sur ces points que j’ai eu l’occasion d’exposer dans La

religion des laïcs, 149-152.95 M.-M. de Cevins, La religion des laïcs, 164.96 A Vauchez, conclusion de Predicazione francescana, 250-251.97 J. Wiesiołowski, Problemy społeczne.

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par cœur et de comprendre les trois prières fondamentales (Pater, Ave et Credo), ainsi que les dix commandements98. Tout le reste n’était que littérature.

La pratique religieuse retint davantage leur attention. Ils énonçaient sans grande originalité aux laïcs les obligations élémentaires dont ils devaient s’acquit-ter: sanctifier les dimanches et les fêtes liturgiques, communier une fois l’an en s’y préparant par la confession et… payer la dîme99. Ils ne s’attardaient guère sur l’oraison en privé, en dehors des prières imposées par la législation synodale (Pater, Ave et Credo)100. Aucune place n’est laissée dans leur discours aux expériences mys-tiques. Jean de Capestran, qui vécut les derniers mois de son existence traversé de visions, d’hallucinations et de rêves hermétiques, n’y est jamais cité en exemple sur ce plan101. Les prédicateurs hongrois rappelaient également aux laïcs les devoirs qu’impliquait le mariage chrétien et l’état d’esprit dans lequel ils devaient exercer leur métier102. Quant aux pratiques surérogatoires, elles restaient au second plan. Pelbart de Temesvár et Oswald de Laskó n’incitaient pas particulièrement leurs ouailles à entrer dans les confréries de dévotion, même dans celles qui s’illus-traient par leur dévouement caritatif.

Depuis Bernardin de Sienne, et plus encore à partir des années 1470, les pré-dicateurs de l’observance italienne (avec Roberto Caracciolo da Lecce) développaient largement dans leurs sermons une thématique apocalyptico-péniten tiel le103. On en repère aussi les traces en Allemagne, à l’intérieur comme à l’exté rieur du mou-vement. Cette dimension affleure en des termes plus feutrés chez nos deux prédi-cateurs. Il est effectivement question dans leurs œuvres de pénitence, dans la me-sure où l’homme doit racheter son péché. Mais elle peut s’ac complir de plusieurs manières, parmi lesquelles l’aumône est présentée comme la meilleure. Alors que les châtiments corporels sont inutiles, surtout s’ils ne sont pas accompagnés de la volonté d’apaiser la colère divine; mal dosés, ils peuvent même conduire à la folie104. Les prédicateurs hongrois s’insur geaient ainsi contre les processions de flagellants, qui s’étaient ranimées dans les grandes villes européennes à l’appel de quelques illuminés. Chez les frères eux-mêmes, nous le savons, la mortification physique était une sanction et non un moyen de sanctification. On ne s’étonnera

98 M.-M. de Cevins, La religion des laïcs, 152.99 M.-M. de Cevins, La religion des laïcs, 153-157 159. 100 M.-M. de Cevins, La religion des laïcs, 159-160.101 Andrić, 26.102 M.-M. de Cevins, Le stéréotype du bon laïc, 30-36.103 R. Rusconi, La predicazione minoritica, 164-165. 104 M.-M. de Cevins, La religion des laïcs, 160-161 165-166.

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donc pas ce que les prédicateurs de l’ordre aient préconisé aux laïcs prudence et modération dans ce domaine.

Les dévotions encouragées

L’homme a besoin de modèles et d’intercesseurs pour progresser sur la voie du salut, reconnaissaient les prédicateurs observants. A ce titre, le Christ devait occuper la première place dans son cœur. Rappelons le rôle que jouèrent Bernar-din de Sienne puis Jean de Capestran dans la promotion du culte du nom de Jésus. Longtemps contesté car suspecté d’hérésie (par les dominicains en particulier), il n’entra dans la liturgie officielle qu’en 1530. Jean de Capestran l’introduisit très certainement en Hongrie trois quarts de siècle plus tôt. Tagliacozzo raconte com-ment, très souvent, il faisait pleurer au nom de Jésus les troupes de Croisés qui le suivaient105. On a vu plus haut quelles conséquences eut la diffusion de cette croyance sur la liturgie des frères de la province de Hongrie, tenus de s’incliner dès qu’ils entendaient le nom de Jésus pendant les célébrations. Peu après, elle prit racine en Pologne et en Bohème, par l’entremise des franciscains observants. Le bienheureux Simon de Lipnica terminait habituellement ses sermons en faisant acclamer trois fois le nom de Jésus… ce qui lui valut les accusations d’hérésie des chanoines de Cracovie106. Les frères tchèques réformés vénéraient le nom de Jé-sus dès les années 1460, au grand scandale des prêcheurs107. Cette dévotion tarda cependant à gagner l’en semble de la population hongroise. Tout se passe comme si les religieux n’avaient pas osé la placer trop vite entre les mains des laïcs. Les statuts de 1499 en parlent à propos de la liturgie, mais les sermonnaires des deux prédicateurs, destinés à la foule des croyants, ne l’évoquent que de façon détour-née. C’est bien plus tard, au moment de la Contre Réforme, que le culte du nom de Jésus imprégna la religiosité populaire.

La vénération due à la Passion du Christ, elle, faisait l’unanimité depuis long-temps; il est vrai qu’elle n’était pas l’apanage des observants108. Ceux-ci l’ont du moins fortement encouragée. Souvenons-nous de Jacques de la Marche et de son crucifix. Une décennie plus tard, en 1448, les instruments de la Passion figu-raient sur les armes de la vicairie autonome de Hongrie; ils aboutiront à l’appella-

105 Andrić, 26. Source: AM, t. 12, 407-408.106 Édition: AFH, t. 4 (1911), 320, que reprend F. de Sessevalle, dans Histoire géné ra-

le II, 189.107 P. Hlavaćek, Die böhmischen Franziskaner.108 Pour la Hongrie, voir M.-M. de Cevins, L’Église dans les villes hongroises, 231-232.

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CHAPITRE 6252

tion officielle de “province salvatorienne” en 1523109. Le couvent de Nagybánya portait le vocable du Saint Sauveur. Rien n’indique que les observants hongrois aient diffusé les premiers chemins de Croix dans le bassin des Carpates (comme ils l’avaient fait dans certaines villes allemandes, puis près de Milan ou encore à Romans110). Mais les scènes de crucifixion occupaient une large place dans leurs églises. Une immense sculpture couvrant le mur occidental de l’église observante de Csíksomlyó, réalisée en 1448, représentait le Christ en Croix, avec à ses côtés la Vierge Marie, saint Jean et saint François d’Assise111. Les sermonnaires d’Oswald de Laskó et de Pelbart de Temesvár évoquent à de nombreuses reprises les épiso-des de la Passion, à partir de sujets très différents. Ils parlent du visage du Christ souffrant, de la Vierge des Douleurs (en particulier chez Oswald de Laskó)112 ou interprètent les objets liturgiques employés pendant la messe comme les instru-ments de la Passion (l’aube rappelle le dernier vêtement du Christ, l’étole le pilier où il fut flagellé, etc.)113. Les prédicateurs faisaient-ils pour autant de la Passion leur thème favori lorsqu’ils s’adressaient aux foules (comme le polonais Ladislas de Gielniów114)? Toujours est-il qu’elle apparaît souvent dans les exhortations des dirigeants. Ils comparaient volontiers les trois vœux aux trois clous plantés dans les mains et les pieds du Christ au moment de la mise en croix115. S’ils vénéraient tant les stigmates de saint François, c’est parce qu’ils y voyaient le renouvellement des souffrances du Christ par le fondateur de l’ordre, ce qui lui conférait une dimension exceptionnelle dans l’histoire du salut116.

Les observants contribuèrent par ailleurs au succès de la dévotion eucha-ristique en Hongrie. En effet, avant l’arrivée de Jean de Capestran, fervent ado-rateur du Saint Sang, elle était encore peu répandue en pays magyar – sauf dans certaines villes où l’action conjuguée de colons venus de Rhéhanie et de Wallo-

109 Karácsonyi I, 378; Kollányi, 10-11; Statuta provincialia, éd. M. Bihl, 150 et L’édition du Speculum Vitae, 140; C[h]ronica, 296.

110 L. Viallet, Autour du Calvaire, 83-84; P. Paravy, De la Chrétienté Romaine, 729-735.111 Karácsonyi II, 26.112 R. Horváth, Laskai Ozsvát, 67-70.113 L. Pásztor, A magyarság vallásos, 68-69.114 F. de Sessevalle, Histoire générale I, 365, d’après AFH 4 (1911) 336.115 1er form., (entre autres) fol. 212 (1523-1525).116 Blaise de Dézs écrivait en 1514 en préambule de l’une de ses exhortations: per imprecia-

bilem precium effusi sanguinis salvatoris pro nobis, ac per ipsius sacra stigmata sacro corpori seraphici patris nostri tam mirabiliter quam luculenter impressa. 1er form., fol. 186v. Peu après, un dirigeant déclarait: Domini nostri Jehsus Cristi charitatis, quam sibi copulavit pro nobis crucifigi, cujus gloriosa wulnera in (...) pa-tre nostre Francisco renovata mirabiliter effulserunt,… 1er form., fol. 192v. On retrouve cette idée dans d’autres exhortations vicariales écrites entre 1515 et 1518. 1er form., fol. 201, 205 (pj n° 5).

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nie, des évêques hongrois et des frères mendiants l’avaient inscrite dans la piété des habitants 117. Certains clercs d’Occident émettaient de sérieux doutes – en dehors des milieux hussites – sur les pouvoirs miraculeux des reliques eucharisti-ques (en particulier celle de Wilsnack, la plus célèbre) à la fin du XVe siècle. Pelbart de Temesvár et Oswald de Laskó, eux, continuaient d’y croire. Si les miracles sont moins nombreux aujourd’hui qu’autrefois, écrivent-ils, c’est parce qu’ils n’ont plus de raison d’être depuis le recul du paganisme et de l’hérésie en Europe118. C’est par hasard, semble-t-il, qu’aucun couvent observant n’a abrité l’une de ces reliques eucharistiques hongroises qui (à Báta, à Kassa, à Szeged, etc.) attiraient des foules entières venues de tout le royaume. Un document sur la consécration de l’église observante de Szakolca daté de 1484 (transcrit vers 1640) rapporte que l’un de ses autels était consacré au Saint Sacrement119. Il y en avait sans doute bien d’autres ailleurs. L’implantation rurale ou semi-rurale des établissements observants les prédisposait à propager cette dévotion jusque dans les campagnes les plus recu-lées et les régions marginales du royaume. Même s’ils ne furent pas les seuls à la promouvoir dans les dernières décennies du Moyen Âge – le haut clergé et les confréries du Saint-Sacrement s’en chargeaient aussi –, ils touchèrent probable-ment des catégories de population qui l’avaient ignorée jusque là.

Les franciscains observants se firent, comme les conventuels et les domi-nicains, les hérauts enthousiastes du culte marial. Lorsqu’ils s’adres sent à leurs subordonnés, les dirigeants de la province magyare présentent Marie comme le meilleur intercesseur auprès de Dieu. Un responsable conseille par exemple à un novice de la prier instamment120. Pelbart de Temesvár lui a consacré l’une de ses œuvres les plus émouvantes et les plus personnelles, le Stellarium coronae glo-riosissimae virginis mariae splendissimum, publié en 1498 à Haguenau. Elle ne tarda pas à enrichir le fonds des bibliothèques des couvents, d’après l’exem plaire re trouvé à Szeged121. La vénération des observants pour la Vierge Marie se lit aussi dans le vocable de leurs églises: l’énorme majorité porte le nom de Marie. Celle-ci était sou-vent représentée sur les retables et les fresques qui les ornaient. L’église de Szakolca comprenait, outre le maître-autel de la Vierge-des-Douleurs, un autel dédié à la

117 Voir G. Tüskés, E. Knapp, A szent vér; M.-M. de Cevins, Entre conformisme.118 T. Vida, Temesvári Pelbárt, 673.119 Karácsonyi II, 154.120 1er form., fol. 168.121 Le montre l’annotation portée sur l’incunable conservé à la Bibliothèque Universitaire

Centrale de Szeged (Szegedi Tudományegyetem Központi Könyvtára, Régi Könyvek Tára) sous la cote RA 3121.

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Naissance de la Vierge122. Marie occupait aussi le centre du sceau du couvent de Ko-lozsvár, d’après l’exemplaire qu’utilisaient les frères de l’établissement au début du XVIe siècle, où apparaît une Vierge à l’Enfant123. Les contre-exemples correspondent souvent à des couvents obtenus par transfert – ayant hérité du vocable précédent – ou dont le fondateur avait imposé le saint patron (en choisissant par exemple son saint éponyme, tel Grégoire Bodó à Györgyi). Selon certaines hypothèses, le nom du couvent de Szakolca, Notre-Dame-des-Douleurs, fondé par la population locale en 1467 et achevé en 1484 avec l’aide des nobles des environs, associerait Marie aux terribles souffrances que les habitants avaient endurées pendant les guerres hussites124.

Contrairement à ce que ce dernier exemple pourrait laisser croire, l’étude du vocable des églises observantes hongroises révèle que les formes récentes de la dévotion mariale étaient plutôt moins répandues chez les frères de Hongrie que dans l’Autriche voisine125. Notre-Dame-des-Neiges (ad Nives) à Koloszvár et à Szeged, Notre-Dame-de-la-Visitation à Marosvásárhely, Notre-Dame-des-An-ges (ou encore Reine-des-Anges) à Okolicsnó et à Tövis, et Vierge-des-Dou leurs à Szakolca en constituent les seuls témoignages, tandis que la majorité écrasante des couvents était simplement dédiée à la “Bienheureuse Vierge Marie”. Certes, il faut compter avec le laconisme des sources, qui cèdent trop souvent à la facilité en indiquant les trois initiales B. M. V (pour Beatae Mariae Virginis) sans aller plus loin. Certaines s’inscrivaient dans la tradition franciscaine. Celle de sancta Maria de Angelis seu de Paradiso (à Okolicsnó) rappelle évidemment l’église de la Portioncule126. Les frères réformés transmirent par la suite aux laïcs la dévotion à sainte Marie des Anges. C’est pour eux qu’André de Vásárhely a peut-être composé le chant en hon-grois mentionné plus haut. La figure de la Vierge nimbée de Soleil, tirée de l’Apo-calypse, apparaît dans un sermon d’Oswald de Laskó ; elle aurait été popularisée par les frères observants de Hongrie méridionale dès le XVe siècle127. Mais le culte de la Vierge-des-Sept-Joies, dont Jean de Capestran s’était fait l’apôtre, n’a laissé aucune trace dans les sources consultées. Ajoutons que les prédicateurs et dirigeants de l’observance magyare ne recommandent pas particulièrement la pratique du chapelet – à la différence par exemple de Ladislas de Gielnów, qui composa des

122 Karácsonyi II, 154.123 Karácsonyi II, 102.124 Karácsonyi II, 154.125 G. Rant, Die Franziskaner der Österreichischen, 28-29 et p. 29, note n° 3.126 Karácsonyi II, 127.127 S. Bálint, A Napbaöltözött Asszony [La Vierge nimbée de Soleil], dans Id., Sacra Hungaria.

Tanulmányok a magyar vallásos népélet köréből, Kassa 1943, 23-24.

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prières spéciales à la Vierge se rapprochant du Rosaire128. Les premières confréries hongroises du Rosaire, qui fleurirent à partir des années 1490, n’avaient manifes-tement aucun lien avec les couvents observants.

Parmi les saints du Paradis, les membres de l’ordre occupaient une place privilégiée. Quant ils n’étaient pas dédiés à la Vierge, les couvents l’étaient sou-vent à saint François (à Alsán et Tergavistya), ou bien encore à Bernardin de Sienne (à Kilia), moins fréquemment choisi cependant qu’en Autriche129. L’église de Szakolca abritait un autel latéral dédié à saint François130, de même que celle de Gyöngyös, dont un second autel, surmonté d’un retable peint vers 1500, portait le nom d’Antoine de Padoue131. Les saints nationaux n’étaient pas en reste. Dès 1446, les membres de la vicairie de Bosnie avaient obtenu d’Eugène IV le droit d’introduire dans la liturgie des couvents hongrois les fêtes d’Étienne, Ladislas et Émeric, inscrites au calendrier national132. Le couvent de Pápa qui, précisons-le, ne résultait pas d’un transfert, avait été dédié à saint Ladislas. Les sermonnaires d’Oswald de Laskó et de Pelbart de Temesvár comportent de longs développe-ments sur les saints dynastiques hongrois133. Ils s’ap puient non seulement sur les récits hagiographiques (legendae et vitae), mais aussi sur la tradition populaire, qu’ils reprennent en écho.

Les prédicateurs exhortaient les fidèles à vénérer les reliques avec modéra-tion. Ils leur recommandaient de ne pas les porter autour du cou dans l’espoir de se protéger d’un danger, telles des amulettes, et leur interdisaient formellement d’en faire commerce134. Dans la pratique, peu de couvents observants abritaient des reliques et devinrent de ce fait des foyers de pèlerinage. Celui de Marosvásár-hely attirait de nombreux pèlerins, mais cela depuis le tout début du XVe siècle, donc bien avant son passage à l’observance. La tombe de saint Gérard, conservée au couvent de Pest depuis sa fondation au XIIIe siècle, faisait vraisemblablement l’objet d’une certaine vénération de la part de la population locale. Mais le 20 juin

128 K. Kantak, Les données historiques, 450; Mariano da Firenze, Compendium, 336; F. de Ses-sevalle, Histoire générale I, 365.

129 G. Rant, Die Franziskaner der Österreichischen, 28-29.130 Karácsonyi II, 154.131 Z. Fáy, Ferencesek Gyöngyösön, 16.132 … trium sanctorum regum, videlicet Stephani, Ladislai et Emerici, in quibus juxta illarum partium

consuetudinem propria celebrantur officia, juxta illarum partium consuetudinem… MFL, inv. 1930, p. 7, n° 41; CsML, bullaire de Szeged, 41-43.

133 Oswald de Laskó consacre trois sermons entiers à saint Ladislas. OL, Sanctis, sermones XLVIII, XLIX, L. Voir aussi R. Horváth, Laskai Ozsvát, 34-35.

134 M.-M. de Cevins, La religion des laïcs, 162-163. Sources: PT, Sanctis, sermo LXXXII, paragraphe C.

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1526, les frères vendirent son cercueil d’argent, avec d’autres objets précieux, pour soutenir la procédure de canonisation de Jean de Capestran puis financer la guerre contre les Turcs135. A la différence de ceux du Dauphiné136, les observants hon-grois ne cherchèrent aucunement à développer les pèlerinages locaux. Les deux célèbres prédicateurs louaient les vertus des pieux voyages, mais demandaient aux fidèles de ne pas les effectuer dans le seul désir d’assister à des miracles137. Jean de Capestran, tout érudit et rationnel qu’il était, croyait fermement aux miracles, en particulier aux pouvoirs thaumaturgiques post mortem de Bernardin de Sienne, son maître et modèle138. Les frères de Hongrie ne niaient pas leur authenticité – on l’a dit à propos des reliques eucharistiques – mais ils n’y voyaient qu’un ingrédient accessoire, bien moins décisif que la volonté sincère de se repentir.

Aux yeux des frères observants hongrois (comme polonais139), seul comptait vraiment le pèlerinage en Terre Sainte, à l’imitation de saint François. Étien ne de Varsány avait séjourné à Jérusalem avant son élection à la tête de la vicairie en 1456140. L’ancien vicaire Gabriel de Pécsvárad s’y rendit en 1514, accompagné d’un confrère nommé Jean de Pásztó. La tradition rapporte que son ardeur à dé-couvrir les Lieux Saints lui permit de vaincre le mal de mer qui l’avait terrassé en 1512, lorsqu’il avait traversé l’Adriatique pour participer au chapitre cismontain de Naples141. L’ancien ministre provincial Bernardin de Somlyó n’eut pas cette chance. Parti en 1523 avec Mathias de Pest, il tomba malade au retour et mourut à Venise; son compagnon tomba peu après sous les coups des Turcs142. Les sim-ples frères étaient suffisamment nombreux à se ren dre en Terre Sainte pour que le pape leur rappelle dès 1463 l’obligation d’obte nir au préalable une autorisation du ministre général143. Mais ils n’y parvenaient au mieux qu’une fois dans leur vie, d’après les exemples dont on dispose, et se gardaient bien d’encourager les fidèles à se lancer dans pareille aventure.

Sans doute étaient-ils un peu plus à se rendre sur les lieux où avait vécu le poverello. Pour cela, l’approbation du provincial suffisait. En 1530, il autorisa deux membres de la province salvatorienne à partir pour Assise, tandis qu’un troisiè-me obtenait de pouvoir aller en pèlerinage à Újlak, auprès de la tombe de Jean de

135 Karácsonyi I, 385.136 P. Paravy, De la Chrétienté Romaine, 725-738.137 M.-M. de Cevins, La religion des laïcs, 163-164.138 Andrić, 194-197.139 K. Kantak, Les données historiques, 439.140 Karácsonyi I, 338. Source: C[h]onica, 244.141 C[h]ronica, 292. Voir aussi Karácsonyi I, 373.142 C[h]ronica, 297. Voir aussi Karácsonyi I, 382-383.143 MFL, fds I, ms LIX.

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Capestran144. Le traitement réservé à celle-ci constitue une exception à trois égards. Il contredit à la fois la prudence des observants hongrois quant au pouvoir mira-culeux des reliques – surtout lorsqu’elles n’avaient pas été reconnues par le pape –, leur faible participation à la promotion des pèlerinages locaux et enfin leur timide engagement dans la vénération des derniers saints du mouvement. Aussitôt après le décès survenu le 23 octobre 1456, la dépouille de Jean de Capestran fut manifeste-ment considérée par les frères du couvent observant où il s’était éteint comme une véritable relique: exposition prolongée, embaumement puis insertion de la tombe dans une splendide chapelle accessible à tous – édifiée sur ordre du seigneur de la ville et patron du couvent, Nicolas d’Újlak – se succédèrent en quelques semai-nes145. Tagliacozzo, familier pourtant de la “dévotion panique” (définie par André Vauchez) qui accompagnait le culte des défunts morts en odeur de sainteté dans les régions méditerranéennes146, s’étonne dans son récit de la nimia et inordinata Hungarorum devotio147. Les témoignages rapportant des pro diges affluèrent aussitôt. D’après l’enquête effectuée par Stanko Andrić (après Erik Fügedi), il s’agissait dans plus de neuf dixièmes des cas de guérisons surnaturelles148. Dès 1458, des pèlerins de tout le royaume affluèrent à Újlak. La plupart arrivaient de l’interfluve entre Danube et basse vallée de la Tisza, en incluant la ville de Szeged149. A en juger par leur provenance géographique, les échanges commerciaux mais aussi le réseau des couvents observants de cette région ont sans doute été déterminants dans la promotion du culte de Jean de Capestran150. Les deux célèbres prédica-teurs s’en firent ensuite les propagateurs enthousiastes dans leurs oeuvres. Plus que la personnalité même de Capestran, le contexte de menace turque, ajouté à

144 Kollányi, 88, d’après 2e form., fol. 129.145 Andrić, 67-70.146 A. Vauchez, La sainteté, 272-280.147 Andrić, 74.148 Le scénario est généralement le suivant: 1°) Une personne frappée de malheur (elle-

même ou l’un de ses proches), d’un mal le plus souvent physique ou mental, ou de la captivité (dans le contexte d’insécurité du début du XVIe siècle) est informée par un proche ou une vision de la possibilité d’un secours miraculeux en invoquant Jean de Capestran. 2°) Elle implore le saint en faisant voeu – par un contrat implicite fondé sur le principe du donnant-donnant – de se rendre en pèlerinage auprès de sa tombe. 3°) Elle est miraculeusement libérée de son mal, entièrement ou partiellement, presque toujours aussitôt après avoir formulé le voeu ou, plus rarement, après le pèlerinage effectif. 4°) A l’occasion de son pèlerinage de reconnaissance, elle témoigne de l’événement auprès d’un jury composé de clercs et de notables laïcs, qui font consigner le miracle par écrit. Andrić, 225-280.

149 Andrić, 326-336.150 Andrić, 311-326.

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l’espoir diffus de voir rejaillir sur l’ensemble des observants hongrois la gloire du saint enseveli en terre magyare, explique peut-être leur engagement.

La spiritualité et les modèles de piété que proposaient les observants hon-grois aux laïc n’avaient en définitive rien de très original. Parmi les dévotions, seul le nom de Jésus apparaît comme une innovation; encore ne dépassa-t-il pas le cadre de l’ordre. Pratiques obligatoires, aumônes et bonnes œuvres, culte des saints et des reliques formaient le contenu du message diffusé à la même époque et depuis plusieurs décennies déjà par les clercs de paroisse. Tout juste voit-on affleurer dans les sermons d’Oswald de Laskó et de Pelbart de Temesvár quel-ques interrogations nouvelles, sur la prédestination, les indulgences ou encore la véritable signification des miracles. S’ils se méfiaient des expériences mystiques, ils clamaient la supériorité de l’intention sur l’action, contribuant ainsi à atténuer le ritualisme de la piété populaire.

Dans ces conditions, apprécier les résultats de la pastorale menée par les franciscains observants sur la religiosité des Hongrois est une gageure. On aurait aimé avoir l’avis de quelques contemporains sur la question – tel ce roi danois qui louait vers 1490 l’activité des observants dans son royaume, leur attribuant le mérite d’avoir fait reculer les vices et accru les vertus de ses sujets151. Comme celle des grandes villes d’Italie du Nord, la législation urbaine hongroise comprend des clauses relatives à la pratique religieuse et à la morale; mais, à la différence des cités italiennes152, il est bien difficile d’y trouver la marque des harangues enflammées des prédicateurs observants. La présence dans les murs de ces villes ou à leur proximité d’un couvent observant ne semble pas avoir influé directement sur le droit local, calqué sur des modèles extérieurs.

Inversement, faut-il voir dans la modération du discours des prédicateurs observants la volonté de se conformer aux attentes et aux capacités spirituelles de la foule des croyants, quitte à reprendre à leur compte certains thèmes “porteurs” (antijudaïques par exemple, comme en Italie au temps de la création des Monts-de-Piété153) pour ne pas entamer leur capital de sympathie? Autre tentation: celle de dénigrer systématiquement leurs concurrents sur le terrain de la pastorale, les clercs séculiers. Nous verrons bientôt qu’en dépit des interdits de la législation provinciale, les prédicateurs observants ne les ménageaient pas toujours154.

151 F. Doelle, Die Observanzbewegung, 67.152 A. Vauchez, Conclusion de Predicazione francescana, 248-251.153 A. Vauchez, Conclusion de Predicazione francescana, 250-251.154 Voir chapitre 8.

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III. Un large rayonnement social

Le pape Léon X écrivait en 1517 à propos des observants hongrois: Populi [sic] Hungarie quasi sanctos eos habent155. Vers 1523, le ministre provincial Gabriel de Pécsvárad rapporte qu’aux yeux des fidèles, un religieux au comportement im-moral ne pouvait appartenir à l’observance franciscaine, car celle-ci était pour eux synonyme de vertu156. À n’en pas douter, les frères jouissaient en Hongrie d’une exceptionnelle popularité au tout début du XVIe siècle. Un peu comme en Irlande, ils apparaissaient comme la quintessence de la sainteté et de l’austérité monasti-ques157. Cette vision flatteuse n’était pas l’apanage d’une élite: elle s’étendait à des couches sociales dépassant largement les cercles aristocratiques qui avaient per-mis l’essor du mouvement dans les décennies précédentes. Pour en mesurer l’as-sise, nous examinerons successivement l’extraction sociale des frères, le nombre approximatif et l’origine de leurs bienfaiteurs et sympathisants, ainsi que le rayon-nement des confréries et fraternités dépendant de la province salvatorienne.

Sociologie des frères

Malheureusement, la documentation ne permet guère de déterminer avec précision à quelles catégories de la société hongroise appartenaient les membres hongrois de l’observance franciscaine. Il est particulièrement regrettable à ce titre que jusqu’aux années 1530, ils soient seulement désignés dans les sources par leur prénom, suivi au mieux du nom de la localité où ils avaient passé leur enfance ou les années ayant précédé leur arrivée au couvent (sous la forme frater X de X)158. Ces éléments ne suffisent pas à identifier leur milieu social, puisqu’il s’agit rarement de patronymes. Ils posent de surcroît un problème chronologi-que, les premières listes systématiques de frères ne remontant pas au-delà des tables capitulaires (tabulae) des années 1530159. Et elles n’ont pas la précision des nécrologes polonais. L’occurrence, exceptionnelle, de qualificatifs tels que “noble” ou “fils de noble”, ainsi que les noms de lignages aristocratiques qui affleurent ici ou là permettent tout juste de constater que le recrutement nobi-

155 1er form., fol. 132v.156 Minores enim de observantia a mundanis maxime in morum agnoscuntur honestate. Et si forte quos

viderint incompositos moribus deficere, dicunt non esse de numero fratrum Cheriensium. 1er form., fol. 212v-213 (pj n° 7).

157 C. N. ó Clabaigh, The Franciscans in Ireland, 156.158 Voir chapitre premier.159 Voir Introduction et Sources imprimées.

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liaire se poursuivit bien après l’époque de la fondation des couvents. A Gyula, le profès Pierre Bika de Teremhegy, mentionné dans la liste de 1535, en était160. Au début des années 1530, un frère se plaignait à son supérieur de ce qu’il n’avait ni froc, ni coule; pour appuyer sa demande, il précisa qu’il était de souche noble161. Une charte municipale montre qu’un seigneur nommé Salathiel de Fráta entra chez les observants de Kolozsvár en 1522, tandis que sa femme élisait domi-cile chez les béguines162. Les couvents hongrois auraient-ils été dominés par les membres de la noblesse, comme cela semble avoir été le cas en Bretagne163? Rien n’est moins sûr. En effet, la rareté des notations indiquant une origine nobiliaire laisse penser que le gros des effectifs de l’observance franciscaine était, comme dans la Pologne voisine164, issu de la roture. On peine à distinguer dans ce vaste ensemble les paysans des bourgeois. Aucun élément ne permet d’établir que ces derniers étaient aussi représentés que dans les couvents polonais. L’implan ta tion semi-rurale des établissements hongrois inclinerait plutôt à privilégier l’hypo-thèse inverse, de même que les analyses sociologiques s’étendant au second XVIe siècle165. Ils se rapprocheraient en cela de communautés comme celle de Romans étudiée par Ludovic Viallet166.

Les noms que fournissent les registres des années 1530 mériteraient une analyse minutieuse et cartographiée167. Elle permettrait certainement de repérer les régions dans lesquelles la popularité des observants était la plus grande et – au moins en partie, puisqu’il faut compter avec la mobilité interne à la congrégation – de tracer les contours de l’aire de rayonnement de chaque couvent. L’identi-fication des toponymes, particulièrement malaisée dans les régions passées de-puis 1920 sous domination étrangère, explique qu’aucun chercheur ne l’ait tentée jusqu’à présent. Contentons-nous pour le moment d’observer que le recrutement géographique des frères dépassait amplement les limites du diocèse ou de la cus-todie où ils vivaient. Il s’étendait souvent à la région toute entière: la Transdanubie pour le couvent d’Egervár168, l’ouest et le sud du royaume pour celui de Gyöngyös

160 Karácsonyi II, 71.161 Kollányi, 45, d’après 2e form., fol. 20.162 Karácsonyi II, 101, d’après MOL, Dl 36400.163 H. Martin, Les ordres mendiants en Bretagne, 132-135.164 M. Derwich, Foyers et diffusion p. 282-283; J. Kłoczowski, L’observance, 187-188.165 Voir F. Szákaly, Mezőváros.166 L. Viallet, Autour du Calvaire, 97; Id., Bourgeois, prêtres et Cordeliers à Romans (vers 1280-vers

1530). Une société en équilibre, Saint-Étienne (CERCOR Travaux et Recherches XV), 2001.167 Rappelons que ces tables ont été éditées pour l’essentiel dans EEMK, II, 463-519. Voir

l’annexe Sources imprimées. Manuscrit: CsML, fds XII. 4, ms a/19, fol. 63-74. 168 Karácsonyi II, 39.

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en 1535169. Il était soumis en revanche à des impératifs linguistiques, puisqu’il fal-lait fournir aux fidèles des prédicateurs et des confesseurs s’exprimant dans leur idiome maternel. Aux abords des frontières, les religieux provenaient donc géné-ralement des environs. Les membres des établissements slavons d’Atyina, d’Iva-nics, de Diakóvár, de Remetinc et de Szentlászló dont le nom a survécu (entre 1501 et 1535) portaient tous un nom slave, qu’il s’agisse de gardiens, de novices ou de profès ordonnés prêtres170. Ceux de Karánsebes, aux portes de la Valachie et de la Bulgarie, installés dans un secteur à fort peuplement roumain, avaient des noms roumains ou bulgares171. La remarque vaut, à l’autre extrémité du royaume, pour les couvents de Slovaquie: à Okolicsnó par exemple172. Les frères du cou-vent de Fehéregyháza, en pays germanophone, provenaient de villes ou de dis-tricts saxons de Transylvanie, comme la plupart de ceux de Felfalu (en 1535)173. A Marosvásárhely, en terre sicule, vingt-trois des vingt-quatre franciscains étaient hungarophones en 1535. A contrario, on ne relève qu’un seul nom hongrois pour vingt-quatre anthroponymes allemands dans le couvent de Medgyes, implanté chez les “Saxons”174. Autant d’indices qui prouvent que l’observance franciscaine bénéficiait d’un fort ancrage régional aux marges du royaume, tout en franchis-sant parfois les clivages ethniques. Le profil de leurs partisans suit une tendance analogue, sur un plan social aussi bien que géographique.

Des sympathisants de plus en plus nombreux

Les textes accessibles convergent dans le sens d’un accroissement de l’effectif des sympathisants du mouvement franciscain observant à partir de la fin du XVe siècle. On invoquera pour commencer les mentions relatives aux dons matériels et aux ultimes fondations, motivés par le souhait de bénéficier des fruits spirituels de la prière des religieux. Ils continuent de figurer dans les testaments nobiliaires ou urbains, ainsi que dans certaines sources internes jusque dans le premier tiers du XVIe siècle – en pleine crise économique et morale –. Comme si, loin de s’es-souffler, la générosité des fidèles était demeurée intacte. Plutôt que d’en dresser la liste, ce qui serait évidemment fastidieux, intéressons-nous à d’autres témoignages

169 Karácsonyi II, 62-63.170 Karácsonyi II, 11 36 82-83 144 175.171 Karácsonyi II, 89.172 Karácsonyi II, 127-128.173 Karácsonyi II, 46-49.174 Z. Soós, The Franciscan Friary, 269.

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manifestant plus directement encore l’affection que portait le gros des croyants, et non simplement quelques privilégiés, aux membres de l’observance.

Leurs services étaient particulièrement recherchés, de même qu’en Irlande175. Ceux des laïcs qui pouvaient se le permettre choisissaient volontiers leur confes-seur et leur directeur spirituel au sein de l’ordre. Nous en verrons divers exemples dans la suite de ce paragraphe. Plusieurs associations de laïcs à vocation religieuse, des confréries de dévotion ou de métier, choisirent de se placer sous la tutelle de couvents observants. Ainsi, vers 1515, le vicaire de Hongrie accepta que l’une d’elles, récemment fondée par les habitants de la capitale, soit rattachée au cou-vent Saint-Jean de Buda et dispose désormais d’un autel latéral dans l’église fran-ciscaine, aménagé sur le côté nord de l’édifice. Ses membres jouiraient des bien-faits spirituels de l’ordre176. Un second texte du premier formulaire indique que le vicaire de Hongrie, en accord avec le conseil des discrets, accéda à la requête formulée par les cordonniers d’une ville hongroise (non nommée), qui souhai-taient pouvoir assister à la messe célébrée lors de chaque fête liturgique à l’autel Saint-François de l’église observante de Vajdahunyad, et y ensevelir les maîtres de la confrérie. Cette dernière clause fut également acceptée, sous réserve de place disponible177.

Même en dehors du cadre confraternel, de plus en plus de fidèles hongrois formulaient le vœu de prendre l’habit post mortem. Les Constitutions de 1499 considèrent déjà cette pratique – ancienne chez les franciscains mais critiquée par certains observants – comme un fait habituel, soumis seulement à l’appré cia tion du gardien. Il s’appliquait aussi bien aux hommes qu’aux femmes, revêtues quant à elles de l’habit de tertiaire178. Un document du premier formulaire prouve que cette procédure était réellement appliquée179. Une seule condition était posée: en-terrer le défunt dans l’enclos du couvent – et non dans le cimetière paroissial –, de façon à maintenir par delà la mort la cohésion de la grande famille franciscaine. Le premier formulaire comporte un testament rédigé en 1514 par un laïc en vertu duquel il demande à être inhumé dans le cimetière d’un couvent observant pour être associé à la gloire des saints180. Enfin, les lettres confraternelles autorisaient

175 C. N. ó Clabaigh, The Franciscans in Ireland, 156.176 1er form., fol. 59.177 1er form., fol. 113-114 (pj n° 36).178 Item patres guardiani possunt concedere devotis saecularibus habitum nostrum, ut in illo moriantur et

sepeliantur. (…) Mulieres vero in habitu sororum tertii ordinis sepeliantur. LERH III, 615.179 … possis nihilominus si volueris in habitu sororum tertii ordinis in ecclesia dumtaxat nostra et non

alias tumulari… 1er form., fol. 117v (pj n° 39).180 1er form., fol. 98-98v (pj n° 40).

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les nouveaux membres de la communauté spirituelle de l’ordre à être ensevelis dans l’habit de mineur181.

Cette association connut à l’époque qui nous occupe un gonflement spec-taculaire. Dans ce cas pourtant, la décision revenait aux dirigeants suprêmes de la province et de l’ordre: au vicaire (puis ministre), plus rarement aux custodes, ou en core aux responsables cismontains. Ils procédaient aux inscriptions en ré-ponse aux demandes qu’ils recevaient dans le couvent où ils séjournaient tempo-rairement, souvent à l’occasion d’une visite. En Hongrie com me partout ailleurs, entrer dans la communauté spirituelle de l’ordre n’impli quait pas un engagement très lourd pour les candidats, ni avant, ni après leur admission. En échange de leurs dons, de faveurs ponctuelles mais aussi sans aucune con trepartie matérielle, au seul motif qu’ils craignaient Dieu et avaient une grande dévotion pour la Vierge et saint François, des laïcs obtenaient de pouvoir être associés de leur vivant aux bienfaits spirituels des messes, jeûnes, prières, prêches, lectures pieuses et méditations des frères réformés. Lorsqu’ils venaient à mourir, dès que les dirigeants avaient connais-sance du décès, ils sollicitaient les religieux de prier pour leur âme182. La formulation identique des lettres confraternelles rédigées entre la fin du XVe siècle et le milieu du siècle suivant, connue par les formulaires et quelques archives isolées183, atteste la pérennité de la formule: le contenu est partout le même, en 1498 comme en 1523, la longueur du texte va riant uniquement en fonction de la position sociale du candidat. La lettre adres sée au palatin de Hongrie, comme toutes celles qui s’appliquaient à de hauts personnages (confraternalis insignibus personis), occupe trois pages et demie du premier formulaire; tandis que celle destinée à une veuve de la petite noblesse est plus brève (alia de eadem brevior, similiter notabilibus personis)184. Le vulgum pecus con ten-tait d’une cédule de quatre ou cinq lignes185. Le tableau n° 2 rassemble à la fois les données réunies par János Karácsonyi (à partir de fonds divers) sur les admissions dans la confrérie spirituelle de l’ordre, et les éléments que j’ai extraits de documents auxquels il n’a pas eu accès. S’il ne permet pas de mesurer quantitativement le suc-cès de cette forme d’engagement, faute de listes exhaustives, il montre néanmoins qu’après l’essor des années 1450, lié sans aucun doute à la renommée internatio-nale de Jean de Capestran, la communauté spirituelle de l’ordre s’enrichit de très

181 Voir pj n° 37 38 39.182 Kollányi, 79, mais il ne cite aucun document précis.183 Voir en particulier 1er form., fol. 55v-60 (dont pj n° 38), 115v-117v (dont pj n° 39);

EEMH, t. I, 100-101, n°101; MFL, fds I, ms LXXIX a, CsML, bullaire de Szeged, 102 (pj n° 37).

184 1er form., fol. 115v-117 117-117v (pj n° 39).185 1er form., fol. 57-57v.

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nombreux membres hongrois à partir des années 1490. Ils y entraient encore au milieu des années 1530.

Profil des partisans de l’observance franciscaine

Les partisans déclarés de l’observance – sans parler de la foule de ceux qui se faisaient d’eux une image positive – se recrutaient dans tous les milieux: clercs et laïcs, prélats ou simples curés de paroisse, barons et membres de la petite no-blesse, bourgeois des villes ou paysans. Toutefois, leur degré d’impli cation sem-ble avoir été inversement proportionnel à leur poids numérique dans la société hongroise. La place des membres de la noblesse, en particulier celle des barons, y apparaît comme écrasante. Prolongeant leur active participation à la fondation des couvents, ils continuèrent à se montrer généreux envers les frères jusqu’au XVIe siècle inclus. La proximité de la cour royale valait aux couvents de Buda et de Pest des dons fréquents de la part des grands du royaume, en échange souvent de célébrations pour le salut de leur âme186. En Transylvanie, les hobereaux se fai-saient un honneur de céder des lambeaux de leur maigre fortune aux religieux187. Selon une habitude prise avec les conventuels dès le XIVe siècle188, les aristocrates hongrois choisissaient volontiers leur con seiller particulier et leur confesseur – souvent confondus – au sein de la branche réformée de l’ordre. Le testament du baron Józsa de Som, ispan de Temes, montre qu’il avait pour directeur spirituel un membre du couvent observant de Szeged, nommé Sébastien; c’est devant lui qu’il exprima ses dernières volontés en 1502189. Les tombes de laïcs retrouvées dans les églises franciscaines appartiennent toutes, sauf exception, à des membres de la noblesse. Les admissions dans la communauté spirituelle de l’ordre confir-ment cette surreprésentation nobiliaire. La quasi-totalité des noms indiqués dans le tableau n° 2 ou mentionnés dans le premier formulaire comme désignant des bienfaiteurs de l’ordre190 se rapportent à des lignages nobles. Les données biogra-phiques relatives aux adhérents de la confrérie de prière des observants révèlent la présence massive d’hommes proches du pouvoir royal: les Dragfi, les Szapolya, les Bátor, les Perény. Il est vrai que, perpétuant eux aussi la tradition, d’autres nobles

186 Karácsonyi II, 21, 138 (exemple de Jean Nagy de Gesztely en 1495).187 Nombreux exemples dans Karácsonyi II, 114, 193; Z. Soós, The Franciscan Friary, 253-

254. Sources: MFL, fds I, ms CXI; K. Szabó (éd.), Székely Oklevéltár III, 92-93 et II, 84.188 Voir chapitre 3.189 Karácsonyi II, 162; source: MOL, Dl 30141.190 1er form., fol. 236-236v.

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et barons hongrois soutenaient plus discrètement de leurs dons les franciscains conventuels.

Les bourgeois montrèrent moins d’enthousiasme que les nobles à aider les frères observants. Ceux qui figurent parmi les membres de la confrérie spirituelle de l’ordre se comptent sur les doigts d’une seule main191. Les exemples d’as-sociations professionnelles rattachées à un couvent observant demeurent peu nombreux. Quant aux donateurs issus du patriciat urbain, ils ne sont pas légion: la documentation consultée ne contient qu’une poignée d’exemples, très tardifs de surcroît192. En Transylvanie, proche des Turcs et du monde orthodoxe, où les archives urbaines ont été relativement épargnées, les largesses des bourgeois à l’intention des observants arrivent loin derrière celles qu’ils prodiguaient dans le même temps aux églises paroissiales193. Si les registres de comptabilité mu-nicipale mentionnent les dépenses effectuées au nom de la ville à l’intention des maisons d’ermites augustins, de carmes, de dominicains ou de franciscains conventuels194, ils n’en indiquent aucune en faveur des établissements obser-vants; pas même au moment des travaux de réfection des bâtiments. Pire, cer-tains citadins s’étaient farouchement opposés, comme à Brassó dans les années 1507 à 1520 environ, à l’installation des observants dans leur ville. Un testament de 1482 indique cependant que les catégories inférieures ou intermédiaires de la société urbaine comptaient aussi des partisans de l’obser vance: Martin d’Eperjes, domestique de Benoît de Lipta, légua dix florins aux frères du couvent de Sóvár, en échange de la célébration de trente messes à son intention et de son enterre-ment dans leur église195.

On ne s’étonnera pas de la place modeste occupée par les paysans dans la do-cumentation se rapportant aux bienfaiteurs des couvents observants: ils n’avaient ni les moyens, ni le loisir de témoigner leur attachement à l’ordre. Nul doute

191 Voir tableau n° 2.192 Voir chapitre 10.193 Quelques exemples documentés (dans une liste qui n’est évidemment pas exhaustive):

le legs de Pierre Greb, conseiller municipal de Brassó, en faveur du couvent de Csíksomlyó (1463); le financement de l’orgue de l’église de Nagybánya par les habitants (avant 1499); le don d’un florin au couvent de Sóvár par le bourgeois d’Eperjes nommé Grégoire de Bula, en échange de trente messes; et surtout l’impressionnant legs de Madeleine, veuve de Georges le Lapicide (Kőfaragó), bourgeois de Kolozsvár, à une douzaine de couvents observants (1531) qui a été intégralement conservé et que j’aurai plusieurs fois l’occasion de citer dans les pages qui suivent. Karácsonyi II, p. 122, 151, 21; G. Entz, Erdély épitészete, 255, 264. Sources: EEMH, t. II, p. 178-181, n° 159. Voir aussi Z. Soós, The Franciscan Friary, 254.

194 M.-M. de Cevins, L’Église dans les villes hongroises, 131-132.195 Karácsonyi II, 151.

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cependant qu’ils éprouvaient à son égard une réelle sympathie: le prouvent les documents cités au tout début de ce paragraphe, mais aussi la composition sociale des pèlerins venus se recueillir auprès de la tombe de Jean de Capestran, à Újlak. Paysans et habitants des bourgades constituent en effet l’énor me majorité des miraculés recensés par Erik Fügedi et Stanko Andrić. D’après les estimations de ce dernier, ils étaient seulement un peu moins nombreux que dans l’ensemble de la population196. Dans bien des cas, on constate que la faveur dont jouissaient les observants transgressait les barrières ethnico-culturelles. Le couvent de Fehére-gyháza, à recrutement principalement “saxon”, reçut des dons de “Sa xons” (six florins en 1507) mais aussi de Hongrois (tel Léonard de Barlabás, vice-voïvode de Transylvanie, qui lui légua 25 florins en 1525)197. Les bienfaiteurs du couvent de Felfalu appartenaient aux deux communautés (en 1507)198.

Malgré l’indigence des données documentaires, l’assise sociale des obser-vants semble avoir reposé en définitive sur l’aristocratie d’une part – comme dans les décennies précédentes – mais aussi sur la paysannerie, dont l’adhésion au mou-vement paraît plus récente. Tandis que les bourgeois, même s’ils ne leur étaient pas partout hostiles, accordaient plus volontiers leurs suffrages aux franciscains conventuels (comme en Allemagne199) ou aux autres frères mendiants. Qu’en était-il du clergé séculier? Un chanoine de Vác et un curé de paroisse furent admis au début des années 1530 dans la communauté de prière de l’or dre200. Les clercs furent assez nombreux à se déplacer auprès de la dépouille de Jean de Capestran. Dans l’ensemble cependant, ils sont rarement évoqués com me bienfaiteurs de l’observance franciscaine, en dehors des prélats ayant pris fait et cause pour le mouvement.

Il reste une catégorie de croyants dont nous n’avons pas parlé jusqu’ici: les femmes. En dépit de la masculinité du mouvement observant, elles comptaient aussi dans leurs rangs de nombreux partisans de la réforme franciscaine. Il n’est pas rare de voir des veuves, issues de la bourgeoisie ou de l’aristocratie, effectuer d’importantes donations aux frères, du moins après 1510: Catherine de Tobiás, veuve de Marc Pempflinger en 1523, en faveur des couvents de Medgyes et de Tövis201, puis surtout Madeleine Lapicida (veuve du “tailleur de pierres”) de Ko-

196 E. Fügedi, Kapisztránói János, 866-870 898; Andrić, 26-336.197 Karácsonyi II, 46.198 BOROS, 272 note 88, d’après Fabricius, Urkundenbuch zur Geschichte des Kisder Kapitels vor

Reformation, Nagyszeben 1875, 59.199 P. Nyhus, The Franciscan Observant, 207-209; Id.,The Franciscans in South Germany, 10-11.200 Voir tableau n° 2.201 Karácsonyi II, 117.

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lozsvár, à l’intention de douze établissements différents (!) en 1531202. Elles aussi entraient dans la communauté de prière de l’ordre (comme confratrissae203), soit par l’entremise de leur époux ou de leur fils, soit de leur pro pre chef, du moins lorsqu’elles avaient perdu leur conjoint204. Les femmes, souvent des veuves juste-ment, formaient seulement le tiers des miraculés recensés auprès de la tombe de Jean de Capestran; mais elles jouaient un rôle important en tant que médiatrices dans le processus des miracles, par les conseils qu’elles prodiguaient aux futurs miraculés ou en intercédant en leur faveur205. Enfin, elles se trouvent à l’origine de la fondation de toutes les maisons de tertiaires connues. Les liens les plus étroits entre les fidèles du sexe faible et les franciscains réformés s’observent précisé-ment dans le cadre des tiers-ordres, dont on ne doit pas oublier qu’en Hongrie médiévale, ils regroupaient exclusivement des femmes.

L’essor récent des fraternités observantes

L’étude des fraternités franciscaines se heurte, comme souvent, à d’épi neux problèmes de dénomination. Depuis la dissolution des béguinages indépen dants, les sœurs tertiaires reçoivent généralement le nom de “béguines” (beginae) dans les sources206. Certains textes parlent de “sœurs” (sorores, parfois sestrae, mot d’origine slave, ou encore Schwester dans les textes rédigés en allemand)207. D’au tres les dési-gnent comme des moniales, ce qui entraîne inévitable ment des confusions avec les clarisses. Les formules explicites demeurent l’exception: “ancille de vote, sorori Anne t., tertii ordinis beatissimi patris nostri Francisci professe” (dans une autorisation de transfert copiée dans le premier formulaire)208, “religiosae mulieres, beginae appellatae, quae de tertio ordine s. Francisci esse consueverant” (en 1539, dans un rapport du conseil municipal de Gyöngyös)209. Ajoutons que les documents extérieurs à l’ordre ne font aucune différence entre les fraternités dépendant d’un couvent observant et celles que surveillaient les conventuels.

202 EEMH, t. II, 178-181. Voir aussi Karácsonyi II, 21 et chapitre 10.203 Par exemple dans le document indiqué à la note précédente.204 Voir tableau n° 2.205 E. Fügedi, Kapisztránói János, 880-883; Andrić, 326-336.206 Signalons que l’historiographie hongroise a repris ce terme à son compte: il y est tou-

jours question de beginák, et non de harmadik rendű apácak.207 Karácsonyi II, 540; E. Mályusz, Egyházi társadalom, 298.208 1er form., fol. 108 (pj n° 34).209 Cité par Karácsonyi II, 540.

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Autour de 1500, l’institution des tertiaires franciscaines avait déjà deux cents ans d’existence derrière elle en Hongrie. Sa première occurrence documentaire remonte à 1290 environ, à propos des sœurs de Buda210. La branche observante l’avait adoptée depuis le milieu du XVe siècle. Dès janvier 1445 en effet, le pape accordait aux membres de la vicairie observante de Bosnie le pouvoir de contrôler des fraternités franciscaines et d’en fonder de nouvelles211. En juillet de l’année suivante, avant la vague de transferts du milieu du siècle, Eugène IV leur reconnut à nouveau le droit de diriger des communautés de tertiaires des deux sexes, en précisant qu’ils en patronnaient déjà plusieurs212. On sait l’intérêt que portait Jean de Capestran aux fraternités. Il les avait vigoureusement défendues dans son Defen-sorium tertii ordinis beati Francisci213 et exaltait volontiers la mémoire de sainte Élisa-beth de Hongrie. La tradition franciscaine, depuis Bonaventure, faisait de cette fille du roi arpadien André II (morte en 1231 à Marburg et canonisée quatre ans plus tard) l’incarnation de la sainteté dans l’humilité à laquelle aspiraient par vocation les membres des tiers-ordre214. Dans un sermon qu’il prononça à Vienne peu avant son arrivée en Hongrie, Jean de Capistran déclarait qu’Élisabeth était la mère spi-rituelle de dix légions de tertiaires215.

On peine à dater et mesurer la progression numérique des fraternités hon-groises dépendant de couvents observants: les inventaires de l’ordre n’en par-lent pas avant les années 1530 et même à cette période le vocabulaire qui les désigne dans les autres sources reste flou. Lorsqu’elles affleurent enfin dans les textes, c’est au moment de leur disparition, en plein cœur du XVIe siècle. Il sem-ble acquis cependant que – alors que les couvents de clarisses sous tutelle obser-

210 Karácsonyi I, 541.211 Karácsonyi I, 327-328.212 …sicut etiam accepimus in diversis locis dictae vicariae quamplures sint utriusque sexus personae (...),

quae ad regulam tertij ordinis sancti Francisci de paenitentia nuncupati, singularem gerentes devotionis affectum ipsam regulam libenter profiterentur... MFL, fds I, ms XLI; CsML, bullaire de Szeged, 42.

213 A. G. Matanić, Il Defensorium tertii ordinis beati Francisci di san Giovanni da Cape strano, dans Il movimento francescano, dir. M. D’Alatri, 47-57. Édition: Hilaire de Paris, Liber tertii ordinis, Genève 1888, 803-833.

214 Cette présentation est évidemment erronée: Elisabeth mourut avant que les tertiaires franciscaines n’aient été dotées d’une véritable règle (1289) et les premières fraternités fran-ciscaines allemandes ne remontent pas au-delà des années 1240. I. Sz. Jónás, Árpád-házi Szent Erzsébet [Sainte Élisabeth de la maison d’Árpád], Budapest, 1986; M. Bihl, De tertio ordine, 139-140. En outre, le confesseur de sainte Élisabeth, Conrad de Marburg, n’a jamais appartenu à l’ordre de saint François. Santa Elisabetta Penitente Francescana. Atti del Convegno Internazionale di Studi nell’ottavo centenario della nascita di Santa Elisabetta d’Ungheria, Principessa di Turingia, éd. F. Scocca, L. Temperini, Rome, sous presse.

215 J. Hofer, Johannes Kapistran II, 188.

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vante n’attiraient guère plus de volontaires que ceux dirigés par les conventuels (sauf à Kolozsvár) – les tiers-ordre observants se multiplièrent à partir de la dernière décennie du XVe siècle216. Aux communautés dont les frères avaient hérité par transfert dans les années précédentes (à Buda, à Pest, et peut-être à Sárospatak), sans consultation des intéressées, s’ajoutèrent des créations spon-tanées traduisant cette fois le pouvoir d’attraction du franciscanisme réformé217. Cette vague de fondations se prolongea visiblement jusqu’au coup d’arrêt de 1531, lorsque le chapitre de la province salvatorienne décida, pour raisons de sécurité, de ne plus admettre de nouvelles sœurs218. Au début des années 1510, à l’apogée de l’observance hongroise, on peut raisonnablement évaluer le nombre de fraternités à une vingtaine; soit les deux tiers de celles qui dépendaient des frères mineurs, toutes branches confondues219. En moyenne, plus d’un cou-vent masculin sur quatre avait la charge spirituelle d’une fraternité féminine. Certaines n’abritaient qu’une poignée de sœurs (cinq ou six à Kusaly220, guère plus à Sárospatak jusqu’en 1503221). D’autres disposaient de bâtiments spacieux. La maison des “béguines” de Marosvásárhely, mise en vente en 1576 pour la somme de 75 florins, était en pierres et comprenait une dizaine de cellules222. La bâtisse édifiée par Dorothée de Rozgony à Sárospatak en remplacement de leur logement antérieur était suffisamment vaste pour recevoir le nom de claustrum dans un document rédigé en 1503, qui souligne au passage la beauté de son décor sculpté223.

De quel milieu social provenaient les membres de ces associations? Mé-fions-nous là encore du miroir déformant des sources, qui gardent plus aisément le souvenir des filles de notables que celui des autres pensionnaires. Les femmes de l’aristocratie continuaient, comme au siècle précédent, d’y tenir la première place. Ce sont elles qui se trouvent à l’origine de la plupart des fraternités, où elles fi-nissaient souvent leurs jours: la veuve de Jean de Marót à Gyula, Dorothée Bánfi

216 Voir Tableau synoptique des couvents, 5e colonne.217 C’est ce que fait observer Edith Pásztor dans Per la storia dell’esperienza (p. 122-123),

en conclusion de sa rapide présentation des fraternités tertiaires observantes de Hongrie au Moyen Âge.

218 Karácsonyi II, 542. Nous reviendrons sur cette décision dans le chapitre 11.219 Karácsonyi II, 540.220 Karácsonyi II, 541.221 La maison que Véronique de Páloc fit construire pour les tertiaires de Sárospatak en

1492, munie d’une cave, d’une entrée, d’une cuisine et d’un four séparé, ne comprenait que deux chambres. J. Szűcs, Sárospatak, 48.

222 Karácsonyi II, 554.223 J. Szűcs, Sárospatak, 48.

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à Gyöngyös, Véronique de Páloc à Sárospatak, Dorothée de Hédervár à Kusaly …224. Des sœurs d’extraction noble vivaient dans les fraternités de Buda – dont la fille d’un ispan qui, supportant mal la supérieure de l’établissement, demanda à être transférée dans une autre communauté vers 1510-1520225 –, de Kolozsvár (la fem-me de Salatiel de Fráta en 1522), de Marosvásárhely (Dorothée de Harinna, veuve d’un puissant baron, en 1503), de Sárospatak (Suzanne de Matucsina en 1492), de Pest (deux membres sur cinq cités dans les années 1520)226. On y rencontrait aussi des filles de la petite noblesse (une suivante de Marguerite de Szilágy à Pest) et de la bourgeoisie: deux filles de cives de Pest dans les années 1520227 puis, jusqu’à sa mort en 1531, Madeleine, la veuve du lapicide de Kolozsvár déjà nommée. Celle-ci avait fait construire à ses frais une chapelle privée pour la communauté, dédiée à saint François228 – comme Dorothée de Rozgony, veuve du baron Émeric de Pálóc, qui avait financé en 1503 la construction d’une chapelle (du Saint-Esprit) en faveur des tertiaires de Sárospatak, en même temps que celle d’un nouveau cloître229. Reproduisait-on dans ces associations la hiérarchie de la société civile? Les supérieures (prelatae) n’appartenaient pas nécessairement aux lignages aristo-cratiques: Catherine de Bogát, première supérieure de la fraternité de Gyöngyös en 1500, et Catherine de Csík, supérieure des tertiaires de Kolozsvár en 1531 ne semblent pas en être issues230. Pour autant, il serait hâtif d’en déduire que tous les milieux étaient également représentés dans les fraternités observantes, des plus pauvres aux mieux lotis, et que leurs membres oubliaient leur rang social après leur entrée dans la communauté.

Des foyers d’expérimentation religieuse?

D’abord installées dans les villes, selon l’usage, les communautés tertiai-res fleurirent peu à peu dans les bourgades et les gros villages (Ozora, Petróc, Tövis…)231. Les rares vestiges archéologiques qu’il en reste montrent que leurs maisons se trouvaient, autant que possible, dans le voisinage immédiat des frères.

224 Karácsonyi II, 541 550 556; J. Szűcs, Sárospatak, 47-48.225 Karácsonyi II, 547.226 Karácsonyi II, 101 553 557 555.227 Karácsonyi II, 555.228 EEMH, t. II, 178-181. Voir aussi chapitre 10.229 J. SZűCS, Sárospatak, 48.230 Z. Fáy, Ferencesek Gyöngyösön, 25; Karácsonyi II, 551. Source: EEMH, t. II, 181.231 Il convient donc de nuancer l’affirmation de János Karácsonyi (t. II, 541) selon la-

quelle les fraternités franciscaines s’implantaient généralement dans les centres urbains.

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A Buda, à Pest et à Sárospatak, comme du temps des conventuels, il suffisait de traverser la rue232. La fraternité féminine de Kolozsvár avait sa maison en face de l’église du couvent masculin, rue du Loup233. Celle de Marosvásárhely jouxtait le cimetière franciscain234. L’explication est simple: comme partout, les soeurs de-vaient pouvoir suivre commodément les célébrations dans l’église conventuelle; en sens inverse, il fallait que les religieux puissent leur administrer les sacrements sans retard.

En vertu de la bulle de 1445 évoquée plus haut, le vicaire de la province devait placer à la tête de chaque communauté un directeur spirituel235, recruté ha-bituellement parmi les membres du couvent masculin voisin. Ce n’est pas lui mais le vicaire provincial qui décidait en vertu des statuts provinciaux de l’admission de nouveaux membres dans la fraternité. Le custode avait le droit de les inspecter, par délégation et sur mandat du vicaire, cette tâche étant normalement laissée aux visiteurs de la province (d’après les Constitutions de 1499 et les textes des années 1530)236. Comme il le faisait pour les frères, le custode autorisait parfois les sœurs tertiaires à changer d’établissement, à leur demande. Le premier formulaire reproduit la permission accordée par un custode à une tertiaire, la supérieure du cenobium de Buda nommée Anne, qui souhaitait changer de maison et exercer sa dignité (prelationis officium) dans une nouvelle communauté, à Gyöngyös. Il n’y posa qu’une condition, la même que pour les profès: qu’elle soit accompagnée pendant son déplacement237.

La tutelle exercée par les religieux suffit-elle à marquer de l’empreinte de l’observance le genre de vie des sœurs tertiaires? Nous sommes en droit d’en douter. En effet, on n’y trouve aucune trace de rigorisme particulier avant le mi-lieu des années 1520 (contrairement à certains exemples italiens, Foligno, Padoue ou Pérouse notamment238). A la suite d’Eugène IV, Léon X rappelait seulement en 1513 aux dirigeants hongrois le droit pour les tertiaires de vivre dans des maisons spécifiques – que les sources appellent souvent cenobium239 –, d’y avoir une cha-pelle privée, d’y installer des chambres séparées et de porter l’habit monastique240.

232 Karácsonyi II, 544 138 556.233 Karácsonyi II, 551.234 Karácsonyi II, 553.235 Karácsonyi I, 327-328.236 LERH III, 613; Kollányi, 83-85.237 1er form., fol. 108-108v (pj n° 34).238 M. Sensi, Il movimento francescano della Penitenza, 420-421; A. Rigon, I penitenti di san Fran-

cesco, 310; G. Casagrande, Aspetti del Terz’Ordine, 383-388.239 1er form., fol. 108v.240 Karácsonyi I, 369; J. Szűcs, Ferences ellenzéki, 420.

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CHAPITRE 6272

Celui-ci, de couleur grise selon les sources du début du XVIe siècle241, ne se démar-quait en rien de la tenue des tertiaires conventuelles. Les ressources matérielles des fraternités encore moins. Comme les clarisses, les moniales des autres ordres et les tertiaires dépendant des frères mineurs con ventuels, à qui la mendicité était interdite, les tertiaires observantes vivaient principalement de revenus fonciers. Celles de Gyula possédaient plusieurs tenures dans la ville au milieu du XVIe siècle, qui s’ajoutaient aux revenus en nature qu’elles recevaient chaque année depuis la fondation de la fraternité (ou peu après, au plus tard en 1510)242. En général, ces terres ou leur produit leur avaient été attribués dès la création de la communauté par le fondateur, ou plus tard, comme à Sárospatak en 1504243. Les descendants suivaient ensuite son exemple (à Kusaly en 1508244). A leur arrivée, les filles de la noblesse cédaient de nouveaux biens à la communauté, ce qui permettait d’entre-tenir leurs consoeurs. Des testaments vinrent enrichir par la suite ces dotations initiales, tel celui de Madeleine Kőfaragó en 1531, qui légua à la communauté de Kolozsvár une terre de labour245. Les sœurs procédèrent aussi à des acquisitions, comme à Buda, où elles achetèrent une vigne en 1518 et un pré en 1521, alors qu’elles possédaient déjà la terre de Békásmegyer246. Et elles n’entendaient pas en être spoliées. Les tertiaires de Buda furent longtemps en procès contre un aristocrate qui voulait avantager les clarisses d’Óbuda au début des années 1480, à propos d’un étang à poissons dont elles s’estimaient seules propriétaires247. On a des exemples plus probants de rivalité avec les moniales de ce point de vue à Kolozsvár, où les clarisses dépendaient du même couvent observant que les ter-tiaires. La veuve de Georges le Lapicide, qui fit de généreux dons aux tertiaires de Kolozsvár par testament, ainsi qu’aux frères du couvent voisin, aux bénédictines de Saint-Gilles et aux dominicains, ne céda pas un kopeck aux clarisses248. En 1544, alors que la municipalité leur avait demandé de faire un geste en faveur de ces dernières, dont les bâtiments tombaient en ruines, les tertiaires franciscaines

241 Le testament de Madeleine Lapicida parle ainsi en 1531 de sororibus tertii ordinis beati Francisci sub habitu griseo. EEMH, t. II, 179. Voir aussi Karácsonyi II, 540.

242 Karácsonyi II, 550.243 Karácsonyi II, 557.244 Karácsonyi II, 553245 Item agrum arabilem meum lego sororibus jam dictis sancti Francisci. EEMH, t. II, 180. Voir

aussi Karácsonyi II, 551.246 Karácsonyi II, 546-547.247 Karácsonyi II, 546-547.248 Karácsonyi II, 459-460 551-552. Source: EEMH, t. II, 178-181.

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UNE POSITION DOMINANTE 273

refusèrent obstinément de leur laisser une partie de leurs murs. Les moniales du-rent vendre leur temporel pour survivre249.

Quelle règle suivaient ces femmes? Celles de 1231 et de 1289 leur servirent longtemps de cadre législatif, à défaut de règlements par communauté, interdits aux tertiaires hongroises comme ils l’étaient aux religieux. En 1524, frère Michel de Besenyő composa cependant à leur intention (ou copia ?) des statuts plus détaillés, s’étalant sur huit pages de manuscrit. Intitulés Constitutiones sororum tertii ordinis de prima nuncupatarum, ils reprennent dans l’esprit les clauses traditionnelles, en y ajou-tant toutefois de nombreux détails concrets et en alourdissant de manière générale les contraintes qui pesaient sur les tertiaires250. Le texte s’efforce de calquer le mode de vie des sœurs sur celui des profès. Leur temps se partageait normalement entre la prière (au moins cent Pater et cent Ave par jour), la méditation privée et le travail manuel. Elles se rassemblaient plusieurs fois par jour, au son de la cloche, pour les repas, pris en commun, et les offices quotidiens. Elles aussi étaient tenues de garder le silence entre le dîner et le premier office du matin. Chaque semaine, elles avouaient leurs fautes devant la supérieure, dans la plus grande discrétion. Elles pouvaient consommer du vin, mais en quantité modérée et coupé d’eau. Aucune ne devait sortir de la maison sans être accompagnée d’une consoeur, y compris pour se rendre à l’office dans l’église franciscaine. Les laïcs, même s’il s’agissait de femmes, n’entraient dans l’éta blissement que munis d’une autorisation de la supé-rieure. Les tertiaires devaient développer les vertus d’obéissance, d’humilité et de sincérité. Comme chez les frères, les manquements étaient sanctionnés, après trois rappels, par l’exclusion que prononçait le visiteur de la province, en concertation avec les sœurs âgées de l’établissement. Pour faire pénitence, les tertiaires devaient se flageller (flagello disciplinare) tous les vendredis et porter le cilice (cilicium) deux fois par semaine – ce que les statuts primitifs n’imposaient pas expressément aux religieux masculins251. Le niveau des exigences restait malgré tout bien en dessous de celui des fraternités italiennes. La pauvreté personnelle et la chasteté n’étaient pas formellement imposées. La clôture demeurait perméable. Madeleine Kőfaragó, avant d’entrer post mortem dans la communauté de Kolozsvár, comptait déjà de nombreuses amies dans celle-ci, d’après son testament252. Le chapitre de 1533 dut

249 Karácsonyi II, 459.250 Ces pages avaient été ajoutées à une version manuscrite des Constitutions d’Atya con-

servée au couvent de Gyöngyös et tout récemment retrouvée sur place (Cod. Med. 4). Édition moderne bilingue: A. Korányi, Egy XVI. századi. Voir aussi Kollányi, 83-85 et Z. Fáy, Ferencesek Gyöngyösön, 25.

251 Egy XVI. századi, éd. Korányi, 138; Kollányi, 83-85.252 EEMH, t. II, 179 181.

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CHAPITRE 6274

demander aux tertiaires d’éloigner de leurs cellules les statues en bois de la Vierge Marie dont elles avaient coutume de décorer leur logis, pour éviter que des laïcs n’en trent ou ne sortent de leur maison sous prétexte de les admirer ou d’y prier, alors qu’ils nourrissaient en réalité des intentions coupables. Il leur interdit aussi de quêter253. Observons pour finir qu’en dépit de l’exemple sublime qu’incar-nait sainte Élisabeth, on ne demandait pas aux tertiaires hongroises de pratiquer l’exercice de la charité (à la différence des sœurs grises flamandes, par exemple).

Les statuts de 1524 traduisent un alourdissement sensible des obligations communautaires par rapport au début du siècle. Tardif, ce texte est aussi le té-moin de profonds changements dans les modèles de piété proposés aux laïcs: l’insistance sur la mortification corporelle, apparemment absente des règlements masculins, est une donnée très récente. Elle témoigne de l’évolution de la reli-giosité des laïcs dans un sens pénitentiel. On en repère les premiers signes dans les années 1510, au sein d’autres associations dépendant également de couvents observants. Sans anticiper sur le prochain chapitre, remarquons seulement que les fraternités observantes servirent de laboratoires à des expériences religieuses d’un genre nouveau. Quant à savoir si l’impulsion venait de leurs membres ou des frères dont elles dépendaient, c’est là une question qu’il nous faut provisoirement laisser en suspens.

Au tournant des XVe et XVIe siècles, les frères de l’observance apparaissaient indiscutablement comme l’avant-garde de l’Église en marche. Leurs pratiques “déteignirent” de manière prévisible sur les franciscains conventuels. Un seul exemple: ceux-ci renoncèrent peu à peu à leurs revenus fonciers, préfigurant ainsi la décision générale de renonciation aux biens-fonds formulée peu après 1517254.

Les observants avaient conquis les postes qui les plaçaient aux commandes de l’Église hongroise et exerçaient désormais une influence idéologique considé-rable dans tout le royaume. Par les sermons qu’ils prononçaient ou qu’ils faisaient dire par d’autres, ils façonnaient les croyances et les pratiques religieuses des fidè-les. L’ensemble de la population, des aristocrates aux humbles paysans, les tenait maintenant en haute estime, même s’ils ne franchissaient pas tous le pas de l’en-trée en religion ou dans une fraternité de tertiaires.

253 Kollányi, 86-87.254 Voir chapitre suivant.

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TROISIÈME PARTIE

DÉBUT DE CRISE (VERS 1510 - VERS 1525)

La période définie ici, relativement brève, valait qu’on lui consacre une partie spécifique. Elle marque en effet une étape décisive dans l’histoire de l’observance franciscaine hongroise. A l’heure même où le mouvement se trouvait à son apo-gée sur le plan numérique, idéologique – depuis la diffusion des œuvres de ses plus illustres prédicateurs par delà les frontières nationales – et institutionnel – grâce aux rouages perfectionnés de la machine provinciale, bientôt consolidés par le triomphe général de l’observance franciscaine en 1517 –, des signes inquiétants se multipliaient.

Depuis plusieurs années, des courants de pensée divergents minaient l’unité morale de la province hongroise, courants que les dirigeants parvenaient de plus en plus difficilement à canaliser. Il n’y avait pas que cela. Par son engagement sans réserve au service de la papauté, sa vision traditionnelle de la foi et de la pratique religieuse – qu’elle appliquait à ses propres membres – l’ordre répondait de moins en moins aux attentes spirituelles des fidèles d’une part, et des frères de l’autre. Or elles s’étaient intensifiées tandis que montait l’angoisse de la fin des temps, sur fond de péril ottoman. Grisés par les succès des décennies précédentes, les res-ponsables de la province ne comprirent la gravité du problème que lorsqu’il éclata au grand jour, brusquement révélé par la révolte paysanne de Georges Dózsa au printemps 1514.

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Chapitre 7

UN ORDRE EN PORTE-À-FAUX

L’étroite symbiose qui unissait les Hongrois aux “frères de Cseri” se trouva peu à peu menacée par deux ensembles de faits. Le premier touche à l’évo lution générale de la piété en Hongrie. Le second concerne les inflexions récentes de l’observance magyare. Plus que jamais décidée à faire cavalier seul au sein du mouvement, au nom de l’indépendance nationale, elle s’écarta progressivement des autres provinces réformées, dans le contenu du message qu’elle délivrait aux fidèles comme dans sa manière de vivre l’idéal franciscain.

Commençons par rappeler quels changements affectèrent le contexte reli-gieux; sans quoi l’on ne peut comprendre les événements survenus durant cette période charnière pour l’histoire de l’observance hongroise.

I. Le tournant religieux des années 1510 en HongrieLes progrès spectaculaires de l’observance franciscaine avaient été enregis-

trés dans le contexte d’un christianisme sûr de lui, optimiste et conquérant. Les fi-dèles étaient persuadés de pouvoir accéder au bonheur éternel en s’acquittant des obligations élémentaires que leur rappelaient régulièrement les clercs de paroisse comme les prédicateurs mendiants, observants inclus. Tous ne leurs répétaient-ils pas à l’envi que les bonnes œuvres, plus précisément la pratique des aumônes, les menaient droit vers le Ciel? Tenus en respect par les armées chrétiennes depuis la victoire de Belgrade, les Infidèles n’inspiraient plus une crainte aussi grande qu’auparavant. Les hérétiques avaient quitté le pays depuis longtemps et leurs complices orthodoxes, trop heureux d’avoir trouvé asile en Hongrie, gardaient profil bas1. A partir des années 1510 environ – voire plus tôt encore, dès le tour-nant du XVIe siècle –, ces fières certitudes volèrent en éclats.

1 Voir Introduction ainsi que, pour en savoir plus sur le contexte général de la Hongrie dans la seconde moitié du XVe siècle, les ouvrages cités dans la rubrique Ouvrages généraux de la Biblio-graphie (contexte local), en commençant par P. Engel et alii, Magyarország története II.

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CHAPITRE 7278

Un malaise général

En quelques années en effet, l’horizon s’assombrit. Les souverains qui avaient succédé à Mathias Corvin n’avaient pas sa force de caractère. Leur personnalité indécise et influençable laissait la réalité du pouvoir à une clique d’individus – ba-rons de la cour, chanceliers, membres du conseil ou créanciers du roi – dont les motivations, dominées par des objectifs personnels ou “catégoriels”, servaient rarement l’intérêt du royaume. La peste ravagea le pays presque chaque année, à l’automne 1508, puis en 1509 et plus encore à la fin de l’été 1510. Si la Renaissance continuait de s’épanouir dans les cours épiscopales et baronniales, la récession économique toucha durement les villes et les paysans croulaient sous le joug des impôts. Le contraste était devenu saisissant, pour ne pas dire choquant, entre l’éblouissante splendeur des palais et des chapelles de marbre sculpté des pré-lats et des richissimes barons d’une part, et la misère dans laquelle se débattaient la masse des paysans et des journaliers urbains. Les deux grands prédicateurs observants s’en émouvaient dès la fin du siècle précédent. Pelbart de Temesvár promettait les souffrances de l’enfer aux puissants qui se faisaient construire de somptueuses demeures tandis que les habitants des alentours mouraient de froid et de faim2.

Des révoltes éclatèrent en divers points du royaume, sur les domaines laïques comme sur les terres ecclésiastiques. En 1509, les habitants de la bourgade de Cegléd assassinèrent l’intendant du couvent de clarisses d’Óbuda venu percevoir les redevances habituelles. Les Sicules de Transylvanie se rébellèrent à plusieurs reprises contre les nouvelles taxes qu’on prétendait leur imposer. La grande jac-querie de 1514, réprimée dans le sang, déboucha sur une législation qui établit une fracture définitive entre les paysans et les propriétaires du sol, attisant les tensions qui couvaient. Les mineurs ne tardèrent pas à imiter les paysans dans les années 1520. Enfin, l’avènement en 1512 de Souleiman Ier mit fin à la paix relative avec l’Ottoman, qui, de trêve en trêve, durait depuis celle signée par Mathias Corvin en 1483. Le nouveau sultan avait donné à ses chefs de guerre le mot d’ordre suivant: harceler la Hongrie sans relâche, jusqu’à ce qu’elle tombe d’elle-même comme un fruit mûr. L’écrasante supériorité militaire de l’ennemi, déjà manifeste sous le règne de Mathias, ne laissait, à terme, aucune chance à la Hongrie. A moins que les autres puissances chrétiennes ne se décident enfin à lui apporter suffisamment de renforts, un objectif qu’elles classaient alors au dernier rang de leurs priorités3.

2 Cité dans Fény és árnyék a középkori Magyarországon [Ombres et lumières en Hongrie mé-diévale], éd. L. Zolnay, Budapest 1983, 230-231.

3 Voir les ouvrages cités dans la rubrique Ouvrages généraux de la Bibliographie.

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UN ORDRE EN PORTE-À-FAUX 279

Du coup, la morosité envahit peu à peu les esprits. On passa en quelques années de l’optimisme à la critique ouverte puis à l’angoisse obsessionnelle. Ce changement de ton est particulièrement perceptible dans l’historiographie hon-groise de l’époque. Dans sa Chronique des Hongrois imprimée en 1488, Jean de Thuróc (v. 1435-1489) présentait le règne de Mathias Corvin comme l’apo théose de l’histoire du peuple magyar, une histoire faite de prouesses successives depuis le temps d’Attila et porteuse d’un avenir radieux. En écrivant en 1496 le dernier volume des Rerum Hungaricarum decades, l’humaniste Antoine Bonfini se montrait déjà moins enthousiaste. La virtus qui avait permis à Mathias et à ses brillants pré-décesseurs de pallier les aléas d’une Providence peu à peu oubliée par les hommes ne lui semblait pas la valeur la mieux partagée par les nouveaux dirigeants du pays. Ce ton désabusé aboutit dans les années 1540 au De perditione Regni Hungarorum de Georges de Szerém: l’ancien chapelain royal de Louis II Jagellon passé au ser-vice de Jean Ier de Szapolya y relate avec amertume les événements survenus du milieu du XVe siècle jusqu’en 1543, autrement dit de l’apogée du royaume à son effondrement4. Les prélats et les barons se firent l’écho de cette vision pessimiste. Pierre de Várda déplorait dans sa correspondance avec le roi Wladislas II Jagellon, la décadence de son époque5. Les frères mineurs de l’observance ne faisaient pas exception: Oswald de Laskó et Pelbart de Temesvár considéraient dès la fin du XVe siècle que le pays magyar était sur la pente du déclin6.

Critiques contre l’Église et ses représentants

Face à ces terribles fléaux, vers qui se tourner pour trouver du réconfort? L’Église hongroise avait peu à offrir. Car elle donnait alors une image d’elle-même très éloignée des principes qu’elle prétendait défendre. Elle aussi était touchée par la crise, plus sans doute qu’aucune autre institution du royaume. Depuis Mathias Corvin, les prélats n’étaient plus recrutés en fonction de leurs aptitudes morales ou spirituelles, mais pour leurs talents de conseillers et de diplomates, ou parce qu’ils appartenaient à un lignage princier qu’il convenait de satisfaire pour les be-soins de la politique extérieure. Ils passaient le plus clair de leur temps à la cour ou à l’étranger, vivaient dans un luxe ostentatoire et con fiaient la direction de leur(s) diocèse(s) à des clercs recrutés à la hâte. Hippolyte d’Este, Georges de Szatmár ou encore Paul de Tomor, pour s’en tenir aux plus connus, défrayaient la chronique

4 M. Tarnóc, Mátyás király, en particulier 64-66 et 114-115.5 L. Pásztor, A magyarság vallásos, 3.6 OL, Dom., sermo XXXIX, paragraphe T; L. Pásztor, Temesvári Pelbárt, 152-153.

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par leurs excès de table et de lit7. Ils n’échappaient pas à la critique, naturellement. Les prédicateurs observants furent très tôt mis en garde contre la tentation d’y prendre part. Les Constitutions de 1499 interdisaient aux prédicateurs de l’ordre de brocarder les ministres de Dieu8. Le prochain chapitre montrera qu’elles ne furent pas toujours respectées. On se souvient par ailleurs de ce qu’Oswald de Laskó et Pelbart de Temesvár, au nom de la solidarité et de la dignité cléricales, recomman-daient aux laïcs de conserver le plus grand respect à l’égard des clercs, même lorsque leur comportement était visiblement scandaleux9.

En quelques décennies, ces prélats qui n’avaient de clercs que le nom rui-nèrent le travail patiemment accompli par les évêques réformateurs des siècles précédents. Jusqu’à Denis de Szécs inclus, ces derniers s’étaient donné beaucoup de mal pour élever le niveau moral et culturel des clercs paroissiaux, dont le choix restait l’affaire des seigneurs. Leur imposer le célibat s’avéra mission impossible. On se souvient de la stupeur de Jacques de la Marche devant l’étendue du nico-laïsme dans le diocèse de Pécs dans les années 1430. Les synodes de la fin du XVe siècle et du début du XVIe siècle réitèrent inlassablement les mêmes prescriptions à ce sujet, révélant par là leur inefficacité10. Certes, tous les membres du bas clergé séculier n’étaient pas aussi médiocres que ce que l’on a parfois écrit, sur-tout dans les villes, où prédicateurs et chapelains, souvent formés à l’université ou au moins dans une école cathédrale, accomplissaient convenablement les tâ-ches pour lesquelles ils avaient été recrutés11. Les réguliers offraient un spectacle rassurant. Leur prospérité matérielle – assise sur d’immenses domaines fonciers reçus du roi ou des aristocrates depuis leur fondation – et l’extension spectacu-laire du système des commendes sous le règne de Mathias Corvin n’empêchè-rent pas les abbés de poursuivre les efforts entamés depuis l’époque angevine pour remédier au tarissement dramatique des vocations et au relâchement de la discipline qui l’ac compagnait généralement. Les cisterciens, bientôt suivis des bénédictins et des prémontrés opérèrent d’importantes réformes, avec le sou-tien du roi (Mathias Corvin puis Wladislas II) et de leurs confrères étrangers. Elles portèrent leurs fruits dès la première décennie du XVIe siècle12. Les ermites

7 E. Hermann, A katolikus egyház, 195-197; E. Mályusz, Egyházi társadalom, 171-185 193-196.8 Insuper caveant praedicatores praedicti, ne quando praedicare praesumant (…) ecclesiasticis personis

detrahere, vel (quod absit) scandalum contra clerum vel religionem aliquam excitare… LERH III, 633.9 Voir chapitre précédent.10 E. Hermann, A katolikus egyház, 197-198.11 M.-M. de Cevins, L’Église dans les villes hongroises, 169-178.12 E. Hermann, A katolikus egyház, 198-202.

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de saint Paul, moins riches mais très appréciés dans le pays, continuaient d’attirer nombre de pèlerins auprès des reliques de saint Paul l’Ermite, près de Buda.

Les franciscains conventuels s’amendèrent eux aussi. Le rigorisme de Luc de Segösd, ministre provincial de 1491 à 1496, lui valut d’abord l’hostilité de ses confrères: il ne fut pas réélu. Mais les religieux se ravisèrent. Moins de dix ans plus tard, en 1507, ils le placèrent à nouveau à la tête de la province. Le texte des nouvelles constitutions adoptées le 2 février 1508 à l’instigation de Luc de Segösd témoigne de ce changement: si le fond ne varie guère, le ton y est nettement plus injonctif et les sanctions plus lourdes que dans les statuts de 145413. La portée de la réforme de Fabien d’Igal s’en trouva considérablement élargie. Ainsi, la ges-tion du produit des aumônes fut systématiquement confiée à un confrater laïc à partir de la fin des années 151014. Les sources de la pratique montrent que les frères mineurs allèrent plus loin, parfois, que ce qu’attendaient les dirigeants de la province, notamment en matière de pauvreté. Ils commencèrent à se défaire des biens fonciers qu’ils possédaient à titre communautaire – alors que les constitu-tions de 1508 les toléraient. Dès 1516, les religieux du couvent de Nagyszombat restituèrent à son ancien propriétaire la terre d’Újfalu15; après quoi les autres cou-vents mirent rapidement en vente les derniers biens fonds rattachés aux couvents, en application des directives découlant de la fusion de 151716. Ils drainaient tou-jours dons et faveurs au début du XVIe siècle. De la part d’aristocrates (Georges de Bátor, le palatin Émeric de Perény…), mais aussi de notables des villes. Georges Csapy et sa femme léguèrent en 1522 au couvent de Kassa la coquette somme de 300 florins pour financer les nécessaires travaux de réfection. En 1536 encore, le judex de Szeged, Étienne Zákány, invitait les frères à tenir chapitre dans la ville, à ses frais17. Certaines des confréries de laïcs qui se réclamaient de la famille fran-ciscaine comptaient parmi les plus actives du royaume, telle la confrérie Notre-Dame de Presbourg, affiliée à la communauté spirituelle de l’ordre en 146118; dans les années 1520 encore, elle s’accroissait de nouveaux membres19.

Moines ou séculiers, les hommes d’Église avaient malgré tout le tort aux yeux des habitants du royaume magyar de se soumettre docilement à celui qu’ils considéraient de moins en moins comme leur chef spirituel: le pape. N’y voyons

13 Karácsonyi I, 75 79-81.14 Karácsonyi I, 73, 85.15 Karácsonyi I, 83.16 Karácsonyi I, 84-86 88; autres exemples: ibid., I, 183-184 284-285.17 Karácsonyi I, 86, 97.18 Karácsonyi I, 69.19 Karácsonyi I, 82-97.

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pas l’effet du doute protestant. Entrées insidieusement à la cour, dans l’entourage de la reine Marie de Habsbourg, les idées luthériennes ne progressèrent réelle-ment en Hongrie qu’à partir des années 1520, en se limitant dans un premier temps aux villes germanophones. L’émergence du sentiment national et les rela-tions houleuses entre Mathias Corvin et le Saint-Siège dans le dernier quart du XVe siècle creusèrent néanmoins un fossé de plus en plus profond entre les chrétiens de Hongrie et le successeur de Pierre. En dépit des initiatives de la papauté pour mettre en place une croisade contre les Turcs, seule susceptible de sauver le pays d’une invasion ottomane, la Hongrie ne semble pas avoir échappé au courant antipapiste qui touchait la Chrétienté occidentale depuis la fin du XVe siècle20. Le souverain pontife apparaissait avant tout comme un extorqueur de fonds, plus soucieux d’embellir sa demeure et sa Ville, notamment par les ambitieux travaux en cours à Saint-Pierre, que de panser les plaies de l’Église et de proté-ger les chrétiens des coups de boutoir des Infidèles. Les indulgences jubilaires, dans ce contexte, viraient au fiasco. Un témoin rapporte que l’on trouva à Buda, dans l’un des troncs recueillant les dons du jubilé de 1525, un billet portant ces mots: “Emmène ton jubilé à Rome, mais laisse ici notre argent!”21. On notera à ce propos que, tout en réaffirmant la supériorité de l’autorité pontificale et en s’en faisant régulièrement les hérauts, les prédicateurs observants contribuaient indirectement à la désavouer: pensons seulement aux réserves qu’émettait Pelbart de Temesvár quant aux bénéfices spirituels que les fidèles devaient attendre des indulgences22.

L’attirance pour de nouvelles formes de piété

La crise religieuse ne tarda pas à ébranler les convictions des fidèles, sur le plan des croyances comme sur celui des pratiques. La recrudescence des mou-vements eschatologiques, perceptible en Italie comme en France et en Alle-magne depuis l’extrême fin du XVe siècle23 toucha le royaume magyar, par des canaux de diffusion mal connus, dès les premières années du XVIe siècle. Certes, les témoignages documentaires manquent pour mesurer le foisonnement, dans les discours des prédicateurs, à la cour et dans la rumeur populaire, des prédic-tions annonçant l’arrivée imminente de l’Antéchrist, si nombreuses en Italie

20 Histoire du christianisme VII, dir. J.-M. Mayeur et alii, 315.21 V. Fraknói, Magyarország a mohácsi vész, 126-128.22 Voir chapitre précédent.23 Voir Histoire du christianisme VII, dir. J.-M. Mayeur et alii, en particulier p. 151-158 et 302-

307. Leur impact a parfois été surestimé cependant.

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par exemple24. Mais les circonstances locales favorisaient indiscutablement leur éclosion: la misère dans les campagnes, les épidémies de peste et la progression inexorable des Turcs n’étaient-ils pas les fléaux qui annonçaient la fin des temps? Certains clercs, réguliers notamment, crurent trouver confirmation de leurs dou-tes dans les œuvres de Joachim de Flore. Rappelons qu’on lui attribuait alors les prophéties selon lesquelles l’avènement de l’”Église spirituelle” (ou Âge de l’Es-prit) serait précédé de la victoire temporaire de l’An téchrist (assimilé ici aux Turcs) puis de la chute de l’Islam25. Les recherches d’Andor Tarnai et d’Erik Fügedi ont montré en quoi les écrits des membres hongrois de l’ordre des ermites de saint Paul reflétaient ces croyances chiliastes. Elles eurent des conséquences désastreu-ses sur l’avenir du pays. En alimentant chez clercs et laïcs un profond fatalisme qui les incitait à fuir la réalité plutôt qu’à l’affronter (en se mobilisant contre les Turcs, par exemple), elles eurent les mêmes effets psychologiques que l’hésychasme by-zantin dans les décennies ayant précédé la chute de Constantinople26. Oswald de Laskó lui-même, tout en défendant énergiquement la croisade contre les Infidèles, se fait l’écho de la conception selon laquelle Dieu avait envoyé les Turcs pour pu-nir les hommes (en particulier les Hongrois) de leurs péchés27. Paradoxalement, ces idées entraînèrent aussi des réactions extrêmes et désespérées. Elles resteront l’affaire d’une minorité, mais l’étincelle ne demandait qu’à prendre feu. Puisqu’il était écrit que les “justes” seraient persécutés, pourquoi ne pas entrer en guer-re contre les ennemis du Christ? Voilà qui renforçait la légitimité de la croisade contre les Infidèles, que souhaitait le pape, mais pouvait également autoriser une insurrection contre tous ceux qui – fussent-ils seigneurs ou prélats – s’op po saient à l’ac com plissement des plans divins. Paysans en colère et ouvriers des villes trou-veront dans ce discours la justification de leur combat. Nous mesurerons bientôt sa part dans les événements de 1514.

Pour l’heure, il s’agissait de courants minoritaires au sein de la population hon-groise. La majorité des fidèles – à en juger par les préambules des testaments et les maigres éléments de correspondance privée qui ont subsisté – continuait de faire confiance aux représentants de l’Église établie. Ils donnaient encore la priorité, au milieu des années 1520, aux “bonnes œuvres”. Ils fondaient des messes et veillées perpétuelles, effectuaient des pèlerinages par délégation ou achetaient des indul-gences, plus souvent qu’ils ne prenaient l’ha bit ou se faisaient ermites. Ils étaient néanmoins en quête d’expériences nouvelles sur le plan religieux. Certains s’inté-

24 J.-M. Le Gall, Les moines, 141-147; M. Rosa, Clero e società nel’italia moderna, 114-115.25 Histoire du christianisme VI, dir. J.-M. Mayeur et alii, 327-328.26 E. Fügedi, Tarnai Andor, 242-243.27 OL, Gemma fidei, Haguenau, 1507, sermo XXXIII.

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ressaient-ils de près au mysticisme contemplatif? On aimerait en avoir la preuve. Toujours est-il qu’ils appréciaient maintenant les exercices de piété, dans le sillage de la dévotion moderne, et entraient massivement dans les confréries28. Réciter les prières imposées ne leur suffisait plus. Ils souhaitaient en venir à une pénitence plus démonstrative. On assista à la renaissance d’un mouvement disparu depuis un siècle: celui des flagellants. La chronique observante hongroise rapporte à l’année 1512 que, quelques années auparavant, une societas et confraternitas verberatorum avait vu le jour dans la bourgade de Pápa, en Transdanubie, où se trouvait un couvent observant. L’associa tion essaima par la suite dans tout le royaume, formant un vé-ritable réseau national. Elle était dirigée par des responsables reconnus et respectés, comme l’at teste une notation du premier formulaire adressée circumspectis viris decanis et rectoribus confraternitatum sew societatum de Misericordia alias Verberatorum regni Hunga-rie29. Elle connut un tel succès populaire que les bourgeois et les clercs de la ville de Nagybánya s’en inquiétèrent auprès des dirigeants de la province salvatorienne. Ils leur demandèrent d’ordonner sa dissolution et obtinrent gain de cause30.

Cette décision montre bien la difficulté qu’éprouvaient les frères de l’obser-vance franciscaine à se positionner par rapport aux bouleversements religieux du début du XVIe siècle. Entre tradition et modernité, ils tranchèrent en faveur de la première. S’ils voulaient continuer d’apparaître comme l’élite militante de l’Église et susciter un vrai renouveau, ils ne pouvaient se borner à critiquer le luxe des pré-lats et à recommander aux fidèles de s’acquitter de leurs obligations élémentaires. C’est pourtant ce qu’ils firent.

II. Des frères compromis et dépassés

Tandis que beaucoup s’indignaient des scandales de la cour pontificale, les membres de l’observance franciscaine hongroise apparaissaient plus que jamais

28 M.-M. de Cevins, L’Église dans les villes hongroises, 190-211. L’analyse systématique des testaments de Presbourg dernièrement effectuée par J. Majorossy (PhD intitulé Church in Town : Urban Religious Life in Late Medieval Pressburg in the Mirror of Last Wills, PhD, CEU, 2006) conforte ce point de vue.

29 1er form., fol. 236.30 Infra istud tempus fuit suscitata et multiplicata in aliquibus locis provinciae societas et confra ternitas

verberatorum, quae antea solum habebatur in oppido Papa. Fuit propter talium multiplicationem non parva contradictio in plerisque locis, maxime in Bania, insurgentibus ibidem civibus et viris eccclesia sticis, per quos ca-lumnia quaedam imposita est fratribus non sine illorum tribulatione. Unde invalescente hujusmodi calumpnia, confraternitas praedicta ibidem fuit annihilata. C[h]ronica, 283.

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comme leurs dociles serviteurs. Dans le même temps, ils prônaient invariablement une foi inscrite dans les œuvres, ne tenant compte ni des nouveaux besoins spiri-tuels des laïcs, ni des grands débats théologiques de leur temps.

Les percepteurs du pape

On se souvient de l’active participation des membres de l’observance fran-ciscaine hongroise aux campagnes de souscriptions lancées par le Saint-Siège, en particulier depuis l’année jubilaire 1500. A partir de 1512, ils s’im pli quèrent plus directement encore dans la promotion des indulgences romaines. Ils ajoutèrent à leur rôle de propagandistes du pape la fonction de collecteurs pontificaux. Le 28 février 1512, Jules II chargea le vicaire de Hongrie de prêcher les indulgences pontificales, mais aussi de recueillir les fonds destinés à Rome; soit le tiers du total des sommes récoltées, le reste allant comme à l’accoutumée au trésor royal pour les buts de la guerre contre les Turcs31. Les frères observants devenaient par là des manieurs d’argent: ils ne demandaient plus seulement aux laïcs d’ouvrir leur bourse, ils regroupaient dans leurs coffres la part revenant au pape, dont ils avaient maintenant la cura et negotium. Le vicaire provincial – à nouveau qualifié pour l’occasion de commissaire pontifical – transmit aussitôt aux custodes les ordres reçus du souverain pontife, en distinguant soigneusement les sommes dues au successeur de Pierre, que les frères devaient réunir, de celles qui iraient au roi32.

Les textes du premier formulaire copiés dans la rubrique Circa Jubileum té-moignent de l’importance accordée par les responsables de la province à l’accom-plissement de la tâche qui leur était confiée33. Les recommandations du vicaire parvinrent – cette fois on en a la preuve – jusqu’à l’échelon conventuel. Michel d’Esztergom, gardien de Saint-Jean de Buda, aurait obtenu d’un évêque hongrois, Nicolas de Laskó, évêque in partibus de Vidin, la transcription des directives for-mulées par Jules II en février 1514. Une lettre rédigée peu après par le thesaurarius generalis du pape intitule le gardien de ce couvent commissarius in hac parte deputatus34.

31 Source: MFL, fds I, ms XCIV; Karácsonyi I, 368; Szűcs, 230.32 Blaise de Dézs adressa (fin 1513 ?) une lettre à un custode de la province l’informant du

contenu de la brève de Léon X relative à la tâche assignée aux observants hongrois. 1er form., fol. 119-119v; Szűcs, 236, qui édite une partie du texte.

33 Aux fol. 91v à 98, ainsi que dans quelques textes isolés du premier formulaire.34 Comme l’a fait observer Jenő Szűcs (dans A ferences obszervancia, 236, note n° 62), après

avoir identifié l’un des originaux ayant servi à ces transcriptions (MFL, fds I, ms XCVII). 1er form., fol. 96-96v 96v-97.

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Dans un autre passage du premier formulaire, un gardien déclare avoir été chargé de diffuser en tant que subdélégué apostolique la bulle d’indulgences pontificales destinée à financer les travaux de la basilique Saint-Pierre de Rome35; en vertu de quoi il accorde vers 1512-1514 à un chanoine nommé Pierre de Segesd, auctoritate apostolica, les bénéfices spirituels afférents36. Tous les gardiens avaient-ils été sol-licités? C’est peu probable, vu leur nombre. Sans doute les custodes n’avaient-ils contacté que les chefs des couvents les plus peuplés, ceux qui disposaient d’un gros effectif de prédicateurs. Et il y a fort à parier qu’ils tenaient compte de leur position géographique, en privilégiant les établissements ayant un certain rayon-nement régional.

Le premier formulaire reproduit plusieurs quittances illustrant le déroule-ment concret des opérations. Elles montrent que les frères travaillaient en étroite collaboration avec les agents du fisc royal. Ils suivaient la procédure sui vante: l’argent était d’abord levé par des percepteurs locaux laïcs (appelés domini fukari ou factores et procuratores regientes), souvent de condition noble et au nombre de deux. Il était ensuite apporté aux frères du couvent voisin, dans un coffre (archa, ladula seu capsa). Là, devant plusieurs témoins – les frères, le curé, les magistrats urbains –, un représentant du roi (le vice-trésorier par exemple) procédait au décompte de l’ensemble des sommes recueillies et remettait une quittance au gardien du couvent. Dans d’autres cas, c’est un religieux de l’établissement transformé en centre de perception qui, au nom du gardien, comptait l’argent; il apposait ensuite le sceau du couvent à sa déclaration. L’on séparait pour finir ce qui allait au roi du tiers pontifical37.

Et dire que, depuis saint François, règles et statuts interdisaient aux frères mineurs tout contact physique avec l’argent! Il y avait plus grave pour l’avenir du mouvement. Les observants hongrois se trouvaient désormais associés dans l’“opinion publique” à l’aspect le plus impopulaire du souverain pontife, celui d’éternel quémandeur de fonds. En outre, la confusion déjà ancienne entre jubilé et croisade était à son comble: les frères prêchaient la croisade tout en gérant les sommes censées partir pour… Rome.

Bien qu’ils n’ aient pas eu à les lever eux-mêmes, l’intervention des obser-vants dans le maniement des fonds du jubilé leur valut de vives critiques. L’auteur de la Chronique locale ne s’en cache pas: il rapporte que, dès 1512-1513, de nom-breux clercs, aussi bien réguliers que séculiers, leur en voulurent lourdement de

35 …guardianus loci t. quo ad executionem bullarum et litterarum sancti domini nostri Julii pape II pro fabrica ecclesie principis apostolorum emanatarum subdelegatus apostolicus… 1er form, fol. 95-95v.

36 1er form., fol. 95v.37 1er form., fol. 93v 94 94v (pj n° 31).

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s’être compromis en effectuant une besogne indigne de leur état38. A n’en pas douter, leur indignation fut bientôt partagée par les laïcs. Ceux-ci refusèrent dans un premier temps de croire que ceux qu’ils tenaient jusqu’alors pour des saints s’étaient commués en percepteurs du pape. C’est certainement pour les convain-cre de son bon droit que le gardien de Buda demanda à l’évêque Nicolas de trans-crire la brève de Jules II décrivant ses nouvelles fonctions. L’étonnement passé, les religieux hongrois ne furent pas épargnés par les rumeurs selon lesquelles, en Pologne également39, ils en profitaient pour s’enrichir. Au point que les donateurs craignaient pour leur réputation. Le gardien qui écrivit une dispensatio super beneficio au chanoine Pierre de Segesd, lequel venait de verser son obole pour le jubilé de Saint-Pierre, le faisait à la demande de l’intéressé, pour le protéger de l’accu sation de simonie40.

Un discours obsolète

Cette soumission inconditionnelle au Saint Siège n’était pas le fait des seuls frères hongrois, il est vrai: en 1517, c’est le confesseur de la reine Jeanne de Fran-ce, Gabriel Maria, que le pape Léon X nomma commissaire général de la croisade contre les Infidèles41. Mais, en Hongrie, elle allait de pair avec une vision très conservatrice de l’Église et de la place des religieux au sein de celle-ci.

Les deux grands prédicateurs de l’observance franciscaine hongroise avaient réussi l’exploit d’imaginer des solutions intermédiaires par lesquelles ils se si-tuaient à la charnière entre Moyen Âge et Époque Moderne sur le plan des idées religieuses. Ils avaient abordé les questions de la prédestination et de la grâce tout en les cantonnant dans des limites qui ne remettaient pas en cause la conception d’une foi inscrite dans les œuvres. Ils n’avaient pas critiqué ouvertement l’ ”arith-métique du salut” (selon le mot d’Her vé Martin) mais l’avait tempérée en dévelop-pant une morale de l’inten tion. Leurs successeurs en restèrent à ce stade jusqu’au déferlement protestant des années 1530. Aucun ne prit la plume, semble-t-il, pour défendre la papauté contre les violentes attaques dont elle était victime. La contemplation, absente des Constitutions de 1499, l’est aussi des statuts du début du XVIe siècle. Il y est seulement question de prière méditative (oratio) en 1507, à

38 Passi sunt etiam non parvas tribulationes patres et fratres nostri ratione jubilaei tunc per Julium Se-cundum impositi, propter quod habebantur exosi tam prelatis ecclesiasticis, quam sacerdotibus religiosis. C[h]ro nica, 283.

39 K. Kantak, Les données historiques, 453.40 …ne sit quoquem a labe simonie ratione hujusmodi assequucionis lesus… 1er form, fol. 95-95v.41 J.-M. Le Gall, Les moines, 152.

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propos de l’emploi du temps des frères42. Sa durée progressa lentement, passant d’une à deux heures par jour (au plus) dans les années 153043. L’Imitation de Jésus Christ de Thomas a Kempis figure parmi les livres recensés au XVIIe siècle dans le couvent de Gyöngyös, mais elle y entra sans doute longtemps après l’époque qui nous occupe. Pourtant, le courant de la dévotion moderne avait alors séduit d’autres réguliers hongrois, les ermites de saint Paul. Certes, loin d’en assurer une large diffusion, ceux-ci le réservèrent à l’élite des profès instruits et ordonnés44. C’était mieux que rien. Tandis que de leur côté, à la différence des dominicaines de l’observance alsacienne à la même période45, les franciscains réformés hon-grois n’accordaient pas plus d’importance à la vie intérieure qu’aux célébrations liturgiques collectives.

Par ailleurs, ils ne sentirent pas venir les remises en cause ecclésiologiques et dogmatiques qui donnèrent bientôt naissance au protestantisme. Partant, ils ne surent pas se prémunir contre le doute luthérien, ni en protéger leurs audi-teurs laïcs. Au début des années 1520 encore, le ministre Bernardin de Somlyó se réjouissait d’avoir obtenu du pape l’indulgence plénière pour les membres de la province salvatorienne46. Le rôle de la grâce, tel qu’il avait été défini par Oswald de Laskó et Pelbart de Temesvár au tournant du siècle, tendit à s’effacer dans le discours de leurs successeurs. Pas un ne démontra autrement qu’eux ne l’avaient fait la valeur spirituelle de la dévotion aux saints et aux reliques. En bref, tout se passe comme si les observants hongrois des années 1510 à 1520 s’étaient retirés des grands débats qui agitaient leurs contemporains. Est-ce seulement l’effet des pertes documentaires? Pas uniquement. Parmi les ouvrages retrouvés dans les bibliothèques conventuelles, les œuvres d’Oswald de Laskó et de Pelbart de Te-mesvár font figure de nouveautés au premier tiers du XVIe siècle. La relève semble ne pas avoir été assurée.

Les salvatoriens continuaient à recommander à leurs ouailles de pratiquer leur foi comme le faisaient leurs confrères des générations précédentes. Ils éprou-vaient une profonde méfiance envers les manifestations récentes de la piété po-pulaire. Eux-mêmes ne les pratiquaient guère, nous l’avons constaté. Souvenons-

42 Item maneant fratres omnes in oratione unanimiter per integram horam… LERH III, 651. Voir aussi chapitre 5.

43 Voir chapitre 5.44 E. Mályusz, Egyházi társadalom, 273.45 F. Rapp, L’Observance et la Réformation, 50-52.46 Leo papa X. ad supplicationem meam concessit omnibus fratribus provincie nostre plenariam absolu-

tionem et indulgentiam ab omnibus peccatis ac censuris presentibus, semel in vita et semel in morte. 1er form., fol. 200 (pj n° 6).

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nous aussi de ce que les prédicateurs n’encourageaient pas les fidèles à se réunir dans des associations pieuses. Or cela faisait près d’un siècle que le mouvement confraternel, né autour des communautés d’origine allemande ou wallonne, avait pris pied en Hongrie. A la faveur des difficultés économiques probablement, il connut un vif essor dans les villes et les bourgades du royaume magyar à partir de la fin du XVe siècle47. Ces groupements n’avaient rien d’hétérodoxe, il faut le sou-ligner: ils se bornaient à prescrire à leurs membres d’assister régulièrement à des messes et veillées de prière et ils portaient secours aux sociétaires dans le besoin. Point de banquets fastueux ni de défilés bruyants, d’après les sources. Certains s’investirent tout particulièrement dans la charité, prenant soin des pauvres et des malades qui les entouraient,… ce que ne faisaient ni les frères, ni les fraternités de tertiaires qui en dépendaient.

Les observants ne semblent même pas avoir encouragé l’essor du tiers-ordre. Le fait est ancien. Au moment des transferts par exemple, on ne vit jamais les observants réclamer le contrôle des fraternités dépendant jusqu’alors des conven-tuels – alors que le sort des associations italiennes48 et espagnoles49 avait suscité de violents conflits entre les deux branches. Plus tard, lorsque les soeurs se débat-tirent dans d’inextricables problèmes de subsistance qui les obligèrent à mendier, les dirigeants de la province leur interdirent (en 1533) de quêter au nom du respect de la clôture, sans pour autant leur donner les moyens de survivre. Pas question non plus pour ces communautés de devenir des foyers de réflexion spirituelle: en 1533, le chapitre provincial leur interdit d’enseigner l’écriture à leur membres ou aux personnes extérieures à la communauté50. Les frères les maintenaient par ce biais dans une sorte de minorité perpétuelle et de dépendance idéologique. En outre, dans ce texte comme dans d’autres, la perspective de ne plus avoir la charge des tertiaires en cas d’infraction – présentée à celles-ci comme la sanction suprême – paraît presque soulager les responsables de la province. Il est vrai que la dégradation de la sécurité publique plaçait les observants dans l’impossibilité pratique de protéger les sœurs de leur agresseurs éventuels51.

47 L. Pásztor, A magyarság vallásos, 22-49; M.-M. de Cevins, Les confréries hongroises au Moyen Age. L’exemple de la confrérie “Mère de Miséricorde” de Bardejov (1483-1525), dans Le Moyen Age CVI (2000) 347-368 495-511; Ead., Les confréries de Bratislava au bas Moyen Age d’après les sources testa-mentaires, dans Confraternitas 9 n°2 (automne 1998) 3-22.

48 M. Sensi, Il movimento francescano, 415-422; A. Rigon, I penitenti di san Francesco, 300-301.49 Isidoro da Villapadierna, La Tercera Orden, 132-134.50 Voir chapitre 10.51 C’est ce motif qu’invoquèrent les pères assemblés en 1531 pour décider la fusion de

deux communautés et interdire toute admission jusqu’à nouvel ordre. Voir chapitre 10.

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CHAPITRE 7290

L’existence des fraternités n’était manifestement pas considérée par les re-ligieux comme suffisamment digne d’intérêt pour justifier leur mention dans les inventaires de l’ordre. De la même façon, les continuateurs de Blaise de Szalka les ignorent superbement dans la Chronique observante. Et lorsqu’ils évoquent d’autres groupements de laïcs placés sous le patronage spirituel des frères, ils adoptent un ton très critique, à propos notamment de la confrérie pénitentielle de Pápa. L’histoire de celle-ci, dissoute en 1512 sur ordre des dirigeants de la province, donne la mesure des réticences qu’éprouvaient les frères hongrois à l’égard des associations de laïcs à caractère pieux. Elle montre clairement qu’au lieu d’inciter les fidèles à s’y regrouper pour vivre autrement leur foi, les religieux s’en séparaient aussitôt qu’elles prenaient une ampleur et des formes susceptibles d’entacher la réputation de l’ordre. Les membres de la confrérie de Pápa avaient-ils réellement scandalisé leurs contemporains en se donnant en spectacle de ma-nière indécente? Avaient-ils tenu un discours frisant l’hérésie pour justifier leurs flagellations publiques? Rien n’est moins sûr. Le chroniqueur observant précise que ce sont les “bourgeois” et les “hommes d’Église” (cives et viri ecclesiastici) qui s’indignèrent de l’extension du mouvement et firent part de leurs inquiétudes aux dirigeants de l’ordre. Sans doute craignaient-ils que ces manifestations ne remet-tent en cause leur prééminence morale et sociale. De manière significative, au lieu de défendre les flagellants, les frères se rangèrent du côté des représentants de l’ordre établi.

Ils se méfiaient toujours, au demeurant, des pratiques de mortification corporelle. Aucun indice ne permet d’établir qu’à cette période, pas plus qu’à la précédente52, les frères s’administraient régulièrement la discipline. János Karácsonyi a vu dans la mention d’une domus discipline par les statuts du chapitre de 1515 la preuve du contraire53. En réalité, le texte s’inspire nommément des constitutions des précédents chapitres cismontains, dans lesquelles l’expression apparaît dès 1495. En admettant qu’un local portant ce nom ait réellement existé dans les couvents hongrois, il avait avant tout une fonction carcérale: il apparaît dans les actes capitulaires de 1515 comme le lieu de détention provisoire des suspects – en attendant leurs aveux et leur éventuel emprisonnement pour une longue période –, et non comme l’endroit où les frères se livraient de manière régulière à une pratique censée les élever spirituellement54. Un texte copié dans le premier formulaire et rédigé vers 1515 à l’intention de tous les responsables

52 Voir chapitre 5.53 Karácsonyi I, 376.54 LERH III, 668-669.

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habilités à punir les frères délinquants reprend cette formulation en lui donnant une signification analogue55.

Ces faits trahissent de manière générale l’attitude de retrait des frères hon-grois par rapport aux manifestations récentes de la pratique religieuse: au lieu de chercher à les canaliser ou à les “récupérer” comme le faisaient dans les mêmes années les observants italiens, ils s’en écartaient ostensiblement. Les fraternités hon groises n’avaient certes pas le rayonnement de celles de la péninsule italienne, où des communautés comme celle de Foligno concouraient au prestige de l’or-dre tout entier56. Ce faisant, les frères se désolidarisaient de plus en plus de leurs ouailles – des élites urbaines aux foules d’in di gents en mal de révolte – que ne satisfaisaient plus les formes traditionnelles de dévotion. Il fallut longtemps aux observants hongrois avant de prendre acte de cette évolution. Le contenu des statuts rédigés en 1524 pour les sœurs tertiaires par Michel de Besenyő traduit ce changement de cap. Cette fois, au lieu de les condamner, les frères avalisèrent l’attirance des laïcs pour les pratiques pénitentielles57.

Des outils intellectuels inadaptés

L’incapacité des frères à se positionner dans les débats religieux en cours te-nait pour une large part à l’insuffisance de leur formation intellectuelle en général, et théologique en particulier. Faute d’arguments ad hoc, ils ne pouvaient répondre à leurs interlocuteurs qu’en se cramponnant aux références et aux certitudes du passé. Le ministre de la province salvatorienne Albert de Dereszlény dressait ce constat alarmant en 1518: “Je ne saurais passer sous silence le fait que la plupart des novices accueillis dans l’ordre ne sont ni correctement, ni assez fréquemment instruits, et qu’ils ne sont pas nourris dans la dévotion comme il conviendrait à eux-mêmes et à l’ordre”58. Peu après, son successeur Bernardin de Somlyó avait des propos tout aussi durs au sujet de la qualité de la formation des novices59.

55 Procedatur contra talem ad inquisitionem veritatis, detinendo ipsum in domo discipline cum jejunio panis et aque ter in ebdomada, et disciplina ter in ebdomada per mensem sine ad arbitrium prelatorum. 1er form., fol. 51 (pj n° 12).

56 M. Sensi, Il movimento francescano, 399-445.57 On se souvient en effet de ce que, selon ce règlement, les sœurs devaient se flageller

une fois par semaine, le vendredi, en souvenir de la Passion du Christ, et porter régulièrement le cilice. Voir chapitre 6.

58 1er form., fol. 209 (pj n° 5).59 Necessarium quoque puto in ordine, ad debitam religionem observandam augendam et conservandam,

noviciorum ac juvenum in ordine diligenter et sollicitam instructionem et probationem, cujus carencia et negligen-tia multum ordini nocuit et quottidie nocet. 1er form., fol. 199 (pj n° 6).

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CHAPITRE 7292

On ne pouvait mieux souligner la gravité du problème. Mais comment y remédier? Le chapitre provincial de Buda avait réorganisé l’enseignement à l’intérieur de la province dès 1515: il avait prévu non seulement de regrouper les plus avancés des novices et des profès candidats à la prêtrise dans les écoles de Buda et d’Esztergom, mais également de les instruire aussi bien en artes qu’en théologie et en casuistique60. Le problème ne venait pas tant des structures que du contenu enseigné. En effet, on y dispensait – exactement comme dans les années 1490 – un savoir utilitaire, entièrement déterminé par les besoins de la pastorale. Oswald de Laskó écrivait en 1497 à propos de saint Augustin que la connaissance n’était pas un but en soi, mais seulement un chemin menant vers Dieu et un outil pour la pastorale. C’est avec ces réserves qu’il déclarait dans un autre sermon, à propos de saint Grégoire cette fois, que les clercs doivent être convenablement instruits61. Quinze ans plus tard, les dirigeants de la province n’avaient pas changé de discours. Pire, ils limitaient étroite-ment les domaines dans lesquels les religieux étaient autorités à satisfaire leur soif de connaissances. “Ce n’est pas tant de s’exercer à élaborer des argumentations subtiles dont nous avons besoin, déclarait le vicaire de Hongrie aux autorités cismontaines en 1514, que d’étudier les Saintes Écritures et les connaissances élémentaires, tout particulièrement les choses relatives aux cas de conscience”62. Un autre responsable écrivait dans les années 1530: “Il est bien connu que nous n’avons pas besoin de théories abstraites, de formulations élégantes, mais de connaître les Saintes Écri-tures, les choses d’utilité courante, et surtout ce qui se rapporte à la confession. C’est cela qu’utilisent les hommes habituellement. C’est pourquoi il y a dans nos provinces des pères qui disposent de ces connaissances indispensables et sont aussi capables de former d’autres frères”63. Dans les faits, on constate que les frères de l’observance franciscaine hongroise poursuivant leurs études dans des universités étrangères après leur entrée en religion – ils en avaient le droit d’après les Constitu-tions – constituaient de rares, très rares exceptions au début du XVIe siècle.

Les données concernant les bibliothèques confirment cette impression de sclérose intellectuelle. Le statut des livres progressa timidement dans l’esprit des observants hongrois. Considérés comme des biens matériels, ils étaient soumis aux mêmes restrictions que l’argent ou les objets précieux, au nom de la pauvreté. Les frères avaient interdiction de conserver des livres en nombre excessif, c’est-à-

60 Voir chapitre 4.61 R. Horváth, Laskai Ozsvát, 33-34. Source: OL, Sanctis, sermones XLIII et XXI.62 Sciant tamen eedem paternitates vestre, non tam opus esse nobis ad exercendum nostros in subtilitibus

et argumentationibus, quam ad studendum in devotis scripturis et planis scientiis, maxime in casibus conscientie rebus utpote plus indigent. 1er form., fol. 90v (pj n° 16).

63 Kollányi, 41, d’après 2e form., fol. 94.

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UN ORDRE EN PORTE-À-FAUX 293

dire au-delà du strict minimum. Les chefs de la province – Albert de Dereszlény puis Bernardin de Somlyó – rappelaient encore dans les années 1510 et 1520 ce principe énoncé dans les Constitutions de 149964. Certes, dans la pratique, les livres apparaissaient de plus en plus comme des outils indispensables à la forma-tion initiale et permanente des frères. En témoigne le développement continu des bibliothèques conventuelles. Parmi les points que devaient vérifier les visiteurs en vue du chapitre provincial de 1515, le quatrième concernait les livres de chaque couvent: les inspecteurs devaient s’assurer de ce qu’ils existaient en nombre suffi-sant et étaient conservés dans un local spécifique (quod libri habeant locum proprium), qu’il s’agît d’une libraria ou de la sacristie, de manière à assurer leur bonne conser-vation et leur utilisation aisée par les frères65. Dès 1444, le couvent de Csíksomlyó possédait sa bibliothèque66. Près d’un siècle plus tard, en 1533, en plein marasme économique, le couvent de Szalárd obtenait du chapitre provincial l’autorisation de se doter d’un local pour y entreposer les livres qu’il possédait67. Mais, alors que les couvents italiens, alle mands, français ou espagnols ne cessaient d’en multi-plier le nombre et d’en richir leur contenu depuis le milieu du XVe siècle68, certains établissements hongrois ne disposaient toujours pas d’une véritable bibliothèque dans les années 1540. Ce qui obligeait les religieux à déplacer constamment les livres dont ils avaient besoin d’un couvent à l’autre, non sans risques (vols, pertes, dégâts ma tériels…). Le premier formulaire reproduit plusieurs exemples de let-tres par lesquelles des frères demandent à d’autres religieux de leur prêter (ou de leur rendre) tel ou tel ouvrage69. C’est en 1581 seulement que les pères assemblés en chapitre provincial à Gyöngyös exigèrent que chaque établissement dispose à l’avenir d’une bibliothèque, munie d’un inventaire détaillé, pour que l’on cesse de promener les livres de couvent en couvent70.

64 Voir par exemple l’exhortation d’Albert de Dereszlény datée de 1518 (omnem superflui-tatem … in victu, vestitu, libris seu ceteris utensilibus ... rescindatis) copiée dans le premier formulaire (fol. 206v, pj n° 5), ainsi que, dans le même recueil (fol. 197, pj n° 6), une autre exhortation rédigée au début des années 1520 par Bernardin de Somlyó (Libros autem vel alia superflua quibus uti non potestis vel non indigetis, qui in qualitate vel quantitate excessia vel superflua merito debeant judicari, non habeatis).

65 1er form., fol. 72.66 Muck., 11-12.67 Karácsonyi I, 391 et II, 159; Kollányi, 54, d’après les acta capituli de 1533.68 J.-M. Le Gall, Les moines, 193-194; J. Garcia Oro, M. J. Portela Silva, La Regular Obser-

vancia I, 700-702.69 Par exemple: 1er form, fol. 170v. 70 Kollányi, 100-101, d’après les constitutions du chapitre de 1581.

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CHAPITRE 7294

Avoir de nombreux livres était une chose, savoir les choisir en était une autre. La composition des bibliothèques observantes hongroises échappe largement à l’observation. Il faut se contenter en effet de deux ensembles documentaires. Il y a tout d’abord le fonds de la bibliothèque franciscaine de Csíksomlyó, dont les volumes les plus anciens ont été retrouvés au hasard des travaux de restauration de l’église conventuelle menés entre 1980 et 198571. Notons qu’il n’est pas exclu-sivement franciscain: il a accueilli des ouvrages provenant d’autres bibliothèques ecclésiastiques ou profanes dès le début du XVIe siècle. Mais la plupart des titres anciens (incunables ou manuscrits) re montant à notre période semblent sortir soit du couvent lui-même (lorsqu’ils portent l’inscription Ad locum de Chyk), soit d’autres couvents observants de Transylvanie (Medgyes, Kolozsvár, Marosvásá-rhely). La seconde source exploitable est le Catalogus librorum bibliothecae du ma-nuscrit XII.4 a/19 des Archives du Comitat de Csongrád (à Szeged), établi au couvent de Gyöngyös à la fin du XVIIe siècle ou au début du siècle suivant. Il recense une grande quantité d’ou vrages anciens, dont on peut supposer – sans certitude toutefois – qu’ils appartenaient déjà au couvent de Gyöngyös deux cents ans plus tôt. A Csíksomlyó comme à Gyöngyös, on est frappé par la prédomi-nance des ouvrages de théologie morale (ou de casuistique)72. Ils étaient suivis, outre la Bible (souvent entière, a Genesi ad Apocalipsim) et ses commentaires, par les sermonnaires d’Oswald de Laskó et de Pelbart de Temesvár, dans leurs premières éditions, ainsi que par les “classiques” de la littérature de prédication mé diévale (de Bernard de Clairvaux à Guillaume de Paris), sans oublier les œuvres de saint Bonaventure. La théologie pure se cantonnait aux quatre volumes des Sentences du Lombard. La patristique était représentée comme partout par saint Augustin, Albert le Grand et Nicolas de Lyre. Thomas d’Aquin les rejoignit à une date tardive: des laïcs “saxons” offrirent la Somme théologique aux frères du couvent de Csíksomlyó à l’extrême fin du XVe siècle73. L’hagiographie n’était pas en reste: les frères du même couvent utilisaient les Vitae patrum antiquorum au début du XVIe siècle (d’après une annotation portée sur le volume), ainsi qu’une édition de 1489 de la Légende dorée, à côté des Révélations de Brigitte de Suède. Les ouvrages de littérature spirituelle (L’Imitation de Jésus Christ de Jean Gerson, et surtout celle de

71 Muck., 12-14.72 A Csíksomlyó se trouvaient par exemple la Summa du franciscain Astesanus de Ast, écrite

au XIVe siècle, le Modus confitendi du bénédictin portugais André de Escobar, le Confessionale du dominicain italien Antoninus Florentinus, la Summa angelica du franciscain Ange de Clavasio, aux côtés de multiples ouvrages intitulés Confessionale. Interrogationes et doctrinae, ou encore Conjuratio daemonum. Muck., 28-33.

73 Muck., 31.

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UN ORDRE EN PORTE-À-FAUX 295

Thomas a Kempis, présente à Gyöngyös) ne sont guère légion, pas plus que les œuvres profanes (histoire et médecine, principalement).

Dans l’ensemble donc, les frères observants de Hongrie se contentaient de références anciennes, pour ne pas dire éculées. A la différence de leurs confrères d’Occident, ils ne firent à peu près aucun effort pour actualiser le contenu de leur bagage théologique et intellectuel. Les acquisitions récentes se restreignaient aux commentaires juridiques de la règle franciscaine. On sait qu’en 1504, le vicaire de Hongrie avait apporté au cours d’une visite au couvent de Karánsebes les Expositiones super regulam Fratrum minorum de Barthole – ouvrage qui venait d’être imprimé à Brescia – en recommandant aux frères de s’y reporter pour éclaircir leurs doutes sur la règle74. Dans la Bohème voisine, où les clivages ethniques et la question de l’utraquisme divisaient toujours les esprits, les observants avaient longtemps conservé une attitude méfiante à l’égard des spéculations intellectuel-les et des études universitaires; mais l’intervention du commissaire général cis-montain Jacques de Mantoue avait fait évoluer les choses. Les statuts provinciaux de 1495 dispensaient les étudiants des tâches manuelles, considérées jusqu’alors comme obligatoires au nom de la lutte contre l’oisiveté. Depuis, les bibliothèques conventuelles tchèques n’avaient cessé de s’enrichir de livres anciens comme de productions récentes. Si tous les frères n’étaient pas également outillés sur le plan intellectuel à l’heure du débat protestant, du moins y avait-il eu un progrès par rapport à la fin du siècle précédent75. Les Hon grois, eux, refusèrent de procéder à un tel aggiornamento. Certains franciscains ayant vécu dans les années 1510 et 1520 eurent même le sentiment d’une régression de ce point de vue. L’un d’eux rapporte à son ami qu’il aimerait s’adonner aux études et regrette amèrement les conversations quotidiennes qu’il avait autrefois avec des confrères érudits, dont un seul était encore vivant à l’heure où il écrivait sa lettre76.

Osons le dire: les observants hongrois ont raté le virage religieux des années 1510. Après les avancées prometteuses dues à Oswald de Laskó et à Pelbart de Temesvár, le conservatisme reprit le dessus. Aucun des membres de la généra-tion suivante ne poussa plus loin la réflexion. Pourquoi cette frilosité? Peut-être n’avaient-ils pas la largeur de vues et l’audace de leurs aînés. Mais il y avait à cela des causes plus générales, en particulier les lacunes de leur formation intellec-tuelle. La susceptibilité nationale des dignitaires de la province salvatorienne y fut aussi pour quelque chose, ainsi que nous allons le constater maintenant.

74 Karácsonyi II, 88.75 P. Hlavaćek, Die Böhmischen Franziskaner, 354-361.76 1er form., fol. 176 (pj n° 33) .

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CHAPITRE 7296

III. Les dérives internes

A partir des années 1510, les frères observants n’apparaissent plus comme les héros de la réforme monastique. Tandis que les dirigeants conventuels éle-vaient continuellement le niveau des exigences et que les ordres anciens par-venaient enfin à redonner vie à l’idéal de leurs fondateurs, la province salvato-rienne semblait frappée de paralysie. Par les aménagements successifs apportés à la règle, ses membres perdirent les caractères qui les avaient érigés en modèles suprêmes de vie régulière. On les vit même adopter les usages qu’ils avaient si longtemps critiqués chez les conventuels. La réforme avait-elle donc fait long feu?

Frictions au sommet: une famille désunie

Les franciscains observants de Hongrie s’affranchirent rapidement de leur vœu d’obéissance à l’égard des chefs de l’ordre, et plus précisément des diri-geants de la familia cismontana. Le retour dans le giron cismontain s’était déroulé dans une ambiance fraternelle. On se souvient de la complaisance avec laquelle les dirigeants italiens acceptèrent, contre l’avis de leur inspecteurs, de maintenir certains traits originaux de l’observance hongroise qu’ils n’auraient pas tolé-rés ailleurs. A partir des années 1510, des sujets de tensions affleurèrent, plus graves que les différents passagers qui les avaient opposés aux commissaires italiens au tout début du siècle.

En apparence, les frères hongrois s’acquittaient toujours de leurs devoirs à l’égard du centre italien de la familia. Le montraient leur présence aux assemblées, la préparation de l’élection des délégués qui y siégeaient et l’ap plication des déci-sions qui en sortaient. Ainsi les pères de la province de Hongrie se réunirent-ils début mai 1514 à Visegrád pour préparer le chapitre général prévu pour juin suivant à Assise77. Trois ans plus tard, outre les envoyés habituels de la province – le vicaire et le discretus provinciae –, des custodes participèrent au chapitre géné-ralissime de l’Ara Coeli78. Mieux, le chapitre provincial réuni à Buda en mai 1515 accepta d’introduire dans les constitutions hongroises les clauses demandées par les religieux cismontains à Assise au prin temps de l’année précédente, en matière de pauvreté notamment79. Solidaires, les observants hongrois n’omettaient pas de prier pour l’âme des responsables de la familia après leur mort: le vicaire de

77 1er form., fol. 62v 64 87-89.78 1er form., fol. 64v-65 65; Karácsonyi I, 362.79 Karácsonyi I, 372-373; source: LERH III, 667-668.Voir aussi chapitre 4.

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UN ORDRE EN PORTE-À-FAUX 297

Hongrie recommandait ainsi vers 1515 à ses custodes de faire célébrer des mes-ses et de réciter des prières pour Bernardin de Fulgineo, commissaire cismontain ayant eu la charge des provinces d’Autriche et de Bohème et récemment disparu à Vienne80.

A ces preuves de bonne volonté se joignait le désir manifeste de nouer des contacts personnnels, d’établir une certaine collaboration intellectuelle entre frères hongrois et italiens. Vers 1510, les dirigeants magyars exprimèrent aux Cismontains le vœu d’accueillir dans l’un de leurs studia un lector venu de la péninsule pour assurer la formation littéraire (studia litterarum) des novices hongrois. Les pères assemblés à Naples en juin 1512 leur donnèrent satis-faction en dépêchant sur place frère Marc de Brescia (Marcus Brixiensis), tout juste désigné par le vicaire cismontain Timothée de Lucques81. Deux textes du premier formulaire rapportent le nom du compagnon de voyage qui le suivit jusqu’au couvent où il était censé exercer ses talents pédagogiques pendant les trois années suivantes82.

Seulement voilà: les responsables de la province de Hongrie changèrent rapidement d’avis. Le chapitre provincial tenu en mai 1514 ordonna le ren-voi immédiat du lecteur Marc de Brescia, au motif qu’il n’avait pas rempli convenablement sa tâche. L’auteur de la Chronique observante rapporte qu’il se perdait en lectures superflues et inadaptées83. Dans la lettre par laquelle il notifiait cette décision au nouveau vicaire général, le chef de la province hon-groise reprochait au lecteur italien d’entraîner les novices à bâtir des argumen-taires compliqués, au lieu de s’en tenir à l’étude, bien plus utile selon lui, des Écritures et de la morale, en particulier à celle de la casuistique84. Il ajouta qu’il ne souhaitait point d’autre lecteur à l’avenir et que, si le besoin se présentait, il le lui ferait savoir85. Comprenons bien la signification de ce geste d’une in-solence inouïe: il ne s’agissait pas d’un conflit de personnes ou de divergences subtiles portant sur les méthodes de raisonnement. Marc de Brescia avait le tort aux yeux des Hongrois de vouloir initier les novices à la pensée d’auteurs dont ils ignoraient jusqu’alors l’existence, et pour cause. Son limogeage ex-

80 1er form., fol. 195v.81 C[h]ronica, 271-272.82 1er form., fol. 54v-55 55.83 … propter lecturam multa et insolita voluit cum studentium exemptione et impensis studium continu-

are volens… C[h]ronica, 283.84 1er form., fol. 90v (pj n° 16).85 Unde nolumus amplius attendiare paternitates vestras, in hoc ut, vel patrem Marcum, vel alium

quemppiam lectorem nostris mittant. Quando autem indigebimus, nos ipsi supplicamus pro lectore. 1er form., fol. 91 (pj n° 16).

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CHAPITRE 7298

primait clairement la volonté qu’avaient les dirigeants de la province magyare d’empêcher les idées “neuves”, envers lesquelles ils éprouvaient comme on sait la plus grande méfiance, de pénétrer dans le bassin des Carpates.

Le renvoi de Marc de Brescia était en soi une première. Il fut prononcé en même temps qu’une décision tout aussi incroyable: l’expulsion du commis-saire Benoît Benkovich (Benedictus Benkowÿch). Originaire de Dalmatie, celui-ci avait été designé par le vicaire cismontain moins d’un an auparavant, le 29 mai 1513. Sa lettre de nomination (transcrite dans le premier formulaire) le char-geait de visiter les couvents autrichiens et hongrois. Elle faisait l’éloge de ses qualités de prédicateur apostolique et d’enseignant (apostolico predicationi ac lectori famosissimo)86. Partisan d’une observance radicale, l’homme était réputé intran-sigeant. De fait, envoyé en 1522 à Breslau (aujourd’hui Wrocław, en Pologne) pour résoudre un conflit qui avait éclaté entre la municipalité et les frères obser-vants, il ne parvint pas à trouver de compromis satisfaisant pour les deux par-ties. Il échoua également à Prague peu après87. Ce manque de tact ne suffit pas à expliquer son renvoi de Hongrie. Selon le continuateur de Blaise de Szalka, il avait tenté d’introduire de manière autoritaire des usages inconnus dans la pro-vince hongroise (varios insuper ritus, modosque et novitates). Dénigrant leurs chefs auprès des plus jeunes, il appliqua immédiatement les sanctions qu’il prononçait sans les avoir consultés, au mépris des prescriptions des chapitres généraux de Mantoue et de Ferrare. Il sema ainsi le trouble et la confusion dans les esprits88. En d’autres termes, Benoît Benkovich semble avoir voulu imposer de force ce que les précédents commissaires n’avaient pas réussi à obtenir par la voie légale: la suppression des pratiques propres aux observants de Hongrie. Pire encore, précise le réquisitoire dressé par ces derniers à l’intention du vicaire cismontain, il les avait accusés de menacer l’unité de l’ordre par leur volonté de faire séces-sion (scissura unionis) et avait multiplié les actes humiliants (indignissima vexatio) à leur égard89.

Ne voyons pas dans la réaction énergique des frères hongrois l’expression d’un sentiment national exacerbé. Oswald de Laskó se dit fier d’être Hongrois dans ses œuvres – quitte pour cela à reprendre la filiation hunno-scy the en l’as-sociant (non sans paradoxe) à l’image de la Hongrie comme bouclier de la Chré-

86 1er form, fol. 48-49.87 F. Doelle, Die Observanzbewegung, 157-164.88 C[h]ronica, 283-284.89 1er form., fol. 89v-90 (pj n° 15).

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tienté90. Mais les frères du royaume magyar se sentaient avant tout membres d’un seul corps, la grande famille des fils de saint François. Le fait qu’ils appelaient presque toujours Itali (et non cismontani) les responsables cismontains – d’après les documents du premier formulaire91 – ne constitue pas un indice suffisant pour conclure à une aversion des dirigeants hongrois envers les péninsulaires. Ce qu’ils craignaient, c’était le démenti de leurs choix idéologiques. Or, plus le temps pas-sait, plus l’écart se creusait entre leur conservatisme et le discours “rajeuni” des Italiens, qui cherchaient alors à récupérer les mouvements extrémistes locaux en insistant sur la mortification et la pauvreté absolue tout en valorisant la formation intellectuelle92.

Cramponnés à leurs certitudes, les observants hongrois se privèrent dé-sormais de recourir aux autres membres de la familia pour leur venir en aide. Surtout dans les moments difficiles. Ainsi, à l’approche du chapitre cismontain prévu pour juin 1514, le vicaire de Hongrie Blaise de Dézs prétexta des ennuis de santé pour ne pas s’y rendre en personne93. Dans une autre lettre, il parle de l’im-possibilité de quitter la capitale (cum sim celerius Budam mersitus adimplendi facultas a me sublata est)94 et dans une troisième, plus évasive encore, d’obstacles imprévus (certis supervenientibus impedimentis)95. La réalité était fort différente: la guerre pay-sanne commençait, attisée en plusieurs points du royaume par des prédicateurs observants. Au lieu de donner l’alerte, le vicaire de Hongrie préféra dissimuler les faits, de peur que les cismontains ne se mêlent de l’affaire. D’entité fraternelle et rassurante, la familia était devenue une structure pesante, voire encombrante. Curieux comportement pour une congrégation qui plaçait l’obéissance au som-met des vertus monastiques!

C’est seulement après 1515 que les relations entre les frères de Hongrie et la direction cismontaine connurent une nouvelle embellie. Les récents progrès des armées turques incitaient les responsables italiens à fermer les yeux sur les rodomontades des Hongrois: leurs jours étaient comptés. De leur côté, les reli-gieux magyars prirent lentement conscience de ce que, face à l’imminence d’une

90 R. Horváth, Laskai Ozsvát, 34-36, 37, 43-44; A. Tarnai, A magyar nyelvet, 98 et 188-189, note 222. Source: OL, Gemma fidei, Prologus; Id., Sanctis, sermones XLVIII XLIX L LXXVII.

91 Par exemple aux folios 40v (Exhortatoria Italorum) et 62v.92 Relevons à ce propos que, vers 1515, parmi les arguments invoqués par les observants

italiens pour obtenir la canonisation de Jean Capistran, figure la doctrina sacra cum multitudine librorum. Cité par S. Andrić, The Miracles, 17.

93 … in tanta infirmitate gravatum et etiam aliis impedimentis preventum, quam ad eandem congrega-tionem generali venire non possum. 1er form., fol. 63-63v.

94 1er form., fol. 119v-120.95 1er form., fol. 88v. Voir aussi chapitre 4.

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CHAPITRE 7300

invasion ottomane, ils pourraient avoir bientôt besoin du réconfort moral et ma-tériel des autres membres de la famille cismontaine. La visite du commissaire général Jacques Porcaria en 1516 se déroula dans un climat de dialogue et de compréhension mutuelle. A la question posée par les délégués hongrois de savoir s’ils devaient vendre ou conserver la vaisselle liturgique en métal précieux qu’ils utilisaient depuis toujours, Jacques répondit qu’ils pouvaient agir selon leur gré jusqu’au prochain chapitre général, devant qui ils auraient l’occasion de soumettre le problème96. La venue en 1520 du ministre général de l’ordre, François Liccheti – après cent quarante années d’interruption, la dernière visite d’un général fran-ciscain en Hongrie remontant à 137997 – traduisait la sollicitude du chef de l’ordre à l’égard des frères réformés de Hongrie98. En sens inverse, ceux-ci firent preuve d’une certaine bonne volonté: le chapitre provincial de 1515 avait intégré dans les statuts de la province les dispositions adoptées l’année précédente au chapitre cismontain de la Portioncule (on l’a dit) et de nombreux délégués hongrois prirent part au chapitre généralissime de 1517, vicaire-ministre en tête.

La canonisation de Jean de Capestran constituait un point de convergence supplémentaire entre Hongrois et Cismontains. Le ministre de la province sal-vatorienne, Albert de Dereszlény, multiplia les délégations en Italie pour faire avancer les démarches en cours, au prix de lourds sacrifices99. Sur place, pour instruire la procédure ouverte en 1519, il fit compléter l’ancien procès-verbal de canonisation, en interrogeant des témoins encore vivants – dont un frère du cou-vent Saint-Jean de Buda, Nicolas de Paks, et cinq moniales de Pest – et sollicita de nombreux barons de faire pression auprès du Saint-Siège. Il s’adressa au roi lui-même. Louis II n’ayant consenti à l’aider qu’en 1524, c’est en février de l’année suivante que le légat, alors à Buda, signala au pape que le souverain et plusieurs barons du royaume magyar souhaitaient ardemment la canonisation de Jean de Capestran100. La pré paration de l’affrontement décisif contre les Turcs voua à l’échec les initiatives des dirigeants observants. Il reste que, après 1520, les liens avec la péninsule sortirent renforcés de ces années d’ef forts communs101.

96 Karácsonyi I, 375. Source: C[h]ronica, p. 293. Ces propos conciliants rappellent ceux que tint Jérôme Tornielli devant les émissaires hongrois peu avant 1504. Voir chapitre 4.

97 Karácsonyi I, 45-46.98 Karácsonyi I, 380-381.99 Voir chapitre 9.100 Karácsonyi I, 379, 384.101 Karácsonyi I, 379, 384.

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UN ORDRE EN PORTE-À-FAUX 301

Les effets pervers de la protection des grands laïcs

Parmi les reproches qu’adressaient les partisans de la réforme observan-te à leurs frères conventuels depuis la fin du XIVe siècle se trouvait la tendance qu’avaient ces derniers à se placer au service de puissants laïcs. Les sources in-diquent que les réformés hongrois n’agissaient pas toujours autrement après le tournant des XVe et XVIe siècles.

Par sa dimension d’oint du Seigneur et sa fonction de défenseur de l’Église hongroise, sans parler de son implication dans l’essor du mouvement observant, le roi n’était pas un laïc comme les autres. Servir le souverain pouvait ap paraître comme une manière de promouvoir les intérêts de l’Église. Néanmoins, l’impli-cation des membres hongrois de l’observance dans la politique royale prit, sous le règne des Jagellon en particulier, des formes a priori discutables. Leurs talents oratoires furent mis à contribution pour faire aboutir les projets diplomatiques du souverain. On leur demandait par exemple de rédiger des discours destinés à convaincre les ambassadeurs étrangers d’entrer dans l’alliance que le roi de Hon-grie appelait de ses voeux. Le premier formulaire reproduit le texte d’un discours officiel intitulé Ad ducem Venetorum salutatio oratoria, discours que prononça un membre de l’ordre à Buda, peu après 1500, devant le doge de Venise102. Le style employé montre que les frères maniaient le langage diplomatique avec brio. L’ora-teur émaille son propos des formules hyperboliques de circonstance. Il s’étend longuement sur l’amitié qui liait la Hongrie à la Sérénissime, passant sous silence les pommes de discorde qui opposaient les deux États de puis des siècles, en Dalmatie par exemple103. Il rappelle habilement leur pro xi mité géographique, et donc l’intérêt qu’ils avaient à s’unir contre leurs ennemis communs104. A sa décharge, reconnais-sons que l’alliance vénitienne – qui aboutit concrètement en 1504 au versement d’un subside annuel pour la guerre contre les Turcs – avait un enjeu religieux: celui de relancer la croisade contre les Infidèles. Cette préoccupation paraît également dominer l’action diplomatique effectuée auprès du Saint-Siège par les frères réfor-més hongrois pour le compte du roi. Deux missiles non datées (copiées dans le pre-mier formulaire) adressées au pape par un responsable de la province observante de Hongrie (probablement le vicaire lui-même) montrent que le souverain les utilisa

102 1er form., fol. 139-140.103 … et alias etiam longe antea inter reges Hungarie, sue Majestatis predecessores et illustrismos duces

excellentissimumque senatum istius preclare reipublice Wenetiarum, eam semper amicitiam et mutuam benivo-lentiam fuisse intellexit... 1er form., fol. 139.

104 …secura vicinitate...; ..tanquam amicos et vicinos...; amicitie et bone vicinitatis atque concordie...1er form., fol. 139 139v.

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CHAPITRE 7302

à plusieurs reprises pour plaider sa cause auprès du pape, afin d’obtenir davantage de fonds pour la guerre contre les Ottomans. Dans la première, assez évasive105, comme dans la seconde, plus explicite106, l’auteur demande au souverain pontife de l’argent (subsidia). Pour vaincre ses réticences, il décrit l’urgence de la situation: les Turcs s’étant massés au bord du Danube, la Hongrie, et avec elle l’ensemble de la Chrétienté, se trouvaient menacées d’invasion.

Les religieux oeuvraient en définitive pour la bonne cause – même si les fonds destinés aux campagnes ottomanes ne furent pas tous employés à cela. Dans l’abso lu, le risque d’une collusion avec les pouvoirs civils n’était pas pour autant totalement écarté. C’est surtout à l’égard de certains grands seigneurs ecclésiasti-ques ou laïcs que l’attitude des frères devint pour le moins ambiguë. Quitter son couvent pour entrer dans l’entourage d’un puissant, comme confesseur ou cha-pelain, n’était pas formellement interdit. En vertu de la bulle du 22 janvier 1462, dont le vicaire Michel le Sicule avait demandé confirmation au pape Paul II, il fal-lait seulement obtenir au préalable l’autorisation des dirigeants de la provin ce107. Une fois passée la crise qui suivit la déposition d’Étienne de Varsány, les exemples demeurent exceptionnels jusqu’à la fin du XVe siècle. Les Constitutions d’Atya imposèrent alors des limites plus strictes au séjour prolongé de religieux auprès de grands laïcs: aucun frère, du ministre au simple profès, ne pourrait être engagé à la cour d’un seigneur ou du roi pour s’y occuper d’af faires profanes, comme conseiller ou avocat par exemple. Le texte – du moins dans une version tardive – précise qu’il leur était interdit d’accepter des pré bendes ecclésiastiques dans ce but108. Il cherchait à éviter la confusion entre conseil spirituel (comme confesseur ou directeur de conscience) et matériel (tel un conseiller privé). Ces clauses furent-elles respectées? Les rares cas d’obtention de bénéfices ecclésiastiques rapportés par le premier formulaire concernent des frères projetant d’effectuer des études universitaires à l’étranger. Ils ne mentionnent jamais le service d’un grand109. On trouve seulement une dispense (intitulée Ut in comitiva talis magnifici constituatur) par laquelle un dirigeant (gardien ou custode) ordonne à un frère mineur d’accompa-gner un baron en pèlerinage jusqu’à Rome, à l’aller comme au retour, en se choi-sissant un compagnon. Le texte précise que c’est l’aristocrate qui en avait exprimé le souhait, pour son réconfort “personnel et spirituel” (comitiva pro singulari ac spiri-

105 1er form., fol. 128-128v.106 1er form., fol. 128v-129v.107 Karácsonyi I, 343.108 Kollányi, 19, d’après une version des Constitutions copiée en 1535. Le texte original

des Constitutions d’Atya ne comprend pas cette interdiction.109 1er form., fol. 140-141 141-141v.

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tuale ejus consolatione)110. Alors que le roi, lui, avait le privilège d’être accompagné s’il le voulait d’un franciscain, quel que fût le but de son voyage: une autre dérogation confie à un religieux, sur ordre du provincial, la tâche d’accompagner Wladislas II dans ses déplacements; elle précise que les frères chez qui il ferait étape devraient lui apporter leur concours111.

A cette exception près, les indices manquent pour conclure à l’immersion des franciscains observants de Hongrie dans le siècle. Le reproche que faisait le cardinal Frédéric Jagellon au commissaire général en août 1502 à propos des ber-nardins polonais, accusés de se mêler trop souvent d’affaires séculières112 ne sem-ble pas s’appliquer à la province hongroise. Néanmoins, certains usages anciens évoluèrent de manière inquiétante. Parmi eux, la sépulture des laïcs dans l’église conventuelle. Les nobles voyaient en elle l’occasion d’exalter la mé moire familiale, comme dans les décennies précédentes. Faire sculpter ses armoiries sur l’édifice était déjà trahir l’esprit franciscain. Personne ne s’en émut. Frappés de plein fouet par la pénurie, les religieux se mirent à exiger des fidèles qui souhaitaient élire sépulture chez eux une contrepartie pécuniaire. Les pères assemblés en chapitre à Gyula en 1533 durent fermement condamner cette pratique simoniaque: ils leur interdirent de réclamer quoi que ce fût en pareille circonstance113. Ajoutons que le patronage nobiliaire n’allait pas sans risques: du jour au lendemain, les franciscains pouvaient être privés du soutien de leur protecteur, voire expulsés sur son ordre. Ils n’en prirent conscience qu’au moment des progrès spectaculaires du luthéra-nisme, à partir des années 1530.

On se souvient de l’étonnement des délégués italiens devant l’utilisation cou-rante par les frères hongrois d’objets liturgiques de grande valeur. Ils louaient moins la grandeur de Dieu que celle de leur donateur, là était le hic114. Le patronage avait d’autres effets pervers sur la vie matérielle des couvents. La législation fran-ciscaine interdisait depuis toujours les revenus fixes. Pourtant, certains religieux abusaient de la générosité des fidèles en exigeant d’eux des dons réguliers, une fois l’an par exemple. Le chapitre de 1542 s’insurgea contre cette dérive. Il la tolérait cependant si l’initiative venait du donateur, et non des frères115. Au fond, un peu comme en Italie, où le patronage laïc apparaissait au XVe siècle comme la com-

110 1er form., fol. 101v-102 (pj n° 26).111 1er form., fol. 102-102v (pj n° 26). Voir aussi chapitre 3.112 K. Kantak, Les données historiques, 449.113 Kollányi, 58.114 Voir chapitre 5.115 Kollányi, 61-62.

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pensation des bienfaits que leur prodiguaient les mendiants par leurs prières116, on finit par trouver naturel que le patron accorde régulièrement à ceux-ci les moyens indispensables à leur subsistance. C'était enfoncer un coin dans le principe fran-ciscain de la précarité. De fait, il semble que certains bienfaiteurs hongrois, en particulier les fondateurs de couvents observants et leurs héritiers (en tant que patrons) aient pris l’habitude de céder des parts de production (en nature) à cer-tains établissements de l’observance.

Le portrait du patron idéal que brossèrent les pères du chapitre provin-cial de 1544 à l’intention de Loup Bethlen à propos du couvent de Felfalu évo-que la construction et l’entretien des bâtiments conventuels et la constitution d’une dotation initiale (très confortable117) assurant aux frères une totale sé-curité alimentaire dans les premiers mois suivant leur installation. Par respect de la règle, il ne mentionne pas l’attribution de revenus fixes aux religieux, en nature ou en argent118. Il en allait sans doute autrement dans la pratique. Dès 1471, le testament de noble André de Toldalag, dressé devant deux frères observants, prévoyait qu’une fraction des poissons pêchés dans l’étang qu’il venait de céder aux ermites de saint Paul reviendrait à l’avenir aux occupants des couvents de Marosvásárhely et de Felfalu119. On se souvient peut-être de ce que le roi Wladislas avait attribué 300 florins annuels, pris sur le produit des mines royales de sel, pour financer l’achè vement de la construction du couvent de Kolozsvár, fondé par son prédécesseur hunyade. Or, une fois les travaux terminés, les frères continuèrent à recevoir de lui une aumône régu-lière, toujours prélevée sur la production saline, ainsi que le montrent deux documents des années 1519 et 1520120. Par la suite, certains couvents eurent des animaux de ferme. Le chapitre de 1537 dut leur rappeler l’interdiction d’élever des poules, des bœufs et des chevaux, et il les enjoignit de vendre immédiatement ceux qu’ils détenaient121. En vain: l’élevage et l’exploi ta tion de vignes devinrent monnaie courante dans les couvents hongrois au moment de la pénurie des années 1530 et 1540.

116 G. Zarri, Aspetti dello sviluppo, 238-240.117 Voir chapitre 11.118 Kollányi, 54, d’après les actes du chapitre provincial de 1544.119 Karácsonyi II, 114; Z. Soós, The Franciscan Friary, 253. Source: MFL, fds I, ms CXI; K.

Szabó (éd.), Székely Oklevéltár I, 92-93.120 Karácsonyi II, 100-101.121 Kollányi, 60, d’après les acta capituli de 1537; Karácsonyi I, 396. Voir aussi chapitre 11.

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Lent relâchement de la discipline

À d’autres égards également, l’ardeur exaltée des débuts paraît s’être émoussée à partir des années 1510. Le souci du confort, perceptible dans les décennies précédentes, tendit à s’accroître au fil des ans. Les dirigeants renou-velèrent inlassablement l’interdiction de se déplacer autrement qu’à pied. Énon-cée dans les Constitutions, elle apparaît toujours parmi les puncta ad capitulum importanta que devaient vérifier les visitatores à l’approche du chapitre de 1515, à charge pour eux de signaler par un rapport écrit les éventuelles infractions122. Au début des années 1520, le ministre Bernardin de Somlyó rappelait dans une exhortation: Nullus insuper fratrum equitet, quadrigetur, vel calciamenta defferat123. Les visitatores durent encore s’en assurer en 1534, pour les simples profès comme pour les dignitaires124.

Autre élement concordant: les observants hongrois s’efforçaient visiblement d’augmenter le volume de ce qu’ils avaient dans l’assiette. Parmi les directives qu’il donne aux mêmes inspecteurs, le vicaire de Hongrie leur demande de veiller à ce que les couvents n’accumulent pas des quantités de vivres (vin, céréales et lard) supérieures à leurs besoins. Pour cela, il leur recommande de désigner deux ou trois frères au dessus de tout soupçon (duobus vel tribus patribus senibus experientis in regulari observantia) qui seraient chargés de définir la ration la mieux appropriée aux membres de chaque établissement125. Une exhortation vicariale rédigée elle aussi entre 1514 et 1516 rappelle fermement que la pauvreté s’applique également aux denrées alimentaires de base126. Pour limiter la durée des repas, qui avaient toujours tendance à s’éterniser, Bernardin de Somlyó imposa aux couvents de se munir d’une horloge: tous pourraient ainsi s’assurer de ne pas passer plus d’une heure à table, au déjeuner comme au dîner127.

Alors que ce point ne figurait pas explicitement dans les Constitutions de 1499, les visiteurs préparant le chapitre provincial de 1515 reçurent la tâche de rapporter aux pères les cas d’ivresse répétée et causant le scandale (ebrietas consue-tudinaria et scandalosa)128; la prescription ressurgit dans les directives laissées à leurs

122 Quintum equitatura seu quadrigatura in casibus non gressis… 1er form., fol. 73.123 1er form., fol. 197v (pj n° 6).124 Kollányi, 24-25, d’après 2e form., fol. 155-158v.125 1er form, fol. 72.126 1er form., fol. 193v-194.127 Prandium vestrum non extendat ultra horam; propterea horologia in singulis locis habeantur. Collatio

similiter vestre sit citra horam. 1er form., fol. 197 (pj n° 6).128 1er form., fol. 73.

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successeurs, les visitatores des années 1530129. Des abus avaient-ils réellement été constatés? Les actes du chapitre de 1515 n’en mentionnent pas. On sait par ailleurs que les sources franciscaines n’enregistrent aucune con dam nation nomi-native pour ivrognerie avant 1530. Encore n’en connaît-on qu’une seule à cette période: celle de Jean de Gyula, gardien du couvent de Sárospatak, à qui le chapi-tre provincial de 1531 retira son officium pour ce motif130. Ce blanc documentaire n’est peut-être qu’un leurre: il peut trahir la banalité d’un fléau, l’alcoolisme, qui, comme dans certains couvents bretons à la même période, s’était étendu de ma-nière latente ou déclarée à la majorité des religieux. Les clauses pour le moins timi-des des Constitutions d’Atya – qui ne sanctionnaient que les abus chroniques en la matière131 – en sont sans doute partiellement responsables. Bernardin de Somlyó s’efforça de réagir au début des années 1520 par des mesures préventives. Après avoir décrit à son tour l’effet désastreux de l’ivresse sur le comportement des frè-res, il ordonna aux custodes de surveiller ceux qui avaient tendance à s’isoler dans leur cellule après les repas au réfectoire pour s’adonner librement à leur vice132.

Les manquements à la chasteté existaient. Sans quoi le ministre Bernardin de Somlyó n’aurait pas pris la peine de consacrer un long paragraphe à la ques-tion dans l’exhortation qu’il adressa aux custodes hongrois au début des années 1520. Il leur demande d’inciter les frères dont ils avaient la charge à se méfier des femmes et à éviter les contacts avec les jeunes gens, notamment au moment de la confession, en redoublant de vigilance pour les novices133. Son successeur, Gabriel de Pécsvárad souligne la nécessité de se protéger de la tentation de la fornicatio, qu’il interprète comme la conséquence de l’oisiveté. Lui aussi exhorte les frères à limiter les échanges avec les laïcs; en particulier avec les adolescents et les représentants du sexe faible, décrits comme des serpents au venin mortel et des suppôts de Satan134. Les deux exemples d’admonitions canoniques pour-vues d’un exposé des motifs explicite que l’on trouve dans le premier formu-laire, rédigés dans les années 1510, se rapportent l’un comme l’autre à des cas

129 Kollányi, 24-25, d’après 2e form., fol. 155-158v.130 Karácsonyi I, 389; Kollányi, 97, d’après les actes du chapitre provincial de 1531.131 Voir chapitre 5.132 Post refectorium autem rursus, quis ad potum non nisi cum suo dedecore et verecundia tanquam

Epicurus reverti poterit. 1er form., fol. 197 (pj n° 6).133 Cavete consortia et consilia mulierum ac juvenum familiaritates intus et extra tanquam syrenas. 1er

form., fol. 197v (pj n° 6).134 …non solum vitetis verum tanquam venenum mortiferum abhorreatis. (…) Nam quod inimicus

capitalis Sathan per se nequit peragere, agit hoc per sua arma que sunt mulieres et earum consortium et aspec-tum... 1er form., fol. 213-213v (pj n° 7).

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de lapsus carnis135. Le chapitre provincial de 1539 durcit par la suite les sanctions prévues par les Constitutions de 1499 à l’encontre des frères qui profitaient de leurs visites aux sœurs tertiaires pour assouvir leurs passions ou faisaient entrer des femmes dans leur couvent136.

Sans penser nécessairement à mal, certains religieux eurent tendance à se rapprocher des laïcs, au mépris de l’obligation de clôture. Leur intimité avec la population environnante était telle que le chapitre de 1539 prit des mesures éner-giques pour dissoudre les liens de parenté spirituelle que certains frères avaient établis avec des habitants du voisinage. Les récalcitrants encouraient désormais des peines d’emprisonnement137. Les couvents hongrois se dotèrent par ailleurs de fonctions profanes jusqu’alors inconnues. Ils acceptèrent – comme le faisaient d’autres établissements ecclésiastiques – d’assurer le gardiennage de fortes som-mes d’argent ou de pièces de prix. En 1494, Jean Tuba, habitant de Sárospatak, récupéra chez les frères du couvent observant de la ville les 32 florins qu’il leur avait laissés138. Un règlement judiciaire rendu à Pest en 1497 nous apprend qu’un bourgeois nommé Michel Porkolób avait confié au gardien du couvent de la ville la somme de mille florins (!); celui-ci jura cependant qu’elle avait été déposée en réalité auprès du vicaire de la province, Étienne de Sopronca139. Les Constitutions d’Atya condamnèrent vigoureusement ces pratiques, jugées contraires à l’esprit de pauvreté et susceptibles d’engendrer des liti ges avec les propriétaires des biens mis en dépôt140. Les sources consultées n’en par lent plus au XVIe siècle. Est-ce à dire qu’elles avaient totalement disparu? Le pillage répété des couvents par les brigands à partir de la fin des années 1520 tendrait à faire croire le contraire, car il n’est pas sûr que la vaisselle liturgique ait suffi à alimen-ter leur convoitise.

La solidarité des religieux envers leurs confrères malades, âgés ou infirmes avait-elle besoin d’être ranimée? Elle figure expressément parmi les points que

135 1er form., fol. 51v et 52 (pj n° 12). 136 Kollányi, 81 87, d’après les actes du chapitre de 1439; Karácsonyi I, 399.137 Kollányi, 87.138 Karácsonyi II, 146.139 Karácsonyi II, 138.140 Item quod nihil permittatur deponi in locis fratrum in auro vel argento geminis seu quacunque alia

repraetiocsa, solis libris exceptis, nisi aliquis casus necessitatis emergat, quem fratres absque scandalo vitare non possent et nunquam fiat sine licentia guardiani. Ita quo ab ipso videatur quid et quantum (si fieri permiserit qui deponit) cui et qualiter reddere debeat cum protestatione quod fratres deponentibus de custodia nullomodo tenebuntur. LERH III, 624.

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devaient vérifier les inspecteurs en visite, en vue du chapitre de 1515141 et, deux décennies plus tard, à la veille du chapitre de 1534142. Là encore, c’est peu pour conclure à une réelle dégradation de la situation. Mais l’ordre dans lequel les diri-geants mentionnent le problème, différent selon les époques, tend à prouver qu’il se posait avec une acuité particulière depuis les années 1510 : absent en 1499143, il monte à la troisième ou à la seconde place en 1515 (selon les textes précédemment évoqués) et reste deuxième en 1534. A cette date, le souci majeur des dirigeants était de rétablir des relations paisibles entre les frères vivant dans un même couvent. Le second formulaire rapporte une anecdote qui en dit long sur les doutes qu’avaient les fidèles dans ce domaine. Quelques semaines après le transfert d’un religieux dans une autre custodie, le bruit courut dans le voisinage, clercs compris, que celui-ci avait été assassiné par ses compagnons, qui auraient ensuite jeté son corps dans le Danube pour dissimuler leur crime. Le ministre de la province ordonna au disparu de revenir dans son couvent d’origine, prouvant ainsi aux habitants qu’il était bien en vie. Il n’en fallut pas moins pour faire taire la rumeur144!

Enfin, au lieu de débattre de questions de foi ou de piété, les frères se dis-persaient en occupations futiles. Ils assistaient à des spectacles et à des jeux pu-blics. Leur conversation, entre eux ou avec les laïcs, manquait parfois de la plus élémentaire décence. Du moins c’est ce que laisse entendre le ministre Bernardin de Somlyó au début des années 1520: dans une exhortation de portée générale, il demande aux religieux de ne pas se livrer à des divertissements profanes et de s’abstenir de propos choquants, en particulier avec les jeunes profès et avec les laïcs, à qui ils ne doivent parler que des saints ou des Écritures145.

Faisons la part des choses. Les éléments documentaires dont on dispose à l’heure actuelle pour les années 1510 et 1520 ne permettent pas de conclure à une réelle relaxatio regularis disciplinae, celle qu’étaient censés dépister les inspecteurs de la province salvatorienne selon les Constitutions d’Atya146. Même en comptant avec l’autocensure des textes officiels, rien n’autorise à considérer que les mem-

141 Tertio: quod infirmaria sic munda et habeat pro se necessaria. 1er form., fol. 72. …Secundum est incuria infirmorum. 1er form., fol. 73.

142 Kollányi, 24-25, d’après 2e form., fol. 155-158v.143 LERH III, 616.144 Kollányi, 89, d’après 2e form., fol. 126.145 Preterea caveatis intus et foris a lenitatibus et otiosis ac mundanis verbis, et ad ludos lenes et spectacula

vana judenda non exeatis, et omnis arrogantie vel jactantie notam evitetis, ne pusillos scandalizetis. Sit et sermo vester sale conditus, verax non procax. (…) Scripturis et sanctorum exemplis, presertim in mensa cum seculari-bus, sicut decet vere religiosos, ut in odore virtutum sequantur vos. 1er form., fol. 198-198v (pj n° 6).

146 LERH III, 616.

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bres de l’observance franciscaine hongroise s’écartaient massivement des nor-mes définies au siècle précédent par les fondateurs du mouvement. La plupart continuaient de les respecter, en matière de pauvreté, d’obéissance ou encore de chasteté. Les délinquances caractérisées demeurent l’exception. Néanmoins, un amollissement se dessine à partir de 1510 environ, qui ne cessera de s’accentuer dans les années suivantes.

Au moment où Luther affûtait ses armes contre les ordres religieux, les frères réformés de Hongrie n’avaient donc pas “trahi” l’idéal franciscain. Tout juste se montraient-il plus ternes sur la scène monastique. Attachés à conserver leur originalité par rapport au centre italien, au détriment de leur aggiornamento idéologique, et victimes d’un certain tiédissement moral, ils n’incarnaient plus la perfection du modèle régulier comme au siècle précédent. Les clercs séculiers et les membres des autres ordres risquaient fort de profiter de cette éclipse pour reprendre l’ascendant perdu. Il y avait plus inquiétant: les prises de position des responsables de la province hongroise généraient une insatisfaction grandissante au sein même de celle-ci.

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Chapitre 8

UNE PROVINCE DIVISÉE

Au printemps 1514, alors que l’observance franciscaine était au faîte de sa gloire dans le bassin des Carpates, plusieurs de ses membres s’engagèrent person-nellement, du côté des insurgés, dans la plus violente révolte sociale que vécut la Hongrie à la fin du Moyen Âge: la guerre antiseigneuriale menée par Georges Dózsa. Comment avait-on pu en arriver là, après trois quarts de siècle d’essor continu au service de l’Église et de la papauté? Pour le comprendre, il nous faut remonter à la source de la contestation. Nous commencerons par identifier le feu qui couvait sous la cendre dans les années précédant le sanglant face à face de 1514. Après avoir présenté les premières manifestations de ce courant, nous chercherons en quoi il constituait, par son insoumission aux dirigeants de la pro-vince et la violence de son discours, un mouvement d’opposition au sein de l’ob-servance hongroise.

Avant d’aller plus loin, il convient de souligner les obstacles que pose la documentation. Elle ne pèche pas tant par sa maigreur que par son parti pris. La quasi-totalité des textes disponibles émane en effet des représentants de la direction de l’ordre. Les injonctions et recommandations reproduites dans le premier formulaire, tout comme la Chronique observante – rédigée comme on sait par le propre secrétaire du ministre provincial, Étienne d’Ivanics, pour les années 1510 à 15331 – ne fournissent à l’évidence que la version autorisée des faits. Leur auteurs taisent délibé ré ment les aspects les plus embarrassants de la contestation; au mieux, ils demeurent dans le flou, de peur de donner – sans le vouloir – un écho au mouvement qu’ils s’efforçaient de combattre. A l’inverse, aucun témoignage direct provenant du camp des contestataires n’a malheureu-sement subsisté.

1 Voir Introduction.

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CHAPITRE 8312

Longtemps ignorées par les écrivains appartenant à l’ordre des mineurs, les principales manifestations de la dissidence franciscaine ont été remarquablement mises en lumière dans les années 1970 par l’historien hongrois Jenő Szűcs2. Ren-dant à César ce qui est à César, je m’appuierai souvent dans ce chapitre sur le résultat de ses investigations. J’y apporterai seulement quelques nuances et com-pléments fondés sur les textes restés hors de son champ d’analyse et proposerai au besoin des interprétations différentes.

I. Genèse de la contestation observante

Divers indices montrent que, bien avant 1514, le ver était dans le fruit. Les premières crises de croissance de l’observance franciscaine hongroise avaient semé des germes de division qui, s’ils furent maîtrisés et neutralisés en ap pa-rence, n’en constituent pas moins les signes avant-coureurs d’un malaise profond et durable.

Un précédent: la crise des années 1460

On se souvient des controverses qu’avait alimenté la personnalité affirmée d’Étienne de Varsány. Élu chef de la jeune vicairie de Hongrie en 1456, il aurait cherché ensuite par tous les moyens à accroître son pouvoir personnel à l’intérieur de la province; ceci en faisant d’abord sortir celle-ci de la famille cismontaine, puis en tentant de conserver sa charge vicariale jusqu’à sa mort3. Mais derrière cette attitude apparemment dictée par l’ambition se cache peut-être une réalité plus significative: l’existence dès cette période d’un courant minoritaire, incarné et dirigé par Étienne de Varsány, qui se trouvait en opposition idéologique avec la majorité s’exprimant régulièrement au chapitre provincial, attachée à un certain conformisme. C’est pro-bablement pour imposer ses vues que le vicaire s’efforça de garder le contrôle de la province au-delà de son mandat: il savait très bien que, faute de pouvoir réunir autour de lui suffi samment de suffrages, il aurait été renversé à la prochaine élection. Il aurait alors perdu non seulement la direction des affaires de la vicairie mais aussi l’espoir de mettre en oeuvre les réformes souhaitées. La suite lui donnera raison.

Sur quels éléments s’appuie cette hypothèse? En les examinant de près, on trouve dans les divergences apparues autour des années 1460 de troublantes simili-tudes avec celles qui diviseront les observants hongrois au début des années 1510.

2 Voir en particulier Dózsa paraszháborújának, Ferences ellenzéki et A ferences obszervancia.3 Voir chapitre 2.

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UNE PROVINCE DIVISÉE 313

Rien ne permet de prouver l’existence d’une filiation directe entre les deux courants, il est vrai; ce qui explique que Jenő Szűcs n’ait pas songé à les rapprocher. Malgré tout, on est en droit penser que les querelles nées du temps d’Étienne de Varsány ne s’éteignirent jamais totalement. Elles laissèrent chez certains frères des cicatrices susceptibles de se rouvrir, pour peu qu’elles soient portées par une lame de fond telle que le courant contestataire du début du XVIe siècle.

En tête du réquisitoire dressé par les délégués hongrois contre Étienne de Varsány auprès du ministre général de l’ordre en 1462 (d’après la Chronique ob-servante) se trouve le fait qu’il avait privé de leur officium des religieux expérimen-tés, en les remplaçant par de jeunes profès. Au mépris des usages de la province, il aurait aussi promu de simples frères n’ayant jamais exercé de responsabilités au sein de l’ordre (en tant que gardien par exemple) à la dignité de custode, et ceci, selon les “anciens”, sans requérir l’approbation du chapitre vicarial4. Le second chef d’accusation portait sur les liens d’Étienne de Varsány avec les évêques et les barons. Ses détracteurs lui reprochaient notamment de les avoir invités à sa table, en puisant pour cela dans le produit des aumônes destinées aux frères mineurs. Il aurait même partagé entre ses hôtes le prix de la vente d’un objet liturgique de grande valeur qui appartenait au couvent d’Esztergom5. Il semble que, après la déposition du vicaire en février 1462 et sa mort quelques mois plus tard, certains de ses disciples aient choisi de quitter leur couvent pour entrer dans l’entourage de prélats ou de grands seigneurs laïcs. C’est d’ailleurs pour stopper ces départs que le nouveau vicaire demanda à Paul II de confirmer la bulle de Pie II qui les soumettait (depuis le 22 janvier 1462) à l’autorisation préalable des supérieurs6. D’autres religieux firent le choix inverse: ils rejoignirent des ermites isolés auprès de qui ils se retirèrent dans le dénuement le plus complet. Le plus connu n’est autre que Gilles d’Igal, celui qui avait fondé un petit ermitage au cœur d’une forêt proche de son lieu de naissance vers le milieu du XVe siècle7. Il s’empressa de solliciter du pape une bulle de confirmation, qu’il obtint d’abord d’Eugè ne IV (donc avant 1447) puis le 1er mai 1462, prenant ainsi de court le nouveau vicaire, hostile à sa démarche8. De nouvelles créations suivirent. Le lien entre le succès récent de ces fondations

4 Ipse cepit fratres seniores et perfectiones angere et deponere et juniores pro se elevare, ita quod, ut dicunt senes, ut qui nunquam antea quardianus fuisset sine consensu capituli in custodem elevabat… C[h]ronica, 246. Voir aussi Karácsonyi I, 341.

5 …et episcopos ac barones ad fratrum elemosinas tanquam ad convivia invitabat, et sic plurima contra libertatem regulae inducens, etiam regale legibulum filiae regis Belae in conventu Strigoniensi servatum saecula-ribus pro sui acceptatione qualibuscunque personis dividebat. C[h]ronica, 246.

6 Voir chapitre précédent.7 Voir chapitre 2.8 Karácsonyi I, 343. Source: Vetera monumenta II, éd. A. Theiner, 375.

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CHAPITRE 8314

érémitiques d’origine franciscaine et le courant qu’incarnait Étienne de Varsány n’apparaît pas dans la documentation. La coïncidence chronologique des faits suggère néanmoins qu’il a pu exister.

Les principaux points de doctrine sur lesquels Étienne de Varsány et ses partisans se démarquaient de la ligne de conduite défendue par la majorité au chapitre se résument ainsi. Ils portaient tout d’abord sur la place respective qu’il fallait reconnaître aux jeunes frères et aux “anciens” dans la prise des décisions; ce qui revenait implicitement à définir un équilibre entre innovation et tradition. Varsány défendait de son côté le rajeunissement des “cadres” de la province et l’aggiornamento de l’idéologie dominante. D’où les craintes qu’il a éveillées parmi les “traditionalistes”. Secundo, il s’agis sait de résoudre la contradiction entre les deux composants du franciscanisme des origines, l’eremus (érémitisme et contemplation loin des concentrations humaines) et l’urbs (proximité des foules, urbaines notam-ment). Cela soulevait en corollaire le problème de la place des observants dans la société civile, en particulier auprès des gouvernants. Était-il souhaitable ou dan-gereux de se mettre au service de prélats ou de grands seigneurs? La recherche de Dieu dans la solitude n’était-elle pas au contraire l’une des meilleures manières de vivre l’idéal franciscain? Tel était le choix de Gilles d’Igal et de ses émules. Quant à lui, Étienne de Varsány estimait (comme les conventuels) que les frères réformés avaient leur rôle à jouer dans le monde. Leur présence auprès de prélats et de ba-rons, qu’ils influençaient par leurs conseils éclairés, leur permettait de promouvoir la victoire du bien sur le mal.

Le mouvement animé par Étienne de Varsány, totalement négligé par la bibliographie, n’avait rien de tiède, de marginal, ni d’éphémère. Le montrent les départs successifs de ses disciples, soit auprès de seigneurs laïcs, soit dans des ermitages isolés. Demeurer au sein de la province leur était devenu à ce point insupportable qu’ils préféraient la quitter. Le successeur du vicaire déchu, Michel le Sicule, eut bien du mal à venir à bout de ce courant hétérodoxe. Ne pouvant lutter contre les frères qui s’étaient placés dans l’entourage de puissants aristocra-tes, il s’en prit aux ermitages isolés. Il se rendit en personne auprès de l’archevê-que-primat et s’indigna auprès de lui de l’indiscipline des “fugitifs” vivant à Igal et dans les autres fondations du même genre. Il obtint gain de cause le 12 octobre 1462: on sait que le prélat ordonna alors aux franciscains de l’observance d’obéir au nouveau vicaire, Michel le Sicule, et non à son remuant prédécesseur9. Une transcription de cette charte effectuée à l’intention de l’évêque de Veszprém le 8 novembre suivant indique que Denis de Szécs alla plus loin: il interdit alors à tous

9 Voir chapitre 6.

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les clercs de son archidiocèse, clercs mineurs ou curés de paroisse, de prendre le parti des frères mineurs disséminés dans le pays ou vivant dans des masures, à l’instar de ceux qui s’étaient réunis à Igal. Il les enjoignit de les excommunier si les dirigeants de l’ordre le leur demandaient, ou au moins de laisser leur église à la disposition de ces derniers pour qu’ils puissent prononcer l’excommunication publique des coupables. Ils recevraient douze jours d’indulgences en récompense de leur concours10. Le principal accusé, Gilles d’Igal, ne s’avoua pas vaincu. Le 27 février 1464, il se référait à une bulle reçue selon lui d’Eugène IV pour soute-nir la légalité de sa fondation. On ne trouve plus trace de son ermitage dans les années suivantes, pas plus que des autres créations érémitiques nées à cette pé-riode. Faut-il en con clure (avec János Karácsonyi) qu’ils disparurent rapidement du paysage monastique hongrois11? A moins qu’ils n’aient plutôt survécu dans la clandestinité…

Le mal-être des frères dans les années 1510

Quoi qu’il en soit, les sources disponibles laissent entrevoir une certaine agitation dans les couvents de la province réformé vers le tournant des XVe et XVIe siècles. Elle s’intensifia manifestement dans les années 1510 et se prolongea jusqu’au milieu des années 1520. Elle prit parfois la forme, banale, de manque-ments à la discipline. Mais, à la différence du relâchement insidieux et progressif qui touchait l’ensemble des frères depuis le début du XVIe siècle, il s’agissait cette fois d’abus manifestes et répétés. Ils étaient le fait de religieux cherchant délibé-rément à braver par leur comportement délinquant l’autorité des dirigeants de la province. En témoigne le motif récurrent de la “noirceur des péchés causant le scandale” dans les exhortations vicariales copiées dans le premier formulaire. Développé dans un paragraphe commençant habituellement par la formule “sed heu, proh dolor”, il faisait référence à des faits réellement constatés, et non au dis-cours stéréotypé et préventif des dirigeants de l’ordre. On le repère dès 1488, dans une exhortatio de Barthélemy de Sáros12, une dizaine d’années plus tard sous

10 Karácsonyi I, 343 et II, 81. Source: MFL, fds I, ms LV (inv. 1930: p. 8, n° 55).11 Karácsonyi I, 344; II, 81. Source: Monumenta romana III, éd. V. Fraknói, J. Lukcsics, 170.12 Sed heu proch dolor! Jam plerique ex nobis nihil in suo sanctissimo proposito proficientes, in deterius

prolapsi supra carbones frigidos ingriores effecti per torporem mentis sue, ab igne charitatis divine extincti, et luce superne illuminationis privati, etiam ingredine peccatorum et scandalorum perpetrationem offuscantur. 1er form., fol. 17 (pj n° 1).

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la plume d’Oswald de Laskó13, puis sous celle de Gilles de Cegléd vers 150614. Les pères assemblés en chapitre à Buda en 1505 s’insurgeaient de la même manière contre les frères “causant le scandale et commettant des violences” (scandalosi et violenti fratres); ils interdirent fermement aux responsables de laisser ceux-ci sortir de leur couvent, sous aucun prétexte, et en particulier de les envoyer prêcher dans les territoires de quête15.

Ces textes insistent plus spécialement sur les cas de désobéissance aux digni-taires, indice de ce qu’ils prenaient vraiment des proportions inquiétantes. Dans un sermon de Carême rédigé autour de 1490, Oswald de Laskó déplore le fait que de nombreux membres de son ordre se pliaient difficilement aux injonctions de leurs supérieurs16. Il cite le nom de deux confrères, Benoît de Csanád et André de Hu-nyad, qui commirent l’irréparable en apostasiant, persuadés qu’ils étaient, dans leur fierté aveugle, de marcher sur la voie étroite menant au salut (Mathieu, 7, 14)17. Il parle ailleurs d’un convers nommé Simon de Imoliia (?), mort trois ans plus tôt, qui avait désobéi et avait quitté lui aussi la famille franciscaine18. Enfin, il présente un exemplum se déroulant in nostra familia Hungarie, dans lequel un frère osa répondre au gardien qui lui demandait de respecter le silence qu’il réservait son obéissance au Christ et à son royaume19.

Dans les années 1510, on perçoit des signes supplémentaires de malaise chez les observants de Hongrie. La peste de 1508-1510 emporta près de quatre cents frères (386 exactement, d’après la Chronique20) sur 1700, soit près d’un religieux sur quatre – une proportion nettement plus élevée que dans la population totale. Elle n’avait épargné ni les dirigeants – l’ancien vicaire Blaise de Nyár, le gardien d’Újlak Bonaventure de Kapronca, le célèbre prédicateur Georges de Szeged, ou encore Étienne de Doroszló, custode d’Esztergom en 1506 et plusieurs fois re-

13 Sed est, o patres et fratres mei dilectissimi, quod me multum monet, quia plures de nobis sibi manna deesse causantur, plures qui illio refici consueverunt, … 1er form., fol. 27.

14 1er form., fol. 30 (pj n° 3). Voir aussi J. Szűcs, Ferences ellenzéki,, 419-420.15 LERH III, 649.16 O quot sunt tales in ordine, qui indevote obediunt et cum murmure, non intuitu dei... OL, Quadr.,

sermo XIX.17 ...frater Benedictus de Chanadino... in arte via superbe incedebat, ideo corruit de ea apostando. Simi-

liter frater Andreas (de) Hwnyad et alii nonnulli. OL, Quadr., sermo XIX; cité par J. Szűcs, Ferences ellenzéki, 419.

18 OL, Quadr., Sermo 19. Voir aussi R. Horváth, Laskai Ozsvát, 70-71.19 Ego, inquit, pater charissime, meam obedientiam vendidi Christo domino pro se et pro regno suo, sed

vere pauci hec intelligunt. OL, Quadr., sermo XIX; cité par J. Szűcs, dans Ferences ellenzéki, 419.20 C[h]ronica, 271.

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présentant du vicaire –, ni les simples frères21. Frappant davantage les hommes âgés que les plus jeunes, la peste causa la disparition de presque toute une généra-tion de frères mineurs. Comme dans les couvents lituaniens après les pandémies de 1543 et de 155122, l’équilibre entre “jeunes” et “anciens” s’en trouva boule-versé. Nul doute que le fléau provoqua des traumatismes durables chez ceux qui en sortirent indemnes. Outre la perte d’êtres chers, elle engendra une angoisse du lendemain que, malgré l’accalmie sanitaire des années suivantes, les nouvelles venant du front turc ne pouvaient qu’accroître. Un texte du premier formulaire rédigé vers le milieu des années 1510 parle de fratres inquieti; le vicaire de Hon-grie les autorise à quitter la vicairie pour une autre province franciscaine23. Des religieux en vinrent à douter de leur vocation, voire de l’utilité de leur ordre dans l’Église et dans le monde. Vers 1512, le vicaire Gabriel de Pécsvárad leur rappelait pour les revigorer qu’ils avaient été choisis entre des milliers pour connaître le glorieux sort du Christ24. Quelques années plus tard, au début des années 1520, il exposait encore ce thème avec lyrisme, s’efforçant de démontrer aux membres de la province quelle chance ils avaient d’appartenir à l’observance franciscaine. Leur état les rendait plus proches de Dieu que quiconque sur cette terre; loin des périls du monde et de la mort, tel le peuple élu, citoyens de la plus glorieuse nation qui soit, ils étaient assurés de rejoindre la “compagnie des anges”25.

Plus inquiétant sur le plan de l’orthodoxie, certains frères diffusèrent des prédictions catastrophistes, teintées d’eschatologie, achevant ainsi de perturber les esprits26. Sans anticiper sur le récit circonstancié des événements de 1514, qui font l’objet du prochain chapitre, remarquons seulement que les prédicateurs dont il est ici question venaient de Slavonie. La précision est utile: à ce moment précis, les franciscains slavons tentaient de se séparer de la province hongroise. S’ils voulaient former une nouvelle circonscription franciscaine, indépendante de la vicairie de Hongrie, c’est vraisemblablement à cause d’écarts doctrinaux par rapport à leurs confrères de Hongrie intérieure. Régulièrement frappée par les incursions turques, accueillant aussi des franciscains venus de la Bosnie voisine, la custodie de Slavonie vivait comme on sait des heures difficiles. Peut-être y tenait-

21 Karácsonyi I, 367.22 V. Gidžiunas, De initiis Fratrum Minorum, 102.23 1er form., fol. 120v (pj n° 28).24 Quia vero nos tanquam populus Domini peculiaris, ex milibus electus, in sortem Domini ad hoc

specialiter vocati sumus. 1er form., fol. 9 (pj n° 4).25 1er form., fol. 210v-212 (pj n° 7).26 … mortalitate praedicta durante, a quibusdam duobus morituris fratribus in Sclavonia visiones

quodammodo mirabiles propalabantur, utpote de temporibus futuris ac contingentibus in eis, quibus quidem e visionibus nonnullae fuere credulae, quaedam vero minime. C[h]ronica, 271.

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on un discours plus radical qu’à Buda ou à Esztergom. Ces divergences explique-raient la virulence des accusations portées à l’encontre des frères slavons par les responsables de la province de Hongrie devant le vicaire général et les définiteurs cismontains27. Grâce à quoi ils obtinrent gain de cause auprès du pape. L’intégrité territoriale de la province de Hongrie était préservée. Mais on peut imaginer quels ressentiments gardèrent de ces déclarations les frères de Slavonie.

Agitation, anxiété lancinante et clivages régionaux fragilisaient donc l’ob ser-vance hongroise depuis le début du XVIe siècle, sinon plus tôt. S’ils ne suffisent pas à rendre compte de la naissance d’un véritable courant d’opposition au sein de la province salvatorienne, du moins ont-ils favorisé son éclosion.

II. Un discours radical

L’esprit est fort, mais la chair est faible. Depuis leur fondation, toutes les congrégations régulières avaient connu des phases d’affaiblissement. Elles décou-laient du fait que les individus qui choisissaient ce genre de vie étaient immanqua-blement écartelés entre l’idéalisme enthousiaste de leur entrée en religion et la réa-lité quotidienne, entre le niveau d’exigences formulé par la règle et les supérieurs – dont ils n’avaient pas toujours une idée très précise au moment où ils pronon-çaient leurs vœux – et la faiblesse de la nature humaine, l’infirmitas qu’invoquaient les Capucins demandant à changer d’habit aux XVIe et XVIIe siècles28.

Le mouvement dont il est ici question ne se limite pas au groupe informel et fluctuant des frères déçus, insatisfaits ou turbulents. Il s’agit d’un courant s’ins-crivant résolument en faux par rapport au discours que tenaient les dirigeants de la province observante de Hongrie. Et cela de manière continue et déterminée, sans crainte des sanctions prévues – fût-ce leur exclusion de l’ordre – et en se faisant les propagateurs de thèses alors con si dérées comme incompatibles avec la doctrine franciscaine.

27 Voir chapitre 4. Source: 1er form., fol. 90v-91 (pj n° 16), 91-91v.28 B. Dompnier, Les séductions de la vie capucine entre XVIe et XVIIe siècles. Autour des de man des

de changement d’habit, dans Identités franciscaines, dir. F. Meyer et L. Viallet, 185-207.

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Un mouvement révolutionnaire?

Peut-on voir dans la dissidence hongroise un mouvement de révolte sociale? Telle était l’interprétation de Jenő Szűcs dans les années 1970. Il était à peu près impossible à cette période de publier des travaux scientifiques sans évoquer la lutte des classes ou la dictature du prolétariat. Pourtant, au-delà de l’habillage marxisant de ses analyses, Szűcs présente comme une vérité établie le fait que les membres de l’observance franciscaine, issus pour la plupart du milieu rural, em-brassèrent d’emblée la cause de la paysannerie. On sait que celle-ci souffrait depuis plusieurs décennies d’une rapide détérioration de ses conditions de vie. Elle s’agitait déjà en révoltes sporadiques au tout début du XVIe siècle. Jenő Szűcs estime que, si elles n’avaient pas été empreintes d’un fort radicalisme so cial, les harangues des prédicateurs chargés de trouver des volontaires pour la croisade contre les Turcs n’auraient jamais connu le succès spectaculaire qu’el les rencontrèrent dès les mois d’avril-mai 1514. Il souligne par ailleurs l’humble extraction des meneurs de la révolte armée dont les sources fournissent le nom29.

Sur un autre plan, il étaye sa démonstration par les critiques sévères qu’adres-sent Oswald de Laskó et Pelbart de Temesvár aux puissants, qu’ils accusent de mépriser les rustici et de les plonger dans la misère, tandis qu’eux vivent dans un luxe indécent30. Les deux prédicateurs ne se contentent pas de dénoncer les exac-tions des grands, écrit Jenő Szűcs en s’appuyant en grande partie sur les analyses de Tibor Kardos31. Ils font aussi l’apologie de la pauvreté et rappellent l’égalité originelle de tous les hommes, conforme à la “loi de la nature”. Plus encore, en cas d’abus caractérisés, ils encouragent les humbles à ne pas se plier à la volonté tyrannique de leurs oppresseurs, quitte pour cela à employer la fermeté, non pour se venger eux-mêmes mais pour venger l’offense faite à Dieu (ira per zelum). On retrouvera ce thème de la vengeance contre les traîtres – en l’occurrence, les no-bles qui abandonnèrent la croisade et se retournèrent contre “l’armée du Christ” – dans le discours des insurgés de 151432. Le concept de lex naturae apparaît éga-lement dans un bref document (non daté) du premier formulaire. Distinguant trois types de lois, la loi de la nature, celle des Écritures et celle de la grâce, son rédacteur définit la première d’entre elle comme le respect de la justice, de l’équité

29 Szűcs; Id., Ferences ellenzéki (passim).30 M.-M. de Cevins, Le stéréotype du bon laïc, 28.31 T. Kardos, A magyarországi humanizmus, 376.32 J. Szűcs, Ferences ellenzéki, 426-434, sur la base des éléments réunis par L. Pásztor, dans

Temesvári Pelbárt; voir aussi M.-M. de Cevins, Le stéréotype du bon laïc.

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réciproques, en dehors de toute considération sociale33. Voilà bien la preuve de ce que les obser vants hongrois connaissaient la notion de “loi de la nature”. Dans le courant spirituel comme chez certains humanistes, elle allait de pair avec l’idée selon laquelle, au départ, tous les hommes étaient égaux. Une conception que l’on retrouve dans le texte franciscain précédemment cité. La référence à la loi de la nature pouvait du coup justifier, chez les plus audacieux, le combat pour la libération de l’homme. Mené avec des moyens différents selon les auteurs, il visait à restaurer la société égalitaire (idyllique) des temps primitifs34.

Le raisonnement suivi par Szűcs, recevable dans son ensemble, appelle ce-pendant des réserves. Tout d’abord, nous l’avons constaté, la sociologie des frères demeure difficile à établir, faute de sources. Il n’est pas certain que la paysannerie ait été plus représentée que la bourgeoisie et la noblesse réunies35. Certes, les leaders de la guerre paysanne, tel le fameux “prêtre Laurent”, n’ap partenaient visiblement pas au milieu nobiliaire. Il est donc fort possible – mais non prouvé – que le gros de la contestation, du moins au moment où elle tourna en jac-querie, ait effectivement recruté ses troupes dans le monde paysan. C’est sur le terrain idéologique que la démonstration de Jenő Szűcs est la plus fragile. Les deux grands prédicateurs hongrois – qui incarnent, de toutes façons, le discours autorisé, et non celui de la dissidence – ne remettent aucunement en cause l’ordre social. Pelbart de Temesvár justifie par exemple, comme le faisaient déjà les prédi-cateurs franciscains au XIIIe siècle, la nécessité de payer des impôts. Il les présente comme la juste récompense des dirigeants pour le travail qu’ils accomplissent en vue du bien commun. Les deux prédicateurs hongrois préfèrent l’ari stocratie du salut, fondée sur le mérite, à la noblesse conventionnelle, celle qui s’ap puie sur le critère de la naissance; mais ils ne prônent pas pour autant l’é gali tarisme social36. Soutenir qu’ils s’insurgent contre l’en sem ble de la société féodale, comme l’a fait Tibor Kardos37, est un contresens. La pauvreté qu’ils louent n’est pas la pauvreté

33 Lex stricte accepta summitur tam pro lege scripta vel data, sed large accipiente summitur pro lege nature, scripture vel gratie. Lex nature est qua quisquam jubetur alteri facere quod vult sibi fieri, et alteri prohibetur inferre quod nolit sibi fieri. Lex scripture est qua Dominus dedit Moÿse in scripturis per tabulam, ut populus Ebraus et omnis christianus ea illuminatus Deum melius agnoscat, rectius ei serviat et Eum dul-cius amaret, in menteque teneret. Lex gratie est Ewangelium Christi que est omnis legis perfectio. 1er form., fol. 235v.

34 J. Szűcs, Ferences ellenzéki, 418-419. 35 Voir chapitre 6.36 M.-M. de Cevins, Le stéréotype du bon laïc, 26-27. Source: Temesvári Pelbárt, éd. S.

Kovács, 15.37 T. Kardos, A magyarországi humanizmus, 376.

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subie, mais la pauvreté volontaire, celle des moines38. S’ils jugent très sévèrement les abus des grands, ils n’encouragent nullement les paysans à prendre les armes contre leur seigneur. Ce n’est donc certainement pas en se souvenant des sermons d’Oswald de Laskó et de Pelbart de Temesvár – sermons dont Tibor Kardos écrit (sans preuves) qu’il les aurait peut-être entendus dans sa jeunesse –, que Georges Dózsa prit la tête de l’insurrection paysanne39. Enfin, aucun texte du premier for-mulaire, pas même celui qui évoque la “loi de la nature”40, n’appelle les humbles à reconquérir leur liberté perdue.

La dissidence hongroise ne peut donc se définir comme une révolte à ca-ractère social. C’est par le biais d’autres théories, eschatologiques et joachi mites notamment, que l’idée de rétablir une harmonie révolue a pu germer chez certains religieux.

La résurgence de sujets de controverse anciens

Les contestataires de l’observance franciscaine hongroise avaient de l’Égli se de leur temps une vision très critique. Les prédicateurs officiels, à commencer par Oswald de Laskó et Pelbart de Temesvár, n’avaient cessé de filer la métaphore du corps mystique du Christ héritée de l’apôtre Paul. Rappelons que, selon ce schéma ecclésiologique, les clercs – à commencer par le pape et les évêques – étaient dé-crits comme la tête pensante et dirigeante de l’Église, tandis que les fidèles n’en étaient que les membres, les exécutants. On sait que les deux illustres prédicateurs exhortaient périodiquement leurs ouailles à ne pas céder à l’anticléricalisme am-biant, en conservant une attitude déférente à l’égard des clercs, même quand ils avaient une conduite indigne de leur état41. Médire d’eux est un péché, déclaraient-ils sans détour. Si eux-mêmes se permettaient de dénoncer le luxe dont s’entou-raient certains prélats vivant comme des princes, ils n’encourageaient nullement leurs confrères mineurs à remettre en cause la suprématie du haut clergé et du pape dans l’Église. Les Constitutions de 1499 se font l’écho de cette conception respectueuse de la hiérarchie ecclésiastique lorsqu’elles demandent aux prédica-teurs de ne pas dénigrer les clercs devant leur auditoire42.

Les membres de la génération suivante semblent parfois avoir quelque peu oublié ces prescriptions. Ils n’étaient pas les premiers, bien sûr, à fustiger les excès

38 M.-M. de Cevins, Le stéréotype du bon laïc, 29-30.39 T. Kardos, A magyarországi humanizmus, 376.40 Voir le texte cité supra, note 33.41 Voir chapitre 6.42 Voir chapitre précédent.

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des prélats corrompus: saint Bonaventure s’insurgeait déjà contre les frères qui couvraient d’invectives évêques, abbés et clercs de paroisse. Les attaques contre ceux-ci semblent avoir redoublé de virulence au sein de la province observante hongroise dans les premières décennies du siècle de Luther. Que l’on en juge par le ton très ferme qu’emploie le vicaire Gilles de Cegléd lorsqu’il condamne vers 1506 l’audace téméraire de ceux qui osent critiquer le comportement des prélats et d’autres membres du clergé devant leurs ouailles43. Pour mettre fin à ces pratiques, il ordonnait aux custodes de faire preuve de séverité s’ils avaient connaissance de tels abus dans leur circonscription44. Ces mesures s’avérèrent insuffisantes. Les deux frères de Slavonie qui exposaient aux fidèles leurs visions eschatologiques tandis que sévissait la peste, dans les années 1509-1510, ne ménageaient visible-ment pas les évêques et les membres du clergé séculier dans leurs propos: l’auteur de la Chronique rapporte que tous vouèrent depuis lors aux observants une fran-che aversion45. Les mises en garde ultérieures des ministres provinciaux, Albert de Dereszlény en 151846, puis Bernardin de Somlyó au début des années 152047, révèlent l’ampleur et la longévité du mal. Ce n’est sans doute pas un hasard si cel-les des lettres de Bonaventure qui exposent le problème figurent parmi les rares textes anciens copiés dans le premier formulaire48. Et Gilles de Cegléd se place précisément sous son autorité morale dans son exhortation de 1506.

Reconnaissons-le: la tentation était grande pour les observants hongrois, en ce début du XVIe siècle où le pape ouvrait à Rome le chantier de la basilique Saint-Pierre tandis qu’en Hongrie les prélats en faisaient autant à leur échelle, de critiquer l’opulence du haut clergé et son immersion dans le siècle. Pour l’heure, ces offen-sives verbales épargnaient la personne du pape. Il faut attendre 1514 pour voir cer-tains prédicateurs franciscains s’en prendre publiquement au suc cesseur de Pierre, en relation avec les terribles événements qui avaient précédé.

Le second sujet de controverse qui ressurgit dans les années 1510 et 1520 concerne la “vraie” vocation de l’ordre fondé par saint François et l’inter pré tation de la règle franciscaine. Nul n’ignore à quel point les fils spirituels du poverello ont

43 J. Szűcs, Ferences ellenzéki, 420; 1er form., fol. 30v (pj n° 3).44 Perhorreo insuper quorundam ex nostris audaciam, qua contra seraphici patris nostri doctrinam, co-

ram laicis contra Ecclesie prelatos ac ceteros viros ecclesiasticos necnon ipsorum acta suggilando consur gunt…. 1er form, fol. 31 (pj n° 3). Voir aussi J. Szűcs, Ferences ellenzéki, 420.

45 Unum tamen exemplum quod pauperes fratres nostrae provinciae apud plerosque praelatos ecclesiasti-cos non tamen triti sunt in reverentia sed exosi facti. C[h]ronica, 271.

46 1er form., fol. 208 (pj n° 5).47 Nec prelatorum vitam coram populo carpant vel eos criminaliter nominent, sed potius reverentiam

exhibeant. 1er form., fol. 199 (pj n° 6).48 1er form., fol. 35v.

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UNE PROVINCE DIVISÉE 323

été divisés sur ces questions de fond, du vivant même de celui-ci. Les tensions persistantes depuis trois siècles entre les partisans de l’érémitisme contemplatif et ceux qui prônaient l’engagement dans le siècle n’avaient toujours pas disparu. Les solutions de compromis adoptées à l’échelle de chaque familia, province ou custo-die faisaient l’objet de remises en cause continuelles49. En Hongrie, nous l’avons constaté, on avait d’abord insisté sur l’eremus, associé à l’activité missionnaire. Puis, au moment où l’ordre se recentrait lentement vers l’intérieur du royaume magyar et où la con version des païens, hérétiques ou “schismatiques” passa au second plan, on fit porter l’accent sur l’action pastorale. A partir du milieu du XVe siècle, on s’engagea enfin dans l’activisme militant, pour promouvoir la croisade au nom du pape. Dans le même temps, on étouffait les expériences érémitiques nées au sein de la province.

Or, au début du siècle suivant, nombreux étaient les frères qui aspiraient visiblement à renouer avec l’érémitisme austère des origines. Là encore, faute de sources suffisantes, on ne peut mesurer l’ampleur du mouvement au sein de la province. Mais le corpus documentaire tend à prouver que, dans les années 1510, des liens existaient entre certains contestataires et l’ordre des ermites de saint Paul. La chronique retraçant peu après 1514 l’histoire de cette congrégation, sous le titre de Vitae fratrum Paulinorum, rapporte ainsi que le “prêtre Laurent” – leader de la guerre paysanne – venait régulièrement rendre visite aux ermites de saint Paul de Kápolna, non loin de Nagyvárad où se trouvait l’un des plus im-portants couvents de la province observante. L’auteur évoque une fréquentation régulière de la chapelle des ermites, en des termes qui suggèrent que le frère Lau-rent s’y rendait non seulement pour échanger des propos avec les moines, parmi lesquels il comptait peut-être des amis, mais aussi pour s’y livrer, mieux qu’il ne pouvait le faire dans son propre couvent, à la contemplation mystique (propter illius probitatem)50. Par la suite, dans les années 1530, nous verrons des observants hongrois se rapprocher d’une autre famille monastique cloîtrée, bien que non érémitique, celle des prémontrés.

Une dimension eschatologique

La vraie nouveauté du discours des réfractaires de l’observance franciscaine hongroise au début du XVIe siècle est ailleurs. Elle réside dans son affiliation aux courants prophétiques qui se réveillaient alors dans l’ensemble de la Chrétienté.

49 G. Merlo, Dal deserto alla folla; A. Vauchez, Conclusion de Predicazione francescana, 248.50 Szűcs, 251 et J. Szűcs, Ferences ellenzéki, 411-412.

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CHAPITRE 8324

Au demeurant, cette orientation n’avait rien de surprenant: les thèmes eschatologi-ques trouvaient un vif écho à l’époque dans les milieux réformateurs monastiques français, allemands ou encore italiens, surtout chez les franciscains observants51. Leurs émules s’inspiraient très largement d’un mouvement condamné depuis longtemps par l’Église: celui de Joachim de Flore. Les apôtres de la réforme ré-gulière, en France notamment52, s’inscrivaient en effet dans la logique de la suc-cession des trois “âges” décrits par le calabrais: l’âge de l’ordo conjugatorum (d’Adam jusqu’au Christ), celui de l’ordo clericorum (du Christ jusqu’à l’époque présente), et enfin l’âge de l’Esprit, décrit comme l’avènement de l’ordo monachorum et devant être précédé d’une période brève mais effroyable, le règne de l’Antéchrist. On sait l’influence qu’exercèrent ces théories chez de nombreux franciscains de la seconde moitié du XIIIe siècle, lorsque s’affirma, en Italie et en Provence princi-palement, le cou rant des Spirituels, et quelle fut leur relecture par Pierre de Jean Olieu. Dans ses Commentaires de l’Apocalypse, celui-ci avait développé le thème de l’Antéchrist, censé lancer des persécutions contre les “bons” par l’intermédiaire de ses agents présents sur la terre, les membres de sa “secte”. Indirectement, les boni (ou “société des élus”) étaient autorisés et même encouragés à lutter contre ceux-ci – même lorsqu’ils se paraient des attributs de l’autorité ecclésiastique – afin de faciliter l’avènement de l’Âge de l’Esprit. Les réformateurs monastiques de la fin du Moyen Âge, qui s’assi mi laient très clairement aux “bons”, trouvaient dans cet argumentaire la justification de leur désobéissance aux dirigeants “dé-formés” de leur ordre, présentés tout de go comme des suppôts de l’Antéchrist. Ajoutons pour finir que, un siè cle et demi plus tard, les auteurs spirituels étaient connus et appréciés (de manière discrète et sélective, certes) des grandes figures de l’observance fran ciscaine, de Bernardin de Sienne à Jean de Capestran, lui qui avait traqué les Fratricelles53. Les idées des Spirituels dépassaient donc largement le cadre des franciscains en rupture de ban au tournant des XVe et XVIe siècles.

La documentation hongroise ne permet pas, avouons-le d’emblée, de savoir quand, sous quelle forme et à quel point les tendances joachimites imprégnèrent l’observance franciscaine. Néanmoins, certains indices permettent de supposer qu’el-les y pénétrèrent dès la fin du XVe siècle, par des voies et des intermédiaires que l’on peine cependant à identifier. Plusieurs sermons de Pelbart de Temesvár expriment la conviction selon laquelle, après 1496, le monde n’en aurait plus pour longtemps54.

51 Histoire du Christianisme VII, dir. J.-M. Mayeur et alii, 307; F. Seibt, Utopica….52 J.-M. Le Gall, Les moines, 156.53 D. Nimmo, Reform and Division, 581-583.54 A. Tarnai, A magyar nyelvet, 113, d’après Cyrill Horváth (1891).

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Oswald de Laskó évoque lui aussi la fin des temps comme imminente55. Par la suite, la question alimenta des débats passionnés. Des passages du premier formulaire font allusion aux controverses qui opposaient les membres de la province hon-groise entre eux à propos de l’interprétation des Écritures, et de “certains livres”, d’autre part. Sans doute faut-il comprendre respectivement par là l’Apocalypse et les ouvrages joachimites qui proliféraient alors dans la Chrétienté occidentale et au sein de l’ordre franciscain. Les dirigeants de la province hongroise s’inquiétaient dans les années 1510 (vers 1513?) de ce que certains se livraient à des spéculations à partir de ces textes. Le vicaire sollicita fermement les custodes, dans une exhorta-tion particulière (non datée), pour qu’ils veillent au cours de leurs visites à ce que les frères ne se perdent pas en controverses superflues. Il raconte que des membres de la congrégation, sous prétexte d’expliciter les écrits importants, se sont lancés devant les religieux dans des extrapolations audacieuses à partir de certains livres (libri), à qui ils avaient fait dire ce qu’ils ne disaient pas56. Il reproche à ces hommes d’avoir engendré par leur attitude une grave confusio mentis au sein de la province et, pire encore, de mettre en péril la stabilité de l’ordre (religionis cujuslibet stabilimentum). En conséquence, il demande que les ouvrages de référence soient commentés som-mairement et de manière littérale, pour les besoins de l’édi fication des frères, en particulier des plus jeunes, sans aller plus loin57.

Revenons un instant sur les deux franciscains de Slavonie qui, selon la tra-dition observante locale parcouraient la custodie vers 1509 ou 1510 en décrivant aux habitants les visions prophétiques qu’ils avaient eues. Celles-ci annonçaient les pires catastrophes pour l’avenir proche (de temporibus futuris ac contigentibus in eis). Eux-mêmes disparurent rapidement, victimes de la peste, mais leur prédication eut certainement un fort impact dans la région. D’ailleurs, l’auteur de la Chroni-que, Étienne d’Iva nics, ne condamne nullement leurs propos. Il admet que leurs visions et leurs prédictions aient pu être authentiques58. Nous tenons ici la preuve de ce que, sans verser nécessairement dans le joachimisme, les observants hon-grois, même proches des dignitaires, étaient eux aussi touchés par l’inquiétude

55 R. Horváth, Laskai Ozsvát, 61, 63; A. Tarnai, A magyar nyelvet, 113, d’après Kálmán Timár (1910), non sans erreurs. Source (entre autres sermons): OL, Dom., sermo CXXIII.

56 Ceterum quia (…) in consistorio plurimum mihi conquesti sunt de quorundam fratrum temeritate, qui plus quam est sapere satagentes, in communitate coram fratribus exponendo, extendunt libros, imponunt sibi oc-cularia, declarant varia queque eis occurentia, oberrant per devia, nihil curando de his que in libris sunt scripta. 1er form., fol. 44v. Voir aussi J. Szűcs, Ferences ellenzéki, 423, qui édite un extrait du document.

57 Obsecro ut addiscant exponendo autem ubi emendandi sunt breviter emendentur non interrumpendo eo rum expositionem et longam faciendo declarationem, sicut quid facere asueti sunt, quod non perturbationem et con fusionem mentis ipsius vergit expositio… 1er form, fol. 45. Voir aussi J. Szűcs, Ferences ellenzéki, 423.

58 Quid boni, quidve utilitatis ex ejusmodi visionibus secutum sit, nescitur. C[h]ronica, 271.

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CHAPITRE 8326

des fins dernières. Il n’est pas impossible que cette évolution ait encouragé la multiplication des actes de mortification corporelle sous le patronage de l’ordre, au moins jusqu’à la dissolution du réseau des associations de flagellants en 1512. Le succès spectaculaire de ces groupements, à partir de la confrérie de Pápa, suppose en effet l’adhésion d’une partie au moins des religieux à leurs pratiques jusqu’alors peu prisées au sein de la province hongroise59.

Comment ces tendances parvinrent-elles à s’introduire en Hongrie? Con-trai rement à la Bohème voisine, on ne peut invoquer la présence sur place de Fra-tricelli: aucun ne paraît avoir trouvé asile dans le bassin des Carpates. Les sources ne contiennent guère d’indications sur la diffusion dans le royaume magyar des œuvres de Joachim de Flore et de Pierre de Jean Olieu. Étaient-elles connues des premiers observants hongrois, ceux de Bosnie et de Slavonie, proches des foyers italiens, qui les auraient diffusé ensuite dans le reste du pays? On l’ignore. Leurs idées ont pu subsister de manière résiduelle dans les couvents créés par trans-fert. Car elles avaient aussi touché les franciscains conventuels. En 1438, le frère (conventuel) Georges de Hungaria, alors prisonnier des Turcs à Szászsebes (Sebeş, en Roumanie), écrivit un traité joachimite – qui sera finalement imprimé à Rome en 148060. Autre modèle possible, en dépit de son image de héros de l’or thodoxie franciscaine: Jean de Capestran. On sait en effet que les dernières an nées de sa vie, lorsqu’il se trouvait précisément en Hongrie, furent marquées par une franche évolution mystique, caractérisée par des visions et des prophéties souvent hermé-tiques61. Les frères hongrois qui le côtoyèrent n’ont pu ignorer le fait. Au moment où les miracles se multipliaient autour de la tombe du disparu, ils ressentirent peut-être le besoin de prolonger ses ultimes expériences. Par ailleurs, le rôle crois-sant des observants hongrois dans la prédication puis l’organisation matérielle et humaine de la croisade a pu avoir, indirectement au moins, une influence sur leur parcours idéologique. Le combat pour le Sauveur, poussé jusqu’au martyre s’il le fal-lait, n’était-il pas une manière d’accélérer la chute de l’Antéchrist? Tel est du moins le discours que semblent avoir tenu les révoltés de 1514: se considérant comme les nouveaux soldats du Christ, ils étaient prêts à subir toutes les épreuves annoncées pour anéantir la “secte de l’Anté christ”62. De là viendrait la détermination dont ils firent preuve jusqu’à l’extinction complète de la rébellion63. La peste de 1509-1510, comme le reconnaît l’auteur de la Chronique à propos des prédicateurs slavons déjà

59 Voir chapitre 7.60 E. Fügedi, Tarnai Andor, 242.61 Andrić, 17.62 T. Kardos, A magyarországi humanizmus, 380-382 385-386; J. Szűcs, Ferences ellenzéki, 424.63 Voir chapitre suivant.

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mentionnés, a certainement contribué à développer les théories eschatologiques au sein de l’ordre. Enfin, ne négligeons pas le rôle éventuel des laïcs dans l’évolution mentale des frères. L’exemple des associations de flagellants a déjà été invoqué de ce point de vue. En vue du chapitre de 1515, le vicaire demanda aux respon-sables de se méfier tout particulièrement des jeunes profès mais aussi des (jeunes) laici64. Les convers, proches des laïcs au quotidien, auraient-ils servi de courroies de transmission dans la propagation de thèses hété rodoxes répandues chez les fidèles? Pour s’en assurer, et conclure à une contamination de l’extérieur, il faudrait pouvoir établir la preuve d’intenses échanges spirituels avec les laïcs. Or la documentation consultée ne va pas dans ce sens.

D’autres contacts peuvent expliquer la présence de thèmes eschatologiques dans le discours des dissidents observants au début du XVIe siècle. Les ermites de saint Paul connaissaient bien les œuvres de Joachim de Flore: leur prieur général, Grégoire de Gyöngyös, fait allusion aux visions du calabrais et emploie les mêmes concepts que lui dans ses œuvres rédigées entre les années 1510 et 154065. En outre, il était familier du courant de la devotio moderna. Il en connaissait les œuvres majeures et en recommandait la lecture aux religieux dont il avait la charge66. Dans ses propres écrits, il utilise volontiers la notion “d’armée céleste” chère à Thomas a Kempis67. Certes, en Hongrie également, ce type de discours n’était pas l’apa-nage des contestataires déclarés. L’expression de societas electorum apparaît aussi dans les textes émanant des autorités de la province. Le vicaire Blaise de Dézs l’emploie en préambule dans une exhortation datée de 151468, ainsi que dans une autre écrite vers 151569; et on la retrouve sous la plume de Gabriel de Pécsvárad au début des années 152070. Mais les dirigeants lui donnent un sens différent, proche de celui des réformateurs monastiques français: pour eux, les frères apparaissent

64 1er form., fol. 79v-80; Szűcs, 256.65 A. Tarnai, A magyar nyelvet, 109-155. Source: Gregorius de Gyöngyös, Vitae fratrum ere-

mitarum Ordinis Sancti Pauli primi eremitae, éd. F. Hervay, Budapest, 1988.66 Sur la pénétration du courant de la dévotion moderne chez les ermites de saint Paul,

voir E. Mályusz, Egyházi társadalom, 264-273.67 A. Tarnai, A magyar nyelvet, 113-115.68 Sit noster dominus Jhesus exhinc benedictus, qui nos dignatus est vocare ad suum servitium. Agnosco

siquidem hanc vocationem domini dei esse, quum non ex meritis nostris, sed secundum misericor diam suam de seculi vanitatibus nos eripuit et in electorum societatem produxit. 1er form., fol. 184v; J. Szűcs, Ferences ellenzéki, 424, qui cite cet extrait.

69 1er form., fol. 192v.70 1er form., fol. 211-211v (pj n° 7).

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CHAPITRE 8328

comme l’élite sélectionnée par Dieu pour être comblée de ses grâces, le vrai peu-ple élu pour le louer71.

Faut-il voir dans le discours des dissidents hongrois la trace de courants héré-tiques? Les héritiers piémontais de P. Valdès s’étaient imprégnés de messianisme et de radicalisme social72; peut-être leurs collègues d’Eu rope centrale en firent-ils autant. Toutefois, rien n’indique l’existence de relais entre les derniers vaudois présents en Hongrie et les membres de l’ob servance franciscaine. Les hussites ne semblent pas avoir davantage influencé la contestation observante. Ceux qui avaient échappé aux persécutions s’étaient réfugiés en Moldavie dans les années 1430 et suivantes. Des sources polonaises rap portent que des apostats francis-cains les rejoignirent peu après73. En admettant que l’information soit exacte, elle ne suffit pas à démontrer qu’ils réussirent, depuis la principauté moldave, à répandre leurs idées jusque dans les couvents de Hongrie intérieure. D’autant que la fameuse “Bible hussite” n’a vraisemblablement rien de franciscain, nous l’avons vu74.

A contrario, on peut se demander si les autorités centrales de l’observance franciscaine, en l’occurrence les dirigeants cismontains et leurs représentants sur place, n’ont pas contribué à diffuser ces théories eschatologiques. Souvenons-nous des griefs qu’imputaient le vicaire et les pères de la province hongroise au lecteur Marc de Brescia, nommé en juin 1512 et expulsé en mai 1514, ainsi qu’au commissaire Benoît Benkovich, arrivé en 1513 et remercié un an plus tard. Au premier, les responsables hongrois reprochaient de fourvoyer les jeunes frères dont il devait assurer la formation intellectuelle dans des commentaires trop pous-sés et de leur faire connaître des ouvrages dont ils n’avaient nullement besoin pour leur édification personnelle75. Nous retrouvons ici exactement les mêmes reproches que ceux qu’adressait le vicaire à certains religieux de la province autour de 151076. Les explications et les livres mis en cause avaient-ils un caractère escha-tologique, voire joachimite? C’est fort possible. Quant à Benoît Benkovich, il ne s’était pas seulement attaqué aux particularismes hongrois en matière d’élection des dirigeants ou de vaisselle liturgique. Il avait introduit dans la province d’autres

71 ... divine bonitati, qui nos segregavit ex utero matris nostri et vocavit in (…) lumine gratiarum suarum: 1er form., fol. 192v (vers 1515); Nos utique sumus populus ille peculiaris quem creasti tibi in laudem et gloriam et honorem nominis tui (1520-1523): 1er form., fol. 211-211v (pj n° 7).

72 J.-M. Mayeur et alii, Histoire du Christianisme, t. VII, 442 (pages dues à Marc Venard). 73 J. Szűcs, Ferences ellenzéki, 419, d’après Karácsonyi I, 380; Gy. Galamb, Markiai Jakab, 192.74 Voir chapitre précédent. Mise au point exhaustive dans: Gy. Galamb, Marchiai Jakab,

235-241.75 Voir chapitre précédent.76 Voir supra.

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nouveautés (et alia plurima innovando et imponendo)77. Il y a donc fort à parier qu’il avait cherché, comme son compagnon d’infortune, à initier les frères hongrois, en particulier les plus jeunes, à certaines théories dont ils n’avaient jamais entendu parler jusqu’alors. N’imaginons pas pour autant, conformément à ce que laisse entendre implicitement l’auteur de la Chronique observante, que les deux hommes avaient semé les germes de la révolte. Il est question de rebellio dans la province dès 1512, c’est-à-dire avant que les émissaires cismontains n’aient commencé leur travail – en particulier le second, Benoît Benkovich, qui ne posa le pied sur le sol hongrois qu’en mai 151378. Les doutes des frères mineurs remontaient à des temps plus reculés. Mais ils trouvèrent sans nul doute auprès de Marc et de Benoît un ap-pui moral qui les conforta dans leurs opinions; en ce sens, les soupçons exprimés dans sa chronique par le continuateur de Blaise de Szalka étaient fondés.

En dépit des incertitudes qui pèsent sur leur filiation, les idées défendues par les contestataires de l’observance hongroise apparaissent comme un tout cohérent, que l’on peut définir avec Jenő Szűcs comme le plus petit dénominateur commun entre les principaux courants religieux de la fin du Moyen Âge: le joachimisme dans sa version “spirituelle”, la dévotion moderne et, dans une moindre mesure, la pré-Réformation79. Las du spectacle de prélats dévoyés, ils n’adhé raient plus à l’ecclésiologie traditionnelle. Fidèles à l’esprit des premiers réformateurs de l’ordre, ils prônaient le retour au dénuement, à la rigueur et à l’égalité des origines. Avides d’expériences religieuses plus intenses, ils croyaient la fin des temps imminente et se préparaient au pire: affronter l’Antéchrist.

III. Une dissidence caractérisée

Professer des idées différentes de celles que défendent les dirigeants de la province ne suffit pas à faire d’un courant minoritaire un mouvement dissident. De manière générale, trois voies s’offraient aux religieux quand ils se trouvaient en désaccord avec leurs supérieurs – à qui ils devaient normalement obéissance. Soit ils se soumettaient à eux et rentraient dans le rang en attendant des temps plus favorables à la diffusion de leurs idées. Soit ils obtenaient leur reconnaissance

77 C[h]ronica, 284.78 Comme le souligne Jenő Szűcs dans Ferences ellenzéki, 422.79 A ce propos, en Hongrie comme dans d’autres régions de la Chrétienté où les écarts ont

toujours existé en matière de continence sexuelle, il paraît hasardeux de voir dans les difficultés des frères à respecter le vœu de chasteté le signe d’une remise en cause générale du célibat des prêtres annonçant la Réforme. Nous reviendrons sur cette question dans le chapitre 12.

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comme mouvement autonome par une instance suprême – le pape de préférence – et parvenaient ainsi à donner corps à leurs convictions sans pour autant tomber sous le coup des censures ecclésiastiques. Soit enfin ils poursuivaient la révolte en dehors de tout cadre légal, grossissant ainsi la foule protéiforme des clercs en rupture de ban. En Italie centrale, les disciples de Louis et Raphaël Tenaglia, attachés à l’érémitisme et à la pauvreté absolue, choisirent la seconde solution: ils obtinrent en 1528 l’acceptation de leur genre de vie, par la bulle Religionis zelus donnant naissance à la congrégation des Capucins80. Les contestataires hongrois, eux, s’enga gèrent dans la voie la plus risquée, la dernière, sans pour autant aller nécessairement jusqu’à la rupture ouverte.

Une attitude d’opposition systématique

Face à ceux qui cherchaient à les faire taire, ils jouèrent la provocation; c’était pour eux un moyen d’affirmer leur existence et d’inciter d’autres religieux à les re-joindre. Leur action prit plusieurs formes. L’une d’elles, aisément repérable, consis-tait à multiplier volontairement les manquements à la règle. Causer le scandale leur servait à braver l’autorité des dirigeants, en manifestant leur éloignement par rapport à la ligne du parti. Car le scandalum, rappelle le vicaire Barthélemy de Sáros en 1488, est la version extériorisée du manque de vertus; il tend aux hommes le miroir inverse de l’image de sainteté associée normalement aux religieux réformés, qui se trouvaient du coup discrédités et tournés en dérision81. Nous avons relevé l’existence de comportements délinquants dans la province hongroise depuis la fin du XVe siècle. Faute de documents suffisamment précis, il est difficile de savoir dans quelle mesure ils se multiplièrent dans les années 1510 et 1520. Une autre interrogation demeure: ces délits étaient-ils vraiment motivés par l’intention de pousser les supérieurs jusque dans leurs derniers retranchements? Une exhortation de Gabriel de Pécsvárad écrite en 1512 semble indiquer qu’il y eut bien, de la part de certains frères au moins, une telle volonté. Après un long développement sur la chasteté, il s’en prend violemment aux nombreux observants qui mènent une vie dissolue, en cherchant délibérément le scandale et en donnant l’exemple d’une

80 G. Santarelli, I Capuccini e le Marche nel Cinquecento , dans I Francescani nelle Marche, dir. L. Pellegrini, R. Paciocco, 152-169.

81 Quorum videlicet interior negligentia circa exercitationem virtutum exterius procedit in scandalum, sic-que mundanus hominibus, quibus omnis sanctitatis ac totius perfectionis speculum esse deberemus, convertimur in scandalum, in sibilum et in derisum. Unde etiam boni, virtuosi ac honeste conversationis fratres habentur despicabiles, exosi et contemptibiles. 1er form, fol. 18 (pj n° 1).

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vie dépravée82. Leurs agissements étaient donc ressentis par les supérieurs comme une marque d’insolence à leur égard, pratiquée de surcroît pour entraîner d’autres religieux à les suivre. On comprend la fermeté des termes avec lesquels le vicaire désigne ces frères, appelés “faux frères” (falsi fratres) et “scélérats” (scelerati).

La contestation se manifesta d’une seconde manière: l’exacerbation des que-relles à l’intérieur des couvents. Bien sûr, toutes ne tenaient pas à des divergences de fond d’ordre spirituel: les inévitables oppositions de personnes y avaient certai-nement leur part. A cette réserve près, ce n’est sans doute pas un hasard si la paix entre les frères semble s’être particulièrement détériorée dans les années qui nous occupent. Les mensonges répétés, les calomnies, les insultes, les violences à autrui ou les menaces de coups figuraient déjà parmi les actes passibles de sanctions sys-tématiques selon les Constitutions d’Atya83. On les retrouve dans les points que devaient vérifier les inspecteurs en vue du chapitre provincial de 151584.

Le mouvement prit souvent l’aspect, plus prévisible, de la désobéissance chronique aux supérieurs. D’ailleurs, parmi les conflits internes mentionnés par la documentation, beaucoup impliquaient justement un subditus et praelatus. En 1512, le vicaire Gabriel de Pécsvárad dut lancer une enquête dans le couvent de Liptó où un heurt avait éclaté entre le gardien de l’établissement et les frères dont il avait la charge85. Le thème de l’obéissance revient inlassablement dans les dis-cours rédigés au début du XVIe siècle par les dirigeants de la province hongroise. Ils ne se bornent pas à rappeler selon l’usage l’importance de l’obe dientia, en tant que l’un des trois vœux monastiques; ils constatent qu’elle était mal respectée ces derniers temps. Dans son exhortation déjà mentionnée, Gabriel de Pécsvárad re-proche très clairement à des religieux, qualifiés d’ino bedientes filii, leur insoumission par rapport à leurs supérieurs86. La même accusation se lit dans une exhortation vicariale rédigée peu après 1514: le vicaire s’y lamente de ce que nombre de frères, après avoir prêté leurs vœux, refusent, tel l’Ange déchu, d’obéir aux responsa-bles87. En 1518 encore, Albert de Dereszlény reprenait presque mot pour mot ces

82 …multi falsorum fratrum vita depravata scandalizati pereunt... 1er form., fol. 7 (pj n° 4).83 LERH III, 628-629. Voir aussi chapitre 2.84 1er form., fol. 73-73v. Voir aussi chapitre suivant.85 ...ex relatione (...) N. de N. guardiensi loci nostri lyptoniensi inter ipsum ab una et fratres ejusdem

loci parte ex altera quadam discordie questionem ortam esse... 1er form, fol. 13-13v.86 Dolenda siquidem et lamentenda quorumdam falsorum fratrum rebellio, qui post professionem tante

virtutis ipsius [obedientiae] sanctitatem conculcando (...) nec suis prelatis et superioris volunt obedire 1er form., fol. 4 (pj n° 4).

87 …lamentenda est pluriorum falsorum fratrum rebellio, qui post professionem tante virtutis ipsius sanctitatem conculcantes, dignitatemque parvipendentes, nedum inferioribus vel equalibus consentire, sed nec suis prelatis et superioribus volunt obedire.... 1er form., fol. 201v.

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propos sévères, en vouant aux gémonies les religieux qui refuseraient de respec-ter leur devoir d’obéissance88. Pire, des franciscains n’hésitaient pas à brocarder publiquement les superiores. Peu avant le printemps 1515, les inspecteurs devaient dépister les cas de manque de respect à l’égard des supérieurs (irreverentia ad prela-tum, le mot prelatus ayant ici le sens de dirigeant de l’ordre). Le texte dénonce aussi bien l’insolence des simples frères à l’égard de leur gardien, que celle des gardiens envers leur custode, ceci par des propos irrévérencieux ou blessants, prononcés en leur présence ou à leur insu, devant d’autres réguliers ou des laïcs89.

La rupture définitive: l’apostasie

Il restait une ultime issue pour les dissidents, irréversible, celle-là: le départ. Vécu comme un échec, il traduisait l’incapacité de cohabiter plus longtemps avec des hom-mes qui ne partageaient pas leurs convictions ou avec qui, pour des raisons autres qu’idéologiques, la vie était devenue tout simplement impossible. On a signalé plus haut le fait que des frères “inquiets” demandèrent à quitter la province salvatorienne dans les années 1510, selon un document du premier formulaire90. Leur tourment venait-il de l’approche des Turcs, ou plutôt de leur difficulté à demeurer dans une province où leurs idées n’avaient pas droit de cité? Le texte ne le dit pas. Certains contestataires choisirent quant à eux d’entrer chez les conventuels. Ils étaient suf-fisamment nombreux au début des années 1510 pour que le vicaire provincial, le même Gabriel de Pécsvárad, sollicite du pape – par l’entremise de Jean de Temesvár, gardien d’Esztergom, qu’il envoya à Rome dans ce but précis – la confirmation de la bulle de Jules II soumettant à l’autorisation expresse des dirigeants observants l’ad-mission de religieux issus de l’observance dans la province marianiste91.

D’autres allèrent plus loin: ils décidèrent de rompre définitivement avec l’or-dre. Souvenons-nous de ce religieux dont Oswald de Laskó disait dans les années 1490 que, incapable de vivre paisiblement dans sa communauté, il l’avait quittée pour mener une existence solitaire92. Las de mener le combat à l’in térieur de l’or-

88 Tales nimirum post angelum apostatam abeuntes eos in similitudinem transformantur, qui dum suo Conditori perversa voluntate reluctans subesse recusaret, Regnum celeste perdidit et gloriam eternam addictus est ad gehennam. 1er form., fol. 205v-206 (pj n° 5).

89 Septimum est irreverentia ad prelatum. Et hoc intelligitur: si quis subditus guardianum suum vel guardianus custodem item verbis pungitinis et provocatoriis exasperare asuetus fuerit presentem, aut si absentem verbis inhonestis coram fratribus aut secularibus deturpare et dehonestare non veretur. 1er form., fol. 73v.

90 Voir le début de ce chapitre. Source: 1er form., fol. 120v (pj n° 28).91 Karácsonyi I, 368.92 Voir chapitre 5.

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UNE PROVINCE DIVISÉE 333

dre, des frères décidèrent peut-être, comme leurs prédécesseurs des années 1460, de fonder des ermitages “sauvages”. La tendance joachimite de la dissidence hongroise pouvait fort bien, comme le faisaient alors les observants réfractaires d’Italie centrale et du Portugal93, les encourager à opter pour ce genre de vie. La documentation accessible ne permet cependant pas d’apporter la preuve concrète de ce que les ermitages d’origine franciscaine ont essaimé dans le royaume magyar dans les premières décennies du XVIe siècle.

Quoi qu’il en soit, le thème de l’apostasie revient souvent dans les documents de cette période. Précisons que le mot apostata avait une acception variable selon le contexte. Au sens large – celui qu’emploie l’auteur de la Chronique observante, par exemple – il s’appliquait à tous les frères ne respectant pas la ligne de conduite définie par les dirigeants et la règle, par leur comportement ou leurs propos, et ce quel que soit leur degré de rupture avec l’ordre94. Au sens étroit du terme – que définissent les Constitutions de 1499 avec une exceptionnelle clarté95 –, il caractérisait uniquement les frères qui avaient quitté l’ordre dans lequel ils avaient prêté leurs vœux, sans autorisation de leurs supérieurs, qu’ils aient conservé l’ha-bit ou non. C’est de ces religieux (ou anciens religieux) errants et échappant à tout contrôle dont il est ici question.

Combien étaient-ils au juste? Ils apparaissent pour la première fois dans les sources au moment où les hauts responsables franciscains franciscains conven-tuels et observants s’entendirent, en 1495 puis en 1497, pour soumettre leur départ à autorisation96. Mais ces clauses générales ne permettent pas de savoir dans quelle mesure le phénomène touchait déjà les observants à cette date, ou s’il affaiblissait seulement les conventuels. Les Constitutions d’Atya ne sont guère plus explicites. Elles encouragent les dirigeants à se montrer cléments envers les apostats sou-haitant revenir dans la province, rien de plus97. Faut-il en déduire que les départs avaient été particulièrement nombreux dans les années précédentes? Par la suite, le sujet revient sous la plume du vicaire Gabriel de Pécsvárad en 151298, puis dans

93 Voir les articles de Mario Sensi et de J. A. de Freitas Carvalho dans Identités franciscaines, dir. F. Meyer et L. Viallet, 143-164 et 101-141.

94 Comme le fait observer Jenő Szűcs dans A ferences obszervancia, 245 et Ferences ellenzéki, 415.

95 Intelligitur autem apostatans omnis frater qui sine licentia suorum superiorum, per terras et loca, cum habitu vel sine habitu, cum socio vel sine socio, iverit vel vagabundus fuerit extra nostram familiam. LERH III, 629.

96 Karácsonyi I, 73-77. Voir aussi chapitre 4.97 Verum tamen nullus apostat redire volens repellatur a familia secundum modum de officio reverendi

patris vicarii dictum et hoc si de eo spes emendae appareat. LERH III, 629.98 1er form, fol. 4 (pj n° 4).

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CHAPITRE 8334

les actes du chapitre provincial de Visegrád, ouvert le 15 mai 1513. Il arrêta des mesures très sévères à l’encontre des frères rebelles et gyrovagues99. Ces maigres indices en mains, on peut penser que le phénomène de l’apostasie volontaire n’avait pas encore vers 1510 les proportions inquiétantes qu’il connut quelque vingt ans plus tard, dans les années 1530, lorsqu’il prit l’allure d’une véritable hémorragie. Pour l’heure, la contestation ne vidait pas encore les couvents hongrois de leurs occupants. C’est depuis leur cloître que la plupart des dissidents opéraient.

Un mouvement de jeunes

L’augmentation soudaine du nombre de frères insoumis ou apostats ne permet pas de conclure a priori à l’existence d’un courant d’opposition solidaire. Comment prouver en effet, avant les événements de 1514, qu’ils appartenaient au même groupement, qu’ils adhéraient aux mêmes idées, celles que nous avons dé-finies plus haut, et obéissaient au mêmes mots d’ordre fédérateurs? Après Étienne de Varsány, aucun nom de chef de file n’est mentionné par la documentation. Nulle trace avant la guerre paysanne de rassemblements dépassant le cadre du couvent, à l’échelle de la custodie ou de la province entière. Le mouvement dont nous parlons ici apparaît donc comme insaisissable, fluctuant et peu structuré. Malgré tout, il avait suffisamment d’unité pour que les dirigeants le considèrent expressément comme une rebellio au début des années 1510. Le vicaire de la pro-vince salvatorienne soupçonnait dès 1512 les “faux frères”, “les fils désobéissants et rebelles” et les “scélérats” refusant de se soumettre à leurs supérieurs et vivant délibérément dans le scandale de fomenter une véritable rébellion au sein de l’or-dre100. Une autre rédigée peu après les événements de 1514 reprend à son compte le vocable de rebellio101.

Gardons-nous cependant de lui donner une ampleur excessive, du moins dans ses formes les plus extrêmes. Les apostats demeurent l’exception, on l’a vu, les insoumis récidivistes également. Sans quoi les responsables franciscains n’auraient pas couru le risque, au début de mai 1514, de confier sans précaution aux prédicateurs de l’ordre la promotion de la croisade et le rassemblement de volontaires en armes. Au lieu de surveiller l’affaire de près, ils débattirent en toute sérénité à Visegrád des préparatifs du chapitre cismontain d’Assise, prévu pour le

99 Le texte original exposant les dispositions prises au cours de cette assemblée est aujourd’hui perdu. J. Szűcs, Ferences ellenzéki, 422. Mais il avait été lu par János Karácsonyi (Szent Ferencz I, 370).

100 Voir supra et J. Szűcs, Ferences ellenzéki, 420-421. Source: 1er form., fol. 4 (pj n° 4).101 1er form., fol. 201v.

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UNE PROVINCE DIVISÉE 335

mois de juin suivant; ils y restèrent jusqu’aux premiers cris d’alarme lancés par les évêques. Il est vrai que, selon divers témoignages provenant de laïcs, rien d’anor-mal n’avait été observé à Buda, ni ailleurs dans le royaume102. Des contestataires avaient déjà fait entendre leur voix, mais beaucoup, manifestement, n’entrèrent dans la révolte qu’à la faveur des événements du printemps 1514, pas avant. C’est alors seulement qu’ils passèrent de l’insoumission latente à la rébellion ouverte.

Si leur profil social reste difficile à établir, on acquiert aisément la certitude selon laquelle la dissidence était principalement le fait de la jeune génération. Plus influençables que leurs aînés, les jeunes frères s’enthousiasmaient facilement pour les idées révolutionnaires et n’avaient pas peur de mener le combat jusqu’au bout. Différents éléments documentaires convergent en ce sens. L’exhortation de Ga-briel de Pécsvárad datée de 1512, comme celle de son successeur vers 1515, préci-sent que ceux qui désobéissent à leurs supérieurs et vivent de manière scandaleuse le font aussitôt après avoir prêté leurs vœux (post professionem)103. Comme si, leur temps de noviciat écoulé, n’ayant plus à redouter un avis défavorable empêchant leur admission dans l’ordre, ils marquaient vigoureusement leur opposition au système qu’ils venaient d’accepter. Parmi les torts que les dirigeants de la pro-vince reprochaient au commissaire Benoît Benkovich et qui motivèrent son ex-pulsion, se trouvait le fait qu’il aurait cherché, dans son duel avec les autorités de la province hongroise, à mettre les juvenes fratres de son côté par des propos flatteurs. Après quoi ces derniers lui auraient à leur tour exprimé leurs desiderata, faisant de lui leur porte-parole face aux “anciens”104. Cette notation confirme au passage l’impression selon laquelle, si la responsabilité initiale de la révolte ne revient pas aux propos subversifs du commissaire dalmate, les menées de celui-ci encouragèrent les révoltés en puissance. Sans doute caressèrent-ils l’espoir de voir leurs idées s’imposer dans la province grâce à l’autorité dont jouissait l’inspec-teur. Ce sont les jeunes également qui, aux dires des responsables, cherchaient à sortir de l’interprétation traditionnelle des Écritures. La circulaire vicariale diffu-sée vers 1513 évoquée au début de ce chapitre s’en prend à la tendance qu’avaient tout spécialement les jeunes profès à aller trop loin dans l’interprétation des livres saints105. Et qui trouvera-t-on au printemps 1514 à la tête de l’insurrection armée? A nouveau des religieux arrivés récemment dans la province, tandis que les frères

102 Szűcs, 237 239.103 1er form, fol. 4 (pj n° 4), 201v.104 Sed secum tandem fecit, quoniam posthabito consilio patrum expertorum in provincia, utebatur et

ducebatur consilio quorundam sibi adhaerentium, imo adulantium susurronum, maxime juvenum fratrum, ex quorum suggestione plurima attentavit quidem circa privilegia nostra. C[h]ronica, 283.

105 Voir supra. Source: 1er form., fol. 44v-45.

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CHAPITRE 8336

âgés restèrent à l’écart. Par la suite, les dirigeants se méfièrent tout particulière-ment des religieux fraîchement entrés dans l’ordre. La tenue d’un chapitre provin-cial supposait l’éloignement temporaire des membres les plus respectés – donc les plus âgés – de chaque custodie, sinon de chaque couvent, pendant toute la durée de la session, soit une semaine. En vue du chapitre qui devait s’ouvrit le 27 mai 1515, le vicaire Blaise de Dézs recommanda aux custodes de veiller à ce que les novices et les jeunes frères – les profès ordonnés ou attendant leur ordination, et les convers (noviter professi sacerdotes, juvenes clerici et laici) – respectent la règle sans dépasser les limites autorisées. Qu’ils fassent en sorte que les novices ne se mon-trent pas insolents et que les profès ne redressent pas la tête de manière téméraire une fois leurs vœux prononcés; et qu’ils leur imposent une interprétation littérale des Écritures106. Ces mesures préventives trahissent on ne peut mieux la part qui revint à la jeune génération dans la contestation du début du XVIe siècle.

C’en était donc fini de l’unité de l’observance franciscaine dans le royaume

magyar. Si l’hérésie avait jadis favorisé son essor, les événements de 1514 prou-vaient qu’elle-même pouvait mener à la déviance et au schisme. Ce trait découlait, nous dira-t-on, de la nature d’un mouvement par définition intransigeant, qui jetait ses membres les plus extrémistes dans les bras de l’hétérodoxie. Mais les choses ne sont pas si simples dans le cas de la Hongrie. Plus que les références aux origines de l’observance, en particulier à l’âge héroïque où elle avait encore un caractère missionnaire et érémitique, c’est l’évolution du contexte religieux d’une part et social d’autre part qui semble avoir entraîné nombre de frères dans la ré-volte. Ils vivaient difficilement la crise morale que traversaient les fidèles depuis le tournant du siècle et assistaient en témoins impuissants aux malheurs de leur temps. Prisonniers d’un discours convenu, leurs supérieurs ne surent pas trouver de réponse adéquate à leurs interrogations, ni avant, ni après les drames de l’année 1514.

106 Rogo… quatenus circa novicios diligens ubique et sollicita adhibeatur provisio ne insolescant (…). Denique et noviter professi sacerdotes juvenes clerici et laici per isporum expergestentur guardianos et confessores, ne facta professione statim temeritatis reassummant vires. Unde tandem plus ad ign[or]antiam quam fructifi-tionem tendant, litteraliter loquantur quorum interest… 1er form., fol. 79v-80. Voir aussi Szűcs, 256.

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Chapitre 9

LES ÉVÉNEMENTS DE 1514ET LEURS CONSÉQUENCES

En mai 1514, plusieurs membres hongrois de l’observance franci scaine à qui les prélats avaient demandé d’interrompre la levée des volontaires pour la croisade franchirent le pas irréversible de la rupture avec l’ordre. Ils rejoignirent les insur-gés et se lancèrent les armes à la main dans une terrible guerre antiseigneuriale qui dura près de deux mois – jusqu’aux derniers combats dirigés à la fin du mois de juillet 1514 par un certain “prêtre Laurent”, sorti tout droit du couvent observant de Nagyvárad.

Sans doute la contestation qui minait le mouvement observant en Hongrie serait-elle passée inaperçue – à nos yeux, sinon à ceux des dirigeants de la province eux-mêmes – sans ces événements tragiques. Ils agissent pour nous tel un révéla-teur. Car ses adeptes ne se bornaient plus, comme dans les années 1460, à soutenir un vicaire progressiste contre une majorité conservatrice ou, comme au tout début du XVIe siècle, à exprimer leur insatisfaction en désobéissant effrontément à leurs supérieurs. C’est par le fer et le sang que, tout clercs qu’ils étaient, ils défendirent leurs idées face aux représentants des pouvoirs civil et ecclésiastique.

Pour bien comprendre leur action, il convient de rétablir les faits avec préci-sion. Après quoi nous examinerons les conséquences de cette crise pour la pro-vince de Hongrie, du moins jusque vers le milieu des années 1520, avant les nou-velles catastrophes qui suivirent le désastre militaire de Mohács.

I. Annus horribilis

Le début du XVIe siècle vit se multiplier, en Europe centrale et en Allemagne notamment, les révoltes paysannes. Toutes n’avaient pas un caractère religieux mais il n’était pas rare de voir les insurgés justifier les violences commises par

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CHAPITRE 9338

des arguments spirituels. La “guerre des paysans” qui secoua les campagnes alle-mandes en 1524 et 1525 en constitue la meilleure illustration. Rappelons qu’elle découlait initialement de ligues réclamant l’abolition du servage et la réduction des charges paysannes, ligues dont les membres passaient le plus clair de leur temps à piller les demeures des seigneurs et des prélats. Puis elle développa un discours luthérien – se réclamant de Luther par esprit de sé dition, il est vrai, plus que par conviction – et eschatologique – en annonçant l’imminence de la fin des temps et la nécessité d’accélérer l’avè nement des mille ans de bonheur1.

La grande jacquerie qui éclata en Hongrie au printemps 1514 avait dès le départ une dimension religieuse. Tout d’abord parce qu’elle naquit au sein des troupes de volontaires armés pour la croisade contre les Infidèles. La plupart ve-nant du milieu paysan, ils reprirent naturellement à leur compte les reven dications des humbles. Mais ils développèrent simultanément une argumen tation chiliaste. Certains insurgés appartenaient au clergé, notamment au clergé régulier, et il est fort possible qu’ils aient accentué la coloration millénariste du mouvement.

Connaissant les doutes qui traversaient les frères de la province observante de Hongrie depuis le début du siècle, on peut raisonnablement pen ser que, dès ses premières manifestations, l’agitation des pauvres hères armés pour la croisade ne les laissa pas indifférents. Quel fut leur degré de participa tion à la révolte et en quoi influèrent-ils sur son idéologie? C'est ce que nous aimerions éclaircir main-tenant.

Un sujet controversé, des sources orientées

L’histoire de la jacquerie de 1514, convenablement documentée, a fait l’objet d’enquêtes minutieuses dès le XIXe siècle2. Elle a été particulièrement bien étudiée dans les années 1960 et 1970. Il faut dire que la doctrine marxisante du régime en place lui donnait un retentissement inespéré. En témoignent les innombrables rues, places ou stations de métro de Budapest et de villes provinciales rebaptisées Dósza György (du nom de Georges Dózsa, le chef militaire de l’insurrection) après la Seconde Guerre Mondiale. Toutes les publications historiques de cette période ne sont pas d’égale valeur. Les historiens en vue se laissaient emporter un peu vite par la phraséologie communiste, non sans amalgames discutables, et en ne prenant que rarement la peine d’étayer leur propos par des références aux sour-

1 Histoire du Christianisme VII, dir. J.-M. Mayeur et alii, 306-307 326-327 734-736.2 Voir entre autres S. Márki, Dózsa György és forradalma [Georges Dózsa et sa révolution],

Budapest 1883.

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LES ÉVÉNEMENTS DE 1514 ET LEURS CONSÉQUENCES 339

ces médiévales3. D’autres recherches ont heu reu sement permis de reconstituer avec une faible marge d’incertitude la suc cession des événements4; dans le même temps, des sources jusqu’alors peu connues furent éditées5. C’est dans ce contexte que les travaux pionniers de Jenő Szűcs ont vu le jour6.

Preuves à l’appui, ce dernier a démontré que des membres de l’observan-ce franciscaine ont prêté main forte à la révolte de 1514. D’aucuns considèrent aujourd’hui qu’il a forcé le trait en exagérant leur implication7. Jusqu’alors, celle-ci n’apparaissait pas dans les exposés retraçant l’histoire de l’ordre. Même János Karácsonyi, en dépit des innombrables documents qu’il a consultés pour écrire sa monumentale “Histoire de l’ordre de saint François en Hongrie jusqu’en 1711”, passe très rapidement sur les événements de l’année 1514. Il n’indique nullement la participation de religieux, même peu nombreux à la rébellion armée. Bien au contraire, il présente les frères comme ses farouches adversaires et souligne les dommages causés par les insurgés, dans leur rage d’en découdre, à certains cou-vents de la province8. Entre ces deux extrêmes, où se situe la vérité?

Le silence de l’historiographie ancienne tient d’abord aux sources qu’elle a utilisées, presque toutes internes à l’ordre et issues de son cercle dirigeant. János Karácsonyi se réfère par exemple à la Chronique observante à propos des événe-ments de l’année 1514. Or son auteur, Étienne d’Ivanics, emploie des formules si vagues qu’il est très difficile d’y relever la trace de l’engagement de frères dans la révolte. Il décrit sur un ton très critique les violences et atrocités commises par les insurgés sous le commandement de Georges Dózsa, indiquant au passage que les couvents de la province en furent parfois victimes9. Il signale que, parmi les meneurs impitoyablement châtiés après leur défaite, se trouvaient des clercs, et en particulier des religieux, sans préciser s’il s’agissait de membres de l’ordre

3 Sans appartenir à ce courant politique, les analyses d’István Nemeskürty (à commencer par In signo crucis…) pèchent elles aussi par leur manque de rigueur documentaire.

4 En particulier l’étude très fouillée de Gábor Barta et Antal Nagy: Parasztháború 1514-ben (citée dans la Bibliographie).

5 Le recueil le plus complet est: Monumenta Rusticorum, éd. A. Fekete Nagy et alii.6 A la différence de nombre de ses confrères, il n’a jamais poussé son engagement poli-

tique jusqu’à en oublier sa rigueur de médiéviste. Il appuie systématiquement ses analyses sur des sources précises, imprimées ou manuscrites – dont le formulaire observant des années 1510-1525. Le seul reproche qu’on pourrait lui faire est d’orienter un peu trop fortement son argumentation vers le but de sa démonstration, quitte pour cela à écarter les contre-exemples embarrassants.

7 Voir par exemple J. Török, Szerzetes- és lovagrendek, 142.8 Karácsonyi I, 370.9 C[h]ronica, 285-286. Voir aussi J. Szűcs, Ferences ellenzéki, 417.

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franciscain10. Les textes du premier formulaire ne sont guère plus loquaces: les responsables n’évoquent les événements de 1514 que par des périphrases ou des formules feutrées qui ne permettent pas de reconstituer les faits dans le détail. Comme dans la Chronique, il y a sans doute de la dissimulation volontaire dans ces euphémismes. Victimes de l’admiration qu’ils vouaient aux fils de saint Fran-çois, János Karácsonyi et ses prédécesseurs n’y virent que du feu. Pour discerner le vrai du faux, remontons le fil des événements.

Le succès foudroyant de la croisade

On peut distinguer trois étapes dans l’histoire de la révolte de 1514: l’in-croyable succès de la prédication de la croisade, la grande jacquerie et enfin la croisade contre l’Antéchrist, que nous suivrons jusqu’à l’extinction du mouve-ment11. Les franciscains observants s’illustrèrent d’une manière ou d’une autre dans chacune d’entre elles, que ce soit dans le camp des rebelles ou en face, du côté des autorités.

Ils jouèrent évidemment le premier rôle dans la phase initiale, celle de la prédication de la croisade contre les Turcs. Nous connaissons les intentions du souverain pontife, ainsi que la place prédominante qu’occupaient depuis peu les observants hongrois dans la diffusion des indulgences pontificales12. C’est au dé-but de septembre 1513 que Léon X, élu six mois plus tôt, relança l’idée d’une guerre sainte contre les Infidèles. La bulle promulguée le 3 septembre faisait ap-pel aux outils de persuasion traditionnels, en particulier la promesse d’indul gences plénières. Le 15 juillet précédent, le pape avait nommé légat pour toute l’Europe centrale et orientale le primat de Hongrie Thomas Bakócz, déjà legatus natus par sa fonction, pour une durée de trois ans, en lui donnant expressément pour mission d’organiser la prochaine campagne contre les Ottomans. Précisons au passage que Léon X n’agissait pas seulement par attachement envers la guerre sainte: il semble avoir cherché à éloigner de Rome Thomas Bakócz, qui avait failli être élu à sa place et voulait s’établir dans la Ville Éternelle. Longtemps hésitant, l’archevêque finit par s’exécuter à son retour en Hongrie au début du printemps 1514. Le conseil royal venait de décider le lancement d’une nouvelle campagne militaire contre les Turcs et donna son aval à la publication de la bul le de croisade. Malgré les réserves exprimées par certains barons et prélats de la cour, inquiets du mécontentement paysan qui grondait un peu partout dans le pays, Thomas Bakócz fit promulguer

10 Multi etiam, ne dum presbyteri sed etiam religiosi miserabiliter occisi sunt. C[h]ronica, 286.11 Résumé des événements dans P. Engel et alii, Magyarország története II, 361-364.12 Voir chapitres 6 et 7.

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LES ÉVÉNEMENTS DE 1514 ET LEURS CONSÉQUENCES 341

le 9 avril à Buda la bulle de croisade de Léon X. Seule exception: le diocèse de Transylvanie. Il venait d’être le théâtre de deux révoltes antifiscales, la première en août 1513 dans les territoires saxons, la seconde autour du mois d’octobre de la même année, à Nagyszeben. Dans un climat social aussi explosif, les dirigeants du royaume renâclaient devant l’idée d’armer les paysans. C’est le 25 avril seulement que le conseil royal autorisa la proclamation de la croisade en Transylvanie; elle fut alors laissée à l’évêque François de Várda13.

Le primat avait d’emblée décidé de confier la prédication de la croisade aux franciscains observants. Cela n’avait rien de surprenant, connaissant le savoir-faire qu’avait acquis les frères réformés dans la promotion des indulgences pontificales, leur popularité encore intacte et la haute estime dans laquelle les tenait Thomas Bakócz. Le vicaire de la province hongroise, Blaise de Dézs, lut puis traduisit de-vant la foule réunie à Buda sur la place Saint-Georges, toute proche du couvent Saint-Jean, la bulle de croisade de septembre 151314. Il agissait au nom du primat, par délégation, en qualité de sous-commissaire de l’ar chevêque d’Eszter gom, se-lon la terminologie habituelle. Comme précédemment, la bulle descendit tous les échelons de la hiérarchie observante, se diffusant très rapidement dans l’en-semble du royaume. Le prouve une lettre reproduite dans le premier formulaire, par laquelle le vicaire demandait au custode d’Újlak, peu avant le 25 avril 1514, de proclamer la bulle super extensione et exequutione sanctissime Cruciate et expeditionis contra Thurcos, pro religionis Christiane et presertim hujus regni Hungarie defensione15. Une autre lettre transcrite dans le même recueil, intitulée Ad bellum, predicatori, montre comment les custodes procédaient à leur tour. Ils désignaient ceux des frères qui seraient chargés, au vu de leurs aptitudes, de prê cher la croisade (ad hanc sanctam expeditionem pro verbi divini predicatione), puis de confesser les volontaires avant de rejoindre avec eux le chef de l’expédition. Une fois le travail accompli, ils étaient censés retourner dans leur couvent d’ori gin e16. Le document indique clairement qu’il ne s’agissait plus de gérer les fonds destinés à Rome, comme en 1512, mais de lever les volontaires, de les préparer spirituellement à ce qui les attendait, et de les conduire jusqu’à leur capitaine. Nul doute que cet accompagnement étalé sur plusieurs semaines créa entre les frè res et les croisés un lien très fort, sans lequel on ne peut comprendre la suite.

13 Szűcs, 214. Source: Monumenta Rusticorum, éd. A. Fekete Nagy et alii, 65-66, n° 22.14 Karácsonyi I, 370; Szűcs, 213.15 1er form., fol 92-92v. Éditions: Szűcs, 257-258 (annexe 1) et Monumenta Rusticorum, éd.

A. Fekete Nagy et alii, 67-68, n° 24.16 1er form., fol. 102v-103. Éditions: Szűcs, 258 (annexe 2) et (extrait) Monumenta Rustico-

rum, éd. A. Fekete Nagy et alii, 68, n° 25.

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Ce fut une réussite spectaculaire, qui dépassa de très loin les prévisions des organisateurs. Dans la capitale et ses environs, mais aussi dans l’ensemble du royaume, des hommes de toutes conditions se rassemblaient par milliers. D’où la décision du primat de leur donner au plus vite un chef militaire, ce qui fut fait apparemment dès le 24 ou 25 avril. Son choix se porta sur Georges Dózsa, dit le Sicule (Siculus, Zekel, Sechel, du hongrois Székely), nommé dicte expeditionis rector et dux – à moins qu’il n’ait été désigné que quelques jours plus tard, selon d’autres hypothèses. Ce chevalier affecté à la défense de la forteresse de Belgrade avait probablement participé aux récentes batailles menées contre les Turcs, battus non loin de là par le ban de Belgrade en août 1513. Il apparaissait donc comme le can-didat idéal. Les croisés, au nombre de quarante mille environ, furent regroupés dans des campements aux abords de la ville de Pest, ainsi qu’autour de plusieurs grandes villes du royaume (Nagyvárad, Kalocsa, Bács, Gyula, Eger et Kassa). C’est à ce moment que Georges Dózsa apparaît comme leur commandant su-prême, du moins comme celui de la plus importante des unités constituées pour la croisade, celle qui était cantonnée près de Pest.

L’ampleur du succès remporté par les prédicateurs observants en quelques jours, dans un contexte de difficultés économiques croissantes et d’inquiétudes religieuses, mérite réflexion. Sans doute n’auraient-ils pas obtenu de tels résultats s’ils étaient restés enfermés dans le discours des dirigeants de la province, hosti-les à toute forme d’extrémisme religieux. Il y a fort à parier qu’ils ne se conten-tèrent pas de vanter les avantages spirituels énumérés par la bulle de croisade pour trouver des recrues. On peut imaginer que ces prédicateurs, sélectionnés pour leur niveau d’instruction, connaissaient les théories eschato logi ques en vogue dans les milieux réformateurs. Que ce soit par conviction personnelle ou pour donner plus de force à leur discours, ils présentèrent vraisemblablement la croisade comme une manière de hâter l’avènement du Royaume de Dieu. Ils auraient du coup une lourde responsabilité dans les violences commises dans les mois suivants par les croisés. Cela expliquerait aussi le volte-face des plus déterminés d’entre eux: par fidélité à leurs idéaux, ils choisiront de basculer dans l’insurrection lorsque la croisade sera brusquement dissoute sur décision du primat.

Quoi qu’il en soit, au début du mois de mai 1514, les autorités de la province pouvaient se féliciter des résultats obtenus. Ils confirmaient l’influence de l’ordre sur la société magyare, prouvaient son utilité au sein de l’Église dans la défense de la foi et soulignaient au passage l’efficacité de ses rouages admini stratifs. On conçoit facilement que, dans ces circonstances, les dirigeants hongrois se soient laissés aller à un certain optimisme, au lieu de surveiller de près la manière dont s’y prenaient les prédicateurs pour prêcher la croisade et le comportement des trou-

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pes qu’ils avaient levées grâce à leur fougue oratoire. Et la décision qu’ils prirent de tenir chapitre comme prévu à Visegrád à partir du 1er mai, soit trois semaines après le lancement de la croisade à Buda, pour préparer le chapitre général d’As-sise ne paraît pas insensée17.

Ils se ravisèrent quelques jours plus tard. Au lieu du vicaire et du discret, on n’envoya finalement à Assise qu’un remplaçant du vicaire, Albert de Deresz-lény, nommé commissaire pour la circonstance, en compagnie du discretus Michel d’Esztergom. On a vu quels motifs ambigus invoqua Blaise de Dézs pour excuser son absence. La chronologie permet de penser que les alia impedimenta dont il parle dans sa lettre aux pères cismontains étaient beaucoup plus graves qu’il ne voulait bien le dire18. Les premières rumeurs décrivant les violences commises par les croisés qu’encadraient les frères étaient parvenues jusqu’à ses oreilles, annonçant une crise sans précédent.

Le soulèvement paysan

Dans la première quinzaine de mai 1514, des heurts opposèrent les croisés rassemblés près de Pest aux nobles du voisinage. Tandis que la levée des volon-taires se poursuivait, des groupes de paysans armés pour la croisade dénoncèrent les redevances seigneuriales qui pesaient sur eux et tous les gens de leur condition, ainsi que les impôts royaux. Non seulement ils refusaient de s’en acquitter, mais ils encourageaient les habitants des alentours à agir de même. Il semble par ailleurs que les éleveurs bovins et d’autres ruraux impliqués dans le commerce du bétail ou du vin aient cherché de leur côté à supprimer les obstacles juridiques et fiscaux par lesquels les seigneurs s’opposaient à leur fructueux négoce. Quelques jours plus tard, Georges Dózsa formulait une revendication plus générale: faire béné-ficier tous les roturiers du royaume des privilèges de la nation sicule (à laquelle il appartenait), en matière fiscale notamment – les membres de cette communauté ayant été exemptés d’impôts personnels depuis toujours en compensation de leurs obligations militaires19.

Les croisés n’hésitèrent pas à faire usage de leurs armes pour se débar rasser des percepteurs trop insistants. En réponse aux protestations des seigneurs, ils s’en prirent à leurs châteaux, impitoyablement mis à sac. Leurs victimes organi-

17 Voir chapitre précédent.18 Voir chapitre 7.19 J. Szűcs, Dózsaparasztháborúja. Le lecteur francophone dispose depuis peu de: N. Kál-

noky, Les constitutions et privilèges de la noble nation sicule. Accul turation et maintien d’un système coutumier dans la Transylvanie médiévale, Buda pest-Paris-Szeged 2004.

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sèrent leur défense, près de la capitale notamment. Un premier affrontement eut lieu à Mezőtúr, entre Pest et Gyula20. Pensant qu’il suffirait d’éloigner les paysans en colère pour mettre fin aux violences, le conseil royal se borna le 10 mai à de-mander à ceux qui étaient réunis près de Pest de faire route vers le front turc. Il leur recommandait de suivre les pas du voïvode de Transylvanie Jean de Szapolya, qui marchait avec ses hommes en direction de la Bulgarie. Dózsa mena le gros de ses troupes en direction du sud-est, mais cinq mille croisés refusèrent de quitter le camp de Pest. Ils redoublèrent de violence et le mouvement s’étendit rapidement aux autres concentrations de croisés. Averti de ces exactions par les nombreu-ses plaintes provenant de seigneurs de tout le royaume, Thomas Bakócz oeuvra d’abord avec circonspection. Il ordonna le 15 mai 1514 que l’on cesse de lever des volontaires pour la croisade21. Cette dernière était maintenue dans son principe. Le prélat tentait seulement de restreindre le volume des troupes rassemblées pour limiter les dégâts potentiels. Dix jours plus tard, le 24 mai, il réagit vigoureuse-ment: l’insur rection ayant pris une ampleur inquiétante, il suspendit officiellement la guerre sainte22.

La croisade avait donc tourné en jacquerie. Elle n’en perdit pas pour autant sa dimension religieuse. Les paysans en armes brandissaient toujours le drapeau à motif cruciforme et n’envisageaient pas d’autre issue que de lutter contre les ennemis de la foi chrétienne. S’ils en voulaient aux seigneurs, ce n’est pas tant à cause de leur sort matériel qu’en raison des difficultés qu’ils faisaient à leur en-rôlement pour la croisade. Les motivations de ces derniers se comprennent aisé-ment: craignant de ne pouvoir trouver d’autres bras pour cultiver leurs terres, ils redoutaient l’effondrement de la production tirée de leurs domaines. Les hum-bles leur reprochaient aussi de ne pas s’impliquer suffisamment pour la bonne cause. De fait, les nobles hongrois semblent avoir été peu nombreux à prendre la croix en 1514.

La responsabilité des franciscains observants dans la dégradation de la si-tuation, même si elle n’apparaît pas partout de manière évidente, ne fait aucun doute. Par leur radicalisme social, tout d’abord, qui jeta les croisés dans les bras de la rébellion. Certains prédicateurs ne s’étaient pas contentés en effet de criti-quer devant les (futurs) croisés l’arrogance des puissants, comme le faisaient en leur temps Oswald de Laskó et Pelbart de Temesvár. A en juger par ce qu’écrit l’archevêque d’Esztergom dans sa lettre du 15 mai, ces religieux – qu’il appelle avec mépris “apostats et excommuniés” (apostatae et excommunicati) – auraient in-

20 Voir carte n°4.21 Monumenta Rusticorum, éd. A. Fekete Nagy et alii, 72-75, n° 30.22 Monumenta Rusticorum, éd. A. Fekete Nagy et alii, 77-79, n° 34.

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cité les paysans à désobéir à leur seigneur et au roi. Au cours de réunions sédi-tieuses, ils les auraient poussés à ne plus s’acquitter des charges seigneuriales et de l’impôt royal (dica) et même à lapider les collecteurs, en leur promettant pour cela des indulgences!23 C’est à eux donc qu’il faut imputer les graves dom mages humains et matériels causés par les croisés au cours des semaines précédentes, déclare Thomas Bakócz24. Certes, ni dans cette lettre, ni dans celle du 24 mai, qui rapporte des plaintes similaires, le primat n’accuse nommément les observants. Il parle seulement dans la première de “prêtres, clercs, religieux et séculiers, ainsi que d’autres membres du clergé et des laïcs” et loue dans un second passage le rôle des observants dans la publication de la bulle de croisa de. La deuxième lettre est plus explicite. Elle évoque à nouveau des apostats et des religieux en rupture de ban, sans précision quant à leur ordre (ab apostatis cujuscunque ordinis religionis presbiteris, … monachi, quibus religio odiosa et tediosa fuit...); mais elle mentionne aussi les multi pseudo iniqui et falsarii predicatores chargés de prêcher la croisade par délégation de l’autorité pontificale. Il ne peut s’agir, en dehors du diocèse de Transylvanie, que des franciscains observants. Autre indice de leur engagement dans la seditio: la présence d’un “frère” parmi les condamnés à mort atrocement exécutés à Buda au début du mois d’août 151425.

Dès cette phase de la révolte se pose donc la question de la participation concrète des religieux aux actes de violence commis par les insurgés. Aucun texte n’accuse formellement les membres de l’observance franciscaine d’avoir pris part aux pillages et incendies de demeures seigneuriales, aux meurtres de nobles ou de leurs agents, ou encore (avant le milieu du mois de mai) aux batailles opposant les paysans-croisés à leurs maîtres. Mais on voit mal les plus ardents prédicateurs se retirer du jeu au moment où les choses tournaient à l’affrontement. Jenő Szűcs fait observer à ce propos l’étroite concordance entre la carte des grands couvents de l’observance hongroise et celle des premiers foyers de la jacquerie, ceux qui s’em-brasèrent dès la première quinzaine du mois de mai 1514. De fait, les pôles ma-

23 Noveritis ad nostram audienciam (…) quomodo forent nonnulli presbyteri, clerici, religiosi et secula-res ac alie persone ecclesiastice et seculares, qui suggestione (…) spirituum malignorum zizanie seminatorum impulsi (…) contra mentem nostram et formam bullarum apostolicarum cruciatam proclamare, conventicula facere, hominum diversarum condicionum (…) multitudinem concire et convocare, census dominorum tempo-ralium ordinarios dicasque regie majestatis debitas ac alia justissima et consueta debita necnon obedienciam superioribus denegare et denegari facere denegandasque et deneganda esse dicere et affirmare presumunt, eosque insuper, qui hujusmodi census ordinarios et dicas regias dicarent vel exigerent, occidendos esse et qui ad eosdem dicatores vel exactores lapidem vel saxum mitterent seu jacerent, centum dierum indulgencias eisdem concessas esse… Monumenta Rusticorum, éd. A. Fekete Nagy et alii, 73, n° 30.

24 Telle est l’analyse de Jenő Szűcs, dans Ferences ellenzéki, 413.25 Voir infra.

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jeurs de la révolte antiseigneuriale, que l’on peut regrouper grossièrement en qua-tre régions (Szikszó-Sárospatak au nord, Gyula-Nagyvárad au centre-est, Csanád au centre, et Bodrog-Bács au sud), se trouvent presque tous à proximité d’un ou de plusieurs couvents observants assez importants. Il s’agit respectivement des établissements de Sárospatak, centre de custodie, et de Szántó pour la première région; de ceux de Nagyvárad, le plus peuplé de la province, et de Gyula; de celui de Csanád; et enfin de celui d’Újlak, lieu de pèlerinage réputé et se trouvant à proximité d’autres couvents observants (Perecske, Atya, Futak et Kabol)26. Au lieu de se contenter de prêcher la croisade, les occupants de ces maisons auraient pris fait et cause pour les insurgés.

Il serait toutefois excessif de voir en elles des repaires de rebelles armés jusqu’aux dents. Bien au contraire, certains couvents refusèrent de se joindre au mouvement ou en furent les infortunées victimes. Celui de Csanád, par exemple, dévasté par les émeutiers. Les frères durent mettre en lieu sûr les restes du sépul-cre de saint Gérard, dont la dépouille reposait là depuis quatre siècles et demi; elle fut alors transférée au couvent de Pest27. Les insurgés auraient également investi et pillé le couvent de Nyirbátor28. La relative coïncidence entre géographie obser-vante et géographie de la révolte tient vraisemblablement au fait que c’est de ces couvents particulièrement actifs, éloignés de surcroît de la capitale (où résidait d’ordinaire le chef de la province et ses conseillers permanents), que provenaient les prédicateurs les plus exaltés. Selon toute vraisemblance, ils déclenchèrent un processus sur lequel ils perdirent rapidement tout contrôle.

La croisade contre l’Antéchrist

A partir du milieu du mois de mai, la révolte changea d’ampleur. Jusqu’alors, le parti insurrectionnel se limitait aux recrues du campement de Pest qui avaient refusé d’obéir aux ordres royaux et ecclésiastiques leur enjoignant de quitter la ville pour s’avancer vers le front turc. Le capitaine de la forteresse de Buda, Jean Bornemissza, eut le plus grand mal à les disperser: il échoua le 23 puis le 25 mai, et n’y parvint qu’à la troisième tentative, le 1er juin. Les autres croisés, conduits par Dózsa, avaient suivi les instructions données et attendaient de pouvoir se battre avec les Infidèles. Mais ils accueillirent très mal la décision de l’archevêque d’Esz-tergom d’interrompre la levée des volontaires, commu ni quée le 15 mai 1514, et

26 Szűcs, 242-244. Voir carte n° 4.27 Karácsonyi II, 22-24 548.28 Karácsonyi I, 370, en s’appuyant sur les éléments réunis (sans certitude) par Márki,

Dózsa György, 347 354-355.

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plus encore celle annoncée le 24 mai suivant de suspendre la croisade elle-même. La première atteignit Georges Dózsa le 18 mai, alors qu’il approchait de Békés, à environ deux cents kilomètres au sud-est de Buda, à la tête de la plus importante unité.

Le chevalier sicule refusa d’obtempérer. Bien au contraire, il grossit son ar-mée des croisés qui bivouaquaient dans les environs, autour de Békés et de Gyula et les fit progresser vers le sud. Il apparaît dès lors comme le leader de la révolte. Il contribua indiscutablement à l’unifier, entraînant derrière lui l’énorme majorité des recrues levées dans les semaines précédentes. Un autre foyer s’alluma simul-tanément à une soixantaine de kilomètres de là. Le 22 mai, les croisés du camp de Nagyvárad, dirigés par un certain “prêtre Laurent” (Laurentius presbyter) écrasaient les troupes nobiliaires dirigées par l’administrateur de l’évêché de Nagyvárad, Grégoire de Pöstyény. Dózsa eut moins de chance dans un premier temps: le lendemain 23 mai, l’une de ses compagnies, commandée elle aussi par un clerc, Étienne Balogh, subit une cuisante défaite non loin de Csanád, à Apátfalva, face aux soldats de l’évêque de la ville. Il prit sa revanche le jour suivant en mettant le feu au château de Nagylak, où l’ispan de Temes Étienne de Bátor, l’évêque de Csanád et leur escorte fêtaient leur récente victoire. C’est alors que, constatant la défection de Dózsa et voyant s’allonger la liste des crimes commis par les pseudo-croisés, le roi Wladislas II décida, en concertation avec le primat, de mettre un terme à la croisade. Le 24 mai, il promit à tous les croisés qui rentreraient chez eux de les protéger contre les représailles de leur seigneur29. De son côté, l’archevêque annonçait au clergé hongrois la dissolution de la croisade et lui demandait de faire appliquer cette décision sous la menace de l’excom mu nication. Dózsa y répondit par un acte qui marquait un cran de plus dans l’insurrection: le 28 mai, il fit mettre à mort l’évêque de Csanád, Nicolas de Csák, et plusieurs des nobles qui l’entou-raient. Le roi et son conseil décidèrent en conséquence de mettre sur pied une armée chargée de réprimer au plus vite le mouvement par la force des armes.

La violence atteignit alors son paroxysme. Dans sa lettre du 24 mai, l’ar-chevêque-primat insiste sur les atrocités commises par les insurgés. Tandis que celle du 15 mai déplorait “seulement” le triste sort des percepteurs seigneuriaux et royaux, la suivante évoque les insultes, les pillages, les blessures, viols et assas-sinats perpétrés à l’encontre des seigneurs et de leurs proches30. La Chronique observante reprend cette liste, en y ajoutant les mutilations et les actes sacrilèges

29 Monumenta Rusticorum, éd. A. Fekete Nagy et alii, 76-77, n° 33.30 … insultus tumultarios, rixas, sediciones, homicidia, spolia, depredaciones et alia scandala presertim

contra nobiles domosque et familiam eorundem committant… Monumenta Rusticorum, éd. A. Fekete Nagy et alii, 79, n° 34.

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dont les sbires de Georges Dózsa s’étaient rendus coupables31. D’autres témoi-gnages provenant de laïcs vont dans le même sens. Probablement amplifiés par la rumeur, ils insistent sur la prédilection qu’avaient les rebelles pour l’empa-lement de ceux qui tombaient entre leurs mains32. Quelle attitude adoptèrent les franciscains observants face à ces effroyables débordements? On ne saurait parler à ce stade d’une observance hongroise, mais plutôt d’un agrégat de cou-rants multiples parmi les frères censés appartenir à la même famille regulière. Les dirigeants ne semblent jamais avoir changé de position: ils continuèrent à obéir docilement aux injonctions venues du pape, par l’intermédiaire de son légat permanent, le primat de Hongrie. Aussi, dès le 25 mai, ils annoncèrent depuis le couvent de Buda la dissolution de la croisade33… celle qu’ils avaient lancée sur place un mois et demi auparavant. Ils ne semblent pas avoir regretté, tout partisans de la croisade qu’ils étaient dans le principe, la décision du prélat, ni douté de son bien-fondé. La Chronique, reflet de leurs opinions, la présente comme la seule alternative possible face aux horreurs perpétrées par les révoltés sous prétexte de croisade34.

Comment réagirent les simples frères quand leurs supérieurs les enjoigni-rent, au nom de l’obéissance, de dénoncer publiquement la croisade qu’ils avaient défendue avec tant d’ardeur? Nombreux furent ceux qui, comme les laïcs, mirent du temps à comprendre ce qui arrivait. Même chez ceux qui n’a vaient participé qu’indirectement à sa promotion, le cœur allait spontanément à la poursuite du projet. Les plus lucides entrevoyaient peut-être déjà les risques qu’il y avait à le condamner. L’annonce de la dissolution de la croisade avait déclenché une san-glante émeute devant le couvent Saint-Jean de Buda, suivie d’une autre devant le couvent des dominicains. Elle faillit coûter la vie à deux de ses occupants, qui réussirent par miracle à s’extraire de la foule en colère35. Comment les frères pour-raient-ils garder la face avec un discours si peu cohérent? N’étaient-ce pas les fidèles qui avaient raison, plutôt que le roi, les barons du conseil, les prélats et les nobles du royaume, dont l’adhésion à la guerre sainte était demeurée bien tiède?

31 …contingerunt in Hungaria maximae seditiones, tumultus, bella intestina, caedes, homicicia, mutila-tiones, sacrilegia, rapinae et aliorum malorum genera humani generis inimico, popolum communem duce eorum quodam Georgio Székely, sub colore et praetextu cruciatae (…) adversus nobilitatem stimulante. C[h]ronica, 285-286.

32 Voir par exemple Monumenta Rusticorum, éd. A. Fekete Nagy et alii, 93-94, n° 47 (31 mai 1514), 192-194, n° 160 (journal de Nicolas de Zuanne, à la date du 11 août 1514), 242-245, n° 200 (lettre de Jean Vitale le Panormitain, novembre 1514).

33 Szűcs, 215.34 C[h]ronica, 285-286.35 Szűcs, 215.

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En se plaçant du côté des autorités d’ici-bas, les frères ne risquaient-ils pas de perdre l’ascendant qu’ils avaient sur la masse de la population? Nul doute que les débats allèrent bon train à l’inté rieur des couvents. Saint-Jean de Buda ne fut pas épargné. Une lettre vicariale rédigée le 24 ou le 25 mai 1514 rapporte qu’il venait d’être le théâtre d’une forte agitation (concitataque disturbia sedare procures) les jours précédents. Le vicaire dut nommer un commissaire spécialement chargé de calmer les esprits – une mission fort délicate comme le laisse entendre le titre du document (institutio commissarii in exiguo negotio)36.

Au terme de ces controverses, d’autres frères, bien plus nombreux semble-t-il que les quelques prédicateurs extrémistes restés auprès des croisés en dépit des interdits du 15 puis du 24 mai, rejoignirent la rébellion. Pour ne pas renier leurs convictions profondes et apparaître du coup comme des traîtres à la cause, ils refusèrent de condamner ce qu’ils avaient décrit la veille comme la meilleure manière de préparer le retour du Christ. Et, en leur âme et conscience, ils ne pou-vaient abandonner à leur sort les hommes qui avaient tout quitté pour les suivre dans cette aventure périlleuse. Quand bien même ces derniers auraient commis des actes répréhensibles, n’étaient-ils pas les soldats du Christ? Pour ces frères dissidents, la croisade continuait. Ils poursuivirent donc sa prédication, et ce pen-dant plusieurs semaines, au mépris des ordres donnés par le primat et le roi. C’est pourquoi les pères assemblés un an plus tard à Buda interdiront formellement à quiconque de prêcher la croisade sans autorisation expresse du vicaire provin-cial37. Ces prédications sauvages permirent selon toute vraisemblance d’accroître le nombre de paysans en armes. En ce sens, les frères contribuèrent à grossir le camp des insurgés. En parallèle, ils adaptèrent leur discours à l’évolution de la situation, fournissant aux rebelles de nouvelles armes idéologiques.

Loin de perdre sa dimension religieuse en effet, le mouvement apparut plus que jamais à ses adhérents comme le combat héroïque des “Élus” contre la “secte de l’Antéchrist”. Rien n’était plus facile. Il suffisait de retourner l’argu mentaire utilisé pour prêcher la croisade anti-turque contre les adversaires de la révolte. On continua bien sûr d’assimiler les croisés aux “bons”, aux “Élus” (la societas electorum) de l’Apocalypse. Georges Dózsa et ses acolytes auraient utilisé abon-damment l’expression de “peuple béni” (benedicta gens cruciferorum, benedictus populus cruciferorum) pour s’adresser à leurs troupes, exactement comme l’avaient fait les autorités ecclésiastiques au début de la croisade38. Mais à présent, le pa pe, le roi,

36 1er form., fol. 111v. Édition: Szűcs, 258-259 (annexe 3).37 Szűcs, 215. Source: LERH III, 668.38 J. Szűcs, Dózsa paraszháborújának. Source: Monumenta Rusticorum, éd. A. Fekete Nagy et

alii, 243, n° 200.

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les nobles et leurs représentants rejoignaient les Infidèles dans la catégorie mépri-sable des membres de la “secte de l’Antéchrist”. Les persécutions que ces derniers lançaient contre les croisés confirmaient à la fois l’exacti tude des visions joachi-mites et le bien-fondé de la lutte des “Élus”, puisqu’elles avaient été annoncées. Il s’agissait toujours d’accélérer la chute de l’Antéchrist; ce dernier avait seulement pris un nouveau masque, celui des pouvoirs chrétiens39.

Des fils de saint François passèrent de la parole aux actes. Ils se transformè-rent en chefs de guerre pour mieux servir leur idéal. Ils n’étaient pas les seuls ton-surés à le faire. Plusieurs curés villageois menèrent leurs troupes jusqu’aux lieux de rassemblement fixés par les organisateurs au début de la croisade. Mais peu semblent être passés à la sédition par la suite. L’imprécision des sources permet rarement d’identifier les acteurs de l’insurrection: elles ne livrent au mieux qu’un prénom, éventuellement précédé d’un titre tel que clericus ou presbyter. La fréquence de celui-ci à propos des encadrants laisse songeur. Les meneurs de guerre, puisque cette fois c’en était vraiment une, sortaient pour la plupart des rangs de clergie. Leur détermination semble avoir compensé leur manque de formation militaire. Outre le fameux Laurent, évoqué ci-après, le prêtre nommé Martin s’illustra ainsi par la victoire qu’il remporta le 5 juin près d’Eger contre l’armée nobiliaire com-mandée par Jean Bebek. Quelques jours avant que Dózsa ne dépose les armes, le 15 juillet, deux clercs l’en tou raient encore, Nicolaus litteratus et Michael presbi-ter40. Reste à savoir combien parmi eux appartenaient à l’observance franciscaine. D’après les recoupements opérés par Jenő Szűcs à partir de données terminologi-ques et géographiques, au moins trois ou quatre des sept ou huit chefs militaires de l’insurrection pay sanne étaient des franciscains observants, ou du moins d’an-ciens franciscains ayant quitté leur couvent. C’était le cas notamment du “prêtre Laurent”. Engagé dans la lutte dès le 22 mai, il apparaît dans les sources comme le principal leader de la rébellion armée après Dózsa. C’est lui qui organisa la résistance, dans la région de Nagyvárad tout d’abord, puis autour de Bihar et jusqu’en Transylvanie. Même après la reddition et l’exécution du chevalier sicule, il refusa de déposer les armes. Il tint bon jusqu’à la fin du mois de juillet 1514, où il fut battu par les armées nobiliaires puis brûlé vif à Kolozsvár. Contrairement à ce qu’on a longtemps cru, Laurent ne serait pas pas un clerc de paroisse, mais un franciscain. En effet, les sources ne le qualifient jamais de plebanus ou de capel-lanus, mais seulement de presbyter, ce qui autorise à penser qu’il appartenait à une congrégation régulière. On raconte qu’il avait toujours sur lui un long bâton – qui lui valut le surnom de “Laurent au long bâton” –, comme en portaient les frères

39 J. Szűcs, Ferences ellenzéki, 424; T. Kardos, A magyarországi humanizmus, 375-391.40 Monumenta Rusticorum, éd. A. Fekete Nagy et alii, 162-163, n° 124.

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mendiants. Le chapitre de 1515 interdira par la suite aux membres de la province observante d’utiliser un bâton (baculum) d’une longueur excessive41. Les récits nar-rant son exécution rapportent qu’il était originaire de Nagyvárad. On peut donc penser qu’il sortait du grand couvent de frères mineurs qui s’y trouvait42.

La démonstration de Jenő Szűcs, pour séduisante qu’elle soit, ne fait pas l’unanimité43. En effet, aucun texte (franciscain ou non) ne prouve formellement l’appartenance de Laurent – pas plus que celle des autres meneurs de la guerre paysanne dont on connaît le nom, d’ailleurs – à la province observante. C’est par défaut, en quelque sorte, que l’on peut formuler cette hypothèse, que rien ne permet de vérifier… ni d’infirmer. En incluant les “faux” prédicateurs et les acti-vistes, combien de frères s’engagèrent au total dans la révolte? En l’état actuel des connaissances, on ne peut proposer aucune estimation sérieuse. L’enquête géné-rale ordonnée par les pères assemblés en chapitre en 1515 ne fournit pas, hélas, de liste des accusés44. Le fait que cette procédure ait été mise sur pied, apparemment pour la première fois dans l’histoire de la province hongroise, suggère toutefois qu’une proportion non négligeable de frères avaient embrassé la cause des insur-gés. Certains se cachaient encore un mois après la répression du mouvement dans le sang. C’est ce que laisse penser une lettre du vicaire Blaise de Dézs écrite peu après le 15 août 1514, par laquelle il ordonne aux custodes d’arrêter et d’empri-sonner les apostats, afin qu’ils cessent d’exercer une influence néfaste à l’intérieur de l’ordre45. Sur le fond certes, il ne faisait que répéter ce que prescrivaient les Constitutions d’Atya, qui ordonnaient aux custodes et aux gardiens de garder en prison les apostats qu’ils rencontreraient46; mais dans le contexte de l’été 1514, ce rappel répondait certainement à une nécessité urgente.

La guerre battit son plein pendant près de deux mois, du début de juin 1514 jusqu’au milieu du mois suivant. Tandis que le roi rappelait de Bulgarie le voïvode de Transylvanie et levait des troupes pour mâter l’insurrection, Georges Dózsa, son frère Grégoire et les autres leaders du mouvement parvenaient à l’étendre à

41 … baculi non fiant sic excessive magnitudinis… LERH III, 668; cité dans Szűcs, 254.42 Szűcs, 248-255.43 Ainsi, les auteurs de Parasztháború (p. 112-114) se contentent-ils d’exposer les différents

éléments, contradictoires, sur le personnage, sans en déduire qu’il était nécessairement membre de l’observance franciscaine.

44 Comme le constate Jenő Szűcs dans A ferences obszervancia, 257.45 quod apostatam nostre religionis possit et prelatus, et communis frater tam in loco, quam in contratis

detinere, nec dimittatur talis ulterius divagari et malum malo accumulare… 1ère form., fol. 72. Édition: Szűcs, 260 (annexe 5).

46 LERH III, 629.

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CHAPITRE 9352

la moitié du royaume. Elle toucha de vastes secteurs du pays, du moyen cours du Danube jusqu’à l’ouest de la Transylvanie en descendant jusqu’à Belgrade, d’une part, et courait de la frontière polonaise au sud de Buda, d’autre part. Elle alimen-ta aussi des foyers ponctuels de révolte, en Transdanubie (près de Sopron et de Győr, puis dans les monts Bakony) comme à la périphérie orientale du royaume. S’ils essuyèrent des revers dès le départ, les rebelles parvinrent à s’emparer de forteresses royales (Belgrade) et de villes entières (Nagyvárad, Csanád), où ils se maintinrent parfois plusieurs semaines durant. Le rapport de force ne s’inversa qu’à partir des derniers jours du mois de juin. Ayant subi défaite sur défaite, Geor-ges Dózsa déposa les armes devant Jean de Szapolya, près de Temesvár, le 15 juillet. Le voïvode le fit exécuter quelques jours plus tard selon une mise en scène visiblement destinée à frapper les esprits qui n’est pas sans rappeler celle qui en-toura la mort de « Jacques Bonhomme » en 1358. Couronné d’un diadème en fer rougi, en souvenir de la “rénovation du Royaume” qu’il prétendait accomplir, les dents arrachées, il fut condamné à être dépecé et dévoré par ses propres hommes. Son cadavre coupé en quatre fut ensuite exposé au pilori et ses seize compagnons empalés. Dans les jours sui vants, des châtiments exemplaires furent infligés aux derniers leaders de la révolte, empalés, écartelés, éviscérés, écorchés ou brûlés vifs…47. Quelques escarmouches entre paysans en armes et nobles éclatèrent en-core à la fin du mois de juillet, au moment où le prêtre Laurent était définitive-ment battu puis conduit au bûcher. Après quoi les ultimes poches de résistance tombèrent au bout d’une à trois semaines.

Les frères engagés dans la révolte subirent le même sort que les paysans qu’ils avaient recrutés – sauf s’ils se repentaient, tels les clercs Nicolas et Michel, peu avant la reddition de Georges Dózsa. Ceux qui avaient occupé des fonc-tions d’encadrement connurent pire. L’italien Nicolas de Zuanne rapporte dans son journal que, parmi les insurgés exécutés à Buda peu avant le milieu du mois d’août, se trouvait un “frère” (un frate) qui fut rôti vivant48!

L’élimination physique des dissidents, aussi spectaculaire fût-elle, ne résol-vait rien sur le fond. Elle laissait béantes les plaies ouvertes par les événements de 1514. Les chefs de la province observante ne parvinrent guère à les cautériser durablement, une fois passé le moment douloureux de la répression.

47 Ces détails sont rapportés par le roi Wladislas (dans une lettre datée du 24 juillet 1514), ainsi que dans le journal d’un observateur italien, Nicolas de Zuanne, et dans une lettre de Jean Vitale le Panormitain (de novembre 1514). Monumenta Rusticorum, éd. A. Fekete Nagy et alii, 175-176, n° 142, 192-193, n° 160, 244-245, n° 200.

48 Monumenta Rusticorum, éd. A. Fekete Nagy et alii, 193, n° 160.

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LES ÉVÉNEMENTS DE 1514 ET LEURS CONSÉQUENCES 353

II. L’après 1514

La diète réunie à Buda à la mi-octobre 1514 exprimait la victoire incondition-nelle des nobles sur les paysans. Sans surprise, les meneurs de l’insurrection furent déclarés coupables et condamnés. Les membres de l’assemblée, principalement is-sus de la noblesse, ne s’arrêtèrent pas là: ils imposèrent de lourdes compensations financières aux tenanciers, rendirent la corvée obligatoire pour tous et mirent fin au précieux droit de migration. Le “second servage” prenait forme. Certes, dans les faits, le roi et les seigneurs, craignant de perdre à jamais ceux de leurs paysans qui avaient pris les armes, se montrèrent cléments. L’impossibilité faite aux tenanciers de quitter leur lopin, si souvent invoquée pour décrire cette évolution rétrograde, ne fut jamais réellement appliquée49. Les délégués nobles s’en prirent de la même manière aux clercs séditieux: ils interdirent aux paysans, mais aussi à tout membre du clergé non attaché à un bénéfice de porter des armes sur lui. Cela confirme, si besoin était, le degré de participation des clercs à la révolte.

Les frères de l’observance franciscaine, avaient vécu de très près, parfois en leur chair, la guerre civile. Quels procédés imaginèrent les dirigeants de la pro-vince de Hongrie pour effacer le souvenir de ces défections et empêcher surtout qu’une telle crise ne se reproduise à l’avenir?

Les effets de la guerre paysanne sur l’observance hongroise: un élan brisé

Le vicaire et son définitoire n’avaient pas hésité un seul instant, on l’a vu, avant d’annoncer la dissolution de la croisade, sur ordre du primat. Mais ils ne purent cacher le rôle joué par certains membres (ou anciens membres) de leur congréga-tion dans la révolte. D’autant que leurs rivaux, les franciscains con ventuels, ne se privèrent pas de les montrer du doigt: l’occasion était trop belle, naturellement. Le vicaire Blaise de Dézs l’avait constaté dès la fin du mois de mai 1514, au moment où la guerre ne faisait que commencer50. La dissidence de quelques-uns ternissait déjà l’image de l’ensemble de l’observance franciscaine hongroise.

Par la suite, celle-ci subit une franche désaffection de la part de l’élite ecclé-siastique et laïque du royaume. Sans le dire, les autorités suprêmes lui retirèrent leur con fiance: pas plus que le pape, ni le primat, ni le roi de Hongrie ne lui déléguèrent des missions importantes. Encore moins dans le cadre de la lutte contre les Turcs. Le souverain pontife se borna en 1520 à accorder aux frères des

49 G. Pállfy, A tizenhatodik század, 160-161.50 …uti si quid adversi aliunde, maxime fratrum conventualium contra sacram nostri ordinis familiam

suboriri contigerit. 1er form., fol. 111v. Édition: Szűcs, 258-259 (annexe 3).

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CHAPITRE 9354

deux couvents de la province fondés en Moldavie (Bákó et Kimpolung) une bulle confirmant leur indépendance par rapport aux clercs séculiers envoyés récem-ment sur place par l’évêque catholique de Milkó51. L’ascendant pris par ce dernier montrait du reste que, même sur le terrain missionnaire, les frères observants n’avaient plus le vent en poupe. De manière générale, les prélats hongrois, très in-quiets de la propagation en Hongrie des courants prophétiques, s’en éloignèrent52. Seul Thomas Bakócz, promoteur (vers 1513) du couvent de Körmend, continua à les défendre contre les appétits de leurs concurrents en matière de pastorale. C’est peut-être justement pour les aider à surmonter le discrédit que leur avait valu leur participation à la levée de la décime pontificale depuis 1512, avant leur compro-mission dans la guerre paysanne, que le prélat avait décidé ce transfert53. Mais il ne fut pas suivi et paya son engagement d’un sensible recul d’influence. Ébranlé par la décision pontificale de le restituer (au moins provisoirement) aux ermites augustins en 1518, l’établissement sombra dans l’abandon après sa mort. Il dut fermer ses portes en 1524, au motif qu’il était inopportun et lourd à gérer pour les frères (vobis incommoda et onerosa loca)54. Comprenons par là que le successeur de Bakócz au siège primatial – pas plus que son neveu et héritier temporel, Pierre d’Erdőd55 – n’avait nulle intention, lui, de le soutenir de ses deniers.

Dans l’élan réactionnaire qui frappa l’ensemble de la société hongroise après 1514, c’est toute la noblesse qui, à de rares exceptions près, regarda dé-sormais les frères d’un autre œil. Les fondations nobiliaires et aristocratiques se firent plus rares. La dynamique des créations enclanchée plus d’un siècle aupa-ravant s’en trouva brisée56. Même les entrées dans la communauté spirituelle de l’ordre, si nombreuses dans la dernière décennie du XVe siècle, subirent un net fléchissement dans les années 151057. Nobles et barons se tournaient vers les conventuels, qui retrouvèrent appuis et protecteurs. Ils purent compter en 1516 sur le soutien actif de Georges de Bátor, le frère d’Étienne (le remuant

51 Karácsonyi I, 380.52 Karácsonyi I, 368.53 Erdélyi, 51-53. Autres signes de l’attachement indéfectible de Thomas Bakócz à la bran-

che réformée de l’ordre après 1514 : il fit sculpter le monogramme IHS (diffusé par Jean de Capestran) dans la chapelle exécutée dans la cathédrale d’Esztergom en 1519 ; il gratifia de dons périodiques l’un de ses neveux entré au couvent observant de Sárospatak. Ibid., 53.

54 MFL, fds I, ms CVII; CsML, bullaire de Szeged, p. 93. Édition: EEMH, t. I, 124-125, n° 127.

55 Celui-ci se désintéressa de la bourgade d’Újlak au profit de Monoszló, moins éloignée de ses domaines de Slavonie et où se trouvait aussi un couvent observant. Erdélyi, 187.

56 Voir graphique n° 2.57 Voir tableau n° 2.

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LES ÉVÉNEMENTS DE 1514 ET LEURS CONSÉQUENCES 355

ispan de Temes puis voïvode de Transylvanie), et sur celui du palatin Émeric de Perény58. Dans les années suivantes, le ministre de la province salvatorienne eut bien du mal à trouver des aristocrates qui acceptent d’appuyer ses démarches en faveur de la canonisation de Jean de Capestran. La veuve d’Étienne de Szapolya daigna bien lui répondre, mais elle en resta aux promesses oiseuses. Seul le prince Laurent d’Újlak, celui dont les ancêtres avaient fondé le couvent où reposait la dé-pouille du saint donna plusieurs centaines de florins aux religieux pour faire avan-cer les choses59. La défection des nobles tenait peut-être aussi à d’autres facteurs. A l’époque dont nous parlons, les chefs de l’observance hongroise s’appliquaient à introduire en Hongrie la réglementation sur la vaisselle liturgique en vigueur dans la famille cismontaine. En l’occurrence, ils cherchaient à rétrocéder les objets précieux que leur avaient remis les fondateurs ou leurs descendants. Leur initia-tive ne fut pas toujours bien comprise. Ainsi les membres de la famille Bodó de Györgyi se plaignirent-ils auprès du pape de ce que les observants avaient vendu, pour restaurer un autre couvent, les objets précieux que leurs ancêtres avaient donnés à l’éta blis sement; sur quoi le souverain pontife ordonna leur restitution à François Bodó le 31 mai 151760. Il n’avait pas pris le temps de s’informer de ce qui s’était vraiment passé: en réalité, les frères voulaient rendre ces objets à leur patron et les avaient seulement déplacés. Désemparés, ils demandèrent son avis au commissaire cismontain Jacques Porcaria, qui leur conseilla d’attendre le prochain chapitre général pour décider de ce qu’ils en feraient61.

Gardons-nous cependant de forcer le trait: si la noblesse hongroise prit ses distances à l’égard des membres de la province salvatorienne, elle ne lui ôta pas d’un seul coup ses suffrages. En 1520, Étienne de Bátor, issu de l’illustre lignage à qui la province devait les couvents de Nyírbátor et de Kőröshegy, épaula les frères de Brassó contre le curé de la ville et la municipalité, qui nuisaient obstiné-ment à la poursuite de leurs activités62. Les derniers couvents fondés dans la pro-vince (Csákány, peut-être Szentgrót, puis Gerla en 153163) devaient leur existence à l’intervention de membres de la noblesse. Nous aurons bientôt d’autres preuves du soutien nobiliaire, sinon aussitôt après 1514, du moins à partir du milieu des années 152064. Par contraste, les bourgeois semblent alors un peu plus présents,

58 Karácsonyi I, 82.59 Karácsonyi I, 379.60 Karácsonyi I, 375. Source: Vetera monumenta II, éd. A. Theiner, 624.61 C[h]ronica, 293. Voir aussi Karácsonyi I, 375 et II, 70.62 Karácsonyi II, 19.63 Voir le Tableau synoptique des couvents.64 Voir le chapitre suivant.

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dans la confrérie spirituelle de l’ordre65 comme sur le plan des dons aux couvents. Que l’on songe par exemple au legs généreux de Madeleine, la veuve du lapicide Georges, à Kolozsvár, qui prit effet en 153166. Certes, les confréries de dévotion et de métier, qui fleurissaient dans les villes, se développèrent toujours hors du cadre observant.

Il faut dire que les franciscains réformés avaient perdu une partie de leur auditoire laïc. En effet, les conventuels ne furent pas les seuls à redresser la tête à la faveur du relatif discrédit dont souffrirent les observants après les événements sanglants de 1514. Les curés de paroisse s’efforcèrent de regagner le terrain perdu depuis plusieurs décennies en matière de pastorale. Dès 1508 le primat avait dû ordonner aux curés de la ville d’Esztergom de laisser les frères observants quêter dans leur paroisse67. Face aux tracasseries que leur opposaient les clercs parois-siaux à propos des funérailles, les délégués hongrois avaient jugé bon de faire transcrire en 1512 par les pères assemblés à Naples en chapitre cismontain la bulle pontificale qui les dispensait de verser aux curés la quarte funéraire68. Les attaques redoublèrent d’intensité dans les années suivantes. Par une monitio datée du 2 sep-tembre 1514 et recopiée dans le premier formulaire, le primat Bakócz rapporte les plaintes qu’il venait de recevoir des frères: les clercs paroissiaux les empêchaient de quêter parmi les fidèles, exigeaient d’eux la quarte et dissuadaient les laïcs d’aller se faire confesser chez eux ou d’assister à leurs célébrations69. L’archevê-que ordonna à tous les curés de la province ecclésiastique d’Esztergom de mieux respecter à l’avenir les privilèges de l’or dre, reçus du pape, sous peine d’excommu-nica tion70. Un autre document non daté, rédigé sans doute vers 1515, rapporte l’existence de tensions analogues du côté de Nagyvárad, dans la province de Ka-locsa. Le vicaire de Hongrie demanda aux chanoines de la cathédrale de mettre fin à la vexatio indignissima dont les religieux de la ville étaient victimes de la part du curé voisin. Celui-ci les obligeait à payer une fraction des legs effectués en leur faveur et les discréditait aux yeux des paroissiens, à qui il interdisait de demander à être enterrés chez les observants sous la menace de l’excommunication71. Même si

65 Voir tableau n° 2.66 Voir chapitre 6.67 Voir chapitre 6.68 Voir chapitre 6.69 …nonnullos ex vobis, qui (...) eosdem fratrem (...) pro petendis elemosinis inter christifideles procedunt,

multipliciter tum turbaretis et molestaretis, per ipsos fratres (...) quandam quartam partem habere et extorquere volentes, ad auditionem quorum confessionum ac celebratione divinorum officiorum eosdem fratres repellere non verentes… 1er form., fol. 149v.

70 1er form., fol. 149-151.71 1er form., fol. 152v-153v (pj n° 43).

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LES ÉVÉNEMENTS DE 1514 ET LEURS CONSÉQUENCES 357

aucun document ne l’indique formellement, on peut imaginer que les curés eurent beau jeu d’in voquer le rôle trouble joué par les membres de l’observance dans les récents événements afin de noircir leur image auprès des fidèles.

On entrait véritablement dans le reflux du mouvement. Le nombre total de couvents de la province commença à diminuer à partir de 1516; après cette date, il ira toujours décroissant72. Les couvents frontaliers endommagés ou dé truits par les bandes turques dans les années 1510 et au début des années 1520 ne furent ni reconstruits, ni remplacés par de nouveaux établissements. La relative désaffec-tion de l’observance eut aussi des répercussions sur le recrutement. A l’évidence, les pertes causées par la peste des années 1508 à 1510 ne furent pas compensées par les entrées des années suivantes. Les couvents commencèrent à se vider de leurs occupants, faute de vocations.

Dans leur volonté de retrouver la sympathie dont ils jouissaient autrefois, les dirigeants de la province déployèrent des efforts considérables à partir de la fin des années 1510 pour faire entrer Jean de Capestran au panthéon des saints officiels de l’Église latine. L’observance hongroise aurait enfin eu “son” saint officiel! Il n’était pas né sur place, soit, mais il reposait maintenant au couvent d’Újlak, et les miracles qui s’accomplissaient autour de sa tombe ne pouvaient que redorer le blason écaillé de la congrégation. Tel est le raisonnement que tint certainement le ministre Albert de Dereszlény, qui ne ménagea pas sa peine pour faire canoniser Capestran73. Il ne fut pas le seul. Les responsables hon-grois consentirent en effet de lourds sacrifices dans ce but. Le 20 juin 1526, ils mettaient en vente le cercueil en argent de saint Gérard, rapatrié depuis 1514 au couvent de Pest, et rassemblaient 630 florins, ainsi que les 500 florins d’or que le prince Laurent d’Újlak leur avait donnés, pour débloquer la situation à Rome74. Ces efforts ne s’expli quent pas seulement par le souvenir édifiant laissé par le saint prédicateur, ni même par la résonance nouvelle de son discours à la veille de l’offensive ottomane de l’été 1526. Ils montrent le prix qu’accordaient les observants à la restauration de leur image.

La crise de 1514 eut enfin des répercussions à l’intérieur des couvents. L’auteur de la Chronique observante ne s’attarde guère sur les conséquences im-médiates de la guerre paysanne dans la vie de l’ordre. Il se contente d’indi quer que, la répression royale et nobiliaire terminée, les frères se consacrèrent à soigner

72 Voir graphique n° 1.73 Voir chapitre 7.74 Tous ces biens seront réquisitionnés peu après sur ordre du roi Louis II, pour financer

la campagne à venir contre les Turcs. Karácsonyi I, 385.

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CHAPITRE 9358

les âmes (laïques) tourmentées par les troubles des mois précédents75. Comme si eux-mêmes n’avaient pas connu de semblables déchirements! Il y a là, une fois de plus, l’intention évidente de minimiser l’ampleur de la crise au sein de la province. Or l’insurrection n’avait fait que creuser un peu plus les divergences qui oppo-saient les tenants de la tradition aux partisans d’un engagement plus poussé vers la modernité. Les débats anciens avaient pris pendant le conflit armé une acuité nouvelle, chacun devant se positionner soit pour, soit contre la révolte. Plusieurs mois après les exécutions exemplaires et les sanctions de portée générale, l’in cen-die n’était toujours pas éteint. Le climat restait tendu, l’atmo sphère pesante, dans les couvents hongrois. Le contenu des éléments à vé ri fier par les visitatores envoyés en tournée dans les derniers mois de 1514 en témoigne: les actes commis par ven-geance (vindicta) figurent en tête des points que les inspecteurs devaient rapporter à la direction76. Il était grand temps de réagir.

Répression et prévention

On ne saurait accuser les responsables hongrois d’immobilisme. Dès la fin du mois de mai, peu après la proclamation de l’annulation de la croisade le 25 mai, le vicaire Blaise de Dézs nommait un commissaire spécialement chargé de mettre fin aux troubles (concitata disturbia) qui venaient d’éclater au couvent Saint-Jean de Buda77. Quelques semaines plus tard, il chargeait un autre commissaire extraor-dinaire d’inspecter les couvents des deux custodies les plus fortement impliquées dans la guerre paysanne, celles de Jenő et de Sárospatak (ad duas custodias videlicet Jenew et Pathak)78. Notons que c’était la première fois qu’un même commissarius (ou visitator) avait la charge des couvents de deux custodies à la fois. En outre, le vicaire le dota de pouvoirs incroyablement étendus: il ne s’agissait pas seulement de dépister les coupables et de prononcer des peines légères, en laissant les cas les plus graves pour le prochain chapitre provincial. Le commissaire pouvait, après un jugement sommaire, prononcé avec l’avis des membres éminents du couvent,

75 In tantis discordiarum seditionumque fluctibus etiam patres et fratres nostri versati sunt in maximis animarum curis et tribulationibus. C[h]ronica, 286.

76 Ad capitulum importancia [sic]: primum est vindicta manifeste apparens per signa vel facta evidentia ex parte visitationis sew quacunque alia causa, sic quod esset notabiliter contra proximi charitatem. 1er form., fol. 73. Voir aussi Szűcs, 255-256.

77 1er form., fol. 111v. Édition: Szűcs, 258-259 (annexe 3).78 1er form, fol. 15. Édition: Szűcs, 259 (annexe 4).

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LES ÉVÉNEMENTS DE 1514 ET LEURS CONSÉQUENCES 359

infliger les sentences les plus lourdes79. Il se trouvait donc à la tête d’une véritable cour martiale, qui reflétait l’urgence de la situation. On ignore toutefois s’il put réellement la mettre en oeuvre, tant la tempête fit rage dans ces deux custodies jusqu’en juillet 1514.

Les dirigeants ne se contentèrent pas de mesures répressives ponctuelles. Ils procédèrent à une enquête générale, dont le but manifeste était d’abord de pu-nir les coupables convaincus, mais aussi d’extirper les racines de la contestation. Car si les plus déterminés des dissidents avaient déjà quitté leur couvent depuis longtemps, nombre d’indécis susceptibles un jour ou l’autre de suivre leur exem-ple se cachaient encore dans leurs murs. Il fallait maintenant les identifier et les empêcher de nuire. Dans une exhortation rédigée peu après les événements, le vicaire écrit qu’il est nécessaire d’amputer les membres malades pour empêcher le mal de se répandre dans tout le corps observant80. On retrouve cette image, dans sa version végétale (les branches malades qu’il faut couper), en préambule d’une exhortation vicariale de la même période81. Certes, elle faisait partie des figures stylistiques habituelles: elle apparaît en 1488 dans une exhortation du vicaire Bar-thélemy de Sáros82, puis dans celle que composa Gilles de Cegléd vers 150583. Il n’en demeure pas moins que leur successeur Blaise de Dézs demanda vers la fin de l’été 1514 à tous les custodes et gardiens de la province d’arrêter et d’enfermer les apostats qu’ils rencontreraient ou dont ils apprendraient l’exi sten ce dans une même intention prophylactique84. Cette mesure déjà préconisée par les Constitu-tions d’Atya était redevenue d’actualité.

En complément, Blaise de Dézs décida dès la fin de la guerre civile de réunir les dirigeants de la province à Visegrád, le 15 août 1514, en une sorte de chapitre extraordinaire restreint. Il s’agissait de préparer avec soin le prochain chapitre

79 …penis ultimis delinquentes valeas subicere (…). Porro (...) presentibus tibi falcultatem concedo plenariam, quatenus ea facere in dictis custodiis possis, que presens facere valerem, omnesque causas cum dis-cretorum patrum consilio possis decidere et penis ultimis delinquentes valeas subicere. 1er form., fol. 15v-16. Édition: Szűcs, 259 (annexe 4).

80 Nullius faciem verendo ne dum crudeli nimio uni membro putrido parcitur in totius corporis sospitatem putrens corruptio diffundatur. 1er form., fol. 193.

81 Exhortans easdem presentis scripti in primordio quod sitis vivaces et prompti ad cuellendas radices malorum vestrarum cogitationum, extirpandas vepres inordinatorum desideriorum pullulantes, destruendasque rameos et palmites iniquorum operum… 1er form., fol. 201.

82 1er form., fol. 20v-21 (pj n°1).83 1er form., fol. 32 (pj n° 3).84 ...quod apostatam nostre religionis possit et prelatus, et communis frater tam in loco, quam in contratis

detinere, nec dimittatur talis ulterius divagari et malum malo accumulare... 1er form., fol. 72. Édition: Szűcs, 260 (annexe 5).

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CHAPITRE 9360

provincial, qui devait s’ouvrir à la Pentecôte 1515 à Buda. Les visitatores reçu-rent alors des instructions leur demandant d’examiner avec attention les cas d’insolence ou de désobéissance aux supérieurs et, au début de leur visite, de commencer par rappeler aux frères assemblés l’impor tance du voeu d’obéis-sance (obedientia) parmi les trois voeux monastiques85. Un calendrier spécial fut appliqué pour ce chapitre, à la mesure de la tâche qui lui incombait. Contrai-rement aux précédents, il dura près de trois semaines. Il réunit, outre les pères habituels, d’autres délégués, dont le nombre alla jusqu’à vingt-cinq par custo-die 86! Les custodes avaient dû fournir au préalable par écrit (sur des cedulae) le nom de tous les frères, novices, confesseurs et prédicateurs des couvents de leur circonscription, ainsi que la liste des abus prouvés ou latents (excessus notabiles in via emergentes in loco)87.

Le chapitre de 1515 commença par rappeler de manière détaillée, sur la base des statuts cismontains de 1495 et plus encore des Constitutions d’Atya, quelle était la procédure à appliquer à l’égard des frères délinquants. Elle prescrivait de les maintenir d’abord un mois en prison au pain sec et à l’eau trois fois par semaine, avec des séances de flagellation (de la main du supérieur ou d’un autre frère) et la visite régulière du gardien, accompagné de deux témoins ad dicendam veritatem. On couchait ensuite les aveux par écrit et on jugeait le coupable après lui avoir retiré l’habit. Si aucun aveu n’avait été obtenu au bout d’un mois, on pro-nonçait l’admonition canonique – c’est-à-dire l’expulsion de l’ordre – et on livrait le coupable au bras séculier sine misericordia88. Plusieurs documents du premier formulaire prouvent que ces clauses furent effectivement appliquées89. Signa-lons en particulier la présence dans ce recueil de deux formules d’admo nition canonique prononcées par Blaise de Dézs. La première précise qu’elle avait été déclarée devant quatre frères honnêtes et discrets (coram quatuor probis fratribus et discretioribus) et mise par écrit90; la seconde, plus brève, montre que la procédure n’avait rien d’exceptionnel91. Néanmoins, toutes les précautions étaient prises pour éviter de condamner des innocents. La présence de témoins était jugée indispensable avant toute déposition, comme en 1499. Une lettre de Blaise de

85 1er form., fol. 67v-68v (pj n° 21) et 73v-76v (pj n° 11). Voir aussi Szűcs, 255-256.86 Numerus autem venientes de illa custodia sit usque ad XXV, vestra persona et patro visitatore cum

sociis computatis… 1er form., fol. 79v. Voir aussi Szűcs, 256.87 1er form, fol. 79v.88 LERH III, 668-669; 1er form, fol. 51 (pj n° 12).89 Par exemple: 1er form., fol. 50v-51 (pj n° 12) . Édition partielle: Szűcs, 260 (annexe 6).90 1er form, fol. 51v, 53 (pj n° 12). Édition partielle: Szűcs, 256, note 151.91 1er form., fol. 52 (pj n° 12).

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LES ÉVÉNEMENTS DE 1514 ET LEURS CONSÉQUENCES 361

Dézs rédigée entre 1515 et 1517 témoigne de ce que l’on se méfiait des dénon-ciations hâtives. On préférait l’autocritique à la délation: quand un frère com-mettait une faute grave, avant de le dénoncer aux dirigeants, il fallait l’inciter à se confesser de lui-même devant deux frères de son choix, en se conformant à une formule de preventio (reproduite dans le premier formulaire) établissant la sincérité de son repentir92.

Les pères assemblés à Buda n’en restèrent pas là. Ils interdirent à quicon-que de prêcher la croisade sans autorisation préalable du vicaire de Hongrie. Ils cherchèrent également à effacer le souvenir matériel des événements de 1514. Personne ne se rait désormais autorisé à faire coudre une croix sur son vête-ment, allusion évidente à la croisade93. De même, on a vu que selon ce texte, les frères ne devraient pas porter un bâton de longueur excessive, en référence à celui du “prêtre Laurent”. Les deux custodies les plus touchées par l’insur-rection restèrent sous haute surveillance. Avant de quitter la Hongrie pour se rendre au chapitre généralissime de 1517, le vicaire confia à son commissaire, outre les affaires ordinaires de l’ensemble de la province, la surveillance de deux custodies, non nommées dans le document mais dont tout porte à croire qu’el-les n’étaient autres que celles de Jenő et de Sárospatak94. Et là encore, il l’auto-risa à prendre les décisions qui s’imposaient, si nécessaire95. On observe enfin que la direction s’efforça plus généralement d’homogénéiser la province de Hongrie. La réalisation du premier formulaire s’inscrit très certainement dans cette volonté d’harmonisation et de codification des procédures au lendemain du séisme, puisqu’il fut probablement rédigé par le secrétaire du vicaire, au len-demain du chapitre extraordinaire de 1514, en vue de celui qui devait s’ouvrir l’année suivante à la demande du vicaire Blaise de Dézs (ou peut-être sous son prédécesseur, Gabriel de Pécsvárad)96.

92 1er form, fol. 53-54 (pj n° 12).93 LERH III, 668. Voir aussi Karácsonyi I, 374.94 …ad duas custodias videlicet de N. et de N. te deliberari destinandum, mandans similiter tibi sub ea-

dem obedientia anteticta, quatenus ad dictas custodias et loca earundem proficisci debeas, ibique fratres singulos iterum exhorteris de nos vero statui regulari non concordat circa discipline. 1er form., fol. 121.

95 Ut autem id liberius et efficacius exequi valeas presentibus, tibi facultatem concedo, quatenus omnes et singulas causas etiam subicere… 1er form., fol. 121.

96 Comme le suggère Jenő Szűcs dans A ferences obszervancia, 234. Voir aussi Introduction et Sources manuscrites.

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CHAPITRE 9362

Un résultat décevant

Combien de religieux furent exclus de l’ordre au terme des enquêtes lancées à partir de 1514? Combien furent sauvés de la dissidence et rentrèrent dans le rang après leur repentir? Sans doute ne le saura-t-on jamais. Une chose paraît certaine à la lueur de la documentation: le phénomène de l’apostasie, loin de s’interrom-pre, se poursuivit après 1514. Nombreuses sont les lettres vicariales qui, nous l’avons constaté au fil des pages qui précèdent, mentionnent l’exi stence des apos-tats. Dans un manuscrit de 1516 aujourd’hui introuvable que János Karácsonyi a heureusement pu consulter, le gardien de Szántó, Émeric d’Esztergom, évoque le cas de plusieurs frères qu’il a fallu expulser de leur couvent97. S’y ajoutent les départs prévus et autorisés par l’autorité pontificale. En 1524, le ministre Gabriel de Pécsvárad s’inquiétait auprès du pape de ce que nombre de religieux passaient au service de prélats, vivant ainsi hors de leur couvent, après avoir obtenu du souverain pontife une dérogation. Ces défections étaient si fréquentes qu’elles causaient beaucoup de “désordre” dans la province. Le ministre obtint du pape l’annulation des dispenses accordées dans les années précédentes et l’obligation pour tout candidat au départ d’obtenir désormais l’aval du ministre provincial ou celui du commissaire général franciscain siégeant à la Curie98. N’imaginons pas un exode massif pour autant. Sachant que la province regroupait 1472 religieux en 1523, et encore 1352 en 1531, le total des pertes des années 1520 – décès et départs autorisés inclus – atteignait 8 à 9 % de l’ensemble; ceci à une période de fléchissement démographique.

Appliquer aux années 1514-1526 les réalités de la décennie suivante, mar-quée par de nouveaux déchirements, serait une autre erreur. L’adhésion d’une pro-portion significative de franciscains à la réforme luthérienne, quoi qu’on en dise, ne plongeait pas nécessairement ses racines dans les événements survenus dix ou vingt ans plus tôt. Les sources trahissent cependant le fait que les mesures répressi-ves et préventives prises au len demain de la grande jacquerie n’eurent pas les effets escomptés. Non seulement la contestation existait toujours au sein de la province, mais elle reprenait les mêmes mots d’ordre qu’au plus fort de la guerre.

Dans une lettre du 6 février 1516, le vicaire Blaise de Dézs écrivait au custode de Jenő de veiller à ce que les prédicateurs de l’ordre ne prêchent pas “contre le Saint Siège et la richesse de l’Église” (contra sedem apostolicam et ubertatem ecclesiasticam)99. Une injonction jamais vue en Hongrie, affirme Jenő Szűcs, qui

97 Karácsonyi I, 370.98 Karácsonyi I, 384.99 MFL, fds I, ms XCIX.

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LES ÉVÉNEMENTS DE 1514 ET LEURS CONSÉQUENCES 363

prouverait la persistance de mouvements radicaux au sein de l’ordre. Ils préfi-gurent, un an avant la publication des thèses de Wittenberg, les accusations de Luther dénonçant l’indécente richesse de l’Église100. Toutefois, d’autres docu-ments permettent de penser qu’il s’agit ici d’une erreur de copie: il faut certaine-ment lire libertatem au lieu de ubertatem. Le terme apparaît en 1499 dans les Consti-tutions d’Atya, à propos également de la prédication (contra libertatem sacrosanctae Romanae Ecclesiae)101, ainsi que dans une exhortation vicariale de Blaise de Dézs écrite vers 1515 (copiée dans le premier formulaire)102. Ce n’est donc pas le luxe de la cour romaine que fustigeaient en priorité les frères déviants. Malgré tout, le pape était devenu l’une des cibles favorites de certains prédicateurs. Le fait était récent: jusqu’au début des années 1510, on l’a dit, aucune trace de discours contre le pape n’affleure dans la documentation. Tout se passe comme si l’annulation de la croisade, ordonnée par un prélat agissant en tant que représentant du Saint Siège, avait fait sauter le dernier verrou de la conception respectueuse de l’Église, celui qui était attaché à la dignité pontificale. Bien que rien ne prouve qu’ils aient assimilé le pape à l’Antéchrist en personne (ce qu’avaient osé les Lollards un siècle avant Luther), les insurgés avaient rangé le souverain pontife parmi les membres de la secte de l’Antéchrist. Dans les années suivantes, les critiques contre lui sub-sistèrent chez certains prédicateurs observants. Au lieu de reprendre telles quelles les formules utilisées par ses prédécesseurs pour interdire aux frères d’attaquer le clergé en chaire, le vicaire Blaise de Dézs inclut nommément, dans une exhorta-tion écrite aux alentours de 1515, la sedes apostolica. Elle non plus ne devait pas être vilipendée en public par les membres de l’ordre103. C’était la première fois qu’un dirigeant adressait ce reproche à un membre de la province. La lettre que le même vicaire envoya au custode de Jenő en février 1516 renouvelle cette mise en garde. Un an et demi après l’insurrection de 1514, l’institution pontificale n’avait toujours pas retrouvé l’ascendant qui était jadis le sien sur les frères de Hongrie. Et dire que dix ans plus tôt, ils faisaient figure de troupes d’élite de la papauté!

D’autres indices confirment l’impression de la persistance d’un mou vement contestataire dénonçant les travers de l’Église et de ses ministres. Vers 1518, le provincial Albert de Dereszlény, après avoir fait un constat pour le moins sévère de la situation de la province, demandait aux custodes et aux gardiens de s’occuper des jeunes novices, pour qu’après leur ordination, ils ne deviennent pas insolents,

100 J. Szűcs, Ferences ellenzéki, 425.101 LERH III, 633.102 1er form., fol. 203. Voir note suivante.103 …volo ne prelatorum et aliarum personarum ecclesiasticarum coram populo carpatis vitam (...) nec

quitquam contra sedem apostolicam et ecclesiasticam libertatem predicetis. 1er form., fol. 203.

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CHAPITRE 9364

rebelles, et désobéissants104. Lui aussi enjoignait les prédicateurs de respecter dans leurs sermons les membres du haut clergé105; une exhortation que l’on retrouve dans une lettre rédigée au début des années 1520 par son successeur à la tête de la province106. Pire encore, la famille franciscaine était menacée de schisme. Lors de sa visite sur place en 1520, le ministre général de l’ordre, François Liccheti, s’in-quiéta du spectacle que donnait à voir la province salvatorienne. De son passage dans le bassin des Carpates, il retint surtout que des frères contestataires (cervicosi, factiosi, perturbatores et novatores) quittaient les grands couvents du pays pour se re-trouver dans des lieux plus modestes, où ils conspiraient en réclamant une nouvel-le réforme (in novam quandam reformationem conspirabant). Leur activisme constituait à ses yeux un réel danger pour l’unité de l’ordre107. Même en admettant qu’il ait prêté naïvement l’oreille aux racontars des dignitaires de l’observance hongroise, ces propos sont troublants. Ils donnent à voir une fois de plus la combinaison entre dissidence et érémitisme observée au milieu du XVe siècle puis à la veille de la rébellion ouverte de 1514.

Ce médiocre bilan n’a rien de surprenant. S’ils avaient renforcé leur contrôle sur les frères déviants, les dirigeants n’avaient toujours pas résolu les problèmes de fond. Les institutions de la province, qui avaient pourtant montré leurs limites au moment de la guerre civile, demeurèrent inchangées. Le chapitre provincial de 1518 se borna à effectuer les modifications terminologiques qu’impliquait la “fu-sion” de 1517: la vicaria Hungariae devint une provincia, le vicaire général cismontain un commissaire général, tandis que le custos custodum représenterait désormais la province au chapitre général, au lieu du discretus provinciae. En conformité avec les usages conventuels, l’intervalle entre chaque chapitre provincial passa de deux à trois, pour peu de temps certes, puisque le rythme biennal fut rétabli dès 1523. On se souvient par ailleurs des timides innovations liturgiques introduites en 1520 par le ministre Bernardin de Somlyó108.

L’aggiornamento de la province hongroise s’arrêta là. La prévention des déviances suivait toujours la logique de l’exclusion. Plutôt que de convaincre les dissidents déclarés ou potentiels par un dialogue nourri et approfondi por-tant sur les divergences idéologiques, les dirigeants hongrois interprétaient le moindre écart par rapport à la ligne officielle comme une violation du voeu d’obéissance; d’où l’insistance sur l’obedientia dans les exhortations des vicaires

104 1er form., fol. 209 (pj n° 5); J. Szűcs, Ferences ellenzéki, 425-426.105 1er form., fol. 208-208v (pj n° 5); J. Szűcs, Ferences ellenzéki, 426.106 1er form., fol. 199 (pj n° 6). Voir aussi chapitre 8.107 J. Szűcs, Ferences ellenzéki, 426. Source: AM, vol. XVI, 121.108 Voir chapitre 5.

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puis ministres de la province salvatorienne rédigées après 1514. Du coup, ils leur appliquaient les sanctions traditionnelles, celles que prescrivaient déjà les Constitutions d’Atya. Elles étaient graduelles certes – le tour de vis répressif de l’année 1514, marqué par les pouvoirs disciplinaires reconnus temporairement au commissaire extraordinaire, n’ayant pas été prolongé – et laissaient toujours la porte ouverte au repentir. Mais, plus encore qu’en 1499 où elles avaient pour fonction de dissuader et non de condamner, elles entraînaient inexorablement les déviants sur la pente de la marginalisation. Comment aurait-il pu en être autrement dans un système qui voulait que les délinquants qui ne regrettaient pas leur “faute” soient aussitôt mis au ban de la communauté par des sanctions publiques humiliantes? Rappelons que s’ils persistaient, ils étaient enfermés et on leur retirait l’habit, symbole par excellence de l’appar tenance à la famille fran-ciscaine, et que les plus réfractaires finissaient leurs jours en prison ou étaient livrés au bras séculier109.

La formation des novices, mieux organisée depuis qu’elle se poursuivait à Buda et Esztergom pour les frères les plus avancés, demeura tout aussi conserva-trice quant au contenu. En mai 1515, réitérant les mises en garde des années pré-cédentes, les pères déclaraient que les religieux, confesseurs et prédicateurs inclus, ne devaient savoir que ce qui était nécessaire au salut de leur âme ainsi que les of-fices de la liturgie110. Bernardin de Somlyó, s’il reconnaissait au début des années 1520 l’importance de la formation des novices pour la bonne santé de l’ordre, ne prit aucune mesure durable. Plutôt que de prôner le renouvellement de la doctrine qu’on leur enseignait, il demanda seulement aux custodes de désigner les couvents de la custodie les plus aptes à assurer leur formation élémentaire111. Le fonds des bibliothèques conventuelles ne s’étoffa que très lentement, on l’a constaté. Les ti-tres de référence du courant de la dévotion moderne et de l’humanisme érasmien, sans parler des auteurs pré-luthériens, y firent une entrée timide et tardive. Les frères de Hongrie se trouvaient donc toujours aussi démunis intellectuellement face aux controverses qui agitaient la Chrétienté.

Les membres de l’observance franciscaine qui prirent directement part à la grande jacquerie de 1514 n’étaient sans doute qu’une poignée. Malgré tout, les événements de 1514 constituent un véritable séisme pour la province. Elle perdit à cause d’eux une bonne part des soutiens dont elle disposait dans la société hon-

109 LERH III, 629.110 Circa studium ordinatus est (…) quod fratres (…) discant et sciant necessaria ad eorum salutem et

officium et maxime confessores et praedicatores. LERH III, 669. Voir aussi Karácsonyi I, 374.111 1er form., fol. 199 (pj n° 6). Voir aussi chapitre 7.

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CHAPITRE 9366

groise, en particulier dans l’élite cléricale et laïque du royaume. Sur le plan interne en revanche, l’année 1514 ne constitue pas un pivot chronologique. Elle ne s’ac-compagna d’aucune mise à jour institutionnelle ou idéologique. La contestation existait dès les premières années du XVIe siècle et, malgré les mesures énergiques prises par les dirigeants, elle persista jusqu’aux épreuves terribles des années 1530 et 1540.

A l’heure où les troupes de Soliman le Magnifique s’apprêtaient à lancer une vaste offensive contre la Hongrie, c’est aux observants qu’aurait dû logique-ment revenir la tâche de mobiliser toutes les énergies contre l’envahisseur. Leur prédication n’aurait pu infléchir le cours des choses, cela va de soi, compte tenu de l’écrasante supériorité militaire de l’ennemi. Du moins aurait-elle donné aux Hongrois la volonté de résister. Or ils étaient devenus incapables de remplir une telle mission, victimes qu’ils étaient eux-mêmes des dissensions et des doutes qui traversaient l’ensemble de la société hongroise, et partiellement discrédités aux yeux de la papauté et du roi par la participation de plusieurs de leurs membres à la guerre paysanne. En un mot, les observants avaient perdu leur rôle de conscience de la nation hongroise.

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QUATRIÈME PARTIE

LA DÉBÂCLE(1526 – VERS 1540)

La cuisante défaite qu’essuyèrent les troupes royales face aux Turcs ottomans le 29 août 1526 à Mohács ne s’explique pas uniquement par l’effectif dix fois su-périeur de l’adversaire. Elle tient aussi à l’impréparation du camp hongrois, affaibli par les divisions et victime du fatalisme qui régnait en maître depuis une bonne décennie. Marginalisés par la participation de certains de leurs membres à la jac-querie de 1514, les franciscains observants assistèrent impuissants au désastre. Ils furent parmi les premiers à en subir les conséquences. Les pillages et les incendies causés par les bandes ottomanes avaient touché plusieurs de leurs couvents dès la fin du siècle précédent, en particulier aux marges méridio nales du royaume. Ils s’intensifièrent après 1526, causant de graves troubles dans le fonctionnement de la province. Quinze ans plus tard, au moment où l’occupation turque devenait une réalité au centre de la Hongrie tandis que le reste du pays sombrait dans l’anarchie, le nombre de frères s’effondrait. Pire, ils avaient pratiquement perdu tout soutien dans une population largement séduite par les sirènes du protestantisme. L’obser-vance franciscaine semblait sur le point de disparaître.

Ces années sombres de l’histoire de la province sont souvent décrites com me celles de l’extinction à peu près totale du mouvement, sous les coups de boutoirs de l’oppresseur turc d’une part, et des disciples de Luther, d’autre part. Pourtant, cette présentation des faits ne s’accorde pas avec la chronologie – celle de l’ins-tallation du pouvoir ottoman dans le pays, comme celle de la diffusion du pro-testantisme. C’est seulement après 1541, en effet, que les Ottomans occupèrent véritablement le cœur du royaume magyar, jusqu’en Transdanubie méridionale. Ils imposèrent à ce moment précis une législation qui condamnait l’observance franciscaine, comme les autres ordres religieux, à une mort lente. Mais avant cette date, leur autorité se heurtait à celle de Ferdinand Ier de Habsbourg (1526-1564) d’un côté, et à celle de son puissant rival, l’ancien voïvode de Transylvanie devenu roi: Jean (Ier) de Szapolya (1526-1540). Quant aux progrès de la Réforme, c’est

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surtout à partir des années 1540 qu’ils menacèrent réellement les couvents hon-grois. Enfin, on ne saurait minimiser l’importance d’autres facteurs qui contribuè-rent au moins autant que les déprédations turques à la débâcle de l’observance: la fin de la paix et de la prospérité, ou encore la corruption généralisée, qui gagnait une Église nationale déjà paralysée par la rivalité entre les deux souverains chré-tiens qui se disputaient l’héritage de saint Étienne et discréditée par les critiques luthériennes.

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Chapitre 10

LE RECUL DE L’OBSERVANCE

Les années 1520 à 1540 virent la Hongrie en proie à une grave morosité démographique. Perceptible dès la fin du siècle précédent, elle prit la forme d’un recul pur et simple de la population en maints endroits, en particulier dans les zones les plus touchées par les pillages ottomans, les déplacements de troupes et les batailles rangées, ou en core par la peste, soudainement réapparue au milieu des années 1530. Des villages entiers se vidèrent de leurs habitants et dispa-rurent à tout jamais. C’est seulement à la fin des années 1560 que la tendance s’inversera à nouveau – la croissance hongroise demeurant néanmoins très lente en comparaison de celle des pays voisins (Autriche, Bohème et Pologne) – sans parler des royaumes occidentaux, en forte progression depuis le milieu du XVe siècle1. La question est de savoir si la courbe des vocations observantes suivit gros sièrement la diminution de la population totale, ou si elle prit une allure plus déprimée encore, trahissant la désaffection des Hongrois à l’égard du fran-ciscanisme réformé.

Constater la réduction des effectifs ne suffit pas; nous devrons préciser son rythme et sa chronologie, et dresser la carte des établissements les plus tou chés. Pour cerner au plus près les réalités que recouvrent ces données, il conviendra par ailleurs d’étudier la manière dont les couvents s’étei gni rent un à un, des départs indi-viduels aux fermetures autoritaires. En troisième lieu, nous tenterons de mesurer ce qu’il restait du rayonnement social des frères dans ces décennies de marasme.

I. Physionomie du reflux: ampleur, chronologie et cartographie

L’analyse de l’observance franciscaine sous l’angle quantitatif s’avère pres-que aussi difficile pour le début du XVIe siècle que dans les décennies précédentes.

1 Résumé de la situation dans G. Pálffy, A tizenhatodik század, 169-171.

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CHAPITRE 10370

On dispose à partir de 1531 des précieuses tabulae, ces registres établis à l’occasion des chapitres provinciaux dans lesquels étaient inscrits les noms des nouveaux dignitaires, jusqu’aux gardiens inclus. Grâce à eux, on peut calculer tous les deux ans le nombre des couvents de la province salvatorienne et repérer d’éventuels glissements géographiques. N’oublions pas cependant que ces listes doivent être maniées avec précaution: les couvents absents ne l’étaient parfois que par l’omis-sion des scribes, non parce qu’ils avaient fermé leurs portes. Il faut attendre 1542 pour voir apparaître l’inventaire officiel des maisons détruites ou abandonnées. En outre, les répertoires franciscains indiquent rarement le nombre total de frères qui peuplaient les couvents énumérés: ils s’y astreignent en 1523, 1531 et à partir de 1544, mais l’année 1535 est la seule pour laquelle on ait des données (au de-meurant partielles) par couvent2.

Une chute vertigineuse

Au faîte de son épanouissement, vers 1510, la province franciscaine obser-vante de Hongrie comptait un peu moins de 75 établissements, ainsi que nous l’avons constaté3. Trente ans plus tard, autour de 1541, leur nombre avait diminué de moitié, tombant à une trentaine de maisons; elles n’étaient déjà plus qu’une quinzaine au milieu des années 15504. Les années 1526 à 1541 sont donc celles du recul spectaculaire de l’observance, celles d’une chute vertigineuse qui devait se prolonger jusqu’à l’extrême fin du XVIe siècle. En sens inverse, il n’y eut qu’une seule et unique fondation, à Gerla en 1531. Encore les travaux de construction, interrompus à la mort du fondateur en 1536, ne furent-ils jamais menés jusqu’à leur terme5. Quant au couvent d’Ormosd, dont l’entrée dans la province fut publi-quement annoncée par le chapitre de 15466, il s’agissait en réalité d’une restauration et il succomba au bout de deux décennies à peine7. Certes, en France aussi, on ne fondait plus de couvents depuis le début du XVIe siècle; les dernières créations, celles des années 1520, se limitaient aux diocèses méridionaux et au Dauphiné8.

2 Voir Introduction et chapitre premier.3 Voir chapitre 4.4 Voir graphique n° 1, comme pour l’ensemble des données numériques utilisées dans ce

paragraphe.5 Karácsonyi II, 58.6 Item locus de Ormosd acceptatur per capitulum. EEMH, II, 507.7 Karácsonyi II, 130.8 J.-M. Le Gall, Les moines au temps des réformes, 35-36; R. Emery, Friars in Medieval France, 3

22; A. Guerreau, Observations statistiques sur les créations de couvents franciscains, dans Revue d’Histoire de l’Église de France 70 (1984) 27-40.

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LE RECUL DE L’OBSERVANCE 371

En Angleterre et dans l’Empire, elles avaient cessé dès le tournant du siècle9. Au moins les couvents existants s’y maintinrent-ils peu ou prou jusqu’au défer-lement protestant, tandis que les établissements hongrois fermaient tour à tour leurs portes. En dehors des régions de l’Empire germanique passées massivement au luthéranisme puis au calvinisme, on peine à trouver d’autres provinces francis-caines ayant enduré un sort aussi terrible que celui qui s’abattit sur les observants de Hongrie en si peu d’années10.

Ajoutons à cela le fait que la plupart des couvents hongrois se vidaient de leurs hôtes d’an née en année, se transformant en coquilles vides. On perçoit le phénomène dès le début du XVIe siècle: la province comptait toujours 70 couvents selon l’inventaire de 1523, c’est-à-dire autant qu’en 1509 et en 1517, mais avec près de quatre cents frères de moins! Les chiffres que fournissent les catalogues en 1509, 1523, 1531, 1544, 1548 et jusqu’en 1602 parlent d’eux-mêmes. De quelque 1700 religieux à la veille de l’épidémie pesteuse de 1508-1510, on tombe à moins de cinq cents au début des années 1540. Ce total se réduisit encore de moitié dans les quinze années qui suivirent; il atteignit son point le plus bas en 1602, avec une petite vingtaine de frères11. Ainsi, en trois décennies, des années 1510 aux années 1540, l’observance hongroise perdit environ les trois quarts de ses effectifs du début du siècle. Ces chiffres confirment l’impression d’un effon drement vertigi-neux, bien plus accusé en tous cas que dans la démographie nationale.

Commencé dès le lendemain de la grande jacquerie de 1514, le reflux obser-vant ne connut guère de répit durable jusqu’à la fin du XVIe siècle. La courbe du nombre de religieux (d’après le graphique n° 2) ne marque pas de palier prolongé pendant toute la période. Tout juste perçoit-on un amollissement dans la seconde moitié du siècle; mais l’observance était alors tombée si bas qu’on peut difficile-ment parler de répit. Les années 1526 à 1541 se caractérisent à première vue par une diminution assez régulière, sans à-coups. Les données relatives au nombre de couvents de la province (portées dans les graphiques n° 1 et n° 5) permet-tent néanmoins de repérer des phases d’accélération, suivies de brèves accalmies. Moins précises que le nombre de frères – certains couvents pouvant fort bien avoir été définitivement abandonnés par les religieux au moment où les dirigeants continuaient de les répertorier parmi les établissements de la province –, elles sont toutefois suffisamment échelonnées dans le temps pour décrire finement la chro-

9 F. Rapp, Réformes et réformation, 255-261.10 Il conviendrait certes d’étayer cette affirmation générale par des données compa ra tives

plus fournies.11 Voir graphique n° 2, comme pour les autres données relatives au nombre de frères de

la province hongroise.

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nologie. On y lit que le repli amorcé en 1516 demeura modéré jusqu’en 1526. En 1523, la province observante de Hongrie regroupait encore presque autant de frè-res et de couvents que les trois provinces voisines d’Autriche, Bohème et Pologne réunies12. Les cho ses prirent un tour plus brutal à partir de 1526: cette année-là, sept couvents fu rent littéralement rayés de la carte. Le choc passé, le mouvement se ralentit. La province perdit, au pire, un couvent par an, rarement davantage. A partir du milieu des années 1530, l’hémorragie reprit de plus belle, jusqu’à la veille de l’installation des Turcs à Buda en 1541. Ce fut alors un véritable raz-de-marée, qui ne s’apaisa guère avant 1560.

Les observants ne comptaient pas, naturellement, parmi les seules victimes des événements tragiques qui s’abattirent sur la Hongrie au XVIe siècle. Touchés de plein fouet par l’insécurité publique, les destructions turques et la propaga-tion de la Réforme, les autres ordres religieux virent leurs rangs s’éclaircir au fil des ans. Bénédictins, cisterciens et chanoines de Prémontré fu rent les premiers à souffrir du dépeuplement des monastères, bien avant l’instal lation des Turcs et les progrès du protestantisme; car les réformes énergiques mises en œuvre sous Mathias Corvin n’avaient pas réussi à redorer leur image auprès de la population. Ils s’éteignirent à petit feu, sans même résister. Ils ne laissaient derrière eux que des bâtiments délabrés et un immense temporel, convoité et hypothéqué depuis longtemps par les pouvoirs laïcs. Telle était aussi la situation des Hospitaliers13. L’ordre le plus populaire en Hongrie (avec celui des franciscains observants), celui des ermites de saint Paul, subit de lourdes pertes en 1526, dont il ne se relèvera qu’au XVIIe siècle. Dès les mois qui suivirent la défaite de Mohács, le centre de l’ordre, Budaszentlőrinc, détruit par l’agresseur ottoman, fut mortellement atteint. Le dernier ermite de saint Paul de la zone turque mourut vers 1600… dans le couvent franciscain observant de Gyöngyös14. Les frères mendiants rencontrèrent eux aussi les pires difficultés. Le couvent de carmes d’Eperjes n’abritait plus qu’un frère en 1529, les autres ayant fui depuis plusieurs années à l’annonce de l’invasion ottomane15. Les dominicains parvinrent à se maintenir à un niveau honorable jusqu’au début des années 1530. La plupart de leurs maisons comptaient encore vingt-cinq frères, en moyenne, d’après les chiffres de 1524 et 1529. C’est ensuite seulement, à l’approche des soldats turcs, qu’elles se vidèrent massivement; en Transdanubie comme dans le nord du royaume, où la domination Habsbourg n’empêcha pas leur disparition. La dernière mention de l’activité des prêcheurs en

12 J. Kłoczowski, L’Observance, 186.13 F. Hervay, A magyarországi kolostorok, 184-186.14 F. Hervay, A magyarországi kolostorok, 186-187.15 F. Hervay, A magyarországi kolostorok, 188.

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Hongrie, à Nagyszombat, date de 156916. Quant aux franciscains conventuels, s’ils tenaient 37 maisons en 1533 – soit presque autant qu’au tournant du siècle –, ils n’en avaient plus que six vingt ans plus tard. Eux aussi tombèrent à qua-tre couvents en 1594, presque vides de surcroît17. Au début des années 1530, les dirigeants de la province marianiste se plaignaient de manquer de prédica-teurs et de gardiens18. Toutefois, en comparaison de celle des observants, qui avaient presque deux fois plus de maisons qu’eux vers 1510, leur chute s’avère modérée. Les chiffres concernant le nombre de religieux, malheureusement absents des registres conventuels, confirmeraient probablement l’impression selon laquelle l’obser vance franciscaine hongroise fut frappée plus tôt (dès les années 1520) et plus fort par les malheurs du siècle que la branche conventuelle de l’ordre.

Les couvents les plus touchés… et les autres

Tous les couvents de l’observance franciscaine ne disparurent pas en mê me temps. Après celui de Cseri, emporté avant 1516, ceux qui succombèrent les pre-miers – Kabol dès avant la défaite de Mohács, puis Alsán, Atya, Futak, Kölyüd, Paks et Újlak avant la fin de l’année 1526 – appartenaient généralement (à une exception près) à la custodie d’Újlak, la plus exposée aux coups de main des Turcs. Ils se situaient sur la trajectoire qu’empruntèrent les troupes ottomanes basées en Serbie, notamment à Belgrade, lorsqu’elles firent massivement irruption dans le bassin des Carpates, après la bataille de Mohács, en remontant la vallée du Danube. Elles n’épargnèrent pas non plus le couvent tout proche de Perecske, qui parvint cependant à réparer les dégâts subis et se maintint près d’une dizaine d’années. Avant d’arriver à Buda, les bandes turques détruisirent enfin le couvent de Paks, plus septentrional que les précédents19: il avait eu le malheur de se trouver sur leur route. Il ne se releva jamais de ses cendres.

Dans les années qui suivirent, jusqu’au milieu des années 1530, presque tous les couvents de Slavonie (Atyina, Diakóvár, Ivanics, Kobás, Poljánc et sans dou-te Monoszlóváralja) tombèrent les uns après les autres. Ceux de Transylvanie se maintinrent grossièrement jusqu’au début des années 1540, après quoi leur nom-bre s’étiola, comme ceux de la Grande Plaine (au nord de la custodie de Jenő et à l’est de celle d’Esztergom), du moyen cours du Danube, à commencer par les

16 F. Hervay, A magyarországi kolostorok, 189-190.17 Karácsonyi I, 93 105.18 Karácsonyi I, 94.19 Voir la carte générale des couvents observants de Hongrie (carte n°1).

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deux couvents de Buda et de Pest, et du nord-est du royaume (dans la custodie de Nagybánya). Ensuite viendra le tour des couvents de l’ouest et du nord du royaume, et celui des derniers bastions observants de Tran sylvanie, sous l’effet combiné des mouvements de troupes décidés par les Habsbourg et de l’expansion du protestantisme20. Si bien qu’en résumé, on peut dire que la province observan-te se rétracta progressivement du sud vers le nord, suivant finalement la même direction que celle qui avait guidé son expansion un demi siècle plus tôt. Les frères observants n’étaient pas les seuls à migrer en direction du nord: la population en-vironnante quitta les régions méridionales du royaume, sans perspective de retour. On relève toutefois des exceptions: le couvent de Vajdahunyad résista jusqu’au début des années 1550; celui de Csíksomlyó, à la périphérie orientale du royaume, traversa les siècles jusqu’au nôtre.

Ces disparitions successives bouleversèrent peu à peu l’équilibre géographi-que de la province salvatorienne. Dès avant Mohács, la Sirmie avait été victime de destructions répétées de la part des soldats turcs stationnés en Serbie. Les cou-vents observants qui s’y trouvaient en firent les frais. La custodie d’Újlak, la plus précocement et irrémédiablement touchée, comme on vient de le voir, disparaît purement et simplement des inventaires de l’ordre dès 153121. Les dirigeants déci-dèrent de rattacher le dernier couvent qui subsistait, Diakóvár, à la circonscription voisine de Slavonie22. Ainsi s’achevait l’existence de la custodie d’Újlak, autrefois la seconde, en dignité, après celle d’Esztergom! Celles de Slavonie et d’Ozora dispa-raîtront en 1544, dans des circonstances analogues. Cela ne signifie pas, notons-le, que tous les frères qui y demeuraient avaient quitté l’ordre ou étaient morts sous les coups des envahisseurs ou des protestants, ou bien encore de vieillesse. Les religieux des établissements de la custodie d’Újlak s’étaient certainement réfugiés avant 1531 dans les maisons moins vulnérables de la custodie voisine d’Ozora.

Les déplacements de religieux ne se limitaient pas aux couvents méridionaux. Dans toute la province, la disparition des uns profita d’une certaine manière à d’autres, que l’on se place sur le plan des effectifs humains, ou du point de vue des revenus afférents. En effet, chaque couvent disparu ou abandonné laissait der-rière lui des ouailles qui, elles, n’avaient pas toutes déserté les lieux ou adhéré au protestantisme. Elles attendaient les prédicateurs, devenus rares, avec impatience, et leurs dons pouvaient être d’un précieux secours pour les établissements restés dans la région. Les dirigeants de la province en prirent rapidement conscience. Comme au temps des créations, mais avec d’autres méthodes, ils procédèrent à

20 Voir Tableau synoptique des couvents. 21 Voir tableau n°1.22 Karácsonyi I, 386.

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l’attri bution des territoires de quêtes (contratae) des couvents désaffectés à l’inten-tion de ceux qui résistaient toujours. On n’a conservé qu’une infime partie des do-cuments relatifs à ces redistributions, normalement consignées dans les actes des chapitres provinciaux. Les tabulae en mentionnent quelques-unes, tardivement23 On y apprend qu’en 1537, les quêtes du couvent abandonné de Sóvár furent cédées aux frères d’Okolicsnó et qu’en 1542, les franciscains d’Egervár purent récupérer les contratae (seu questae) de l’ancien établissement de Kőröshegy, fermé depuis cinq ans déjà24. Un peu plus tard, en 1546, les pères partagèrent les quêtes des couvents de Buda et de Pest entre les frères de Jászberény et de Gyöngyös25. Au terme de ces tractations, les maisons ayant subsisté disposèrent de territoires de quête bien plus étendus qu’auparavant. D’après les indications géographiques portées dans les registres capitulaires des années 1531 (sur une distance allant de Gyula à Gerla), de 1535 (de Jászberény à Eger, de Fülek à Bogács), de 1542 (d’Egervár à Sármellék) et 1546 (de Szeged à Szalka, Almás et Apát), ils s’étiraient souvent sur plus de cent ou cent cinquante kilomètres à la ronde26. Il est vrai qu’à cette date, la prospérité d’antan avait fait place à la récession économique. Le montant total des dons demeurait donc à un niveau médiocre27.

Les tables capitulaires montrent par ailleurs que les dirigeants s’efforcèrent de compenser les pertes humaines par le transfert des frères qui s’étaient regrou-pés spontanément dans d’autres établissements n’ayant les moyens d’as su rer ni leur hébergement, ni leur subsistance. Ou, à l’inverse, ils choisirent de fermer tel couvent où ne se trouvaient plus qu’un ou deux frères infirmes et âgés. Équili-bre et regroupement, tels étaient les mots d’ordre. Ils procédèrent de la même manière avec les tertiaires dont ils avaient la charge spirituelle. Ainsi, en 1531, les pères assemblés confirmèrent la décision du custode de Slavonie de déplacer les sœurs de Monoszlóváralja à Petróc28. Ces aménagements effectués, quels étaient les couvents les plus peuplés de la province? Les lacunes de la documentation ne permettent pas de saisir le processus dans sa totalité. En effet, on ne dispose que de l’inventaire de 1509 – celui qui précise à propos de chaque couvent s’il s’agit d’un locus (moins de 12 frères) ou d’un conventus – et de la liste détaillée de 1535,

23 Ce manque renforce le sentiment selon lequel elles ne sont qu’un résumé succinct et lacunaire des décisions arrêtées en chapitre.

24 EEMH, t. II, 489 498.25 EEMH, t. II, 507.26 Karácsonyi II, 84; Kollányi, 56. Source: EEMH, t. II, 465-507.27 La question des ressources des couvents dans les années 1520 à 1540 sera abordée dans

le prochain chapitre.28 EEMH, t. II, 469.

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qui donne le nombre total de frères par couvent… mais seulement pour 46 éta-blissements sur les 58 (à 61) existant à cette date29. Nagyvárad (avec 36 frères), Kolozsvár (34) et Buda (28) étaient apparemment les trois maisons hongroises qui comptaient le plus de religieux. Éclipsé par celui de Buda, le couvent de Pest n’avait plus quant à lui que seize occupants.

Dans l’ensemble, en opérant la synthèse des données relatives au nombre de frères en 1509 et en 1535, on constate que les couvents qui progressèrent le plus se trouvent pour la plupart dans deux régions: la moitié nord de la Grande Plaine hongroise d’une part, et la Transylvanie et ses marges occidentales, d’au tre part. Dans la première, on notera en particulier la progression spectaculaire de l’éta-blissement de Nagyvárad. De locus qu’il était encore en 1509, il franchit le cap des douze frères avant 1531 et dépassa en moins de cinq ans la trentaine d’hôtes. La communauté franciscaine de Gyula connut la même évolution, passant de moins de douze frères en 1509 à vingt-trois en 1535. Jenő, Gyöngyös, Csanád grossirent également, tandis que les couvents plus méridionaux, tels Jászberény et Szeged, stagnaient. Le dernier cité, même s’il réussit par la suite à traverser l’occupation ottomane, n’avait que huit frères en 1535. Les établissements de Transylvanie sem-blent avoir vécu une seconde jeunesse. Si Csíksomlyó et Karánsebes végétaient, tous les autres couvents de la principauté virent leur effectif augmenter, surtout Kolozsvár et Marosvásárhely (qui devint un conventus en 1531 et comptait 24 frè-res en 1535), mais aussi Medgyes (25 frères), Felfalu (21), Fehéregyháza (19), ou encore Kusaly et Tövis (18 chacun) ainsi que Meggyesalja (17). Inversement, les implantations du nord de la province, à partir de Visegrád et d’Eszter gom (qui ne comptait que quatre frères en 1535!) et jusqu’à Nagybánya et Nyírbátor au nord-est, perdirent lentement leurs occupants (seule exception: Szőllős et ses 22 mem-bres). Quant aux autres maisons, elles eurent une progression faible à moyenne, en Transdanubie comme dans cinq des sept couvents du banat de Slavonie.

Du point de vue du nombre de couvents et de frères, le centre de gravité de la pro vince avait donc opéré un glissement vers le nord-est. Nous comprendrons mieux les raisons de ce déplacement lorsque nous aurons déterminé les raisons exac-tes de la débâcle observante. Retenons pour le moment que la Grande Plaine béné-ficia de l’afflux de réfugiés venus du sud, le gros des incursions turques franchissant la frontière serbe, à partir de Belgrade, pour remonter le cours du Danube.

La Transylvanie et ses marges occidentales (jusqu’à Nagyvárad au nord et Karánsebes au sud) profitèrent également de ces arrivées massives d’immi grants. Pourtant, elles aussi connaissaient troubles et insécurité. Les accords passés suc-

29 Ces données figurent dans le Tableau synoptique des couvents.

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cessivement par le roi Jean Ier de Szapolya avec le sultan, s’ils allaient à l’encontre de l’esprit de croisade que les observants avaient contribué à diffuser dans le royau-me depuis plus d’un siècle, eurent pour avantage pratique d’as su rer aux habitants une certaine tranquillité. Elle ne fut pas exempte de violences, certes, comme le montre l’assassinat en août 1534 du très populaire évêque de Nagyvárad Émeric Czibak, sur ordre du gouverneur Gritti (1530-1534). Mais le sort des populations était globalement – sauf peut-être sur le plan du joug fiscal – meilleur que dans le reste du bassin des Carpates: là, les armées turques passaient et repassaient de manière imprévisible et le pouvoir de Ferdinand Ier de Habsbourg, comme celui de son con current, était mal reconnu, laissant place à tous les abus imaginables de la part de ceux qui disposaient de la force.

La différence, pour les religieux, venait en outre de ce que l’évêque Émeric Czibak, personnage intègre et courageux, s’efforçait de protéger les frères mineurs contre les malheurs du temps. Il soutint à deux reprises sur ses deniers la tenue du chapitre provincial, à Nagyvárad en 1531 et à Gyula (dont il était aussi seigneur) en 153330. Il avait demandé à être enseveli dans l’église des tertiaires de Brassó31. Après sa mort, l’arrivée au pouvoir en tant que gouverneur de Transylvanie de “frère Georges” – alias Georges Utyesenovics (improprement appelé Martinuzzi) – un membre de l’ordre des ermites de saint Paul d’origine croate ayant succédé à Czibak au siège de Nagyvárad à partir de 1534 – assura aux frères observants quinze années supplémentaires de sérénité relative32. C’est seulement après 1551 que le protestantisme submergea la Transylvanie et ses marges (Partium). Une si-tuation entérinée de manière radicale en 1556 par la décision de la diète de Torda de ne plus avoir d’évêque ni à Gyulafehérvár – centre du diocèse de Transylvanie depuis cinq siècles –, ni à Nagyvárad, et de séculariser tous les établissements monastiques et mendiants.

Cet enviable répit s’accompagna, il est vrai, de compromissions. Pour conser-ver l’aléatoire bienveillance des autorités transylvaines, les frères durent parfois se résoudre à jouer les figurants. Ainsi les religieux du couvent de Medgyes acceptè-rent-ils en 1534 d’ensevelir dans leur couvent le peu scrupuleux gouverneur Louis Gritti, qui venait d’être assassiné dans la ville. Originaire de Venise et placé par Souleiman Ier auprès de Jean de Szapolya pour orienter sa politique conformé-ment aux intérêts ottomans, cet ancien aventurier était haï de tous pour ses exac-tions multiples, parmi lesquelles l’assassinat de l’évêque Czibak, tué par les sbires du Vénitien dans son sommeil. Les franciscains de Medgyes eurent beau protester

30 Karácsonyi I, 388 391, sur la base des tables capitulaires.31 Karácsonyi I, 392-393.32 P. Pállfy, A tizenhatodik század, 83-93.

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vigoureusement, ils furent contraints par le capitaine de Transylvanie d’ensevelir l’ignominieux personnage dans leur église33.

Le nouveau visage de la province

L’organisation administrative de la province observante de Hongrie reposait dès l’origine sur le principe de l’équilibre: équilibre entre les custodies à l’échelle de la province comme entre les couvents à l’intérieur de chaque custodie, sur le plan du nombre de religieux mais aussi sous l’angle des moyens de subsistance. La custodie était considérée depuis toujours comme une communauté dont les ressources locales – entendons par là le revenu des quêtes, en nature ou en argent – devaient être équitablement réparties entre les établissements qui s’y trouvaient. C’était même l’une des tâches principales du custode34. Cela supposait naturelle-ment que les contratae ne sortent pas des limites de la custodie. On s’efforça de respecter ce principe au début du XVIe siècle, au moment d’attribuer les territoires de quête des couvents disparus à d’autres établissements de la région. Lorsque aucune maison de la même custodie n’avait subsisté dans les environs, le pro-blème ne pouvait être résolu qu’en modifiant le tracé des frontières custodiales. Ainsi la disparition du couvent de Sóvár en 1536 entraîna-t-elle des changements dans le nord de la province: le cloître de Vámos, jusqu’alors inclus dans la custodie de Szécsény, passa à celle de Sárospatak par décision du chapitre de 1537. Inver-sement, au nom de l’égalité entre les custodies, le couvent de Liptó entra dans la custodie de Szécsény à la même date35.

Conscients de ces contraintes, et prenant acte des vides laissés par la ferme-ture de nombreux établissements, les dirigeants hongrois procédèrent à un réajus-tement des cadres institutionnels de la province. Non sans hésitations d’ailleurs, comme le montre l’annulation au chapitre suivant, au bout de deux ans d’appli-cation seulement, de certaines de ces mesures. Dans un contexte de boulever-sements permanents, marqué par la disparition de certains couvents tandis que d’autres voyaient affluer des religieux venus d’ailleurs, il leur fallait constamment ajuster la carte des custodies aux réalités du moment. Maintenir des circonscrip-tions ne comportant plus qu’un ou deux établissements – quasiment déserts de

33 Gottardus Chun, capitaneus Transylvaniae, reluctantibus aliis de exercitu dominis, cadaver D. Gritti involvi fecti in syndone munda, ipsumque importari in civitatem ad monasterium jussit et operam dedit piam, ut in ecclesia sepeliretur, quamvis reclamante guardiano cum suis et prohibente acriter multis ignominiosis quae nunc omitto. EEMH, II, 383, n°356.

34 Voir chapitre 4.35 EEMH, II, 485. Voir aussi Karácsonyi I, 396; Kollányi, 56; voir aussi carte n° 3.

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surcroît – n’avait pas grand sens. Mais agrandir le maillage des custodies présen-tait aussi des inconvénients: les déplacements à accomplir par les visiteurs ou le custode s’étiraient sur des centaines de kilomètres, allongeant la durée des visites et faisant encourir aux voyageurs d’immenses dangers. Ailleurs, en par ticulier en Transylvanie, l’arrivée de réfugiés créait des custodies très peuplées, dont l’effec-tif dépassait largement celui des autres custodies de la province. Les dirigeants hongrois s’efforcèrent donc, après des expériences plus ou moins heureuses, de trouver une formule adaptée aux circonstances.

Le réseau des custodies tendit globalement à s’éclaircir dans la moitié sud du royaume, notamment au sud et au sud-ouest, là où les couvents disparaissaient d’année en année. Dès 1526, on l’a dit, la custodie d’Újlak était absorbée par celle de Slavonie. La province ne comptait donc plus que neuf custodies, ce qu’admirent explicitement les pères assemblés en chapitre provincial en 153136. Par la suite, au fil des fermetures de couvents, on s’attaqua également aux circonscriptions du nord et de l’ouest du royaume. Les pertes enregistrées incitèrent les responsables à supprimer trois custodies supplémentaires, celle de Slavonie, réduite à un seul couvent dans l’inventaire de 1542, mais aussi celles de Szécsény et d’Ozora, en 1544. Ils bouleversèrent du même coup la carte administrative de la province sal-vatorienne. Ne subsistaient désormais que six custodies: celles d’Esztergom (ré-duite à quatre établissements, dont deux provenaient de l’ancienne custodie de Szécsény), de Transylvanie (avec onze maisons, dont celle de Karánsebes prise à la custodie voisine de Jenő en 1516), celle de Jenő (avec six couvents), de Nagybá-nya (cinq maisons), de Sárospatak (cinq également) et enfin celle d’Uzsaszent lélek (sept établissements, dont l’un venait de l’ancienne custodie slavonne, deux de celle d’Ozora)37. Observons que dans l’autre province franciscaine la con cen tration avait été nettement plus forte: elle se réduisait à deux custodies seulement en 155638. Mais le nouveau découpage observant s’avéra peu pratique à l’usage. Il avait pour principal défaut d’étendre démesurément la custodie de Sárospatak. Les frères re-vinrent sur leur décision: ils ressuscitèrent en 1546 la custodie de Szécsény (qui garda cette appellation malgré la disparition du couvent du même nom). Limitée à deux implantations, elle couvrait le secteur nord-ouest du royaume39.

Il fallait aussi résoudre la question des custodies surchargées. Les dirigeants assemblés en chapitre à Gyöngyös décidèrent en 1535 de partager la custodie de Transylvanie – riche de onze couvents quand toutes les autres n’en abritaient

36 EEMH, II, 464-466.37 EEMH, II, 501-502. Voir tableau n° 1, carte n° 3 et Karácsonyi I, 406.38 Karácsonyi I, 105.39 Karácsonyi I, 407. Source: EEMH, II, 504-506.

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souvent que la moitié, et très vaste de surcroît – en deux moitiés: la custodie de Kolozsvár (comprenant les quatre couvents situés dans la partie occidentale de la custodie, plus celui de Tergavistya en Valachie) et celle de Marosvásárhely (centrée sur l’est de la Transylvanie, outre le couvent moldave de Bakó)40. Les pères justi-fièrent cette initiative en invoquant la difficulté qu’avaient les custodes à parcourir l’en sem ble des couvents de leur circonscription pour y effectuer leurs visites41. Mais deux ans plus tard, alors qu’elles n’avaient perdu aucun couvent dans l’in-tervalle, les deux custodies furent à nouveau réunies en une seule au chapitre de 153742. Sans doute les frères avaient-ils peiné à faire fonctionner des cadres qui s’accordaient mal avec la géographie de la région, coupant artificiellement en deux le bassin transylvain.

Le lieu de rassemblement périodique des responsables provinciaux en cha-pitre, jusqu’alors très variable d’une année sur l’autre, suivit la même direction que le reflux observant à partir des années 1510. L’objectif était de se rapprocher des couvents qui subsistaient, pour le confort des délégués qui devaient se rendre au chapitre, mais surtout pour leur sécurité. Voyager étant devenu périlleux, il fallait raccourcir autant que possible la durée du déplacement. Le chapitre (ex-traordinaire) d’Újlak fut le dernier à se tenir dans les marges méridionales du royaume en 1518. Désormais, on choisit volontiers Buda (en 1520, en 1523), puis d’autres couvents plus septentrionaux dans les années qui suivirent la défaite de Mohács (Szécsény, Sárospatak, Szőllős), ou (jusqu’en 1541) ceux de la Grande Plaine (Gyula, Gyöngyös, Jászberény, Nagyvárad) et de Transdanubie occidentale (Palota)43. Après l’installation effective des Ottomans en Hongrie méridionale et centrale, entre 1541 et 1543, il devint de plus en plus difficile pour les dirigeants de faire venir des représentants de toute la province; ceux qui devaient traverser la frontière risquaient leur vie. En remplacement des cou vents septentrionaux, et à l’exclu sion bien sûr de tous ceux qui se trouvaient maintenant sous domination turque, ils choisirent Nagyvárad, jusqu’en 1552. Longtemps dirigée par un évêque bienveillant et énergique, Émeric Czibak déjà mentionné, la ville bénéficiait d’une position assez centrale dans la province; elle restait (pour le moment) hors de l’emprise ottomane, tout en jouxtant la limite séparant la zone turque du reste du pays. La formation supérieure des novices et des jeunes prêtres y fut également délocalisée, sur décision du chapitre de 1531, en remplacement de Buda et d’Esz-

40 EEMH, II, 477-478. Voir carte n° 3 et liste des chapitres provinciaux donnée en annexe.41 Item custodia Transilvana, que hactenus fuit una, cum eam patres custodes cum difficultate perlustra-

rent, divisa est in duas custodias… EEMH, II, 481.42 EEMH, II, 483-484.43 Voir carte n° 3.

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tergom44. Une lettre du second formulaire montre qu’un gardien se plaignit au custode de l’augmentation spectaculaire du nombre de frères de son couvent, en raison des novices qui venaient y étudier; ce qui lui posait d’insolubles problèmes de ravitaillement45. A n’en pas douter, il s’agissait du couvent de Nagyvárad. Sa fonction de centre d’instruction des novices reçut la confirmation du chapitre de 1533. La mort de Czibak incita cependant les dirigeants à transférer l’école à Pápa (en 1535 puis 1540) et enfin à Gyula (en 1542)46.

Si la débâcle ne commença à proprement parler qu’après 1541 pour les francis-cains observants de Hongrie, les deux décennies précédentes se caractérisent par un net repli. Il n’affecta certes pas tous les couvents au même degré: à l’ouest et au sud, la hiérarchie tenait à bout de bras des établissements presque vides, tandis que ceux de Transylvanie et du nord-est de la Grande Plaine s’épanouirent comme jamais auparavant. Autant de bouleversements qui rendirent nécessaire une réorganisation de la province, pour lui permettre de continuer à fonctionner normalement.

II. Autopsie des couvents disparus ou menacés

Le reflux général de l’observance franciscaine dans le bassin carpatique contraignit un nombre croissant d’établissements à fermer leurs portes, dans des circonstances qu’il convient maintenant d’éclaircir, en s’intéressant non pas aux causes lointaines ou immédiates de leur disparition – elles feront l’objet des deux chapitres suivants – mais à la manière dont celle-ci s’effectua. La question est de savoir si la majorité des couvents perdus s’évanouirent d’un seul coup, fauchés en plein vol par les désastres ambiants, ou s’ils s’éteignirent un à un au terme d’une longue et prévisible (sinon résistible) agonie.

Fermetures de couvents

La disparition des implantations observantes pouvait fort bien résulter d’une décision autoritaire. Soit qu’elle ait été ordonnée par les dirigeants de la province salvatorienne, soit qu’elle ait été imposée par le seigneur du lieu ou les habitants. Dans le premier cas de figure, de loin le plus fréquent, les responsables francis-cains invoquaient le fait que le couvent s’était vidé de ses hôtes et que ses bâti-

44 EEMH, II, 469.45 Kollányi, 66-67, d’après 2e form., fol. 10v.46 Karácsonyi I, 394.

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ments étaient en ruines, ou que la vie des frères qui l’occupaient était menacée – par les Turcs ou en raison de l’insuffisance des ressources alimentaires dispo-nibles. Cette décision répondait habituellement (mais pas toujours) à la demande des intéressés, qui avaient préalablement informé la direction des dommages su-bis par l’éta blissement ou des problèmes de sécurité et de subsistance des frères. Les pères assemblés en chapitre ne faisaient donc qu’entériner, avec retard, la situation existante. Parfois, ils confiaient la responsabilité du verdict au custode, considéré (avec raison) comme mieux informé. Le chapitre de 1542 pria ainsi le custode d’Ozora de déterminer si les frères de Györgyi, couvent très exposé depuis l’installation permanente des Turcs dans les alentours en 1541, pouvaient rester dans leur maison ou s’il valait mieux l’évacuer47. Il fallait vraiment des cas de force majeure pour que les dignitaires laissent les frères choisir eux-mêmes. Tel fut le cas à Pest, dont le couvent avait été abandon né au moment de la chute de Buda en 1541. Les quatre franciscains observants demeurés dans la ville s’étaient réfugiés dans le bâtiment des tertiaires. Les habitants et la muni cipalité suppliè-rent les dirigeants provinciaux d’envoyer de nouveaux religieux sur place. Ceux-ci leur répondirent qu’ils ne pouvaient accéder à leur requête tant que la présence ottomane mettrait leur vie en péril. Et ils signifièrent aux frères restés à Pest qu’ils pouvaient partir s’ils le souhaitaient 48.

Plus rarement, on vit la hiérarchie provinciale imposer la fermeture des cou-vents, contre la volonté des frères, lesquels refusaient de céder le terrain malgré les risques que leur faisait encourir la poursuite de leurs activités. Ne se résolvant pas à abandonner définitivement leur cloître dévasté ou déserté, ils y retournaient quelques semaines après leur départ précipité pour le ranimer. Ce scénario semble avoir été particulièrement fréquent en Transylvanie49. Ainsi le couvent de Csákány, pillé et incendié par les bandes turques en 1532, aurait-il dû disparaître conformé-ment à la décision du chapitre de 153350. Restauré et à nouveau habité en 1537, il survécut jusqu’au milieu des années 154051.

Ne nous laissons pas abuser par ces beaux exemples de sollicitude de la part des responsables de la province salvatorienne. Les sources indiquent que, bien souvent, ils tardèrent à accéder aux vœux des frères menacés. A l’évidence, ils ne voulaient pas lâcher prise tant que demeurait l’espoir de maintenir en vie les établissements concernés. Ils forcèrent plus d’une fois les religieux à réoccuper

47 Karácsonyi I, 403.48 EEMH, II, 498.49 Comme le fait observer Boros, 53.50 EEMH, II, 474.51 Karácsonyi II, 24.

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les murs qu’ils venaient de quitter en catastrophe. Le couvent de Perecske avait été incendié et saccagé deux fois par les Turcs en 1526. Sur ordre du custode, son gardien s’efforça de remettre les bâtiments en état; mais il dut à nouveau s’enfuir à l’approche des soldats ottomans qui longeaient le Danube en direc-tion de Vienne en 1529, massacrant au passage les occupants du couvent voisin de Sellye. Conscient (mais un peu tard!) du danger qu’encouraient les frères de Perecske, le chapitre provincial ordonna leur départ pour raisons de sécurité en 153352, sans céder aux réclamations du patron – lequel, d’après une lettre non datée du second formulaire, sollicita peu après les dirigeants de la province pour qu’ils fassent revenir les religieux dans l’établissement53. A Atyina, l’as sas-sinat d’un frère à proximité du couvent en 1529 ne fut pas considéré comme un facteur suffisant pour l’évacuer: le couvent continua de fonctionner jusqu’à ce que les Turcs eussent investi la forteresse de Pozsega (aujourd’hui Požega, en Croatie), vers 153554. Il en fut de même à Brassó, où la direction envoya plusieurs observants remplacer ceux qui avaient été massacrés en 1529 par les bandes ottomanes; c’est en 1531 seulement qu’elle revint sur sa décision55. On pourrait encore invoquer l’exemple des maisons de Buda (où huit frères avaient été passés par le fil de l’épée en 1526), d’Esztergom et de Szentgrót, incendiées en 1532 comme le furent celles de Petróc en 1535, de Hedrehely, Szeged, Vajdahunyad et Várpalota peu après56.

Quoiqu’il en soit, la décision de fermer un couvent n’était pas prise à la légère. Il fallait suivre une procédure complexe, qui soulignait le caractère irré-versible de la démarche. Absente des Constitutions d’Atya, elle fut définie au coup par coup pour réglementer une situation devenue de plus en plus courante. Les actes du chapitre de 1533 indiquent ainsi, à propos des couvents de Csákány et de Perecske, que les dirigeants commençaient par avertir les deux autorités qui avaient un droit de regard sur l’établissement: l’évêque d’une part, considéré comme propriétaire de l’église en tant que bâtiment consacré, et le patronus, pos-sesseur des bâtiments conventuels et de tout le mobilier qui s’y trouvait (dont

52 Item locus de Perechke, qui est in faucibus Turcarum, ubi periculosum est fratribus propter illos demorari, loci patrono resignetur et fratres de eo extrahantur. EEMH, II, 474. Voir aussi Karácsonyi I, 392.

53 Kollányi, 52-53, d’après 2e form., fol. 95-95v.54 Karácsonyi II, 12.55 Le chapitre de 1531 ordonna le transfert de l’horloge de ce couvent à Csíksomlyó, et il

n’apparaît plus dans les inventaires dès cette année-là. EEMH, II, 465 468. Voir aussi Karác-sonyi II, 19.

56 Voir Tableau synoptique des couvents (septième et huitième colonnes).

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les objets liturgiques), d’autre part57. Les frères rendaient ensuite officiellement à chacun ce qui lui revenait. Cette dernière étape constituait un point de non retour: impossible en effet de célébrer le service divin sans vaisselle liturgique, comme le notait justement János Karácsonyi58. Une lettre adressée en 1533 par le ministre provincial à un custode hongrois décrit le déroulement concret des opérations. On séparait d’abord les biens appartenant à l’ordre (frocs, vivres reçus en aumône, sans omettre les tonneaux de vin) de ceux qui devraient être restitués au patron, en tant qu’héritier de celui qui les avait jadis cédés au couvent. Les premiers seraient transférés, sous le contrôle du custode, dans un autre établissement. Les seconds seraient remis au patron, en échange d’un reçu officiel. La démarche visait de toute évidence à éviter que les seigneurs n’accusent les frères d’avoir dérobé ces objets59. Après quoi le patron en faisait ce que bon lui sem blait. En 1543, ayant eu vent de l’approche des troupes ottomanes, les descendants du fondateur du couvent d’Atyina, Urbain, Loup et Michel Batthyány reprirent ainsi possession des objets de culte laissés là depuis l’abandon du couvent vers 1535 et les placèrent dans leur château, exactement comme ils l’au raient fait pour des effets personnels60.

Restaient les religieux. Conformément aux Constitutions d’Atya, c’est au cus-tode qu’il appartenait de les répartir dans d’autres maisons de sa circonscription. D’après la lettre du second formulaire datée de 1533 précédemment évoquée, il participait personnellement à l’application de cette décision. Il devait accompa-gner l’un des frères, le premier à quitter le couvent, jusqu’à son nouvel établisse-ment. Quatre ou cinq jours plus tard, les autres partaient deux par deux ou quatre par quatre rejoindre le couvent qui leur avait été indiqué par le custode. Le gardien et les derniers religieux demeurés sur place faisaient le dernier voyage, non sans avoir exposé une fois encore au patron les raisons de leur départ61.

A partir de 1541, les fermetures autoritaires se firent plus nombreuses. Mais elles n’étaient plus le fait des dirigeants. Les seigneurs-patrons ou les citadins or-donnaient l’expulsion des frères ou les obligeaient par la force à quitter leur cou-vent. Tel fut le sort des hôtes de Szentgrót dès la fin des années 1530, de Sáros-patak vers 1546, de Céke en 1548, de Szőllős en 1556, sur ordre de leur patronus passé au protestantisme, puis de ceux de Galgóc en 1576, dans des circonstances similaires. A Pápa, le couvent fut victime peu avant 1560 de l’at taque des soldats

57 Item locus de Perechke (…) loci patrono resignetur (…) . Item similiter locus de Chakan resignetur patrono et loci diocesano. EEMH, II, 474.

58 Karácsonyi I, 392; II, 24.59 Kollányi, 51-52, d’après 2e form., fol. 40.60 Karácsonyi I, 399.61 Kollányi, 51-52, d’après 2e form., fol. 40.

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du patronus, lui aussi réformé. Les habitants de Karánsebes, devenus protestants, obligèrent les religieux à quitter la place en 1560, comme l’avaient fait ceux de Szántó en 1542. Les bourgeois de Kolozsvár s’y prirent à deux fois (1551 et 1556) et les citadins de Nagybánya n’hésitèrent pas à démolir le couvent (vers 1551) pour obtenir le départ des observants. A Marosvásárhely et à Medgyes, les par-tisans (protestants) de Jean-Sigismond de Szapolya procédèrent de la même ma-nière vers 1556. L’occupant turc employa également la force en maints endroits, comme à Csákány (vers 1545) puis à Jászberény (en 1567), pour transformer les bâtiments conventuels en éléments de fortification62.

Au total, le nombre de couvents dont la fermeture fut annoncée ou entéri-née par les dirigeants de la province avant 1541 se limite à une demi-douzaine. Or, au moins vingt-cinq maisons observantes avaient disparu à cette date, d’après les inventaires de l’ordre. Même en comptant avec le laconisme des ta bulae, on ne peut s’empêcher d’interpréter ces silences comme l’expression du fait que la plupart des établissements nommés par les décrets capitulaires étaient inoccupés depuis longtemps. Point n’était besoin de regler leur sort en chapitre, puisqu’ils n’a vaient de couvents que le nom.

Des coquilles vides?

On se souvient des défections qui avaient touché les établissements de la province salvatorienne dans les années 1510 et 1520. Elles se poursuivirent ma-nifestement dans les années suivantes. Là encore, on ne dispose d’aucune liste complète et dé taillée. Mais le fait que les chapitres provinciaux des années 1530 évoquent systématiquement la question des apostats – ou, plus largement, le pro-blème des frères mis au ban de l’ordre à cause de leur comportement immoral ou séditieux – tend à prouver que le flux n’avait cessé de grossir depuis les troubles du début du siècle63. Les quelques exemples répertoriés dans les tabulae montrent la gra vité du phénomène. Dès 1531, deux dirigeants, un gardien et un custode, étaient privés de leur officium à cause de leur comportement scandaleux64. Il est vrai que les actes de ce chapitre ne parlent pas d’exclusion définitive de l’ordre, et donc d’apostasie, à leur sujet; on verra même que l’un d’eux fut rapidement pardonné. Mais d’autres quittèrent à tout jamais la province observante. Le mot fut pronon-

62 Voir Tableau synoptique des couvents et chapitre suivant. 63 Nous rejoignons ici l’analyse de Jenő Szűcs dans Ferences ellenzéki, 426.64 Voir infra.

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cé en 1531 à propos d’un convers, exclu pour immoralité65. Le conseil restreint tenu la même année autour du ministre provincial sanctionna un trasnsfert: le 4 juillet, Mathieu de Chusa (Csuza) était autorisé à rejoindre la province marianiste66. Deux ans plus tard, ce sont six profès, dont deux prêtres, que le chapitre laissait quitter la province pour rejoindre les conventuels, là aussi à cause de leur atti-tude intolérable67. Et à partir de 1535, les chapitres évoquent systématiquement la question de l’apostasia.

A ces départs autorisés ou entérinés s’ajoutaient tous les fugitifs, les déser-teurs disparus sans préavis. Ils n’apparaissent pas dans les actes des chapitres – sans doute pour éviter que leur exemple n’inspire d’autres candidats à l’évasion. Mais plusieurs lettres du second formulaire y font directement allusion. Ainsi, un frère de la province salvatorienne écrit à un autre de faire tout son possible pour que celui de leurs compagnons qui est parti revienne au bercail; ses pauvres parents ont pleuré toutes les larmes de leur corps et c’est aussi en leur nom qu’il l’implore68. On lit dans un second document qu’un mois de réclusion fut infligé à un frère qui avait fugué69. Le ministre rappelait à ce propos dans les circulaires adressées aux responsables subalternes ce qu’ils devaient faire pour endiguer le flot tout en sanctionnant les coupables, qui tombaient sous le coup de l’excom-munication. Reprenant les dispositions des Constitutions d’Atya et des chapitres du début du siècle, il les enjoignait de capturer tous les apostats, avec l’aide du pouvoir séculier, et de les garder en prison tant qu’ils ne se montreraient pas disposés à respecter la règle70. Comme en 1499 et en 1514-1515, l’objectif était d’éviter que leur conduite ne ternisse la réputation de l’ordre; mais à cette date, on cherchait avant tout à les “récupérer”. Plusieurs lettres transcrites dans le se-cond formulaire le montrent bien. Un custode assurait un apostat de ce que, bien qu’il ait nui à lui même et à autrui par son exemple scandaleux, Dieu ne serait pas insensible aux larmes de son remords; les frères de sa communauté et lui-même étaient prêts à l’accueillir de nouveau dans son ancienne “famille”. Il le suppliait donc de revenir au plus vite parmi ses compagnons ou dans le couvent le plus proche de l’endroit où il se trouvait actuellement, ajoutant qu’il y serait en sécurité

65 F[rater] Nicolaus de Sylye laicus ob mores incorrigibiles habitu ordinis privetur et e[j]iciatur. EEMH, t. II, 469. Voir aussi infra.

66 Karácsonyi I, 389-390.67 EEMH, t. II, 474. Voir aussi Karácsonyi I, 392.68 Kollányi, 97, d’après 2e form., fol. 16.69 Kollányi, 97, d’après 2e form., fol. 39.70 Kollányi, 97-98, d’après 2e form., fol. 200.

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et que le ministre provincial ferait tout pour plaider sa cause71. Certes, même dans les années 1530, n’importe qui ne pouvait pas revenir dans le giron observant sans fournir des gages de bonne volonté. Le chapitre provincial de 1535 refusa ainsi la réintégration de Jacques de Toroczkó, prêtre ayant apostasié, en précisant qu’il n’y avait aucun espoir pour qu’il s’améliore72; et il soumit la réintégration d’un autre apostat repenti, François de Kolozsvár, à la condition suivante: il devrait s’amen-der et ne plus commettre de délit73. Deux ans plus tard, les pères déclaraient que Michel de Bodon, parce qu’il était foncièrement mauvais (totus malus), ne pouvait rentrer dans la congrégation74.

Le souci de retrouver les brebis égarées apparaissait déjà dans les Constitu-tions lorsqu’elles imposaient aux dirigeants d’accueillir les gyrovagues repentis. Il apparaissait maintenant comme une priorité. Voilà qui donne “en creux” une idée de l’ampleur de l’hémorragie dans les années 1530 et 1540. Des frères convers aux responsables, les départs frappaient terriblement les cou vents hongrois. N’imagi-nons pas qu’ils allaient tous grossir les rangs des conventuels: ceux-ci souffraient du même mal, comme en témoignent les statuts capitulaires de 153375. Les six transferts autorisés en 1533 et celui d’un convers en 153776 ne suffirent pas, de loin, à inverser la tendance. Les défections continuèrent d’affaiblir la province salvatorienne jusqu’à la fin du XVIe siècle. En 1537, le ministre Martin de Nágócs obtint du roi Jean de Szapolya, alors à Nagyvárad, la promesse de ce que celui-ci l’aiderait à pourchasser les apostats: les frères ayant quitté l’ordre seraient désor-mais arrêtés et punis, sans que personne ne puisse s’y op poser77. Par la suite, les fils de saint François se résolurent à ne plus compter sur l’aide des pouvoirs civils. Ils perdirent alors tout contrôle sur les apostats.

En sens inverse, combien de frères réformés furent admis au sein de l’ordre dans ces années-là? Certains couvents connurent, on l’a vu, un gonflement spec-taculaire de leurs effectifs, grâce notamment à l’afflux de réfugiés venus des cou-vents détruits ou menacés. Mais qu’en était-il dans le reste de la province? Celle-ci vit-elle son recrutement se tarir ou conserva-t-elle un certain pouvoir d’attraction auprès des postulants à la vie régulière? Précisons d’emblée que, si les départs

71 Kollányi, 98, d’après 2e form., fol. 67v.72 Item f[rater] Jacobus de Thwrozko, sacerdos apostata, non recipiatur, cum nulla spes emendandi de eo.

EEMH, t. II, 482. Voir aussi Kollányi, 99.73 EEMH, t. II, 482.74 EEMH, t. II, 489. Voir aussi Kollányi, 99.75 Karácsonyi I, 96.76 EEMH, t. II, 489; Voir aussi Kollányi, 78.77 Karácsonyi I, 398.

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dans la province marianiste existaient, on n’a aucun exemple de déplacement de frères conventuels chez les observants. L’indice le plus parlant est probablement la proportion de novices dans l’ensemble des religieux, révélatrice par ailleurs de leur degré de vieillissement. Les lacunes de la documentation ne permettent pas d’établir de courbes précises. Les sources observantes insistent davantage sur la distinction entre convers (laici) et autres frères, que sur celle qui opposait les novi-ces aux profès. Et elles omettent de préciser le nombre de novices ne se destinant pas à la prêtrise, c’est-à-dire celui des futurs convers, dans l’ensemble du groupe des novices. Enfin, les données chiffrées se limitent en tout et pour tout à la liste (incomplète) dressée en 1535. A cette date, la somme des novices et des clerici – autrement dit des frères profès ou encore novices se destinant à recevoir les or-dres majeurs – présents dans les 46 couvents recensés s’élevait à 58 individus, sur un ensemble de 451 profès ordonnés prêtres (convers exclus, bien sûr). Soit une proportion de 12,9 %78. C’était mieux que chez les ordres anciens mais nettement moins que dans la province dominicaine de Hongrie: en 1524 et 1529, entre un cinquième et un quart des prêcheurs étaient des novices79. Du coup, on ne peut s’empêcher de penser que le regroupement de la formation supérieure des novi-ces décidé par le chapitre de 1531 tenait, outre les raisons de sécurité invoquées, à l’effondrement du nombre des jeunes gens à instruire.

Dans ces conditions, les couvents les moins favorisés perdaient inévitable-ment leurs hôtes, par le jeu des départs (autorisés ou non,) qui affectaient surtout les jeunes frères, et à cause du vieillissement des religieux restés sur place. La liste de 1535 ne mentionne que neuf profès âgés (senex, plus rarement senior) sur un total de 451 personnes, et huit (sur 331) chez les convers80. C’est peu. Mais il n’est pas certain que ces précisions aient été systématiquement reportées. Surtout, le mot de senex doit sans doute être compris ici dans le sens de “sénile”, “devenu impotent par l’âge”. Ce qui indiquerait un nombre important de veillards parmi les frères de la province. Quoi qu’il en soit, les textes trahissent les difficultés qu’avaient les dirigeants à maintenir en vie les couvents hongrois. En 1531, le chapitre de Na-gyvárad avait finalement accepté d’envoyer une demi douzaine de frères animer le nouveau couvent de Gerla, en réponse aux suppliques de son fondateur. La ma-nière dont il procéda révèle le mal qu’il avait à mobiliser une poignée de religieux: il déclara en dépêcher quatre et ajouta que, si le patron insistait vraiment, alors il

78 D’après l’annexe du manuscrit de la Chronica utilisé par János Karácsonyi (passim).79 F. Hervay, A magyarországi kolostorok, 189-190.80 CsML, fds XII.4, ms a/19, fol. 65-72.

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irait éventuellement jusqu’à six81. Le second formulaire contient d’autres preuves de cette pénurie de frères. En 1533, le ministre répondit à un custode qu’il ne pouvait lui fournir les religieux demandés, car tous les couvents manquaient alors de membres, fussent-ils prêtres, novices ou convers. Il le pria par conséquent de se contenter de ce qu’il avait, comme le faisaient les autres custodes82. Deux ans plus tard, le ministre reconnaissait être contraint de procéder à plusieurs transferts, car certains couvents étaient si déserts qu’on ne pouvait plus y accomplir le service divin correctement, ni quêter pour obtenir des denrées alimentaires83. C’est pour pallier le manque de religieux que l’on en vint dans les années 1540 à pratiquer le cu mul des mandats au sein de la province. En 1546, le custode de Szécsény fut également nommé gardien de Galgóc84. L’usage deviendra monnaie courante après 155085. Plus inquiétant encore, la direction leva les incapacités qui frappaient les frères récemment condamnés. Démétrius de Csát, exclu de tout officium par le chapitre de 1531, fut nommé gardien de Sárospatak en 1533 puis custode en 1542! François de Hartyán, frappé comme on sait d’une sanction identique en 1542, oc-cupait quatre ans plus tard une charge de gardien86. Les convers aussi faisaient dé-faut. Nombre de lettres du second formulaire évoquent le déplacement de convers d’un couvent à un autre, en fonction des besoins, faute de pouvoir disposer sur place en permanence du personnel de maintenance indispensable.

Les maigres données chiffrées dont on dispose confirment l’impression se-lon laquelle les couvents qui disparurent dans les années 1520 à 1540, sans être nécessairement vides, étaient généralement sous-peuplés à la veille de leur ferme-ture. Ceux qui furent rayés de la carte avant 1526 étaient presque tous de petits couvents (loca). La liste établie en 1535 permet d’établir qu’à cette date, chaque maison abritait en moyenne seize religieux. Le nombre d’hôtes des couvents dont on sait qu’ils disparurent avant 1545 descend en dessous de quatorze individus par établissement; et la réalité se situe dertainement près de dix ou douze, car les couvents non répertoriés dans cette liste disparurent presque tous avant dix ans. Il faut toutefois distinguer les couvents détruits ou évacués brutalement par les Turcs (en 1526, 1529 et plus encore en 1541 ou 1542), qui comptaient parfois

81 Ad Gerla assignentur quatuor fratres, si cum illus dominus Abramffy erit contentus, alioquin mittan-tur et dentur sex. EEMH, II, 468.

82 Kollányi, 55, d’après 2e form., fol. 39.83 Kollányi, 55-56, d’après 2e form., fol. 121.84 Karácsonyi I, 408.85 Karácsonyi I, 412.86 Comme le fait observer János Karácsonyi dans Szent Ferencz I, 392 408, en s’ap puyant

sur les tables capitulaires.

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parmi les plus peuplés (Buda, Pest), de ceux dont l’agonie s’étala sur plusieurs années. C’est dans ces derniers que les effectifs semblent avoir chuté considéra-blement à la veille de leur abandon – à l’exception toujours de la Transylvanie et de ses marges. Il y avait à cela des causes démographiques, mais aussi morales.

Des frères à la dérive

Les membres de la province – en incluant cette fois ceux des couvents qui, sur le plan des effectifs, se portaient bien – ne brillaient pas tous par l’exempla-rité de leur conduite, loin s’en faut. Le déclin de la discipline touchait jusqu’aux dignitaires en personne. Le chapitre de 1531 évoque le cas du gardien de Sáros-patak destitué de son officium pour cause d’abus de boissons (propter nimiam suam potationem), et celui de Démétrius de Csát, déjà nommé. Ancien custode d’Ozora, il avait été interdit d’office pour cause de “cruauté” (ob nimiam crudelitatem)87. Les frères convers ne valaient pas toujours mieux: en 1531, le laicus Nicolas de Sylye fut privé de son habit et exclus de l’ordre ob mores incorrigibiles88. Le problème de la désobéissance aux supérieurs, qui remontait aux années 1510, n’était toujours pas résolu. Le chapitre réuni en 1533 autorisa six frères qualifiés d’insolentes – Jacques de Bátor, Clément de Gyula, Démétrius d’Ete, Gall de Visegrád, Bar-nabé de Dorog et Mathieu de Himesegyház – à passer dans la province conven-tuelle pour ce motif89. En comparant les instructions données aux visiteurs en 1499, en 1515 et dans les années 1530 (grâce au second formulaire), on constate que l’accent était mis plus que jamais sur la nécessité de maintenir la paix entre les frères, signe évident de dissensions persistantes. Les dignitaires cherchaient en particulier à prévenir les violences physiques. Ils soulignaient d’autre part le devoir d’obéissance aux supérieurs, ainsi enfin que le respect des limites im-posées par la règle en matière de consommation de vin90. En 1537, le chapitre jugea que la situation des frères infirmes, victimes de la cruauté de leurs compa-gnons, était devenue intolérable91. C’est parce qu’il avait abandonné à leur sort des frères malades (propter nimiam incuriam infirmorum) que le gardien François de Hartyán fut privé de son officium par le chapitre de 154292. Devant les pères assemblés à Nagyvárad en 1542, le ministre provincial exhorta les participants

87 EEMH, II, 469.88 EEMH, II, 469.89 Karácsonyi I, 392. Source: EEMH, II, 474.90 Kollányi, 24-25, d’après 2e form., fol. 155-158v.91 Item ad infirmos plerumque est maxima crudelitas. EEMH, II, 488.92 EEMH, II, 499.

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à pratiquer l’obéissance, à respecter le silence et la paix dans les couvents, et à éviter l’ivrognerie et les autres choses mauvaises93. Souvenons-nous par ailleurs de l’anecdote rapportée par le second formulaire dans les années 1530, au sujet d’un religieux dont les habitants des alentours croyaient qu’il avait été assassiné par ses confrères94. Infondée, l’accusation montre malgré tout de quoi fran-ciscains étaient capables aux yeux des habitants; s’ils les suspectaient d’un tel crime, c’est peut-être parce qu’ils avaient entendu parler d’affaires similaires, s’appuyant cette fois sur des faits réels. Les conflits internes, l’abandon de leurs confrères malades ou impotents, l’insolence caractérisée et l’ivrognerie avaient donc atteint des proportions inouïes.

Les manquements en matière de chasteté étaient-ils devenus monnaie cou-rante? On sait que le clergé paroissial régressa sensiblement sur ce plan, sous l’effet cumulé de la désorganisation des cadres ecclésiastiques et de la progression des idées luthériennes. Il n’est pas prouvé que, de leur côté, les frères observants se soient totalement laissés aller en matière de continence sexuelle. Un violent conflit éclata à ce propos à Gyöngyös en 1538. Les adeptes du luthéranisme ra-contaient à qui voulait les entendre, sous forme de libelles et de cantilènes, que les franciscains de Gyöngyös rendaient régulièrement visite aux sœurs tertiaires dans leur maison, pour les raisons que l’on imagine (pessimam quamdam conversationem et consuetudinem habuissent). Mais l’enquête minutieuse qui suivit permit d’établir publiquement l’innocence des frères. En janvier 1539, la municipalité de la ville envoya au ministre provincial un rapport regrettant les faux témoignages et les calomnies dont ils avaient été victimes de la part de luthériens qui n’avaient pas hésité à recruter de faux témoins95. Deux précautions valant mieux qu’une, le chapitre provincial de 1542 réitéra cependant les restrictions concernant l’accès des frères aux maisons de tertiaires ou de clarisses, et il interdit à tous (comme en 1535 au chapitre de Gyöngyös et en 1537 chez les conventuels96) d’admettre des enfants pour la nuit dans leur établissement97.

Le vœu de pauvreté subit des entorses de plus en plus flagrantes. Au dé-but des années 1520, le ministre Bernardin de Somlyó rappelait déjà aux frères qu’il ne suffisait pas d’être pauvres de nom98. On retrouve dans les années 1530

93 Kollányi, 34-35.94 Voir chapitre 7.95 EEMH, III, 308-311, n°328. Voir aussi Karácsonyi II, 60-61.96 Karácsonyi I, 97. Voir aussi chapitre 7.97 EEMH, II, 499-500. 98 Sit itaque paupertas nostra penuriosa, sit indigens, ne solo nomine pauperi gloriari videamur. 1er

form., fol. 197-197v (pj n° 6).

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les mêmes recommandations aux inspecteurs que dans les années précédentes, à propos des frères qui violaient leur vœu de pauvreté en se déplaçant à che-val ou en charrette99. Les chapitres des années 1540 autorisaient dorénavant certains couvents à posséder des chevaux, tandis que le ministre obtenait le droit de se déplacer curru100. Nous apprendrons bientôt que les circonstan-ces justifiaient amplement ces dérogations. Mais il y avait plus grave. Dans un contexte de pénurie, les dirigeants commencèrent à autoriser les frères à s’assurer des revenus réguliers. Le produit des mines de sel appartenant au roi de Hongrie fournit pendant de longues années aux franciscains de Kolozsvár un apport substantiel101. Aucun décret capitulaire ne condamna son maintien bien au-delà des intentions initiales de Wladislas II. Autre fait connu: plusieurs établissements élevaient du bétail, gros ou petit. Ce n’est pas sans raisons que le chapitre de 1537 interdit aux membres de la province d’élever des poules102. Il se montra particulièrement sévère à l’égard de ceux qui entretenaient bœufs et chevaux et enjoignait le custode de mettre en vente, dans un délai d’un mois, les bêtes qu’il trouverait dans les couvents de sa circonscription103. La liste n’est pas close: certains couvents touchaient les fruits de la terre. Dès 1533, le chapitre provincial autorisait les frères de Kolozsvár à exploiter les vignes du mont Felvinc, concédées par le roi104. Ces tendances ne feront que s’accentuer au XVIe siècle.

Dans les années qui précédèrent leur disparition, les couvents hongrois se portaient mal. Beaucoup s’étaient vidés de leurs occupants et l’existence que l’on y menait s’écartait de manière visible des prescriptions de la règle. Les deux étaient naturellement liés. Conscients de la crise des vocations qui menaçait l’observance franciscaine d’extinction, les dirigeants fermaient plus ou moins les yeux sur les dérives qui leur paraissaient mineures. Parallèlement, le mouvement ayant perdu ce qui faisait sa spécificité dans le monde des réguliers, il n’attirait plus les candi-dats à la perfection.

99 Kollányi, 24-25, d’après 2e form., fol. 155-158v.100 EEMH, II, 511 (1548).101 Voir chapitre 7.102 Item gallinas ad pullificandum fratres in locis non audeant tenere. EEMH, II, 488.103 Karácsonyi I, 396.104 Item vesta vinaria possessionis Felwyncz assignatur ad conventum Coloswariensem. EEMH, II,

473. Voir aussi Karácsonyi I, 391.

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III. Les ultimes soutiens des frères dans la société hongroise

La survie des couvents observants dépendait pour une large part de l’af-fection que leur portait la population environnante: sans aumônes, impossible d’assurer la subsistance des frères. Mais la prodigalité envers les institutions ecclé-siastiques n’était plus dans l’air du temps. Bien au contraire, à la faveur de l’anarchie ambiante, nombre de monastères, d’églises séculières et d’évêchés furent victimes de spoliations répétées de la part des puissants – roi inclus – à partir de la fin des années 1520. Les mem bres de la province salvatorienne ne furent pas épargnés. Certes, dans la curée générale, ils avaient pour eux de ne pas susciter la convoitise, puisqu’ils ne possédaient au départ ni biens fonciers, ni trésors fabuleux.

Les sources laissent entrevoir au demeurant qu’ils conservaient des appuis dans la société hongroise. Ils ne les perdront qu’après 1541, lorsque l’Église ca-tholique se réduisit à quelques îlots épars. Pour l’heure, le protestantisme ne tou-chait encore que les grandes cités marchandes, les districts peuplés de “Saxons” et les régions séduites par les harangues de prédicateurs isolés défendant avec talent les idées luthériennes. L’observance franciscaine aurait pu apparaître comme une planche de salut, un havre de paix, un refuge spirituel et moral aux yeux d’une population con frontée chaque jour aux malheurs de la guerre et de la misère. Par-vint-elle seulement à tenir ce rôle ?

Examinons tout d’abord dans quelles catégories sociales se recrutaient les derniers partisans laïcs du franciscanisme réformé, avant de déterminer dans quelle mesure ils portèrent secours à un mouvement déjà très affaibli.

Les vestiges de la popularité observante

L’ordre avait beau perdre chaque année de nouveaux membres, il continuait malgré tout d’exercer un rayonnement appréciable dans la société civile. Il se lit en premier lieu à l’entrée continue de novices, évoquée plus haut: si le flux était mai-gre, du moins prouvait-il que le modèle observant fonctionnait toujours. Autre indicateur: la diversité de la provenance géographique des frères. Les données fournies par les tabulae des années 1530 et 1540 ainsi que la liste détaillée de 1535 montrent que les religieux venaient de régions parfois très éloignées du couvent dans lequel ils se trouvaient, même si le principe d’homogénéité linguistique était globalement respecté105. Toutefois, dans le contexte troublé des années 1530, il est probable que cette variété ne s’explique pas tant par le rayonnement national

105 Voir chapitre 6.

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de l’ordre que par les transferts qu’il avait fallu effectuer pour repeupler certains établissements désaffectés et par l’arrivée spontanée et anarchique des frères en-fuis des couvents détruits ou menacés. C’est ainsi que Pierre d’Újlak fut nommé gardien de Pápa et François de Szeged envoyé à Úzsaszentlélek en 1542, tandis que Démétrius d’Újlak était chargé d’aller prêcher à Torda106.

L’organisation des chapitres provinciaux supposait de réunir des vivres et du mobilier en quantité importante. Un inventaire recopié à la fin des tabulae de 1542 fournit le détail de tout ce qui fut mobilisé pour l’occasion107. En dehors des chapitres réunis grâce à la générosité des évêques, les dirigeants purent toujours compter sur l’aide matérielle de laïcs108. Dons et legs continuaient de con verger vers les couvents. Jamais la documentation n’en avait mentionné autant en si peu d’années. Certes, il faut compter avec les pertes documentaires, qui touchent da-vantage les sources du siècle précédent que celles du XVIe siècle. La confrérie spi-rituelle de l’ordre attirait toujours des laïcs: les inscriptions se poursuivent dans les années 1530109. Précisons que l’on ne dispose pas d’inven taire détaillé pour cette décennie, mais seulement des mentions du second formulaire. La vocation de ce recueil – présenter quelques modèles, et non l’en semble des documents du même genre – laisse penser qu’en réalité, les entrées de laïcs étaient bien plus nombreu-ses. Ceci au moins jusqu’en 1535, après quoi nous sombrons dans un blanc docu-mentaire absolu. Il semble par conséquent que jusqu’au milieu des années 1530, le principe de participation des laïcs aux bienfaits spirituels de l’ordre ait rencontré, en Hongrie comme en Avignon à la même période110, un honorable succès. Enfin,

106 EEMH, II, 496-497.107 Le Registrum super attinentiis capituli 1542 Waradini celebrati ibidem reservatis répertorie suc-

cessivement 5 autels de bois, 4 candélabres en bois, 6 tables, 16 nappes, 9 serviettes assorties aux nappes, 6 chaises, une table dans la salle du conseil ainsi que 9 chaises, 360 assiettes plates, 220 assiettes creuses, 8 brocs en bois, 6 plateaux pour apporter les repas, 95 verres, 1 broche, 8 grandes marmites de fer, 6 écumoires, 5 cuillères de bois, 1 cuillère à mesurer en cuivre, 5 “fers de pêcheurs”, 39 couvertures, 4 ustensiles de nettoyage en étain et, 12 pots à vinaigre. EEMH, t. II, 500. Mêmes proportions dans l’inventaire de 1548, avec une tendance à la baisse cependant: 300 assiettes plates, 12 petites, 175 assiettes creuses, 12 pots à vinaigres, 6 plats, 15 nappes et 7 serviettes, 5 torchons pour s’essuyer les mains, 3 pour les pieds, 3 ustensiles de plomb pour faire la vaisselle, 5 salières, 2 plateaux pour transporter les plats, 2 tables, ainsi qu’une table dans la salle du conseil et 8 chaises, 66 verres, 8 cuillères de métal, 4 écumoires en cuivre, 2 cuillères à mesurer en cuivre, 5 louches en fer, 6 cuillères en bois, 1 grande broche en fer, 4 brocs en bois, et enfin 4 autels en bois. Kollányi, 29.

108 Voir infra. 109 Voir tableau n° 2.110 M. Venard, Réforme protestante, 192.

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les observants étaient volontiers recrutés comme confesseurs, ainsi que nous en verrons divers exemples.

L’histoire des fraternités de tertiaires dépendant de couvents observants est plus étonnante encore. Ces femmes avaient adopté (depuis la règle de 1524) un style de vie nettement plus pénitentiel que celui des frères qui leur administraient les sacrements, on s’en souvient. Loin de céder à la tentation du relâchement, elles continuèrent manifestement de pratiquer la foi intériorisée et exigeante de leurs aînées. Leurs revenus habituels ne suffisaient-ils plus? Les voilà qui se met-taient elles aussi à quêter, au grand scandale des dirigeants masculins de la pro-vince, qui leur interdirent formellement d’avoir recours à ce procédé en 1533. Elles durent se contenter à l’avenir de solliciter leurs proches parents proches ou des nobles bien intentionnés à leur égard… sous peine d’être purement et simplement abandonnées111. Surtout, dès 1531, en même temps qu’il prononçait la fusion des fraternités de Monoszlóváralja et de Petróc, le chapitre provincial avait mis fin aux entrées dans le tiers-ordre, pour raisons de sécurité (propter bel-lorum turbines)112. Une me sure qui fut renouvelée à plusieurs reprises par la suite, sous des formes plus ou moins explicites. En 1533, le chapitre provincial interdit aux custodes de nourrir auprès des jeunes filles de leur circonscription l’espoir d’entrer un jour dans l’ordre113. En 1539, les admissions furent à nouveau prohi-bées en chapitre114. Elles ne seront désormais autorisées qu’à titre exceptionnel. En 1542, à la demande du curé et de la municipalité de Medgyes, le chapitre accepta de faire entrer une jeune fille comme novice dans la fraternité associée au couvent de la ville. Il laissa de pieuses épouses et veuves de Csanád intégrer le tiers-ordre franciscain, mais à condition de rester chez elles115; elles étaient ainsi moins exposées.

De manière générale, on perçoit chez les frères la volonté, manifeste cette fois, de se décharger de la responsabilité que représentait la tutelle sur les sœurs tertiaires. Pourquoi? Parce qu’eux-mêmes se débattaient dans des difficultés crois-santes. Protéger les tertiaires des agressions de tous bords était devenu pratique-ment impossible. Mais leurs réticences venaient également de ce que leurs liens avec les fraternités féminines donnaient lieu à des accusations mettant en cause leur moralité, voire à de réelles tentations de pécher mortellement. Les critiques des luthériens de Gyöngyös à l’encontre des frères mineurs de la ville avaient été

111 EEMH, II, 473. Voir aussi Karácsonyi II, 542; Kollányi, 86. Voir également chapitre 7.112 EEMH, II, 469. Voir aussi Karácsonyi I, 389; Kollányi, 85.113 EEMH, II, 473.114 Kollányi, 86, d’après les actes du chapitre de 1539.115 EEMH, II, 497-498. Voir aussi Karácsonyi I, 403-404; Kollányi, 86.

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démenties publiquement en 1539. Les prudentes dispositions prises par le cha-pitre de 1542, évoquées à propos de la chasteté aléatoire des religieux, inclinent à penser néanmoins que ces soupçons étaient parfois justifiés. Ailleurs, les sœurs tombaient dans le péché de chair sans que les frères n’en soient toujours la cause. C’est la raison pour laquelle le chapitre de 1533 interdit aux tertiaires d’admettre des laïcs, hommes ou femmes, dans la fraternité, soi-disant pour y admirer les statues de la Vierge décorées par leurs soins116. Enfin, constatant les progrès de l’hérésie luthérienne, les dirigeants de la province craignaient sans doute de voir ces établissements devenir des foyers d’hétérodoxie. D’où l’inter diction faite aux tertiaires en 1533 d’apprendre à écrire à leurs con soeurs ou à des laïcs extérieurs à la fraternité117; car elles auraient eu ainsi accès à des œuvres prohibées.

Bravant ces obstacles, les sœurs tertiaires de Hongrie firent preuve d’une résistance incroyable. L’historiographie traditionnelle, masculine, parle de réduc-tion drastique des admissions et de chute rapide des effectifs des fraternités dès les années 1520. Les troubles auraient empêché les frères, constamment en fuite et dénués de tout, de continuer à assurer la protection personnelle et le soutien moral des tertiaires118. Elles furent obligées comme eux de se réfugier dans des établissements plus sûrs, en quittant Monoszlóváralja pour Petróc, par exemple. Mais on ne saurait étendre à toute la Hongrie le cas de la Slavonie, région particu-lièrement sujette aux incursions ottomanes et qui avait bénéficié dans les années 1510 de l’arrivée de sœurs venues de Bosnie (comme le montre un document du premier formulaire)119. En réalité, les sources permettent d’établir que les commu-nautés de tertiaires eurent une longévité remarquable. Les données réunies dans le Tableau synoptique des couvents montrent que trois d’entre elles tinrent presque aussi longtemps que le couvent masculin dont elles dépendaient (à Sárospatak, Ozora et Monozslóváralja) et que sept résistèrent autant que les frères (à Petróc et Atyina, en zone dangereuse, comme à Medgyes, Kusaly, Felfalu, Buda et Csanád). Plus encore, six fraternités survécurent à la disparition du couvent franciscain voisin: à Tövis, à Pest (puisque c’est chez les tertiaires que les frères mineurs trouvèrent refuge après la prise de la ville par les Turcs en 1541), à Gyula (où elles

116 Voir chapitre 6.117 Item prohibetur eisdem firmiter ne scribere discant vel seculares utriusque secus doceant scribere, alio-

quin qui secus facere presumpserint curam earundem fratres non gerent. EEMH, II, 473.118 Kollányi, 83, sans citer de source précise. János Karácsonyi présente l’évolution des

tertiaires de manière aussi sombre.119 Dans une lettre non datée reproduite dans le premier formulaire, le vicaire de Bosnie

autorise les tertiaires dépendant d’un couvent bosniaque récemment incendié par les Turcs (“Pozawya”) à trouver asile dans la province de Hongrie. 1er form., fol. 120v.

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demeurèrent jusqu’en 1566, tandis que les religieux avaient quitté la ville en 1556), à Brassó (qu’elles évacuèrent en 1556 alors que les frères étaient partis en 1534), à Marosvásárhely (vingt ans après le départ des religieux en 1556), et enfin à Kolo-zsvár (avec un quart de siècle d’intervalle, et plusieurs années après les clarisses). Les exemples inverses – le départ des sœurs avant celui des frères – sont peu nom-breux. Ils se limitent aux communautés de Jászberény et de Gyöngyös, victimes des mouvements de troupes de l’année 1541, ainsi qu’à celle de Csíksomlyó, qui disparut seulement en 1570.

Comment interpréter cette ténacité presque partout supérieure à celle des établissements masculins? On invoquera évidemment l’espérance de vie des fem-mes, supérieure à celle des hommes, en particulier quand elles n’avaient pas à craindre l’épreuve souvent fatidique des accouchements. La disparition de nom-breux couvents de moniales, tous ordres confondus, provoqua peut-être, selon le principe des vases communicants, un gonflement des entrées chez les tertiaires franciscaines. Mais on ne peut s’empêcher de penser que la longévité des fraterni-tés tenait aussi au fait qu’à la différence des religieux, les soeurs réussirent, en plein doute luthérien, à combler les attentes spirituelles de nombre de fidèles du sexe faible. Ceci par l’originalité de leur mode de vie, mi-monastique, mi-dévot. Leur modèle ne s’adressait certes qu’à une mince frange de la population féminine: celle qui, issue de la noblesse ou de la bourgeoisie urbaine, n’a vait pas à se débattre pour assurer sa subsistance et celle de sa progéniture.

La faveur retrouvée des nobles et des barons

Sous le règne des deux Jagellon, les franciscains observants avaient béné-ficié du soutien du monarque. Les faveurs royales et aristocratiques se firent plus discrètes après 1514 mais les frères avaient gardé des amitiés à la cour de Buda. Le prince Sigismond, futur roi de Pologne et frère du roi Louis II, auprès de qui il séjourna longtemps jusqu’en 1526, gratifia périodiquement de dons le couvent Saint-Jean de Buda. Des largesses mesurées certes, puisqu’elles allaient d’un à trois florins tout au plus, qui répondaient néanmoins aux fréquentes sol-licitations des membres de l’établissement120. Sigismond n’eut pas de successeur après la mort du dernier Jagellon de Hongrie. Les courtisans des Habsbourg n’éprouvaient aucune sympathie particulière envers les “frères de Cseri”. Pour combler le tout, la vacance de plusieurs sièges épiscopaux, laissés inoccupés

120 Karácsonyi II, 21.

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après l’hécatombe de Mohács, les privait de protecteurs supplémentaires en la personne des prélats.

Les franciscains réformés ne surent pas s’acquérir les bonnes grâces de Ferdinand Ier de Habsbourg; son prédicateur attitré dans les années 1530 était un franciscain conventuel, Christophe de Kassa121. Ils eurent davantage de suc-cès auprès de Jean de Szapolya. Avant d’être élu ministre en 1535, Thomas de Pata avait qualité de prédicateur de la cour du roi Jean Ier. C’est en partie pour cela, d’ailleurs, que les électeurs de la province lui accordèrent leurs suffrages: ils espéraient que les relations nouées dans l’entourage royal per mettraient au nouveau ministre d’obtenir la protection de l’ancien voïvode122. La division politique du pays eut cependant de fâcheuses répercussions sur l’unité de la province. En effet, dans le conflit acharné que se livraient les deux rois ri-vaux, certains frères prirent ouvertement parti pour le Habsbourg, tels ces trois aumôniers hongrois de l’armée autrichienne morts après la défaite de Ferdi-nand contre le voïvode de Moldavie près de Brassó, en juin 1529123. Pendant ce temps, d’autres entraient dans le camp opposé: Gérard de Hard et le déjà nommé Thomas de Pata accompagnaient les troupes de Jean de Szapolya à la fin des années 1520. Peu à peu, la majorité des franciscains observants sem-blent avoir accordé leurs suffrages au Szapolya, ainsi qu’en témoigne l’élection de Thomas de Pata. Sans doute pour des raisons géographiques, depuis que le centre de gravité de la province avait basculé à l’est, mais peut-être également par attachement national, Ferdinand de Habsbourg apparaissant alors comme un monarque étranger. Quoi qu’il en soit, la province salvatorienne ne tira de réels bénéfices de cet engagement qu’en Transylvanie, où Jean de Szapolya avait ses bases. Durant l’été 1527, les troupes du Habsbourg menées au nord du royau me par le commandant Kaczianer pillèrent sans ménagement le cou-vent d’Okolicsnó, avant de mettre le feu l’année suivante à celui de Homon-na124. L’avènement de Thomas de Pata à la tête de la province salvatorienne ne fit qu’accroître l’hostilité des représentants de Ferdinand Ier à l’égard des membres de l’observance franciscaine. Que pouvait leur donner Szapolya en échange? Il promit d’aider les responsables de la province à pourchasser les apostats; mais sur le terrain, il n’avait pas les moyens politiques d’étendre sa collaboration au-delà des régions qu’il contrôlait.

121 Karácsonyi I, p. 92.122 Karácsonyi I, 393.123 EEMH, II, 311.124 Voir chapitre suivant.

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Heureusement, les observants parvinrent à conserver – ou à retrouver – de précieux appuis parmi les nobles et les barons du royaume. Tout se passe comme si, une fois oubliés les événements de 1514, les aristocrates étaient revenus à leurs anciennes préférences. On les voit fréquemment s’opposer par exemple à la déci-sion prise par les autorités provinciales de fermer tel ou tel établissement. Le pa-tronus de Perecske avait cherché à obtenir l’annulation de la fermeture du couvent local, annoncée en 1531. Les actes des chapitres de 1542 et 1544 mentionnent également le cas du locus de Felfalu, totalement détruit, mais dont François Kendy réclama à plusieurs reprises le maintien… sans pour autant réaliser les travaux de restauration demandés par le chapitre125. A tel point que, dans la lettre qu’il adressa à un custode en 1533 à propos de la procédure à suivre pour fermer un couvent, le ministre lui demandait instamment d’agir avec prudence et discrétion, ceci pour éviter, précise-t-il, que le patronus n’empêche les frères de partir126.

Pour les nobles hongrois, maintenir en vie l’œuvre de leurs ancêtres par-ticipait encore de l’exaltation de la mémoire familiale. Et tous les patrons ne se montraient pas aussi attentionnés. Dès 1504, le couvent de Tárnok était au bord de l’abandon par la faute du fondateur, Jean Botka de Széplak, qui n’avait pas pris la précaution de savoir si les frères pourraient subvenir à leurs besoins ali-mentaires127. Ce cas de figure, exceptionnel au début du XVIe siècle, devient plus fréquent dans les années 1520 et 1530. Si Ursule de Perény envisageait d’agran-dir l’église conventuelle de Tövis en 1531, comme on le verra plus loin, d’autres seigneurs ne faisaient même pas l’effort de financer la réfection des bâtiments détruits par les soldats ottomans ou par l’usure du temps. Dans une lettre non datée adressée à un custode, le ministre lui rappelait que les frères dont le couvent avait été détruit devaient impérativement obtenir du patronus la promesse de ce qu’il effectuerait les travaux nécessaires avant de revenir sur place; une hypothèse qu’il présente comme fort improbable128. A propos cette fois d’un exemple pré-cis, celui du couvent de Csákány, le ministre provincial constatait en 1533 que les patroni ne remplissaient plus leurs devoirs. Ils n’assumaient pas depuis longtemps l’entretien des bâtiments et ne remédiaient aucunement aux destructions causées par les Turcs129. D’où la décision annoncée en chapitre la même année de fermer

125 Item locus de Felfalw totaliter destitutus et ruinatus, ex quo hunc fratres refici non possunt, eundem reassumere nequeunt, nisi prius hunc dominus Kendi, prout promittit, vel alius patronus ejusdem loci repara-verit. EEMH, II, 498.

126 Kollányi, 51-52, d’après 2e form., fol. 40.127 Karácsonyi II, 195-196.128 Kollányi, 51-52, d’après 2e form., fol. 40.129 EEMH, II, 475.

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CHAPITRE 10400

l’établissement130. L’accusation était lourde: elle imputait la responsabilité de la fer-meture des couvents aux patrons, autant qu’aux Ottomans et aux brigands de tous bords. Elle ressurgit au lendemain des campagnes dévastatrices de 1541-1542. Le chapitre de 1542 décréta la fermeture de tous les couvents gravement endomma-gés par les guerres, car, faute de soutien de la part de leur patron, on ne pourrait les reconstruire. Il accuse nommément certains d’entre eux, tel François Kendy à Felfalu, de ne pas avoir tenu leurs promesses dans ce domaine131. Les pères réunis deux ans plus tard à Nagyvárad allèrent plus loin. En reprenant l’exemple du cou-vent de Felfalu, ils posèrent désormais de sévères conditions au retour des frères dans les couvents détruits, ou à leur installation dans les bâtiments que leur offrirait un bienfaiteur, ici en l’occurrence Loup (Wolfgang) Bethlen. On y lit en négatif tous les manquements dont les patroni s’étaient rendus coupables dans les années pré-cédentes: absence de protection des religieux contre les agressions des luthériens ou des gens malhonnêtes, négligence dans la nomination du gérant laïc (confrater) censé alléger les frères des corvées budgétaires, insuffisance de la dotation initiale en vivres et du bétail mis à la disposition des religieux132.

Pis encore, à la faveur de la déréliction du pouvoir royal, certains patrons succombèrent à la tentation de se servir dans le peu que les frères avaient. Ils com-mencèrent par mettre fin à certaines faveurs accordées jadis par leurs ancêtres: le droit de pêcher librement dans la seigneurie, ou de prendre du bois dans la forêt voisine, comme le montre un document du second formulaire133. Mais c’est sur-tout la vaisselle liturgique qui éveilla leur attention. On se souvient du conflit qui avait opposé François Bodó, petit-fils du fondateur du couvent de Györgyi, aux frères de ce couvent en 1517134. Il s’agissait somme toute d’un malentendu. Mais l’héritier n’en resta certainement pas là, car le pape recommanda en octobre 1519 aux religieux, pour éviter toute accusation malveillante, de conserver les objets liturgiques convoités135. A partir des années 1540, au moment où ils passèrent à la Réformation – ou sans même y adhérer –, le premier réflexe des patrons sera justement de s’emparer du trésor des couvents, souvent par la force, pour le trans-férer dans leur demeure au motif qu’il y serait mieux gardé136. En 1542, Pierre de

130 Kollányi, 51-52, d’après 2e form., fol. 40.131 EEMH, II, 498.132 EEMH, II, 503-504. Voir aussi Karácsonyi II, 48-49; Kollányi, 54. Nous reviendrons

sur ces mesures, sous l’angle économique, dans le chapitre suivant.133 Kollányi, 69, d’après 2e form., fol. 219v.134 Voir chapitre 9.135 Karácsonyi II, 70. Source: MFL, fds I, ms CII; CsML, bullaire de Szeged, 52-53.136 Karácsonyi I, 399-400, qui cite une douzaine d’exemples, situés tant en Slavonie qu’en

Transdanubie.

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LE RECUL DE L’OBSERVANCE 401

Perény exigea des frères de Sárospatak la chasuble (probablement brodée de fils d’or) que ses prédécesseurs Pálóc avaient donnée autrefois au couvent; le chapitre accepta, contre un reçu scellé et la promesse de ne plus les tracasser à l’avenir137.

Gardons-nous cependant de généraliser. Dans les années 1530, ces agisse-ments demeuraient l’exception. On ne saurait oublier par ailleurs que l’ap pau-vrissement frappait aussi les nobles, ce qui explique – sans l’excuser – la mollesse avec laquelle ils soutenaient les établissements qu’ils patronnaient. Ils l’avouèrent d’ailleurs aux frères qui leur reprochaient leur parcimonie. Dans la lettre qu’il adressa à un custode pour obtenir du vin, un gardien racontait dans les années 1530 que le patronus de son couvent avait déclaré ne pas pouvoir aider les frères en raison des multiples dépenses auxquelles il devait actuellement faire face138. Notons que, même s’ils se montraient critiques à leur égard, les frères comptaient toujours sur les nobles pour soulager leurs maux. Ils demandèrent à la veuve d’un seigneur, dans une lettre transcrite dans le second formulaire, de leur envoyer deux pourceaux pour Noël139. De même, c’est vers le voïvode de Transylvanie Étienne de Bátor que le gardien du couvent de Buda se tournait dans les années 1530 pour nourrir les nombreux frères de son établissement140. Faute d’avoir ob-tenu ce qu’il voulait du patronus de son couvent, un gardien suggérait au custode de demander aux femmes des patrons des maisons de Györgyi et de Sellye de lui envoyer deux tonneaux de vin141. Ne parvenant pas à convaincre les seigneurs eux-mêmes, il faisait appel à la sensibilité de leur épouse.

Jusqu’au début des années 1540, de nombreux signes de soutien nobiliaire à l’observance franciscaine affleurent dans la documentation. Les aristocrates continuaient de demander aux dirigeants de leur fournir un confesseur particu-lier, voire un prédicateur. Deux frères furent nommés en chapitre à la cour de deux barons par le chapitre de 1542, et deux autres encore vingt ans plus tard; le baron Émeric Török reçut la même année le prédicateur qu’il avait demandé, en la personne de François de Szeged142. Les barons hongrois prirent très souvent en charge la tenue des chapitres provinciaux: Gabriel de Perény le fit à Szőllős en 1525, tout comme deux ans plus tard la veuve d’Antoine de Pálóc, tombé à Mo-hács, à Sárospatak, puis les Losonc et les Ország pour le chapitre de Gyöngyös en

137 EEMH, II, 499. Voir aussi Karácsonyi I, 404.138 Kollányi, 66-67, d’après 2e form., fol. 10v.139 Kollányi, 66, d’après 2e form., fol. 234v.140 Kollányi, 70, d’après 2e form., fol. 219.141 Kollányi, 67, d’après 2e form., fol. 10v.142 EEMH, II, 498. Voir aussi Karácsonyi I, 402 419.

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CHAPITRE 10402

1535, ainsi que les Dubraviczky à Jászberény en 1537143. En 1552, la mère de Jean de Perény finançait encore la tenue d’un chapitre à Szőllős144. Il serait fastidieux de dresser la liste, d’ailleurs incomplète, des largesses prodiguées par des membres de la noblesse à l’intention des couvents observants entre 1526 et 1541145. Retenons seulement qu’elles provenaient aussi bien de barons proches du pouvoir – tel le grand juge de la cour Jean Drágffy (1524) ou le vice-voïvode Léonard de Barlabás (1525) – que de nobles moins en vue – Michel Apafi (vers 1537), Michel Dubravi-czky (1538) puis Jean-Lazare de Szentanna (1549). Leurs dons, parfois modestes, atteignaient à l’occasion des sommes très élevées. Le testament de Jean Drágffy léguait cent florins aux frères de Kusaly et cinquante à ceux de Medgyes pour leur habillement et leur alimentation146. Le legs de Léonard de Barlabás cédait dix piè-ces de lard aux membres du couvent de Vajdahunyad, cinquante florins à ceux de Márosvásárhely, la moitié à ceux de Medgyes et de Tövis147. Les frères se voyaient parfois offrir des œuvres d’art, tel le crucifix de style Renaissance (mentionné par le chapitre de 1537) qui ornait l’église du couvent de Marosvásárhely, grâce à la générosité de noble Nicolas Apafi148. L’ordre reçut en 1531 (sans doute du sei-gneur du lieu ) une maison à Torda, qui put servir ensuite de logement de passage pour les religieux149. Ajoutons que c’est la famille Ábránfi qui fonda le couvent de Gerla, incorporé à la province en 1531, après quoi les Székely d’Or mosd osèrent restaurer peu avant 1546 (!) l’établissement d’Ormosd150. Des bienfaiteurs expri-maient comme leurs ancêtres le vœu d’être enseveli chez les observants, tel Michel Dubraviczky en 1535, enterré au couvent Saint-Jean de Buda151.

Les nobles de Transylvanie s’investirent tout particulièrement en faveur de l’observance. Nombre de ceux que je viens de mentionner en provenaient, sur-tout après 1526. En pleine pénurie, ils planifiaient des travaux d’agrandissement. En 1531, le chapitre autorisa Ursule de Perény, épouse du seigneur de Tövis, en tant que patrona, à faire construire une chapelle auprès de l’église observante152. Ils se distinguaient également par leurs dons aux couvents. En 1523, la femme de

143 Karácsonyi I, 386 393 396.144 Karácsonyi I, 413.145 Voir Karácsonyi II, passim (à propos de chaque couvent).146 Karácsonyi II, 110 118.147 Karácsonyi II, 79 114 117 199; Boros, 272 note 91.148 EEMH, II, 488. Voir aussi Soós, 262.149 Domus de Thorda fratribus pro hospitio assignata habeatur, qua ipsi ex apostolico indultu possunt

uti tuta conscientia. EEMH, II, 468.150 Karácsonyi I, 407.151 Karácsonyi I, 396; II, 21.152 EEMH, II, 469. Voir aussi Karácsonyi I, 389; II, 199.

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LE RECUL DE L’OBSERVANCE 403

Marc Pempflinger – comte des Saxons de Transylvanie pourtant connu pour ses amitiés luthériennes – léguait dix florins aux frères de Tövis, en sus de ce qu’elle laissait aux observants de Medgyes153. Ils réclamaient même, par l’intermédiaire de Wolfgang Bethlen, des établissements supplémentaires. Le chapitre provin-cial de 1544 dut réfréner leur ardeur en soumettant les fondations aux lourdes garanties matérielles décrites précédemment. Cette implication des nobles dans la vie des couvents n’allait pas sans risques. Conscients de l’importance qu’ils avaient dans la survie des établissements observants, ils s’ingérèrent parfois dans le choix de leur chef, le gardien. Le chapitre de 1542 dut rappeler aux sei-gneurs de Csíksomlyó, qui souhaitaient conserver l’ancien gardien, que c’est aux dirigeants de la province, et à eux seuls, que revenait le pouvoir de nommer les responsables franciscains 154.

Le soutien tardif des bourgeois

Point de signe plus éclatant de l’affection que portaient encore les mem-bres de la noblesse à l’observance franciscaine que la décision de plusieurs d’en-tre eux de prendre l’habit. Le parcours personnel de Paul de Tomor est très instructif à cet égard. Cet homme au caractère bien trempé qui s’était illustré comme chef de guerre sous les Jagellon choisit d’entrer chez les franciscains observants en 1520, dans la force de l’âge. Au terme de son année probatoire au couvent d’Újlak, il prononça ses vœux et fut admis à Várpalota en décembre de l’année suivante. Il séjourna par la suite au couvent d’Esztergom, où il se livra à des activités manuelles, telles que l’entretien du jardin conventuel, autant qu’intellectuelles. Le pape ayant eu vent de ses talents militaires, il lui ordonna de quitter son couvent pour mettre ses compétences au service de la lutte contre les Infidèles. Paul de Tomor posa ses conditions. Il accepta d’as su rer la défense de l’archevêché de Kalocsa, très touché par les incursions ottomanes et dont il fut nommé titulaire peu après, à condition d’être entouré de deux frères mi-neurs avec qui il continuerait à accomplir l’office divin. En avril 1526, sûr de sa vocation, il demanda au souverain pontife l’autorisation de retourner dans son ancien couvent. Elle lui fut refusée: le pays et toute la Chrétienté avaient plus que jamais besoin de lui. Il mourut sur le champ de bataille de Mohács avec les deux

153 Karácsonyi II, 199. Voir aussi chapitre 6.154 Item sedes dominorum Siculorum Chykiensium petunt guardianum modernum rursus pro guardiano.

Patres providebunt de alio, si is transfertur in alium locum, quoniam semper cura fuit patribus de loco Chy-kiensi. EEMH, II, 499. Voir aussi Karácsonyi I, 403.

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frères qui l’accompagnaient155. Impressionnés par son exemple, d’autres nobles, même mariés, marchèrent sur ses traces. Parmi eux le Transylvain Salatiel de Fráta, qui prit l’habit de saint François en 1522 pendant que sa femme entrait chez les clarisses. Leurs enfants avaient été préalablement con fiés à des proches156.

Ces indices sont trop maigres, naturellement, pour conclure au recrutement principalement nobiliaire de l’observance. D’ailleurs, pas plus qu’au siècle précé-dent, on ne peut établir de manière précise la sociologie des frères au XVIe siècle. La présence parmi les anthroponymes cités dans les tables capitulaires des années 1530, dans l’inventaire détaillé de 1535 et dans la liste des frères victimes de la guerre (1526-1563)157 d’une proportion non négligeable de noms faisant référen-ce à de grosses bourgades (Csanád, Hunyad, Bács, Újlak…) ou à de véritables villes (Pest, Brassó, Debrecen, Nagybánya, Nagyvárad, Szeged, Kolozsvár…) in-cite à croire – sans certitude – que les habitants des villes entraient plus souvent qu’auparavant dans les couvents observants. Quant à savoir à quelle catégorie de la société urbaine ils appartenaient, c’est une autre affaire, que les sources consul-tées ne permettent pas d’éclaircir.

En 1537, les pères assemblés à Jászberény admirent dans l’ordre un laïc de-venu organiste au couvent de Nyírbátor; le registre précise qu’il avait obtenu de l’évêque son divorce d’avec son épouse, celle-ci ayant pour sa part fait vœu de chasteté158. Peut-être parvint-elle à entrer dans une fraternité franciscaine. Les communautés de tertiaires recrutaient probablement le gros de leurs troupes sur place, parmi les filles de commerçants et d’artisans, plutôt que dans la noblesse. Cet enracinement local contribuerait à expliquer leur longévité exceptionnelle: elles pouvaient compter sur les dons de leurs amis ou parents, ce qui n’était pas le cas des frères, qui vivaient loin de leur famille d’origine. La proportion de bour-geois des villes dans les nouveaux membres de la confrérie spirituelle de l’ordre apparaît bien supérieure dans les années 1530 à ce qu’elle était deux ou trois dé-cennies plus tôt159. Les nobles continuaient eux aussi de s’y inscrire, il est vrai – le baron Étienne de Bátor comme le noble Jean de Kápolna –, mais les bourgeois étaient maintenant aussi nombreux qu’eux.

Dès les années 1510, les habitants de Körmend avaient tout fait pour chasser les ermites de saint Augustin et les remplacer par d’autres religieux

155 C[h]ronica, 295-296, 297-298; Vetera monumenta II, éd. A. Theiner, 667. Voir aussi Karácsonyi I, 381 384-385; II, 45.

156 Voir chapitre 6. Source manuscrite: Dl 36400.157 Pour cette dernière, voir: C[h]ronica, 310-313.158 Voir chapitre 4.159 Voir tableau n° 2.

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plus vertueux, en l’occurrence les frères mineurs réformés, en accord avec leur seigneur, le primat Thomas Bakócz ; quitte à amplifier la rumeur et à défor-mer la réalité dans les dépositions qu’ils firent devant les enquêteurs pontifi-caux en 1518160. Les collections de testaments privés, confirment l’impression d’un soutien plus actif des élites urbaines à l’observance franciscaine dans le premier tiers du XVIe siècle. On se souvient du legs de Madeleine, veuve du lapicide Georges (Georgius lapicida) habitant Kolozsvár, évoqué dans un pré-cédent chapitre. Peut-être son époux avait-il taillé quelques fenêtres ou piliers de l’église conventuelle. Il demanda en tous cas à s’y faire ensevelir. Sa veuve était elle-même confratrissa, c’est-à-dire membre de la communauté spirituelle de l’ordre161. Établi le 19 décembre 1531, son testament gratifiait les frères de Kolozsvár de près de deux cents florins au total, sans compter les dons aux tertiaires, dont elle avait fait construire la chapelle à ses frais. Loin de se limi-ter au cloître fransiscain de la ville et à la fraternité qui en dépendait, le texte prévoyait de céder de un à cinq florins aux couvents de Felfalu, Tövis (un florin), Márosvásárhely (3 florins), Esztergom, Jászberény, Pest, Tata, Visegrád (5 florins chacun) et dix florins à celui de Nagyvárad, où trente-cinq messes devraient être célébrées pour le salut de son âme162.

Au plus fort de la crise, les habitants des villes se tournaient encore vers les observants. Ne revenons pas sur ceux de Pest, qui, après la prise de la cité par les Turcs en 1541, avaient supplié la direction de la province d’envoyer d’autres reli-gieux rejoindre les quatre frères réfugiés dans la maison des tertiaires. C’est dire à quel point ils tenaient à leur présence. Après que les frères du couvent de Szeged eurent quitté la ville, traumatisés par le massacre de trois des leurs en 1552, les citadins firent tout pour les faire revenir; ils y parvinrent quatre ans plus tard163. Enfin, la documentation ne montre pas d’exemple de municipalité urbaine ayant profité de l’évacuation préventive des couvents menacés par la progression des Ottomans pour faire main basse sur leurs bâtiments puis empêcher le retour des frères (comme ce fut le cas en 1529 pour le couvent marianiste de Presbourg, où le roi dut intervenir en faveur des frères mineurs)164.

A Brassó cependant, les franciscains observants souffraient de l’hostilité des magistrats urbains, soutenus par une large partie des habitants. Au début du siècle, ils avaient fait cause commune avec le curé de la principale paroisse

160 Erdélyi, 127-154.161 Voir chapitre 6.162 Source: EEMH, II, 178-181, n° 159.163 Karácsonyi II, 164.164 Karácsonyi I, 89-90.

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de Brassó contre les frères. Ils demeurèrent impitoyables à leur égard au moment où les bandes ottomanes firent des ravages dans la ville et dans le couvent. Alors qu’ils restaient sous le choc des massacres perpétrés dans les murs de l’établisse-ment en 1529, les religieux reçurent l’ordre de rembourser leurs dettes envers la municipalité. Et celle-ci alla jusqu’à solliciter le con cours de l’évêque pour appuyer ses revendications165. Le chapitre provincial de 1531 eut le pressentiment de ce qui allait suivre: par précaution, il ordonna que l’on déménage l’horloge du couvent dans un autre établissement166. Avant 1534, les frères avaient déserté la place, sous les huées d’une population acquise au protestantisme.

Les habitants de Brassó avaient en quelque sorte brûlé les étapes: de la piété traditionnelle de leurs aïeux, inscrite dans les œuvres et admirative du modèle ré-gulier, ils étaient directement passés au refus luthérien. Dans d’autres villes et dans les bourgades, les bourgeois virent au contraire dans l’obser vance franciscaine une réponse (au moins temporaire) au malaise qu’ils ressentaient face à un clergé ne répondant plus à leurs exigences en matière de foi167.

L’observance franciscaine subit un recul très marqué dans les années qui suivirent la défaite de Mohács. Aux destructions de couvents s’ajoutèrent la né-gligence ou l’indifférence de ses protecteurs traditionnels, le tassement des voca-tions et l’ardeur déclinante des frères eux-mêmes, qui en venaient à oublier leurs engagements monastiques.

Tout espoir n’était pourtant pas perdu à l’aube des années 1540. En Transyl-vanie et au nord-est de la Grande Plaine, les couvents n’avaient jamais été aussi peuplés. L’ordre y recrutait la plupart de ses membres et de ses bienfaiteurs. Il pouvait compter sur le soutien de nobles fidèles aux traditions instaurées par leurs ancêtres, et maintenant sur celui des bourgeois – sauf là où le luthéranisme avait déjà pris racine. Observons pour finir qu’il trouva un écho particulièrement favorable auprès des femmes. Les épouses des notables urbains entraient volon-tiers dans les fraternités et, quand elles en avaient les moyens, elles comblaient les couvents de leurs dons. Celles de l’aristocratie servaient de médiatrices entre les frères aux abois et leur parcimonieux époux.

165 Boros, 40. L’information appelle toutefois vérification.166 Voir le début de ce chapitre.167 Cette interprétation rejoint celle de Gabriella Erdélyi à propos de l’affaire de Kör-

mend. Erdélyi, 180 188.

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Chapitre 11

LES TURCS EN CAUSE

L’historiographie traditionnelle s’étend longuement, dans l’inventaire des calamités qui s’abattirent sur la province salvatorienne de Hongrie au XVIe siècle, sur les dommages provoqués par les Ottomans. Ferenc Kollányi, aussitôt après avoir comptabilisé le nombre de couvents disparus entre 1525 et 1548 – soit 42 en l’espace de vingt-trois ans – écrivait voici un siècle: “Et qu’arriva-t-il à tous ces couvents? La plupart furent incendiés, réduits à l’état de ruines par les Turcs. Les autres, abandonnés, étaient vides et il y en eut même dans lesquels l’ennemi établit ses quartiers”1. Après György Szabó en 1921, József György lui emboîtait le pas en 1930 à propos de la Transylvanie2… alors que les Ottomans ne s’y établirent jamais directement! János Karácsonyi, pourtant mieux informé que les auteurs précédents, n’échappe pas toujours lui non plus à la tentation d’imputer aux Turcs la responsabilité du reflux observant.

La raison principale de cette présentation schématique des événements se trouve dans les sources utilisées. Les textes nés sous la plume de membres de la province décrivent le déclin de l’observance hongroise au XVIe siècle comme la conséquence directe, avant les progrès du luthéranisme, de l’expansion ottomane. Le thème des destructions et massacres perpétrés igne et gladio par les Turcs revient comme un leitmotiv dans les dernières pages de la Chronique observante3. Dès les années 1490, les dirigeants de la province présentaient les Ottomans – ces “cruels ennemis de la croix du Christ” – comme assoiffés de sang et prenaient un ton hor-rifié pour décrire leurs exactions sur la population. A l’évidence, les franciscains hongrois n’étaient pas seulement les témoins apeurés de leurs actes de violence. Ils se faisaient l’écho d’une vision alors générale en Occident – notamment dans

1 Kollányi, 47 (traduit du hongrois).2 György, 76.3 C[h]ronica, par exemple p. 297-299 301-302.

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CHAPITRE 11408

les milieux monastiques réformateurs4 – selon laquelle les ravages des Infidèles étaient la punition de Dieu face à l’inconduite des hommes. Oswald de Laskó l’ex-primait déjà à l’extrême fin du XVe siècle dans ses sermons: la menace turque avait pour fonction d’expier la désobéissance, la mollitia, la luxuria et le péché contre-nature dont les chrétiens s’étaient rendus coupables dans un passé récent5. Mais ne risquait-on pas d’alimenter par ces déclarations, comme dans l’empire byzantin un siècle plus tôt, un profond fatalisme? A l’époque du célèbre prédicateur, les frères mobilisaient les habitants du royaume magyar contre l’ennemi ottoman en reprenant à leur compte des arguments eschatologiques, ainsi que nous l’avons montré dans un précédent chapitre. Une génération plus tard, dans les années 1530 et 1540, on perd la trace de ce discours. Les crimes commis par les soldats de la Porte à l’encontre des religieux pouvaient même apparaître comme la revanche des suppôts de l’Antéchrist, la victoire, douloureuse mais inéluctable, des forces du mal contre les soldats du Christ.

Comment distinguer dans ces conditions les faits authentiques de la ru meur? Commençons par dresser l’inventaire des déprédations réellement causées par les Ottomans, pillards, conquérants puis occupants du royaume de saint Étienne, avant d’élargir l’enquête aux autres forces en présence pour qui la Hongrie n’était ni plus ni moins qu’un vaste champ de bataille.

I. La responsabilité ottomane

Si l’on s’en tient aux phénomènes les plus visibles, la part de responsabilité des Turcs dans le déclin de l’observance franciscaine paraît écrasante. L’année 1526, celle du déferlement des troupes de Souleiman Ier après des décennies de harcèlement aux confins du royaume et en Transylvanie, ouvre une longue série de destructions de couvents et de massacres de frères, qui ne devait pas cesser avant le milieu du XVIe siècle. De tous les couvents situés dans la zone annexée à l’empire ottoman – plus d’un tiers du royaume de Hongrie dans ses frontières médiévales – seuls deux survécurent à leur domination, à Szeged et Gyöngyös. Nul doute que les fils de saint François traversèrent alors des moments effroyables. Sans s’arrêter à ce triste constat, il nous faut déterminer ce que représentait la somme de ces épreuves à l’échelle de l’ensemble de la province salvatorien ne. N’ou blions pas aussi les formes moins visibles du joug ottoman, qui déstabilisèrent autant la vie des religieux que les voies de fait.

4 J.-M. Le Gall, Les moines, 144.5 OL, Gemma fidei, sermo 33. Voir aussi R. Horváth, Laskai Ozsvát, 61.

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LES TURCS EN CAUSE 409

Les couvents détruits

Dès ses débuts, la province observante de Hongrie avait été victime de des-tructions de la part des représentants de la Sublime Porte. Elles marquaient de manière quasi systématique chaque étape de la progression des Turcs au nord des Balkans. Six couvents de Sirmie avaient été totalement détruits dans les années 1390, au lendemain de la défaite serbe du Champ des Merles6. Avant 1440, à l’époque où le sultan annexait la Serbie, les couvents des banats de Keve, Haram et Macsó (Mačva) avaient subi le même sort; en témoignent les plaintes adressées au pape par les dirigeants de la province, qui déploraient les “nombreux couvents que les Turcs et d’autres incroyants avaient détruits”7. Eux non plus ne furent jamais reconstruits. Plus à l’ouest, en Slavonie, les raids des bandes ottomanes fi-rent de nombreux dégâts, en particulier pendant l’été 14798. La custodie de Tran-sylvanie fut touchée dès 1438 – moins durement certes que chez les conventuels, dont les deux couvents de Szászváros et Nagy szeben partirent en fumée9. Mais ce sont surtout les établissements des régions de Temes et de Hunyad, dont la fondation remontait parfois au règne de Louis le Grand, qui firent les frais des razzias turques. Ceux de Hátszeg et de Cseri – dont on connaît l’importance sym-bolique dans la tradition –, absents de l’inven taire de 1516, ne seront plus jamais mentionnés par la suite10.

Les moyens employés, peu originaux, étaient partout identiques. A leur ar-rivée dans une localité, les soldats ottomans s’emparaient de tout ce qu’ils pou-vaient trouver d’intéressant sur place, pillant et tuant ceux qui leur résistaient. Églises et couvents n’échappaient pas à leur soif de butin, bien au contraire: les assaillants s’imaginaient qu’ils renfermaient des trésors. Ce qui n’était pas toujours faux, d’ailleurs, sinon chez les frères (en dehors de la vaisselle liturgique offerte par les fondateurs et bienfaiteurs), du moins dans le cas des riches églises mo-nastiques ou paroissiales. Ensuite, ils y mettaient le feu. Les rares documents qui précisent comment les établissements observants tom bés aux mains des Turcs furent anéantis, au XVe siècle comme dans les années 1530, parlent systématique-ment d’incendies. Une circulaire adressée par le ministre provincial aux custodes évoque ainsi les nombreux couvents récemment “brûlés par l’ennemi”11. C’est

6 Karácsonyi I, 49-50.7 Karácsonyi I, 325.8 Karácsonyi I, 349.9 Karácsonyi I, 56.10 Karácsonyi I, 349.11 Kollányi, 51-52, d’après 2e form., fol. 40.

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seulement vers la fin des années 1530, lorsqu’ils décidèrent de s’installer durable-ment en Hongrie, que les Turcs changèrent de méthodes. Au lieu de détruire les bâtiments, ils y cantonnaient des troupes, après en avoir expulsé ou exterminé les derniers occupants12. Certains furent rapidement transformés en pièces de fortifications intégrées au dispositif défensif de la place (à Ivanics, Csákány, puis Jászberény)13.

Les destructions turques faisaient donc partie depuis longtemps, en quelque sorte, de l’histoire de la province. Les frères le leur rendaient bien, soit dit en passant, lorsqu’ils excitaient les foules à prendre les armes contre eux, comme du vivant de Jean de Capestran ou au printemps 1514. Toutefois, jusqu’à l’été 1526, seuls quelques couvents proches des frontières méridionales du royaume avaient été la proie des hommes du sultan. On assiste à un brusque changement d’échelle après Mohács. On peut reconstituer l'itinéraire des vainqueurs dans les jours qui précédèrent l’affrontement décisif du 29 août 1526 et plus encore dans les semaines qui suivirent la défaite des armées hongroises en parcourant la liste des couvents pillés ou incendiés. Partie de Serbie, l’armée de Souleiman avait remonté le Danube jusqu’à Buda, certaines unités poussant jusqu’à Tata, Szécsény et Kövesd ; puis elle était redescendue vers le sud, sur la rive gauche du fleuve. Les couvents observants d’Újlak, d’Atya, d’Alsán, de Paks, de Kölyüd, de Futak et de Kabol, situés sur son passage, ne s’en remirent jamais14. C’était la première fois dans l’histoire de la province qu’autant de maisons disparaissaient en même temps. Les dirigeants entérinèrent ces pertes massives en supprimant la custodie d’Újlak, où un seul couvent (Diakóvár) avait résisté au choc15. Il faudrait y ajouter les établissements gravement endommagés mais rouverts par la suite: Perecske, Buda, Pest, Várpalota, Györgyi, Esztergom, Tata, Jászberény, Gyön-gyös et Szeged16. Relativement éloignés de la route suivie par les envahisseurs, les franciscains conventuels avaient été plutôt moins touchés17.

Le second acte de la tragédie se joua trois ans plus tard, lorsque Soliman le Magnifique, conforté par son alliance avec le roi Jean Ier de Szapolya, entreprit de marcher sur Vienne. Le siège de Buda causa de nouveaux dommages aux frères de la capitale, livrée au pillage, ainsi qu’à plusieurs couvents de Transdanubie, de Slavonie et de Transylvanie; mais, à la différence des marianistes, il s’accompagna

12 Les actes du chapitre de 1542 rapportent ces occupations. EEMH, II, 498.13 Voir Tableau synoptique des couvents.14 Voir carte n° 5, comme pour les développements qui suivent.15 Voir chapitre précédent.16 Karácsonyi I, 385-386. Voir aussi Tableau synoptique des couvents.17 Karácsonyi I, 88.

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de moindres dégâts sur les bâtiments18. Une troisième vague de destructions en-toura la seconde campagne de Souleiman pour s’emparer de Vienne en 1532. Si l’auteur de la Chronique observante attribue aux soldats ottomans de nombreux massacres, il n’évoque pas de destructions en série19. L’offensive de 1532 eut mal-gré tout des répercussions très importantes sur l’avenir de la province. Ne voulant pas mettre en danger la vie de ses membres, les dirigeants ordonnèrent au chapitre de 1533 l’évacuation provisoire ou définitive de plusieurs établissements, considé-rés comme trop exposés (Csákány, Perecske), ubi periculosum est fratribus propter illos [Turcos] demorari20. Des arguments que l’on retrouve dans deux lettres du ministre de la province salvatorienne copiées dans le second formulaire, l’une à propos des couvents de Paks (qui sera fina lement “rendu” à son patronus en 1537) et de Csákány, l’autre concernant celui de Perecske (où le patron tenta de faire revenir les frè res malgré l’avis con traire du chapitre)21. Peu après, en 1534, le gardien du couvent d’Esztergom se plaignait au custode des terribles dévastations per-pétrées par les Turcs dans son couvent; il lui envoyait deux frères pour qu’ils lui rapportent les faits oralement et, se comparant au malheureux Job, le suppliait de l’aider22. Les mesures de précautions furent étendues aux derniers couvents de Slavonie à l’annonce de la campagne turque de 1536-1537, parfois trop tard (comme à Diákóvár). Les couvents slavons d’Atyina, Polyánc et Szentlászló ne seront plus habités à l’avenir23.

Les opérations militaires de 1541, avec leur cortège de destructions ou d’évacuations préventives, causèrent de nouvelles pertes chez les observants comme chez les conventuels. L’ennemi eut désormais tendance à s’installer dans les couvents, conséquence de son changement de stratégie. Dès avant la prise de la capitale, la plupart des frères des couvents de Buda et de Pest avaient pris la fuite. Les troupes ottomanes ayant fait irruption dans leur couvent, les dirigeants de la province n’obligèrent pas les religieux restés dans les environs à revenir dans la cité, en dépit des demandes formulées en ce sens par les ha-bitants24. Mais ailleurs, les destructions continuaient: les actes du chapitre de 1542 constatent la disparition totale du couvent de Felfalu (totaliter destitutus et

18 Karácsonyi I, 387 et 89-90.19 György, 76.20 EEMH, t. II, 474.21 Kollányi, 51-52, d’après 2e form., fol. 40, 95-95v.22 Kollányi, 70, d’après 2e form., fol. 75.23 Karácsonyi I, 397.24 Voir chapitre précédent.

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ruinatus) – sans préciser il est vrai qui en avait la responsabilité25. S’agissant du couvent de Györgyi, c’est bien du péril ottoman dont il est question lorsque les pères demandent au custode d’Ozora de décider si les frères pouvaient y résider plus longtemps ou non (proptem metum Thurcarum)26. Par la suite, la Transylvanie connut une accalmie jusqu’en 1551, pour les raisons que l’on sait, auxquelles il faudrait ajouter les compromis passés avec le sultan par Jean II de Szapolya (1540-1571). En revanche, la zone tenue par les Turcs resta soumise aux caprices de l’occupant. Leur installation à Esztergom, Tata et Ozora en 1543 provoqua la fermeture immédiate (imposée par la force) des maisons qui s’y trouvaient, puis celle des établissements de Visegrád, Györgyi et Várpalota l’année suivante, abandonnés par précaution et souvent occupés par les soldats de la Porte27. Hedrehely suivit en 1546. A partir du début des années 1550, la “guerre de forteresses” (várháború) que livra le pacha de Buda pour repousser les limites de la zone turque aux abords des monts slovaques, au nord, comme au sud-ouest de la Transdanubie ou encore en direction de l’est, aboutit à de nouvelles disparitions de couvents, désertés à l’annonce des victoires ottoma-nes ou détruits pendant les hostilités (à Csanád, Gyula, Vajdahunyad, Jászbe-rény et Tálad)28.

Combien de couvents observants succombèrent en définitive aux coups des Turcs? La Chronique observante manque parfois de cohérence chronologi-que et géographique à ce sujet et les tables capitulaires pèchent par laconisme. Difficile dans bien des cas de distinguer les couvents réellement détruits par les Ottomans de ceux qui furent évacués de manière préventive, de crainte d’une attaque turque, et ne furent jamais réoccupés ultérieurement. La documentation consultée permet néanmoins d’établir de manière à peu près certaine que, sur un total de trente-trois cou vents disparus, fermés ou abandonnés entre 1526 et 1543, au moins quinze furent irrémédiablement endommagés ou saisis par les Turcs. En y ajoutant ceux qui furent évacués sur ordre des dirigeants pour échap-per au danger ottoman, on arrive à une grosse vingtaine. En d’autres termes, la moitié au moins des disparitions de couvents fut réellement le fait des Turcs, et les deux tiers ont un lien direct avec leur domination ou leur progression sur le sol hongrois.

25 EEMH, II, 498.26 EEMH, II, 499. Voir aussi Karácsonyi I, 402.27 Karácsonyi I, 399 405.28 Sur ces événements tardifs, voir les indications portées dans le Tableau synoptique des

couvents.

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Les frères massacrés ou emmenés en captivité

L’anéantissement des couvents ne signifiait pas nécessairement la mort de tous les frères qui l’habitaient. Ce sinistre scénario semble même avoir été ex-ceptionnel. En effet, il n’y a pas de concordance étroite, tant dans la chronologie que sur le plan spatial, entre les données relatives à la disparition des couvents et celles qui énumèrent les religieux tués par les Ottomans29. Ceci s’explique natu-rellement par la fuite préalable des franciscains à l’approche des armées turques, soit de manière spontanée et anarchique – comme le faisait la population locale –, soit en réponse aux ordres donnés par les dirigeants de la province. Dans un cas comme dans l’autre, ils laissaient sur place un ou deux frères chargés de garder les bâtiments et les objets liturgiques… au péril de leur vie. Nous avons vu qu’à partir des années 1530, les pères assemblés en chapitre provincial décidèrent l’évacuation de nombreux couvents et interdirent le retour des religieux dans les maisons trop exposées. Dans une lettre de 1533, le ministre Martin de Nágócs rappelait aux cus-todes ces dispositions en énumérant précisément quels établissements devraient être abandonnés pour raisons de sécurité et quels étaient ceux qui pouvaient être repeuplés30. Deux ans plus tard, ayant entendu dire que les Turcs préparaient une nouvelle offensive, son successeur Thomas de Pata demandait aux dirigeants des couvents situés sur l’itinéraire des armées ottomanes de déménager en direction de lieux plus sûrs, en suivant les habitants31. Pour faciliter leur départ en catastrophe, les pères autorisèrent les frères à utiliser des chevaux et des voitures – normalement interdits au nom de la pauvreté évangélique. Les pères assemblés à Nagyvárad en 1542 permirent aux religieux des couvents les plus vulnérables (Gyöngyös, Szécsé-ny, Galgóc, Jászberény, Hedrehely et Ozora) d’avoir en permanence deux chevaux et une charrette (currus) dans ce but précis32. Il y eut certes des choix malheureux: certains couvents furent évacués trop tard, d’au tres inutilement. Reconnaissons qu’il n’était guère facile de prendre la bon ne décision, car le danger ne venait pas tant des mouvements de troupes importants – lents et précédés par la rumeur, ils laissaient le temps aux frères de plier bagages – que des petites unités enne-mies qui écumaient les régions qu’ils traversaient de manière totalement imprévi-

29 Voir la septième colonne du Tableau synoptique d’une part, et la liste des victi-mes éditée dans EEMH, II, 310-313 (manuscrit: CsML, fds XII.4, ms a/20, fol. 160-161v), d’autre part.

30 Kollányi, 51-52, d’après 2e form., fol. 40.31 Kollányi, 49, d’après 2e form., fol. 179.32 …propter continuas incursiones Thurcarum, ut possint fratres aufugere in alia loca tutiora cum neces-

sitas eum coget. EEMH, II, 499.

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sible. D’où la tendance des pères à s’en remettre aux custodes, plus proches des couvents concernés et donc plus à même d’estimer la gravité et l’imminence du danger. Si l’on en juge par la diminution du nombre de victimes parmi les frères observants après 1533, ces mesures s’avérèrent globalement efficaces.

La liste des fratres interfecti in provincia Hungaria établie par les frères et consi-gnée à la fin de la Chronique observante est assurément incomplète. Car, en l’ab-sence de registre détaillé par couvent, le scribe ne rapporte ici que ceux des décès qui lui avaient été signalés. Certaines attaques de couvents présentées par la Chro-nique comme meurtrières (à Hedrehely et Pest en 1532, à Várpalota en 153333) n’y laissent pas de trace. Les chiffres ne concordent pas toujours avec ceux de la Chronique elle-même (onze victimes à Sellye en 153234, au lieu de neuf dans l’inventaire cité). La cause du décès, ou plus exactement l’origine des meurtriers, n’est pas toujours précisée. Ces réserves faites, les massacres commis par les Turcs se limitaient manifestement, à l’échelle de la province comme de chaque couvent concerné, à un tout petit nombre de frères. Ils se concentrent grossièrement sur trois ou quatre années: 1526, 1529 et 1532-1533, qui correspondent là encore aux principales offensives ottomanes, aller et retour. Pendant chacune d’elles, on re-cense environ une vingtaine de victimes – sans inclure dans ce total les trois frères morts pendant la bataille de Mohács en 1526, les trois aumôniers militaires de Ferdinand Ier tombés après la défaite de celui-ci en 1529, ou encore ceux qui furent tués par des brigands difficiles à identifier. Ces chiffres confirment l’hypothèse selon laquelle seule une poignée de franciscains réformés étaient demeurés dans les couvents les plus menacés. Géographiquement, les faits étaient très circonscrits. Le couvent de Buda, qui avait le tort de se trouver sur la route de Vienne et dans une ville que les Turcs assiégèrent à plusieurs reprises, paya le tribut le plus lourd: il perdit huit frères en 1526, puis neuf autres en 1529. Il s’agissait d’un établisse-ment populeux (avec 28 occupants en 1535) que ces pertes n’empêchèrent pas de reprendre vie par la suite. Tout près de là, de l’autre côté du Danube, le couvent de Pest, plus petit, fut également touché (quatre victimes en 1526 et d’autres encore en 1532); en 1535, il abritait malgré tout seize religieux. La plupart s’enfuiront seulement à l’ap pro che des Turcs en 1541. Le couvent d’Esztergom, qui pleurait la disparition de trois de ses membres en 1526, était encore un conventus en 1532. Cer-tes, d’autres établissements ne redressèrent jamais la tête après les drames vécus. Várpalota, investi une première fois en 1526, puis à nouveau en 1533, avec mort d’hommes, ne tint pas dix ans. Le couvent de Sellye, totalement décimé en 1532,

33 C[h]ronica, 302; Kollányi, 3-4 49, d’après 2e form., fol. 17 et surtout 88; EEMH, II, 531-532.

34 C[h]ronica, 302.

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demeura désaffecté. Parmi les régions les plus touchées se trouvent la Slavonie (en 1529), bien sûr, mais aussi la Transdanubie, au retour des troupes de Souleiman après leur nouvel échec devant Vienne, en 153335.

Si les meurtres commis par les Turcs n’épargnèrent pas les frères observants, le faible nombre de victimes recensées au total montre qu’ils n’avaient pas (et de loin) l’entière responsabilité de la chute des effectifs. En proportion, les frères observants ne furent guère plus touchés que l’ensemble des habitants. Encoura-gés par la direction de l’ordre, ils s’efforcèrent autant que possible d’échapper aux assaillants. Les données concernant les religieux conduits en captivité vont dans le même sens. Elles n’indiquent que quelques exemples. En 1479, le gardien d’un couvent de Slavonie nommé Benoît de Köveskút raconta, dans une déposition établie en vue d’instruire le procès-verbal de canonisation de Jean de Capestran, comment il avait réussi à se libérer de ses geôliers turcs grâce à l’intervention miraculeuse de ce dernier36. Le risque d’être fait prisonnier par les Ottomans est à nouveau mentionné par le ministre de la province dans une lettre envoyée en 1535: il déclarait que ceux des religieux qui choisissaient de rester dans leur cou-vent menacé étaient voués à devenir captifs des Infidèles37. Le chapitre de 1542 reprend cet argument pour justifier son refus d’envoyer des frères dans la ville de Pest, occupée par les Turcs (ne a Turcis occidantur vel in captivitatem redigantur)38. Mais c’est en 1562 seulement que les sources évoquent des cas en nombre: le ministre s’efforce alors de réunir la somme demandée pour racheter six franciscains tom-bés entre les mains des Ottomans39. N’imaginons donc pas que les membres de la province observante de Hongrie furent des dizaines et des dizaines à finir leurs jours comme esclaves ou fantassins de la Sublime Porte, après avoir embrassé la foi de Mahomet. Trop âgés pour faire de bons janissaires, ils étaient enlevés dans le seul but d’obtenir de leurs supérieurs une belle rançon.

La question des massacres perpétrés par les Turcs sur les frères n’est pas seu-lement quantitative: elle pose le problème de leur cruauté, supposée ou réelle. On sait que le thème revient souvent dans les sources franciscaines de l’époque, repris en écho par les auteurs qui se sont appuyés sur elles pour écrire l’histoire des ob-servants. Dès le milieu des années 1490, le vicaire de Hongrie racontait avec effroi au custode d’Ozora les horreurs commises par les Turcs, qui venaient de décimer six villages du sud du royaume. Étienne de Sopronca parle à leur propos de Crucis

35 Karácsonyi I, 390.36 Karácsonyi I, 349.37 Kollányi, 49, d’après 2e form., fol. 179.38 EEMH, II, 498.39 Karácsonyi I, 420.

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Christi attrocissimi hostes, sevissimi Thurci40. Le ton est le même dans une exhortation rédigée peu après 1514 par l’un de ses successeurs, qui déplore les ravages commis par ces Crucis Christi hostes atrocissimi en Croatie; il demande en conséquence aux frères de la province de prier en versant le plus de larmes possibles pour éloigner le fléau du pays41. Dans une lettre du second formulaire, un frère du couvent d’Ozora – peut-être témoin de violences turques – parle de la “rage des Turcs”42. En 1535, le ministre justifie l’évacuation de certains couvents par le fait qu’ils exercent un “joug tyrannique” sur les populations et cherchent à “passer les habitants par le fil de l’épée”43. Ces formules devenues rapidement des poncifs du discours ecclésias-tique s’alimentaient aussi à la propagande anti-turque que déployait alors Ferdinand de Habsbourg pour affaiblir son rival. Nul doute qu’elle avait marqué les esprits. Ce qui explique aussi la fuite des religieux bien avant l’arrivée des troupes ottoma-nes. Oubliant l’exemple des temps héroïques où l’observance luttait pied à pied en Bosnie contre les orthodoxes et les hérétiques, sans même remonter jusqu’aux compagnons de saint François martyrisés à Marrakech en 1220, les frères de Hon-grie lâchaient rapidement prise pour sauver leur peau.

Les Turcs se rendirent-ils vraiment coupables d’atrocités dépassant, dans l’échelle humaine, les violences qu’engendraient les conflits armés de l’époque? Quand ils pénétraient dans un couvent par surprise, ils n’extermi naient pas d’em-blée la totalité de ses occupants. Sans quoi la liste des victimes eût été infiniment plus longue. A ce titre, le cas de Sellye fait figure d’exception. Certes, il y eut des débordements. Lorsqu’ils reprirent possession de la ville de Szeged en 1552 après un combat acharné, les soldats ottomans massacrèrent les trois derniers hôtes du couvent observant44. Ils ne s’étaient pas montrés plus aimables avec les conven-tuels. Entrés dans la bourgade de Lippa l’année précédente, ils avaient soumis le gardien du couvent franciscain à la torture; le malheureux y laissa cinq dents. Mais il faut préciser que les habitants de la cité, calvinistes pour la plupart, étaient allés raconter aux Turcs que le gardien dissimulait dans son couvent de fabuleux trésors45. Au total, les Turcs ne paraissent pas avoir été particulièrement cruels à

40 …crucis Christi attrocissimi hostes, sevissimi Thurci, terram istam inferiorem, in quibus nunc dego, potenti manu invaserunt, et heu proch dolor sex villas cum omnibus viris, mulieribus, senibus et virginibus, preter quinque mulieres (o flebile dictu) depopulaverunt et abduxerunt, nefandisque suis legibus tradiderunt, et iterum nituntur exire. 1er form., fol. 25v (pj n°2).

41 …et insuper vastam Croatiam terramque adjacentem invaserunt, circum cursitando et depopulando… 1er form., fol. 204-204v.

42 Kollányi, 48, d’après 2e form., fol. 32.43 Kollányi, 49, d’après 2e form., fol. 179.44 Karácsonyi I, 412; II, 163.45 Karácsonyi I, 100; Gy. Szabó, Ferencrendiek, 163.

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l’égard des frères observants, du moins pas plus qu’ils ne l’étaient avec le reste de la population. Loin d’eux l’idée d’éliminer physiquement les religieux au nom du djihâd. Ils cédaient tout bonnement à la cupidité et à la violence désordonnée, exci-tés par le sentiment d’im punité qu’éprouve tout soldat vainqueur en pays conquis, surtout lorsqu’il agit loin du regard de ses chefs.

L’occupant turc: un protecteur?

Depuis plusieurs années déjà, le chapitre provincial conseillait aux custodes et aux gardiens de la province salvatorienne d’évacuer les couvents qui se trou-vaient sous régime ottoman. Qu’elle ait été appliquée ou non, la recommandation montre bien à quel point les dirigeants s’attendaient au pire de la part des nou-veaux maîtres du pays. Dans l’ensemble pourtant, la domination turque ne signa pas l’arrêt de mort des franciscains réformés. Pendant les quelque cent cinquante années de leur présence en Hongrie, ils causèrent moins de dégâts aux établisse-ments qui avaient subsisté que de 1526 à 1541; tout au moins pas de manière aussi brutale46. Comparée à celle des autres belligérants et des bandits de grand chemin, leur responsabilité n’apparaît plus aussi écrasante dans la débâcle de l’observance. Les meurtres de religieux s’espacèrent après 1541. Selon l’inventaire interne, au lieu de dizaines de victimes, on déplora en tout et pour tout la perte de deux frères en 1545 et de trois en 155247. Surtout, en comparant le sort des établissements situés dans la zone administrée par les Turcs à celui des couvents situés en Hongrie royale ou même en Transylvanie (après 1551), il ressort que les premiers ne s’en sortirent pas plus mal que les seconds. Et sur les quatre couvents ayant subsisté au tournant des XVIe et XVIIe siècles, deux se trouvaient en zone turque.

Il est vrai que les frères subirent le régime imposé à tous les chrétiens in-féodés à la Porte: versement d’une capitation spécifique, dont le montant était laissé à l’appréciation du gouverneur local, et livraison de toutes les denrées ali-mentaires demandées; interdiction d’effectuer des travaux d’agrandissement et de construire des bâtiments suppémentaires; interdiction aussi de faire du pro-sélytisme (en faisant sonner les cloches de l’église, en organisant des processions à l’extérieur des bâtiments ou en prêchant en plein air); obligation d’obéir aux représentants du pouvoir ottoman et impossibilité de circuler dans le pays sans autorisation (et donc de quêter librement). On observe cependant qu’après la

46 Cela semble moins vrai des conventuels. Ils perdirent une douzaine de couvents en 1552 puis dans les années suivantes, jusqu’à celui de Győr en 1594, par le fait des Turcs. Karác-sonyi I, 99-100.

47 EEMH, t. II, 312-313.

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fin des opérations de conquête proprement dites, en Hongrie comme en Bosnie peu de temps auparavant, aucun gouverneur (bey ou pacha) et administrateur su-balterne n’ordonna de son propre chef la fermeture d’un couvent ou l’expul sion des frères. Dans l’ensemble, les établissements qui avaient résisté aux destructions et aux abandons ordonnés par la direction dans les années précédentes purent poursuivre leurs activités. Seuls ceux qui avaient une utilité militaire, défensive no-tamment, furent réquisitionnés par l’occupant. Soit dit en passant, les partisans (chrétiens) des Habsbourg n’hési taient pas à faire de même de l’autre côté de la frontière. Les disparitions ultérieures ne devaient rien au pouvoir ottoman; nous en verrons plus loin les raisons. Cette attitude tolérante te nait aux prin cipes généraux du gouvernement turc. Son but n’était pas de transformer la Hongrie centrale en un vaste champ de ruines, mais de maintenir au contraire une certaine forme de paix et de prospérité, afin de pouvoir tirer des habitants de quoi contribuer aux énormes dépenses militaires de l’empire. Autoriser le clergé, séculier ou régulier, à rester sur place contribuait à ralentir le flot des candidats à l’émigration en direc-tion de la Hongrie royale.

Du coup, un modus vivendi s’instaura entre les frères et le pouvoir ottoman. De même que les frères de Bosnie avaient obtenu dès 1463 du sultan Mehmet II des lettres patentes (ahd’nama) leur accordant de pouvoir professer leur foi librement et d’accomplir certains services religieux48, les observants de la zone turque continuè-rent de s’adonner à leurs occupations liturgiques et pastorales. Certains purent même revenir dans les murs qu’ils avaient quittés. Quatre années seulement après que trois des membres du couvent de Szeged eurent été tués par ses soldats (en 1552), le bey du sandjak de Szeged autorisa les frères qui s’étaient enfuis à revenir s’y installer, en réponse à la demande exprimée par les habitants de la ville. Peu après, une com-mission mixte, composée de quatre représentants du pouvoir ottoman et de qua-tre délégués chrétiens, attesta par un document officiel rédigé en turc la possession depuis toujours par les franciscains observants du couvent de la Ville Basse49. Les religieux obtinrent par la suite des dérogations successives pour restaurer les bâti-ments conventuels. Ils furent gratifiés d’un sauf-conduit (salvaguardia) les dispensant d’héberger des troupes dans leur établissement et exemptés de certaines taxes50.

Bien que le ministre de la province réside de l’autre côté de la frontière, les autorités turques n’entravèrent pas directement le fonctionnement des institu-tions provinciales. Elles s’efforcèrent seulement d’en garder le con trôle; car leurs ramifications en pays ennemi suscitait la méfiance naturelle de l’occupant. Pour

48 P. Radelj, Religious Orders in Croatia, 183-184.49 Karácsonyi II, 163-164. 50 Karácsonyi II, 167

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effectuer les tournées de quête, visiter les différents couvents ou se rendre au chapitre provincial, les franciscains devaient impérativement solliciter du repré-sentant du sultan une autorisation spéciale. Ce ne fut pas toujours chose aisée: les frères de Jászberény et de Gyöngyös durent s’y reprendre à plusieurs fois avant de parvenir à faire comprendre au pacha de Buda qu’il leur était indispen-sable de prendre part tous les deux ans au chapitre provincial et de se déplacer régulièrement pour quêter. Ils obtinrent enfin gain de cause en juin 154751. Une fois obtenu, le “passeport” délivré par l’autorité ottomane ne protégeait pas seu-lement les observants des tracasseries des petits fonctionnaires ou des gardes turcs: il leur garantissait aussi l’appui du pouvoir ottoman face aux torts que leur causaient leurs compatriotes, par malhonnêteté ou parce qu’ils étaient passés au protestantisme. En 1543, frère Nicolas, du couvent de Jászberény, se rendit auprès du pacha de Buda, Mehmet, et obtint de lui une lettre de protection ordonnant au maire de la ville, le hongrois Étienne Kopi, de ne plus l’inquiéter à l’avenir. Le document précise que, peu de temps auparavant, le roi Ferdinand avait demandé à ses troupes de protéger les frères de Jászberény et de Gyöngyös; mais celles-ci se trouvaient trop loin pour porter réellement assistance aux religieux52. Dans l’esprit de ces derniers, le pouvoir ottoman, le seul à être reconnu dans la région, ne faisait donc que remplacer le souverain chrétien dans son rôle de responsable suprême de la paix publique! Deux garanties valant mieux qu’une, les frères de Gyöngyös n’hésiteront pas dans les années 1550 à se prémunir dans le camp ad-verse, en faisant appel au Habsbourg53. Pourtant, ils n’eurent guère à se plaindre dans l’ensemble des administrateurs turcs. Le contenu des lettres de sauveté que ces derniers établirent en faveur des franciscains observants tendit à s’élargir au fil des ans. En 1564, 1576 puis 1581, le pacha de Buda autorisait ainsi les frères de Gyöngyös à se déplacer dans tout l’empire ottoman sans être importunés54.

Tout compte fait, l’observance franciscaine semble avoir été moins touchée par les violences turques que les autres ordres monastiques et mendiants présents dans le royaume magyar au début du XVIe siècle. Chez les ermites de saint Paul, par exemple, la date de 1526 marque un tournant décisif: elle vit la destruction de leur centre international, le couvent de Budaszentlőrinc, proche de l’en droit où stationnaient les troupes du sultan, et la disparition en quelques semaines de on ze établissements (sur 63). Par la suite, les prieurés de Transdanubie, de loin les plus

51 Karácsonyi I, 40952 Karácsonyi I, 405; II, 84.53 Karácsonyi II, 61-62.54 Karácsonyi II, 61.

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nombreux, subirent à chaque campagne militaire d’irréparables dégâts (en 1529, 1532, 1541 et 1543) qui provoquèrent le dépeuplement accéléré des monastères55. Les couvents d’ermites de saint Augustin se vidèrent rapidement à l’approche des Turcs, de même que près des deux tiers des établissements dominicains56.

Chez les observants, protégés en quelque sorte par la taille modeste de leurs couvents et leur dénuement relatif, les destructions et les massacres causés par les Turcs demeurèrent très limités dans le temps et dans l’espace. Ils ne dépassaient pas l’échelle ce que l’ensemble de la population hongroise vécut à cette période: des drames épouvantables, certes, mais aussi des arrangements qui, une fois les mou vements de troupes terminés, finirent par rendre la vie supportable, bien plus supportable en tous cas qu’on ne l’avait imaginé. Cette réalité longtemps occultée en dévoile une autre: le rôle joué par des personnages au moins aussi dangereux que les soldats turcs, à savoir les combattants des armées adverses et les cohortes de brigands qui, anciens soldats eux-mêmes ou vulgaires amateurs de larcins, pro-fitaient de la situation pour imposer leur loi.

II. Les autres coupables

L’image de terreur et de cruauté associée aux Turcs dans la littérature ecclé-siastique ne doit pas faire oublier la part de responsabilité de tous ceux qui, dans les années qui suivirent la défaite de Mohács, nuisirent terriblement à la province salvatorienne de Hongrie, en employant des méthodes aussi brutales que les sol-dats de la Porte. La liste des frères assassinés qui clôt l’une des versions de la Chronique observante, celle que Ferenc Toldy a éditée, précise dans la plupart des cas l’origine du (ou des) meurtrier(s). Si les Ottomans sont en majorité en 1526 et en 1532, des chrétiens leur font concurrence à partir du début des années 1530, et leur effectif ne cesse de croître dans les années suivantes. Alors que deux des treize victimes recensées en 1532 étaient mortes par leur faute, ils avaient provo-qué le décès de quatre des cinq frères observants de Hongrie disparus en 1545, et de tous ceux qui furent tués en 1553 et 156357. De qui s’agit-il exactement et pourquoi s’en prirent-ils aux religieux?

55 Comme le rappelle Ferenc Hervay dans A magyarországi kolostorok, 186.56 Bilan chiffré dans F. Hervay, A magyarországi kolostorok, 189.57 C[h]ronica, 312-313.

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Les “Allemands”

La liste précédemment évoquée, mais aussi le texte central de la Chronique et plusieurs lettres du second formulaire mettent en cause deux catégories de coupables: les “Allemands” d’une part, et les brigands – quelle qu’ait été leur ap-partenance ethnique ou religieuse – d’autre part.

Les Alemani mentionnés par ces sources ne sont autres que les soldats alle-mands, autrichiens mais aussi espagnols de celui qui se présentait officiellement comme le défenseur de la foi chrétienne contre l’assaut des Infidèles: Ferdinand de Habsbourg. Eux aussi commirent pillages et assassinats en pagaille, tant sur la personne des clercs que dans le reste de la population. Là encore, il ne s’agissait pas, sauf exception, d’opérations régulières, planifiées et contrôlées par les chefs, mais d’actions isolées menées par de petits détachements qui profitaient de leur passage dans cette terre étrangère pour accroître leur trésor de guerre. En 1528 par exemple, l’un des capitaines de Ferdinand saccageait, sans en avertir celui-ci, le couvent de Nyirbátor58. On note à ce propos que le frère d’Ozora, qui écrit en 1533, place exactement sur le même plan la “rage des Turcs” et les “pillages allemands”59. C’est dire si les méthodes de la soldatesque autrichienne n’avaient rien à envier à celles des bandes ottomanes.

Ailleurs, les couvents furent simplement victimes, comme les bâtiments qui les entouraient, des destructions ayant affecté toute la localité dans laquelle ils se trouvaient. Tel fut le cas à Kőröshegy en 1533 – dont le couvent prit feu au cours de l’offensive menée par le capitaine Louis Pekry contre les Bátor –, puis à Szőllős, dont le couvent fut totalement détruit en 1557 pendant le siège de la ville par les troupes de Ferdinand Ier 60. Les établissements situés sur la ligne de front entre les trois belligérants pâtirent tout particulièrement des effets collatéraux de la guerre, comme le souligne une lettre du second formulaire. Observons qu’une fois de plus, son auteur s’estime aussi menacé par les destructions allemandes aux frontières que par les pillages des Turcs. Il les range tous parmi les malheurs dont il aimerait tant être délivré61. Les balles perdues – en l’occurrence, des boulets de canon – n’épargnèrent pas les religieux. Le père Antoine de Szentlászló mourut percuté par un projectile de guerre (ictu bombardae) pendant le siège de Buda par Ferdinand de Habsbourg, sans doute en novembre 153062. Il est fort probable

58 Karácsonyi I, 387.59 Kollányi, 48, d’après 2e form., fol. 32.60 Karácsonyi I, 397 415.61 Kollányi, 48-49, d’après 2e form., fol. 36v.62 C[h]ronica, 311, avec une erreur de datation: “1528”, rétablie dans Karácsonyi I, 387.

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aussi que les franciscains observants furent partiellement victimes de l’épidémie qui ravagea l’armée de Ferdinand pendant le siège d’Esztergom en 1530. L’auteur de la Chronique rapporte que plus de quatre cents soldats espagnols auraient été enterrés dans le cimetière des franciscains de la ville63.

A l’instar d’autres communautés religieuses, les observants furent soumis à des réquisitions autoritaires. Elles affectaient leurs maigres stocks de vivres, au risque d’affamer les frères, et concernaient aussi les bâtiments, ce qui les mettait à la rue du jour au lendemain. Une lettre du second formulaire, dans laquelle le gardien d’un couvent (non nommé) supplie le ministre provincial de lui fournir une aide alimentaire, montre l’ampleur de ces ponctions. Des soldats allemands étaient passés plusieurs fois dans son couvent, par groupes de cent, quatre-vingt, cinquante ou quarante individus, en exigeant de recevoir sur le champ du pain, du fromage et du vin; du coup, leur garde-manger était totalement vide64.

Il y avait plus inquiétant. On relève des actions ciblées visant délibérément les frères – pour des raisons politiques plutôt que religieuses. Dès 1526, on l’a vu, des dignitaires observants avait choisi de soutenir Jean de Szapolya. Le capitaine Kaczianer, qui commandait l’armée de fantassins de Ferdinand (les Lanczkeneth, forme hungarisée de l’allemand “Landsknecht”) dans le nord du pays, se livra alors à une véritable campagne de représailles. Pendant sa progression en direc-tion de Kassa et de Liptó au cours de l’été 1527, il laissa ses hommes saccager de fond en comble le couvent d’Okolicsnó. Quelques mois plus tard, en mars 1528, en route pour Szepesvár (Spissky Hrad), ceux-ci mettaient le feu au couvent voisin de Homonna65. L’auteur de la Chronique observante fustige leur brutalité envers les frères, les autres membres du clergé et la population environnante66.

Les dommages causés par les “Allemands” se limitaient géographiquement aux secteurs du bassin des Carpates où les troupes du Habsbourg purent se dé-ployer à leur aise: l’ouest de la Transdanubie mais surtout le nord du royaume, autrement dit l’actuelle Slovaquie, jusqu’à la frontière polonaise, au nord-est. Dans une lettre du second formulaire, un frère d’Ozora rapporte que les “Allemands” ont pour ainsi dire anéanti la custodie observante de Sárospatak67. De fait, la fermeture de plusieurs couvents de cette région est directement liée aux campa-gnes autrichiennes menées sur place. Celui de Sóvár, par exemple, officiellement

63 C[h]ronica, 300. Voir aussi Karácsonyi I, 388.64 Kollányi, 64-65, d’après 2e form., fol. 15.65 Karácsonyi I, 387. Source: C[h]ronica, 300.66 …quidam Cocianus nomine, homo crudelis (…) multa mala et pericula tam in ecclesiasticis, quam in

religiosis domibus, et in communi populo patratus est. C[h]ronica, 300.67 Kollányi, 48, d’après le 2e form., fol. 32.

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abandonné en 153768, avait été détruit l’année précédente, lors du siège de la ville par les troupes de Ferdinand, qui venaient d’investir Na gy sáros (Veľkŷ Šariš, en Slovaquie) en 1536 et marchaient sur Eperjes (Prešov) 69.

Même si l’on ne peut parler de politique délibérément hostile de la part du Habsbourg ou de ses agents, l’accumulation de ces actes de violence causa de regrettables dégâts dans la province salvatorienne. On comprend le peu d’en-thousiasme que manifestaient les frères observants lorsque Ferdinand rempor-tait une victoire face à Szapolya ou même contre les Turcs. Au début des années 1530, un membre du couvent d’Ozora notait avec résignation l’arrivée immi-nente du roi Jean Ier dans la région; non par méfiance à l’égard de celui-ci mais parce que, selon la rumeur, il aurait promis de défendre les habitants d’origine allemande contre les Turcs, et que le Habsbourg risquait de réagir vigoureuse-ment à cette nouvelle provocation70. Il faut y ajouter l’impuissance de Ferdinand à faire régner l’ordre public dans les territoires qu’il contrôlait. Incapable de réfréner ses propres soldats, il ne réussit même pas à empêcher les brigands et les protestants d’attaquer les religieux. Car l’empereur eut longtemps une po-sition équivoque en matière confessionnelle. Pour ne pas perdre le soutien de ceux des magnats hongrois qui avaient adhéré à la Réformation, Ferdinand Ier les laissa expulser sans ménagement les franciscains dont le couvent se trouvait sur leurs terres71.

Les brigands et l’insécurité générale

Les sources franciscaines mentionnent également d’autres adversaires de l’observance non musulmans: les “Valaques” (Valachi) d’une part, c’est-à-dire les habitants (roumains) de la principauté de Valachie, et les Ruthènes (Rutheni). En 1532, les premiers auraient assassiné un prêtre, Michel de Szőllős, dans la région de Szilágy, les seconds un frêre nommé Nicolas de Zraz, provenant sans doute du même couvent ou d’un établissement voisin72. Cette indication tendrait à prouver que les populations orthodoxes vivant à proximité de la frontière hongroise, au nord-est comme au sud-est, n’appréciaient guère les membres de l’observance. Selon l’historiographie traditionnelle, ils ne leur pardonnaient pas les missions de conversion organisées sur le versant oriental des Carpates à partir de cou-

68 EEMH, II, 489.69 Karácsonyi I, 397.70 Kollányi, 48, d’après 2e form., fol. 31.71 Voir chapitre suivant.72 C[h]ronica, 312. Voir aussi Karácsonyi I, 390-391

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vents situés en Hongrie dès le règne de Louis le Grand, au XIVe siècle. Ce n’est pas impossible. Mais leurs crimes avaient peut-être aussi des mobiles politiques. Le voïvode de Valachie n’était-il pas devenu le vassal du sultan? Cela faisait des Hongrois de nouveaux ennemis. A vrai dire, les relations entre les deux peuples avaient toujours été tendues, et c’est contraints et forcés que les Valaques étaient restés dans l’alliance hongroise pendant des siècles. Peut-être le continuateur de Blaise de Szalka fait-il seulement allusion ici à des actes de brigandage isolés, commis par des hommes qui n’avaient plus aucun mal à franchir la frontière, dans le contexte de confusion et d’anarchie qui caractérisait le bassin des Carpa-tes depuis Mohács.

Les soldats autrichiens, les Roumains et leur voisins slaves n’avaient pas l’apanage de ce genre de forfaits. Les documents parlent également de Hungaros coupables de meurtres et de pillages, et plus précisément de latrones Hungarorum, ou encore de latrones tout court73. Dès 1529, ils s’illustraient par deux massacres de religieux dans les contratae du couvent de Galgóc74. En 1530, aussitôt après le retrait des Turcs, deux frères furent victimes de brigands hongrois dans la région d’Esztergom, tandis qu’un autre était assassiné plus au nord, à l’intérieur du comi-tat de Liptó, dans des circonstances analogues75. En 1546, le chapitre provincial déplorait la perte de trois frères tués par des bandits l’année précédente, à Uz-saszentlélek et près d’Ozora76. De nombreux documents du second formulaire témoignent de la fréquence des attaques de malfaiteurs à l’encontre des établis-sements observants. Les frères convers (laici) et les gérants laïcs des couvents (confratres) étaient particulièrement exposés, puisqu’ils acheminaient les denrées nécessaires à l’alimentation et à l’habillement des frères jusqu’aux couvents. Sur-tout s’ils traversaient une forêt ou voyageaient de nuit. Dans les années 1530, le confrater d’un couvent fut attaqué nuitamment par plusieurs “hommes mauvais”, alors qu’il transportait du poisson destiné à cet établissement en prévision du Carême; ses chevaux lui furent volés par la même occasion77. En 1545, le convers d’Uzsaszentlélek nommé Pierre de Merenye mourut tué par des brigands en pleine nuit (nocte)78.

L’ensemble des dégâts matériels et humains commis par les brigands de tous bords est évidemment impossible à quantifier. Une chose est sûre: ils perturbaient

73 C[h]ronica, 312.74 C[h]ronica, 312.75 EEMH, II, 532. Voir aussi Karácsonyi I, 388.76 EEMH, II, 533. Voir aussi Karácsonyi I, 409.77 Kollányi, 69, d’après 2e form., fol. 228v.78 EEMH, II, 312.

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gravement la vie des couvents et, de manière plus générale (on le verra bientôt), le fonctionnement de la province. Sachant que, même derrière leurs murs, les religieux n’étaient plus en sécurité, comment les obliger à se rendre au chapitre ou à effectuer les tournées d’inspection? C’est dans cet esprit que les pères autorisèrent le ministre provincial à effectuer ses visites in curru en 153379 puis en 154880. La permission de conserver charrettes et montures accordée à certains établissements proches de la frontière exprimait la même préoccupation. Terminons ce paragraphe par un épisode qui illustre bien les difficultés de circulation à l’intérieur de la province. Un frère raconte à un autre dans les années 1530 comment s’était déroulé son précédent voyage en Italie. Au total, il s’était trouvé en danger de mort à sept reprises, mais Dieu, dans sa grande miséricorde, l’avait protégé, lui et son compagnon. Il précise qu’à son arrivée en Hongrie, il avait pris soin d’éviter les custodies réputées périlleu-ses. Devant se rendre au couvent de Szántó (au nord-est du royaume), il avait choisi de passer par la route de Zala (à l’ouest de la Transdanubie)81; sans doute afin d’évi-ter l’axe danubien, fréquenté par toutes les armées présentes sur le sol hongrois. Il s’efforça aussi de rester en Hongrie royale pendant tout le voyage, pour ne pas avoir à franchir de frontière. Moyennant quoi il était arrivé à bon port.

Dans les zones les plus instables, celles où tout déplacement mettait en jeu la vie des frères, les dirigeants renoncèrent à maintenir des permanents. Le minis-tre provincial citait en 1533 à un custode, parmi les conditions impératives qu’il fallait poser au retour des religieux dans leur couvent détruit ou abandonné, le degré de sécurité dans la région82. Le chapitre assemblé en 1542 exigea des sei-gneurs souhaitant fonder de nouveaux établissements qu’ils s’engagent à assurer la protection physique de leurs pensionnaires contre d’éventuels agresseurs, dans et hors du cloître83.

Qui, des Turcs, des Habsbourgs ou des bandits indigènes causa en fin de compte le plus de torts à la province salvatorienne dans la première moitié du XVIe siècle? Nul ne peut le dire. Les Turcs semblent avoir donné le premier assaut; les autres ont accompli un lent travail de sape, moins spectaculaire mais proba-blement aussi destructeur à long terme. La transformation du royaume de saint

79 EEMH, II, 474. Voir aussi Kollányi, 60; Karácsonyi I, 391.80 EEMH, II, 511. Voir aussi Kollányi, 60.81 Kollányi, 88-89, d’après 2e form., fol. 34.82 Kollányi, 51-52, d’après 2e form., fol. 40.83 EEMH, II, 503-504. Précisons qu’il s’agissait, dans ce texte, de les protéger des luthé-

riens.

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Étienne en théâtre d’affrontement ininterrompu entre les puissances rivales de la région précipita sans aucun doute le repli observant.

III. Les misères de la guerre

Pour appréhender les effets dramatiques qu’eurent ces conflits armés sur la vie des franciscains réformés, on peut distinguer trois plans: institutionnel, écono-mique et psychologique. A chaque niveau de décision, les frères s’efforcèrent de réagir. Mais comment lutter dans un environnement aussi hostile?

La désorganisation des cadres de la province

Guerres incessantes, instabilité politique, brigandage et insécurité affectè-rent très sérieusement le fonctionnement de la province salvatorienne après 1526. Dans le temps, comme dans l’espace. Pour fixer le calendrier des chapitres, il fal-lait désormais tenir compte de la situation militaire et tirer parti des rares périodes de trêve. Les conventuels le comprirent avant les observants: ils profitèrent de la paix signée en 1532 entre Ferdinand Ier, Jean de Szapolya et le sultan Souleiman pour se réunir à Nagyvárad, en 153384. Tandis que les observants annulèrent en catastrophe le chapitre qui aurait dû s’ouvrir à Jászberény au printemps 1541, pour cause d’invasion turque. Ils durent attendre février 1542 pour tenir leur as-semblée; ils choisirent cette fois un lieu plus sûr, Nagyvárad85.

On sait l’importance qu’avait la libre circulation des frères dans les institu-tions provinciales. L’insécurité, qui rendait tout déplacement hasardeux, perdura après la stabilisation relative des fronts, vers 1542. La province salvatorienne recouvrant désormais des régions soumises à des souverains différents, dont les frontières ne correspondaient pas toujours aux limites des custodies, celui qui voulait passer de l’une à l’autre pour visiter les couvents de sa custodie ou de sa province, ou pour se rendre au chapitre provincial, devait accomplir un véri-table parcours du combattant. Il devait solliciter de l’autorité de chaque région extérieure une autorisation spéciale, laquelle n’était accordée qu’avec parcimonie. Comme chez les conventuels86, ces obstacles engendrèrent un fort taux d’absen-téisme aux assemblées provinciales. Trois custodes (sur neuf) ne purent rejoindre les pères convoqués à Buda en 1539 et à Nagyvárad en 1542, faute d’avoir obtenu

84 Karácsonyi I, 92.85 Karácsonyi I, 399-400.86 Karácsonyi I, 90-91 95.

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à temps un sauf-conduit87. Par ailleurs, lorsqu’un dignitaire de l’ordre prenait trop ouvertement parti pour tel ou tel souverain, ses choix personnels cantonnaient sa marge de manœuvre à la région contrôlée par celui qu’il avait reconnu roi. Ainsi, le ministre élu en 1542, Martin de Nágócs, partisan de Jean de Szápolya, ne pou-vait-il plus aller en Hongrie royale pour effectuer ses visites. Il chargea donc le gardien du couvent de Pápa d’inspecter en son nom les couvents des custodies d’Uzsaszentlélek, Ozora et Slavonie, dominés par le Habsbourg88. Le choix du lieu où se tenaient les chapitres provinciaux, assez libre dans les années précédentes, se restreignit pour les mêmes raisons. Il devait rester dans les limites des secteurs tenus par Jean de Szapolya. Ce fut très souvent Nagyvárad (de manière continue de 1542 à 1552), favorisée comme on sait par la présence sur place d’un évêque bienveillant – puis Szőllős en 1554. A tel point que le couvent de Nagyvárad faisait figure de centre de la branche observante du franciscanisme au milieu du XVIe siècle. C’est seulement à partir de la fin des années 1560 que, pour les raisons politiques évoquées plus haut (en particulier la dissolution des couvents de Tran-sylvanie ordonnée en 1554), le siège des chapitres provinciaux bascula de nouveau en Hongrie royale, notamment à Szakolca. Une paix provisoire et la clémence du sultan permettront même de tenir le chapitre de 1581 en pleine Hongrie turque, à Gyöngyös.

Persuadés (comme tous les Hongrois) de ce que la situation qu’ils vivaient ne durerait pas, les dirigeants franciscains s’efforcèrent de maintenir coûte que coûte l’unité et la stabilité de la province. L’évacuation des couvents à l’ap proche des armées ennemies risquait de multiplier le nombre des gyrovagues; d’où les efforts des responsables pour canaliser ces départs et, partout où cela était pos-sible, faire revenir les frères dans leur établissement d’origine. Pas question non plus pour eux d’abandonner à leur sort les frères les plus éloignés du nouveau centre de la province: ils continuaient d’élire leur gardien en chapitre tous les deux ans – comme le montrent les tabulae – et de correspondre avec eux. Les liens épistolaires entre les frères semblent encore très nourris dans les années 1530, à en juger par le volume et la variété des lettres copiées dans le second formulaire. Mais beaucoup n’arrivèrent sans doute jamais à destination. C’est ce que tend à prouver un document concernant les conventuels, où l’on apprend que quatre missives envoyées à des dignitaires franciscains furent confisquées par les agents de Ferdinand de Habsbourg, qui voyaient en elles des écrits séditieux émanant de dangereux partisans de Jean de Szapolya89!

87 Karácsonyi I, 398 401.88 Karácsonyi I, 402.89 Karácsonyi I, 95.

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L’asphyxie matérielle des couvents

Les mouvements de troupes, ajoutés aux réquisitions et à la prolifération des malfaiteurs, ne firent qu’aggraver le marasme économique que connaissait le royaume depuis le début du XVIe siècle. Il mettait en péril la survie des couvents mendiants, surtout lorsque, comme chez la plupart des franciscains observants, ils ne disposaient d’aucun revenu fixe. Il convient certes de manier les sources avec circonspection ; car les auteurs des documents parvenus jusqu’à nous – prin-cipalement les lettres copiées dans le second formulaire par lesquelles les frères, les gardiens et les custodes, réclamaient du secours – n’hé sitaient pas à noircir le tableau pour obtenir satisfaction. Les indices convergent malgré tout dans le sens d’une grave pénurie matérielle des couvents hongrois dans les années 1530. L’occurrence répétitive de modèles de let tres demandant des vivres et des vête-ments dans le second formulaire – quasiment absents du recueil de la décennie précédente – montre que les situations décrites correspondaient effectivement à la réalité quotidienne.

Au grand désespoir des gardiens et des confratres chargés de gérer les revenus conventuels, les caisses des couvents étaient vides. Les gardiens se plaignaient dans les années 1530 de n’avoir pas suffisamment de liquidités pour acheter une aune de toile ou de petit-gris90. Les custodes, qui supervisaient par vocation les ressources les plus importantes de leur circonscription, n’avaient pas un sou de-vant eux. Une lettre du second formulaire rédigée par l’un d’eux supplie un autre custode de lui envoyer quelques aunes de petit-gris pour doubler les frocs des frères de sa custodie; il l’assure qu’il le paiera cinq florins… qu’il n’a pas, mais qu’il compte emprunter au confrater de son couvent91. Impossible donc de faire face aux dépenses urgentes ou de première nécessité, à moins d’avoir recours à des expédients discutables. Le ministre réprimanda en 1542 Démétrius de Csát, ancien custode de Sárospatak, pour avoir mis en gage le calice de son église afin de subvenir aux besoins alimentaires des hôtes du couvent de Vámos92.

Certains franciscains se trouvaient même au bord de la famine. “Mon gar-de-manger est totalement vide”, écrit un gardien dans les années 153093. “Je ne peux rien t’offrir, sinon quelques pommes ou poires avariées”, déclare un frère à un autre; il ajoute que son couvent traverse une telle misère que les frères y vivent comme des ermites, emplissant leur couvent de prières et de culte divin,

90 Kollányi, 65-67, d’après 2e form., fol. 10v, 19.91 Kollányi, 44, d’après 2e form., fol. 22.92 EEMH, II, 499. Voir aussi Karácsonyi I, 404; Kollányi, 64.93 Kollányi, 64-65, d’après 2e form., fol. 15.

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à défaut de pouvoir remplir leur estomac94. Partout, on manquait de poisson, puisqu’on ne pouvait ni en acheter, ni en attraper – les frères n’avaient plus de filets en état95. Ce qui, entre autres inconvénients, rendait aléatoire le respect de l’absti nence liturgique, pendant le Carême en particulier. Un gardien implora le ministre de lui fournir du pain, car il n’en avait pas assez pour nourrir les frères de son couvent96. On manquait aussi de vin, selon les nombreuses plaintes adres-sées par les gardiens à leur custode dans les années 1530. N’en ayant plus une goutte, les membres du couvent de Nagyvárad durent rationner strictement leur consommation de bière97. Parmi les conditions posées au retour des franciscains par le ministre provincial en 1533, la première qu’il mentionne concerne leur sub-sistance alimentaire. Ceux-ci ne pourront revenir ou rester dans leurs couvents que s’ils ont la certitude de disposer de suffisamment de vivres pour manger à leur faim98. On retrouve des exigences similaires dans la liste établie en 1544 par le chapitre à l’intention de Loup Bethlen99. Certes, dans les couvents mieux lotis, les frères pouvaient s’offrir le luxe de veiller à leur embonpoint. Le second for-mulaire reproduit deux lettres dans lesquelles des religieux en remercient d’autres pour les volailles et autres aliments carnés qu’ils leur ont fait parvenir, mais en leur demandant de leur envoyer plutôt des fruits à l’avenir, car “plus le corps est épais, plus l’esprit est paresseux”100.

Trouver du tissu pour tailler de nouveaux frocs et rapiécer les anciens rele-vait de l’exploit. Un frère se plaignit à son supérieur de n’avoir ni froc ni coule, et d’être pour ainsi dire nu!101. Un autre écrit que son habit ne tient même plus sur lui, tellement il est usé, et qu’il a perdu sa doublure fourrée102. Plutôt que de s’aventurer sur les marchés hongrois, les dirigeants autorisèrent les religieux à se rendre en Allemagne pour se procurer les étoffes indispensables103. L’ap-provisionnement en petit-gris semble avoir posé d’inextricables problèmes; par manque de liquidités, mais aussi et surtout parce que les conflits et le brigandage empêchaient les frères d’accéder aux marchés fournisseurs de fourrure. D’où des

94 Kollányi, 93, d’après 2e form., fol. 54v.95 Kollányi, 68, d’après 2e form., fol. 8, 209v.96 Kollányi, 64-65, d’après 2e form., fol. 15.97 Kollányi, 67, d’après 2e form., fol. 16.98 Kollányi, 51-52, d’après 2e form., fol. 40.99 Voir infra.100 Kollányi, 93, d’après 2e form., fol. 85.101 Kollányi, 45, d’après 2e form., fol. 20.102 Kollányi, 44, d’après 2e form., fol. 22.103 Kollányi, 43, d’après 2e form., fol. 238.

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retards prolongés dans la livraison de la précieuse marchandise aux couvents104. Les pères assemblés à Gyöngyös en 1535 interdirent aux religieux de fréquenter les marchés habituels et leurs demandèrent de s’approvisionner uniquement dans ceux, jugés plus sûrs, de la custodie de Szécsény, pour les couvents de l’ouest du pays, et à Lőcse pour les autres105. Cette solution avait malgré tout l’inconvénient d’obliger les frères des couvents les plus éloignés à se lancer dans de longs et périlleux voyages. Privés de doublure fourrée, les religieux se résolurent à avoir froid. D’autant que les couvertures aussi manquaient. Le gardien du couvent de Pest supplia le custode d’Esztergom de lui prêter dix florins pour qu’il puisse enfin équiper les lits de son couvent en couvertures, dont ils étaient totalement dépourvus106. Par manque de matière première (cuir et bois), les frères marchaient dans des sandales trop petites. Un responsable dut préciser au frère du couvent d’Ozora chargé de confectionner une paire de sandales légères de faire en sorte qu’elles ne soient ni trop courtes, ni trop étroites107.

Églises et bâtiments communautaires, quand ils n’avaient pas été détruits, se détérioraient rapidement, puisque les frères n’avaient plus les moyens de les entretenir. La population ne leur procurait plus, comme autrefois, les matériaux nécessaires. Des religieux demandèrent à leur custode de les approvisionner d’ur-gence en tuiles pour qu’ils puissent refaire la toiture de leur couvent; elle était si endommagée qu’ils ne pouvaient repousser les travaux à une date ultérieure108. Voici comment les frères du couvent de Pest décrivaient leur établissement dans les années 1530. Dans l’église, le vent et la grêle avaient fini par faire tomber la toiture du choeur et la grande croix de l’arc de triomphe, et par briser les vitres; la pluie et la neige entraient donc à loisir dans la maison de Dieu. Le toit du cloître était si vétuste qu’à chaque pluie, les frères étaient chassés de leur cellule par des chutes d’eau109. A en croire la lettre que ses membres adressèrent au roi en 1531, le couvent de Visegrád était exactement dans le même état110. On relève certes quelques contre-exemples. En 1531, on reconstruisait en pierres et en briques le réfectoire et la cuisine du couvent de Nyírbátor, pendant que le couvent de Gyula s’équipait d’un orgue111. Deux ans plus tard, les frères de Szalárd se faisaient bâtir

104 Kollányi, 43-44, d’après 2e form., fol. 20 22 73.105 Kollányi, 43.106 Kollányi, 46, d’après 2e form., fol. 18.107 Kollányi, 45, d’après 2e form., fol. 36.108 Kollányi, 69, d’après 2e form., fol. 231v.109 Kollányi, 5 71, d’après 2e form., p. 216.110 Kollányi, 70-71, d’après 2e form., fol. 212v.111 EEMH, II, 469. Voir aussi Kollányi, 54.

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une nouvelle infirmaria, composée de trois pièces, et aménageaient une bibliothè-que dans l’an cien ne infirmerie112. En 1548, les religieux de Kolozsvár firent refaire la toiture de leur égli se113. Notons que ces couvents épargnés par la conjuncture se trouvent au nord et au nord-est de la Grande Plaine ou en Transylvanie, tandis que les plaintes concernant l’état des bâtiments et la pénurie alimentaire, lorsque l’on peut les localiser, émanent généralement de couvents situés en Hongrie occi-dentale ou septentrionale.

Comment expliquer ces difficultés? Revenons un instant aux moyens de sub-sistance des frères. Sans liberté de mouvement, les quêtes devenaient pratiquement impossibles. Il fallut, pour les effectuer dans des conditions acceptables, diminuer le rayon des contratae… au risque de réduire d’autant le produit des aumônes. La fusion avec les conventuels, entérinée en 1523 de manière définitive, avait porté préjudice aux observants sur ce terrain: en vertu du principe selon lequel tous les fils de saint François appartenaient désormais au même ordre, il fut interdit aux observants de prêcher, confesser et quêter là où se trouvaient des couvents de l’autre branche114. Et en 1529, le chapitre général de Parme donna raison aux conventuels qui se plaignaient du non respect de ces clauses par les observants; il mit en place une sorte de partage, prévoyant par exemple que les observants ne prêcheraient plus qu’un an sur deux à Székesfehérvár, Presbourg, Debrecen ou encore Szeged115.

De leur côté, les curés de paroisse continuaient à discréditer les frères auprès des fidèles; il faut dire qu’eux aussi avaient du mal à joindre les deux bouts. Ce n’est pas par hasard que le ministre de la province salvatorienne fit transcrire en 1522 puis en 1524, à la demande du custode d’Esztergom et du gardien de Pest, la bulle Exponi nobis fecerunt de Léon X du 3 décembre 1518 concernant le droit pour les frères mineurs de recevoir aumônes et offrandes (oblationes), de confesser et d’en-terrer des fidèles dans leur couvent116. Les observants ne cessaient de dénoncer dans les années 1530 les vexations que leur causaient les prêtres paroissiaux, qui les empêchaient régulièrement de collecter des aumônes et les humiliaient devant leurs ouailles117. Très vite, faute d’appuis suffisants, les religieux durent céder. En 1533, le chapitre provincial révisa les termes de l’ac cord qui liait les franciscains

112 EEMH, II, 473. Voir aussi Kollányi, 54.113 EEMH, II, 510. Kollányi, 54.114 Karácsonyi I, 87-88.115 Karácsonyi I, 89.116 Karácsonyi I, 381 383. Sources: MFL, fds I, ms CI; CsML, bullaire de Szeged, 50-52;

MFL, fds I, ms CV, CVI.117 Kollányi, 77-78, d’après 2e form., fol. 206.

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aux curés de la ville de Kolozsvár à propos des sépultures. Dorénavant, pour les laïcs ayant formulé le vœu d’être ensevelis chez les frères, on bénirait d’abord le cercueil dans l’église paroissiale dont dépendait le défunt, avant la cérémonie de funérailles dans l’église observante puis l’enter rement118. Là encore, il avait fallu partager.

Les tracas dans lesquels se débattait la population environnante ne l’inci-taient guère à se montrer généreuse envers les fils de saint François; sans parler de la diffusion du protestantisme, qui ôta aux mendiants nombre de leurs bienfai-teurs à partir des années 1530 et plus encore après 1540. Jusqu’en 1541 en effet, les frères expliquent la maigreur des dons obtenus des habitants par leur pau-vreté. De nombreuses lettres copiées dans le second formulaire présentent celle-ci comme la principale cause des difficultés matérielles des religieux, bien avant la propagation du luthéranisme. Les frères de Visegrád invoquent la misère des gens qui les entourent, avant leur manque de foi, pour rendre compte du faible produit des quêtes119. Dans les années 1530, le gardien d’un autre couvent constate que la population alentour meurt de faim; inutile par conséquent d’en attendre des aumônes120. Les Turcs ayant tout détruit, lit-on ailleurs, les habitants n’ont plus rien à manger et… les frères non plus.

On ne s’étonnera pas dans ces conditions de la diminution des ressources tirées de la mendicité, qui demeurait le principal moyen pour les franciscains ré-formés de subvenir à leurs besoins. Un gardien déclare d’un ton catégorique dans les années 1530 qu’il ne faut plus compter sur le produit des quêtes pour nourrir les religieux121. Les membres du couvent de Visegrád se plaignirent à l’évêque de Vác de ce qu’ils recevaient très peu d’aumônes122. Les dons en espèces, en cette période de pénurie, se firent particulièrement rares: plusieurs gardiens écrivaient que plus personne ne gratifiait leur établissement de sommes d’argent123. Or les aumônes en nature ne suffisaient plus: les frères de Fülek en obtenaient si peu qu’ils n’avaient ni vin, ni grains, ni poisson, ni huile124.

118 EEMH, II, 473-474; Karácsonyi I, 391; Kollányi, 77.119 Kollányi, 66, d’après 2e form., fol. 207v.120 Kollányi, 64-65, d’après 2e form., fol. 15.121 Kollányi, 64-65, d’après 2e form., fol. 15.122 Kollányi, 66, d’après 2e form., fol. 207v.123 Kollányi, 65-67, d’après 2e form., fol. 10v, 19.124 Kollányi, 68, d’après 2e form., fol. 230.

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Remèdes et expédients

Les dirigeants s’efforcèrent de trouver des solutions pour remédier à cette situation alarmante. Cherchant l’argent là où il se trouvait, ils rappelèrent fer-mement à leurs devoirs les protecteurs traditionnels des couvents. Les nobles voyaient eux aussi leurs revenus s’effondrer; ils avaient donc tendance, ainsi que le précédent chapitre l’a montré, à négliger leurs obligations de patrons et la tra-dition de prodigalité de leurs ancêtres. Au lieu d’aider les religieux, ils laissaient églises et couvents se délabrer et n’écoutaient guère les supplications que leur adressaient leurs occupants. C’est pourquoi le chapitre de Nagyvárad posa en 1544 de très sévères conditions matérielles à la fondation de nouveaux couvents par des laïcs. Désormais, le patronus devrait constituer un stock initial de vivres et de bétail, de manière à garantir aux frères une totale sécurité alimentaire dans les premiers temps de leur installation: du vin (trois tonneaux), du blé (32 mesures), quatre boeufs de boucherie, six vaches, trente-deux moutons, ainsi que des ani-maux de trait pour transporter les pierres et le bois nécessaires à la construction du couvent. Celui-ci serait impérativement bâti en pierres (cellules, réfectoire, cui-sine et cave) et entouré d’une haie125. Ces dispositions, cela va sans dire, restèrent à l’état de vœux pieux.

Le roi, qui ne valait pas mieux que les nobles dans ce domaine, eut droit lui aussi à des remontrances. Le premier formulaire contient trois supplicationes ad regem l’exhortant à voler au secours des couvents observants. Wladislas II n’avait pas construit d’infirmerie dans l’un d’eux, tout récent, ce qui perturbait le soin aux malades126. Il arrivait que, faute d’avoir obtenu l’aide du seigneur local, les frères se tournaient vers le roi en pensant qu’il suppléerait à sa défaillance127. Les requêtes se multiplièrent dans les années 1530. Elles venaient principalement des obser-vants de Visegrád et de Pest, dont le couvent avait été érigé par le roi. Après avoir loué la mémoire de leur fondateur, les premiers se plaignirent en mai 1531 de ce que les bâtiments tombaient en ruines; les frères n’avaient pas de quoi se nourrir convenablement, faute de soutien de la part du souverain128. On apprend ailleurs que les vitres de l’église étaient brisées, que les frères n’avaient ni huile, ni poisson et qu’ils n’avaient même pas de quoi en acheter au marché Saint-Nicolas, qui se tenait régulièrement sous leurs fenêtres129. Une autre lettre met en cause l’hon-

125 EEMH, II, 503-504. Voir aussi Karácsonyi II, 48-49; Kollányi, 54.126 1er form., fol. 137v-138.127 1er form., fol. 138v.128 Kollányi, 70-71, d’après 2e form., fol. 212v.129 Kollányi, 71, d’après 2e form., fol. 221v.

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nêteté d’un agent du roi, qui n’aurait pas remis aux frères une somme d’argent accordée par le souverain130. En octobre 1540, Ferdinand Ier se manifesta enfin, mais chichement. Ses soldats avaient pillé le couvent de Visegrád et réquisitionné ce qui lui restait comme vivres pendant le siège de la ville. Le Habsbourg demanda au capitaine de la forteresse de leur faire livrer deux tonneaux de vin et du poisson séché131. C’était tout. Les frères du couvent de Pest se débattirent avec les officiers du fisc à propos d’une grande quantité de sel que le roi leur avait offerte et qu’ils ne pouvaient mettre en vente ni transporter sans autorisation spéciale132. Ceux de Tata, établissement de fondation royale lui aussi, s’adressèrent à la reine pour obtenir de l’aide, espérant l’attendrir par la description pathétique de leur sort133. Bien plus tard, le couvent de Pápa se vit gratifier en 1550 puis 1551 d’une somme de 50 puis 70 florins, prélevée sur le principal impôt royal, en réponse aux suppli-cations des dirigeants de la province134.

A court de bienfaiteurs, les frères faisaient appel à la générosité des prélats. Ils commençaient d’ordinaire par mettre à contribution l’évêque, ou l’archevêque. Ainsi, les membres du couvent de Visegrád, après avoir longuement exposé à l’évêque de Vác la pauvreté de la population qui les entourait et le maigre produit des aumônes qui en résultait, le supplièrent de les approvisionner en grains, en fruits et en vin135. D’autres religieux, qui n’avaient plus de pain en raison du ni-veau désastreux des dernières récoltes, demandèrent à l’évêque diocésain de leur fournir des céréales136. Le second formulaire reproduit deux lettres de contenu similaire, destinées cette fois à l’archevêque d’Esztergom. Dans l’une, les frères lui promettent de prier pour le salut de son âme avec ferveur s’il faisait livrer à leur intention du grain et du vin137. On apprend dans la seconde, datée de 1534, que le primat avait déjà adressé aux observants des céréales et du vin, ce dont ils le remerciaient, en lui demandant cette fois du poisson, pour faire Carême138.

Les franciscains ne pouvaient compter uniquement sur ces aides ponctuelles. Pour éviter que certains établissements n’accumulent des stocks d’argent ou de vivres tandis que d’autres manquaient de tout, le ministre rappela en février 1534 aux visiteurs de la province qu’ils devaient dépister les couvents où les quêtes

130 Kollányi, 71, d’après 2e form., fol. 217v.131 Source: EEMH, III, 503-504, n°507.132 Kollányi, 71-72, d’après 2e form., fol. 232.133 Kollányi, 71, d’après 2e form., fol. 218v.134 Zs. Mezei, A pápai ferencesek, 221.135 Kollányi, 66, d’après 2e form., fol. 207v.136 Kollányi, 66, d’après 2e form., fol. 202.137 Kollányi, 68, d’après 2e form., fol. 205v.138 Kollányi, 69, d’après 2e form., fol. 200v.

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avaient beaucoup rapporté et les signaler au chapitre provincial, en vue d’une répartition plus équitable139. Telle était la tâche assignée également aux custodes, on le sait. Les frères dans le besoin n’hésitaient pas à lui signaler, à toutes fins utiles, le nom des couvents susceptibles de fournir ce dont ils avaient besoin. Un gardien déplorant la pénurie de vin dans son couvent rapporte au custode qu’il a entendu dire que les vignes du couvent où se trouvait le custode avaient beaucoup donné cette année, et que les couvents de Szalárd et de Gyula étaient abondamment pourvus en vin140. Les dirigeants ne s’arrêtèrent pas là. Ils envisa-gèrent ce qui apparaissait il y a peu comme une hérésie: permettre aux frères de disposer de ressources régulières. C’est pour les empêcher de mourir de faim et de froid que, de dérogation en dérogation, ils les laissèrent recevoir des aumônes annuelles, cultiver des vignes, des plantes oléagineuses, textiles et fourragères, ou encore élever du bétail. Timides dans les années 1530, ces entorses au vœu de pauvreté devinrent monnaie courante après 1541. En 1548, les frères du couvent de Gyula recevaient l’autorisation de planter des vignes dans leur jardin141. Six ans plus tard, le chapitre de Szőllős permettait aux religieux de toute la province d’élever des volailles; ceci, précisent les actes de 1554, parce qu’ils ne pouvaient plus s’en procurer en mendiant. Par ailleurs, ils avaient la possibilité, partout où cela n’impli quait pas d’équipement ou d’aménagement coûteux, de cultiver du lin et d’en tirer de l’huile, ainsi que de l’orge et de l’avoine pour nourrir les bêtes, à condition seulement de ne pas en faire commerce142. La précarité franciscaine avait fait long feu.

Ces remèdes demeuraient insuffisants. A l’intérieur des couvents, la pénurie ne faisait qu’envenimer les relations entre les frères. Certains se lançaient sans vergogne dans des trafics en tous genres. Le chapitre provincial de 1552 interdit à quiconque de vendre à d’autres religieux des vêtements et des objets courants, ainsi que de se faire rémunérer pour la reliure d’un livre ou un autre service rendu à leurs coreligionnaires. Car, rappellent les pères, tout doit être gratuit entre les membres de l’ordre, tout doit être accompli ex charitate143. Les vols étaient fré-quents. Il était facile de soupçonner les laïcs. Le chapitre de 1537 leur interdit l’accès du garde-manger (canapa) des couvents144. Mais il n’y avait pas à chercher si

139 Kollányi, 25.140 Kollányi, 66-67, d’après 2e form., fol. 10v. Voir aussi chapitre 7.141 Item ex consensu capituli habeant vineam in orto fratres Gywlenses. EEMH, II, 511. Voir aussi

Karácsonyi I, 410 (1548); II, 72 (avec une erreur de datation “1535”); Kollányi, 61.142 Karácsonyi I, 414; Kollányi, 60-61, d’après les acta capituli de 1554.143 EEMH, II, 518-519. Voir aussi Kollányi, 93.144 EEMH, II, 488. Voir aussi Karácsonyi I, 396; Kollányi, 80-81.

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loin pour trouver les coupables. Dans une lettre copiée dans le second formulaire, un frère se plaignit de ce que l’un de ses compagnons lui avait dérobé la part de doublure fourrée qui lui revenait145. Le chapitre de 1552 s’en prit vigoureusement aux religieux qui profitaient des transferts ou des déplacements à l’occasion du chapitre provincial pour emporter avec eux divers objets – par exemple des cou-vertures (lodices) – au lieu de les laisser dans leur couvent d’origine146. Vols déguisés ou emprunts temporaires? Toujours est-il que la suspicion régnait. Les frères âgés ou malades, victimes toutes désignées, furent certainement les premiers à souffrir de cette dégradation de la situation matérielle des couvents. Souvenons-nous des dérives relevées par les dirigeants lors de leurs visites, en particulier la maxima crudelitas dénoncée au chapitre de 1537147.

Inversement, d’un couvent à l’autre, les religieux faisaient preuve d’une belle solidarité. Ils continuaient comme dans les décennies précédentes à entretenir des relations d’amitié par voie épistolaire. Dans les années 1530, un frère écrivait à un second, non sans humour, qu’il ne comprenait pas pourquoi il n’avait pas de nouvelles de lui depuis si longtemps. Qu’il se soigne, ou qu’il fasse avec les pieds ce qu’il ne pouvait faire avec les mains! A moins que son encre n’ait séché ou que le papier soit subitement devenu introuvable dans sa région148? Un profès adjurait son correspondant de prier, lui et ses compagnons, pour que Dieu vienne en aide à la mère d’un de ses camarades, Jean, qui était habitée par les esprits mauvais149. De retour de voyage, on s’offrait des cadeaux: un religieux rapporta à son ami un petit couteau pointu de Zákoca150, tandis qu’un autre, nommé Pierre, proposait à son interlocuteur de lui remettre la belle paire de ciseaux et le petit peigne qu’il venait de rapporter d’Italie151. Ailleurs, un frère remerciait son correspondant de la lampe et du livre qu’il lui avait fait parvenir par l’intermédiaire du gardien de Pest; il lui donnait au passage des nouvelles d’autres membres de son couvent, qu’il semblait connaître personnellement152. Le ton de ces lettres rappelle très for-tement la correspondance privée du premier formulaire. Elles diffèrent toutefois des précédentes par leur contenu, presque toujours associé à des échanges maté-riels. L’énorme majorité se compose en effet de demandes d’articles de première

145 Kollányi, 44, d’après 2e form., fol. 37.146 EEMH, II, 518. Voir aussi Karácsonyi I, 413.147 Voir chapitre précédent.148 Kollányi, 94, d’après 2e form., fol. 54.149 Kollányi, 94, d’après 2e form., fol. 17.150 Kollányi, 93, d’après 2e form., fol. 89.151 Kollányi, 93, d’après 2e form., fol. 22.152 Kollányi, 94, d’après 2e form., fol. 17.

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nécessité, de regrets de ne pouvoir les satisfaire ou de remerciements pour ce qui avait été obtenu.

Elles concernent aussi bien les denrées alimentaires (lard, volailles, lapins, vin, froment)153 ou vestimentaires (toile, drap, cuir, fourrure)154 que les livres (tel ce frère réclamant une œuvre de saint Ambroise dont il disait avoir grand be-soin155) ou d’autres objets (une courroie en peau de bœuf156). Les gardiens sem-blent avoir développé l’entraide à un tel degré que l’on pourrait presque parler de troc entre les couvents de la province salvatorienne. En voici deux exemples, tirés une fois de plus du second formulaire. En 1533, le gardien du couvent d’Ozora écrivait à un confrère qu’il voudrait bien lui envoyer les livres demandés, mais ceux-ci n’étaient pas encore chez le libraire, qui attendait justement un arrivage de Vienne. Si d’aventure un membre de son couvent venait jusqu’à lui en charrette, qu’il charge sa voiture avec des grains, du lard et du miel. Il aimerait aussi profiter de l’occasion pour acheminer quelques livres depuis Nagyvárad157. Dans une autre lettre, le gardien du couvent de Nagyvárad expliquait à l’un de ses collègues qu’il allait bientôt lui apporter l’horloge qu’il attendait à Pest, à l’occasion du chapitre prévu pour les jours suivant Pâques, à Buda. Il déplore ensuite le prix exorbitant de l’huile d’olive à Nagyvárad, alors qu’elle ne coûtait que 4 ou 5 florins le seau à Pest. En conséquence, il lui demande s’il accepterait de lui en faire livrer un seau, de Pest jusqu’à Nagyvárad, par l’intermédiaire de marchands qui faisaient souvent le trajet. Tous les frères de son couvent lui en seraient très reconnaissants, surtout s’il avançait de surcroît les frais de transport158. Entre custodes également, on se rendait service. L’un demanda à son homologue de lui faire parvenir de l’étain, car il fallait réparer tous les pots en fer de la custodie159. Un autre, qui avait mani-festement du mal à s’approvisionner en petit-gris, suppliait un custode de lui en expédier au moins quelques aunes, qu’il s’engageait à lui payer dès que possible160. Enfin, certains responsables requéraient directement l’aide du ministre provincial, tel ce gardien à qui le ministre avait prêté vingt florins; ce dernier lui demanda seulement de les lui rembourser au prochain chapitre, à Nagyvárad (sans doute celui de 1531)161.

153 Kollányi, 65 93, d’après 2e form., fol. 85 98.154 Kollányi, 44-46, d’après 2e form., fol. 43 81 81v.155 Kollányi, 93, d’après 2e form., fol. 36.156 Kollányi, 45, d’après 2e form., fol. 35.157 Kollányi, 65, d’après 2e form., fol. 39.158 Kollányi, 69, d’après 2e form., fol. 16.159 Kollányi, 70, d’après 2e form., fol. 27.160 Kollányi, 44, d’après 2e form., fol. 22.161 Kollányi, 69-70, d’après 2e form., fol. 77v.

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CHAPITRE 11438

Panser toutes les plaies

Les conflits et l’insécurité, joints à la crise économique, avaient eu moins eu cet effet positif: renforcer les liens de solidarité entre les membres de la province hongroise. Pour le reste, il faut bien le dire, ils n’engendrèrent que des malheurs. Car aux tourments dans lesquels se débattaient chaque jour les frères pour trouver de quoi se nourrir, se vêtir et empêcher leur couvent de s’effondrer, s’ajoutèrent d’indéniables traumatismes psychiques. Ils entretenaient chez eux un sentiment d’angoisse que l’espoir d’accéder un jour au bonheur éternel ne suffisait pas toujours à dissiper. Cela faisait déjà plusieurs décennies que l’on attendait la fin du monde dans l’Occident chrétien. Malgré les rappels à l’ordre de la papauté, on annonçait toujours les pires catastrophes dans les années 1520 et 1530162. Le contexte hongrois avait de quoi ébranler les plus sceptiques. L’invasion massive des Turcs puis leur installation sur place, la guerre civile qui faisait que l’on ne savait plus à qui obéir, le chaos économique qui fit retomber une large partie de la population dans l’autarcie et l’économie de troc, le retour pesteux des années 1530 (qui n’épargna pas les couvents163, touchant notamment celui de Szakolca, évacué pour ce motif en 1536164), ou encore, pour s’en tenir aux aspects reli-gieux, la vacance de nombreux sièges épiscopaux, la fuite des moines et le spec-tacle d’églises à ciel ouvert déjà écroulées ou menaçant de l’être, laissaient penser que l’âge de l’Antéchrist avait réellement commencé. Les hommes avaient som-bré dans la folie et la haine, constatait un frère dans les années 1530. Aveuglés par elles, ils se livraient des querelles interminables et opprimaient les faibles au lieu de concentrer leurs forces sur les agresseurs étrangers (entendons ici: les Ottomans) 165.

Plusieurs lettres du second formulaire expriment le désespoir des religieux. L’un d’eux écrit: “Quand viendra la fin de ces infortunes? Ne cessons pas de demander donc au Tout Puissant qu’Il mette fin à nos souffrances et détourne sa colère de nous. J’ai peur cependant que des maux plus grands encore ne nous menacent”166. Beaucoup attendaient la mort comme une libération. Lorsque le ministre exprima ses condoléances aux rescapés du terrible massacre qui venait d’avoir lieu dans le couvent de Pest, ceux-ci lui répondirent en 1532 qu’il ne fal-lait pas s’attrister de ces meurtres, mais au contraire s’en réjouir. Car, loin de les

162 Histoire du christianisme VII, dir. J.-M. Mayeur et alii, 518-519.163 Kollányi, 91, d’après 2e form., fol. 44.164 Karácsonyi II, 155, mais il n’indique aucune source précise.165 Kollányi, 50, d’après 2e form., fol. 58v.166 Kollányi, 48-49, d’après 2e form., fol. 36v.

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perdre, ils avaient libéré leurs compagnons de la misère et de la souffrance qu’ils enduraient précédemment (quum non eos amisistis, sed permisistis). On eût dit qu’ils enviaient leur sort167.

Pourtant, ce n’était pas le moment de faiblir. C’était des hommes d’Église, en effet, que les fidèles attendaient une réponse à la question de savoir pour-quoi ils vivaient d’aussi terribles épreuves, de manière à être mieux armés pour les supporter. La tâche dépassait manifestement par son envergure les capacités du clergé paroissial; et les autres ordres religieux, réduits à peau de chagrin, ne pouvaient l’assumer. D’où la demande formulée aux dirigeants observants par un prieur de l’ordre de Prémontré dans les années 1530 de pouvoir disposer des services d’un prédicateur; en retour, les chanoines envoyèrent aux frères quelques pourceaux pour Noël168. Une vocation nouvelle se profilait ainsi pour les mem-bres de l’observance franciscaine: rassurer les populations. Ils la conserveront en Hongrie centrale pendant toute la période d’occupation ottomane, mais aussi en Transylvanie et en Hongrie royale, jusqu’à l’introduction de la réforme tridentine à la fin du XVIe siècle.

Ils s’efforcèrent de l’accomplir, du moins tant qu’elle ne mettait pas en dan-ger la vie de ses ministres. Dans les années 1530, le chef de la province salvato-rienne enjoignait le gardien du couvent d’Esztergom d’envoyer deux frères de son établissement prêcher et confesser les habitants, qui redoutaient une offensive ottomane, apparemment imminente169. Ils réclamaient leurs services afin de se préparer au pire. Ne pouvant se passer d’eux, ils vivaient très mal la disparition des couvents fermés, détruits ou dépeuplés. Les nobles locaux et puissants bien-faiteurs, même lorsqu’ils n’étaient pas les patrons des établissements abandon-nés, servaient parfois d’intermédiaires pour exposer ces pressantes demandes. En 1532, le couvent de Sellye, au sud de la Transdanubie, avait été décimé par les Turcs: neuf frères avaient péri dans le massacre, rappelons-le, soit à peu près la totalité de son effectif. La population locale avait elle aussi subi de lourdes per-tes, morts, blessés et nombreux prisonniers. Deux lettres du second formulaire rapportent qu’en 1533, Claire, l’épouse de Jean Szerecsen, qui avait toujours ma-nifesté une grande bienveillance à l’égard de l’ordre, supplia le ministre provincial de faire venir des frères dans ce qu’il restait du couvent de Sellye, afin de conso-ler les habitants – ou plutôt les survivants – dans leurs malheurs. Touché par sa requête, le ministre ordonna au custode d’Ozora de s’assurer de ce que la zone n’avait pas été entièrement désertée par les Turcs, après quoi il devrait dépêcher

167 Kollányi, 3-4, d’après 2e form., fol. 88.168 Kollányi, 66, d’après 2e form., fol. 210.169 Kollányi, 76, d’après 2e form., fol. 168.

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sur place quatre religieux (un gardien, un prêtre et deux convers) pour réconforter les habitants. Il précise cependant que ces frères seraient recrutés sur la base du volontariat, en raison des périls qui les attendaient170.

Trouva-t-il des candidats? On l’ignore. Le bref article des tables capitulai-res de 1542 relatif aux événements de Pest ne mentionne pas expressément le fait que, si les citadins souhaitaient voir revenir les franciscains dans leur ville, c’était pour leur faire oublier les horreurs qu’ils venaient de vivre; du moins leur insistance permet-elle de le supposer171. Les responsables ne cédèrent pas et les religieux demeurés sur place ne demandèrent pas leur reste. C’est également en vertu de cette logique sécuritaire – et pas uniquement à cause des contrariétés im-posées par l’administration ottomane ou des faits de guerre – que seulement deux couvents de l’observance franciscaine subsisteront en Hongrie turque à la fin du XVIe siècle: Gyöngyös et Szeged. Les observants avaient-ils failli à leur mission? Non, car après l’effondrement du réseau paroissial et monastique, ces ultimes bastions du catholicisme survivront jusqu’au retrait des Turcs, au tournant des XVIIe et XVIIIe siècles172.

Le sort des franciscains observants au XVIe siècle conforte la vision que

l’historiographie actuelle s’efforce, non sans mal, d’inculquer au grand public. La conquête ottomane eut indiscutablement de lourdes répercussions sur l’ave-nir du pays: partition politique, désorganisation de l’économie, isolement di-plomatique et culturel, sans parler des massacres, des destructions, du joug fiscal et des exactions multiples commises par les agents de la Porte ou avec leur accord tacite. Pour autant, les Turcs ne sont pas seuls responsables de tous les malheurs qui s’abattirent sur feu le royaume magyar. Le bassin des Carpates était devenu le terrain où s’affrontaient les Habsbourgs, les sultans ottomans et les princes de Transylvanie. Une fois établie, la domination turque – exercée par des Grecs, des Serbes et des Albanais, bien plus que par des Osmanlis – ne fut pas partout synonyme de mort et de calamités. Le spectacle qu’offrait alors la Hongrie royale n’était guère plus reluisant; tant au plan de l’ordre public (abus des bandes armées, brigandage, spoliations foncières) et de la stabilité économique (marché en état d’anémie) qu’au regard de la stabilité religieuse (églises délabrées faute de soutien royal et seigneurial, violences entre catholi-

170 Kollányi, 51, d’après 2e form., fol. 87, 40.171 EEMH, II, 498.172 Voir chapitre suivant.

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ques et protestants)173. Les “frères de Cseri” faisaient partie de la foule de ceux qui, ne pouvant compter sur leurs propres forces ou sur un puissant protecteur, furent victimes de cette situation.

A terme, ce en quoi les dirigeants turcs nuisirent sans doute le plus à l’obser-vance franciscaine, c’est leur attitude complaisante – voire bienveillante – à l’égard des adeptes de la Réformation. Elle s’inscrivait de toute évidence dans la logique du divide ut imperes. Pour les frères, elle signifiait la disparition de leurs ouailles, les vouant immanquablement à l’extinction.

173 Mise au point synthétique, à l’aide des recherches récentes, dans G. Pálffy, A tizenha-todik század, 36-45.

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Chapitre 12

LES OBSERVANTS ET LA RÉFORMATION

La province observante de Hongrie ne fut pas la seule province franciscaine à s’atrophier dans le second quart du XVIe siècle. D’autres régions restées hors de la progression ottomane connurent un recul analogue – preuve supplémentaire de ce que les Turcs n’en étaient pas les uniques responsables. Si le franciscanisme réformé se maintint à un niveau honorable en France, en Italie et en Espagne, tout près de là, les frères autrichiens et alle mands, comme ceux de Bohème et de Silésie, assistèrent impuissants à l’effondrement de leurs effectifs à partir des an-nées 1520 et 15301. Car les franciscains observants, et tous les réguliers en général, étaient devenus la cible privilégiée des partisans de la Réforme protestante, dont le nombre allait croissant.

Précisons avant d’aller plus loin comment se présentait la situation sur le terrain magyar. A la fin des années 1520, les idées luthériennes ne touchaient en-core que des cercles très restreints. Les livres imprimés en Allemagne méridionale, rapidement diffusés sur les marchés du royaume, ainsi que quelques étudiants hongrois de retour de Wittenberg, les avaient fait connaître au clergé paroissial et à la bourgeoisie germanophone de Buda, de Transdanubie occidentale (notam-ment à Sopron) puis de Sépusie et de Transylvanie. De son côté, la reine Marie de Habsbourg, épouse de Louis II depuis 1522, accueillait à la cour des adeptes de l’humanisme érasmien proches de Martin Luther. A cette période toutefois, le catholicisme ne semblait pas encore réellement menacé. Le régime d’autonomie confessionnelle instauré officiellement par l’empereur à l’assemblée d’Augsbourg en 1530 changea la donne religieuse du pays. Laissant clairement entendre que c’était aux habitants – et en particulier aux seigneurs – d’en décider, il impulsa

1 G. Friess, Geschichte der Österreichischen, passim; F. Doelle, Die Observanz bewegung, 152-157; W. Ziegler, Reformation und Klosterauflösung, 592-614; P. Nyhus, The Franciscans in South Germa-ny, 31; Id., The Franciscan Observant, 217.

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un nouvel élan à la Réforme hongroise; surtout dans les parties septentrionale et occidentale du bassin carpatique, celles qui reconnaissaient Ferdinand Ier comme leur souverain. On sait que le Habsbourg ayant besoin de l’appui des nobles, il ne pou vait condamner ouvertement ceux d’entre eux qui avaient embrassé la cause protestante. La lettre publique par laquelle il demandait en 1533 à ses sujets hon-grois de poursuivre les luthériens et de brûler leurs écrits arriva trop tard. Les villes où dominait la bourgeoisie “sa xon ne” – dont les habitants avaient en outre le droit d’élire leur pasteur – avaient basculé les unes après les autres dans le luthéra-nisme. Toutefois, jusque dans les années 1540, le haut clergé et la petite no blesse hongroise, qui voyait dans la Réformation une greffe allemande, s’op po sèrent farouchement à la propagation de celle-ci. C’est après 1541 seulement que la po-pulation magyare accueillit massivement les idées protestantes, en Hongrie turque comme en Transylvanie, sans parler de la Hongrie royale, atteinte elle aussi2. Elle opta pour l’interprétation calviniste (puis unitarienne) plutôt que pour la synthèse luthérienne, les choix confessionnels traversant plus souvent qu’on ne le croit les clivages ethniques3 et n’obéissant que rarement aux injonctions seigneuriales.

Comment les frères de l’observance vécurent-ils la vague réformée? L’histo-riographie répond à cette interrogation de manière contradictoire. Pour les auteurs catholiques, les fils de saint François, observants et conventuels con fondus, furent victimes d’agressions répétées de la part des protestants. Ces ve xa tions, persé-cutions et trahisons, qui en firent de véritables martyrs de la foi catholique, ex-pliquent la disparition presque totale de l’ordre en Hongrie, au même degré que les destructions turques4. Côté protestant, on insiste au contraire sur le fait que nombre de frères suivirent l’exemple de Luther: écoeurés par la médiocrité du bas clergé et les abus des prélats, ils quittèrent leur ordre et se commuèrent en ardents propagateurs des idées nouvelles5. Laquelle de ces deux versions se rapproche le plus de la vérité?

2 P. Engel et alii, Magyarország története II, 402-403; G. Pállfy, A tizenhatodik század, 194-203; F. Szakály, Mezőváros, passim; A magyar református, dir. I. Révész, 27-28. En français et replacé dans le contexte cen tro-européen: J. Bérenger, Tolérance ou paix de religion.

3 Comme le montrent les récents travaux de Christine Peters sur l’iconographie reli gieuse en Transylvanie au début de l’époque moderne (Mural paintings).

4 János Karácsonyi incarne parfaitement cette tendance (passim). Voir aussi, bien qu’ils soient plus nuancés, les développements de Ferenc Kollányi (A magyar ferenczrendiek) et d’Egyed Hermann (A katolikus egyház, 212-220).

5 J. Zoványi, A reformáczió, 110-111; A magyar református, dir. I. Révész, 27-37. Jenő Szűcs appartient à ce courant, pour des raisons que nous découvrirons dans la deuxième partie de ce chapitre.

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I. Les dommages causés à la province par les protestants

La diffusion du protestantisme ne pouvait que nuire à la province observan-te, comme elle le faisait à l’ensemble du clergé resté fidèle au catholicisme romain. La question est de déterminer dans quelle mesure elle suscita ou précipita le recul observant, et de quelle façon: de manière passive, les succès des uns entraînant inévitablement le repli des autres, ou par le biais d’attaques en règle visant tout spécialement les frères mineurs.

Les dommages indirects

Partout, les progrès de la Réformation diminuaient d’autant le rayon nement des religieux dans la population. Sans nous attarder sur un processus connu et lar-gement documenté pour d’autres espaces de l’Europe chrétienne, rappelons que chaque nouvelle adhésion signifiait, pour les fils de saint François aussi bien que pour les curés de paroisse, la perte d’une ouaille supplémentaire. Leur auditoire s’éclaircissant, ils prêchaient devant des places désertes, des bancs vides. En outre, les protestants niaient la valeur de sacrements tels que la confession, l’Eucharistie ou l’extrême-onction. On soulignera en particulier la manière dont Martin Luther brocarda les œuvres franciscaines du genre manuels de confession (ou de casuis-tique) dès le début des années 15206. Ses disciples hongrois suivirent le mouve-ment. Dès octobre 1526, les curés des environs de Vajdahunyad se plaignirent à l’évêque de Transylvanie des lourdes accusations contre le pape et la foi catholi-que que lançait régulièrement le nouveau maître de la région, Georges Scholcz. Ce capitaine installé sur place par un autre Georges, neveu du roi Wladislas II et margrave de Brandebourg, lui-même partisan enthousiaste de Luther, dénigrait le pape, les indulgences, les saints et en particulier la Vierge Marie, ainsi que les sa-crements de pénitence et de l’autel7. Or c’est autour de ces sacrements que, outre la prédication, s’étaient tissés les liens spirituels entre les laïcs et les frères. Leur dénonciation soudaine sapait tout l’édifice. Même ceux qui n’admettaient pas en bloc les idées réformées prirent leurs distances par rapport aux religieux. N’ayant plus de candidats à la confession, les frères perdaient leur place de directeur de conscience, auprès des seigneurs, de certains bourgeois et clercs paroissiaux. Eux dont le savoir (surtout en Hongrie) se fondait principalement sur la casuistique

6 Comme le rappelle Roberto Rusconi dans Dal pulpito alla confessione, 314-315.7 EEMH, I, 285-288. Voir aussi Karácsonyi II, 79.

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ne trouvaient plus à l’appli quer qu’à eux-mêmes. Rares étaient les chrétiens qui demandaient encore à se faire ensevelir chez eux.

Toutefois, ce n’est pas cette réduction de leur public que décrivent les sour-ces hongroises des années 1530, mais uniquement les conséquences maté rielles du doute protestant. Comme si, avant de déserter les églises franciscaines, les laïcs avaient commencé par fermer leurs bourses. Martin Luther écrivait dès 1515: “Les péchés nous sont remis non à cause de nos oeuvres, mais par la seule miséricorde de Dieu, qui ne nous les impute pas”8. Les diatribes des prédicateurs protestants contre la religion des bona opera avaient-elles déjà fait leur effet? L’exemple de l’Autriche voisine incite à le croire. Dès 1521, les franciscains avaient bien du mal à quêter dans cette principauté dont les habitants prê taient une oreille attentive aux critiques luthériennes9. Ceux-ci entendaient régulièrement des orateurs leur conseiller de ne plus faire de dons à ces “faux pauvres” qu’étaient les mendiants10. Encore inconnu en Hongrie dans les années 1510 et 1520, ce comportement ga-gna une fraction importante de la population à partir du début des années 1530. De très nombreux documents du second formulaire montrent en effet que les fidèles ne soutenaient plus les frères de leurs dons aussi généreusement qu’aupara-vant. Les textes ne parlent pas nécessairement de luthéranisme caractérisé, certes, mais il y est déjà question de “manque de foi”, par exemple dans la lettre envoyée par les membres du couvent de Visegrád à leur évêque11. Si l’on en croit ce qui se passait chez les conventuels, en particulier à Beszterce en 153012, les habitants refusaient même de leur donner les matériaux nécessaires à la reconstruction de leur couvent quand celui-ci avait été détruit par les belligérants. D’où le piteux état des bâtiments.

Mais là encore, la plus grande prudence s’impose. Car en y regardant de plus près, on constate que ni le second formulaire, ni la Chronique observante, ni les actes des chapitres provinciaux n’attribuent directement le tarissement des aumônes aux progrès du protestantisme pour les années 1526 à 1541. La lettre rédigée par les franciscains de Visegrád est apparemment le seul texte du second formulaire qui établisse un lien de cause à effet entre les deux phéno-

8 Cité dans: J. Delumeau, Naissance et affirmation de la Réforme, Paris 1965, 80; B. Che va lier, Olivier Maillard, 39.

9 C. Othmer, Die Märtyrer des österreichischen, 466.10 G. Rant, Die Franziskaner der Österreichischen, 41. Il est regrettable cependant que l’auteur

ne cite pas ses sour ces... en dehors de titres anciens, tel que Greiderer, Germania Franciscana, Oe-niponte 1777 (!).

11 Kollányi, 66, d’après 2e form., fol. 207v.12 Karácsonyi I, 91-92.

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mènes; encore n’est-il pas certain que l’on puisse associer le “manque de foi” invoqué par les frères à la propagation du luthéranisme, le mot d’hérésie n’étant pas prononcé. Le continuateur de Blaise de Szalka s’attarde longuement sur les malheurs causés par les Turcs à la province, mais il passe totalement sous silence la diminution des aumônes, encore moins son rapport avec le protestantisme. Il rattache la destruction du couvent de Kőröshegy par les troupes de Louis Pekry en 1533 à la malitia regnicolarum, en dénonçant la guerre civile, non la diffusion de la Réforme13. Les pères ne posèrent clairement le problème qu’en 1544, à propos des obligations faites aux patrons. Ils décidèrent qu’après la mort du fondateur, si son successeur ne se montrait pas aussi attentionné que lui et si la population locale entrait dans la “secte luthérienne”, les frères quitteraient les lieux, faute de pouvoir se nourrir (ob victus penuriam, quandoquidem devotio populi sit nimis extincta propter sectam Lutheranam)14. C’est donc seulement à partir des années 1540, sinon plus tardivement, que le succès du protestantisme ôta réel-lement aux frères de Hongrie leurs moyens de subsistance.

Les attaques verbales

Les seigneurs passés au luthéranisme n’hésitaient pas dès les années 1520 à médire des religieux qui vivaient sur leurs terres. Georges Scholcz, ce capitaine dont nous connaissons maintenant les positions sur le plan dogmatique, insultait publiquement la mémoire de Jean de Capestran depuis la forteresse de Vajdahu-nyad. Il le qualifiait, avec d’autres saints, de voleur (latro) et en voulait pour preuve le fait que ni lui ni ses confrères n’avaient empêché la Hongrie d’être envahie par les Turcs. Il tournait aussi en dérision l’obli ga tion de célibat des prêtres, qui les entraînait à multiplier les liaisons adultérines15. Autant d’accusations qui nuisaient évidemment à la crédibilité des frères observants installés sur place. C’est avec un empressement compréhensible que le gardien de Vajdahunyad accepta de se joindre aux curés de la région qui voulaient dénoncer à leur évêque les propos scandaleux du capitaine, et qu’il coucha leur requête sur le papier16.

De manière générale, comme ceux des provinces voisines, les franciscains observants de Hongrie furent la cible favorite des critiques que formulaient en public les prédicateurs luthériens, puis calvinistes. Martin Luther, bien informé puisqu’il en provenait, s’était montré parti culièrement virulent à l’égard des régu-

13 C[h]ronica, 302.14 EEMH, II, 504.15 EEMH, I, 285-287.16 Voir infra.

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liers dès le milieu des années 1510, et plus spécialement de ceux qui prétendaient s’être soumis à une réforme rigoureuse, tels ses anciens compagnons, les ermites augustins d’Erfurt. “Maintenant il faut combattre les hypocrites et les faux frères qui (...) se targuent de sainteté à cause de leurs observances (...)17.” Les falsi fratres – une expression que nous avions trouvée dans la bouche des dirigeants hongrois à propos des frères dissidents – étaient notamment accusés d’être les champions de l’hypocrisie, donnant une image d’eux-mêmes très différente de ce qu’ils étaient en réalité. Aucun des rares textes protestants produits en Hongrie avant 1541 et parvenus jusqu’à nous ne développe ce thème. On peut néanmoins supposer que les prédicateurs luthériens agissant sur le sol hongrois ne disaient pas autre chose que ce que proclamaient leurs correligionnaires allemands ou autrichiens18; d’autant qu’il s’agissait parfois des mêmes personnes, l’avènement de Ferdinand Ier de Habsbourg ayant renforcé les échanges culturels et humains entre l’Autriche et la Hongrie. Eux aussi accusaient certainement les fils de saint François de n’être pauvres qu’en apparence. Ils amassaient de l’or qu’ils envoyaient ensuite au pape, lequel finançait ainsi les persécutions contre les luthériens. Le rôle qu’avaient joué les observants hongrois dans la publication des indulgences jubilaires jusqu’au début des années 1510 semblait conforter ce point de vue.

On reprochait aux frères de cacher sous leur habit et leurs airs contrits des mœurs contraires à la morale. Les sources hongroises en ont gardé la trace à pro-pos des membres du couvent de Gyöngyös. Nous savons que, peu avant 1539, des laïcs avaient accusé ceux-ci de profiter de leurs allées et venues chez les sœurs de la fraternité voisine pour assouvir leur pulsions sexuelles; mais l’enquête orga-nisée peu après par le corps de ville de Gyöngyös avait formellement innocenté les frères19. Deux éléments retiennent l’attention dans cette affaire: l’appartenance religieuse des calomniateurs et leur farouche détermination. L’arrêté municipal rapporte que tous appartenaient à la pestifera Lutheri heresis20. Ils utilisèrent tous les supports disponibles – des déclarations en plein marché ou au beau milieu de l’assemblée du comitat à la diffusion de pamphlets imprimés (libelli, cartulae infa-matoriae) – et ils recrutèrent de faux témoins. Nul doute que d’autres accusations du même genre ternirent la réputation des frères hongrois. D’autant que parfois, nous l’avons constaté, elles s’appuyaient sur des faits réels.

17 Cité par J. Delumeau dans Naissance et affirmation, 80.18 G. Rant, Die Franziskaner der Österreichischen, 41.19 Voir chapitre 10.20 …reperimus illas falsas infamias quorundam testium falsorum ac malevolorum hominum, Luterano-

rumque fuisse et esse adinventas et fulminatas. EEMH, III, 310.

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Les violences

Dans les localités dont le seigneur et l’ensemble de la population avaient opté pour le luthéranisme, on n’en resta pas aux mots. Dès les années 1530, les fils de saint François, tout comme les frères prêcheurs et les ermites de saint Augustin, firent l’objet d’actes de violences prémédités. Les protestants s’en prenaient dé-libérément aux personnes et aux bâtiments, soit de manière impulsive, soit, plus souvent, dans le but affiché d’expulser les religieux de la ville, avec l’aval des autorités locales (municipalité ou seigneur). En d’autres termes, les frères étaient désormais perçus comme des personae non gratae; pire, comme des parasites vivant aux crochets des citadins et des espions du pape. Toutefois, avant 1541, seuls les membres de la province marianiste, les dominicains et les ermites augusti-niens semblent avoir fait personnellement les frais de ces agissements. La Sépusie, luthérienne depuis la fin des années 1520, ouvrit le feu la première. La munici-palité (protestante) de Bártfa ordonna en 1528 aux frères mineurs de quitter la place et transforma aussitôt leur couvent en hôpital21. Dans la ville saxonne de Nagyszeben, en Transylvanie, le prieur dominicain fut jeté en prison et le gardien franciscain sommé de partir en 1529. Les conventuels de Kassa durent plier baga-ges l’année suivante, à l’appel de Mathias Biró de Déva, ancien membre de l’éta-blissement ayant apostasié. En 1531, les conseillers de Beszterce ordonnaient la démolition du couvent de prêcheurs et interdisaient la reconstruction du moulin des franciscains22. Le cloître dominicain de Selmecbánya, vidé de ses occupants, devint un hospice dès 153623.

Les franciscains observants étaient provisoirement épargnés. L’auteur de la Chronique, très disert sur les destructions turques, n’en impute aucune aux protestants24. On ne relève que deux exceptions, dont l’une est mal documentée de surcroît25. Le couvent de Szakolca fut attaqué en 1537 par des mécontents – peut-être protestants –; son gardien aurait remis les objets liturgiques de son église au conseil de la ville avant de déguerpir. Les frères ne reviendront sur place qu’en 1563. La même année 1537, celui de Sárospatak fut mis à sac par

21 F. Hervay, A magyarországi kolostorok, 188.22 J. Zoványi, A reformáczió, 87-88; Karácsonyi I, 91-92.23 F. Hervay, A magyarországi kolostorok, 189-190.24 Il est vrai qu’à partir de 1535, le scribe se borne à dresser la liste des chapitres provin-

ciaux et des nouveaux ministres. C[h]ronica, 304-310.25 János Karácsonyi mentionne les faits sans indiquer de sources. Karácsonyi I, 397. On

n’en trouve nulle trace dans la Chronique, ni dans les tables capitulaires.

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les soldats du patron, Pierre de Perény26. On ne déplora heureusement aucune victime. Sans doute faut-il voir (à nouveau) dans ce sursis laissé aux obser-vants la conséquence du fait que leur maigre temporel ne suscitait pas la même convoitise que les biens des autres religieux. Leur dénuement jouait décidément en leur faveur.

A partir de 1541 – et dix ans plus tard en Transylvanie, après la mort de “frère Georges” en décembre 1551 –, la situation changea brusquement. Les mesures interdisant les violences et vexations à l’égard des frères dans les différentes parties de l’ancienne Hongrie en disent long sur sa gravité. En sep-tembre 1542, le roi Ferdinand ordonnait aux habitants des villes royales libres de vider tout ce qu’ils avaient entreposé dans les bâtiments franciscains et de restituer leurs cloîtres aux frères27. Certes, dans la pratique, le texte concer-nait surtout les conventuels, car les établissements observants étaient rarement implantés dans les villes libres. Les frères ayant souvent déserté depuis long-temps, l’ordonnance de 1542 n’eut à peu près aucune portée. En Transylvanie, la diète réunie à Torda en 1545 sanctionna pareillement les actes de malveillan-ce commis con tre des religieux, et contre les clercs catholiques en général. Mais une fois l’im populaire trésorier-gouverneur disparu, cette prescription sombra dans l’oubli. Elle laissa place, avec la complicité des autorités municipales, sei-gneuriales et royales, à une vague de violence inouïe contre le clergé régulier; les lois de 1556 prononçant la sécularisation immédiate de tous les monastères s’efforçaient seulement de mettre fin à la curée en lui donnant après coup un habillage légal.

Les patrons de Hongrie royale ayant adopté le luthéranisme furent les pre-miers à prononcer l’arrêt de mort des couvents qu’ils étaient censés protéger. Tel fut le cas en particulier des Perény, patroni de plusieurs couvents observants et passés au protestantisme autour de 1535. Peu après 1541, Pierre de Perény profita de sa position militaire, au moment où il mettait le siège devant la place de Sátorallya-Újhely, pour autoriser ses soldats à envahir le couvent voisin de Sárospatak et à le piller à loisir, comme ils l’avaient fait en 153728. Le coup fut fatal. Fülek disparut dans des circonstances analogues avant 154629. En 1548, les paysans et les domestiques de Gabriel de Perény, fils du précédent et farou-che ennemi du catholicisme, expulsèrent brutalement les religieux de Céke, déjà victimes de sanglantes agressions depuis plusieurs années, au cours desquelles

26 Karácsonyi I, 400.27 Karácsonyi I, 100-101.28 Karácsonyi I, 400 ; J. Szűcs, Sárospatak, 28-29.29 Karácsonyi I, 50.

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le gardien avait trouvé la mort30. Les Hagymás firent de même à Szentgrót, en Transdanubie, comme les Drugeth à Homonna dès le début des années 154031. Il s’agissait cependant d’actes isolés ne dépassant pas les limites de la Hongrie royale – sauf à Jenő, dont le couvent fut incendié en 1548 sur ordre d’Antoine de Losonc, protestant lui aussi32. Et ils n’avaient pas l’ampleur des spoliations et expulsions perpétrées à la même période à l’encontre des autres ordres. L’exem-ple des ermites de saint Paul le montre bien. S’ils perdirent alors nombre de leur maisons en Haute Hongrie, c’est par la faute des dignitaires de Ferdinand devenus luthériens (tels Gaspard de Seréd et les Perény): sous couvert d’adhérer aux idées nouvelles, ils s’emparèrent purement et simplement de leurs bâtiments et de tout ce qu’ils renfermaient33.

En Transylvanie et en Hongrie turque, la première flambée de violen-ce protestante déferla sur les couvents observants au tout début des années 1550. Elle prit en quelque sorte le relais des dégâts causés par les soldats de la Porte, devenus exceptionnels en dehors des villes frontalières. Quelques semaines après le meurtre de Utyesenovics, les habitants de Nagybánya – qui sympathisaient depuis longtemps avec les disciples de Luther mais n’avaient pu exprimer leurs convictions tant que le gouverneur catholique résidait sur place – se ruèrent sur le couvent observant de la ville. Ils ne laissèrent aux frè-res que le temps de s’échapper en emportant avec eux les objets liturgiques34. Les franciscains de Szőllős vécurent eux aussi des heures tragiques en 1556. Les gens d’armes du patronus, le protestant François de Perény, firent brusque-ment irruption dans le couvent. Ils massacrèrent plusieurs de ses occupants, expulsèrent les autres et jetèrent au fond d’un puits la précieuse dépouille de Jean de Capestran, rapatriée dans l’établissement depuis 152635! Quelques mois plus tard, on l’a vu, les bâtiments furent totalement détruits pendant le siège de la ville par Ferdinand d’Habsbourg. La tradition rapporte par ailleurs que pendant la même année 1556, les protestants attaquèrent le couvent fran-ciscain de Kolozsvár, déjà évacué cinq ans plus tôt. Encouragés par le maire de la ville, ils tuèrent en pleine messe le frère Balthazar Mikola et chassèrent ses compagnons. Le lendemain, ils brisaient les autels et incendiaient statues,

30 Karácsonyi I, 35.31 Karácsonyi I, 174, 75.32 Karácsonyi I, 87.33 F. Hervay, A magyarországi kolostorok, 186-187.34 Karácsonyi II, 123.35 Karácsonyi II, 188.

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tableaux et croix de l’église36. Des scènes identiques ensanglantèrent d’autres villes de Transylvanie et les régions voisines tenues par les Szapolya, tant au détri-ment des observants (à Kusaly, Fehéregyháza, Marosvásárhely, Medgyes puis Na-gyvárad37) que des conventuels38 ou des membres des autres ordres mendiants39, pour qui l’année 1556 fut une année noire entre toutes.

Les attaques semblent avoir été plus rares en Hongrie turque. En 1560, les protestants mirent le feu au couvent de Jászberény40; les frères purent malgré tout s’y maintenir jusqu’en 1567, date à laquelle ils furent délogés par les Ottomans pour des raisons militaires. C’est en Hongrie royale surtout que, plus encore que dans les années 1540, les agressions calvinistes mirent brutalement fin à l’exis-tence de nombreux couvents. Celle qui prit pour cible le couvent de Pápa en 1556 fut si musclée qu’elle provoqua l’effondrement de la toiture du couvent, définitivement abandonné en 1559 ou 1560 après des années de persécution par les soldats du patronus, calvinistes41. Plus à l’est, les hommes de Grégoire Bethlen, calviniste convaincu récemment promu ban de Karánsebes, chassèrent les frères de la ville manu militari en 156042. Après Szántó en 1542, Vámos puis Egervár et Galgóc moururent sous les coups des protestants dans les années 1550 et 156043. Des actes isolés, commis hors des couvents, complétèrent un tableau déjà bien sombre. L’auteur de la Chronique rapporte que deux frères furent massacrés per luteranos près d’Isaszeg en 156344. En dernière analyse, ce sont les ordres d’expul-sion prononcés par les seigneurs ou les municipalités protestantes qui, plus que les massacres ou la destruction anarchique des couvents, sonnèrent le glas des implantations observantes de Hongrie royale. D’autant que, à la différence de la plupart des établissements dominicains ou marianistes45, ils rayaient de la carte des institutions qui abritaient encore de nombreux hôtes.

36 Karácsonyi II, 103; Boros, 273.37 Voir Tableau synoptique des couvents, septième colonne.38 Karácsonyi I,103.39 Les dominicains avaient dû renoncer à poursuivre leurs activité à Brassó et Nagysze ben

dès les années 1542 et 1547, comme le rappelle Ferenc Hervay dans A magyarországi kolostorok, 180-190.

40 Karácsonyi I, 418.41 Depuis le début des années 1550, ceux-ci perturbaient les messes dominicales au cou-

vent: un garde du château déguisé en âne y fit irruption pour tourner en dérision le Sacrement de l’Autel. Karácsonyi I, 417; Zs. Mezei, A pápai ferencesek, 221.

42 Karácsonyi II, 89.43 Voir à nouveau la septième colonne du Tableau synoptique des couvents.44 C[h]ronica, p. 313; Karácsonyi I, 421.45 Karácsonyi I, 100-101; F. Hervay, A magyarországi kolostorok, 189-190.

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A Strasbourg, les moniales dominicaines observantes firent preuve d’une résistance acharnée face aux multiples tracasseries de la municipalité réformée46. Les frères de Hongrie paraissent quant à eux avoir accepté avec résignation la fer-me ture de leurs établissements. Il est vrai que les méthodes employées par les pro-testants ne leur laissaient guère d’alternative. Ne serait-ce pas là le signe d’une fai ble combativité face aux idées nouvelles, voire d’une certaine attirance pour elles?

II. La tentation réformée

Plus que celle de l’implication des protestants dans les crimes visant les reli-gieux, c’est autour de la question de l’adhésion des franciscains à la Réformation que se cristallisent pour l’essentiel les divergences historiographiques. Alors que les historiens de l’ordre des Mineurs la présentent comme un courant marginal, très minoritaire et limité à quelques réfractaires en rupture de ban, il ne fait aucun doute pour les auteurs protestants que les fils de saint François se jetèrent massi-vement dans les bras de la Réforme. C’est à cause d’elle que les vocations se tari-rent, vidant peu à peu des couvents déjà déserts au moment où les municipalités et les seigneurs s’en emparèrent après le milieu du XVIe siècle47. Autrement dit, la Réforme (luthérienne puis calviniste) scella le destin du franciscanisme hongrois par son pouvoir d’at traction, et non à cause des violences commises par ses parti-sans. Du point de vue de l’Église catholique, c’était une véritable catastrophe. Non seulement elle perdait ses représentants les plus populaires et les mieux écoutés, mais ceux-ci mettaient désormais leurs talents au service de la “secte de Luther”, laquelle gagnait avec eux autant de porte-parole zélés et combatifs, tel Mathias Biró de Déva (Mátyás Dévai Biró), actif de 1530 à sa mort en 1545 et rapidement surnommé le “Luther hongrois”.

De fait, à l’instar de ce que l’on observe au même moment dans l’espace ger-manique, les prédicateurs luthériens hongrois de la première moitié du XVIe siècle sortaient souvent de couvents franciscains. Mais les historiens protestants ne font guère la distinction entre conventuels et observants. Se pose aussi le problème de leur parcours idéologique: les frères observants passés à la Réforme sont-ils réellement, comme le suppose Jenő Szűcs, les héritiers spirituels des dissidents des années 1510? Allons plus loin: étaient-ils suffisamment nombreux et influents pour donner un visage original au premier protestantisme hongrois?

46 F. Rapp, L’Observance et la Réformation, 50-52.47 Voir en particulier J. Zoványi, A reformáczió, 110-111.

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Un choix marginal

Il demeure impossible, faute de séries documentaires, d’estimer la propor-tion de frères observants ayant adhéré à la Réforme au XVIe siècle. Les témoi-gnages directs, tardifs et rares, disent tout et son contraire. Ainsi, à en croire le jésuite Paul Bertalanffy écrivant à la fin du XVIe siècle, la plupart des hôtes du couvent de Sárospatak avaient déjà embrassé les thèses protestantes avant que leurs compagnons ne soient expulsés de leur couvent par les hommes de Pierre de Perény au début des années 154048. Or, à l’exception de deux membres de cet éta-blissement dont nous reparlerons plus loin, aucune source interne ne permet de confirmer ce point de vue, probablement fondé sur la rumeur publique et nourri de parti-pris en faveur de la Compagnie de Jésus. La Chronique observante est d’un maigre secours: elle devient très laconique à partir des années 1530 et nous savons comment elle avait passé sous silence, à dessein, la dissidence de 1514. Pour ne pas salir la mémoire de l’ordre, son auteur se devait de taire le ralliement de ses membres à la via moderna. Les dirigeants de la province n’ont pas laissé de liste de frères convaincus d’hérésie. Il est souvent question d’a postats dans les sources capitulaires mais rien ne prouve qu’ils aient été exclus de la province pour luthéranisme. L’exemple du frère Jacques de Thorockó est volontiers invoqué par l’historiographie. Qualifié de sacerdos apostata par les actes du chapitre de 1535 et jugé alors irrécupérable49, il n’avait peut-être rien à voir avec le courant protestant: le document ne prononce pas le mot de luthérien, ni même d’hérétique ou de sectaire, à son sujet. D’autres apostats retournèrent d’ailleurs au même moment dans le giron de l’ordre, tel François de Kolozsvár, rediens ex apostasia en vertu d’un décret capitulaire de 153550. Dix ans plus tard, en 1545, en dépit des déclarations triomphalistes du protestant Benoît d’Abád (Benedek Abádi), ses controverses publiques ne firent qu’un seul émule parmi les frères du couvent observant de Szeged, convers de surcroît51.

Les dirigeants de la province salvatorienne reconnurent pour la première fois en 1535 qu’il y avait des luthériens en leur sein – la même année que les conventuels, particulièrement touchés52. Comme les chefs de la province maria-niste, ils ordonnèrent aux custodes de signaler au ministre provincial les cas d’hé-résie luthérienne qu’ils auraient repérés. Ils devaient punir les coupables d’un mois

48 Kollányi, 99, d’après L. Földváry, Szegedi Kis István élete, Budapest 1894, 105.49 EEMH, II, 482.50 EEMH, II, 482. Voir aussi Karácsonyi I, 395.51 Karácsonyi II, 163.52 Karácsonyi I, 96 97.

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de prison, au terme duquel ces derniers seraient remis en liberté s’ils renonçaient à leurs erreurs, ou conduits devant le ministre dans le cas contraire53. Custodes et gardiens étaient chargés de proclamer cette ordonnance capitulaire dans leur custodie ou leur couvent54. D’autres mesures préventives, plus concrètes, furent également arrêtées au cours de ce chapitre. Interdiction était faite à quiconque d’avoir des livres protestants (libri Luterani), sauf autorisation spéciale du ministre; en revanche, les ouvrages dénonçant les erreurs de Luther étaient autorisés55. Ces décisions prenaient ainsi acte d’une réelle menace de contagion protestante au sein de l’ordre. Précisons que deux ans auparavant, le roi Ferdinand avait demandé aux dirigeants de l’ordre de faire lire au chapitre provincial puis devant tous les frères de la province, couvent par couvent, le contenu de la lettre officielle de 1533 condamnant l’hérésie luthérienne56. Il ne s’agissait pas seulement de placer les ob-servants au service de la lutte contre le protestantisme, mais d’éradiquer l’hérésie au sein même de la congrégation. Toutefois, les décrets des chapitres ultérieurs n’évoquent plus le problème jusqu’en 1544. On y relève au mieux le nom de quelques membres exclus de l’ordre (en 1537 par exemple) sans précision quant à leur éventuelle affiliation à la Réformation57. Les Luthériens apparaissent dans tous ces articles comme un danger extérieur, qui causait de multiples dommages matériels aux religieux, les privant des indispensables aumônes ou détruisant leur couvent. C’est seulement en 1544 (puis en 1550) que les pères assemblés adoptè-rent des mesures visant à lutter contre la diffusion du protestantisme à l’intérieur de la province58. Encore ne firent-ils que réitérer celles de 1535, très générales, sans ajouter de précaution supplémentaire. Si le danger existait, il semblait donc pouvoir être contenu avec des méthodes traditionnelles, les mêmes que celles que l’on appliquait depuis toujours aux frères déviants ou insoumis.

Les prédicateurs et auteurs luthériens hongrois issus de l’ordre de saint Fran-çois et actifs vers le milieu du XVIe siècle que prennent à témoin les historiens protestants n’étaient pas – sauf exception et avec quelques incertitudes néan-moins – des franciscains observants. Ils appartenaient à la province marianiste

53 Item siquis (…) fuerit venenatis erroribus et dogmatibus Luteranis notatus et convictus aut aliquid contra ordinationem Sancte Sedis Apostolice dogmatisaverit (…), ipso facto per custodem (…) per integrum mensem carceri mancipetur, eo vero elapso, si talis errorem suum revocaverit, eliberetur de carcere, alioquin remanet illic ad arbitrium patris ministri. EEMH, II, 482.

54 Quod quidem decretum mandat idem pater minister per patres custodes et guardianos, posteaquam venerint in suas custodias et loca, fratribus suis denunciari. EEMH, II,482.

55 EEMH, II, 482. Voir aussi Karácsonyi I, 395.56 C[h]ronica, 302-304.57 EEMH, II, 48958 EEMH, II, 508 514. Voir aussi Karácsonyi I, 408.

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ou à d’autres ordres mendiants. Citons l’exemple des frères mineurs de Sopron, actifs dans ce domaine dès 152259, aux côtés d’une partie du clergé paroissial, ou encore la figure célèbre de Mathias Bíró. Étienne de Kopács (István Kopácsi) († vers 1568), Michel de Sztára (Mihály Sztárai) († 1575), Émeric d’Ozora (Imre Ozorai), Michel de Siklós (Mihály Siklósi), ou encore André Horvát de Szkáros (András Szkárosi Horvát) sont habituellement présentés comme issus de l’ordre franciscain60. En réalité, les deux derniers appartenaient peut-être à celui de saint Dominique61 et seuls les deux premiers sortaient assurément d’une maison de l’observance franciscaine62. D’autres noms ont surgi, il est vrai, des recherches menées tout récemment sur la première génération de prédicateurs luthériens hongrois. Le prêtre Valentin, ardent propagateur de la Réforme à Pápa au milieu du XVIe siècle, ne serait autre que le confesseur du couvent de la ville, mentionné en 1535 dans l’inventaire provincial sous le nom de Valentin d’Illés63. Étienne de Gálszécs († 1543) et son compagnon du couvent de Szántó, André de Batiz (né en 1510), ainsi qu’une dizaine d’autres religieux dont l’appartenance à la province salvatorienne reste cependant incertaine, auraient suivi le même parcours64. Les visites pastorales des archidiacres envoyés par le primat Nicolas Oláh (Miklós Oláh) dans les années 1559-1560 rapportent divers exemples de frères mendiants propageant par la prédication les idées réformées65; mais rien ne prouve, là enco-re, qu’il s’agissait d’observants. Une relecture attentive des sources concernant le couvent de Sárospatak a permis de corriger l’image diffusée depuis le XVIIIe siècle selon laquelle cet établissement, dirigé par un gardien passé au luthéranisme, serait devenu un repaire de protestants dès les années 153066.

Au total, les témoignages manquent pour conclure à une adhésion massive des observants hongrois à la Réformation. Sans doute ne concerna-t-elle qu’une minorité de religieux, apparemment bien moins nombreux en proportion que

59 V. Fraknói, Magyarország a mohácsi vész, 115-116.60 S. Őze, A ferencesek és a reformáció, 169-172; Boros, 50; Kollányi, 99, d’après L. Földváry,

Szegedi Kis István, 115.61 F. Hervay, A magyarországi kolostorok, 192.62 Celle de Sárospatak, selon la tradition. J. Szűcs, Sárospatak, 18. Signalons que la récente

mise au point de Sándor Őze (A ferencesek és a reformáció) peine parfois à faire la différence entre conventuels et observants. Voir infra.

63 Zs. Mezei, A pápai ferencesek, 220.64 S. Őze, A ferencesek és a reformáció, 169-171. L’auteur considère par ailleurs qu’André

Horvát était membre du couvent franciscain de Nagyvárad.65 Kollányi, 99, d’après Magyar Sion 1891 (sans pagination).66 J. Szűcs, Sárospatak, 16-21.

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chez les conventuels, mais peut-être davantage que chez les ermites de saint Paul67. Elle semble avoir été inférieure également à celle que connurent les franciscains observants de Bohème et de Silésie dès les années 1520 et 153068, et plus encore à celle qui caractérisait leurs collègues allemands – si le chiffre de 40% de prédi-cateurs luthériens issus de l’observance franciscaine avancé par certains historiens est bien exact69. Les données hongroises se rapprochent de la situation observée en France, où l’on admet qu’environ un cinquième des frères mendiants (tous ordres confondus) passèrent à la Réforme70.

Pourquoi n’y eut-il pas, en Hongrie comme en Bohème ou dans l’Empire, de raz-de-marée protestant au sein de la province salvatorienne? Plusieurs expli-cations peuvent être avancées, mais chacune d’elles demanderait à être vérifiée rigoureusement, ne serait-ce que pour estimer son importance relative. Comme à propos du hussitisme, on invoque traditionnellement comme facteur principal la fréquentation des établissements universitaires où les idées hérétiques avaient rencontré, de maîtres à élèves, un succès foudroyant. Wittenberg avait remplacé Prague, et l’on sait que des clercs hongrois y faisaient effectivement leurs études autour de 1520 et dans les années suivantes71. Toutefois, au sein de la province ob-servante, rares étaient les religieux que les dirigeants envoyaient étudier à l’étranger, notamment dans l’espace germanique (Autriche exclue); ils préféraient Vienne ou Cracovie. Ceux qui choisissaient Wittenberg affichaient déjà par cette destination leurs convictions72. Voilà un premier élément. Il s’en trouve d’au tres, qui tiennent aux particularismes de l’observance franciscaine hongroise. Loin de tomber dans les excès d’un rigorisme confinant à l’obsession, les observants hongrois s’étaient rapidement affranchis, on l’a vu, des pratiques rigoureuses de leurs aînés. Le culte excessif de la Règle ne risquait donc pas, contrairement au cas français (selon l’in-terprétation proposée par Bernard Chevalier73), de jeter les frères dans les bras de

67 F. Hervay, A magyarországi kolostorok, 186.68 P. Hlaváček, Die böhmischen Franziskaner, 361-362; F. Doelle, Die Observanzbewegung, 177

190-193.69 Les travaux menés depuis une quinzaine d’années en Allemagne (autour de Johannes

Schilling et de Bernd Moeller, par exemple) tendent à réviser ce taux à la baisse.70 C’est ce que tendent à prouver les études prosopographiques dirigées par Robert Sauzet

(Les réguliers mendiants..).71 S. Őze, A ferencesek és a reformáció, 169, qui s’appuie sur les récentes enquêtes prosopo-

graphiques d’András Szabó et d’Ágnes Szalay.72 C’est ce que montrent les exemples réunis par Sándor Őze dans l’article cité à la no-

te précédente. Voir aussi, à propos d’Étienne de Gálszécs, bachelier à Wittenberg en 1532, J. Szűcs, Sárospatak, 28.

73 B. Chevalier, Olivier Maillard, 39.

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la Réforme. Certes, la mollesse des réformés hongrois ne convenait pas aux frères les plus exigeants; tel François Lambert à Avignon, ils pouvaient fort bien passer à l’hérésie justement parce qu’ils n’avaient pu étancher au sein de l’observance franciscaine leur soif d’austérité74. En Hongrie cependant, la dégradation des conditions matérielles depuis les années 1530 éloignait de facto la tentation d’une vie résolument confortable. Ajoutons pour finir que les critiques contre le pape et les indulgences ne pouvaient avoir le même impact en Hongrie qu’ailleurs. Cela faisait plus d’une décennie que les frères observants ne maniaient plus l’argent du pape, après les événements compromettants de 1514. Et le principe des indul-gences pontificales restait plus ou moins lié, dans l’esprit des religieux hongrois, aux besoins (indiscutables) de la guerre contre les Turcs, que le souverain pontife s’acharnait inlassablement à relancer. Or, par fidélité à leur vocation et en réponse à une menace qu’ils vivaient quotidiennement, ils plaçaient toujours la lutte contre les Infidèles au premier rang de leurs préoccupations75.

Une filiation incertaine

Quoi qu’il en soit, l’adhésion des frères à la Réformation ne saurait être appréhendée seulement du point de vue quantitatif. Car ceux des membres de la province salvatorienne dont on sait qu’ils prirent cette orientation mirent une ardeur exceptionnelle à diffuser les idées nouvelles. Étienne de Kopács se chargea de trouver des disciples dans la population de Sárospatak, en prêchant devant les adultes et en formant les plus jeunes: il dirigea (à partir de 1550 environ) l’école luthérienne installée par Gabriel de Perény dans les murs de l’ancien béguinage franciscain76. Michel de Sztára, peut-être sorti lui aussi du couvent de Sárospatak, s’employa à diffuser le luthéranisme à partir du milieu des années 1540 (et jusqu’à la fin des années 1570), en particulier au sud-ouest de la zone turque, en Trans-danubie méridio nale, auprès d’une population spirituellement orpheline depuis le départ des prêtres catholiques. Très instruit, il sut se mettre à la portée de son auditoire: en sus des opuscules imprimés, il utilisait volontiers les chants et les piè-ces de théâtre de sa composition pour convaincre les habitants. Lui aussi dirigea

74 M. Venard, Réforme protestante, 135-139 187.75 Sándor Őze observe à ce propos que ceux des franciscains observants qui s’engagèrent

dans la prédication réformée provenaient des régions épargnées par les guerres turques. A ferencesek és a reformáció, 174.

76 J. Szűcs, Sárospatak, 21-28 32-35 43-50.

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des écoles77. Cet intérêt pour la pédagogie lui venait-il de son passé observant? La formation interne gardait le conformisme d’antan, mais les frères avaient pris l’habitude en tant que prédicateurs d’employer un langage compris de tous. Ce fut certainement un plus, bien qu’ils n’aient pas été les seuls membres du clergé à avoir développé ces procédés. Sur le fond, il s’avère très difficile de relever dans le discours de ces ex-observants devenus luthériens des résidus – en creux ou en positif – de leur passage par l’observance franciscaine. André Horvát (en admet-tant qu’il y ait réellement fait ses débuts) détonait par la virulence de son discours social et sa vision eschatologique du danger ottoman78. Michel de Sztára se voulait l’apôtre d’une nouvelle forme de pauvreté, sincère et intérieure, qui n’est pas sans rappeler un thème cher au mouvement qu’il venait de quitter. Inversement, peut-être l’ignorance crasse qu’il reprochait aux clercs venait-elle des lacunes qu’il avait constatées dans la culture des religieux. Mais en l’état actuel des connaissances, il est difficile de pousser plus loin l’analyse. Il faudrait, pour ne pas en rester à d’aussi grossières hypothèses, mener d’intenses prospections dans la documenta-tion des deux derniers tiers du XVIe siècle79.

Il est fort probable qu’avant de quitter leur couvent, les frères engagés dans la Réforme avaient déjà semé le trouble dans les esprits. Cela pourrait expliquer la persistance du problème de l’apostasie dans la province salvatorienne – même si celle-ci ne signifie pas nécessairement l’entrée des exclus dans l’une ou l’autre des Églises réformées. L’important n’est pas là: il nous faut impérativement rendre compte, en amont, de l’adhésion au protestantisme de certains frères, fussent-ils peu nombreux. Atteints comme les autres habitants du bassin des Carpates par la contagion qui gagnait le pays à partir des premiers foyers du luthéranisme, ils ne pouvaient ignorer ce qui se disait autour d’eux. Ils cherchèrent rapidement à s’informer, comme le prouvent les dispositions du chapitre de 1535 interdisant la possession d’ouvrages luthériens. Ce n’est sans doute pas un hasard si le seul membre du couvent de Szeged qui fut convaincu par le prédicateur luthérien Benoît d’Abád en 1545 était un convers: il était plus souvent en contact avec les laïcs que les autres membres de son couvent, quêteurs et prédicateurs exceptés. Cela motiva probablement les dispositions prises par les dirigeants observants en 1535, 1537 puis 1542 pour réduire les rencontres avec les fidèles. Précisons qu’elles visaient surtout les plus jeunes: les pères interdirent ainsi en 1535 et en

77 A magyar református, dir. I. Révész, 37-38; T. Esze, Sztarai Gyulán [Michel de Sztára à Gyula], Könyv ès könyvtár 9 (1973) 168.

78 S. Őze, A ferencesek és a reformáció, 171.79 On pourra commencer par: T. Klaniczay, A magyar reformáció irodalma, dans Iroda-

lomtörténelmi Közlemények 6 (1957) 12-47.

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1542 aux gardiens d’héberger dans leur établissement des pueri, y compris ceux qui faisaient paître chèvres et agneaux dans les environs, sous peine de graves sanctions80. Telle est du moins l’interprétation de János Karácsonyi, qui y voit l’indice de ce que le mal protestant aurait pénétré dans l’ordre par le biais des jeunes hommes qui vivaient autour des couvents. Elle demeure fragile cepen-dant, faute d’indices concordants, et l’on ne saurait exclure l’hypothèse selon laquelle ces directives cherchaient d’abord à prévenir les dérives sexuelles81. Toujours est-il que le chapitre provincial de 1539 interdit aux religieux d’entrer dans des liens de parenté spirituelle (en tant que parrain) ou d’amitié avec des non clercs dans l’intention exprimée d’éviter leur corruption par des laïcs82. A ce titre, il semble que le séjour de certains frères à la cour de barons favorables aux courants novateurs ait parfois orienté leurs choix futurs. Michel de Sztára, par exemple, avait exercé les fonctions de chapelain de l’ispan de Zemplén, Antoine de Pálóc, en 1526, peu après son entrée dans l’ordre83. Le baron ne comptait pas parmi les partisans déclarés du protestantisme, mais il a pu accueillir des amis luthériens ou érasmiens, tels ceux qui composaient l’entourage des souverains Jagellon. Quel rôle joua dans l’en ga gement des frères mineurs ayant pris parti pour la Réformation la fréquentation, avant ou après leur entrée dans l’ordre, des universités étrangères qui servirent initialement de caisse de résonance aux vues de Martin Luther? Si Michel de Sztára avait obtenu sa maîtrise à Padoue, Mathias Biró de Déva se trouvait à Wittenberg (après Buda et Cracovie) en 1529, tout comme Émeric d’Ozora. C’est là qu’ils découvrirent les thèses de Luther et de Melanchton84. Mais on ne leur trouve aucun équivalent chez les observants confirmés.

L’hypothèse d’une contamination extérieure paraît donc insuffisante. Pour Jenő Szűcs, l’explication est simple: le ver était dans le fruit depuis longtemps. C’est toujours la même fissure qui se creusait plus ou moins selon les périodes depuis trois décennies. Née du discours social progressiste d’Oswald de Laskó, elle prit la forme de la rebellio attestée en 1512 par les sources observantes, puis s’exprima violemment au cours de la révolte paysanne de 1514, avant de ressurgir enfin par l’adhésion à la Réforme. Dans les œuvres de Michel de Szkáros, plu-sieurs concepts tels que celui de pouvoir “juste” ou “injuste” rappellent indiscuta-

80 EEMH, II, 483, 499-500. Voir aussi Karácsonyi I, 395.81 Voir chapitre 10.82 Karácsonyi I, 399 (d’après le manuscrit Cod. Lat. 9071 (fol. 93) de la Bibliothèque de

Munich).83 A magyar református, dir. I. Révész, 37.84 S. Őze, A ferencesek és a reformáció, 169-170.

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blement les sermons du célèbre prédicateur85. Jenő Szűcs étaye sa démonstration d’éléments “objectifs”, notamment géographiques. Il constate que les prédica-teurs luthériens issus de la province observante provenaient de couvents ou de secteurs qui avaient activement participé à la grande jacquerie86. Le couvent de Sárospatak, en particulier, servit dans les deux cas de foyer majeur de contesta-tion, c’est un fait. Mais n’oublions pas qu’il faisait partie de ces établissements qui, comme ceux de Transylvanie, bénéficièrent indirectement de l’afflux de ré-fugiés venus des couvents méridionaux menacés par les conflits; la plupart de ses occupants n’avaient donc pas de racines locales. En outre, son patronus, Pierre de Perény, sympathisait depuis le milieu des années 1530 avec les protestants87; il y a donc de grandes chances pour qu’il ait encouragé l’adhésion des religieux aux idées nouvelles.

Il existe divers exemples en Occident de filiation hérétique du luthéranisme, en Dauphiné par exemple, région de tradition vaudoise. L’idée d’une continuité entre dissidence interne et Réformation en Hongrie se heurte à plusieurs obs-tacles. Souvenons-nous de l’écart qui séparait la vision de la société et du clergé prônée par Oswald de Laskó et Pelbart de Temesvár de celle qui faisait vibrer les insurgés en armes de 1514. Par ailleurs, la notion de “pouvoir juste” n’était pas le propre des luthériens; elle leur servait seulement d’outil pour construire un argumentaire tendant à dénier au pape toute autorité sur les croyants. S’il y a des “dénominateurs communs” entre courant spirituel, dévotion moderne, pré-Réforme et dissidence observante, cela ne suffit pas à faire des premiers les pré-misses des seconds. Surtout, les protestants hongrois ne se reconnaissaient pas comme les continuateurs des révoltés de 1514; bien au contraire, ils présentaient le mouvement mené par Dózsa de manière très négative88. Entre l’éclatement de la révolte de 1514 et la première mention d’apostats irrécupérables dans la province salvatorienne, en 1535, plus de vingt années s’écoulèrent sans que l’on repère la moindre trace d’une contestation idéologiquement cohérente et active89. Ce blanc chronologique résulte-t-il seulement des lacunes de la documentation? Tout juste peut-on avancer qu’à l’instar de leurs prédécesseurs du début du siècle, les frères qui voulaient aller plus loin dans leur quête de rigueur trouvèrent dans la Réformation une solution répondant enfin à leurs aspirations. À l’appui de cette hypothèse, on note que vingt ans après la fermeture de l’association de flagellants

85 J. Szűcs, Ferences ellenzéki, 434, mais sans donner de preuves ni davantage de précisions.86 J. Szűcs, Ferences ellenzéki, 426.87 J. Szűcs, Sárospatak, 25-28.88 S. Őze, A ferencesek és a reformáció, 160.89 Sándor Őze le constate également dans A ferencesek és a reformáció, 159.

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née au couvent de Pápa, l’un de ses anciens membres diffusait le message luthé-rien. Mais la continuité s’arrête ici.

En bref, l’adhésion de quelques membres de l’observance franciscaine à la Réforme demeurait insuffisante pour marquer de son sceau le protestantisme hon-grois. Du point de vue interne, comme dans les années 1510, elle partagea la pro-vince en deux camps ennemis. Elle apparaît sur le plan quantitatif et idéologique comme un épiphénomène en comparaison de tous les fléaux qui s’abattaient alors sur les frères. Elle n’en soulignait pas moins l’incapacité de l’ordre à renouveler son discours et creusait encore un peu plus le fossé qui le séparait des fidèles. Au mo-ment où les dirigeants se décidèrent à réagir, il était déjà trop tard.

III. Les observants dans la lutte contre le luthéranisme

C’est la guerre contre l’hérésie qui avait donné naissance à l’observance fran-ciscaine en Hongrie. Depuis, ses fils s’étaient illustrés dans la conversion des “schis-matiques” et, de manière plus générale, en luttant contre tous ceux qui – des crypto-bogomiles aux hussites et aux flagellants – s’écartaient par leurs croyances ou leurs pratiques religieuses des dogmes définis à Rome. En toute logique, ceux qui avaient fait figure pendant plusieurs décennies de fer de lance de l’Église catholique auraient dû rapidement prendre en mains le combat contre la dernière hétérodoxie médié-vale née en Occident: le luthéranisme. Ceci pour empêcher le navire de l’orthodoxie de sombrer, mais aussi, face aux critiques acerbes dont ils faisaient l’objet, pour se sauver eux-mêmes en se donnant une bonne raison d’exister.

Or, au regard de l’ampleur de la vague protestante, l’engagement des ob-servants hongrois dans la bataille que se livraient catholicisme et protestantisme sur l’ensemble du continent paraît dérisoire. Le chaos général, les destructions causées par les guerres et la défection de ceux qui choisirent le parti protestant captaient, il est vrai, une part de leur énergie et réduisaient leurs moyens d’action. Suffisent-ils à excuser leur léthargie? Ils grandissent en tous cas le mérite de ceux qui, envers et contre tout, réussirent à garder la tête hors de l’eau dans une mer démontée. Héritiers d’une tradition multiséculaire, ils seront aussi les pionniers d’une ère nouvelle, celle de la réforme tridentine.

Une réaction tardive

Depuis leurs couvents, les frères ne pouvaient ignorer la gravité du séisme provoqué en Hongrie par les thèses luthériennes: ils entendaient les fidèles en

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parler autour d’eux, des nouvelles alarmantes leur parvenaient de leurs confrè-res allemands ou autrichiens, et ils constatèrent bientôt les pertes que causait le protestantisme dans leurs rangs. Pourtant, comme les conventuels, ils mirent du temps à se résoudre à combattre le fléau. Ils n’intervinrent que tardivement dans la lutte contre le protestantisme. Et lorsqu’ils le firent, ce n’était pas de leur pro-pre initiative, mais à la demande des habitants ou des clercs de paroisse. En 1526 les curés de la région de Hunyad avaient sollicité le gardien du couvent de Vajdahunyad pour qu’il mette par écrit les propos blasphématoires et hérétiques du capitaine de la ville90. Quatre ans auparavant, à la demande du curé de Sopron, le roi avait chargé en 1524 un frère mineur (conventuel cette fois) d’enquêter sur la diffusion du luthéranisme dans la cité91. En 1533, les pères assemblés en cha-pitre provincial à Gyula autour du nouveau ministre (Martin de Nágócs) lurent la lettre publique du prédicateur du roi Ferdinand, le conventuel Christophe de Kassa, qui dénonçait vigoureusement les erreurs luthériennes, pour obéir à la volonté royale92.

Dès 1521 pourtant, le pape avait manifesté la volonté de placer les francis-cains en première ligne dans la lutte contre l’hérésie. Ordre avait été donné à tous les dirigeants observants – y compris en Hongrie, selon une notice retrouvée au couvent de Csíksomlyó – de combattre la Réforme. Ceci de deux manières: d’une part en priant pour que la “peste luthérienne” surgie quatre ans plus tôt s’étei-gne (ut contra pestem ante quadriennium enatam Lutheranae dogmatisationis piis et devotis precibus...); d’autre part, en résistant jusqu’à la mort contre le mal et en employant les armes de la prédication (... Divini verbi gladio et sacrae theologiae telo eidem usque ad sanguinem resistatur)93. Si le thème de la prière contre le fléau protestant apparaît effectivement dans plusieurs documents du second formulaire, il faut attendre les années 1530 pour voir les frères de Hongrie mettre en place un semblant de ré-sistance organisée – sans même parler de contre-offensive – face à la propagation du luthéranisme.

La passivité des observants hongrois est d’autant plus surprenante que, dans l’Autriche voisine, les frères avaient réagi vigoureusement. Il est vrai que le mi-nistre provincial y bénéficiait de l’appui du confesseur de la reine, un franciscain qui avait par ailleurs des contacts en Hongrie puisqu’il parlait hongrois aussi bien qu’allemand94. A en juger par le ton virulent de leurs déclarations dès les années

90 … guardianus claustri eiusdem Hwnyad (…) ad monita nostra (…) rescripsit. EEMH, II, 288.91 V. Fraknói, Magyarország a mohácsi vész, 122-123.92 Karácsonyi I, 394-395.93 EEMH, I, 49, n°48.94 Kollányi, 76, d’après 2e form., fol. 172-173.

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1520, les dirigeants de la province de l’archiduché avaient déclaré la guerre à la “secte luthérienne”. Des deux méthodes que leur avait suggéré le pape en 1521, c’est la seconde qu’ils privilégièrent95. Ils ne se contentèrent pas en effet de prier pour la disparition de l’erreur protestante et de la condamner. Dès 1522, le chapi-tre réuni à Vienne chargeait une quarantaine de frères de sillonner les routes autri-chiennes pour prêcher contre les idées luthériennes. Parmi eux figure d’ailleurs un certain Johannes de Hungaria. Lui et ses compagnons déployèrent une intense activité jusqu’au début des années 1540, qui leur valut les compli ments du pape Paul III. Celui-ci déclarait à Ferdinand Ier qu’ils avaient réussi à faire revenir dans le giron de la vraie foi nombre d’hé ré tiques par leur travail inlassable, accompli par l’exemple et la parole96. De fait, l’Autriche leur doit peu ou prou d’être demeurée catholique97.

Pourquoi les membres de la province salvatorienne ne suivirent-ils pas leur exemple? Sur le moment, les difficultés matérielles, les destructions et les défec-tions internes leur semblaient plus menaçantes encore que le fléau protestant, qui s’était répandu de manière moins spectaculaire en Hongrie que dans l’Autriche voisine jusqu’à la fin des années 1520. Les recommandations pontificales pou-vaient donc leur paraître excessives par rapport au contexte local. Le pays avait toujours réussi à endiguer les hérésies, sans doute en irait-il de même pour celle-là. L’attitude des frères magyars est probablement l’effet aussi d’un certain fatalisme: leur manque de combativité venait de ce que, face aux catastrophes qui les en-touraient, ils n’attendaient plus qu’une chose, la fin des temps. Enfin, faute d’une formation théologique suffisamment solide et adaptée aux débats du moment, ils manquaient vraisemblablement de répondant pour démonter l’argumentaire pro-testant. En ce sens, les franciscains observants hongrois portent leur part de res-ponsabilité dans la rapide propagation du protestantisme au sein de la province. Comme leurs collègues d’Allemagne méridionale, qui ne réagirent que lorsque les municipalités ordonnèrent la fermeture de leurs couvents98, leur inertie aux heu-res cruciales des débuts de la Réforme entretint une certaine confusion dans les

95 G. Rant, Die Franziskaner der Österreichischen, 42-43.96 Ubi Fratres Ord. Min. de Observania nuncupatur, tuae curae commissi, pro catholica Fidei tui tione

plurimum laboraverunt et in dies laborare non cessant, multosque a Lutherana perfidia sua exem plari vita, salubrique doctrina, prout intelleximus, revocarunt et revocant. Cité par G. Rant, Die Fran ziskaner der Österreichischen, 42-43.

97 Détails et documents dans G. Rant, Die Franziskaner der Österreichischen, 2e partie (Die Klöster in Krain bis zum ihrem Verfalle), 53-136.

98 P. Nyhus, The Franciscans in South Germany, 25.

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esprits qui aboutit en quelques années à l’effondre ment des certitudes anciennes dans une large partie de la population.

Des moyens dérisoires

Au début des années 1530, les dirigeants de la province salvatorienne finirent néanmoins par prendre une série de mesures visant à lutter contre le fléau luthé-rien. Ils orientèrent le contenu des sermons prononcés par les prédicateurs habi-tuels de l’ordre dans cette perspective et affectèrent auprès de plusieurs couvents un frère spécialement chargé de réfuter par la parole les thèses protestantes. Les tables capitulaires mentionnent ainsi le nom des religieux envoyés à partir de 1535 dans divers établissements de la province. Leur nombre augmenta au fil des ans, atteignant parfois celui des gardiens nommés simultanément dans chaque cus-todie99. Certes, les registres ne précisent pas leurs attributions: il y est seulement question de predicator. Mais leur désignation par communauté religieuse (et non par contrata, à la différence des prédicateurs ordinaires) permet de penser qu’ils avaient principalement pour mis sion d’enrayer les progrès du protestantisme. Les couvents observants devinrent dès lors des foyers de contre-Réforme, au sens étroit du terme. Par la suite, en vertu des décrets capitulaires de 1537 et des an-nées suivantes, le système se dissocia du réseau des couvents. Des prédicateurs furent nommés dans des localités dont le couvent avait fermé ses portes depuis longtemps – comme à Jászberény, où un prédicateur demeura jusqu’en 1583 –, ou dans d’autres qui n’en avaient jamais abrité (Kecskemét, Segesvár, Mezőtúr, Dés, Tasnád, Kálmáncseh, Tolna, Miskolc puis aussi Torda, Enyed, Déva). Car le critère n’était plus la présence d’un établissement franciscain, mais la diffusion de la Ré-forme; et ces affectations répondaient presque toujours à une demande des habi-tants. Dans toutes ces villes et bourgades, de violentes joutes oratoires opposèrent dans les années 1540 à 1560 les franciscains passés à la Réforme aux prédicateurs mandatés par la direction salvatorienne100. La lutte contre l’hérésie, devenue en-tre-temps omni présente, avait donc conduit les dirigeants à ramifier les structures provinciales. Ce qui n’alla pas sans sacrifices, vu l’effondrement du nombre de frères. La décision de fermer certains couvents résulte très cer tainement de cette impossibilité de maintenir des combattants sur tous les fronts.

Les plus inventifs des prêcheurs observants accrurent leur force de per-suasion en utilisant des outils visuels, comme le portrait de Lucifer qu’ar borait

99 EEMH, II, 477-529.100 Résumé et bibliographie dans S. Őze, A ferencesek és a reformáció, 173.

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Démétrius de Csát, l’ancien délinquant devenu gardien de Nagyvárad puis de Sárospatak (1533-1535), pour mieux convaincre son auditoire ; il se rendit bientôt célèbre pour les chants qu’il composa dans le même esprit101. Mais rares furent ceux qui inscrirent leur travail dans la durée, par le biais de l’imprimerie, tandis que plusieurs membres de la province marianiste s’illustraient alors par leurs écrits anti-protestants. Grégoire de Szeged, gardien de l’établissement con ventuel de Nagyvárad élu ministre pro vincial en 1546, s’opposa en particulier à son (ancien) confrère Mathias Bíró de Déva par un traité publié à Vienne en 1535 qui s’ef-forçait de réfuter ses allégations102. On ne trouve rien de tel côté observant. Sans doute parce que, on l’a dit, les frères n’étaient pas suffisamment armés intellec-tuellement pour se lancer dans des controverses portant sur le fond.

Quel zèle animait les frères spécifiquement chargés de lutter contre le protes-tantisme? L’historiographie franciscaine exalte volontiers la mémoire des victimes des violences protestantes, présentées comme des martyrs du catholicisme. Le Jean de Hongrie qui avait été envoyé en Autriche autour de 1530, fut tué par un luthérien à Neustadt en 1548103; plusieurs de ses compagnons allemands subirent le même sort. En Hongrie, nous l’avons constaté plus haut, de nombreux frères péri rent sous les coups des protestants. Mais cela ne constitue pas, à l’évidence, un indice fiable de leur ardeur à combattre le protestantisme. Dans la plupart des cas, ils furent victimes des agressions contre les couvents eux-mêmes. Ce n’est pas le courage de leurs opinions qui les conduisit à la mort, mais le simple fait qu’ils avaient le tort de représenter une Église dont la majorité des chrétiens ne voulait plus.

En fin de compte, les membres de l’observance franciscaine déployèrent des moyens ridiculement faibles. Une quinzaine (au plus) de prédicateurs, renou-velés tous les deux ans, ne pouvaient lutter à eux seuls contre le raz-de-ma rée protestant. Les frères se montraient étonnamment discrets dans les con tro verses publiques, aussi bien que sur le terrain des publications anti-lu thé riennes. Il est vrai qu’au même moment, les membres des autres ordres présents en Hongrie, conventuels exceptés, ne faisaient guère mieux dans ce domaine. Malgré les allé-gations de certains auteurs appartenant à la congrégation, les ermites de saint Paul ne semblent pas avoir pris part aux débats publics contre les protestants, ni avoir produit de traités sur le sujet104. Aucune activité de ce genre n’est prouvée chez les ermites de saint Augustin105 et les dominicains eux-mêmes, pourtant sommés par

101 J. Horváth, A reformáció, 162; J. Szűcs, Sárospatak, 36.102 J. Horváth, A reformáció, 162-163; F. Hervay, A magyarországi kolostorok, 190.103 C. Othmer, Die Märtyrer des österreichischen, 469.104 F. Hervay, A magyarországi kolostorok, 187-188.105 F. Hervay, A magyarországi kolostorok, 188.

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le chapitre général de 1523 de s’opposer par l’écrit et par la parole aux luthériens, se montrèrent tout aussi effacés106. Là encore, fatalisme et tracas matériels eurent raison de l’enthousiasme des origines. On connaît la suite: la majeure partie des habitants du pays passa au protestantisme, tandis que les couvents fermaient leurs portes les uns après les autres.

Les derniers bastions du catholicisme

L’histoire de l’observance franciscaine ne se termine pourtant pas là. Au plus fort de la crise, des éléments nouveaux apparurent, qui devaient finalement assu-rer la pérennité de l’ordre – et du catholicisme – en Hongrie.

A partir du milieu des années 1530, au fil des départs et des défections par-mi les clercs paroissiaux et les autres ordres religieux, les membres de l’obser-vance se substituèrent progressivement au clergé séculier et régulier disparu. Les évêques n’ayant plus assez de troupes, ce sont eux qu’ils chargèrent d’as sumer les tâches accomplies jusqu’alors par les clercs séculiers. L’évêque de Nagyvárad pria ainsi le ministre provincial de lui procurer des frères pour qu’ils prononcent les sermons de Carême dans la cathédrale. Le ministre accéda à sa requête, se-lon un document du second formulaire107. Il envoya également à Nagybánya un frère de la custodie de Transylvanie, ainsi qu’un autre, affecté à Dés, là encore à la demande de l’évêque et pour remplacer le clergé défectueux108. De leur côté, les aristocrates catholiques continuaient pour certains d’entre eux à choisir leur confesseur – et souvent prédicateur (predicator et confessor) – en leur sein, comme en témoignent les actes du chapitre de 1542109. On peut raisonnablement sup-poser qu’ils ne se bornaient pas à lui demander de raffermir leur foi et celle de leurs proches. Sans doute le chargeaient-ils également, vu le manque de clercs paroissiaux, de garder (sinon de ramener) la population de leurs domaines dans la voie de l’orthodoxie.

Les habitants de villes entières en vinrent à exprimer des vœux similaires. Ils suppliaient non seulement les franciscains de lutter contre le protestantisme, mais aussi d’encadrer ceux des habitants qui étaient restés fidèles au catholicisme. Car la pénurie de clercs faisait d’eux les derniers survivants d’un courant devenu minoritaire et menacé d’extinction, les vivants bastions d’une foi assiégée de tou-tes parts. C’est alors que l’on vit les municipalités réclamer avec insistance aux

106 F. Hervay, A magyarországi kolostorok, 189.107 Kollányi, 76, d’après 2e form., fol. 166.108 Kollányi, 6, d’après 2e form., fol. 169.109 EEMH, II, 502. Voir aussi Karácsonyi I, 402.

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dirigeants de la province le retour des frères dans les couvents abandonnés ou presque vides. Les habitants de Paks avaient supplié le ministre peu avant 1537 de faire revenir les franciscains observants dans la bourgade, qu’ils avaient désertée peu auparavant; en vain, puisque le chapitre provincial leur conseilla, pour raisons de sécurité, d’y installer d’autres religieux110. Les tables capitulaires de 1537, 1539, puis 1542 (et jusqu’en 1567) rapportent de nombreuses demandes analogues, ve-nues de villes qui n’abritaient pas toutes un couvent observant, loin s’en faut. Les responsables les satisfirent, dans la limite de leurs moyens, par l’envoi des prédi-cateurs isolés évoqués à l’instant. A défaut de pouvoir disposer de frères résidant en permanence sur place, les habitants réclamèrent de plus en plus des prédica-teurs observants. Leur mission était double: ils devraient dénier publiquement les thèses réformées en réponse aux attaques des protestants, mais aussi instruire la popu lation locale dans la vraie foi111. La requête formulée par les habitants de Pest en 1542 visant à recevoir de nouveaux frères, en remplacement de ceux qui avaient pris la fuite ou avaient péri sous les coups des Turcs, procède sans doute d’une démarche similaire112. Ce changement de vocation apparaît plus nettement encore à propos de la ville de Nagybánya, à la fin des années 1540: le curé de la ville ayant pris le large, les membres du couvent accomplirent dès 1548, seuls, la cura animarum. Ils furent alors autorisés à recevoir les aumônes associées à leurs fonctions paroissiales113.

Cette vocation nouvelle, les frères observants semblent l’avoir assumée pen-dant près d’un siècle et demi avec ardeur et ténacité, en particulier dans la zone turque, restée pour des raisons politiques à l’écart de la Contre Réforme114. János Karácsonyi vante à ce propos leur courage et leur abnégation115. Il faudrait na-turellement vérifier le bien fondé de ces éloges en explorant la documentation de la seconde moitié du XVIe siècle – ce qui s’écarte de mon propos. L’exemple de Gyöngyös, récemment étudié par Antal Molnár à partir de sources du XVIIe siècle, semble lui donner raison : ici comme à Szeged, l’action multiforme des fils de saint François (célébrations religieuses, administration des sacrements, en sei-gnement) combla les attentes spirituelles de la communauté chrétienne et l’éloi-

110 Karácsonyi I, 397.111 Karácsonyi I, 398 402.112 EEMH, II, 498. Voir aussi supra.113 Item fratres de Banya, ibidem gerant cura animarum et oblationes elemosinarum valeant accipere.

EEMH, II, 411; Karácsonyi I, 410; II, 123; Boros, 275, note 147.114 Résumé en français de la situation dans: O. Chaline, La reconquête catholique; M.-M. de

Cevins, L’Église catholique.115 Karácsonyi I, 405.

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gna définitivement de la solution réformée116. Pour y parvenir, les responsables de la province n’avaient pas hésité à abandonner plusieurs couvents jugés moins stratégiques pour concentrer les forces vives de l’ordre sur une poignée de cen-tres urbains mieux placés géographiquement et protégés par la bienveillance des administrateurs turcs locaux (tel celui de Gyöngyös), où elle conservait l’espoir de maintenir en vie le catholicisme ; un repli maîtrisé qui porta ses fruits117.

Une chose est sûre: c’est à cette période précisément – et non à l’époque glorieuse de leur apogée numérique et de leur ascendant idéologique –, que l’ob-servance franciscaine hongroise s’acquit la réputation qui est encore la sienne aujourd’hui: celle d’une famille de frères proches de la population, prêts à risquer leur vie pour protéger leurs ouailles et capables de leur rendre espoir dans les pi-res conditions, à l’heure où leurs maîtres, seigneurs et anciens pasteurs les avaient abandonnés à leur sort.

S’ils n’avaient pas réussi à endiguer la vague protestante, à la différence de leurs voisins autrichiens, ni même à éviter la fermeture de la plupart de leurs mai-sons, les frères de l’observance hongroise parvinrent malgré tout à maintenir en vie un catholicisme moribond. En plein pays protestant et partielle ment dominé par une administration musulmane, ils apparaissaient à la fin du XVIe siècle comme les derniers bastions du catholicisme hongrois. Cela constituait en soi un véritable exploit, qui leur valut une image très positive pour la postérité.

Les relations entre l’observance franciscaine hongroise et la Réformation montrent le danger qu’il y aurait à opposer en bloc, comme le font trop fa-cilement les ouvrages partisans, les tenants du catholicisme d’un côté, parmi lesquels on range d’emblée les fils de saint François, aux disciples de Luther – en oubliant qu’il était lui-même issu d’un ordre mendiant réformé. En Hon-grie, c’est après la partition du royaume scellée en 1541 que frères et couvents furent victimes d’agressions répétées de la part des protestants. Tandis que cer-tains membres de la province salvatorienne hongroise propageaient les thèses luthériennes (puis calvinistes), d’autres qui avaient reçu la même formation et connu le même genre de vie qu’eux pendant des années les combattaient avec virulence et jusqu’au martyre118. Cette situation paradoxale n’avait rien de très original dans l’Europe d’alors. Les revirements existaient, comme le prouvent les réintégrations mentionnées par les tables capitulaires. Car il s’agissait avant tout de choix individuels, qui n’avaient rien de définitif, ni de prévisible, ainsi

116 A. Molnár, Mezőváros és katolicizmus, passim.117 A. Molnár, Mezőváros és katolicizmus, 85.118 C’est ce qu’observait Jenő Szűcs dans Ferences ellenzéki, 411.

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CHAPITRE 12470

que le montrent les recherches approfondies menées sur ce sujet dans d’autres espaces de la Chrétienté119. Au demeurant, la plupart des frères se gardèrent de s’engager dans l’une ou l’autre de ces deux voies extrêmes. Si une petite mino-rité d’entre eux passa à la Réformation, rares étaient les religieux engagés corps et âme dans la lutte contre le protestantisme. Et l’ardeur des seconds n’égalait pas toujours les talents des premiers.

Au terme de cette quatrième et dernière partie, il est temps d’évaluer la part respective des différents facteurs habituellement invoqués pour rendre compte de la débâcle de l’observance franciscaine en Hongrie après 1526. Celle-ci, on ne le répètera jamais assez, n’était pas générale: elle épargna longtemps les maisons de Transylvanie et du nord-est de la Grande Plaine, revigorées par l’arrivée de frères venus des couvents du sud du royaume et protégées par un gouvernement favorable. A l’exception de ceux dont le couvent se trouvait sur le passage des armées turques (en Slavonie et le long de la moyenne vallée du Danube) quand elles menèrent les offensives de 1526, 1529 puis 1541-1542, les frères hongrois n’eurent guère plus à se plaindre des destructions causées par les Ottomans que de celles des autres forces en présence. D’ailleurs, après la stabilisation de la domi-nation turque en Hongrie centrale, leurs établissements subirent plutôt moins de déprédations que leurs voisins de Hongrie royale ou même de Transylvanie (après 1551). En dehors de foyers isolés, les pro testants ne jouèrent un rôle décisif dans la fermeture des établissements observants que lorsque leurs idées submergèrent le pays, autrement dit à partir des années 1540.

Le recul de l’observance franciscaine en Hongrie entre 1526 et 1541 a donc aussi et surtout des origines internes. Parmi elles, on retiendra le tarissement des vocations, conséquence de la tiédeur de l’interprétation de la règle originelle et des aménagements au vœu de pauvreté imposés par le marasme économique et l’insécurité générale, et plus généralement la crise de conscience qui rongeait les frères depuis les dissensions du début du siècle. Moralement fragilisée, la province salvatorienne ne put lutter contre la réduction drastique de ses moyens de subsis-tance et les progrès du luthéranisme parmi les fidèles et à l’intérieur des couvents. L’observance franciscaine ne retrouva sa raison d’être qu’à partir du moment où, alors qu’elle n’était plus que l’ombre d’elle-même, elle se vit investie d’une voca-tion neuve: défendre la citadelle assiégée du catholicisme hongrois.

119 A Nîmes, par exemple, des frères mendiants prêchaient la Réforme au début du XVIe siècle, pendant que d’autres mouraient pour défendre la foi catholique. R. Sauzet, Entre l’Ob-servance et la Réformation, 303.

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CONCLUSION

L’histoire de l’observance franciscaine hongroise entre le milieu du XVe siè-cle et le milieu du siècle suivant ne se présente pas comme un tout uniforme. Si les trois grandes césures chronologiques annoncées en introduction – vers 1490, 1510 et 1526 – reflètent grossièrement les mutations politiques, économiques et sociales du pays, elles constituent aussi des dates charnières pour l’évo lu tion du mouvement en Hongrie. Et celle-ci ne se restreint pas au cycle habituel menant de la naissance au déclin, en passant par la maturité ou l’apo gée, que l’on retrouve dans d’autres provinces de l’ordre à quelques années d’intervalle. Elle comporte des éléments originaux indissociables du contexte hongrois.

Les décennies 1450 à 1490 virent l’implantation massive du franciscanisme réformé dans le bassin des Carpates. Ce courant resté jusqu’alors marginal dans le paysage monastique hongrois connut un essor spectaculaire sur les plans géo-graphique (sortant du cadre de la Slavonie et des marges méridionales du royau-me où il se cantonnait jadis), quantitatif (en comparaison notamment des autres congrégations mendiantes) et idéologique. La dynamique n’avait pas été lan cée par les habitants du royaume magyar: ils ignoraient pour la plupart la spécificité du mouvement à cette période et n’avaient guère à se plaindre des fran ciscains traditionnels, qui venaient d’effectuer avec succès leur propre réforme. L’initiative vint d’abord du pape, inquiet de la persistance de foyers hérétiques et désireux de relancer la croisade contre les Infidèles. Les hérauts qu’il avait dépê chés sur place, tous issus de l’observance italienne, en la personne de Jacques de la Mar-che puis de Jean de Capestran, donnèrent une vive impulsion à l’obser vance en Hongrie. Les aristo crates magyars prirent le relais, suivant l’exemple royal, par intérêt personnel et lignager, mais aussi pour unifier mora lement la population en lui désignant clairement l’ennemi: le Turc, le “schismatique” ou l’hé rétique. La stabilisation du réseau des couvents, qui s’installait maintenant dans la durée, et l’adaptation de la règle au contexte local, ajoutés à cet actif sou tien nobiliaire, contribuèrent à donner à l’observance hongroise une tonalité modérée, dans l’ap-plication du vœu de pauvreté et les formes de piété comme dans la place faite aux convers et aux tertiaires. Dès la fin du XVe siècle, le “fran ci scanisme de frontière” hérité de son passé missionnaire bosniaque s’était étaint.

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Les dernières années du XVe siècle et la première décennie du siècle suivant apparaissent comme le temps de l’apogée numérique – avec environ soixante-dix couvents et plus de mille cinq cents religieux –, celui aussi du perfectionnement administratif. Autant de progrès qui permirent aux frères de résister aux récentes attaques des conventuels et de vivre sereinement leur retour dans la famille cis-montaine, qu’ils avaient quittée dès 1458 pour affirmer leur autonomie. C’est alors que l’observance hongroise exerça son rayonnement maximal dans la société hon-groise, des élites de la cour jusqu’aux masses paysannes, sans oublier les bour geois des villes, jusqu’alors réticents. Elle le devait non pas à l’aura de ses saints – elle n’en comptait toujours aucun –, mais aux qualités intel lectuelles de quelques-uns de ses membres, notamment Pelbart de Temesvár et Oswald de Laskó, qui acqui-rent par leurs écrits une stature internationale. Son succès te nait également, de manière plus générale, au compromis que les frères de Hongrie avaient su trouver entre la rigueur des origines, le pragmatisme qu’im po sait le terrain hongrois et les attentes spirituelles des frères et de leur auditoire, attachés dans l’ensemble à un certain conformisme spirituel. Tandis qu’ils ne ces saient de gagner du terrain sur le plan de la pastorale, le pape faisait d’eux ses porte-parole privilégiés pour pro-mouvoir les jubilés et la croisade, avec le soutien du roi de Hongrie. Un équilibre harmonieux semblait avoir été trouvé au tournant des XVe et XVIe siècles, dont on aurait pu imaginer qu’il durerait plusieurs décennies encore.

C’était compter sans l’évolution des mentalités religieuses. La vague de contestation teintée d’eschatologie et de prophétisme qui dénonçait pêle-mêle la corruption de la cour pontificale et les tares du haut clergé dans l’ensemble de la Chrétienté latine atteignit la Hongrie au moment précis où le zèle des frères ob-servants s’estompait et où leur engagement au service du pape prenait des formes fortement impopulaires et objectivement contraires aux préceptes du poverello. Mal outillés pour répondre à ces critiques, puisqu’ils en étaient toujours restés à des modèles traditionnels, et persuadés de leur bon droit, les dirigeants de la province ne virent pas monter la dissidence au sein même de l’ordre, avant les événements sanglants du printemps et de l’été 1514. Cette année-là, des religieux prirent fait et cause pour les insurgés et menèrent avec eux une guerre sans pitié contre les seigneurs et tous les représentants de l’ordre établi, assimilés aux suppôts de l’An-téchrist. Impossible cette fois de nier l’existence d’un courant contestataire. Il n’était pas uniquement le fait d’une poignée d’agitateurs, mais aussi de nombreux frères traversés depuis longtemps de doutes récurrents. Les responsables de la province coupèrent aussitôt les “branches malades”, sans comprendre la portée réelle du mouvement. Au lieu de réviser leurs positions en matière de pratiques re-ligieuses, sur les indulgences comme sur la notion de salut individuel, par exemple, ils en restèrent aux certitudes d’antan. Ils laissaient ainsi sur leur faim les religieux

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qui n’adhéraient plus aux formules du passé, comme les fidèles qui attendaient d’autres réponses à leurs interrogations spirituelles. L’engagement des plus exaltés dans la jacquerie de 1514 fit per dre par ailleurs à la province ses anciens appuis parmi les grands laïcs et ecclésiastiques.

L’observance franciscaine sortait tout juste de ce grave traumatisme lorsqu’el-le dut faire face, à partir de 1526 environ, à de multiples dangers mena çant plus directement encore sa survie: les destructions liées aux guerres inces santes – cel-les causées par les envahisseurs turcs mais aussi par leurs adversaires chrétiens –, la propagation du protestantisme, ou encore le marasme économique, peu com-patible avec un mode de vie fondé sur la mendicité. Désemparés, les frères se laissèrent ten ter par le relâchement des moeurs, donnant une image de l’ordre qui ne pouvait qu’aggraver l’inquiétante crise des vocations, tandis que d’autres prê-taient l’oreille aux thèses luthériennes venues des pays allemands. Les dirigeants de la province, pris par l’urgence de la situation, repoussèrent tant qu’ils le purent la fermeture des cou vents les plus exposés aux violences des bandes armées et regroupèrent les rescapés dans ceux qu’ils jugeaient plus sûrs. Ils provoquèrent ainsi un glis sement du centre de gravité de la province vers le nord et l’est, alors qu’elle avait été dominée depuis ses débuts par les couvents méridio naux. Mais ils ne purent empêcher certains de ses membres de rejoindre le camp réformé, sur-tout après 1541, lorsque la Réformation se répandit comme une traînée de poudre dans tout le royaume, y compris au sein du clergé.

La Hongrie constitue bien, en définitive, un cas singulier au sein de l’obser-vance franciscaine des XVe et XVIe siècles. Parce qu’elle vécut au rythme des drames que traversait le pays – tandis que les frères de Pologne, par exemple, poursuivaient sereinement leurs activités à l’époque dorée du XVIe siècle –, mais aussi par l’orien-tation conservatrice que lui donnèrent ses représentants aussitôt qu’ils acquirent un tant soit peu d’autonomie, en sortant du cadre de la vicairie de Bosnie tout d’abord, puis en quittant le giron cismontain. Ils privilégiaient le pragmatisme sur le légalisme et pratiquaient l’insertion dans la société profane plutôt que l’isolement érémitique. En s’écartant des modèles conçus par les fondateurs italiens du mouve-ment, ils aggravaient immanquablement son hétérogénéité à l’échelle du continent. N’y voyons pas l’effet d’une susceptibilité nationale exacerbée par le contexte d’in-vasion ou les menaces d’invasion étrangère, mais plutôt la nécessité de s’adapter, encore et toujours, au terrain local. Elle leur apparut, à juste titre d’ailleurs, comme une priorité: sans cette adéquation, la sauce n’aurait pu prendre, puisque l’ordre avait été imposé d’en haut. Imputer le reflux observant du XVIe siècle au caractère artificiel de son expansion dans les décennies précédentes serait donc une erreur. Par les efforts d’adaptation qu’accomplirent ses dignitaires, l’observance franciscai-

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ne parvint rapidement à s’enraciner dans le milieu magyar, devenant dès la seconde moitié du XVe siècle un élément familier de la vie des Hongrois.

A contrario, ce sont précisément ces choix initiaux qui portent la respon sabilité de son recul au siècle de Luther. En n’exigeant plus des frères qu’ils mènent une existence ascétique, les responsables ôtaient au mouvement son caractère héroï-que. Il ne réapparaîtra qu’à la fin du XVIe siècle, dans le contexte d’un catholicisme agonisant. En réduisant la formation de ses prêtres à la seule casuistique, ils les privaient en outre des arguments qui auraient pu leur permettre de vaincre l’hydre de la contestation religieuse au sein du christia nisme. Les franciscains en viendront à fréquenter les écoles jésuites, selon la recom man dation du chapitre provincial de 15811. Enfin, leur méfiance à l’é gard des associations de laïcs et leur spiritualité d’arrière-garde creusèrent pro gres sivement le fossé qui les séparait des élites spi-rituelles de leur temps. C’est donc un peu leur faute si elles écoutèrent les sirè nes du pro testantisme. Les membres de l’observance franciscaine ne retrou veront une place dans l’Église hongroise qu’au moment de l’introduction en Hongrie de la Contre Réforme; mais ils agiront cette fois aux côtés des nouvelles congrégations religieuses nées dans son sillage, qui leur avaient ravi leur primauté ancienne.

Tels sont les résultats auxquels les éléments réunis dans les pages qui précè-dent permettent d’aboutir. N’oublions pas cependant qu’ils demeurent fragiles. Il s’agit d’impressions, plus que de conclusions. L’avenir dira, au fil des découvertes documentaires, ce qu’elles valent. Soulignons que les Archives Fran ciscaines de Budapest, en pleine restructuration, n’ont pas livré tous leurs secrets; celles de la Sacrée Pénitencerie Apostolique non plus. En attendant de pouvoir remettre la main sur le formulaire observant hongrois des années 1530, il faudrait analy-ser plus minutieusement que je ne l’ai fait le contenu du “premier formulaire”; les documents édités ci-joint en pièces justificatives en donnent un avant-goût. Certains pans de l’en quête demeurent presque totalement inexplorés: le parcours individuel des frères – qui mériterait une étude prosopographique approfondie, même si elle restera forcément lacunaire –, le détail des usages liturgiques, ou encore l’impact de la présence des religieux sur la vie économique et sociale des villes et des bourgades dans lesquelles ils avaient installé leurs couvents et envoyé leurs prédicateurs. Nul ne sait si la récolte sera abondante, mais le champ attend ses moissonneurs.

1 Kollányi, 100-101, d’après les actes du chapitre provincial de 1581.

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PIÈCES JUSTIFICATIVES

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PIÈCES JUSTIFICATIVES

Les documents présentés ici se composent pour l’essentiel de textes pro-ve nant du “premier formulaire”1. Ils ont été sélectionnés pour leur variété (date, forme, contenu), en excluant d’emblée les textes ayant déjà fait l’objet d’une édi-tion2.

Ils sont classés par genre, dans l’ordre suivant:

I. Exhortations du chef de la province franciscaine observante de Hongrie: a) exhortations aux custodesb) exhortations aux novices

II. Textes normatifs

III. Correspondance administrativea) correspondance avec les autorités cismontainesb) correspondance interne: lettres d’obédience aux dirigeants, aux visiteurs et aux discretsc) lettres d’obédience aux prédicateursd) dispenses pour déplacement ou transferte) lettres de dirigeants hongrois répondant à des circonstances particulières

IV. Documents comptables

V. Correspondance privée entre frères

VI. Documents relatifs aux laïcsa) lettre aux tertiairesb) lettres aux confréries de dévotion et de métierc) lettres confraternellesd) testament d’un laïc

1 Voir Sources manuscrites.2 Voir Sources imprimées.

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VII. Autres documentsA l’intérieur de chaque rubrique, les textes apparaissent dans l’ordre de la

chronologie ou, lorsqu’on ignore leur date de rédaction, dans l’ordre des folios du registre.

Les parenthèses présentes dans le manuscrit ont été fidèlement repro duites. A cette exception près, ponctuation, majuscules et mise en page ont été moder-nisées pour les besoins de la compréhension, de même que la tran scription des graphies “i”/”j”, “u”/“v”/“w” et “c”/“t”, conforme à l’usage dominant chez les éditeurs français.

On ne peut mesurer le degré de corruption de ces textes, puisqu’il s’agit de tran scriptions effectuées à partir d’originaux aujourd’hui perdus. Par conséquent, seules les irrégularités ou bizarreries orthographiques ou grammaticales exce-ptionnelles sont signalées par le sigle [!] et rectifiées si nécessaire dans les notes de l’apparat. Les mots douteux sont indiqués par le sigle [?].

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I. Exhortations du chefde la province franciscaine observante de Hongrie

A) Exhortations aux custodes

1

1488, Sárospatak – Exhortation du vicaire de Hongrie Barthélemy [Zazymus] de Sáros1 adressée au custode d’Ozora Grégoire d’Esztergom.

OSzK, Codex Latinus medii aevi n° 432, fol. 17-23v.

[fol. 17] Exhortatio ad fratres

Frater Bartholomeus de Saros ordinis Minorum etc., inutilis vester servus et infructuosus. Venerabili patri fratri Gregorio de Strigonio2 c[ustodi] c[ustodie] Ozo re, honorabilibusque patribus guardianis, necnon ceteris fratribus custodie prefate ordi-nis Minorum professionibus patribus, in Domino dilectis, semper colendis, Jhesus Christi Domini nostri charitate insignitum, sancte charitatis continuum augmentum. Venerabiles honorabilesque patres, necnon ceteri fratres in dulci Jhesus amore cum predilectione, absens corpore interno, tamen contemplationis affectum in spiritu pari-ter et mente quasi coram ponitus, vultum inspiciens faciei vestre, ut ferventius anime-mur ad amorem celestis patrie, paucis his sancte charitatis curam elemosyniis v[estro] v[enerabili] p[aternitati] complacere.

Quoniam igitur, absente prelato, virtuosa et religiosa amplius subditus insistere debet conversationem, videte igitur, o fratres mei charissimi, videte vocationem ve-stram, qua nos dei benignitas ad tam gloriosum tamquam perfectissimum [fol. 17v] dignata est vocare statum, ut videlicet imaginem filii sui revelaret in nobis, et ideo advertere debemus, quod ipse Christus Dominus ad apicem nos perfectionis vult adi-re in regula nobis promissa, sic videlicet sequi vitam evangelicam qui excellentior ab

1 Élu successivement à trois reprises, Barthélemy de Sáros occupa la charge de vicaire de la province franciscaine observante de Hongrie de 1485 à 1490. Voir liste des vicaires, p. 621..

2 Esztergom, en Hongrie.

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aliis non fiat. Quapropter rigida intentione nostram sequi debemus professionem, nec dissolute propositum nostrum ac superni amoris desiderium affectare, quia in di-scussione divini judicii attrociter arguimur, si quod sponta professione spopondimus opere adimplere negleximus. Bene tamen tales in conspectu justi judicis rei assermi-tur, qui solutionem sanctam veritatis supprimere non formidant, quadere, si templum Dei esse volumus, ut tenemur, Christoque Domino vivere, mundo mori et agimini-bus celestium civium consociarum perpetue cum eisdem congratulentes, simile nobis necessarium est. Ut in devoto Dei nostri servitio omnes unum habeamus spiritum, unum optimum propositum, unam animam, unamque sanctissimam ac perfectissi-mam voluntatem hujusmodi ettenim conversatio omnipotenti Deo, multum est gratia et accepta [fol. 18] sanctis angelis generosa hominibus exemplaris et proficia nobis autem salutifera et fructuosa.

Sed heu proch dolor! Jam plerique ex nobis nihil in suo sanctissimo proposito proficientes, in deterius prolapsi supra carbones frigidos nigriores effecti per torpo-rem mentis sue, ab igne charitatis divine extincti, et luce superne illuminationis privati, etiam nigredine peccatorum et scandalorum perpetrationem offuscantur. Quorum videlicet interior negligentia circa exercitationem virtutum exterius procedit in scan-dalum, sicque mundanus hominibus, quibus omnis sanctitatis ac totius perfectionis speculum esse deberemus, convertimur in scandalum, in sibilum et in derisum. Unde etiam boni, virtuosi ac honeste conversationis fratres habentur despicabiles, exosi et contemptibiles. Sed quid nobis prodest, o fratres mei charissimi, si nos contineat una domus, si nos vestiat unus habitus, si inquam nos cibat unus cibus, si dispar fuerit cor, et animus divisus. Excitetur [er]go cordis nostri devotio et fervor attendaturque [fol. 18v] animus noster ad zelum sancte religionis et abjectis omnium vitiorum occasioni-bus, recuperemus in nobis animi vigorem, nec retrahat nos a sequela Domini Jhesus vanitatis affectus. Quampotius provocet nos amor ipsius Domini Jhesu, ut convolare possimus ad ipsius gratiam promerendam, festinemusque ascendere in palmarum et lignum Crucis dominice ut a mari et tempestate hujus seculi liberari valeamus. Nam nullus nos a lacu mortis salvare poterit, nisi Christus Dominus nos crueret. Jamjam solvemus manus remissas, et manus et bra chia novis laborum certaminibus expona-mus. Non nos, queso, prohibeat pudor, non metus impediat, neque futura terreant. Quodsi difficile nobis videtur ut possumus, ut valeamus talimodo summamus initium aliquod melioris vie, eterne vite capiamus desiderium, tamdiu infatigabiliter certamus in virtutibus, ut iterum in illum verticem virtutum possimus conscendere, revertam-que rursum ad priorem virtutum viam, cuncta etiam professionis nostre perfectioni obviam similiter et semel abrumpamus. Quodsi subito non possumus, [fol. 19] paulu-lum certemus et sensum animo nostro recolligamus.

Eya igitur, o fratres mei, cohortor vos et commoneo quatenus pergamus simul, nihil formidemus, jam eximie tendamus audatiores et letiores, quia majora nobis pro-ponentibus et audentibus aderit Deus. Nulla nobis insit nutatio. Nec ego vobis usque-

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quaque deero, sed semper animabo, semper sermone hortabor, et presentem viva voce et absentem litteris suscitabo. Quid sompniamus, quid dormitamus, quid expectamus, quid pigritamur, quid moras contrahimus, cur negligentie nostre incuria domicilium nostrum suffodere permittimus? An ignoramus periculosum esse homini suiipsius esse, in domo hunc retinere, qui sub dampno plus exigit quam profectus? Hec igitur omnia scientia, o fratres mei amantissimi, non nos subtrahamus ab operibus bonis, neque demeliorationis nostre obtentu, desidie nostre aut ignavie cedamus. Nam si ad splendorem solis vel lune pervenire non possumus, etiam stellarum quamvis inferior claritas nobis contempnenda non est. Tantum est, ut aliquantulum lucis virtutum me-rita quereamus, [fol. 19v ] aut si aurum aut lapis pretiosus esse non possumus, saltem argenti expleamus vicem, aut si in bonorum parte primi esse non possimus, ne tamen in malorum parte primi esse inveniamur, precipue nemppe professione virtutum su-mus, ac ideo non expedit nobis morum in compositione postremos esse. Aggredia-mur igitur viriliter, ingrediamur iterum eterne vite et pristine vigore resumpto finem conversationis nostre initiis reddamus consimilem. Ponamusque ante oculos men-tis nostre patrem nostrum gloriosissimum seraphicum Franciscum et suos sequaces strennuissimos, quod Deus elegerat et predestinaverat ad ardua virtutum; de quorum moribus nobis effigiem virtutis sumamus, et ad eorum intendentes imagines, de ipso-rum quidem imaginibus spiritualem nobis pictam formemus, ut similes et conformes etiam queamus imaginis vite illorum, et nos in illis quasi in speculo jugiter inspicientes adiciamus, quid in nobis deest virtutis. Dum enim hos viros gloriosissimos omnium laudium preconio signissimos qui quedam purissima specula nitenta oculorum acie contuitu fuerimus. Id quod in nobis minus est luminis aperte agnoscere valebimus, reverenda ex nobismetipsis minus nosmetipsos cognoscimur.

Proinde omnia facta eorum, quo [fol. 20] labore, quo moderamine, quave inten-tione gesta sunt, per omnia nos considerare unitando condecet. Hec hactenus sacrum etiam silentiuma), quod utique non primi hanc nostram sanctissimam religionem ornat et decorat, prout constitutiones principales sonant et clamant. Stricte servemus sta-tutis et consuetis temporibus diligentissime, linguam nostram refringentes, reiciendo-que omnia verba bonorum morum corruptiva. Ex quibus audientes non edificantur sed potius scandalizantur. O quam expedit sapientem religiosum virum illam de se habere cautelam, quod ipsemet ponat custodiam ori suo, ne turbationis et seditionis tempore ante alios sit prolocutor. Servemus igitur vocis et silentii temperamentum, nil loquentes nisi utilia anime nostre, et hoc breviter et summisse, cum timoris dulcedine et reverencia animi, omnium membrorum decenti et congrua aptitudine, summe pre-conientes altercationes, jurgia, lites, contentiones et alias lingue procacitates, que statui nostro minime conveniunt, quia talia non a bono sed a spiritu sunt maligno.

Sanctam equidem paupertatem nostre religionis summamb) [fol. 20v] et nobi-lissimam prerogativam, velus stabile et primarium fundamentum singulari et ardenti amore dulciter adamemus in omnibus que ad nos pertinent, quantum possibile est,

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et fragilitas humane conditionis admittit asperitatem, vilitatem et parcitatem tenendo. Ne existimetis me illos invitare velle labores, aut pericula fames vel quottidianas mor-tes, quas apostoli preferebant, vel persecutiones aut verbera vel vincula, atque omnes agones, quibus ipsi apostoli desudabant. Nil horum nunc a vobis exigo et exposco, sed tamen illud omni desiderio desidero et rogo ut, ubicunque vel in quibuscunque vel a quibuscunque, sinceritatem nostre religionis offuscari celsitudinem perfectio-nis deprimi, et sanctitatis charitatis pallescere et obtenebrari, atque opinionis nostri odorem suavissimum conputrescere cognomentis, hiis omnibus celeri et opportuno remedio occurrente resecantes et amputantes, talium pestium vitiositates, et ea omnia que splendorem et nitorem nostri ordinis sacri dehonestare cernuntur, funditus et radiatus extirpate et evellite. Quia virtutum bona semina nullomodo inseri poterunt, nisi prius vepres vitiorum [fol. 21] et herbe nocive extirpentur.

Sancte etiam jugum obedientiec), quod pro Domini Jhesus honore suscepimus usque in finem sine depositione portemus, obedientes prelatis a Deo nobis datis sine contradictione. Jure ettenim parere debet obendiens cum superioris mandaverit auc-toritas. Quia nimirum tunc inferioris morosa fidelitas ipsis reseratur superioribus, cum in superiorum mandatis prompta reperitur. Simul igitur veri et non falsi obedientes, ut ipse Christus Dominus nostris obediat orationibus, et simul cum eo cuncta nobis creata subdita sint.

Castitatem deniqued) et puritatem totis viribus (et mentis, et corporis) totis affec-tionibus intus et foris illibate custodiamus, quam firmissima sponsione Domino devo-vimus, pro cujus immaculata custodia opportet, ut visui atque omnibus corporis sen-sibus omnimodam custodiam nisu quo possumus ponamus, nil videndo, nil audiendo, nil tangendo nisi utilia anime nostre, et in nullo nos implicando quoquo[modo] exter-nis, unde lucrum anime reportare non valeremus.

Humilitatem insupere) [fol. 21v] desideratissimam, ut omnium virtutum cus-todem et matrem, singultibus, gemitibus et crebris lachrimis incessanter a Domino petamus. Amore etiam illius, qui cum creet Dominus omni in forma servi pro no-bis suscepta hominum peccati se subjecit, humiliemus animas nostras, os nostrum, linguam et omnia opera nostra reputando nos. Uti veraciter sumus indignos, inutiles, infructuosos et imperfectos, etiam si majorum virtutum opera gesserimus, exhibentes nos omnium servos et omnes homines reputando nostros dominos, sic enim tranquil-litatem et pacem perpetuam cum omnibus scandalum penitus ignorabimus.

Ecce, oh fratres mei, hec que hic summatim collegi, atque alia melliflua Dei dona, que multis laborum curis circumvulsus retinere volui, ne forte importunus auri-bus vestris prolixitate tedium generarem. Attamen que premissi faciunt virum religio-sum, virum perfectum, virum optimum, virum justum, virum inquamf) Deo, angelis et hominibus graciosum et charitatum, sed etiam otio emersos atque compositos, omnia qua possum diligentia premonitos [fol. 22] esse volo, quorum videlicet mens mille facieiorum furiis distrahere. Qui videlicet non tam monstruosum, verum etiam

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brutalem quemdam statum inter contemplativam et activam vitam eligentes, panem otiosi comedentes, sanguinem crudeliter devorant animarum, sic stulti facti, ut nolunt manus ad labores apponere. Quia qui otiosa quiete perfruuntur, nisi spiritualiter vixe-runt, more pecudum vivunt, tales steriles et infructuosi ab omnibus operibus bonis de inculta carnis sue terra, otio spinas et tribulos producunt vitiorum et scandalorum. Ve, ve, ve talibus quid pejus, quid iniquius et quid detestabilius otio in religiosis esse et inveniri poterit, viventes enim jam sepulti sunt! Nisi de sumpno improbi, ut ita dixe-rim, hujus pessime iniquitatis grandeve excitentur. Nam servitium Dei opportet sine intermissione operari, aut legendo, aut orando, aut meditando vel contemplando, ne mentem otio deditam spiritus fornicationis subrepat. Animum quippe otio vacantem spiritus malignus preoccupat. [fol. 22v] Sed labor et exercitium vertutum, malignum a corde hominis expellit. Exurgamus igitur, o charissimi fratres, exurgamus de terra, et excutiamus pulverem pedum nostrorum. Credite me, statim terrebatur adversarius noster, et quanto nos solertiores fuerimus et promptiores, tanto ille fragilior formido-losiorque reddetur, verum severos animos labor nutrit, qui labor idest operatio nutrit animum purum et vertuosum.

Ceterum ad hoc etiam onerog) omnium officialium conscientias, ut ad contra-tas vel questas nullomodo exmittant, nisi probatos, maturos et spiritu roboratos, qui fidelitatis experientia jam in multis refloruerit obsequiis, ut hominibus cum quibus conversati fuerint, exempla per se relinquant vice, et non scandala animarum, haben-tes in semetipsis admirabilem honestatem, morum gravitatem incessum religiosum, ac vere pudicitie habitum, sermonem modestum suo tempore proferendum. Injungo etiam fratribus universis firmiter, per obedientia jubens, volens viciis prorsus preclu-dere, et malignantes ocultasque fraudes machinantes, ne iniquitatem suam manifesta valeant dolositate dilatare. Ut [fol. 23] revertentes de contratis, juxta formam statuto-rum generalium, excessus et deffectus suorum sociorum suis superioribus accusare teneantur, per tales nemppe confidentes in suis machinationibus cavillosis, crebris stimulis verecundie confessi, faciesque nostre rubore ac verecundia perfuse intima, etiam precordiorum nostrorum meroris et doloris framea transverberarunt. Tales in-super actibus suis sceleratis altissimi exacerbantes, ipsi superiores gravibus penis pu-niant, juxta eorum demerita, retributiones consignas eidem adhibendo. Nullius faciem reverando, quare dum unus religiosorum pro suis excessibus non corrigetur, unius fratris scandalosi confusio, totius ordinis efficit confusionem. Condecens enim est, ut is qui ambulare in dolo viliter, suorum actium nesciens modestiam sceleratorum, nec volens sequi alios bonos et exemplares fratres, compescendo etiam verberibus constringatur.

Omnino postremo quantum plus possum et valeo vos omnes et singulos ad-juro et requiro, per nexum charitatis Domini Jhesus, ut me et mecum confatigantes [fol. 23v] fratres, necnon totam familiam sacris vestris orationibus Domine recom-mendate, ut idem vestra intercessu, eandem tuere, regere et dirigere et ad portum

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tranquilitatis eterne perducere dignetur, erutos ab omnibus vite presentis miseriis, discriminibus et scandalis. Vosque felices esse et bene valere opto, ad augmentum omnium gratiarum.

Ex conventu nostro de Pathak3, die t[ali], anno 1488. Presens series per singula custodie vestre loca deferatur et coram omnibus fratribus professis intelligibiliter ex-ponatur.

a) En marge, à droite: de silentio. b) En marge, à droite: super paupertas. c) En marge, à droite: super obedientia. d) En marge, à droite: super castitas. e) En marge, à droite: super humilitas. f) En marge, à gauche: de otio. g) En marge, à gauche: de contratis.

2

1491-1497 (1495?) – Exhortation du vicaire de Hongrie Etienne de Sopronca4 adres-sée au custode d’Ozora Gilles de Cegléd5.

OSzK, Codex Latinus medii aevi n° 432, fol. 23v-26v.

[fol. 23v] Alia exhortatoria brevior

Frater Stephanus de Soproncza ordinis Minorum etc., vester licet immeritus vi-carius, inutilis servus et famulus suprascriptio. Venerando patri fratri Egidio de Cze-gled, ordinis etc. regularis observantie professori, c[ustodi] c[ustodie] nostre Ozore perdigno. P[aternitati] s[ancte] g[eren]te charissimo, pacem in Domino sempiternam, crucifixique Jhesus insignitum sancte caritatis continuum augmentum. Venerabilis et percolende pater, ceterique patres et fratres mei in Christo amantissimi, omni reve-rencia ac veneratione [fol. 24] dignissimi. Illa preclara charitas et laude digna vivendi regularitas, que ab olim in hac sacra familia nostra florens pullulavit, ut quottidiana suscipiat incrementa, patrum predecessorum sancte regule pro fessorum vestigia sum-mo studio me vestro indigno famulo amplecti condecet, vosque quorum mihi cura satis eminens est commissa, ad professe sancte regule in concussam observantiam ex officii oneris mei impositi sollicitudine, ut regularis observantia haud tepescat. Quin-potius virtutum merita accrescant, providere mihi phas summe est et necessarium. Primum igitur omnium dignum duxi, ut jugis et continua memorie nostre professio-nis in cordibus vestris requiescat. Nil enim mortalium cura felicius pote excogitione,

3 Sárospatak, en Hongrie.4 Renommé pour ses talents de prédicateur et ses vertus exemplaires, Étienne de So-

pronca fut élu trois fois vicaire de Hongrie, de 1491 à 1497. Voir p. 621.5 Voir infra, note 10.

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quam in fragili corpore juxta evangelice vite professionem Christi formiter vivere. Attendite igitur et intendite, o patres mei amantissimi, ad dominicam crucem.

Ecce ibi pendeta) exemplar obedientie nostre in filio Dei, qui se humilians factus est obediens usque ad mortem. Iterum suspicite oculis et videte quomodo veneranda paupertas, mater utique nostra generosa amplexeturb) [fol. 24v] dominum orbis in cruce pendentem, a planta pedis usque ad verticem circumducite oculos vestres, nihil aliud nuditas rubro sanguine contexta relucetc). Adhuc necesse est, ut consideretis ubi sit corona nostre militie florida, videlicet castitas, vere in corpore Christi est dedicata. Felixd) igitur, optimi patres, vestra professio, letitior tamen ejusdem professionis ob-servantia, in qua Salvatoris nostri Jhesus Christi depingetur vita et passio.

Cujus membrorum per trium clavorum est confessio, in quo viget, fratres di-lectissimi, trium votorum nostrorum professio. Quorum ut fiat salubris observatio, venerandi patres, rogo omni qua possum diligentia et ambitio, ut vigiletis super fratres vestree) custodie, ut vivant religiose intus et extra. Intus quidem sint inter se concor-des, pacifici, caritativi, conpatientes super defectibus alienis, onera fruenda suppor-tantes, et omnia que congruunt statui sacre religionis in se habentes et conservantes; exterius vero, ut sint bone conversationis. Attendant, rogo, quorum vitam elegerunt, certe Jhesus Christi discipulorum ipsorum scilicet beatorum apostolorum, quorum ergo vitam profitentur conversationem quoque sequi dignentur. Ipsi siquidem sunt, qui verbo [fol. 25] et exemplo, qui totum orbem Christi subjecere imperio, non armis potentie, sed sancta conversatione. Ita dixi, fratres, apostolice vite professores, cum secularium occupantur consortio, eisdem lucis exempla in verbo et opere, cibo et potu temperato ostendant, ut et ab hiis qui foris sunt, et que intus laudabilem testimoniam habeant. Ne maledictionem Christi Jhesus et seraphici per scandala commissa, eterne dampnationis dura supplicia (quod absit) incurrant. Quod ut melius efficere possitis, ipsam sanctam regulam ac constitutiones maxime in illis articulis qui sancte vivendi modum et conversationem tangunt utilitatem, coram fratribus pluries legere et vul-gariter exponi facere velitis et debeatis. Ne impia ignorantia sit occasio delinquendi, et in peccatis se excusandi. Deliquentes vero, si qui fuerint, dignis penis caritate et misericordia impositis subiciatis, necnon rebelles diligenter providentes ad regularem observantiam compellatis, ut vestra cura sollicita, fratres jugum Domini suave quod voluntarie assumpserunt, ferre queant cum cordis alacritate. Nam nimia sevicia su-perioris etiam jure culpatur. Faciatis igitur, o venerandi patres, [fol. 25v] omnia cum spiritus et mansuetudinis lenitate, talimodo ut videlicet dum zelo justicie erga sub-ditos vos irasci vel ad correctionem procedere opportebit. Ita de amore sit, non de crudelitate. Quatenus et jura discipline contra delinquentes exerceatis, et intus paterna pietate diligatis, quos foris quasi insequendo propter culpam castigatis. Preterea, quia juvenum fratrum eruditiof) multum necessaria est nostre familie, eos itaque Scripturas exponere faciatis. Et ut sacerdotes et clerici latinum loquarent divinum officium et sacrum silentium et strictum, prout sacre constitutiones docent, persolvant. Ceteras

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cerimonias ordinis vestre solerti fidelitati recommendo. In quibus omnibus doceat vos Christi spiritus.

Ultimate significare possum satis lamentabiliter, quod feria tertia proxima ante festum sancti patris nostri Anthonii confessoris, crucis Christi attrocissimi hostes, sevissimi Thurci, terram istam inferiorem, in quibus nunc dego, potenti manu in-vaserunt, et heu proch dolor sex villas cum omnibus viris, mulieribus, senibus et virginibus, preter quinque mulieres (o flebile dictu) depopulaverunt et abduxerunt, nefandisque [fol. 26] suis legibus tradiderunt, et iterum nituntur exire6. Quia non est, qui velit eos convenire, et tanto disturbiorum tempore, non est qui pugnet pro nobis, nisi solus Qui redemit nos in Cruce. Eya igitur, fratres mei, surgite et armaturam sancte orationis induite, fusis lachrimis, gemitibus et expansis manibus die ac nocte ad Deum clamate, dicentes humiliter et devote: “O pater omnipotens, qui celum et sydera et omnia tu solus eterna ditione regis, defige potentes oculos super nos, quos attrocissimo bello vastari cernis, longeque perire duello. Et nobis, pater, miserarum temporibus nostris talem tribuas pacem, que mala cuncta mortesque procul repellat acerbas, ut tibi persolvamus laudes dignas.”.

Valete in Domino et me et collegas meos vestre et vestrum omnium orationibus humili voto recommendo.

Ex loco t[ali].Hec autem scripta per loca custodie vestre ad fratres in communitate exponere

faciatis etc., vel sic: hec epistola in quolibet loco custodie legatur in communitate et in vulgari exponatur.

Venerandis patribus, custodi ac guardianis necnon ceteris fratribus ordinis Mino rum observantie in custodia Strigoniensi7 degentibus, mihi in Christo charissi-mis atque colendis.

6 Allusion possible aux destructions causées par les Turcs en Sirmie et en Slavonie après leur échec à Belgrade en septembre 1494 face aux troupes hongroises de Paul de Kinizs, chef des armées chargées de défendre les frontières méridionales de la Hongrie. La phrase suivante peut être comprise comme une critique à peine voilée de la politique turque du roi Wladislas II (1490-1516), alors plus occupé à réduire les barons rebelles, notamment le prince Laurent d’Újlak, suspecté de collusion avec les Turcs, qu’à mettre sur pied une contre-offensive contre l’ennemi ottoman. En avril 1495, après avoir soumis Laurent d’Újlak, le roi signa une trêve de trois ans avec le sultan Bajazet (Bayezid) II. Autant d’élé ments qui permettent de situer la ré-daction de cette exhortation au début de l’année 1495; sans certitude toutefois, puisqu’aucune source connue n’évoque de destructions turques par ticulièrement violentes dans le sud du pays à la mi-janvier 1495, autour de la fête de saint Antoine le Grand (17 janvier), mentionnée par le document.

7 Voir supra, note 4.

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a) En marge, à droite: de silentio. b) En marge, à droite: super paupertas. c) En marge, à droite: super obedientia. d) En marge, à droite: super castitas. e) En marge, à droite: super humilitas. f) En marge, à gauche: de otio. g) En marge, à gauche: de contratis.

3

1505-1507, Gyöngyös – Exhortation du vicaire de Hongrie Gilles de Cegléd8 aux custodes.

OSzK, Codex Latinus medii aevi n° 432, fol. 30-34v.

[fol. 30] Alia exhortatio litteralis

Gaudium et pacem crucifixi Jhesus Christi Domini nostri. Cum sanctissime cha-ritatis ac bonorum omnium continuo incremento. Venerandi honorandique patres, necnon ceteri fratres in ipso Domino Jhesu mihi semper predilecti.

Quoniam ex debito officii mei ad hoc potissimum invigilare debeo, ut in com-misso mihi grege meritum virtutis accrescat, claudatur via vitiis et detur moribus dis-ciplina, progressus quoque sacre nostre familie semper et ubique crescat et augeatur. Proinde vestram rogo paternitatem, quatenus primum et ante omnia pro statu ejus-dem nostre familie Deum exortatis pariter omnes, ut Altissimus illam sua largiflua gratia prosperet, visitet, foveat, dirigat atque deffendat. Solerter tamen et maxime nobis intuendum est, ne dum pro illa Deo preces effundimus, eidem contrarios nos inveniamus. In illis precipue abusibus minime tollendis de medio, quibus sinceritas religionis inficitur, perfectionis celsitudo deprimitur et sanctitatis claritas offucastatur [!]. Sane, cum evangelici culminis perfectio [fol. 30v] hactenus spectabiles et amabiles nos mundo reddiderit, omnique favore et reverentia dignos. Ecce jam multitudine in proclina tendente et remissius agentibus hiis qui presunt vitiorum, quedam sentes cernuntur succrescere, que dum sacrum hoc nostrum venerandumque collegium des-picabile et onerosum reddunt, populis vertunt in scandalum, quod cunctis debuerat esse in exemplum. Nam frequentia discursus, et importunitas questus viles nos et graves efficiunt, pro eo videlicet quod dum parius nolumus esse contenti, et edificia conamur erigere sumptuosa, vilia summo studio queritantes, nobiliora per incuriam heu perdimus, cum murorum curiosa constructio destructionem pariat animarum. Doleo denique de quibusdam, quare perspicio et audio nonnullos ex nostris improbe et insolenter ineptiis, discordiis ac inusitatis quibusdam, necnon minus religiosis et nonnumquam etiam injuriosis verbis vacare, aliaque ordini et sacro collegio nostro penitus contraria actitare, atque id agere, ut per paucorum et malorum pravos mores, multorum et bonorum gloria ac honesta vita maculetur. [fol. 31] Perhorreo insuper

8 Gilles de Cegléd fut vicaire de Hongrie de 1505 à 1507. Voir p. 621.

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quorundam ex nostris audaciam, qua contra seraphici patris nostri doctrinam, coram laicis contra Ecclesie prelatos ac ceteros viros ecclesiasticos, necnon ipsorum acta suggilando consurgunt, non nisi scandala, jurgia ac odia seminando, et non solum ip-sorum verumetiam Dei iram provocando, cum divina lege constet sancitum. Ne quis maledicat surdo, nec ponat offendiculum coram ceco, sedet testamentorum avida liti-giosave et quodammodo violenta extorsio non mediocriter toti clero nos fecit exosos, quemadmodum (experiencia docente) diebus istis luce clarius experti sumus. Quorum olim hanc precipuam puto causam, quod ea que provida cura per torvis nostre familie providentiam in capitulo nostro provinciali statuuntur, parvipenduntur a fratribus, et qui pro nihilo habentur. Nec tamen transgressores hujusmodi condigna pena casti-gantur, sicque fit divini permissione judicii ut spernentes modica decidant in maxi-ma, quia dum disciplina negligenter insolentie crescunt. Quo fit, ut sancte [fol. 31v] religionis splendor prefulgidus in pallorem degeneret, sanctorum pulcredo sordescat, bone opinionis odor computreat et ministerium nostrum vilipendatur.

Ne igitur sanguis animarum nostre sollicitudini commissarum de manibus no-stris requiratur, charitatis vestre zelum quanto possum efficaciori mandato duxi pre-sentibus excitandum, adjurans vestram paternitatem ac fraternitates per aspersionem sanguinis crucifixi Jhesus et per stigmata passionis ejus, que in sacro patris nostri corpore indubitabili claritate fulserunt, ut sicut Christi servi fideles et prudentes ad prefatarum extirpationem pestium toto vos animi vigore succingatis, totaque mentis attentione invigiletis, atque toto fervore spiritus succendamini. Excitemus, rogo, pa-tres ac fratres charissimi nos mutuo, quantum possumus, et sompno veteris inercie abrupto, ad observantia divini precepta tria presertim vota nostra essentialia excluen-da vigilemus. Simus tales quales nos esse ipse Dominus precepit dicens: “ Sint lumbi vestri precincti et lucerne ardentes in ma[nibus] vestris etc.”. Ne cum expeditionis dies venerit, impeditos et implicatos nos apprehendat, [fol. 32] luceat inquam in bonis operibus lumen nostrum et fulgeat, ut ipsum nos ad lucem charitatis eterne perdu-cat. Expectemus solliciti semper et cauti Domini adventum repentinum, ut quando pulsaverit, vigilet fides nostra, vigilantie premium receptura. Si hec, patres et fratres charissimi, mandata serventer, si hec precepta et monita teneantur, opprimi dormien-tes dyabolo fallente non possumus. Si vota predicta rite serventer, servi vigiles Christo dominante regnabimus. Quapropter vos, qui ceteris preestis, ante omnia fratres ve-stros ad sancte orationis studium efficaciter incitando ad regule promisse observan-tiam sinceram inducatis pariter et compellatis pestiferos et insolentes, nullius faciens verendo, quinpotius evellendo, destruendo, dispergendo, sine carcerali custodie man-cipando, vel alie debite pene subiciendo, juxta quod pietatis et justitie lex exposcit. Ne dum crudeli misericordia uni membro putrido parcitur, in totius corporis sospitatem putrens corruptio diffundatur.

Et quoniam paupertasa) sanctissima est nostre religionis prerogativa sublimis. Ne [fol. 32v] nobilis hec margarita porcis conculcanda viliter exponatur, discursum

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causam et questium sumptuositates, edificiorumque et structurarum superfluitatem (sic jam in capitulo nostro diffinitum est) sic studeatis amputare. Quod a professionis excellentia vite observantia non discordet, fedum enim prophanumque mendacium est summe paupertatis voluntarium professorem se asserere, et rerum penuriam nolle pati, interius divitum instar affluere, et exterius more pauperum mendicare. Sancte de-nique obedientie jugumb), quod pro Domini Jhesus honore pariter et amore suscepi-mus, usque in finem sine depositione rogo portemus, obediendo prelatis nobis a Deo datis sine contradictione. Jure ettenim parere inferioris debet obedientia, cum supe-rioris mandaverit auctoritas. Simus igitur veri et non falsi obedientes, sicut et Christus extitit, suo patri obediens usque ad mortem. Castitatem insuper pretiosissimam et puritatemc) mentis et corporis totis vicibus, totisque affectionibus, intus et foris illibate obsecro custodiamus, quam firma sponsione Domino devovimus. Quoniam quidem quanto celeste et sublime est premium castitatis, tanto gravioribus adversariorum lacessitur [fol. 33] insidiis. Quapropter secundum principale Dei mandatum, sum-mopere observare debimus noxium caput serpentis, cogitationum scilicet malarum principia, quidem serpens in animam nostram callidus hostis teneat, et dum adhuc parvuli sunt, allidere filios Babillonis ad petram. Qui nisi dum tenerrimi sunt, fuerint evocati, adulti in perniciem nostram validiores insurgent, aut certe non sine magno gemitu ac labore vincentur. Ne sinamus igitur penetrare et introire per negligentiam nostram quoquomodo in cor nostrum reliquuum hujus venenosi serpentis corpus, per oblectationis assensum. Quia si callidus ipse serpens fuerit intromissus a quopiam nostrum proculdubio morsu virulento mentem increviret captivatam. Quoniam juxta Augustini sententiam, propter peccata cogitationum, etiam sine voluntate perficiendi, cum sola voluntate oblectandi, totus homo dampnabitur. Idcirco, propensius nobis est non solum continentiam corporis verumetiam cordis servared) assiduis orationum, gemitibus adhibendis, ut clibanus nostre carnis, quem rex Babilonis contra [fol. 33v] incentivis suggestionum carnalium succendere non desistit, descendente in corda nostra, voce spiritus sancti extinguatur. Simus [er]go carissimi, tales quales nos esse Dominus jubet, dicens: “Sancti estote, quoniam e[g]oe) sanctus sum et nolite polluere animas vestrasf).” Humilitatem insuper desideratissimam, ut omnium virtutum custo-dem et matrem, necnon et modestiam, tranquillitatem, mansuetudinem et patientiam totis conatibus rogo observetis. Simus itaqueg) igitur sicut religionis disciplina deposcit et regula quoque ipsam docet, mites, pacifici et modesti, mansueti et humiles. Ineptiis, discordiis, scurilitate et elatione, ac aliis religioni contrariis omnino procul motis, ho-neste loquendo omnibus sicut decet. Et honorem nominis Altissimi servemus, ut qui gloriosi voce censemur, simus et moribus gloriosi, necminus exemplares in verbo, in conversatione, in cibo et potu, in predicationibus, necnon et confessionibus audien-dis. Ita ut in omnibus exhibeamus nos sicut Dei ministros.

Proinde volo, ut vos qui aliis preestis, inhibeatis vestrish) fratribus firmiter, ne prelatorum et aliorum virorum [fol. 34] ecclesiasticorum vitam coram populo car-

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pant. Quinpotius siderumque exigit misterium christifice unionis, pacem clericorum olim, tam in testamentis quam aliis sic studeant observare, ut nullam habeant contra nos occasionem juste querele. Simulque toti mundo clarescat, quod non commoda re-rum sed lucra querimus animarum. Preterea, quia his jamdictis et aliis religioni contra-riis tam per nova quametiam priora statuta via precluditur.

Volo, ut omnino illa et observetis et observari faciatis. Quod ut melius fiat, vos pater custos omnibus fratribus vestre custodie presentium seriem legi faciatis et intel-ligibiliter exponatis. Sitis adhuc vigiles et providi etiam circa divinum officium, noc-turnum pariter et diurnum, ut videlicet devote et religiose persolvatur, cerimonieque ordinis sic observentur, quod ab ordinario et constitutionibus apostolicis in nullo devietur. Sacrumi) denique silentium faciatis cum omni vigilantia observari. Ut que-madmodum professione virtutum principui credimur [fol. 34v], nequaquam morum incompositione postremi censeamur, nec plura.

Me unacum meis commendo vestris ac fratrum orationibus assiduis. Ecce enim nunc ad custodiam hanc Str[igoniensem] repedare compulsi sumus. Inde eandem (nisi alias a reverendo paternitate nostro vicario generale disponatur) iterum satis arduum aggressum. Quare iterum magis ac magis me meosque vobis et vestris commendo, ut vestro ac ipsorum interventu devoto, suo dens solita pietate, nostrum iter ubique prosperum efficiat, gressusque nostros dirigat, in viam pacis.

Ex loco sancte Marie de Gÿengÿes9 etc.Frater Egidius de Czegled, ejusdem ordinis familie Hungarie vicarius immeritus,

vester in Domino servus. Venerando patri fratri N. de N., custodi custodie t[alis], honorabilibusque patri-

bus guardinis necnon ceteris fratribus ejusdem custodie ordinis etc. de observantia professoribus, mihi in Domino semper dilectis.

a) En marge, à droite: super paup[er]tas. b) En marge, à gauche: super obedientia. c) En marge, à gauche: super castitas. d) Ce mot est inséré. e) Ce mot est inséré. f) En marge, à gauche: super humilitas. g) Ce mot est inséré en petits caractères. h) En marge, à gauche: de oblontione. i) En marge, à droite: super silentium. j) De Frater jusq’à servus, le paragraphe est en retrait vers la droite.

9 Gyöngyös, en Hongrie.

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4

vers 151210,? – Exhortation du vicaire de Hongrie Gabriel de Pécsvárad11 aux custodes.

OSzK, Codex Latinus medii aevi n° 432, fol. 2-11.

[fol. 2] Sequuntur exhortationes per custodema)

Post amabiles optatasque felicitatis eterne salutes. Scribende sanctam in Domino charitatem ac dulcissimi Jhesus pacem testamentariam, omnium virtuosorum operum salubri cum incremento. Venerandi honorandique patres et fratres intime affectu di-lectionis mihi in Christo amplectendi.

Cum officii pastoralis nimis onusti et ponderosi, ex debito meis quidem hume-ris ad supportandum satis invalidis et infirmis, preter onerem expectationi imposito stricta sub obligatione diligentissime opporteat me invigilare (vergam enim virtutis di-vinii judicii super me continue sese vibrantem oculorum mentalium acie irreverberata clare conspicio). Quatenus inter animas mee sollicitudini recommissas, quas filius Dei vini pretiosi sanguinis sui commercio redimendo in vite eternitatem parturivit, vitiis aditus precludatur, virtutibus verum aperiatur, moribus regularis disciplina prebeatur, professio sacra inviolabiliter observetur, vite sanctimonia augeatur, merita cumulentur et gratie ac demum premium eterne retributionis in vita beata gloriosius adipiscatur, ubi clara Dei in visione [fol. 2v] pariter cum Domino eternaliter tandem jocundemur, qui tamen Salvatorem ab)testantes [?], nihil boni sine divine virtutis et gratie presidio nos natura fragiles agere valemus. Idcirco ante omnia vestram paternitatem in Domini virtute moneo et exhortor ut patrem misericordiarum et Deum totius consolationis humilii precie et sincera devotione instantius obsecretis. Ut non ponderatis nostris demeritis, juvata sibi clementia, qua nostre humilitatis conditionem sine fictione ve-raciter considerat et agnoscit, nobis peccatoribus miseratur et ignoscat, atque celestis irrigui gratiam uberius infundendo, nos benigne dignetur consolari. Ut sacram profes-sionem, quam nos sue matri et intemerate virgini Marie, sanctissimoque patri nostro seraphico Francisco et omnibus sanctis firma sponsione devovimus, inviolabiliter et sine offensione observare possimus, utque nostre sacre religionis status et conditio

10 Nous reprenons ici l’hypothèse de datation avancée par Jenő Szűcs dans A ferences obszervancia, 229. Elle s’appuie sur le fait que le document placé immé diatement après celui-ci dans le premier formulaire évoque le chapitre général de Naples – qui s’ouvrit le 30 mai 1512 – comme devant avoir lieu prochainement: ... ad capitulum generale in proximo festo sacratissime Penthecostes Neapoli in urbe celebrandum.... 1er form., fol. 11v.

11 Gabriel de Pécsvárad exerça quatre fois au total la charge de vicaire (puis ministre) de la province observante de Hongrie, de 1509 à 1513 (en deux mandats successifs), puis de 1523 à 1525 et de 1527 à 1529. Voir p. 621.

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ad laudem et gloriam illius precellentis bonitatis in numero pariter et merito in dies crescat et augeatur.

Deinde, patres meic) amantissimi, rogo considerate diligenter, ponderate sapien-ter, vestrisque in cordibus revolvete frequenter, cur hujus sacre nostre religionis habitu investiri voluistis, [fol. 3] et vos ceterorum hominum a consortio sequestrastis. Revera (ut mihi videtur) non aliam ob causam, quod ut artam viam gradientes et semitas du-ras custodientes in justitia et sanctitate omnibus diebus vestris altissimo Regi serviatis. Quoquidem in calle ne vel oberremus, aut penitus deficiamus, antepositus est nobis vir ille seraphicus beatissimus pater noster Franciscus, clarum in speculum necnon vi-vidum imitationis in exemplum. Et iccirco per singulos dies glorie sue ad augmentum forma Minorum virtutis speculum, recti via et regula morum esse decantatur, forma inquam perfectionis et totius exemplar justitie ac sanctitatis tribus votis essentialibus nostre observantie regularis, puta obedientie sancte, paupertati evangelice ac castitati illibate, virtuti nimirum celesti et angelice tanquam materie preordinate efficaciter impressa. Quibus votis idem pater beatus si non perfecte floruisset, minus apte forma Minorum appopulari potuisset. Cum forma non introducatur, nisi in materiam sibi congruentem beneque predispositam. Quod si contemplari libet qualis fuerit beatissi-mi patris nostri obedientia et ipsius vita prefulgida nobis in scriptis derelicta, limpide [fol. 3v] cognoscemusc). Ipse ettenim quamvis totius religionis nostre caput extiterit et prelatus soli romano pontifici subjectus. Tamen, ut perfecte humilitatis omnem impleret justitiam, non solum superioribus, verum etiam inferioribus se humiliter sub-dere solitus erat. Ita quod etiam socio sui itineris quantumlibet simplici et despecto obedientiam promptam consuevisset promittere. Quatenus non tanquam prelatus ex auctoritate preciperet, sed velud minister et servus etiam subditis ex humilitate pare-ret. Cujus virtutis excellens ob meritum non solum carnis ad spiritum perfectum asse-cutus est dominium, verum etiam creaturarum omnium familiore quoddam adeptus est ministerium. Et quod his longe est prestantius, etiam Conditoris benignitas pia condescensione sibi favebat ad nutum. Hanc itaque, patres mei desideratissimi, obe-dientie formam amplectandam, si perditam innocentie stolam recuperare volumus, si carnem spiritui omnino subigere, si debitum creaturarum famulatum volumus pos-sidere, si denique materiam divinam precibus nostris flectere desideramus, quidquid hec virtus altissima, eterne Dei patris sapientis judicis, tante habiti est reputationis, ut incarnatum Dei verbum Christus Dominus patris celestis ex imperio pro nostra liberatione veniens in mundum, [fol. 4] vitam perdere maluerit temporalem, quam obediente sancte amitteret virtutem.

Sed heu, patres charissimi, dolenda et lamentenda est quorundam falsorum fra-trum rebellio, qui post professionem tante virtutis ipsius sanctitatem conculcando, dignitatemque parvipendendo, nedum inferioribus vel equalibus etiam consentire, sed nec suis prelatis et superioribus volunt obedire, et quod flebilius est, regule sacre preceptis et mandatis elata fronte dietim non verentur contraire, suas pravas affectio-

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nes proprie voluntatis temeritate exequendo. Tales nimirum, post angelum apostatam abeuntes, ejus in similitudinem transformantur, cui dum suo Creatori perversa vo-luntate reluctando subesse recusaret, Regnum celeste perdidit et gloriam eternamque additus est ad gehennam. O inobedientie filii contumaces, putarisne [!] eum vos di-mittere impunitos, qui etiam angelis peccantibus creaturis nemppe nobilissimis non pepercit, sed rudentibus inferni detractos Tharthareis tradidit penis eternaliter cru-ciandos, et qui primorum parentum inobediantes tot milibus annorum gravissima ultionis severitate percellere non desistit? Vestre rebellionis [fol. 4v] scelus multum percursibitur. Quod profecto tanto graviorum puniturus est animadversione, quanto per illud virtus anime nobilior in manibus prelati sponte resignata proprie voluntatis ad arbitrium reflectitur, retorquetur, surripitur et usurpatur.

Quame) preterea beatissimus pater noster Franciscus in evangelice paupertatis materia formam servaverit, totius ipsius vite ex decursu luculenter omenditurd)[?]. Nam a primis sacre religionis fundamentis usque ad suum felicem transitum, tam sanctam tenuit in omnibus paupertatem, ut non solum superflua, sumptuosa, delicata ve refutaret, sed etiam vite necessaria tante rigiditatis penuria temperavit, ut solam ad nature conversationem (que paucis contentatur) prospiciens, etiam sustentationi necessaria alimenta vel sibi retraheret, vel penitus redderet insipida. Unde in sola vi-debatur gloriari penuria et egestate gaudere. Nemo profecto tam auri cupidus quam ille evangelice paupertatis. Nec thesaurum custodiendi sollicitior ullus quam ipse hu-jusmodi pretiose margarite, merito igitur forma censetur esse Minorum. Hanc ipsam paupertatis formam, o patres amantissimi, nobis [fol. 5] precipue convenit imitari, qui non minus ad ipsius observantiam quam sanctam obedientiam libera volunta-te sese constriximus. Quamobrem in virtute Domini nostri Jhesus Christi crucifixi, paupertatis evangelice fundatoris primarii, vestras paternitates, orthor et commoneo ut hanc pretiosam margaritam pleno animi affectu sine fictione diligatis. Eique tota-liter inherentes pro nomine ejusdem Domini nostri Jhesus Christi, nihil aliud preter usum vite necessarium in perpetuum sub celo habere velitis. Omnem superfluitatem, sumptuositatem, curiositatem ac deliciositatem in victu et vestitu, libris ceterisque utensilibus a vobis penitus rescindatis. Scientes proculdubio talia glutinum esse ho-stes antiqui, per quo ne mens libere ad Deum sese possit elevare. Animas religiosas tanto tenacius constrinxit et illaqueat, quanto amplius in illis voverit eas delectari, nec quispiam vestrum rem aliquam etiam sibi necessariam sui prelati licentia non obtenta retinere aut ocultare presumat. Ne forte justo Dei judicio promittendo anavie [?] et saphyre [fol. 5v] severam incurrat ultionem, sed nec sensualitati vestre pro necessitate plerumque se ingerenti continuo providere festinetis, ne inde vos pati contigat detri-mentum, unde mereri poteratis. Verum tamen antequam vestris indigentiis occurratis recto rationis judicio discernatis, utrum vera censeatur esse necessarias vel surrepticia. Veri namque evangelice paupertatis amatores penuriam Lazari semper preferre stu-dent divitiis Epulonis. Unde sola rerum necessariarum penuria voluntarie pro Christo

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tollerata discernit inter evangelicos pauperes et divitiarum sectatores. Si ergo etiam omnia necessaria nobis ad libitum administrentur sine deffectu, quem locum evange-lice relinquamus paupertatis, aut quod meritum cumulabimus ex animi sufficcentia. Quamve gloriam ex habundancia sperare poterimus, cum solis voluntariam pauperta-tem sustinentibus, dicat sermo divinus, beati inquit pauperes spirituf).

Inh) angelica denique ac celesti virtute, castitate scilicet illibata, quam formam beatus pater noster Franciscus tenuerit, diligentius advertamus. Quippe ut in vase fictili impretiabilem [fol. 6.] thezaurum castitatis conservaret, secundum apostolicam exhortationem et exemplum corpus suum rigida severitate castigabat, carnemque suam in servitutem redigens, in omnimoda integritatis sanctificatione et honore studebat possidere. Et quamvis continua exercitatione hostem domesticum perfecte subegisset, ac utriusque hominis perfecta fulgeret munditia et venustate. Tamen ne mors sensuales intraret per fenestras, fedus cum oculis videbatur pepigisse. Quate-nus non solum carnalem aspectum procul reffugeret, sed insuper curiosum vanitatis cujuslibet intuitum omnino declinaret. Ecce, patres mei desiderantissimi, Minorum sub regulam constituti propositam nobis perfectionis et sanctimoniale formam spe-tiosam, totius munditieque exemplar prefulgidum, intuemini igitur obsecro hunc nostre militie ducem et magistrum ejusque ad exemplum in hostem domesticum armorum aciem dirigite. Super custodia corporis vestri diligentius vigilate et secun-dum apostolicum imperium membra vestra rigida castigatione mortificate, fenestras corporis vestri precludite, ne turpi imaginatione animus conjuquieretur [?]. Vanos et inutiles aspectus [fol. 6v] omnino devitate, suspecta consortia persona et inhonesta colloquia tanquam virus pestiferum penitus declinate. Et quoniam ubi periculum majus formidatur, ibi proculdubio plenius est consulendum, ampliorique cautela et circumspectione utendum, pro hujus angelice virtutus obtentu et custodia finalique conservatione Altissimo instantius supplicate. Nisi enim superno hymbreg) fuerit extinctum carnis incendium, non potest homo fragilis propriis nisibus perfectam continentiam obtinere. In cujus formam et exemplum beatus pater noster etiam post adeptam cordis et corporis omnimodam puritatem, non cessabat hymbre la-chrymarum oculos expiare mentales, corpusque suum duris castigare disciplinis. Seraphicus denique pater noster Franciscus virtutis speculum etiam decantatur, in quo perfectionum omnium et virtutum preclare relucent imagines, quibus fratres Minores inter condensas mundi hujus caligines professione exigentes opportet re-splendere. Quid enim alius, o patres mei cordialissimi, pretendit in nobis mundi despectus habitus vilis, personarum abdicatio hereditatum cognationis et parentele relictio, seculariumque transformatio conversationum. [fol. 7] Nisi ut virtuosis ope-ribus insistentes, tam claustralibus quam secularibus, virtutis speculum, efficaciam et exemplum, ut homines mundani vultus animarum suarum in nostra conversatio-ne tanquam in speculo considerantes, ad imitandum et exercendum opera ardua et virtuosa efficiantur proniores.

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O Conditor animarum, Redemptor pariter et Salvator bone Jhesus, tu solus nosci numerum et meritum animarum que, per fratrum virtuosorum doctrina et exempla de tenebris vitiorum ad lucem veram tue agnitionis venientes, ad te verum Deum conver-tuntur, atque in tuis laudibus perseverantes angelicis choris sociantur. Sed proh dolor! Quam multi falsorum fratrum in vita depravata scandalizati pereunt et dampnantur, putantes sibi ea vel deteriora etiam licere, que fratres sceleratos vident exercere, et quam amplioris est periculi multi perfectionis viam aggressi, et virtutum in stola con-stituti insolentium fratrum exemplis scandalosis depravati. Aut omnino stola sancte religionis egrediuntur, aut in via salutis in diesj) retroceduntur. Virtutum ve homini illi per quem scandalum venit, melius profecto illi foret si mola asinaria in [fol. 7v] cello ipsius appensa in profundum pelagi demergeretur, quam ut alios scandalizans in abis-sum baratri cruciandus detruderetur. Talibus nimirum verorum fratrum simulacris, qui divino timore pretermisso, hanc sacram religionem suis pravis exemplis denigrare non verentur, beatissimus pater noster Franciscus adhuc vivens districtum maledictio-nis anathema imprecatus est, omnibus fratribus valde formidandum.

Sanctus preterea pater nosterk) tanquam via rectitudinis ad imitandum est nobis propositus. Rectum autem est cujus medium non deviat ab extremis, quod idem pater sanctus merita meritis cumulando inflexibiliter observavit. Nos vero, patri dilectissi-mi, videamus si vita nostra in via rectitudinis decurrat, principium siquidem nostre conversationis cepit ab humilitate, extremumque vite nostre velimus aut nolimus hu-militas occupabit. Sed utinam medium, quod est tota vita nostra regularis, concordaret cum extremis! Fieret sic profecto humilitatis virtute exigens campus vite nostre ferti-lior, pinguedine gratiarum saginatus. Sequamur igitur, patres optimi, in vite rectitudine patrem nostrum sanctissimum, ut nil pravum, [fol. 8] nil distortum in nobis inveniri possit, mores nostros ipsius conformemus qui ipse regula morum nuncupatur.

Moresl) profecto diversarum conversationum populos ab invicem maxime di-scernunt. Sic religiosi et seculares ex moribus cognoscuntur. Si enim secularibus in nostris moribus fuerimus conformes, nulla erit profecto distinctio Judei et Greci. Unius ergo moris sed inter se et a secularibus segregati debent esse viri religiosi, ut sint in vultu verecundi, in gestu bene compositi, in victu sobrii, in affabilitate modesti, in benignitate mites, in pyetate obsequentes. Ut vero dicatur de ipsis illud prophetum: “Deus qui habitare facis unanimes in domo Domini scilicet religionis”.

Nec silentio pretereundum est, patres charissimi, quod in regula nostre sacre observantie, quam firmam fide devovimus, quedam sunt precepta, quedam precep-tis equipolentes, quedam verom) preceptorum vim habundencia quorum transgressio singulorum obligat ad gehennam. Observatio itaque premissorum studium pre exigit et memoriam. Nisi enim addiscantur, quomodo poterunt [fol. 8v] observari. Sit itaque vobis pro lege constitutum, ut nulla dies pertranseat in qua professio vestra memorie vestre non occurrat, ejusque observantie cum regule tenore equaliter decurrat. Cum pro illius observantia et non regnorum regimine terrestrorum promissa sunt nobis

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Regna celorum, pro quorum adeptione sanctum invocamus patrem, dicentes: “Carnis ab exilio duc nos ad Regna polorum”.

Proinde majori qua possum cum efficacian) patres prelatos specialiter moneo et exhortor, ut supra gregem sibi commissum bonorum pastorum more invigilantes, apponant excubias, speculatores dominici gregis se esse memorantes. Hec itaque sit eorum phylosophia, ut fratres sue sollicitudini commendatos regant, dirigant, mo-neant et exhortentur, totisque nisibus diligentius intendant, ut eorum subditi obser-vantie regulari sint omnino dediti atque perfecti. Audimini a Domino illam Joseph patriarche sinuam comminatoriam: “Non videbitis scilicet, o prelati, faciem meam donec adduxeritis fratrem vestrum minimum vobiscum.” O quid dicturi sunt prelati negligentes, cum [fol. 9] in mortis articulo eis dicetur a Domino: “Redde rationem, tu prelate, prelationis tue.” Ne igitur in reddenda ratione deficiant, omninem diligentiam circa fratrum suorum custodiam eos apponere necesse est maxime. Ne per quem-piam fratrum in claustro vel in seculo scandalum aliquod oriatur. Quapropter omnem scandali materiam et fomentum suis fratribus stricta discipline sub censura crebrius interdicant. Ne alicujus vitio sacre nostre religionis decus obfuscetur et obtenebrescat, nostrumque ministerium vituperetur atque vilescat.

Silentium, pretereao) quod murus est vite religiose, locis et temporibus constitu-tis ab omnibus firmiter observari procurrent. Ne per multiloquium sanctuarium Do-mini dissolvatur, dissipetur et corruat, sicque ab omni parte parvium effectum bestiis infernalibus in pascua deputetur. Quia vero nos tanquam populus Domini peculiaris, ex milibus electus, in sortem Domini ad hoc specialiter vocati sumus.

Ut in divinis laudibus jugiter persistamus, patres prelatos attentius invigilare estp), [fol. 9v] ut divinum officium nocturnum pariter et diurnum secundum formam ab antiquo moderatam religiose persolvatur. Nihilque ibidem fieri permittant, quod aut psallentium animos perturbaret, aut certe auditorum aures attediaret, principaliter autem quod divine majestatis veniret in offensam. Intrent itaque ad divinum officium tam capita quam membra, tam majores quam minores, tam clerici quam laici, prout generaliter declarationes ad hec astringent papales. Prelati insuper habeant frequen-ter pre manibus constitutiones et statuta capitularia, necnon ordinarium, ex quibus qualiter in utraque fratrum congregatione suum exercere debeant officium lucide in-telligere. Quorum officium est premissa bis in anno fratribus in vulgari exponere, ne cuipiamq) ignorans talium fiat materia delinquendi.

De noviciis vero, si qui sunt patres prelati providam habeant diligentiam, illos tali sub magistro collocando, qui doctrina pariter exemplo viam perfectionis ipsis valeat demonstrare ad devotionem, ad mortificationem, ad agendas primas, ad ob servantias et mores [fol. 10] regulares, ceterasque virtutes eos instanter erudiendo, precipue me-moriam dominice passionis eis fortiter imprimendo. Ut sic probationis anno virtuose ac laudabiliter transacto, velut novelle plantationes in spiritu humilitatis radicati, de virtute in virtutum proficiscientes, tentationum turbini viriliter valeant resistere.

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Quoniam autem charitas sancta omnium virtutum scavar) [?] nobilissima, bo-narum operationum fontale principium, ac radix censetur esse omnium meritorum, sine quam nullium bonum opus a Deo acceptatur, cum qua autem etiam minutissi-mum copiose remuneratur ad omnia prescripta Deo gratificanda. Vestram paterni-tatem in charitate et amore Domini nostri Jhesus Christi, quem pro nobis charitas ferventissima fecit crucifigi, diligentius exhortor, ut se invicem casto amore veraciter diligatis, invicem congaudendo, invicem compatientes, invicem supportando, culpas et offensas invicem remittentes, sese ad mutuam charitatem invicem exhortando. Prelati subditos ament ut filios; subditi autem prelatos diligant ut parentes. Ex qua connexione charitatis [fol. 10v] totius legis divine tenor ad plenum observatur. In hoc enim cognoscent eos (ait Salvator), quia mei estis, d[icit], si dilectionem ad eum habuistis. Et ne aliquid omittam prout nostram communitatem pertineat ad salutem, omnes et singulos patres et fratres meos, per districtum examen divini ju dicii, obsecro et commoneo ut omnia que agitis, recta, pura et simplici intentione faciatis, laborum vestrorum retributione in die adventus Domini nostri Jhesus Christi magni Dei pro qualitate meritorum recepturi.

Consciencias insuper vestras nitidass) et medias, omnium prorsus ab offensa alie-nas conservare studeatis, tanquam omni hora in presentiam judicis Christi (quem nil latet) evocandi essetis.

Et ut premissa salubrius observare possitis, privatist) et in publicis orationibus vestris (uti in principio etiam vestram paternitatem cohortabar) omnipotenti Deo hu-militer supplicetis. Ipse enim (quidem benignus est et misericordius) preces humilis-simi exaudire non dedignatur, dabitque spiritum bonum petendis et cor rectum se veraciter colentibus.

Quatenus premissa omnia et singula ipso adjuvando efficaciter observare valea-tis. Ad laudem et gloriam nominis [fol. 11] sui divini, cui est honor, decus paternitas et imperium per infinita s[ecula] s[eculorum], amen. Et ut egoque, parvulus vester et ser-vus, unacum laboris et peregrinationis mee comitibus, injuncto cum officio salubrius valeam intendere, ac onus tam grande facilius supportare, ad salutem vestris devotis orationibus Altissimo nos reddite commendatos. Valete in dulcissimo Jhesu semper felices, cujus bonitati et tuteli vos devotius recommendo.

Datum in loco. Frater G[abriel] de N. ordinis etc. observantie provincie Hungarie v[icarius] in-

vitus, parvulus vester et servus.Venerandis honorandisque patribus custodi ac guardianis custodie nostre t[alis],

ceterisque patribus et fratribus ibidem commorantibus ordinis etc. observantie patri-bus sibi in Christo amantissimis.

a) Ce titre, écrit en grands caractères, ouvre la première série d’exhortations du premier formulaire; la pré-sente exhortation ne comporte pas de titre spécifique. b) Ce mot est inséré. c) En marge, à gauche: super obe-dientia. d) Pour emenditur, emendicavitur ou ordinetur (?). e) En marge, à gauche: super paupertas.

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f) Suivent en petits caractères les initiales: q. i. e. r. c. g) Pour imbre. h) En marge, à gauche: castitas b[eati] p[atris]. i) Ce mot est inséré en petits caractères. j) En marge, à droite: de scandalis. k) En marge, à gauche: de humilitate. l) En marge, à droite: Mores. m) En marge, à droite: de preceptis regule. n) En marge, à gauche: Prelati. o) En marge, à droite: Silentium. p) En marge, à droite: de divino officio. q) En marge, à gauche: de noviciis. r) Pour scamnum ou frena (?). En marge, à droite: de caritate. s) En marge, à gauche: de consciencia pura et recta intentione. t) En marge, à gauche: de oratione.

5

vers 151812, Buda – Exhortation du ministre observant de Hongrie Albert de Deresz-lény13 aux custodes.

OSzK, Codex Latinus medii aevi n° 432, fol. 204v-210.

[fol. 204v]

Gratia et pax ab omnipotenti Deo vobis multipliciter. Venerandi ac honorandi patres ac fratres mihi in mellifluo Jhesu amantissimi.

Sacre vestre ac illius custodie congregationi (cui non possum corporis) cu-piens autem presentia spiritus interesse, ea que ore nequeo, meis decrevi litteris intimare. Zelus namque domus Dei matris scilicet nostre religionis sanctissime (que hucusquea) semper nos in regulari observantia nutriunt [fol. 205] et educant) cogit me vobis scribere, quiquidem zelus ut jam expertus sum in vobis non minuitur sed augetur. Vos inquam patres ac fratres in Christo dilectissimi appello et invoco, qui charitatem Christi verissimam ac zelum regule ferventissimam retinetis et super iniquitatem non congaudetis, sed potius ingemiscitis, adjuvans vos per illum beatis-simum patrem, qui in corpore suo expressa portavit stigmata Salvatoris, ut fluctus tempestuosos de quibus nos jam aliquotiens pene submersos, extendens manum suam, ille clementer eripuit qui ventis et mari hanc potestatem imperandi, diligenter attendentes et ad memoriam revocantes. Regularis observantie artius et diligentius solito insistatis, ante omnia vos qui aliorum prelati estis ad observantiam regularium statutorum. In qua fratres notabiliter videntur tepescere (sicuti experientia certa docet), mutuo vos metipsos animetis et attentius invigiletis et fratres vestre tunc commissos (ne sanguis eorum de manibus vestris requeratur), cogatis tam regulam ipsam quam statuta ordinis districte ac solicitius observare. Itaque a norma recti-tudinis nostre perfectionis videlicet evangelice forma sive regula a Domino Jhesu,

12 Ce texte a été écrit peu après le mois de mai 1517. Il évoque en effet le chapitre géné-ralissime franciscain qui s’ouvrit à l’Ara Coeli (à Rome) le 31 mai 1517, comme un événement récent (fol. 208v: per statuta generalissimi capituli noviter exportata).

13 Albert de Dereszlény fut vicaire puis ministre de Hongrie de 1517 à 1520. Voir p. 621.

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beatissimo patri nostro Franscico celitus inspirata, nullomodo declinemus, quippe cum nunc temporum pericula videant et lesiones conscienciarum ac scandala mon-danorum, ad petram itaque de qua excisi sumus, patrem igitur ipsum seraphicum Franciscum ymo potius ipsium Dominum Jhesum sedula conversatione dirigentes aspectum intentioni ejusdem patris in omnibus regule nostre consonis studeatis vos cooptare. Considerate [er]go et bene pensate quemadmodum [fol. 205v] seraphicus pater noster ad sanctam ob[edent]iam nos invitat, dicens: “Fratres qui sunt serviti rerorum dentur quod propter Deum abnegaverunt proprias voluntates.” Unde fir-miter precipio eis ut obediant in omnibus que promiserunt Domino observare et non sunt contraria anime sue et regule nostre. Qualis fuerit nempe beati patris no-stri obedientia, ex ipsius vita prefulgida perspicuum habemus. Quod etsi totius or-dinis nostri caput extiterit, tamen ut perfecte humilitatis omnem imploret justitiam, ac ejus normam nobis preberet, non solum superioribus verum etiam inferioribus et humiliter subditi solitus erat. Ita et socio sui itineris quantumcunque simplici et a despicto promptam obedientiam promittere consuevisset. Quatinus non tanquam prelatus ex auctoritate preciperet, sed velut minister et servus frater subditis ex hu-militate pareret. Cujus virtutis excellens ob meritum non solum carnis ad spiritum perfectum asecutus est dominium, sed insuper omnium creaturarum familiarum quoddam adeptus est ministerium, et hiis longe prestantius est, ipsaquoque Condi-toris benignitas pia condesensione favebat ad lutumb). Tantus etiam olim in sanc-tis patribus erat obedientie fervor, ut ad implendum eam non timerent discurere super aquas, nec igitur ad capiendas leenas tum injungeretur eis, et multa alia que longum esset enarrare, faciebant, mirari [e]go non sufficio. Quod cum religiones et religiosi multiplicentur, quorum obedientie perfecto sic in paucis valeat reperiri. Certe, patres amantissimi, si multiplicata est gens, non est multiplicata letitia spiri-tualis, saltem incensive. Dolendac) siquidem et lamentenda quorumdam rebellio qui post professionem tantem virtutis ejus sanctitatem conculcando, [fol. 206] dignita-temque et utilitatem parvipendendo, non solum inferioribus vel equalibus saltem consentire, sed nec superioribus volunt obedire. Et quod flebilius est, regule sacre preceptis seu mandatis cum injuria sui Creatoris ac detrimento proprie salutis elata fronte non verentur contra ire, suas pravas affectiones proprie voluntatis temeritate exequentes. Tales nimirum prout angelum apostatam abeuntes eos in similitudinem transformantur, qui dum suo Conditori perversa voluntate reluctans subesse recu-saret, Regnum celeste perdidit et gloriam eternam addictus est ad gehennam. O veri miseri tales in obedientied) filii, longe ab obedienta perfectorum distantes patrum, qui cum prelati essent sese subditos subditis faciebant. Non enim illi livraverant curiose, an hoc melius illo hoc securius, hoc laudabilius esset, sic heu modo quidam faciunt cause fuge. Sed cuncta que non essent contra Deum, quantumcunque ardua et vilia dum cernerent esse secundum beneplacitum prelatorum adimplebant avidi-tate magna. Hanc igitur obedientie veterum patrum formam amplectamur, si perdi-

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tam innocencie stolam recuperant, si carnem spiritui omnino subigere, si debitum creaturarum famulatum possidere volumus, si denique divinam majestatem nostris precibus flectere desideramus.

Cujusmodi autem beatus pater Franciscus in evangelice paupertatis materia seu voto formam tenuit, totius vite ipsius decursus declarat, nam luculenter apparet a pri-mis sacre religionis fundamentis usque ad suum felicem obitum, tam strictam in om-nibus servasse paupertatem, ut non solum superflua et sumptuosa delicata refutaret, ymo etiam vite necessaria tante rigiditatis penuria temperavit [fol. 206v] ut sola natura, que paucis contentatur, conservationem prospiciens sustentationi quo necessaria sibi vel retraheret alimenta, vel penitus redderet insipida. Unde in sola videbatur gloriari penuria et egestate congaudere. Meminisse igitur debent paternitates ac fraternitates vestre, quoniam juxta antiquarum patrum traditionem, paupertas nostra debet esse non qualiscunque, sed evangelica et per hac pacifica penuriosa otium carnis cruci-fixiva, mortificativa, ac totaliter in divina spe constituta, et per hoc ab omni superflua sollicitudine remota, atque in egestate et penuria gloriativa, nec in longum tempus provisiva. Hanc igitur paupertatis formam nobis, o patres et fratres mei amantissimi, convenit imitari. Cui totaliter inherentes, pro amore crucifixi Jhesus, nil aliud preter usum necessarium vite habere velitis. Omnem superfluitatem, sumptuositatem, curio-sitatem ac deliciositatem, in victu, vectitu, libris seu ceteris utensilibus a vobis penitus rescindatis. Scientes proculdubio talia glutinum esse hostis antiqui, per quod ne mens ad Deum libere sese possit elevare, animas religiosas tanto tenacius constringit et illa-queat quanto amplius in illis noverit delectari. Nec quispiam fratrem [!] rem aliquam etiam sibi necessariam prelatis sui sine licentia retinere seu occultare presummat. Ne justo Dei judicio permittente anavie et saphire severam incurrat animadversionem. Superfluas etiam congregationes et usum pecuniarum absque vera necessitate et in casibus non concessis sollicitius [fol. 207] devitari contendatis. Ita quod fratres in contratis quoque tractantes elemosinas pecuniarias hoc faciant cum puritate conscien-cie. Nec quadrigent nisi in casibus permissis, neque calcientur nisi secundum declara-tiones summorum pontificum, frequentia denique discursus, importu[n]itas questes somptuositas expensarum, evagatio plurimorum ob corporis solatium et alias minus urgentes causas. Necnon edificiorum constructio curiosa pariter et superflua cautius evidentur.

Angelice castitatis normam et tenoram nobis beatissimus pater noster apertius in se demonstravit, quippe ut in vase fictili impreciabilem tezaurum ipsius castitatis conservaret, rigidus in disciplina super custodiam suam invigilabat attentius, curam gerens precipuam de hujusmodi impreciabilis custoditione tezauri castitatis. Et secun-dum apostolicam exortationem, corpus suum rigida severitate castigabat, car nemque suam in spiritus redigens, servitutem tezaurum ipsum possidere studebat. In sanctitu-dinis honore per utriusque hominis integerimam puritatem. Intuemini igitur, obsecro, hunc vestre militie ducem et magistrum ejusque ad exemplum in hostem domesticum

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PIÈCES JUSTIFICATIVES 501

armorum aciem dirigite super custodia cordis et corporis vestri diligentius vigilantes. Timendum tunc, patres ac fratres amantissimi, ne plerisque pene omnia accidant, que contigeret olim filiis Israel qui egressi de Egipto, manna celeste fastidiebant, et cibaria vilia Egipti affectabant. Sic et isti seculo renunciantes, tanquam ab Egipto eva-dentes et per votum castitatis terre promissionis apropinquantes, carnales voluptates appetunt et cibum celicum idest suavitatem eterne [fol. 207v] devotionis et castitatis fastitidiunt. Et quod lamentabilius est miserabiliter per consensum, si non in opus sal-tem in delectationem heu succumbunt, sed ve miseris talibus et iterum ve quia multa bona propter parvi temporis delectationem perdunt? Quem si spem apud Christum divinum constituunt, quis tales Spiritus Sanctus visitabit, cur cur repudiaverint, qui se quoque a cogitationibus sordidis longe faciet? Aspicite ergo, charissimi, quis sancto-rum vel que sanctarum tales aproximare non honoreat, aperiant talis oculos suos, si possunt, erigant frontem, valent ne aliquem sanctorum fiducialiter intueri vel invoca-re, nonne tenebre ante oculos talium et dura caligo versatur. Quid faciunt tales coram castis apostolis? Quid facient coram Elia, Daniele et tantorum exercitu prophetarum? Quid faciunt coram virginibus et immaculato choro puritatis earumdem? Quid de-nique coram angelis et sanctis? Transcendebit nobis Catherina virgo felix gloriosa, meritis sponsa Christi predilecta, cum suis innumerabilibus sociabus, et nos eadem carne amicte fuimus. Non tum plenum propositum castitatis nostre, aut fragilitas car-nis potuit mutilare, autem sevitia tirranorum per varia tormenta dejicere, revera non potest caro corrumpi nisi mens ante [?] corrumpta. Miramar charissimi patriarcharum et aliorum sanctorum premia. Immitemur etiam obsequia, predicemus et gratiam, non enim educti de seculo neque ut eos laqueos incidamus, imo ut exuamus nos de omnibus cuntes proposito de corporis potestate.

Videmus nempe celum paterne virtuti, nec hoc esse paucorum, atque idcirco, o patres et fratres [fol. 208] mei desideratissimi, ad ceteras quoque virtutis sertandas que fulserunt in beato patre nostro Francisco, nos attingamus admirari, quippe super laboribus et virtutibus sanctorum est bonum. Sed illos immitari est salutem acquirere et talis esse debet status et conversatio illorum, qui querunt videre faciem Dei. Super omnia autem caveant fratres sese ab omni inusitatione, collocutione et detractione prelatorum et dominos, ac religiosarum quorumcunque, presertim predicatorum et conventualium publice et occulte. Compescatur procacium audacia qua contra patris nostri doctrinam, coram laicis predicantes, contra prelatos ipsorum acta suggillando consurgunt, non nisi scandala, jurgia et odia seminant. Inhibeatis etiam vos prelati firmiter et districte, quod tam divino quam canonico, ac etiam moderni sanctissimi domini nostri Leonis X. ac concilii prohibetur imperio. Ne prelatorum vitam coram populo carpant, sed potius reverenciam exhibeant, non tantum bonis et modestis, sed etiam discolis [!], quia etiam hoc exigit sacrum ministerium cristifere unctionis. Et quod curent pacem prelatorum, in hiis que nobis et ceteris religiosis per consti-tutionem Clementis V., que incipit Religiosi prohibentur conservare, quam quidem etiam

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modernus sanctissimus dominus noster, etiam sacro approbate concilio, innovavit et approbavit et quedam aliam tam super moderationem privilegiorum quam reforma-tionem predicatorum per duas speciales bullas statuit et ordinavit et a nobis ac ceteris observanda decrevit. Quorum omnium ut ampliorem notitiam habere possitis, non pigeat vos bullas memoratas ac etiam formam et modum concordie inter nos et fra-tres predicatores inite de non predicando in alterutrum, quorum exemplaria ex [fol. 208v] nunc vobis propterea reliquit. Ut fratres sint in premissis omnibus cautiores, nec habeant contra nos prelati et predicatores ac alii religiosi occasionem querele, simulque toti seculo clarescat quod non commoda rerum sed lucrum querimus ani-marum. Notitia etiam excommunicationum et casuum que reservantur domino pape, perjura commercia, in quibus absolvere non possumus nec dispensare sine particulari privilegio ipsius summi pontificis, et aliorum casuum precise de jure episcopis reser-vatorum. Eque vobis necessaria est et doctores super hiis videndi in suis scientis, et maxime angelica perspicienda, ubi in Te religiosus, circa finem § 4 verso, quo supra, in singulis locis legi exponi et a fratribus bene ranimari, et quie etiam revelantibus facta ordinis per statuta generalissimi capituli noviter exportata et per me vobis jam trans-missa via precludet statuta istiusmodi et etiam capituli Ferrariensis fratribus perlegan-tur ac etiam exponantur, ne involvantur.

Abstinent etiam fratres cujuscunque status, gradus et conditionis existant[is] in electionibus ministri et discreti discretorum et aliis preambulis ad easdem electionibus ab omni collicatione, conspiratione, subornatione seu practica propter quam electio ministri seu pro non canonica haberi posset, quia sic est preceptum reverendissimi patris ministri generalis. Omnibus et singulis provincie nostre fratribus tam subdi-tis quam prelatis, per sanctam obedientiam in virtute spiritus sancti, etiam sub pena privationis omnium actuum legittimorum ab hiis qui contra fecerint [fol. 209] ipso facto incurrenda, ut autem propositum meum plenius complicetur appropriantes sibi loca sive conventus in salutis detrimentum impune non pertranseatis. Caveatis etiam a receptione personarum inutilium ad professionem, quam maxime in quibus tem-pore probationis devotionis fervor et zelus religionis sancte non apparet et in quibus contemnuntur etiam boni et ordo, despicitur et relaxatur. Nec cunctis tales multi-plicari fratres in numero excessivo, nam ex hoc surgunt discursus superflui, questus turpes et secularibus honerosi, propter quod fratres vacare non possunt devotioni et orationi ut deberent. Et quod fratres modicis et paucis nolunt esse contenti, guardiani interdum non possunt tanti multitudini providere. Deprehenduntur interdum aliqui fratres proprietarii, pecuniarum congregatores vel ipsam ad nutum suum et pro voto dispensari facientes et sui voti transgressores.

Nec sub silentio volo pertransire, quantum novicii maxime recepti ad ordinem minus bene sed neque frequenter informantur, nec in devotione nutriuntur, sicuti eis et ordini expediret. Hinc post professionem inveniuntur indevoti, rebelles, inobe-dientes, precepta transgredientes, ordinem ordinis et salutem anime contemnentes.

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Eapropter, circa hujusmodi novicius fiat omnimoda provisio de probate virtutis fratre sive patre maturo, provido et discreto ubivis locorum. Qui ipsos crudiat [fol. 209v] pure et frequenter confiteri, ardenter orare, honeste conversari, humiliter obedire et servare cordis puritatem, zelare sanctissimam paupertatem. Mores in super et obser-vantias ejusdem ordinis et verbo et exemplo demonstret. Excitet preterea, obsecro, veri cordis devotio et fervor ad zelum et ciectis negociationibus, fratres omnes ad ora-tionis et devotionis spiritum accendatis. Pravas consuetudines, si que sint, resecutis. Otiosos stimuletis ad laborem, ita quod cogantur etiam fratres sacerdotes et clerici, maxime juniores in ordine noviter professi, qui videntur dietim tepescere in devo-tionibus, orationibus ac lectionibus sacris Scripture, necnon ceteris exercitiis utilibus occupari, ut sub bona disciplina teneantur, ne insolescant. Laici similiter compellantur ad labores eis competentes, ne otiose tempus aut inutiliter consumant. Discant etiam fratres modicis esse contenti et divinum officium nocturnum pariter et diurnum dis-tincte, attente religiose, simile et devote persolvant. Quia sancti patres olim dixerunt et determinaverunt quod armatura anime sint psalmi. Oratio murus, lacrime vero lavatorium, cerimonie nihilominus ordinis ac sacrum silentium, quod est decor et fundamentum omnis religiositatis, pro loco et tempore sollitius observentur.

Charitatem denique auream pacem et concordiam cum omnibus desideratissi-mam, ac humilitatem omnium virtutum observatricem, simul et pacem commendo vobis, ut sicut professioni virtutum [fol. 210] precipui credimur. Ne quamquam mo-rum incompositionem postremi merito censeamur. Hiis [er]go jam premissis, o patres ac fratres charissimi, tam efficaci studio non cessetis intendere, quod Deus omnipo-tente gratum habeat et rationabile obsequium vestrum, et patres nostri unamecum vestre obedientie promptitudinem ac sollicitudinis vigilantiam zelumque ordinis sacri possint non immerito commendare.

Et ut hoc melius fiat presens series, omnibus fratribus illius custodie quotiens oportunum fuerit legatur et explicetur etiam in vulgari. Opto paternitates ac fraterni-tates vestras felicissime valere, tanquam patres meos amantissimos. Qui et ipsi orent, rogo, pro me ac laborum meorum sociis, ut divinum beneplacitum tam in nobis quam in vobis perficiatur. Ut que Cristo Domino placent cupiatis, semper faciatis, et ut habeatis Deum ante oculos et omnia disponatis secundum voluntatem suam et pro-fessionem nostram. Valete.

Ex conventu Budensi14.Egoe) frater Albertus de Dereslyen, ejusdem ordinis minister provincie Hungarie

de regulari observantia.

a) Pour hujusque. Ce texte étant manifestement très corrompu, seules les corrections indispensables à la compréhension seront indiquées dans les notes qui suivent. b) Probablement pour nutum. c) De Dolenda

14 Buda (Budapest, Hongrie).

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jusqu’à filii, ce passage reproduit presque mot pour mot l’exhortation précédente, fol. 4. On trouve de nombreux autres emprunts à celle-ci dans les lignes suivantes. d) Pour inobedientes. e) Ce dernier paragraphe, de pré-sentation plus aérée que le texte qui précède, est en retrait vers la droite.

6

1520-1523,? – Exhortation du ministre observant de Hongrie Bernardin de Somlyó15 aux custodes de la province.

OSzK, Codex Latinus medii aevi n° 432, fol. 196v-200.

[fol. 196v] Exhortatio

Gratia vobis et pax a Deo patre et Domino nostro Jhesu Christo et a sanctissimo spiritu paraclito.

Patres mei amantissimi et desideratissimi. Quam potissimum ad hoc invigilare debet sollicita cura rectoris ut sacre religionis splendor prefulgidus in pallorem ne degeneret, sanctitatis pulchritudo ne sordescat, bone opinionis odor non conputres-cat, neve nomen Domini blasphematur. Sed ut in commisso sibi potius grege meritum virtutis accrescat, claudatur via vitiis et detur moribus disciplina, ne autem sanguinem animarum mee cure commissarum de manibus meis districtus Judex requerat. Si ta-cuero charitatis vestre zelum, quos corporali presencia non potero, litteris excito.

Eapropter, patres meis dilectissimi qui unamecum viam Domini ingressi estis, mementote vocationis vestre et quemadmodo accepistis normam vivendi et quali-ter oporteat vos ambulare in assumpto jugo Christi, sic et ambuletis. Totius autem perfectionis et spiritualis super hedificationis solidissima jecimus fundamenta, tria videlicet vota ut funiculus triisplex difficiliter rumpatur. Quibus et a mundo segre-gati, Christo Deo conjuncti et religioni colligati sumus. Paupertatis, obedientie, sancte castitatis, que si non fixe immobiliter ve persistant in suo robore, totius extunc ex-tructionis moles ibit pessum. Vos autem in primis, o patres in parte mee sollicitudinis datos, moneo et exhortor, ut zelum religionis habentes, conversatio vestra sit sancta, odorem virtutum fragrans et honesta integritas, quippe vestra salus est subditorum vestrorum, facileque trahitur in exemplum ab eis quod agitur a vobis, et tunc totius Domini familie status nutabit. Si quod requiritur in corpore, non inveniatur in capite. Sit et exhortatio vestra potens in verbo et opere, in omni patientia et doctrina, sitis et compassivi, odio habeantur peccata, non homines cor ripiantur tumidi, suscipiantur

15 Bernardin de Somlyó fut ministre de la province salvatorienne de Hongrie de 1520 à 1523. Voir p. 621.

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PIÈCES JUSTIFICATIVES 505

infirmi. Extirpate sentes vitiorum provida vestra vigilancia in dies pululantes, ne dum disciplina negligitur, insolentia crescat.

[fol. 197] Obedientiam sanctam religionis nostre principale votum, patres mei desideratissimi, ita prompte, ita ut alacriter absque omni contradictione exhibeamus prelatis in prosperis, letis et adversis. Ita nos totaliter abnegantes, ut non murmur, non querimonia resonet in ore nostro, vel in opere excusationis velamen.

Paupertatem quoque regule nostre prerogativam sublimem ac nobilem marga-ritam, ne porcis viliter conculcantur, exponamus. Ita eidem adhereamus, ut nihil sub celo habere velimus. Inter celestium namque insigna gratiarum, quibus altissimus con-fessor Franciscus ordinis nostri institutor se Christo conformens hoste terribilem ac nobis se prebuit exemplarem, paupertas vendicat principatum, hac nos a religiosis discernere ceteris, a viciis elongare et Christo totaliter inserere conabatur. Hanc tam vivens quam moriens, exemplis et monitis precipue commendait, patresque nostri in ordinis regimine nihil paupertatis lesione molestius, nihil ejus observatione gracius arbitrantes. Nullus igitur ex vobis quitquid proprium possideat, non pecuniam vel de-narios tractet, procuret vel possidebat, nisi in casu quod declarationes concedunt. Li-bros autem vel alia superflua, quibus uti non potestis vel non indigetis, qui in qualitate vel quantitate excessiva vel superflua merito debeant judicari, non habeatis. Et cum non omnium rerum sed necessariarum usum moderatum fratres juxta discretionem et concessionem suorum prelatorum habere debeant, nulliusque rei dominium ordo vel proprietatem habere potent. Ideo nihil intra vel extra ordinem fratres quicunque dare possunt vel accipere, sine licentia pietatis vel devotionis intuitu. Discursus etiam inu-tiles pro superfluis acquerendis ac importunas petitiones, propter quam multi fratrum occursum abhorrent tanquam predonum, cavete. Studeatis et paucis esse contenti, sit cibus vester parcus, sit potus sobrius, ut non regnet in vestro corpore peccatum et ne aggraventur corda vestra crapula, neque vino inebriamini, in quo est luxuria. Prandium vestrum non extendat ultra horam; propterea horologia in singulis locis ha-beantur. Collatio similiter vestre sit citra horam. Post refectorium autem rursus, quis ad potum non nisi cum suo dedecore et verecundia tanquam Epicurus reverti poterit. Sit itaque paupertas nostra penuriosa [fol. 197v], sit indigens, ne solo nomine pauperi gloriari videamur. Nullus insuper fratrum equitet, quadrigetur vel calciamenta deffe-rat, sub penis in constitutionibus expressis, nisi in quantum constitutiones permittunt. Calciamenta autem habeant in communi. Inhibeo autem sicut et inhibitum est sub in-terminatione divini judicii, ne aliquis secum bursarios ducat, nisi ubi manifesta egestas contrarium suadeat, et hoc de licentia procuratoris.

Lumbos quoque vestros precingatis ad nitide castitatis solertem custodiam, sine qua nullus bonum acceptum est Deo. Sensus quoque vestros comprimatis, ne mors in-trans per fenestras vestras, quinque virgines vestre a serpente corrupantur. Et ut cum apostolo dicere valeatis: “Vivo ego, jam non ego. Vivit vero in me Christus”. Mortifi-cate corpora vestra, potus cibique parcitate, ut sensus vestri non ducentur vobis. Ca-

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vete consortia et consilia mulierum, ac juvenum familiaritates intus et extra tanquam syrenas, ignitaque jacula inimici fugite, nam hys sarmentis succenditur fornax Babilo-nis. Confessores in confessionibus audiendis sint circumspecti a sociisque, ut par et observentur. Et cum procliva [!] sit inventus ad relaxationem, nisi continue stimuletur et strennue corrigatur. Juvenis non cito promoveantur ad confessiones audiendas. Sitque de eis eaipsa diligens et provida vigilantia, presertim circa noviter professos, sic de noviciis, et stent sub magistris et juxta scripta apostoli monentis Thimotheum, ne et cuiquam cito manus imponat. Cleros nostros ad sacros ordines ne cito promo-vere debeatis, sintque pura cordis intima. Viscosas etiam immundarum cogitationum delectationes ignis eterni cru ciatu repellite. Scurrilitas autem et immundicia que ad rem non pertinet nec nominetur inter vos, sicut decet Dei ministros. Insuper pax et fraternalis charitas ita sit vobis amica, ut nullo possit certamine violari. Et sicut una fides, ita unus spiritus dilectionis maneat in vobis. Ipsa est enim perfecto legis et quum Deus pacis non nisi in pace [fol. 198] colatur, cum omnibus pacem habens, invicem honorem preveniens, fratres igitur omnes tam forenses quam nostri vel ejuscunque religionis suscipiantur, tractentur et hospitentur in visceribus charitatis, sine murmu-ratione mutuo invicem servientes. Nam sicut in uno corpore multa membra habemus, omnia autem membra, juxta apostolum, non eumdem actum habent; ita singuli alter alterius membra infirmosque vestros curate, quibus super omnes studiosius deservia-tis in omnibus eorum necessitatibus, eisdem providam curam impendatis.

Et quum vos ire contigerit per mundum, attendite quod sitis exemplar et specu-lum totius virtutis et religiositatis. Ut vita et conversatio vestra debeat esse forma et regula honeste vivendi secularibus tanquam mundo dati in exemplum, ut videant bona opera vestra et glorificent Patrem nostrum qui in celis est. Instantius etiam moneo et exhortor ut in cunctis vestris actibus, conversationibus, verbis et responsis, consiliis et reprehensionibus apud omnes, sic vos geratis quod omnes ad virtutis zelum non tam verbo quam exemplo inducatis. Ne contrarium facientes et scandalizantes, ac ea que boni fratres edificaverunt, vestris insolentiis destruentes, mereamini incurrere male-dictionem paternam a beato Francisco talibus imprecatam.

Preterea caveatis intus et foris a lenitatibus et otiosis ac mundanis verbis, et ad ludos lenes et spectacula vana judenda non exeatis, et omnis arrogantie vel jactantie notam evitetis, ne pusillos scandalizetis. Sit et sermo vester sale conditus, verax non procax. Sitis et reverentes ad omnes modesti et humiles honeste loquentes et de sacris [fol. 198v] Scripturis et sanctorum exemplis, presertim in mensa cum secularibus, sicut decet vere religiosos.

Ut in odore virtutum sequantur vos, patientia quoque tanquam scutum omnium ad versorum nobis necessaria est. In ipsa ettenim possidebitis animas vestras. Om-nium etiam custos et decor humilitas pro conservandis et emulandis charismatibus spiritualibus, non immerito a vobis amplectenda est, quum etiam virtus sine ea vitium sit. Nichil igitur patres preservatis de vobis, neque in murro armorum confidatis. Sed

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PIÈCES JUSTIFICATIVES 507

cum omnia servitis, dicite: ”Servi inutiles sumus”. Juxta vero sententiam apostoli, sine intermissione orate, gratias agentes Deo semper in ymnis, vigiliis et psalmis cantan-tes in cordibus vestris Domino; in organis, cum Cecilia, dicite: “Fiat cor nostrum et corpus divine immaculatum, ut non confun damur”. Dominus quoque Christus, imminente passione sua orans, monuit etiam suos discipulos ut orarent, ne intrarent in tentationem, formam nobis dans, ut in cunctis nostris necessitatibus divinum in-vocavemus auxilium. Supplicate igitur eidem nunc ut patri, nunc vero colludite et sponso, nunc vero estimestite ut judicem. Et quia sacrificium laudis honorificabit me, divinum officium persolvatur a nobis religiose, attente et integre. Omnes intrent, omnes cantent juxta consti tutiones. Rogo autem ob reverentiam divini cultus, ut in singulis vestris con ventibus, dominicis ac festis dup plicibus etiam minoribus, Te Deum laudamus solemniter a vobis decantetur, juxta morem aliarum provinciarum. Ad altissi-mum vero sacrificium conservandum tractans et summendum diligens precedat exa-minatio [fol. 199] conscienciarum, cum tremoreque ad id accedens. Talibus ettenim hostiis promeretur Deus, similiter fratres laici ad altare divinum reverenter sacerdo-tibus assistant, serviant, vestuant et exuant eos, predicatores etiam discant antequam doceant. Sintque eorum verba non risu digna, non anilia, et que a canonibus sacris non hanc firmitatem non predicent et quod tam divino quam evangelice prohibetur imperio. Nec prelatorum vitam coram populo carpant, vel eos criminaliter nominent, sed potius reverencia exhibeant, non solum bonis et modestis, verumetiam discolis. Occuperent etiam fratres in laboribus fructuosis, sacerdotes presertim et clerici in studio sacrarum litterarum et regularium insti tutionum ac predicationis exercitio.

Fratres etiam laici exerceantur in laboribus fructuosis artificiosisque, et cogantur otiosi ad ea preferenda que ipsis incumbunt officia, admoneantur quoque ut coquina, sacristia simul et canaparia et alia que ad eos spectant munde, devote et decenter ad-ministrent. Negligentes autem, otiosos et torpentes, vos qui preestis, pena condigna percellatis. Zonam vero qua precingimur deinceps nolo per seculares fieri. Et quam propheta iniquitatem suam recognovit, dicantur et nobis culpe pro defectibus conti-gentibus more solito, similiter discipline more hactenus observato, continuentur, hoc addito, ut post psalmum De profundis immediate dicatur: “Christus factus est pro no-bis obediens etc.” usque “in gloria patris”, reliqua prosequentur more solito.

Necessarium quoque puto in ordine, ad debitam religionem observandam augendam et conservandam, noviciorum ac juvenum in ordine diligenter et sollicitam instructionem et probationem, cujus carencia et negligentia multum ordini nocuit et quottidie nocet. Volo ergo ut in singulis custodiis vestris assignetis aliquod conventus vel loca aptiora, et confessores idoneos eisdem [fol. 199v] assignantes, qui doceat eos frequentius confiteri et contemplari honeste conversari, humiliter et simpliciter obe-dire, culpam coram omnibus recognoscere, cordis et corporis puritatem servare, reve-rentes et obsequiosos omnibus esse, sanctissimam paupertatem et abjectionem zelare, opera humilitatis et vilitatis libentius amplecti, artum silentium tenere, solitudinem

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et cellam amare, et ad omnis perfectionis apicem anhelare, pro ut tantus status per-fectionis acquerende requerit. Cerimonias quoque ordinis et divinum officium cum suis rubricis et cantum ordinis, et omnia alia que faciunt ad debitam or dinationem et compositionem et mortificationem veri religiosi faciant. In calce hoc quoque vos admonere libeat, ut lumen ne in caute reliquatur per cellas et alias officinas. Et quia bonum est prestolare adventum Domini in silentio, inviolabiliter silentium locis et temporibus ad hoc deputatis observentur juxta constitutiones.

Ad hoc vos, o patres, adjuro per aspersionem sanguinis Christi et per stigmata passionis ejus, que in sacro patris nostri corpore indu[bi]tabili claritate subseret, ut ad prefata observanda vos succingatis, totaque mentis attentione invigiletis. Eya igitur, patres mei et commilitones mei, letitia cordis mei rumpite moras, segniciem omnem et torporem deponite. Levate capita vestra: ecce appropinquat redemptio vestra. Cur-rite ad bravium superne retributionis vobis propositum, ita ferventes, ita alacres ac si noviter ad militiam et ad suavi jugum Chrisi assumendum accederetis. O felices, o ter, quaterque beati si dum venerit Dominus, invenerit vos sic operantes. Magna quippe quidem promisimus, patres, sed majora promissa sunt nobis. Pro terrenis et caducis eterna et stabilia nobis donantur. Illa inquam de qua apostolus ait: quia nec oculus vidit, nec auris [fol. 200] audivit, nec in cor hominis ascendit, que preparat Deus dili-gentibus se, omnes enim oportebit nos exhiberi ante tribunal Christi, ut recipiat unus-quisque quod gessit in corpore sive bonum sive malum, et absterget Deus omnem lacrimam ab oculis vestris. Tunc etiam transiens, faciet vos discumbere et miserabit vobis, dicens suaviter: “Vos qui terrena cuncta calcatis et secuti estis me, in centuplum accipite et vitam eternam possidete”. Ad quam perducat nos Christus, qui cum Patre et spiritu sancto vivit et regnat in secula seculorum, amen.

Accipite et hoc ex omnium et munusculum, quod ego vester minus et inutilis servus, pro dulcis Jhesus nova nativitate et ejus deipare virginis Matris honore trans-mitto presentibus. Leo papa X. ad supplicationem meam concessit omnibus fratri-bus provincie nostre plenariam absolutionem et indulgentiam ab omnibus pec catis ac censuris presentibus, semel in vita et semel in morte. Idem orantibus coronam virginis Marie plenariam indulgentiam fratribus nostre provincie similiter et tertiariis conces-sit, itab) ut in fine pro eodem dicatur unum Pater Noster et unum Ave Maria. Habitis igitur presentibus infra quindecim dierum spatia. Qui volunt et egent confiteantur et absolvantur ut premissus est.

Orate et vos pro me. Volo autem ut vos, patres custodes, has litteras meas mo-nitore in singulis locis vestre custodie perlegi publice faciatis et intelligibili voce in vulgari explanate. Valete in dulci Jhesu etc.

Fratera) Bernardinus de Somlyo, indignus minister provincie Ungarie etc.

a) Ces mots de souscription sont écrits en grands caractères et en retrait à droite. b) Précédé de: ut, raturé.

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PIÈCES JUSTIFICATIVES 509

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1523-152516,? – Exhortation du ministre observant de Hongrie Gabriel de Pécs vá rad17 aux custodes de la province.

OSzK, Codex Latinus medii aevi n° 432, fol. 210v-214.

[fol. 210v]

Salutationem in sancto amore Cristi, cum orationibus ad Deum fusis. Patres honorandi atque in spiritu amanti.

Quamquam nunc in fine mei constituat officii quod Dei suffragans gratia ve-strarumque paternitatum intus orationibus utrumque minus tamen quam debuissem executus sunt, verumtamen charitas fraterna ignita quam erga vestras gero paterni-tates etc., animam meum stimulat nec finit quiescere, quin vobis aliqua salubria divi-num honorem contingentes, nostramque professionem fulcimentis validis tenentes. Salutem denique animarum juvantia scriptitarem. O patres amanti, vestri reducatur in memoriam, quod Deus misericors ex alto prospectans, nostris condolens miseriis, dum in mundo essemus jam jam dampnato, viscera pietatis sue in nos extendens, eduxit de Egiptiata servitute dyabolice potestatis, introducensque in hanc regulam evangelicam utique sanctissimam vitam Jhesus Christi benedicti ac ejus apostolorum, qui prima fuerunt in ecclesia sancta fundamenta. Quos est se cutus almificus Franci-scus vir apostolicus noster antecessor, evangelice vite per omnia in sectator, eduxit inquam nos, ne cum hoc mundo deemoriemur. O mira divine pietatis circa nos di-gnatio! O inestimabilis charitatis erga nos dilectio! O dignativa altissimi Dei nostri ad nos condescensio! Ne cum Sathana esset pars nostra et abissus illa, ne unanimiter nos involvent tenebrosa, in hanc vitam religiosam magis celicam quam mundanam una simul nos conduxit. Profecto non est alia natio tam grandis [fol. 211] que habeat deos appropinquantes sibi, sicut Deus noster adest nobis, ut arbitror ceteris omnibus quasi repudiatis, hominibus solum curam nostram ad salvandum gerere videtur. Unde vester quilibet frater Minor potest dicere illud paris: “Et Dominus sollicitus est mei, dedit enim nobis esse bene, in bone statu religiosis esse, regulari in observantia esse, mundi abdicatores esse, in sua gratia vivere esse, in suo servitio continuo esse, in extremis de angelorum societate esse, in superna habitatione sine fine esse, sue dul-cissime faciei visionis participerii [!] esse”. O patres charissimi, pro certo dicere potest nobis Cristus Dominus illud propheticis: “Popule meus, quid ultra debui facere et non feci, responde mihi!”. Sed quid respondamus, nisi illud evangelicum dictum: “Sufficit

16 Cette exhortation étant signée du ministre (et non du vicaire) Gabriel de Pécsvárad, elle date probablement du dernier mandat de celui-ci. Voir note 13.

17 Voir note 13.

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benedictio igitur et claritas, et sapientia et gratiarum actio, honor, virtus et fortitudo Deo nostro in secula s[eculorum], amen. Vere et vere dignum et justum est equum et salutare nos tibi semper et ubique gratias agere, Domine sancte pater omnipotens eterne, Deus qui nos eduxisti de hoc mundo periculoso et damnato et introduxisti in hanc regularem observantiam regulam utique fratrum Minorum, ut essemus sancti et immaculati in conspectu tuo sectatores bonorum operum. Nos utique sumus populus ille peculiaris, quem creasti tibi in laudem et gloriam [fol. 211v] et honorem nominis tui”. O patres gratissimi, corde sincero, totis visceribus ex medullis cordis, oculis ac manibus semper in celum intenti, invinctum ab oratione spiritum non relaximus, gra-tias agentes Deo altissimo, pro tam maximo beneficio. Ne ingrati tanquam rei sceleris in morte arguamur. Imo verius illud paris dictum verificetur de nobis: “Generatio et generatio laudabit opera tua”. Generatio quippe preteritorum sanctorum fratrum, qui nunc Regno fruuntur beato, laudat cum gratiarum actione opera Domini magnalia, de gratia vocationis in hunc statum regularem in quo animas suas salvaverent. Labo-remus, patres amanti, ut in generatio presentium fratrum laudet in gratiarum actione opera Domini magna. Memoriam igitur habundancie suavitatis ejus eructemus nec taceamus, quod ve et ve ingratis fratribus et iterum ve utinam saperent et intelligerent ac novissima providerent. Sunt enim tales similes Judeis murmurantibus et impatien-tibus, quibus manna suavissima insipiebat. Sic quibusdam tepidis fratribus ingressus religionis est insipidus, propterea inveniuntur ingrati. Unde si gustus gratie in religione eis saperet, profecto incitarentur ad gratiarum actiones, dicentes cum propheta: “Me-moria memor ero et thabescet in me anima mea. Memoria memor ero in gratiarum actione de tanta beneficiencia et tabescet nime anima mea de tam magna gratia, qua sum erutus de faucibus mortis et abductus in hunc locum paradisi terrestris”.

Sed patres per optimi quod sumus vocati in tam optimum statum, [fol. 212] non sufficit nobis solum in statu esse optimo, sicut nec primum angelum superni Regni polus, nec primum parentem paradisi locum, nec Judam proditorem Salvatoris latus salvavit, nisi in eo quisque studeat vitam ducere regularem. Meditandum cottidie quod vota promissa melius reddantur Christo Redemptori, d[icens] cum propheta. “Meditabor in mandatis tuis que dilexi nimis. Meditabor inquam in mandatis tuis in ipsa sacra regula evangelica et apostolica contentis et promissi, que dilexi nimis”. Nisi enim hujus sacre religionis vota quispiam nimis dilexisset, ea pro fiteri minime potu-isset. Quod nisi vota amari non posse, si igitur hanc regulam no bis amando despon-samus. Extunc toto conamine, totis nisibus operam demus, ut pure et illibate absque admixtione pravi operis altissimo persolvere valeamus. Quamquidem sic tribus votis fortissimis ad instar Christi crucifixi, qui tribus clavis, scilicet obedientia, paupertate et castitate, quilibet frater Minor ad crucem religionis, tam fortiter est conclavatus, ut inter hoc clavos ei mori est necesse. Amore horum clavorum, ipse Christus filius Dei vivi, victus dereliquit hereditatem suam, tradidit ani mam suam ut in eorum possit parvenire amplexus. Obedientiam quippe sic ad cor suum strinxit, et pietus ut magis

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perderet vitam, ne perderet obedientiam, factus obediens usque ad crucis mortem. [fol. 212v] Paupertatem denique margharita pretiosa sic sibi ardenti charitate copula-vit, ut nihil preter victum et vestitum in modo haberet. Quid de castitate virtute divina et angelica loquare? Cum illud corpus deificum membrumque virgineum etiam que conceptus et natus de Virgine immaculata concipi et nasci voluit. O quam beatus vir, ait propheta, qui implevit desiderium suum (exemplo Christi), ex ipsis pro certo non confiendetur cum loquetur inimicis suis in porta inimicis, s[cilicet] demonibus in porta mortis. Ceterum, patres intimi, orationem devotam, que est mentis ascensus in Deum summopere ardenter amplectimini. Quod religioso non oranti eterna promittuntur supplicia et religiosus indevotus est, sicut lignum aridum, aptum tamen combustioni. Charitatem etiam continuam habentes inter vos quam sic vigilanter custodite, ut nec in minimo ledere quoquem audeatis. Sola enim virtus hec inter filios discernit Dei et filios dyaboli. Dissolutionem, risum, prava quoque colloqua, que bonos enervant sacre religionis mores, devotionem mentisque in Deum impediunt elevationem, mo-dis omnibus, tanquam sermentum Pharisiorum caveatis. Quintotius maturitati et ca-nitiei sensuum intendite. Cani enim sunt sensus hominis religiosi. Minores enim de observantia a mundanis maxime in morum agnoscuntur honestate. Et si forte quos viderint incompositos moribus deficere, [fol. 213] dicunt non esse de numero fratrum Cheriensium18. Silencium denique suis temporibus quod nutrix est charitatis et pacis servate. Ne multiloquium et pracitatem charitas et pax infringatur, ac spiritus devo-tionis extinguatur. Divinum quoque officium frequentate, quod est sacrificium laudis. D[icunt] p[atres]: “Imola Deo sacrificium laudis”. Et prout mandant constitutiones principales, devote, attente, integre religioseque persolvite. Cujus principium unani-miter pervenite, cujusque finem unanimiter expectate.

Otium denique nocuitam virtutum, summo studio vitetis tanquam laqueum dya-bolici. Magnum certe dedecus est, ut qui vocati sunt ad virtutum opera, sint dediti otio et vanitati, tempus consumentes in vanum. O verecundia magna et confusio pessima religionisque destructio maxima virum religiosum otio deditum. Otia enim, ait qui-dem, dant vitia, fugiantur [er]go procul illa. Inde enim proveniunt detractiores, jurga, litigia, discordie, disturbia, judicia, mendacia, falsa colloquia. Unde quidem virtutem primam puto compescere linguam. Servum enim Christi oportet sine intermissione, aut legere, aut orare, aut aliquid boni agere. Ne mentem spiritus malignus occupe[t] et tentet, aut ad fornicationem, aud ad litigationem, aut ad alia quoque vitia. Familia-ritates etiam secularium quorumcunque consilia atque consorcia, maxime juvenum et mulierum, tota cordis intentione non solum vitetis, verum tanquam venenum mor-tiferum abhorreatis. [fol. 213v] Nam quod inimicus capitalis Sathan per se nequit peragere, agit hoc per sua arma que sunt mulieres et earum consortium et aspectum.

18 Nom populaire des franciscains observants en Hongrie, signifiant littéralement “frères de Cseri”. Voir chapitre 2.

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Nunquam dictus inimicus sic famam et odorem bonum observantium fratrum Mi-norum conturbavit, sedavit ac maculavit, quam per mulieres que enim communicatio est fratris Minoris ad mulieres. Profecto nulla magnum chaos firmatum est inter nos et ipsas, quanta distantia inter celum et terram, multo major inter fratrem Minorem et mulierem. O stultitia maxima, o demerenciaa) sumpta, fratrem Minorem habere fami-liaritatem cum muliere. Ideo sanctus pater Franciscus precipit in sacra regula firmiter: “Precipio fratribus universis ne haberent suspecta consorcia vel consilia mulierum”.

Sobrietatem autem cibi et potus sectamini. Nam dyabolicus vinolentum mox malis et iniquis aggrediri desideriis et vincit tanquam vinculis Bachi alligatum faciliter vinculatus vincitur. Sed sobrius tanquam vir bellator fortis non vincitur sed vincit. Patientiam tandem in adversione tenete firmam. Sic quippe Deus sua eterna pru-dentia hominum ordinavit vitam, ut sine adversitate et contradictione vivere valeat nullus. Nec ipse quidem Dei filius opportuit enim pati Christus, et ita intrare in glo-riam suam. Verecundia certe est magna servum esse delicatum, dum videt Domini suum adversa pati, quare enim corona quisque absque patientia habebit in celo. Pro-fecto nullam finaliter exemplum bonorum operum, et inter vos, et inter seculares, immobilem servate. Quia beatus frater noster Franciscus maledictionem imprecatus est fratribus scandalosis, qui suo malo [fol. 214] exemplo corrumpunt animas quas Cristus suo roseo redemit sanguine; viceversa, benedictionem bonis et exemplaribus fratribus, qui suis bonis actibus et exemplis vividis tanquam quodam splendore lucido homines illuminant. Unde Deus glorificatur, fratres hedificantur, seculares in viam mandatorum Dei adducuntur, salusque animarum procurant, quam donet nobis Tri-nitas sanctissima. Amenb).

Ad cetera autem vos doceat unctio Spiritus Sancti.Hecc) reverendus pater Gabriel de Pechvaradino etc.

a) Pour dementia. b) Le mot est écrit en grands caractères. c) Ces mots de souscription sont en grands caractères et en retrait vers la droite.

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B) Exhortations aux novices et aux frères déviants

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v. 1513-151719,? – Exhortation du vicaire de Hongrie à un novice.

OSzK, Codex Latinus medii aevi n° 432, fol. 143-143v.

[fol. 143] Exhortatoria ad novicium

Sanctam et sinceram in Domino charitatem, cum omnis boni continuo incre-mento. Pater mi in Christi charitate affectuosissime, accepi ad hanc nostram mili tiam, in qua pro adipiscenda celestis Regni patria Domino virtutum contra hostes ferocis-simos, mundum videlicet carnem et dyabolicam sollicite militamus, vestram paterni-tatem Deo auctore adventasse, de quo eidem omnipotenti Deo, ut potui gra tias egi, et volebam vestram videre paternitatem, sed nunc fieri non potuit, pro pter alia hujus sancte familie negotia. Ante animum tuum vestram videre decrevi paternitatem, co-giteris interea, quod omnipotens Deus virum religiosum beatificat non solum in celo, sed etiam in terra, spirituales virtutes ei largiendo, et idcirco se cun dum Bernardum majores delectationes inveniuntur in virtutibus, quam in hujus mundi vanitatibus. Pro-mittit enim nobis Dominus beatitudinem in futura vita. Sed si diligenter attendimus, jam in hac vita partem premii possidemus, pars utique magne felicitatis est seculum despicere et omnipotenti Deo servire cepisse (cui servire regnare est), evasisse vi-tiorum infelicissimum dominationem, liberum esse a servitute dyabolici et peccati, innocenter vivere, beate castitati operam dare, gloriose paupertatis sufficientiam [fol. 143v] possidere, nihil extra Deum querere, in ipsius amore et contemplatione suaviter quiescere. Idcirco, pater carissime, forti animo persistatis in vocatione vestra, Domino gratias agendo. Cui et ego eandem paternitatem vestram viscerosius recommendo.

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v. 1513-1517,? – Exhortation du vicaire de Hongrie à un novice.

OSzK, Codex Latinus medii aevi n° 432, fol. 143v-144, 145.

[fol. 143v] Alia exhortatoria noviciorum

S[alutem] fraternalicum caritate ac omnis boni incremento. Pater ac frater caris-sime, nil presentibus preterquam singularem caritatem, qua tue fraternitati pariter et

19 Pour ce texte comme pour les trois suivants, le seul indice de datation dont on dispose est la calligraphie, qui est celle du scribe ayant copié, au plus tard en 1517, la majeure partie du premier formulaire.

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saluti afficior, significare valeo. Quapropter eandem fraternitatem tuam observatam esse velim, [fol. 144] quatenus propositum tuum fervido animo, summoque studio quod te clemens Jhesus sua gratia largiflua administrat amplectere. Nec quoquidem hostis falla-cis suggestioni locum rogo prebetoa), sed ubi ejus senseris ad quecumque incomoda in-sidias, mox baculo crucis arrepto, per meditationem devotam te munias, non parvenies etiam usque ad punctum illum ad feces percutere. Quippe si adhuc servum tranquillum quam minime persentias animum, junge te adjutore, sanctorum de precando juvantia. Maxime signiferum vexilliferumque Franciscum sanctum, qui suo nequam illum fu-gabat inimicum vexillo, forsitan vivesb) versutus ille simul et astutus adhuc sibi incipit assumere iminicus. Adjutricem suorum devotorum invocare satage celestem Reginam, ad quam pre omnibus habe devotionem. Sit de nique te, oro, sumptum studium, ut per rivulos non statim in mare eligas introire, quare per faciliora ad difficiliora est deve-nire. Consciencie puritatem insuper obsecro amplectere, orationi vacare non desinas, cellam frequenter diligas. Si vis in cellam vinariam [!] introduci, omnibus te amabiliter exhibe. Nihilque te de factis aliorum, nemium secularium, te familiarem exhibeas, quia eorum familiaritas te impendimentum prestat et substractionis a devotione materiam subministrat. Sanctorum et bonorum imitari vestigia non omittasc), [fol. 145] altiora te ne quesieris. Ista sequens vestigia fronderis et fructus in vinea Domini Sabaooth utiles quamdiu vitam habueris proferes ac produces. Hec si sectatus fueris, ad id pertingere potes quod affectas, cujus etiam intuitu te omnia dereliquisse non ambigo. Nec plura nisi bene valeat tua fraternitas homine in utroque, et oret pro me.

a) Pour prebito. b) Ce mot est inséré. c) Suivi de Videte folium et d’un sigle que l’on retrouve au fol. 145, précédé du titre: Finis exhortationis noviciorum.

10

vers 1513-1517,? – Exhortation aux frères en proie à la tentation.

OSzK, Codex Latinus medii aevi n° 432, fol. 180v.

[fol. 180v] Ad tribulatos

Omne gaudium existimate, fratres mei, cum in tentationes et tribulationes varias incideritis, scientes quia tunc probabimini, probatio autem viri patientiam operatur. Et patientia opus perfectum est. Patientes igitur estote, et confirmate corda vestra, quoniam adventus Domini apropinquabita), exemplum accipientes ab agricolis. Agri-cola enim expectant pretiosum fructum terre, patienter ferens donec accipiat tem-poraneum et serotinum. Si beatificamus sanctos, Job, apostolum [!] et alios qui susti-nuerunt, vere et nos non longe hic et in futuro beatificamur, qui nunc pro justitia sic tribulamur. Non enim fallit nec fallitur qui dixit: “Beati qui persecutionem patiuntur

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propter justitiam, quare etc.”20. Sed ve mali qui timentes Dominum non glorificant, quoniam exterminabuntur et nisi penitentiam egerunt, in profundis pelagi demergun-tur. Quare etc.

a) Le a est inséré; on lit est, raturé, avant -quabit.

II. Textes normatifs

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v. 1513-1517,? – Instructions données aux visiteurs pour effectuer leurs visites.OSzK, Codex Latinus medii aevi n° 432, fol. 73v, 75-76v .

[fol. 73v] Modus visitationis In primo ingressu loci visitandi ipso die nihil agitur, sed cum debita caritate fra-

tres salutandi sunt, hilari et alacri vultu in osculo pacis gaudentes. [fol. 75] Tandem secundo die, ante prandium, consideratis [?] litteras obe-

dientiales. Lectis litteris, post aliqua verba precipiatis omnibus per eandem obedien-tiam qua vobis precipitur in litteris, ut omnia que sciunt, maxime contra regulam vel bonos mores aut contra constitutiones, in veritate dicant, amore, odio, invidia, rancore, etc. postpositis.

Item precipiatis eisdem quod post prandium congregentur et eligant ex eis duos discretos, quos voluerint. Et illos duos discretos visitent in communitate, excluso uno eorum, quem visitent omnes fratres, illo revocato secundus [?] iterum exeat, ut simili-ter visitetur ab omnibus fratribus, ut isti duo simul stare possint vobiscum.

Item inchoetis talimodo visitationem. Vocatis singulis fratribus per ordinem, dicatis cuilibet eorum: “Frater carissime. Scitis bene quomodo ego precepi vobis ut omnia que interrogabuntur a vobis teneamini dicere per obedientiam. Nunc ergo, si quid scis, coram istis fratribus discretis tenearis dicere.”

Item, isitatis fratribus omnibus assignetis unum diem pro correctione, inter sex-tam et missam conventualem, et facta exhortatione parvaa). Date cuilibet audientiam et auditis ipsis date eis penitentiam, secundum consilium discretorum. Prius tamen tracteris eum ipsis discretis de penitentiis injungendis, cui que penitentia sit injun-genda. Si tamen frater omnino denegat in communitate [fol. 75v] culpam, et prius non fuerint testes sufficientes et fidedigni, maxime si culpa sit gravis, tunc, excluso illo fratre, interrogate veritatem a fratribus in communitate. Et si convictus fuerit,

20 Mat., 5, 10.

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sustineat penam quam meretur. Quia potest fieri quod aliqui per inspirationem malam accusent aliquem.

Item, si aliquis accusatus fuerit de peccato gravi et enormi, date audientiam eidem (nisi timendum esset de apostasia ejus cum scandalo, quia tunc esset differendum) et si se excusaverit, iterum faciatis inquisitionem. Et si veritatem inveneritis, tractate cum aliquibus fratribus, juvenibus et laicis fratribus exclusis, utrum debeatis importare ejus visitationem aut non. Et si fratres concordaverunt de importatione, tunc scribatis ad unam scedulam visitationem ejus per terminos, et legatis coram fratribus bis aut ter, et interrogetis iterum si visitatio fratris per talia verba fuerit facta. Postea sigilletur sigillo communitatis, et in dorso scedule scribatur: “Visitatio fratris N. in loco t[ali] facto, ad capitulum importanda”. Simili modo fiat de omnibus que importabuntur.

Item expletis correctionibus ante prandium in communitate. Precipiatis per obedientiam quod nullus frater obiciat alteri suam visitationem vel penitentiam, nec imponat alicui dicendum: “Tu me visitasti ”. Alioquin nullus possit [fol. 76] ipsum absolvere, nisi ego solus, et grave erit fratri currere post me. Nihilominus tamen, in egressu vestro de loco, secreto guardiano committatis (nulli tamen presumat dicere), ut absolvere possit tales si qui delinquerint, ne habeant fratres materiam divagandi et currendi post vos. Etc.

Item, perfectis omnibus, ante prandium, postea consideratis litteras obedientia-les, quibus precipitur discretus eligendus, et lectis litteris, commitatis fratribus ut post prandium congregentur, et eligatis ex ipsis duos qui non possint esse discreti. Et unus sedeat ex una parte, alius ex alia, vos vero in medio. Et veniendis per ordinem singulis, eligat quilibet quem vult, tam alte proferendo verba, ut omnes tres audiatis, et statim nomen electi scribatur et etiam electoris talimodo: “Ego frater Petrus de t[ali] eligo pro discreto ad capitulum fratrem Anthonium de Gerek”. Et postquam sigillatum fuerit, in dorso littere scribatur: “Vota fratrum loci de t[ali] pro discreto ad capitu-lum”. Et sic in singulis locis fiat. In ultimo autem loco ubi terminabitis visitationem, aperiantur dicte littere et discutiantur coram guardiano et aliis aliquibus discretis. Et ad quem plures voces erunt, erit discretus. Et date [fol. 76v] sibi litteras proprias sub sigillo vestro, ut veniat ad capitulum. Litteras etiam illas omnium locorum visitatorum quas aperuistis pro electione discreti, iterum includatis ad papirum omnes. Et sigilletis sigillo illius loci et portetis vobiscum ad capitulum.

Item eadem die committatis in omnibus locis fratribus, ut si quid habent scribere ad capitulum scribant, et dent ad manus vestras, vobisque tradatis eas ad manus dis-creti importandas ad capitulum.

Item audientia custodis danda est coram guardiano loci ultimi et duobus vel uno discreto. Si tunc visitatio ipsius importanda erit, poterit discuti coram fratribus loci ubi visitatur. Similiter guardianis coram duobus discretus audientia est danda, et importatio visitationis ejus ad consilium discretorum non duorum sed fere omnium aliorum, exclusis juvenis ut supra.

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“Ego, frater N. de t[ali], guardianus loci hujus eligo pro discreto N. de N.”.“Ego, frater N. de t[ali], eligo pro discreto N. de t[ali]”.

a) Ce mot est inséré.

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v. 151521, Buda – Notes sur la procédure à suivre et les formules à utiliser pour punir les frères délinquants.

OSzK, Codex Latinus medii aevi n° 432, fol. 50v-51v, 53-54 et 5222.

[fol. 50v] Arctatio legittima.

Ponatur t[alis] in carcerem ad dicendam veritatem, non ablato habitu reli-gionis, et teneatur ibi per mensem unum, quia) in qualibet septimana ter jejuinet in pane et aqua, ut 2a, 3a et 6a feriis, etb) hiisdem diebus disciplinetur per manusc) prelati vel alteriusd). Tandem detur sibi [fol. 51] atramentrum, et si duobus testibus presentibus fassus fuerit et manu propria conscripserit, nominando etiam illos testes coram quibus fatetur. Tunc aufferatur capucium ejus et maneat in carcere pro modo culpe, omnie) sexta feria jejunando ibi in pane et aqua et disciplinetur illo eodem per manus alterius. Alias si infra mensem arctationis nil fatetur, ex nunc eliberetur et reddatur ad actus legittimos, in amen coram duobus testibus et manu propria testium conscriptis admoneatur canonice, ut si deinceps talia fece-rit, sine misericordia carceri mancipabitur.

Arctatio aliter sic scribetur de ordinatis in capitulo generali Aquile23. Quod si apparent duo testes, licet sint singulares et socii testimonium deponentes de excessu propter quem infligetur pena carceris. Procedatur contra talem ad inquisitionem veri-tatis, detinendo ipsum in domo discipline cum jejunio panis et aque ter in ebdomada,

21 Le document cite le nom de Blaise de Dézs: il reproduit donc un original rédigé entre 1513 et 1517, années pendant lesquelles Blaise de Dézs occupa la charge de vicaire observant de Hongrie. Pour Jenő Szűcs, ce texte remonte à mai 1515, moment où le chapitre provincial réuni à Buda prit des mesures particulièrement sévères pour extirper la vague contestataire qui venait de s’exprimer pendant la guerre paysanne de l’année précé dente. Le contenu du texte, axé sur la répression des déviances et très proche dans sa formu lation de l’article 9 des consti-tutions du chapitre de Buda, tend à accréditer cette hypothèse.

22 Deux extraits de ce document ont été édités isolément par Jenő Szűcs (dans A ferences obszervancia, en particulier p. 260, n°6). Il m’a paru toutefois utile de les présenter ici dans leur contexte.

23 L’Aquila, en Italie. Un chapitre général de l’ordre franciscain s’ouvrit à l’Aquila le 5 juin 1495.

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et disciplina ter in ebdomada per mensem sine ad arbitrium prelatorum. Et si taliter convinci non potest per propriam confessionem, moneatur [fol. 51v] canonice et apparente, postea alio teste et socio testimoniis procedatur, tanquam contra convic-tum. Item si quis frater detentus sine carceri mancipatus modo predicto diffamaverit prelatum, dicendo quod injuste enim detruret seu incarceret, et monitus a prelato non cessaverit ab hujus diffamacione, de uno carceri mancipetur.

Item in admonitionibus canonicis, talis modus servetur. Quia frater qui debet admoneri vocatur, et coram quatuor probis fratribus et discretoribus sic admonetur et in scriptis etiam redigere in tali forma: “Ego frater Blasius de Dees, vicarius pro-vincie Hungarie, de consilio et assensu venerandorum patrum videlicet fratris N. de N. etc., admoneo te fratrem N. de N. quod si deinceps fueris inventus in verbis ad libidinem provocativis et impudicis, seu in tactibus, vel in comminationibus et minis, seu sequestraris a socio fratre, seu alio genere peccati pro quo frater debet admoneri, postposito omni suffragio possis et valeas carceribus mancipari. Acta fuerunt hec die t[ali], [fol. 53] mensis t[alis], anno [tali], in loco [tali], in cella r[everendi] p[atris] vicarii in presentia prenominatorum”. Possunt etiam testes coram quibus sit talis admonitio subscribere sic: “Ego frater t[alis] presens fui ad suprascripta et manu propria scripsi”. Post predictam admonitionem, autemque [?] sic anullate, si frater predictus relapsus fuerit in crimine propter quod admonetus fuit, et probetur per duos testes, vel etiam per unum, omni exceptione majore poterit frater arctari ad dicendem veritatem, et sic secundum delicti conditionem incarcerari.

In preventionibus sic proceditur. Quando frater peccavit et non est denunciatus prelato, ipse accipit duos fratres quos vult, et in presentia eorum se accusat, faciens confessionem suam in scriptis sic scribens: “Ego frater t[alis] confiteor, in presentia ipsorum duorum patrum fratres N. de N. et N. de t[ali], me peccasse tali vel tali pec-cato, cum tali vel tali persona, [fol. 53v] semel vel pluries, et doleo et penitor me sic peccasse, et peto misericordiam mihi fieri, et penitentiam dari”. Tunc vicarius pro-vincie subscribit sic: “Ego frater N. vicarius provincie Hungarie de predictis accepto preventionem tuam et aquiesco te, cum protestatione tamen quod si relapsus fueris, supradicta tibi renovabuntur ad penitentiam”. Et postea det sibi penitentiam quam viderit expedire secundum Deum et secrete, et precipiat fratribus testibus ut secretum teneant, et fratres testes se subscribant sic: “Ego frater N. de N. fui presens ad supra-dicta et propria manu subscripsi”. Et postea debetur scriptura illi qui preventionem fecit, et potest etiam vicario si vult tenere exemplar, sed semper secretum.

In illis autem processibus, quando frater denunciatur de peccato propter quod pena carceris mereritur, si non habet duos testes ad minus, non potest incarcerari. Sed quando apparent [fol. 54] multa indicia, et frater est suspectus et unus testes apperet bone fame et conscientie, possit tunc talis frater arctari ad dicendam veritatem. In his autem prelatus agat plus et minus sicut videbitur secundum Deum expedire, ita quod semper secundum charitatem procedatur et fama fratris quantum potest servetur.

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PIÈCES JUSTIFICATIVES 519

[fol. 52]f) Vel sic brevius: “Ego frater B. de t[ali], ordinis Minorum observantie, provincie Hungarie vicarius, de consilio et assensu patrum discretorum, admoneo te fratrem N. de t[ali] sacerdotem, quod si deinceps fueris inventus in actu fornicario, si-cuti unus testatur de te, et suspectis consortiis earundem mulierum, postposito omni suffragio, possis et valeas carceribus mancipari. Acta fuerunt hec die [tali], mensis t[alis], anno t[ali], in loco t[ali], in cella reverendi patris vicarii, in presentia patrum infrascriptorum.

Ego frater t[alis] guardianus B[udensis]24 presens fui ad suprascripta”.

a) Suivi de habeat, raturé. b) Suivi de omni sexta feria, raturé. c) Suivi de guardiani illius loci et non alterius, raturé. d) Suivi de alterius, raturé. e) De omni à alterius, dans la marge. f) Feuillet inséré entre les fol. 51v et 53.

III. Correspondance administrative

A) Correspondance avec les autorités cismontaines

13

début 1503,? – Le commissaire général cismontain Jacques de Mantoue donne ses consi-gnes à un custode de Hongrie pour la préparation du chapitre provincial de 1503.

OSzK, Codex Latinus medii aevi n° 432, fol. 108v-109v.

[fol. 108v] Obedientia generalis commissarii pro congregatione

In Christo si[bi] famulando, f[ratri] t[ali] de t[ali], frater Jacobus de Mantua, or-dinis predicti [fol. 109] de observantia, ac r[everendus] p[ater] v[ester] g[eneralis] in provinciis Hungarie, Austrie, Bohemie et Polonie commissarius cum plenitudine po-testatis licet indignus, s[alutem] et p[acem] in D[eo] semper.

Cum celebranda sit nostra provincialis congregatio Budensis in proximo festo Penthecoste, ad quam deberent convenire, secundum ordinationes totius familie, om-nes guardiani provincie, cum discretis locorum, et pro nunc non potuerit obtineri, propter consuetudinem vestram ut discreti eligantur. Inde est, quod tenore presen-tium mando te per obedientiam ut omnes guardianos custodie tue dirigas ad dictam congregationem tempore debito, associans eos ut videbitur tue discretioni. Ita tamen, ut numerus fratrum vocatorum ad eam per patrem vicarium vestrum non augeatur,

24 Voir note 16.

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PIÈCES JUSTIFICATIVES520

sed ipsi computentur inter vocatos etc. Quibus guardianis etiam mando presentibus ut (nisi sit scandalum) illuc conveniant, ut autem omnia quietius procedant, volo te com-mittere ex parte mea illis ad quos cura locorum provenerit tunc, ut novitates nullasa) faciant, fratres de loco ad locum, scilicet extra suam questam non transmittant, nisi maxima urgente necessitate. Et tunc, cum consilio discretorum loci, ad manducandis cum secularibus vel religiosis personis recreationis causa fratres non licencient, nec dictas personas eadem causa [fol. 109v] in loca recipiant, nisi ad evitandum magnum scandalum, aliud esset faciendum. Sed omnes in devotione et oratione unanimiter perseverent, ad divinos laudes fervencius convenientes, et eas devotius persolventes silentium. Culpas, disciplinas et alias laudabiles vestras consuetudines arcius custo-dientes, et dissolucionibus et vani loquiis detractione et murmuratione omnino preca-ventes, ut Spiritus Sanctus talibus bonis operis propulsatus corda illuminet vocalium et omnia ibi tractanda dirigat, foveatb) atque disponat.

Mando insuper visitatori tue custodie per presentes (quia non novi eum) ut in electione discreti custodialis nullomodo os sit unius scrutatorum vocum. Sed, ut vo-luit canones, eligantur tres de loco ubi tenetur electio, ab ipso vel a guardiano cum consensu patrum. Quibus precipiatur ut sint fideles et secreti in dicto negotia. Et ipse visitator, facta sua exhortatione, pro electione secedat in partem, ita quod non audiat voces. Ipsique scrutatores, sigillatas voces sigillo ipsorum aut loci presentent, ei publi-candas tamen in ultimo loco custodie, ut moris est. Vale.

a) En marge, à droite: Nota hic bona exhortatio. b) En marge, à gauche: vacat hic, suivi d’une accolade jusqu’à consensu.

14

1507,? – Le vicaire général cismontain Jérôme Torniello25 confie au vicaire de Hongrie la publication de la bulle d’indulgences pontificale de 1507.

OSzK, Codex Latinus medii aevi n° 432, fol. 118-118v.

[fol. 118] Circa jubileum delegatoria Italorum

In Christo sibi carissimo venerandoque patri fratri N. vicario pro Ungarie fratrum Minorum de observantia nuncupatorum, honorandus frater Hieronimus Thor nie lus vicarius generalis et commissarius apostolicus etc., salutem et pacem in Domino.

Dictante conscientia etiam ex tenore professionis et regule nostre, omnicum solli-citudine et cura nobis convenit intendere materiis apostolicis. Suscepi debi ta cum reve-

25 Jérôme Torniello fut vicaire général cismontain de 1495 à 1498, de 1501 à 1504 et de 1507 à 1508. Voir p. 621.

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PIÈCES JUSTIFICATIVES 521

rencia bullas plumbatas commissionis sanctissimi domini nostri pape Julii II. moderni, datis Rome predie nonas novembris anni presentis 1507, quarum transumpta et copias transmitto ad effectum procurandi salutis animarum christifidelium per collationem plenissime indulgencie, cum diversis facultatibus spiritualis subsidii commutandi in tem-poralem contributionem ad fabricam basilice apostolorum principis in Urbe converten-dam. Eapropter, ut ad exequucionem hujusmodi bullarum et facultatum, tua paternitas sua industria et officio cooperetur, juxta intentionem et commissionem prefati sanctis-simi domini nostri, tenore presentium, auctoritate apostolica ipsi tue paternitati plenarie delego et committo vices meas super executione predictarum bullarum ac omnis et singularis in eis contentoris, pro toto ambitu et circuitu provincie sue, ad ipsas bullas publicandas seu publicari faciendas, ecclesias deputandas, confessionalia faciendas, ab-solutionem dispensandas, commutandas, componendas ac remittendas, relaxandas, de-clarandas ceteraque omnia facienda et exequenda, prout et sicut in dicte litteris apostoli-cis [fol. 118v] con tinetur. Et in tanquam principali commissario committere et delegare posse conceditur, necnon cum facultate et potestate subdelegandi et deputandi patres et confessores, quos judicavint idoneos, cum dictis facultatis, indistincte vel limitate. Ita satagendo quod, vel per se, vel per alios, faciat hujus benignitatis gratiam ad omnium christifidelium notitiam citius devenire, in singulis civitatibus, terris aut locis dicte pro-vincie, servato ordine et forma per modum instructionis a me data. Admonendo preci-pue deputandos quoscunque, ut diligenter studeant et attendant tenorem bullarum, ne error aut negligentia alicui sit laqueus dampnationis, et ita laborent, quod cooperando ad fabricam terreni templi in honorem clavigeri celestis, mereantur ab ipso in eterne beati-tudinis aulam introduci. Ego autem, quoad possum, tam auctoritate officii, quam ipsius apostolice commissionis, tue paternitati quoque ab ea deputandis (quos ego exnunc deputo et tanquam per me subdelegatos ad effectum hujusmodi auctoritate apostolica haberi et teneri decerno) obedientie salutaris mandatum tribuo et meritum confero.

Datum sub fide sigilli officii mei et subscriptionis proprie manus. In loco t[ali], die t[ali], anno etc.

15

151426 ,? – Le vicaire de Hongrie adresse au nouveau vicaire cismontain et à son défi ni-toire de vives critiques au sujet de l’action menée dans sa province par le commissaire général.

OSzK, Codex Latinus medii aevi n° 432, fol. 89v-90v.

26 Le texte ne nomme pas le commissaire général dont il est question ici, mais divers indices (tels que le contenu des reproches faits à ce dernier par les frères de Hongrie) laissent penser qu’il s’agit de Benoît Benkovich, expulsé en mai 1514. Voir chapitre 7.

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PIÈCES JUSTIFICATIVES522

[fol. 89v] Futuro vicario generali et diffinitoribus, ex parte commissarii

Post omnimode sujectionis reverentiam ac mei maximam commendationem. Patres reverendi pariter et venerandi mihi semper colendissimi. Poterunt digne pater-nitates vestre, ex querelis et lamentationibus pauperculorum patrum nostre provincie per alias eorundem litteras factis, et etiam ex horum patrum ad sacrum capitulum mis-sorum relatibus intelligere, quam indignissimam vexacionem istis a v[enerando] patre commissario passi sint. Vera enim auribus [fol. 90] paternitatum vestrorum inserenda sunt, sed reverenda inter alia patribus ipsis hec valde grave fuit, quia sua paternitas ne-scitur, quo animo quave intentione contra eosdem ocultam, quandam inquisitionem fecit, si quippiam eorundem super rescindenda unione unquam laborassent etc. Unde ipse explorare volens animos ipsorum patrum singulos, singulariter hac vite in nostra congregatione capitulari conscientiose requisivi etiam per obediendiam, si quippiam ipsorum vellent quoquomodo scissuram unionis pretacte. Sed neminem in veritatem ex eis comperi qui ad istius unionis scissuram voluntarius esset, saltem in minimo, imo, qui omnes affirmaverunt contrarium, nolle videlicet hujusmodi scissuram. Hec ego pater nitatibus vestris, ne fortassis aliqua contraria assertio vel ipsius patris com-missarii scriptatio animos paternitatum vestrorum secus credere cogat, scribere et ve-raciter notificare sum coactus, quod si etiam aliquos loqui contigisset de tali scissura, id evenit non nisi ex gestis ipsius patris commissarii, maxime [fol. 90v] fulminationi-bus censurarum indiscretis. Super quibus non parum commoti fuerunt, nedum prelati sed etiam alii fratres subditi. Nec plura, nisi quod cupio paternitates vestras diuturnas esse ac incolumes ad felicem promotionem et exaltationem familie sacrosancte.

16

151427 ,? – Le vicaire de Hongrie annonce au nouveau vicaire cismontain et à son défini-toire l’expulsion du lecteur Marc de Brescia.

OSzK, Codex Latinus medii aevi n° 432, fol. 90v-91.

[fol. 90v] Futuro vicario generali et diffinitoribus, ex parte lectoris

Post omnimodam subjectionis reverentiam ac debitam nostri commendationem. Non dubitamus quin et affectu intimo et effectu toto desistant nunquam paterni-tates vestre dignissime, honoribus, utilitatibus, commodiis ac consolationibus qui-buscunque provinciam nostram prosequi, atque idcirco etiam venerandum patrem fratrem Marcum Brixiensem lectorem nostre provincie transmiserint, de cujus ad nos

27 Marc de Brescia fut (lui aussi) expulsé en mai 1514. Voir chapitre 7.

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missione infinitas dicimus eisdem paternitatibus vestris dignissimis gratias. Sciant ta-men eedem paternitates vestre, non tam opus esse nobis ad exercendum nostros in subtilitibus et argumentationibus, quam ad studendum in devotis scripturis et planis scientiis, maxime in casibus conscientie rebus utpote plus indigent. Idcirco et nos ha-bemus aliquos in [fol. 91] nostra provincia qui tales casus et scientias fratribus nostris declarare possint illosque docere, et jam hac vice in presenti congregatione nostra statuimus aliquos lectores pro modulo nostre ac conventus pro hujusmodi studio ta-liter continuando. Cujusquidem studii sic continuandi pater vicarius provincie curam geret, quo fiet etiam ut ipse debitum officii sui exequens et lectores et studentes de-putabit. Unde nolumus amplius attendiare paternitates vestras, in hoc ut, vel patrem Marcum, vel alium quemppiam lectorem nostris mittant. Quando autem indigebimus, nos ipsi supplicamus pro lectore.

Valeant felicius in Domino dignissime paternitates vestre, quibus nos iterum recommendo.

B) Correspondance interne: lettres d’obédienceaux dirigeants, aux visiteurs et aux discrets

17

1481-?28,? – Le vicaire de Hongrie précise au visiteur d’une custodie comment il doit contrôler l’élection du discret de la custodie dans chaque couvent.

OSzK, Codex Latinus medii aevi n° 432, fol. 70-71.

[fol. 70] Visitatori pro eligendo discretoa)

Salutem et sinceram in Domino dilectob) charitatem., honorando patri in Christo plurimum dilectione.

Cum pro utilitate familie nostre, plurimisque salutaribus negotiis pertractandis, decima die mensis junii, in festo videlicet sacratissime Penthecostis proxime affuturo in loco nostre de Zantho29, loco scilicet deputato, capitulum nostrum vica riale, cum cu-stodibus, discretibusque custodiarum ac aliis vocalibus ad idc) in hac sacra nostra familia laudabiliter vocari consuetis, sit unanimiter celebrandum. Eapropter, tue paternitati, per

28 Ce texte reprend visiblement le contenu de plusieurs lettres différentes; d’où les nom-breux ajouts et ratures. Il mentionne le chapitre vicarial de Szántó, qui s’ouvrit le 10 juin 1481.

29 Abaújszantó, en Hongrie.

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PIÈCES JUSTIFICATIVES524

obedientie salutaris meritum, injungo quatenus, prout determinatum est, in omnibus locis custodied) cujus te visitatorem institui, factae) visitatione fratribus loci invicem con-vocatis, precipias per obedientiam ut unum de fratribus totius custodie per te visitande officialemf) sive [fol. 70v] subditum, quem laudabilis vita, conversatio sancta, discretio prefulgida, morum gravitas, zelus religionis, alieque virtutes merito reddunt eligendum. Vel sic: quem laudabilis vita, conversatio sancta, sollicitudinis vigilancia, zeli vivacitas ac morum gravitas, alieque virtutes me rito reddunt eligendum, eligere teneatur ad dictum capitulum transmittendum pro discreto. Quorum omnium vota sub sigillo loci visitati in scriptis recipere tenearis. In ultimoque loco custodie per te visitate, litteras electionis locorum visitatorum co ram fratribus discretis aperire debeas. Sicque secundum voto-rum pluralitatem discretus ad capitulum transmittendus sit electus, cui voces omnium fratrum illius custodie committendi. Ad dictum capitulum nostrum in loco nostro pre-nominato de N. celebrandum, cum socio per eundem discretum sibimet electo, deputes destinandum, qui cum aliis custodibus discretibus custodiarum modo simili eligendis et aliis vocalibus, in ipso capitulo interesse debeat, nostre familie negotia tractaturus. Porro, ne fraus aliqua seu quis solus in ipsa contingat electione, committo tibi per obe-dientiam ut omnes litteras votorum de electione ipsius discreti confectas, per capitulum examinandas, ad capitulum debeas et tenearis importare. (Pro discreto autem talis eliga-tur, qui ad capitulum proxime preteritum non fuerat pro discreto electus.)

Insuper etiam tibi committo ut in singulis locis fratribus imponas [fol. 71] ut qui-tquid ad capitulum per discretum, pro statu loci vel custodie, mittere volunt, in scriptis tibi tradant. Et postquam discretus talimodo electus fuerit, vota ipsorum fratrum in litteris eorum contenta eidem discreto tradas, qui ea ad capitulum debeat importare ibique patribus intelligibiliter notificare.

Nomina etiam fratrum tam vivorum quam defunctorum ad capitulum importare debeas.

Vale, etc.

a) Dans la marge: Ad istam includantur puncta importanda. b) Ce mot est inséré. c) Suivi de vocatis, raturé. d) quorum, raturé. e) Suscrit: expleta. f) Souscrit: prelatum.

18

début 149330,? – Oswald de Laskó, visiteur de la custodie d’Esztergom, demande au discret élu par les frères de cette custodie de se rendre au chapitre vicarial devant s’ouvrir à Újlak le 26 mai suivant.

OSzK, Codex Latinus medii aevi n° 432, fol. 60v-61.

30 Le chapitre vicarial d’Újlak mentionné dans ce document s’ouvrit le 26 mai 1493.

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[fol. 60v] Obedientia ad capitulum per visitatorem concessa pro discretoIn Christo sibi carissimo, honorando patri fratri N. de N. ordinis Minorum regu-

laris observantie professori, guardiano conventus nostri Budensis benemerito, frater Osvaldus de Lasko ejusdem ordinis professor31, indignus guardianus loci de Zalard32 necnon visitator custodie Strigoniensis33, salutem in Domino et pacem.

Cum ex speciali reverendi patris nostri vicarii fratris videlicet Stephani de So-proncza34 [fol. 61] commissione, unum de fratribus totius custodie Strigoniensis, of-ficialem sive subditum, quem fratrum dicte custodie pluralitas elegerit pro discreto ad capitulum vicariale in conventu nostro de Wÿlak XXVI die maii celebrandum, debeam deputare transmittendum vestramque personam dignam ad id legitime novi electam. Tibia) igitur, ad salutaris obedientie meritum, tenore presentium injungo quatenus in dicto capitulo interesse debeabis cum aliis patribus custodibus, discretis, ceterisque vocalibus fratribus, negotia familie nostre tractatura.

Vale in Domino et ipsum pro me exora. Datum in loco t[ali] die t[ali] anno salutis.

a) Souscrit: vos, raturé.

19

? ,? – Un visiteur demande au discret récemment élu dans un couvent de participer à l’élection du discret de la custodie.

OSzK, Codex Latinus medii aevi n° 432, fol. 61v.

[fol. 61v] Alia [obedientia] pro discreto loci

In Christo etc, frater ... etc, salutem et omnes boni desideratissimi. Cum juxta formam constitutionum superinde editarum, major pars fratrum memorati loci N., pensatis tuis meritis, tuam paternitatem in discretum pro affuturo capitulo vicariali ad festum t[alem], in custodie t[alis] celebrando, duxerit eligendem, igitur ex officio mihi imposito, presentes paternitati tue pro testimonio obedientie tribuo. Quibus etiam ordi-no et dispono accedere, debere eandem paternitatem tuam ad locum nostrum Ozore35 pro festo t[ali], cum socio fratre quem eadem maluerit secum assumere, ibique cum aliis

31 Il s’agit du célèbre prédicateur et auteur de sermonnaires diffusés ensuite dans toute la Chrétienté; avant sa mort en 1511, Oswald de Laskó avait rempli à plusieurs reprises la charge de vicaire de Hongrie (1497-1499, 1499-1501, 1507-1509). Voir chapitre 6 et liste p. 621.

32 Szalárd, aujourd’hui Sălard, en Roumanie.33 Voir note 4.34 Voir note 6. 35 Ozora, en Hongrie.

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discretis locorum singulorum hujus custodie parimodo accessuris, de electione discreti ad capitulum pretactum transmittendum tractare ac eligere ipsum discretum, prout me-lius vobis et ceteris patribus discretis secundum Deum videbitur. Quibus necnon ceteris tuam paternitatem presentibus, tam ut eandem caritative et benigne suscipiant, quam ut fidem sibi adhibeant, iterum atque iterum recommendo. Vale etc.

20

v. 151236,? – Le vicaire de Hongrie Gabriel de Pécsvárad37 demande à un gardien d’obéir au commissaire chargé d’effectuer la visite de son couvent en son nom.

OSzK, Codex Latinus medii aevi n° 432, fol. 12v-13.

[fol. 12 v] Super institutione commissarii, a r[everendo] p[atre] v[icario] pro visitatore

Sanctam in Domino charitatem eterne beatitudinis plenocum desiderio et salute, honorandum pater, ceterique patres et fratres mihi charissimi.

Quia officii mei ministerio exigendo, vestras paternitates personaliter me visitare opportebat. Tamen arduis negotiis nostre provincie occurrendo debito pariter et voto (quo vestras paternitates mea presentia consolari proposueram) satisfare nequiens. Ne sacrum visitationis opus in nostra provincia laudabiliter ab oliim observatum mea impediatur vel negligatur absentia, venerandi patri fratri N. de t[ali], hujus custodie custodi meritissimo, vices meas in hac parte committere decrevi, concedens eidem omnimodam facultatem vestras paternitates visitandi, monendi et corrigendi, et delin-quentes debite pene subiciendia), prout melius et salubrius eidem videbitur expedire. Quapropter vestris paternitatibus singulis presentium tenore firmiter precipio ut, in omnibus et singulis que ad hujusmodi commissionis seu visitationis spectant officium, sue vestre paternitates tanquam mihi si presens adessem, humiliter obedire teneamini, premium subjectionis a Domino recepturi. Sed nec [fol. 13] per hujuscemodi com-missionem meam, ad vestras paternitates veniens desiderium evacuare volo, quin si Domino favente opportunam temporis commoditatem habere potuero, propositum est mihi ante capitulum provinciale adhuc personaliter ad vestras paternitates velle venire. Quatenus aliquid spiritualis consolationis vobis valeam impertiri.

Valete in dulcissimo Jhesu semper felices, et pro me cum sociis peregrinationis mee devotas ad Dominum preces effundite. Datum. Frater G[abriel] de N. etc., ser-

36 Cette lettre a probablement été écrite peu avant le chapitre général de Naples, ouvert le 30 mai 1512 au couvent de Santa Maria.

37 Voir note 13.

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PIÈCES JUSTIFICATIVES 527

vus vester in Domino, honorandi patri fratri N. de N., guardiano loci t[alis] ceterisque patribus et fratribus ibidem etc.

a) De et jusqu’à subiciendi, les mots sont écrits dans la marge.

21

1513-151738,? – Lettre par laquelle le vicaire de Hongrie nomme un nouveau visiteur de custodie (ici: pour la custodie d’Újlak).

OSzK, Codex Latinus medii aevi n° 432, fol. 67v-68v.

[fol. 67v] Super institutione visitatoris

In Christo sibi carissimo, honorando patri fratri .. de .. or[dinis] Mi[norum] re[gularis] ob[servantie] professori, guardiano loci nostri de Th[arnok]39 optime di-gno, frater Blasius de Dees40 ejusdem or[dinis] professor provincie Ungarie etc, sa lu -tem et pacem in Domino eternam.

Veterum patrum pia cupiens imitari vestigia justa, laudabilem consuetudinem sacre nostre religionis ab olim inter filios salubriter conservatam, pro futuro capitulo vicariali in conventu nostro t[ali] XX die mensis maii in festo videlicet sacratissime Penthecostis celebraturo, de quorundam venerandorum honorabiliumque patrum custodum et guardianorum aliorumque discretorum fratrum nostre familie maturo consilio, pro visitandis omnium custodiarum ejusdem familie fratribus visi tatores ido-neos et utiles decrevi deputare.

[fol. 68] Qui zelo sacre religionis accensi diligenter investigent et per cuncten-tur totius nostre familie statum, vel in bono proficientem, vel a bono declinantema) exorbitantem, ut de bono gaudiosa promotio, de deffectu vero sollicita possit adhiberi et provisiob) reformatio. Huic de tua laudabili vita religiosaque conversatione, dis-cretione, prefulgida ac morum gravitate, necnon in nonnullis etiam aliis dicte nostre familie negotiis certa edoctus experiencia, pro quibus me charitati vehementius affec-tus sum, eorundem venerandorum patrum die XV m[ensis] augusti in loco nostro de

38 Ce texte a été élaboré à partir de plusieurs originaux différents, à en juger par la variété des formulations qu’il propose simultanément. Il fournit du coup des données chronologiques incohérentes. Il est écrit au nom du vicaire Blaise de Dézs (1513-1517). Le chapitre annoncé peut donc être celui de 1515, comme le pense Jenő Szűcs (dans A ferences obszervancia, 255); mais ce chapitre s’ouvrit le 27 mai et non le 20, date indiquée par le document.

39 Zalatárnok, en Hongrie.40 Voir note 23.

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PIÈCES JUSTIFICATIVES528

t[ali] congregatorum usus consilio, te in custodia Wylak41 visitatorem instituo ac per presentes denuntio institutum.

Mandans tibi, ad observantie salutaris meritum, quatenus assumpto tecum uno idoneo et discreto ac consolabili socio, dictam custodiam timore, amore, odio et fa-vore postpositis, tam in capitibus quam in membris, publice vel private (prout melius videbitur communi conferri utilitati) diligenter ac fideliter visites. Excessus autem quos repereris per te corrigibiles, condigna penitentia pro modo delicti imposita corrigasc) et emendes, reliquos vero tui facultatem officii excedentes secundum formam et tenorem generalium vicarialiumque statutorum tecum ad capitulum portes [fol. 68 v] patribus ibidem coadimatisd), discutiendes. Porro, dicte custodie fratres cujusvis conditionis et preeminentie extiterint in his, dumtaxate) que ad tuum spectant officium, dumtaxat fir-miter obedire teneantur, et ad veritatem dicendam, que ab eis requires, invidie, odii rancoris ac timoris, livoris nota et alia quavis sinistra intentione procul motis, sint fir-missime obligatis. Preterea, si socius tui itineris defecerit, vel tuipse impotens redditus fueris, extunc custos vel guardianus ubi fueris receptus, alium surrogare teneatur fratrem idoneum, qui vicem suppleat deficientis, ut visitatio ipsa rite debiteque comppleatur. Tibi nihilominus tuique itineris socio, ubique nostre familie presertim dicte custodie fratres in cunctis necessariis omnem studeant impendere humanitatem.

Quibus etiam te in visceribus Jhesu Christo charius recommendoe). Vale in Do-mino quem pro me exorto. Datum.

a) Ce mot est inséré. b) Ces deux mots sont insérés. c) En marge: vel sic, vide retro. Au verso: Vel

sic: privare, punire et emendare, secundum pro delicti exegerit qualitas faciendam. d) Suscrit: congregatis. e) En marge: Vel sic: opera pietatis fraterne prebituri, vale; opera pietatis exhibere non desistant.

22

27 mai 151542, Buda – Lettre par laquelle le vicaire de Hongrie nomme un nouveau gardien ou un nouveau custode.

OSzK, Codex Latinus medii aevi n° 432, fol. 65v-66.

[fol. 65v-66] Super institutione guardiani vel custodisIn Christo sibi carissimo, honorando vel venerandoa) patri fratri ... de ... or[di-

nis] Mi[norum] re[gularis] ob[servantie] professori, frater Blasius de Dees43 ejusdem

41 Újlak, aujourd’hui Ilok, en Croatie.42 La date fournie par le document est fausse: il n’y eut aucun chapitre provincial en mai

1514 à Buda. Il s’agit probablement d’une erreur de copie, pour 1515, comme le suggère Jenő Szűcs dans A ferences obszervancia, 232, note n°51.

43 Voir note 23.

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PIÈCES JUSTIFICATIVES 529

professionis provincie Hungarie, quoad fratres dicti ordinis vicarius licet immeritus, salutem et pacem in Domino eternam.

Cum in capitulo nostro vicariali in conventu nostro Budensi XXVI die mensis maii, in festo videlicet sacratissime Penthecostis, adjutrice sancto spiritu gratia cele-brato, de consilio venerabilium patrum custodum et aliorum discretorum in dicto ca-pitulo convocatorum, te in loco nostro de Pakos44, vel in custodia t[ali], guardianum, vel custodem, instuterim [!] et per presentes denuntio institutum. Idcirco, ad meri-tum observantie salutaris, presentibus precipiens, tibi injungo quatenus predictum guardianatus (seu custodiatus) officium sine contradictione suscipias, susceptumque humiliter et devote ac fideliter secundum gratiam a Deo tibi collatam sic gubernes et exequaris, ut inter tibi subjectos fratres, pax et concordia nutriatur, moresque sancte conversationis continuum capiant incrementum, et regularis observantia ordinis non tepescat. Quinpotius tua providenda in suo rigore et vigore inflexibiliter perseveret, ut inde divinus cultus augeatur, [fol. 66] populus edificetur, fratres consolentur, tibique premium accrescat retributionis eterne. Fratres autem tui tam presentes quam futuri in omnibus que ad tuum spectant officium firmiter tibi obedire teneantur.

Quos tibi teque ipsis charius in Domino recommendo. Vale in Domino et ipsum pro me exorato. Datum loco et die quibus supra. Anno christiane salutis M CCCCC XIIII.

a) Ces deux mots sont insérés.

C) Lettres d’obédience aux prédicateurs

23

?,? – Lettre par laquelle le vicaire de Hongrie nomme un prédicateur (ici: pour la circons-cription de Baranya).

OSzK, Codex Latinus medii aevi n° 432, fol. 60v.

[fol. 60v] Sequuntur diverse obedientie, primo ad contratas

In Christo sibi carissimoa), salutem etc. Quia charitatis exigit officium, ut quorum metimus temporalia, illis spiritualis rependamus, decrevi vos ad contratas Baronÿa45 pro divini verbi predicatione ac Christifidelium confessionem audientia destinare. Ut

44 Paks, en Hongrie.45 Baranya, aujourd’hui Branjin, en Croatie.

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PIÈCES JUSTIFICATIVES530

igitur labor vester ex merito fructificet obedientie, presentibus vobis salutaris obe-dientie ad meritum injungo quatenus ex nostro Budensi conventu ad contratas pre-scriptas vos transferatis. Officia vobis imposita fideliter et devote sub spe remune-rationis eterne executuri et tandem ad conventum residentie vestre captata temporis congruentis reverti debeatis. Obedientiam per eandem, patribus autem et fratribus ad quos declinamentis in visceribus charitatis vos devotius recommendo.

a) En marge, à gauche: Ad contratas.

24

151446,? – Le vicaire de Hongrie donne ses instructions à l’un des clercs chargés de prêcher pendant la tenue du prochain chapitre provincial (celui de Buda, en 1515).

OSzK, Codex Latinus medii aevi n° 432, fol. 106v-107.

[fol. 106v] Qui faciunt sermones ad clerum in capitulo

Dulcis Jhesus amorem, charissime patri. Ex debito officii mei ad hoc potestatis [fol. 107] invigilare desidero debeoque, ut progressus sacre nostre religionis et pro-vincie, etiam tempore mei semper et ubique crescat et augeatur. Quod fit Domini [?] essentialia regule et cerimonie ordinis nostri, tam in capitulo proxime sequenti anno, XXVII maii, Bude, in festo videlicet sacratissime Penthecostis celebraturo, quam etiam alias, debite observantur. In quo quidem capitulo juxta consuetudinem laudabilem ab oliim observatam solent inter alia sermones fieri ad clerum et populum, in ecclesia et reffectorio. Ad quorum unius recitationem te judicavi fore idoneum et prompte suscipiendum.

Proinde, ut labor tuus meritorius sit, salutaris obedientie meritum adjungo qua-tenus ad prefatum capitulum nostrum ut supra Buda celebraturuma) ita te approm-ptues, et talem gratia Dei tibi sermonem colligas de ipsa electione vel spiritu sancto etc., cautum et succinctum ut possis, sabbato mane vel tali die. Illum ad clerum ita expedite pronunciare quo Deus ipse glorificetur, clerus et populus edificetur et tibi premium eterne retributionis accrescat. Vale.

a) Suivi de: ubi interesse debebis et tu-, raturé.

46 Le texte mentionne le chapitre provincial de Buda devant se tenir le 27 mai de l’année suivante (1515).

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PIÈCES JUSTIFICATIVES 531

25

fin du XVe siècle47, Buda – Le vicaire de Hongrie nomme un prédicateur dans une ville royale où un couvent est en construction (peut-être Kolozsvár?), en le chargeant de prêcher mais aussi de surveiller les travaux et d’encadrer les premiers candidats à la vie religieuse.

OSzK, Codex Latinus medii aevi n° 432, fol. 107-107v.

[fol. 107] Predicatori B[udensi]

In Christo sibi carissimo, etc. Cum nuper in nostro vicariali capitulo B[udensi] celebrato, [fol. 107v] de consilio venerabilium patrum custodum et discretorum, tuam paternitatem in regia civitate t[ali] predicatorem instituerim et per presentes denuntio institutum. Mandans tibi in meritum obedientie salutaris quatenus dictum predicatio-nis officium humiliter suscipias, susceptumque secundum gratiam divitius tibi colla-tam sic ferventer et devote exequaris, ut Deus exinde glorificetur, populus christianus in via morum dirigatur, tibique meritum eterne retributionis accrescat.

Denique tuam hortor paternitatem, nihilominusque tibi committo, uti reforma-tioni ecclesie et claustri pro nostra residentia ibidem noviter construendi, juxta tue providendam industriam solerter invigiles et attendasa). Fratres autem in prefato loco morare trahentes, tam presentes quam futuri, in omnibus que ad prelationis spectant officium, tibi firmiter obedire teneantur. Quos tibi, teque ipsis charius in Domino recommendo. V[ale] in Domino. Ex loco capituli nostri vicarialis prefato.

a) En marge, à gauche: Si fuerit etiam guardianus, ibidem.

D) Dispenses pour déplacement ou transfert

26

?,? – Un dirigeant (vicaire, gardien ou custode) accorde à un ou plusieurs frères l’au-torisation de quitter momentanément son (leur) couvent pour divers motifs (recevoir les ordres sacerdotaux de l’évêque, recouvrer une meilleur santé, accompagner un baron en pèlerinage ou le roi en voyage).

OSzK, Codex Latinus medii aevi n° 432, fol. 98v, 100v, 101v-102, 102-102v.

47 Le texte mentionne un chapitre vicarial tenu à Buda, mais sans préciser lequel (1483, 1487, 1489, 1501, 1503, 1505 ou 1515).

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PIÈCES JUSTIFICATIVES532

[fol. 98v] Sequuntur diverse littere obedientiales communes

Pro suscipiendis sacrisIn Christo etc. Cum clerici in sacris ordinandi episcopis debeant se presentare

diocesanis, ad que suscipienda, vos et vestrumquemlibet per me examinatosa) idoneos fore comperi, ideo, ad sa[lutaris] ob[edientie] me[ritum], presentibus vobis injungo quatenus ex hoc loco nostro ad civitatem Q[uinqueecclesiensem]48 ad quatuor tempo-ra proxime ventura proficiscamini. Reverendo domino illius ecclesie episcopo, vel ejus suffraganeo et aliis ejusdem ecclesie prelatis et promotoribus quibus incumbit (quibus videlicet vos presentibus humiliter recommendo) vos personaliter presentari. A quo vel ejus suffraganeo sacros clericorum ordines, vos singillatim concernentes humiliter et devote recepturi, eandem ad locum vestre residentie reverti debeatis. Etc. [...]

[fol. 100v] Obedientia mittendum fratrem infirmum in alium locumCum pro procuranda sanitate tua, de consilio medicorum, necessaria sit tibi

aeris mutatio, volens ut decet tue providere incolumitati, ad me[ritum] sal[utaris] ob[edientie] tibi injungo quod presentibus acceptis, captata temporis opportunitate, cum fratre N. per me tibi in socium assignato, ad locum nostrum t[alem] accedas, in eodem primum discretionem tuam moraturus. Ac deinde, per eandem obedientiam, ad locum tibi de familia deputatum reversurus. Commendo autem te patribus guar-dianis ceterisque patribus aput quas moram feceris, ea commendatione qua major esse potest. Vale. [...]

[fol. 101v] Ut in comitiva t[alis] magnifici constituaturQuia magnificus dominus N. de t[ali], fervore pie devotionis concepto, intendit

limina beatorum P[etri] et P[auli] apostolorum visitare, optans et petens diligenter, precipua ex devotione qua ad nostram afficitur religionem, duos fratres idoneos ordi-nis et discretos a me sibi dari et deputari, qui in tali peregrinatione sua secum profici-scerentur et essent, comitiva pro singulari ac spirituali ejus consolatione. Cujus piam devotionem, sinceramque petitionem animo volenti adimplere cupiens, teque ad id peragendum idoneum considerans, decrevi ad id iter eidem assignandum. Quare tuam hortor charitatem et nihilominus ad sal[utaris] ob[edientie] me[ritum], presentibus tibi injungo quod assumpto tecum pro socio fratre N., peregre proficiscaris Romam cum prefato domino N. ad limina P[etri] et P[auli] apostolorum, et esse debeas secum in sua comitiva tam in eundo quam in redeundo. [fol. 102] Finita autem Deo adjuvante hujusmodi peregrinatione, reverti tenearis simulcum predicto socio ad vestre residen-tie locum, ibidem vestrorum sub obedientia prelatorum Domino virtutum famula-tium ambo remanens, venerans autem patres et fratres, etc.

48 Pécs, en Hongrie.

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PIÈCES JUSTIFICATIVES 533

[fol. 102] In comitiva regie t[alis], c[ustos] vel g[uardianus] scribit

In Christo etc. Cum serenissimus princeps dominus Wladislaus Hungarie Bo-hemie etc. rex49, dominus ac benefactor et summus patronus noster et familie nostre, in presenti itinere quod suscipere et aggredi parat, in famulatu suo velit secum binos fratres ordinis nostri habere. Vosque ad hoc aptos et idoneos esse, ac volunctati et mandato majestatis sue per vos satisfactum iri posse comparerim et non dubitave-rim. Idcirco, tum ex beneplacita volunctate sue majestatis, nihilominus et mandato, tum etiam ex commissione reverendi patris nostri fratris t[alis] vicarii, ad sal[utaris] ob[edientie] me[ritum] presentibus vobis injungo quatenus vos prefatum iter ingre-di, et cum majestate sua proficisti, ipsamque ubique, tam intra ambitum hujus regni, quam extra quocunque sua majestas hac vel illac iter suum direxerit, sequi debeatis et teneamini. Eidemque, uti fideles et humillimi capellani in omnibus que Dei sunt [fol. 102v] et ad vestrum spectant officium, honoremque et salutem sue majestatis et suorum concernere videritis (ut par est) obsequi studeatis in omnibus, ut Dei mi-nistros vos exhibent. Interea vero, vos primum Deo optimo, ac deinde universis et singulis dominis patribus et fratribus, ac confratribus nostris tam secularibus quam regularibus, ac etiam cunctis christifidelibus et devotis cujuscunque dignitatis status, gradus et conditionis existant hominibus, ad quorum terras, dominia, conventus et loca vos venire contigerit, charius in Domino commendo, rogans et obsecrans eosdem, ut si necesse fuerit, suum vobis auxilium favorem pa ri ter et amorem pre-sentare velint. Vos vero preferentes et Deo duce hoc iter con summantes feliciter, rursum ad hunc conventum vestrum unde existis reverti teneamini obedientiam per eandem. Valete.

27

?,? – Le vicaire de Hongrie ordonne le transfert d’un ou plusieurs frères.

OSzK, Codex Latinus medii aevi n° 432, fol. 104-104v.

[fol. 104] Super translatione fratrum

In Christo sibi charissimo etc., frater B. etc, salutaris obedientie ad meritum, pre-sentibus vobis injungo quatenus de c[ustodie] t[ali] vos conferatis vel transferatis ad c[ustodiam] t[alem]. Ibidem, juxta dispositionem venerandi patris ejusdem c[ustodie] custodis sub vestrorum obedientia prelatorum Domino virtutum devote famulantes de cetero permansuri. V[ale].

49 Wladislas II Jagellon régna de 1490 à 1516 sur la Hongrie.

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PIÈCES JUSTIFICATIVES534

Pro singulariAd sal[utaris] ob[edientie] me[ritum], presentibus tibi injungo quatenus de sacre

conventu nostro Budensi, cum fratribus tibi occurentibus te conferas ad con ventum similiter nostrum Strigoniensem50. Ibique Domino virtutum devote militaturus, in tua sacra regulari observantia tuorum sub obedientia prelatorum deinceps permaneas et dietim in meritis proficias. Bene vale in Christo et ora pro me.

Pro pluribusPresentibus per salutaris obedientie me[ritum] injungo vobis quatenus de

c[ustodie] Ozore51 vos transferre teneamini ad c[ustodiam] t[alem] fratrem Luca in conventu B[udensi]52 sub obedientia [104v] prelatorum Domino famulaturo perma-nente; fratrem Franciscum in conventum Pestiensem53 sub ejusdem obedientie sancte merito sub suorum obedientia prelatorum permaneat; exinde autem fratres t. de t. et N. de t. obedientiam per eandem se transferant ad c[ustodiam] t[alem] noviter ad locum nostrum de t[ali], ubi et ipsi decetero sub simili suorum obedientia prelatorum Domino virtuosius permaneantb) et famulentur.

a) Inséré: prout presentis temporis cursus exigis idoneus. b) Inséré en marge: Vel sic: devotum dominum exhibitum vel presbiteri facultatem obsequium [?].

28

vers 1516,? – Le vicaire de Hongrie accorde à un frère le droit de changer de province.

OSzK, Codex Latinus medii aevi n° 432, fol. 120v.

[fol. 120v] Licentia fratribus inquietis ire ad aliam familiam

In Christo sibi charissimo, fratri N. or[dinis] Mi[norum] etc, frater N. de N., in familia regni Ungarie vicarius immeritus, salutem etc. Quia sub onere conscientie asseris te nullo parte in hac nostra provinciam quiescari posse. Proinde tuis sepe iteratis precibus condescendens, tenore presentium, etiam de consensu capituli nostri provincialis, tibi concedo quatenus ad provinciam N., quam tibi elegisti, te conferre possis, in eadem sub obedientia prelatorum ordinis nostri fratrum videlicet Minorum de observantia Domino famulaturus. Quibus ac omnibus apud quos moram vel tran-situm fueris te carius in Domino recommendo. Vale et ora pro me.

50 Voir note 4.51 Voir note 3752 Voir note 16.53 Pest (Budapest), en Hongrie.

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PIÈCES JUSTIFICATIVES 535

E) Lettres de dirigeants hongrois répondantà des circonstances particulières

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21 juin 1508, Nagyvárad – Le vicaire de Hongrie nomme un syndicus de la province et le charge de défendre les frères de Brassó contre leurs détracteurs.

OSzK, Codex Latinus medii aevi n° 432, fol. 86-87.

[fol. 86] Obedientia in causis exequendis cum plenarie auctoritate

In Christo sibi charissimo fratri ... de ... or[dinis] Mi[norum] observantie, pro fratri B. etc.

Cogente conscientia, ex debito officii mei, omnicum sollicitudine et cura me superintendere cause et causis quam et quas honorabilis magister t[alis] contra fratres nostros reverendos [fol. 86v] loci novi in ipsa Brassovia54 per nos acceptati, mo nere intendit. Te ad effectum deffendendi causam et causas hujusmodi, in Tuescziniam55, presertim ad civitatem t[alem] duxi transmittendum. Eapropter, ut ad deffensionem cause et caritatis hujusmodi tua fraternitas sua industria cooperetur, tenore presen-tium te, de patrum discretorum consilio, provincie nostre sindicum, procuratorem ac iconomum specialem constituo, facio, ordino ac deputo. Omnibus melioribus modo, via jure forma et causa, quibus melius et efficacius pos sum et debeo, ad comparen-dum coram quibuscunque judicibus ecclesiasticis etiam a sede apostolica delegatis, ac deffendendum judicem seu judices ac delegatum seu delegandos, notarium ac nota-rios quoscunque recusandi, excipiendi, replicandi, dupplicandi, tripplicandi et cum so-lennitate juris quadrupplicandi, testes, dicta acta instrumenta, litteras, privilegia et alia quecunque probacionum genera producendi et contra producta ac testes partis ad-verse opponendi, a quibuscunque gravaminibus summiis, a jure vel ab homine latis vel inferentibus appelandi, apostolos petendi et reci piendi, et generaliter omnia et singula faciendi, dicendi, procurandi et exercendi que in premissis et quolibet premissorum in causa et causis predictis fuerunt necessaria seu quomodolibet opportuna, [fol. 87] cum debitis circumstanciis et clausulis opportunis, etiam cum facultate et potestate substituendi alios quos judicaveris idoneos, indistincte vel limitate. Ego enim quoad possum, auctoritate officii mei parte substituendi tanquam per me constituos haberi

54 Brassó, aujourd’hui Braşov, en Roumanie.55 “Pays des Teutons », terme désignant les territoires des Saxons de Transylvanie.

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PIÈCES JUSTIFICATIVES536

et teneri volo harum mearum litterarum sigillo officii mei consignatarum vigore et testimonio mediante.

Datum Waradini56 in conventu nostro S[piritus] S[ancti], XXI die junii, 1508.

30

1509-1513,? – Le vicaire de Hongrie Gabriel de Pécsvárad57 désigne un commissaire pour mettre fin aux querelles ayant opposé le gardien du couvent d’Okolicsnó aux frères du même couvent.

OSzK, Codex Latinus medii aevi n° 432, fol. 13-14v.

[fol. 13] Alia [obedientia] de eadem [institutione commissarii]a)

In Christo sibi charissimo venerando patri fratri N. de N. ordinis etc. obser-vantie regularis professo, provincie Hungarie discreto meritissimo, frater G[abriel] de t[ali] ejusdem professionis et provincie vicarius licet indignus, salutem in Domino eternam.

Regiminis mei crediti exigit officium ut inter fratres mihi commissos, prelatos pariter et subditos, omnem dissensionis et discordie materiam, humani generis ab hoste procuratam, justo discretionis libramine discuterem, ac penitus amputarem. Ne si morbus paulatim invaluerit, [fol. 13v] tanto difficilius fragilium mentes curentur, quanto tenacius diuturnitate temporis fuerint occupate, et religioni nostre gravius pariat detrimentum. Cum igitur, ex relatione hujus paternitatis fratris N. de N. guar-diani loci nostri Lyptoviensis58, inter ipsum ab una et fratres ejusdem loci partes ex altera, quemdam discordie questionem ortam esse, non sine gravi dolore cordis ac mentis amaritudine intellexerim. Et licet, pro hujusmodi discrepationis fervite so-pienda, ad locum prefatum personaliter intendebam accedere. Verumtamen super-veniens egritudo legittimum me prebuit impedimentum, que a proposito itinere me omnino perturbavit. Ut autem res tam periculosa indiscussa non pertranseat, quod personaliter non valeo per commissarium decrevi diffinire, tua itaque de puritate ve-nerando, quem ob vite integritatem et longam rerum experientiam in dandis consiliis et causis decidendis toti nostre provincie matura commendavit discrecio, plurimam in Domino sumens fiduciam, ad prefatum locum transmittendam, tuam paternitatem meum instituo commissarium, ac per presentes denuntio esse institutum, injunges [fol. 14] tue puritati ad meritum obedientie salutaris. Quatenus assumptis tecum de

56 Nagyvárad, aujourd’hui Oradea, en Roumanie.57 Voir note 13.58 Liptó, plus exactement Okolicsnó, aujourd’hui Okoličné, en Slovaquie.

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PIÈCES JUSTIFICATIVES 537

c[ustodie] Strigoniensi59 duobus comitibus, quos tibi noveris esse consolabiliores, ad locum prescriptum quamtotius proficiscaris, ibique dissensionis memorate causam et modum diligenter inquiras, examines et recognoscas, ac tandem maturo consilio et deliberatione prehabita, decernas, diffinias et determines. Illos autem, quos persua-dente justitia culpabiles esse reperis, debite pene subiciendi, et ab officio quorumque confessionis, predicationis, etiam guardianatus, absolvendi, removendi et transferendi ac alium magis idoneum guardianum instituendi. Insuper, si opus fuerit et expedire videbitur omnes et singulos fratres loci memorati, tam in capitibus quam in membris, publice vel private, visitandi, corrigandi, ac penitentia salutari etiam extrema delin-quentes puniendi, plenam et omnimodam tue paternitati concedo facultatem. Fratres autem dicti loci omnes et singuli, postposito amore vel livore, odio seu rancore, om-nem quam ab eisdem requisieris, veritatem pure et simpliciter [fol. 14v] Deum semper pro oculis habentes, tibi revelare et in omnibus que ad tuum spectant officium tibi firmiter obedire teneantur.

Quos tibi teque ipsis charius in Domino recommendo. Vale in Christo et ora pro me. Datum in conventu t[ali].

a) En marge, à droite: patens.

IV. Documents comptables

31

vers 1510-1514,? – Documents concernant les aumônes récoltées pour les indulgences pontificales.

OSzK, Codex Latinus medii aevi n° 432, fol. 93v, .

[fol. 93v ] Ego frater t[alis] ordinis Mi[norum] re[gularis] ob[servancie] professus, guar-

dianus conventus t[alis], fidem facio per presentes quatinus nobiles t[ales], domini fwkarii60, feria t[ali] vel autem t[ali] levaverunt pecunias indulgentiarum, ex predicto conventu t[ali] tot et tot floreni. In cujus rei testimonium pro expeditione et quitatio-ne eorundem presentes litteras nostro sigillo munitas et signatas duxi concedendum. Datum. [...]

59 Voir note 4.60 Synonyme de factor ou procurator. Voir texte suivant et chapitre 5.

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PIÈCES JUSTIFICATIVES538

[fol. 94] Expeditoria

Nos t[alis] de t[ali], regie majestatis seu magnifici domini ... de t[ali] thesaurarii, ac N. de t[ali], dominorum fukarorum, factoris et procuratores recognoscimus per presentes quod nos, nostrum mandatum sanctissimi d[omini] nostri pape acceden-tes ad claustrum t[alem], et guardiano ejusdem claustri, fratre N. de t[ali] nobiscum constituto, archam seu capsam peccuniarum presentium indulgentiarum puri fide et volunctate apperimus. In qua recepimus summam florenum t[ot], presentibus ibidem fratribus ejusdem loci, ac discreto N. plebano legitimo, necnon circunspectis N. de t[ali], judici juratisque et t[ali] confratre eorumdem fratrum in testimonium specialiter vocatis. In cujus rei firmitatem et cautelam futurorum presentes litteras eisdem guar-diano et fratribus pro eorundem expeditione dedimus. Datis in claustro prefato.

Alia quittantia de eadem

Nos t[alis] vicethesaurarius regnis et t[alis] dominorum fukarorum factor, fate-mur et recognoscimus per presentes quod, coram religioso fratre t[ali] [fol. 94v] de t[ali], guardiano t[ali] et circunspecto t[ali] cive civitatis, ladulam sive capsam habitam aperimus. In eademque ladula in toto recepimus florenum t[ot], ex quibus prefatus t[alis] ad Romanum summi pontificis pro tertia parte percepit florenum t[ot] et per prefatum t[alem] vicetesaurarium medio t[ot] familiaris sui percepti sunt, pro aliis dua-bus partibus regiam ad rationem florenum t[ot]. In cujus rei testimonium presentes has litteras nostras, sigillis nostris propriis et manu nostra munitas et consignatas eis-dem fratribus duximum concedendum. Datum in t[ali].

Quittantia guardiani factoribus danda

Ego frater N. de t[ali], or[dinis] t[alis], guardianus conventus vel loci t[alis], fa-teor per presentes, t[ali] die nobiles t[alis] et t[alis] de t[ali], factores regie [majesta]tis vel ejus thesaurii legitimos, personaliter accessisse ad prefatum conventum nostrum t[alem]. Ibique capsam jubilei in presentia testium infrascriptorum apperuisse. Exind-eque in toto florenum tot accepisse. Quorum prefatus t[alis] pro tertia parte summi pontificis ad sortem percepti florenum tot, dictus vero N. regiam ad rationem pro aliis duabus partibus levavit florenum tot. Presentibus ibidem honorandis et circums-pectis viris et dominis N. de t[ali] ad premissa specialiter vocatis, harum litterarum testimonio mediante. Datum.

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PIÈCES JUSTIFICATIVES 539

V. Correspondance privée entre frères

32

? , Buda – Un frère écrit à un autre pour se laver d’une accusation portée contre lui.

OSzK, Codex Latinus medii aevi n° 432, fol. 151v-152v.

[fol. 151v] Frater ad fratrem pro sui excusationea)

Plurimum in Domino salutem, cum charitate et affectione una mei commendo.

Patris venerandi litteras ejusdem mihi tam gratas quam acceptas desideratissime rece-pi, maxime cum in illis salubria utiliaque consilia contineri per spe christianem. Quia tum illarum ex tenore animadverti aliunde eidem aliter quam veritas sit fuisse persua-sum, et ob hoc me non solum cum impetu, sed etiam cum furia egisse quicpiam suspi-catur. Optarem eandem rem perspicaciori intelligentia cognoscere, qua cognita non puto eandem preter rationem me motum fuisse antumare, sed nec etiam alio quam fraterne charitatis zelo excanduisse. Libentius siquidem vellem alios mei speculatores quam ipse fieri aliorum et sicuti tunc, ita et nunc a justitie tramite non declinarem. Non me existimet v[estra] p[aternitas] v[eneranda] calumpnia delectari nec suspicari de quopiam, nisi violentis signis intervenientibus, nec tamen ex illis continue moneri, nisi correptione fruenda [?] precedente, ubi autem observantur premissa et quis non resipiscit, non amplius prelato, sed sibipsi imputent sequentia. Non sum adeo rationis expers, ut statim res etiam veras tamen ocultas producarem in publicum. Quantomi-nus ea que sub dubio relinquuntur, in me Dominus, secretorum cognitor, retundat illud malum quod ipse alicui [fol. 152] fratrum meorum desidero. Quin immo, sicuti alias quorum eidem testatus sum, tam Dominum, tantam doctrinam quantum mihi quantam a Domino accepi parvulo nostro exoptarem, et si mihi foret pericule simul eidem infunderem. Novi potius fratres eripere ab infamia, quam immergere, absit a me, ut nedum duas sed nec unicam animam perminimam fateor me pro animarum salute vitam etiam paratum exponere, quia continuis curis et sollicitudinibus ac labo-ribus pressus paulatim pro illarum profectum consumo. Tribulare nescio, nisi deme-ritos et ispos quidem citra condignum. Neminis optarem esse perturbationis causa, quominus discere posset. Si tamen occasionem quis perturbationis ex me habuerit sibi velim imputet, dum non secundum regulam ordinis et semitam justicie incedit. An sola pera pastores contenti sunt, ut vergam baculumque abiciantur, non solum pasce-re sedet[iam] minare gregem est, exorbitantemque ad regulam communem reducere. Que pro mea aput eandem excusatione scripsissse sufficiat.

Jam a d[ominatione] v[estri] v[enerandi] p[aternitatis] revertor consolationem. Quod bonum sit quanquam utile erectam deprimere cervicem, solatium nobis com-

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munis parvuli est testimonio. Nam divina gratia in eo operante, quam prius erat non solum mihi sed etiam aliis f[ratribus] desolationi [fol. 152v] conversus ab errore, fac-tus est omnibus consolationi, recte incedit, monitiones non despicit, disciplina justifi-catus. Et utinam eomodo ipsum semper haberem consolatio, quod futurorum spero et meritis orationum v[estri] v[enerandi] p[aternitatis] et virtute obedientie, ex qua et patientia procedit et correctio. Me eidem unice commento presto eidem omni tempo-re inservire. Valeatque salubris. B[u]de.

a) Ce texte comporte de nombreuses aberrations grammaticales, sur le plan de la morphologie et de la syntaxe.

33

vers 1500,? – Lettres correspondant à diverses situations (témoignage d’affection, regrets, excuses).

OSzK, Codex Latinus medii aevi n° 432, fol. 165v-166v, 176.

[fol. 165v] Communis Licet nullum mihi scribendi argumentum datum sit, carissime frater, quo potissi-

mum diebus istis uti possim ut ad te aliquid scribam, quia neque in publicis neque in privatis negotiis nostris nihil sane novi in hunc usque diem emersisse. Et tum tantus amor et benivolentia qua in te afficior, ut nullum unquam possum [fol. 166] vel mini-mum nuntium preterire, quem ad te parventurum putem. Cui litteras meas ad te non tradam, ut hiis perlectis talem inde jocunditatem capias, qualem ego percipio cum tuas litteras video, cum igitur t[alis] sit propedire hanc in civitatem profecturus ut quibus-dem negotiis suis finem imponat, statui has ei ad te litteras dare. Ex quibus intelliges me Dei bonitate et clementia cum omnibus meis salvum esse atque incolumem, quod etiam de te tuisque omnibus desidero. Nam profecto nichil michi charius accidere potest, nichil gratius, nichil ve jocundius, quam de te et tuo felici statu, ac secunda for-tuna intelligere. Is v[idelicet] amor hoc me facere cogit quo ab menute etate uterque nostrum devinctus est. Quem ut diutius integrum et perpetuum servare possimus, te rogo ut etiam me tuis litteris aliquando invisere velis, ut resarcita hac consuetudine nostra, per litteras que intervallo locorum ac temporum videtur aliqualiter latefactari possimus, simul beatam ducere vitam, quod ut sepius facias. Te rogo atque oro cui etiam ut semper feci omnem operam meam affero in omnibus optatis tuis quod li-bentissime peractam. Vale.

[fol. 166v] Lamentatoria

Non possem tibi per litteras exponere, C. carissime, quantum doloria, quantu-mque mestitie susceperim, cum primum ex tuis litteris intellexi te, propter odium et

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malivolentiam iniquissimi t[alis], ex dulcissima patria pulsum fuisse. Non solum inte-stino crucior dolore ex acerbissimo casu tuo, sed vix me a lacrimis contineo quotiens in eam cogitationem venio. Ut te illa potissimum patria exulevi sentio, pro qua etiam proprium sanguinem sepissime exponere non dubitasti. Quod meus amor facere co-git, quo in te maxime affectus sum. Et profecto vix possem merorem istum sedare, nisi prius innocentiam tuam cogitarem, qui omnibus semper hu manis, omnibus beni-gnus, nunquam ullum laborem recusasti que ad tam publicam et privatam utilitatem spectare sentires; sed potius pro virili talia semper insudans, ut omnibus prodesses, nichil unquam non laudabilem peregisti. Et tamen malivoli nebulonis invidia ad hanc calamitatem solum deveneris et non tua culpa, etc. [...]

[fol. 176] Excusatoria

Quibus verbis consoler te, amantissime pater, ignoro penitus. Maxime cum recogito eandem tot patrum venerabilium veterari presentia, tantorumque virorum eruditorum potiri conversatione quottidiana. Et nunc quid superest pater H., ut huic quippiam consolationis seu recreationis ex me desideretis utpote, qui rurali aggresti-que operi crebrius, quam litterali occupationi deditus esse soleo? Nihilominus tamen presentes ex me exegi litterulas, ut si non factis saltem verbis, tales quales paternitati tue ingererem pro spiritus levamine consolationes. Sed quorsum hec tam tediosa? Scio equidem, carissime pater, unum esse et vobis et mihi per maxime necessarium, de quo loquens cantor Salvatoris Sancti [fol. 176v] David dicebat: “Unam petii a Do-mino hanc requiram, et subii ut nihilem in domo divino...” , etc. Ut itaque, mi pater optime, illam superne glorie dominum et hereditatem gratia salvatoris nostri Jhesus Christi opitulante querere et acquirere possimus, meas fratrumque meorum vobis offero orationes. Sedet[iam] ego vestras cernuo rogito cum affectum deprecationes. Scio siquidem charitativas aput Dominum summe placitas fore preces. Et jam optime valete, meique mementote.

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VI. Documents relatifs aux laïcs

A) Lettre aux soeurs tertiaires

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? ,? – Le custode observant d’Esztergom accorde à une sœur tertiaire nommée Anne l’autorisation de quitter la fraternité de Buda pour entrer dans celle de Gyöngyös.

OSzK, Codex Latinus medii aevi n° 432, fol. 108-108v

[fol. 108] Translatio tertiarie. Custos dat et instituit in prelatam auc-toritate sibi concessa.

Jhesus Christi ancille devote, sorori Anne t[alis] tertii ordinis beatissimi patris nostri Francisci professe, frater t[alis] de t[ali] ordinis observantie pro custodi custo-die Strigoniensis61 licet indignus, pacem [fol. 108 v] in Domino eternam. Ex speciali commissione et auctoritate reverendi patris nostri, vicarii fratris videlicet B. de t[ali], presentibus tibi concedo licentiam quod juxta tue devotionis desiderium, ex vestro cenobio B[udensi] cum aliqua vel aliquibus sororibus pro societate tibi assignatis, ad aliud cenobium similiter vestrum de Gÿen[gyës]62 transire valeas moratura. Ibidem sub prelatorum tuorum obedientia Dominum Jhesum devote famulanda, ubi te auc-toritate predicta prelatam dicti cenobii vestri Gÿen[gyës]i institui et presentibus insti-tuta fore denuntio. Mandans tibi ad obedientie sancte meritum quod dicte prelationis officium humiliter et sine contradictione suscipias, susceptumque taliter gubernes et exequaris, ut ex tua sollicita providentia Deus honoretur, homines edificentur, sorores in Domino consolentur, ordinis vestri disciplinam non tepescat, sed in suo robore permaneat, tibique eterne beatitudinis premium accrescat. Sororesque tam presentes quam future, in omnibus que ad tuum spectant officium, tibi parere et obedire te-neantur. Quos tibi teque ipsis charius in Domino recommendo. Vale in dulci Jhesu et ipsum pro me exora. Datum.

61 Voir note 4.62 Gyöngyös, en Hongrie.

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B) Lettres aux confréries de dévotion et de métier

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?, Buda – Le vicaire de Hongrie accorde aux membres d’une confrérie le droit d’utiliser un autel latéral de l’église du couvent Saint-Jean de Buda.

OSzK, Codex Latinus medii aevi n° 432, fol. 59-60.

[fol. 59] Littere confraternales kalandos appellate pro mulieri[bu]s in Chri-sto sibi devotis filiabus honestis dominabus N. et N. in c[ivitate] t[ali]a).

In Cristo sibi charissimis, providis et circumspectis viris etc., ceterisque magistris N. in civitate Budensi commorantibus, ac aliis in vestra societtate seu confraternitate, que vulgo kalandos nuncupari solet existentibus, presentibus et futuris, frater N. vica-rius etc., salutem in Domino sempiternam.

Cum vos divino inspirante lumine, ex vestre devotionis fervore, in claustro nos-tre sancti Johannis in prefata civitate Budensi fundato, novam confraternitatem vestris cum cerimoniis, mente devota, spontaneaque voluntate ordinare decrevitatis, dignum et justum est quatenus ab eodem ordine vestre petitiones exaudiantur in adimplendo ea que, pro vestrarum salute animarum a me et ab ipso ordine suppliciter [fol. 59v] postulatis. Sane petitio vestra humiliter et devote in porrecta hec erat, ut vobis altare unum in ipso claustro nostro pro vestris cerimoniis devote exequendis designarem. Quos certis in festivitatibus pro vestro modulo debito prosequi honore, pariter et attinendis pro cerimoniis inibi fiendis necessarias, et alia correquisita administrare proponeretis. Vel sic: In quo certis in festivitatibus missam celebrandam vestro pro modulo cum lucernis aliisque correquisitis processionaliter debito prosequendens ho-nore intenderetis. Insuper ut vos omnes et vestrum singulos in dicta confraternitate existentes presentes et futuros ad nostram reciperem confraternitatem.

Vestram itaque devotionem laudabilem quam ob Dei omnipotentis reverentiam ac beati patris nostri seraphici Francisci merita gloriosa ad nostrum prefatum dino-scimini gerere ordinem, sincere charitatis affectum acceptans, Christoque Domino geratam fore reputans, vestro nihilominus devoto desiderio satisfacere cupiens, altare N. in nostra ecclesia N. ad latus ejusdem ecclesie a parte aquilonari situm, pro vestris ut permittitur cerimoniis devote exequendis, benigno vobis favore concedo. [fol. 60] Insuper vos et vestrum singulos in ipsam confraternitatem existentes presentes et futuros ad nostram confraternitatem ac ad universa et singula etc.b)

a) Ces mots sont écrits en marge, à droite. b) Suivi de: Alia de eadem vide infra ex hinc folio L.

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1513-1517,? – Le vicaire Blaise de Dézs autorise une confrérie de cordonniers à orga-niser des célébrations devant l’autel Saint-François de l’église du couvent de Hunyad et à faire ensevelir les maîtres défunts de la confrérie dans l’église franciscaine.

OSzK, Codex Latinus medii aevi n° 432, fol. 113-114.

[fol. 113-114] Pro kalandus

In Christo sibi charissimis, providis N. et N. sutoribus civibus de t[ali] ceterisque presentibus et futuris in cetu seu collegio kalandus sutorum existentibus hominibus, frater Blasius de Dees63 etc., salutem etc. cum orationum s[uffragio] s[alu tari].

Quoniam divinum docet exemplar humanumque sincerum et benivolum concer-nit affectum, salutaria desiderantibus utilaque ad id pertinens postulantibus prium auditum, ac pro posse condignum prebere auxiliuma), et quia vos totiusque vestri consortii cetus instanter exposcit ab olim, uti missam pro prefato kalandus certis dignarer instituere diebus, super quo patrum usus consilio [fol. 113v] discretorum maxime quia divino nostro non derogat honori. Quinpotius salutaris vobis devotionis parat incrementum, ad vestre igitur devote petitionis instantiam presentibus concedo, quatenus singulis solemnitatibus, Natale, Pasce et Penthecoste dominici duobus die-bus immediate sequentibus, ac Epiphanie, Ascencione, Corporis Christi necnon et Trinitatis dominici, et omnibus festivitatibus beate Virginis et apostolorum, ceterisque festivitatibus precipuis ac de quindena in quindenam dominicis solummodo diebus, in altari beatissimi seraphici patris nostri Francisci una missa celebretur. Ad qua juxta suas cerimonias persone de dicto kalandos devote se preparare possint et valeant divinum inde specialem sperantes profectum, unacum charismatibus in spiritualibus bonis que per fratres prefate vicarie divina dignabitur operari et acceptare clementia Salvatoris. Que tenore presentium ipsi kalendus ut valeo generose confero. Concedo insuper ex speciali gratia et favore, ut vestrum quilibet in societate vestra que in vulgo kalandus appellari consuerint, presertim qui in arte vestra magisterii nomine et re fungitur, in ecclesia nostra Hwnÿadiensi64 possit seppelliri, ita dumtaxat si arbitrio hujus patris guardiani pro tempore existentis locus aptus sepulture in eadem ecclesia protunc poterit [fol. 114] inveniri.

Valeant vestre in Domino devote charitates. Ex loco t[ali].

a) Suscrit: assensum.

63 Voir note 23.64 Hunyad ou Vajdahunyad, aujourd’hui Hunedoara, en Roumanie.

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PIÈCES JUSTIFICATIVES 545

C) Lettres confraternelles

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1er avril 1498, Pest – Le vicaire de Hongrie Oswald de Laskó admet Jean de Bala dans la confrérie spirituelle de l’ordre.

MFL, fds I, ms LXXIX a; CsML, bullaire de Szeged, p. 102.

In Christo sibi charissimo egregio Joanni de Bala, frater Osvaldus de Lasko65 ordinis Minorum regularis observantie professor, reverendissimi in Christo patris mi-nistri generalis in vicaria regni Hungariae quoad fratres dicti ordinis de obser vantia vicarius licet immeritus, salutem et pacem in Domino sempiternam cum orationum suffragio salutari.

Quamvis ex charitatis debito omnibus in spiritualibus teneamur, illis tamen lon-ge amplius obligamur, quorum dilectionem certis beneficiorum indiciis frequentius experimur. Proinde tue devotionis sinceritatem attendens, quam ob Dei omnipotentis reverentiam, ac beatissimi patris nostri seraphici Francisci merita gloriosa ad nostrum geris ordinem, ubi fratrum eorum veridica percepi relatione, dignum fore putavi, ac summe acceptabile voluntati, ut ab ipso ordine prerogativam sentias specialum gra-tiarum. Verumque nudi temporalibus bonis, hujusmodi charitatis vicem ne quaquam temporaliter rependere valeamus, spiritualibus nihilominus be ne ficiis recompensare affectamus. Eapropter ego, qui licet indignus curam fratrum prefate vicarie gero, te unacum generosa domina consorte necnon filiis et filiabus suis, natis et nascituris, ad nostram confraternitatem, ac ad universa et singula dicte vicarie fratrum suffragia in vita recipio pariter et in morte, plenam vobis participationem omnium charismatum et spiritualium bonorum, que per fratres jamdicte vicarie operari et acceptare dignabi-tur clementia Salvatoris, tenore presentium gratiose conferens.

Datum in conventu nostro Pesthiensi, prima die mensis aprilis, anno salutis In-carnationis 1498.

65 Voir note 33.

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1513-1517, Buda – Le vicaire de Hongrie Blaise de Dézs admet un laïc et les siens dans la confrérie spirituelle de l’ordre et il lui précise qu’il pourra être enterré dans l’habit de l’ordre, dans l’église Saint-Jean de Buda.

OSzK, Codex Latinus medii aevi n° 432, fol. 55v-56.

[fol. 55v] Littere confraternales

In Christo sibi charissimo N. de N., frater Blasius de Dees66 ordinis Minorum regu-laris observantie professor provincie Hungarie, quo ad fratrum dicti ordinis vicarius licet immeritus, salutem et pacem in Domino sempiternam, cum orationum suffragio salutari.

Quamvis ex debito charitatis omnibus in spiritualibus teneamur, illis tamen longe amplius obligamur, quorum dilectione certis beneficiorum indiciis frequentius experimur. Proinde tue devotionis sinceritatema) considerans, quam ob Dei omnipo-tentis reverentiam ac beatissimi patris nostri seraphici Francisci merita gloriosa ad nostrum geris ordinem, uti fratrum meorum veridica percepi relatione, dignum fore putavi ac divine acceptabile voluntati, ut ab ipso ordine prerogativam sentias spiritua-lium gratiarum. Verum quia nudi temporalibus bonisb) hujuscemodi charitatis vicem nequaquam temporaliter rependere valemus, spiritualibus nihilominus beneficiis re-compensare affectamusc).

Eapropter, ego qui licet indignus curam fratrum prefate provincied) gero, te una-cum honesta domina N. [fol. 56] conjuge tua, necnon provido N. domestico tuo, cum consorte sua N. ac Emerico et Johanne filiis, et Katherina filia ejusdem Egidii domes-tici, cunctis etiam aliis tuis propriis ac ipsius Egidii prolibet jam natis et imposterum nascituris, ad nostram confraternitatem ac ad universa et singula dicte vicariee) fratrum suffragia, in vita recipio pariter et in morte, plenam vobis participationem omnium charismatum et spiritualium bonorum, que per fratres jamdicte provincief) operari et acceptare dignabitur clementia Salvatoris, presentium vigore conferens graciose. Item, ex speciali favore concedo ut dum vocante Domino ex hac vita migrareris, in habitu fratrum nostri ordinis tumulari valeas in claustro dumtaxat nostro et non alias, juxta mandatum sancti domini Sixti pape quarti. Honorabili autem patri guardiano conventus seu loci ubi sepulturam elegeris pro tempore existenti tenore presentium committo ut honorabiles exequiarum cerimonias tue sepulture impendere teneatur.

Datum in conventu nostro Budensi, etc.

a) Inséré: et tuorum. b) En marge, à gauche: Vel sic: charitatis me subsidiis dignam rependere vicem temporaliter nullatenus valemus. c) Inséré: peroptamus. d) Raturé: vicarie. e) Surmonté de: provincie. f) Raturé: vicarie.

66 Voir note 23.

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? ,? – Le vicaire de Hongrie autorise une veuve de haut rang à entrer dans la confrérie spirituelle de l’ordre et à se faire ensevelir en habit de tertiaire dans une église franciscaine.

OSzK, Codex Latinus medii aevi n° 432, fol. 117-117v.

[fol. 117] Alia [littera confraternalis] de eadem brevior, similiter notabilis personis

Jhesus Christi ancille devotissime, generose domine t[ali], condam t[alis] relicte, ordinis nostri devote specialissime, frater Blasius etc. Sane attendisti celeste premium et sic petens ab ordine suffragium, quia nedum sanctorum cum Christo regnantium suffragiis virum devotorum etiam viatoris precibus, judicis omnium placatur ira, mor-talium tutatur vita, augentur merita fideliumque defunctorum diminuitur pena et ac-celeratur gloria. Nos quoque animo revolventes, qualiter ab menute etate ordinem nostrum seraphicum ejusque alumnos in ferventi et speciali habuisti devotione, ac cunctis in necessitatibus pro virium tuarum facultate providisti. Unde licet omnibus in spiritualibus teneamur, equitatis tamen exigit ordo [fol. 117v] ut his ampliora rep-pendantur gratitudinis obsequia, a quibus majora percipiuntur subsidiorum solacia. Proinde, ego qui licet etc., te ad nostram confraternitatem etc. plenam tibi pariter om-nium charitatum et bonorum spiritualium videlicet missarum exnunc in perpetuum (prout devotio tua exposcit et divine placuerit dispensationi) fiendarum orationum, divinorum officiorum etc., que a fratribus mee cure commissis fuerint et imposterum perpetuus semper temporibus sunt facienda et a benignitate divina acceptanda, tenore presentium gratiosius conferendo. Addens insuper, de bono et gratia speciali, quod tum Domino vocante ex hac vita etc., ut supra, possis nihilominus si volueris in habitu sororum tertii ordinis in ecclesia dumtaxat nostra et non alias tumulari.

Valeat tua fervens et devota charitas in Christo Jhesu semper feliciter. Datum.

D) Testament d’un laïc

40

1514 ,? – Un laïc demande par testament à être enterré dans un couvent franciscain observant.

OSzK, Codex Latinus medii aevi n° 432, fol. 98-98v.

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[fol. 98] Testamentaria dispositio

In nomine Domini Amen. Anno ejusdem 1514, die t[ali] mensis t[alis] videlicet feria t[ali] proxima ante festum t[alem]. Ego t[alis] licet eger corpore, mente tamen per omnia compos et sanus. Considerans hunc mundum flexibilem fore et fallacem nec diu permansurum, sed tanquam aqua decurrens citius labor qui plerumque homines incautos suis eludens blanditiis, adjura solet deicere lamenta, premeditans nihilominus eternam celestis patrie requiem ac divini faciei visionis dulcedinem, quam tota mentis affectione cupio captare eternaliter permansuram. Volens igitur divo mercanti mundo terrena celestibus caduca eternis et transitoriam sempiternis concambire, ac Domi-num luceam celesti pallatio commutare, de cunctis meis bonis temporalibus a Deo mihi collatis, infrascriptum facio et dispono testamentum firmissimum.

Quod dum et quando Altissimo placuitur me ex hac vita caduca ad eternam vocare requiem, extunc prius et ante omnia animam meam miseram ipsi Altissimo recommendo, sanctorum consortio eternaliter sociandam. Corpus vero meum in claustro t[ali] terre tumulandum, ex hinc ad futuram magni judicii diem cum gloria resurrecturum. Item hoc et hoc [fol. 98v] lego, etc.

Executores meos constituo talem et talem, presentibus ibidem duo etc.

VII. Autres documents

41

? , Buda – Le palatin de Hongrie demande au pape de soutenir les franciscains obser vants hongrois et loue leur action contre les hérétiques.

OSzK, Codex Latinus medii aevi n° 432, fol. 133v-134.

[fol. 133v] Alia recommendaticia religionis, palatini Beatissime patri et domine. Domine clemens, post humilimam mei commenda-

tionem ad pedum oscula beatorum. Amens est jam pridem hic beati Francisci ordo sacer fratrum Minorum, qui de observantia nuncupantur, usque adeo ut per hoc reg-num Hungarie celebris sit atque in magna habeatur veneratione, non enim mediocriter cumulatos fructus circa animarum salutem afferunt. Presertim cum hac regnum Hun-garie multorum sectarum hominibus pene sit sparsum, sed pacis inimicus dyabolicus, cui bono non tetendit insidias. Bonis frugibus en misit lolium, con citavit quosdam emulos, qui sanctitatem vestrem in eorum detrimentum sinistra quadam instructione porrigerent supplicationes. Verum magna et mihi et ipsis fratribus in s[anctitate] ves-

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tra superest spes. Quoniam scio s[anctitatem] vestram ea prudentia consummatoque moderamine circa religionis christiane fidem intendere, que nihil inconsiderate, nihil ex abrupto faciat, confido talium supplicationibus non eum locum daturam, quin veritatem ipsam radicitus tandem intelligere nolit.

Proinde, s[anctitate] vestre humilime supplico dignetur, pro cura proque officio suo quam habet integram erga christifidelium salutem, ipsos fratres ordinis beati Fran-cisci de observantia, ita habere commendatos. Neu [fol. 134] ad quorumvis emulorum eorundem supplicationem in ordinis tenore turbentur, vel aliquid tale ordini paciatur abusum, quo tandem hic ordo labefactatus a solito cardine corruat, quod certe fieret in multarum animarum meritum destructionemque potissime hujus regni, non certe vel hactenus parvum profuit ipsorum fratrum opera, sanctus que eorum vite tenor ad propagandam christiane religionis fidem, innumeri fucusque irrepsissent errores, innumerique a fide fuissent prevaricati, s[anctam] viam propter hos bonos intuitus velit ordinem hunc ita commendatum suscipere, ut ejus patrocinio preservertur a periculo.

Cui ad s[anctorum] pedes obvolutus me humile commendo. Datum in regali civitate Budensi, etc.

42

1501, Buda – Dans cette charte rédigée à l’intention du confrater d’un couvent récem ment construit dans une ville royale67, le roi Wladislas II rappelle les responsabilités et le mo de de recru-tement du confrater, et confirme aux frères l’exemption de toutes les taxes royales ou urbaines.

OSzK, Codex Latinus medii aevi n° 432, fol. 136-137v.

[fol. 136] Pro confratre loci, concessio libertatis

Nos Wladislaus Dei gratia etc. Memorie commendamus tenore presentium si-gnificans, quibus expedit universis, quod nos tum ob sincera affectionem quem, inter ceteros religiosos, ad ordinem fratrum Minorum de observantia nuncupatorum habe-amus. Tum vero ob devotionem quem erga beatum Franciscum dicti ordinis princi-pem sive institutorem gerimus, fecimus in civitate nostra N. fratribus ejusdem ordinis claustrum construi. Et volumus Deo propicio idem monasterium pro honore divine majestatis effecturi debito mancipare, ut igitur in dicto novo nostro claustro officia di-vini honoris per fratres inibi commorantes liberius et devotius (prout divinam cunctis laudantis decet majestatem) peragantur, et iidem pro nostra ac nostrorum salute vita-que liberius orare valeant, id ipsis gratiose duximus animendum et concedendum.

67 Il peut s’agir ici du couvent de Visegrád ou de celui de Kolozsvár. Voir Tableau synop-tique des couvents.

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PIÈCES JUSTIFICATIVES550

Quod exquo dictante prefatorum fratrum regula et professione eorundem hoc requisitum, iidem nil proprium habere possunt, neque volunt, sed coguntur vestitum et victum quottidianum de bonis aliorum fidelium mendicitate conquirere. Et ob hoc ipsi aliquo bono et fido viro (qui rebus et curis suis propriis relictis, pro Deo [fol. 136v] talimodo ipsorum fratrum quantum possibile est curis invigilet, et elemosinas saltem peccuniare mendicitate recipiat et conservet, ac tempore debito utilitatibus et necessaribus fratrum in dicto claustro degentium optime dispenset et fideliter ac legaliter exponat) carere nequaquam possunt. Ut quemcunque ex civibus sive inha-bitatoribus prefate nostre civitatis N. juxta constitutiones apostolicas, in sindicum, actorem, iconomum sive procuratorem, quem communi vocabulo con fratrem vocant, delegerint. Idem taliter per dictos fratres pro tempore electus cujuscunque sit condi-tionis sive status, libere possit et valeat iimo teneatur eisdem fratribus inservire.

Quem ab omni solutione taxarum ac contributionum tam ordinariarum quam extraordinarium ac servitiorum nobis sive ipsi civitati nostre exhibendorum in perpe-tuum liberum esse volumus et exemptum. Imo animus et concedimus presentium per vigorem, quocirca vobis fidelibus nostris Budensi et N. curiarum nostrarum provi-soribus eorundemque viceprovisoribus nunc constitutis et in futurum constituendis, presentes visuris harum serie firmiter precipiens, [fol. 137] mandamus quatenus a modo imposterum, ab eo quem dicti fratres de pretacto claustro nostro N. in suum actorem sive confratrem pro tempore elegerint, nullam omnino taxam seu contribu-tionem neque ordinariam, neque extraordinariam, sed neque etiam servitia aliqua, nobis vel dicte civitate nostre exhibeant, contra formam premisse nostre exemptio-nis exigere sive recipere presumatis, aut eundem pecunia ratione in persona rebus et bonis suis, impedire, turbare, vel quovismodo dampnificare nusquem et nequaquam presumatis, nec sitis ansi modo aliquali, hoc etiam apertius declarato.

Quod si contingeret hujusmodi confratrem per dictos fratres modo premisso electum eisdem fratribus servire non posse, vel eisdem non placere, extunc dicti fra-tres ex predictis nostris civibus sive inhabitatoribus nostre civitatis prefate N., aut etiam aliarum quorumcunque possessionum nostrarum ad dictam nostram civitatem pertinentium et spectantium, sibi loco prioris unum alium confratrem quem voluerint, omnino sub eisdem libertatibus et exemptionibus quibus priorem elexerant, liberam habeant eligendi libertatis facultatem.

Harum nostrarum quibus secretum sigillum nostrum, quo ut rex Hungarie uti-num est appensum vigore et testimonio litterarum [fol. 137v] mediante. Presentes autem post earum lecturam semper reddi volumus et mandamus presen tanti. Datum in regia civitate etc., anno 1501, regnorum nostrorum Hungarie XI, Bohemie vero XXXI.

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PIÈCES JUSTIFICATIVES 551

43

? , Buda – Le vicaire de Hongrie écrit au chapitre cathédral de Nagyvárad pour qu’il mette fin aux spoliations subies par les frères de la part du curé de la ville, à propos des legs testamentaires.

OSzK, Codex Latinus medii aevi n° 432, fol. 152v-153v.

[fol. 152v] Ad capitulum W[aradiensem], pro quarta portione, supple-mentaria

Venerabiles domini, digne semper colendi. Post orationum suffragia devotarum, post denique omnis boni affectum, meminisse possunt d[ominationes] v[estre] que-madmodum predecessores vestri nos pauperes fratres in medium ipsorum induxe-runt, quorum pia devotio et affectio in nos nostrumque ordinem usque ad sydera extollenda exinde potissimum efferbuit. Quoniam ad laudem Dei salutemque populi christiani claustrum t[alem] istic Waradiensi erexerunt, qua ex re majores atque ma-jores unacum patribus meis dico etiam d[ominationibus] v[estris] gratias. Utpote que in labores et sudores ipsorum predecessores successerunt, verum percipere et in-tellexisse potuerunt d[ominationes] v[estre], quam indignissimam vexationem fratres nostri in predicto claustro demorantes patiantur et sustineant a quodam magistro t[ali] plebano t[alis]. Quippe cum simus mendici et in incerta [fol. 153] mendicitate funda-ti, de legatis fratribus portionem canonicam contra indulta et privilegia summorum pon[tificum] extorquere nititur, cum tamen sumus exempte et privilegiati in hoc, et alioquin relicta pauperibus falcidiam non patiuntur. Et quod molestius est, dum exe-cutores cujuspiam defuncti testamentum ejusdem super legatis fratribus exequi volunt aut fuerunt exequuti, comminationibus, declamationibus et persuasionibus perversis turbare, terrere, vexare et molestare non veretur quominus christifideles in eorum te-stamentis aliquam helemosinam relinquant aut relicta restituant, neve sepulturam, que nobis juxta statu apostolica libera est, et libera esse debet, intra septa claustri predicti eligant aut in jam electis sese sepelliri comittant. Quo fiet etiam, ut jam plurimum chri-stifidelium devotionem suam et pias eorum voluntates quas hactenus fratres ad eo-sdem ac eorum devotas orationes gesserit angariati per premissa retrahere cogantur, per que etiam fratres ipsi in claustro jam dicto amaricati vitam sustentare nequebunt, sed nec debitos Regi celesti famulatus persolvere, nisi eisdem d[ominationes] v[estr]e et opitulentur et patrocinentur contra tales turbatores.

Quamobrem supplico eisdem humillis [fol. 153v] et devotis precibus quatenus pristinam devotionem ac piam affectionem predecessorum suorum (que videtur ali-quantulum labefactari) non relinquant. Quinpotius fratres ipsos tam contra prefatum t[alem], quam alios quospiam turbatores ac premissis perturbationis molestationibus, declamationibus, comminationibus ac impedimentis sublevent ac manuteneant. Ne-mini enim faciamus injuriam, si christifidelibus spiritualia subsidia impedimus, docen-

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PIÈCES JUSTIFICATIVES552

do, orando, ac a peractis in quantum nobis permittitur absolvendo, et illi nobis non debito coactionis, sed ex libertate charitatis dant et ministrant corporalis necessitatis subsidium. Cum Dominus ordinavit his qui Ewangelicam nunciant, de Ewangelico vivere etc. Nec plura moneo, nisi ut Altis simus d[ominationem] v[estram] conservet ad vota in felicitate plurima, quorum tutele et protectioni me meosque commendo. Bude ex S[ancti] Johanne, etc.

Pro r[everendorum] d[ominationum] v[estrarum] vita ac salute unacum suis ora-tione, devotus frater t[alis] vicarius.

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CARTES, GRAPHIQUES ET TABLEAUX

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Cartes

Les couvents dont l’existence fut éphémère et ceux dont la localisation de-meure inconnue (Alsán) ou malaisée (Remetinc) n’apparaissent pas sur les cartes ici présentées.

Sauf précision contraire, le contour extérieur, gras et continu, correspond aux limites minimales du royaume de Hongrie – hors Croatie et banats – entre

1450 et 1540 environ.

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nombre de couvents fermés ou abandonnésGRAPHIQUE n. 5

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CARTES, GRAPHIQUES ET TABLEAUX570

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11 (d

ont 2

ho

rs d

u ro

yaum

e)

218

11

10

10

= 1

87

5(c

usto

die

de

Kol

ozsv

ár)

+ 5

( c

usto

die

de

Mar

osvá

sár-

hely

)

10

10

11

10

(11

en

réal

ité)

(don

t 2

hors

du

roya

ume)

4. J

en(c

.Jen

ew)

5 6

(don

t 1

conv

entu

s)

614

5

? 7

7 =

134

7 6

6 6

5

5. N

agyb

ánya

(c

. Ban

ye)

4 5

(don

t 3

conv

entu

s)

511

6

5 5

5 =

88

5 5

4 5

5

6. O

zora

(c

. Ozo

re)

4 7

(tou

s so

nt

des

loca

)

716

5 7

4 4

= 6

6 4

4 4

7. S

áros

pata

k (c

. Pat

hak

)4

6 (d

ont

1 co

nven

tus)

698

6 5

? 5

4 4

5 ?

8. S

lavo

nie

(c. S

clav

onie

)4

7 (t

ous

sont

de

s lo

ca)

715

3 8

8 8

=113

8

4 1

9. U

zsas

zent

léle

k (c

. San

cti S

piri

tus)

4 7

(tou

s so

nt

des

loca

)

715

0 7

7 6

= 8

1 6

7 4

7 5

10. S

zécs

ény

(c. Z

eche

n)4

5 (d

ont

1 co

nven

tus)

582

5 5

? 5

4 4

2

TO

TA

L :

49co

uven

ts

70co

uven

ts

(don

t 12

co

nven

tus e

t 58

loca

)=

1700

fr

ères

72

70

couv

ents

=

1472

fr

ères

= a

u m

oins

77

3 fr

ères

Page 572: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

CARTES, GRAPHIQUES ET TABLEAUX572

TA

BL

EA

U n

. 2

584

AD

MIS

SIO

NS

DE

LA

ÏCS

DA

NS

LA

CO

NF

RE

RIE

SP

IRIT

UE

LL

E D

E L

’OR

DR

E

ME

NT

ION

NE

ES

PA

R L

A D

OC

UM

EN

TA

TIO

N E

NT

RE

145

0 E

T 1

540

EN

VIR

ON

DA

TE

DE

L’A

DM

ISSI

ON

LIE

U

D’A

DM

ISSI

ON

RE

SPO

NSA

BL

E

AY

AN

T A

UT

OR

ISE

L’A

DM

ISSI

ON

NO

M E

T O

RIG

INE

DU

(OU

DE

S)N

OU

VE

AU

(X)

ME

MB

RE

(S)

CO

ND

ITIO

NS

PA

RT

ICU

LIE

RE

S

SOU

RC

E(S

)

1451

(5 m

ars)

P

adou

e Je

an d

e C

apes

tran

L

adis

las

de C

sitv

ánd

nobl

e du

com

itat

de G

yr

K

a, I

, 333

-334

fin 1

453

– dé

but

1454

C

raco

vie

Jean

de

Cap

estr

an

Lad

isla

s de

Szé

csén

y, S

igis

-m

ond

de C

sics

er,

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de

Cse

b, M

iche

l, P

ierr

e et

Ben

oît

de S

úk,

tous

ari

stoc

rate

s ho

ngro

is

K

a, I

, 333

1455

(7 a

oût)

B

uda

Jean

de

Cap

estr

an

Pau

l de

Baj

lath

(ou

de P

alát

h)

nobl

e ad

mis

ave

c sa

fem

me

Mar

guer

ite, s

es d

eux

fils

et

ses

deu

x fi

lles

Ka,

I, 3

34

1455

(7-1

1 ao

ût)

Bud

a Je

an d

e C

apes

tran

pl

usie

urs

mem

bres

de

la f

amill

e L

órán

tfi,

nobl

e ai

nsi q

ue le

cur

é de

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Jea

n de

Tem

esvá

r, e

t plu

sieu

rs d

e se

s pa

rois

sien

s

M

FL

, fds

I, m

s L

-L

I (t

r n°

36, d

oc.

n°1)

1468

(13

mai

) Sz

écsé

ny

vica

ire

de H

ongr

ie

Bar

be d

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ozgo

ny, v

euve

de

Lad

isla

s de

Szé

csén

y ar

isto

crat

e

K

a, I

, 345

1480

(6 ja

nvie

r)

Pet

róc

cust

ode

de S

lavo

nie

Étie

nne

Der

sfi d

e Sz

erda

hely

no

ble

K

a, I

, 350

M

OL

, Dl 1

8310

14

84 (6

janv

ier)

F

ülek

cu

stod

e de

Szé

csén

y N

icol

as P

ászt

óhy

nobl

e ad

mis

ave

c sa

fem

me

Cla

ire

Ka,

I, 3

51 e

t II,

49

1485

(27

mai

) B

uda

vica

ire

de H

ongr

ie

Den

is B

ekén

y d’

Ala

g no

ble

adm

is a

vec

sa m

ère,

sa

fem

me

et s

es e

nfan

ts

Ka,

I, 3

51 e

t II,

20.

1490

(15

avri

l) K

arán

sebe

s cu

stod

e de

T

rans

ylva

nie

Jean

de

Mut

nok

aris

tocr

ate

adm

is a

vec

sa f

emm

e D

orot

hée

Ka,

II,

88

1492

(13

juill

et)

Szen

tgró

t vi

cair

e de

Hon

grie

P

ierr

e de

Sze

gfal

u no

ble

adm

is a

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sa fe

mm

e C

a-th

erin

e, s

on fi

ls e

t ses

fille

s M

OL

, Dl 6

9167

Page 573: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

CARTES, GRAPHIQUES ET TABLEAUX 573

TA

BL

EA

U n

. 2

585

1492

(25

sept

embr

e)

Vám

os

cust

ode

de

Sáro

spat

ak

Jean

Nag

y de

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pata

k

et P

ierr

e A

ndrá

ssy

nobl

es

adm

is a

vec

sa f

emm

e C

athe

rine

, son

fils

et

ses

frèr

es

Ka,

I, 3

55

MF

L, f

ds I

, ms

LX

XI

1494

(7 a

vril)

?

vica

ire

de H

ongr

ie

Jean

Laz

are

nobl

e ad

mis

ave

c sa

fem

me

Mar

guer

ite e

t ses

frè

res

MO

L, D

l 462

60

1494

(30

sept

.) Sz

écsé

ny

vica

ire

de H

ongr

ie

Fra

nçoi

s B

alas

sa

nobl

e ad

mis

ave

c sa

fem

me

Mar

guer

ite

Ka,

I, 3

54

1494

(30

octo

bre)

G

algó

c vi

cair

e de

Hon

grie

G

eorg

es d

’App

ony

nobl

e

Ka,

I, 3

54

1495

(13

janv

ier)

V

ámos

vi

cair

e de

Hon

grie

T

hom

as d

e M

elet

e no

ble

adm

is a

vec

sa f

emm

e D

orot

hée

et le

urs

enfa

nts

MO

L, D

l 667

41

1497

(5 a

oût)

K

arán

sebe

s vi

cair

e de

Hon

grie

A

ngèl

e, v

euve

du

ban

Mic

hel

de M

utno

k ar

isto

crat

e

K

a, I

, 357

et I

I, 8

8

1498

(1er

avr

il)

Pes

t vi

cair

e de

Hon

grie

Je

an d

e B

ala

nota

ble

adm

is a

vec

sa f

amill

e K

a, I

, p. 3

57 e

t II,

13

7 M

FL

, fds

I, m

s L

XX

IX a

C

sML

, bul

lair

e de

Sz

eged

, p. 1

02

1498

?

vica

ire

de H

ongr

ie

Mic

hel d

e Sz

ob

baro

n ad

mis

ave

c sa

fem

me

Soph

ie e

t sa

mèr

e M

OL

, Dl 2

0705

1501

(16

juin

) B

uda

vica

ire

de H

ongr

ie

fam

ille

Tah

y

Ka,

I, 3

60 e

t II,

20

MO

L, D

l 210

52

1502

-150

4 ?

com

mis

sair

e ci

smon

tain

(Jac

ques

de

Man

toue

)

? (p

lusi

eurs

indi

vidu

s no

n no

mm

és)

sans

sép

ultu

re d

ans

l’hab

it 1e

r for

m.,

fol.

56-

56v,

58

1504

(9 n

ov.)

Tál

ad

vica

ire

de H

ongr

ie

Jean

d’A

jka

adm

is a

vec

sa m

ère,

sa

fem

me

et s

es e

nfan

ts

Ka,

II,

192

M

OL

, Dl 6

6374

15

06 (1

er s

ept.)

T

övis

co

mm

issa

ire

cism

onta

in (J

acqu

es

Gru

mel

li)

And

ré d

e K

arác

sond

, com

man

-da

nt d

e la

for

tere

sse

de F

eldi

ód

nobl

e

adm

is a

vec

sa f

emm

e H

élèn

e K

A, I

, 364

et I

I,

198

1513

-151

7 B

uda

vica

ire

de H

ongr

ie

? (T.)

adm

is a

vec

sa f

emm

e et

se

s en

fant

s et

leur

s en

fant

s à

naîtr

e, s

on

1er f

orm

., fo

l. 55

v-56

Page 574: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

CARTES, GRAPHIQUES ET TABLEAUX574T

AB

LE

AU

n. 2

58

6

dom

estiq

ue, l

a fe

mm

e de

ce

lui-

ci e

t le

urs

fils

, av

ec s

épul

ture

dan

s l’h

abit

v. 1

515-

1520

?

vica

ire

de H

ongr

ie

? (N

. de

T.,

T. d

e T

.) ad

mis

ave

c le

ur f

emm

e et

en

fant

s né

s ou

à n

aîtr

e,

sans

sép

ultu

re

1er f

orm

., fo

l. 58

-58

v, 5

8v-5

9

1516

rosp

atak

vi

cair

e gé

néra

l ci

smon

tain

(Jac

ques

de

Por

cari

a)

Gré

goir

e de

Cza

p ad

mis

ave

c sa

fam

ille

MO

L, D

l 824

63

1518

(20

juill

et)

Lyo

n m

inis

tre

géné

ral

(Fra

nçoi

s L

icch

eti)

Jean

de

Gyu

la

adm

is a

vec

sa f

emm

e,

Soph

ie d

e B

ács

MO

L, D

l 472

57

1520

(8 s

ept.)

B

uda

min

istr

e gé

néra

l (F

ranç

ois

Lic

chet

i) M

iche

l de

Ken

dere

s ad

mis

ave

c sa

fem

me

et

ses

trei

ze e

nfan

ts

Ka,

II,

20

MO

L, D

l 234

89

1521

(21

mar

s)

Vár

palo

ta

min

istr

e pr

ovin

cial

de

Hon

grie

L

adis

las

Sibr

ik d

e Sz

arva

sken

d ad

mis

ave

c se

s qu

atre

fils

et

leur

fem

me

Ka,

I, 3

81 e

t II,

20

9 15

21 (2

1 no

v.)

Gyö

ngyö

s m

inis

tre

prov

inci

al

Geo

rges

de

Der

encs

ény

adm

is a

vec

sa f

emm

e et

se

s ci

nq e

nfan

ts

Ka,

I, 3

81 e

t II,

60

MO

L, D

l 235

93

1524

(20

mar

s)

Nag

yvár

ad

min

istr

e pr

ovin

cial

B

enoî

t de

Baj

on

nobl

e ad

mis

ave

c sa

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me,

sa

sœur

et

ses

enfa

nts

nés

ou

à na

ître

Ka,

I, 3

83 e

t II,

20

5

av .

1531

K

oloz

svár

Mad

elei

ne, v

euve

de

Geo

rges

le

Lap

icid

e (L

apic

ida,

Kfa

ragó

) de

Kol

ozsv

ár

bo

urge

ois

K

a, I

I, 1

01

EE

MH

, II,

178

-18

1, n

° 15

9

v. 1

530-

1535

?

min

istr

e gé

néra

l É

tienn

e de

Bát

or

baro

n ad

mis

ave

c sa

fem

me

Kat

a, s

es f

rère

et

sœur

et

ses

belle

s-so

eurs

Kol

lány

i, 79

2e

for

m.,

fol.

108

v. 1

530-

1535

?

min

istr

e pr

ovin

cial

Je

an d

e K

ápol

na, n

oble

Pie

rre

de P

est,

chan

oine

de

Vác

N

icol

as d

’Ege

r, c

uré

de S

omly

ó la

veu

ve d

e N

icol

as d

e Sz

ántó

, bo

urge

ois

de P

est

adm

is a

vec

sa f

amill

e

adm

ise

avec

ses

fils

Kol

lány

i, 79

2e

for

m.,

fol.

109-

116

v. 1

530-

1535

?

un c

usto

de

Nic

olas

Sza

bour

geoi

s de

Pes

t ad

mis

ave

c sa

fam

ille

Kol

lány

i, 79

2e

for

m.,

fol.

108

Page 575: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

CARTES, GRAPHIQUES ET TABLEAUX 575

OR

GA

NIG

RA

MM

E

587

LE

S C

AD

RE

S IN

STIT

UT

ION

NE

LS

DE

L’O

BSE

RV

AN

CE

FR

AN

CIS

CA

INE

EN

HO

NG

RIE

(X

VE-X

VIE

SIE

CL

ES)

Ce

sché

ma

sim

plifi

é ill

ustr

e le

fon

ctio

nnem

ent g

énér

al d

e la

pro

vinc

e fr

anci

scai

ne o

bser

vant

e de

Hon

grie

de

sa fo

ndat

ion

(144

8) a

u m

ilieu

du

XV

Ie s

iècl

e.

Lég

ende

:

:

visi

tes

péri

odiq

ues

ou p

onct

uelle

s

: él

ectio

n de

dir

igea

nts

: él

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n de

rep

rése

ntan

ts

�E

NIT

AL

IE :

min

istr

e gé

nér

al d

e l’o

rdre

des

frè

res

min

eurs

(« c

onve

ntue

l » ju

squ’

en 1

517)

et

ch

apit

re g

énér

aloù

siè

gent

2 d

élég

ués

hong

rois

(145

8-15

02 e

t ap

rès

1517

) :

- l

e vi

cair

e/m

inis

tre

(apr

ès 1

517)

de

la v

icai

rie/

prov

ince

obs

erva

nte

de H

ongr

ie, o

u, à

déf

aut,

son

repr

ésen

tant

(co

mm

issa

rius

)

-le

cust

ode

des

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odes

(cus

tos

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odum

), él

u pa

r le

s m

embr

es d

e la

vic

airi

e/pr

ovin

ce o

bser

vant

e

1448

-145

8 et

apr

ès 1

502

: vic

aire

gén

éral

de

la f

amil

le c

ism

onta

ine

(apr

ès15

17 :

com

mis

sair

e gé

néra

l)

et (j

usqu

’en

1517

) : c

hap

itre

gén

éral

cis

mon

tain

où s

iège

nt 2

dél

égué

s ho

ngro

is

e

t qu

i env

oie

des

com

mis

sair

es s

ur p

lace

- le

vic

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de

la v

icai

rie/

prov

ince

obs

erva

nte

de H

ongr

ie

-

le d

iscr

et d

e la

pro

vinc

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lu p

ar le

cha

pitr

e pr

ovin

cial

�E

NH

ON

GR

IE :

vic

aire

/m

inis

tre

de

la v

icai

rie/

prov

ince

de

Hon

grie

assi

sté

de -

4 dé

fini

teur

s (d

iffin

itor

es) (

à pa

rtir

de

1504

au

plus

tard

)

- 1

dis

cret

de

la p

rovi

nce

(dis

cret

us p

rovi

ncia

e)

et

ch

apit

re v

icar

ial/

prov

inci

al d

eH

ong

rie

, co

mpo

sé d

e: -

le v

icai

re/m

inis

tre

- le

disc

ret d

e la

pro

vinc

e (d

iscr

etus

pro

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iae)

/cu

stod

e de

s cu

stod

es (c

usto

s cu

stod

um) a

près

151

7

- l

es 1

0 cu

stod

es

- 10

gard

iens

- l

es 1

0 vi

site

urs

(vis

itat

ores

)

- 8

éle

cteu

rs

- 10

disc

rets

(dis

cret

i)

10

cust

odes

(en

v.)

70 g

ard

ien

s

env

. 150

0 fr

ères

Page 576: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

CARTES, GRAPHIQUES ET TABLEAUX576T

AB

LE

AU

SY

NO

PT

IQU

E D

ES

CO

UV

EN

TS

588 T

AB

LE

AU

SY

NO

PT

IQU

E D

ES

CO

UV

EN

TS

MA

SCU

LIN

S D

E L

’OB

SER

VA

NC

E F

RA

NC

ISC

AIN

E H

ON

GR

OIS

E(v

ers

1450

- v

ers

1540

)

Ce

tabl

eau

rass

embl

e le

s do

nnée

s él

émen

taire

s fo

urni

es à

ce

jour

par

la d

ocum

enta

tion

conn

ue e

t ais

émen

t acc

essi

ble.

Les

sou

rces

(im

prim

ées

ou m

anus

crite

s) n

e so

nt

indi

quée

s qu

e lo

rsqu

’elle

s pe

rmet

tent

de

rect

ifier

l’ét

at a

ntér

ieur

des

con

nais

sanc

es. L

es to

pony

mes

son

t ind

iqué

s ic

i dan

s l’o

rdre

alp

habé

tique

de

leur

for

me

hong

rois

e.

Abr

évia

tions

(co

lonn

e pa

r co

lonn

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utre

cel

les

indi

quée

s en

déb

ut d

’ouv

rage

):

�ap

. = a

près

; à p

. = à

par

tir; a

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ava

nt; e

nv. =

env

iron

; v. =

ver

s �

AU

= A

utri

che;

CR

= C

roat

ie; H

= H

ongr

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= R

oum

anie

; S =

Ser

bie;

SL

= S

lova

quie

; UK

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Ukr

aine

; YG

= Y

ougo

slav

ie

�co

m. =

com

itat;

cust

. = c

usto

die

fran

cisc

aine

obs

.; di

oc. =

dio

cèse

; pri

nc. =

pri

ncip

auté

conv

. = c

onve

ntus

(pl

us d

e 12

fr.)

; loc

. = lo

cus

(moi

ns d

e 12

fr.)

; c. =

con

vers

(la

icus

); fr

. = f

rère

(fra

ter)

; n. =

nov

ice

(nov

iciu

s) o

u pr

ofès

att

enda

nt s

on o

rdin

atio

n sa

cerd

otal

e (c

leri

cus)

; pr

. = p

rofè

s or

donn

é pr

être

(pa

ter,

sac

erdo

s)�

conf

r. =

con

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ie r

atta

chée

à u

n co

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tert

. fém

. = f

rate

rnité

de

soeu

rs te

rtia

ires

B =

bar

on, B

g =

bou

rgeo

is; N

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nob

le; f

am. =

fam

ille

ou li

gnag

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= p

atro

nus,

indi

vidu

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rçan

t un

dro

it de

pat

rona

ge s

ur le

cou

vent

(en

tan

t qu

’hér

itier

du

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ateu

r ou

par

acq

uisi

tion)

anc.

= a

ncie

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hap.

pro

v. =

cha

pitr

e de

la

prov

ince

(ou

vic

airi

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ranc

isca

ine

obs.

de

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conv

. =

« c

onve

ntue

ls »

, m

embr

es d

e la

pro

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e fr

anci

scai

ne «

mar

iani

ste

» de

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co

uv. =

cou

vent

, au

sens

larg

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onve

ntus

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locu

s); e

rm. =

erm

ites;

erm

. aug

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rmite

s de

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nt A

ugus

tin; é

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évê

que;

fra

ncis

c. =

fra

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cain

(e);

min

. = m

inis

tre

de la

pro

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de H

.; m

on. =

mon

astè

re; o

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obse

rvan

t(e)

(s);

pro

v. o

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= p

rovi

nce

fran

cisc

aine

obs

. («

salv

ator

ienn

e »)

de

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vic.

= v

icai

rie –

ou

vica

ire –

de

la p

rov.

obs

. de

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NO

M

(nom

de

la

loca

lité,

ty

pe,

quar

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LO

CA

LIS

A-

TIO

N

(cir

cons

- cr

iptio

n ci

vile

, di

ocès

e,

cust

odie

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.)

DIC

AC

E

DE

L’É

GL

ISE

TA

ILL

E

(cat

égor

ie,

effe

ctif)

ÉT

AB

LIS

-SE

-M

EN

TS

PE

N-

DA

NT

S

FO

ND

AT

ION

(dat

e,

mod

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uteu

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DIS

PA

RIT

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(dat

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circ

onst

ance

s)

CA

RA

CT

ÉR

IST

IQU

ES

ET

ÉV

ÉN

EM

EN

TS

MA

RQ

UA

NT

S

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LIO

-G

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PH

IE

SÉL

E-

CT

IVE

ET

SOU

RC

ES

Als

án(V

aro

ouL

uica

?,C

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- vi

llage

fr

onta

lier

-co

m.:

Val

-di

oc.:

Péc

s -

cust

.:Ú

jlak

St-F

ranç

ois-

d’A

ssis

e -

1509

: loc

us

13

74-1

376

(ach

evé

en 1

385)

-

créa

tion

- pa

r V

alen

tin

d’A

lsán

, év.

de

Péc

s

1526

- de

stru

ctio

n

- pa

r le

s T

urcs

ot

tom

ans

- lie

u de

rep

os d

es f

ranc

isc.

de

la

vic.

de

B

osni

e (ju

squ’

à la

pa

rtiti

on d

e 14

48)

Rom

., 8

K

a II

, 7-8

Aty

a (

aren

grad

,C

R)

- pe

tite

bour

gade

-co

m.:

Val

-di

oc.:

Péc

s -

cust

.: Ú

jlak

St-E

spri

t ou St

s -P

ierr

e-et

-P

aul (

?)

- 15

09: l

ocus

1405

- cr

éatio

n -

par

Jean

de

Mar

ót, b

an d

e M

ácsó

(B

)

1526

- de

stru

ctio

n

- pa

r le

s T

urcs

ot

tom

ans

- 14

15:

indu

lgen

ces

pont

ifi-

cale

s at

tiran

t de

nom

breu

x pè

-le

rins

tou

s le

s se

pt a

ns,

obte

-nu

es à

la

dem

ande

du

fond

a-te

ur (

1414

) -

chap

. pro

v.: 1

495,

149

9, 1

511

Rom

., 9-

10

Ka

II, 8

-10

AcB

os,

n°42

7,

n°59

3

Page 577: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

CARTES, GRAPHIQUES ET TABLEAUX 577

TA

BL

EA

U S

YN

OP

TIQ

UE

DE

S C

OU

VE

NT

S 58

9

Aty

ina

(Vo

in,

CR

)

- fort

eres

se

-co

m.:

Krö

s -

dioc

.:

Zag

reb

-cu

st.:

Slav

onie

Ste -

Vie

rge-

Mar

ie

- 15

09: l

ocus

- 15

35: 1

6 fr

. (7

pr.

, 1 n

.,

8 c.

)

- te

rt. fé

m.

(fin

XV

e

s. ?

-v.

15

37);

conf

esse

ur

(153

5)

1496

- cr

éatio

n -

par

Cat

heri

ne

d’Ú

jlak,

veu

ve

de J

ean

de

Kor

bava

et

sa

sœur

E

uphr

osyn

e (B

)

1535

-153

7-

aban

don

-

face

à la

pr

ogre

ssio

n tu

rque

, apr

ès

la p

rise

de

Poz

sega

- dè

s 14

07,

le p

ape

Gré

goir

e X

II a

urai

t au

tori

sé le

s fr

. obs

. à

s’in

stal

ler

dans

ce

co

uv.;

en

1496

, le

s so

urce

s pa

rlen

t ce

-pe

ndan

t d’u

ne f

onda

tion

- 15

01:

le l

égat

Pie

rre

Izva

lics

tran

scri

t po

ur c

e co

uv.

la b

ulle

de

cro

isad

e co

ntre

les

Tur

cs d

e 15

00

- so

utie

n de

Wla

disl

as I

I et

de

Jean

C

orvi

n au

x tr

avau

x de

co

nstr

uctio

n -

1529

: l’u

n de

s fr

. est

ass

assi

par

les

Tur

cs à

pro

xim

ité d

u co

uv.

Rom

., 10

K

a II

, 10-

12 5

44

Hor

vat,

13-1

8

MF

L, f

ds

I,

ms

VII

, L

XX

VII

, L

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XII

I

Bra

ssó

(Bra

ov, R

)

- vi

lle

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stri

ct s

axon

de B

rass

ó - d

ioc.

:

Esz

terg

om

- cus

t.:

Tra

nsyl

vani

e

St-J

ean-

Bap

tiste

-

1509

: loc

us

- te

rt. fé

m.

(av.

153

4-15

56);

églis

e (1

535)

; ap

. 153

1,

conf

iées

au

x fr

. de

Csí

k-so

mly

ó

1507

-

créa

tion,

à la

de

man

de d

es

habi

tant

s (1

492)

-

anno

ncée

par

le

vic

. de

H.

Osw

ald

de

Las

kó (

1507

)

1531

- dé

part

des

fr

ères

-

hos

tilité

des

ha

bita

nts

- vo

catio

n: e

ncad

rer

la p

opu-

latio

n ur

bain

e et

( ?

) ap

puye

r le

s m

issi

ons

en M

olda

vie

- à

p. d

e 15

07 e

nv.:

long

pro

cès

entr

e le

cur

é, s

oute

nu p

ar la

mu-

nici

palit

é, e

t la

pro

v. o

bs.;

no-

min

atio

n d’

un s

yndi

cus

char

gé d

e dé

fend

re l

es f

rère

s en

150

8; i

s-su

e dé

favo

rabl

e au

x fr

ères

mal

-gr

é l’i

nter

vent

ion

du

voïv

ode

Etie

nne

(II)

de

Bát

[h]o

r (1

520)

-

1529

: mas

sacr

e de

nom

breu

x fr

. pa

r le

s T

urcs

; le

ch

ap.

y en

voie

de

nouv

eaux

fr.

-

1531

: tr

ansf

ert

de l

’hor

loge

du

cou

v. à

Csí

ksom

lyó,

en

pré-

visi

on d

’un

dépa

rt p

réci

pité

; ce

couv

. n’

appa

raît

plus

dan

s le

s in

vent

aire

s à

p. d

e ce

tte

date

Rom

., 15

K

a II

, 19

Bor

os, 4

0 (q

ui p

arle

de

clar

isse

s et

no

n de

te

rtia

ires

) G

yörg

y,

138-

139

(idem

) R

usu,

81-

82 1er f

orm

., fo

l. 86

-87

(150

8)

Page 578: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

CARTES, GRAPHIQUES ET TABLEAUX578T

AB

LE

AU

SY

NO

PT

IQU

E D

ES

CO

UV

EN

TS

590 Bu

da

(Bud

apes

t,ri

ve d

roite

, H

)

- vi

lle e

t ca

pita

le d

u ro

yaum

e

-co

m.:

Pili

s - d

ioc.

:

Ves

zpré

m

-cu

st.:

Esz

terg

om

St-J

ean-

l’É

v.

- 14

99:

nom

breu

x

(le c

hap.

pr

ov. i

mpo

se

1 m

esse

+

vêpr

es

chan

tées

par

jo

ur)

- 15

09:

conv

entu

s-

1535

: 28

fr.

(14

pr.,

2 n.

, 10

c.)

-te

rt. fé

m.

(v. 1

290,

tr

ansf

ert

en 1

448

- 15

41);

nouv

elle

m

aiso

n (1

536)

-

conf

r.(v

. 151

5)

1444

- tr

ansf

ert

- su

r or

dre

du

léga

t Jul

ien

Ces

arin

i, co

nfir

par

le

léga

t Jea

n de

C

arva

jal (

1448

)

1541

-

aban

don

- oc

cupé

par

le

s T

urcs

ap

rès

la p

rise

de

Bud

a

- lie

u ha

bitu

el d

e ré

side

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du

vic.

(min

.) de

la p

rov.

obs

. de

H.

- at

elie

r d’

écri

ture

et

dépô

t de

s ar

chiv

es d

e l’o

rdre

-

stud

ium

ge

nera

le,

où e

nsei

gna

Pel

bart

de

Tem

esvá

r -

nom

breu

x ch

ap.

prov

.: 14

73

1483

148

7 14

89 1

501

1503

150

5 15

05 1

515

1520

152

3 15

39

- 145

5: sé

jour

de

Jean

de

Cap

estra

n -

1520

: vi

site

du

m

in.

gén.

F

ranç

ois

Lic

chet

i -

1526

, 152

9: m

assa

cre

de 8

fr.

pu

is 9

fr.

par

les

Tur

cs

Rom

., 16

K

a II

, 19-

22 5

44-

548

1er f

orm

., fo

l. 59

-60

(v. 1

515)

Cék

e(C

ejk

ov,

S L)

- vi

llage

-co

m.:

Zem

plén

- d

ioc.

: Ege

r -

cust

.:

Sáro

spat

ak

Ste -

Vie

rge-

M

arie

av

. 145

9-

créa

tion

- pa

r L

adis

las

de

Cék

e (d

’Im

reg)

(N

b ou

B)

1548

- ex

puls

ion

- or

donn

ée

par

le

prot

esta

nt

Gab

riel

de

Per

ény

- 15

12:

P =

fam

. So

ós

de

Sóvá

r,

puis

P

ierr

e de

P

érén

y (v

. 154

0) (

B)

- v.

154

0: t

oute

la r

égio

n pa

sse

aux

mai

ns d

e P

ierr

e de

Per

ény,

pr

otes

tant

; d’

agre

ssio

ns

répé

tées

con

tre

les

fr.

(pill

age

et

mas

sacr

e du

ga

rdie

n,

puis

ex

puls

ion

défi

nitiv

e)

Rom

., 17

K

a II

, 34-

35

Csá

kán

y(C

sák

ány,

H)

- vi

llage

-co

m.:

Som

ogy

- dio

c.:

Ves

zpré

m

-cu

st.:

Ozo

ra

(154

4:

Uzs

asze

ntlé

lek)

-

1509

: loc

us

av

. 151

6-

créa

tion

- pa

r la

fam

ille

Ally

a de

K

orok

na

(Nb

ou B

)

1544

-154

6-

aban

don

et

trans

form

atio

n en

for

t

- 15

32: p

illé

et i

ncen

dié

par

les

Tur

cs (

2 fr

. tu

és),

suite

à q

uoi

le c

hap.

pro

v. d

e 15

33 d

écid

e so

n ab

ando

n -

1537

: re

stau

ré p

uis

réoc

cupé

en

153

7, m

ais

en m

auva

is é

tat

en 1

542

Rom

., 18

K

a II

, 24

Csa

nád

(C

enad

, R)

- vi

lle

épis

copa

le

-co

m.:

Csa

nád

- dio

c.:

Csa

nád

-cu

st.:

Jen

Ste -

Vie

rge-

M

arie

-

1509

: loc

us-

1535

: 15

fr.

(8 p

r., 2

n.,

5 c.

)

-te

rt. fé

m.

(av.

154

2 -

av. 1

551)

1493

- cr

éatio

n à

p.

d’un

anc

. mon

. bé

n.-

à la

dem

ande

de

l’év

. de

1550

-

aban

don

-

aprè

s le

re

trai

t des

tr

oupe

s ho

ngro

ises

- an

cien

mon

. bé

nédi

ctin

abr

i-ta

nt l

e sé

pulc

re e

n ar

gent

de

sain

t G

érar

d -

1448

: pr

emiè

re t

enta

tive

de

tran

sfer

t du

mon

. aux

fr.

obs

. -

1514

: att

aqué

par

les

pays

ans

Rom

., 18

K

a II

, 22-

24 5

48

MF

L, f

ds

I, m

s LX

XV

I

Page 579: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

CARTES, GRAPHIQUES ET TABLEAUX 579

TA

BL

EA

U S

YN

OP

TIQ

UE

DE

S C

OU

VE

NT

S 59

1

Csa

nád,

ac

cept

ée p

ar le

pa

pe

face

à l’

arm

ée

turq

ue

révo

ltés;

le

s ve

stig

es

du

cer-

cuei

l de

sain

t G

érar

d so

nt a

lors

tr

ansf

érés

à P

est

- 15

39-1

542:

éco

le d

e no

vice

s C

seri

(Sac

ou

Tur

cesc

, R)

- pe

tite

bour

gade

-co

m.:

Tem

es

- dio

c.:

Csa

nád

-cu

st.:

Jen

Ste -

Vie

rge-

M

arie

v.

136

6-

créa

tion

- pa

r le

roi

L

ouis

le G

rand

av. 1

516

- de

stru

ctio

n -

par

les

Tur

cs

- d’

abor

d ra

ttac

hé à

la c

usto

die

de

Bul

gari

e,

dans

la

vi

c.

de

Bos

nie

(138

4-13

85)

- vo

catio

n: c

onve

rtir

et

enca

-dr

er le

s R

oum

ains

de

la r

égio

n de

Tem

es

- m

entio

nné

en 1

478

mai

s pl

us

en 1

516,

ni d

ans

l’inv

enta

ire

de

1509

Rom

., 19

K

a II

, 25,

88

, 109

R

usu,

220

Csí

ksom

-ly

ó(

umul

eu

Ciu

c, R

)

- bo

urga

de

-si

ège

sicu

le d

e

Csí

k- d

ioc.

:

Tra

nsyl

vani

e - c

ust.:

Tra

nsyl

vani

e

Ste -

Vie

rge-

M

arie

-

1509

: loc

us- 1

535:

14

fr.

(7 p

r., 1

n.,

6 c.

)-

1562

-157

2:

7 à

8 fr

.

-te

rt. fé

m.

(av.

1535

-15

70);

conf

esse

ur

(153

5);

à p.

de

1531

, el

les

ont

la

tute

lle d

es

tert

. de

Bra

ssó

1441

(ach

evé

en

1448

) -

créa

tion

- pa

r Je

an d

e H

unya

d

---

(exi

ste

touj

ours

)

- au

seu

il de

l’a

band

on e

n

1601

(un

seul

fr

. c.,

âgé

et

aveu

gle)

pu

is r

epeu

plé

en 1

626

- dè

s 14

00:

le

pape

ac

cord

e l’a

utor

isat

ion

de

fond

er

4 co

uv.,

dont

ce

lui-

ci

(Bill

ich)

, m

ais

aucu

ne tr

ace

av. 1

441

- vo

catio

n in

itial

e:

poin

t de

part

de

s m

issi

ons

vers

la

M

olda

vie

et e

ncad

rem

ent

des

Sicu

les;

de

venu

le

sa

nctu

aire

m

aria

l de

s Si

cule

s (c

élèb

re s

ta-

tue

réal

isée

en

1520

), ce

qu’

il es

t enc

ore

- à

p. d

e 14

44: b

iblio

thèq

ue

- 14

44, 1

445:

indu

lgen

ces

pon-

tific

ales

po

ur

la

(re)

cons

-tr

uctio

n de

l’ég

lise

- 14

62:

conf

irm

atio

n de

pr

i-vi

lège

s pa

r le

roi

Mat

hias

Ier

- fin

X

Ve -

déb.

X

VIe

s.:

atel

ier

d’éc

ritu

re e

t ( ?

) de

rel

iure

-

1552

-155

3:

couv

. in

cend

par

les

trou

pes

(pro

test

ante

s)

du v

oïvo

de d

e M

olda

vie

Rom

., 19

E

ntz,

107

-10

8, 2

55,

264

Ka

II, 2

6-28

548

(qui

si

tue

la

fond

atio

n en

14

41-1

448)

M

uck.

, 11-

14

72-

73

Rus

u, 1

72-

175

Bor

os, 3

7 27

1 (qu

i situ

e la

fon

datio

n ef

fect

ive

en

1400

) G

yörg

y,

146-

166

Gyö

rgy

(éd.

), 67

1-67

3

Page 580: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

CARTES, GRAPHIQUES ET TABLEAUX580T

AB

LE

AU

SY

NO

PT

IQU

E D

ES

CO

UV

EN

TS

592 Dia

kóvá

r(akovo,

CR

)

- vi

lle

-co

m.:

Val

- dio

c.:

Bos

nie

-cu

st.:

Slav

onie

(1

448)

pui

s Ú

jlak

(av.

14

75)

puis

Sl

avon

ie

(152

6)

-

1509

: locus

- 15

35: 9

fr.

(5

pr.

, 4 c

.)

1347

-135

5 (a

chev

é av

. 13

56)

- cr

éatio

n -

par

les

fran

cisc

. de

Bos

nie

1536

-

expu

lsio

n et

oc

cupa

tion

des

loca

ux

- ap

rès

la p

rise

de

la v

ille

par

les

Tur

cs

- le

plu

s an

cien

cou

v. f

r. o

bs.

de la

pro

v. d

e H

. -

voca

tion

initi

ale:

ref

uge

des

fran

cisc

. de

Bos

nie

- d’

abor

d ra

ttac

à la

cu

st.

d’O

zora

(13

84-1

385)

, pui

s ce

n-tr

e de

cus

t. (1

420)

au

sein

de

la

vic.

de

B

osni

e;

ratt

aché

à

la

cust

. ho

ngro

ise

de S

lavo

nie

en

1448

-

chap

. pro

v.: 1

420

Rom

., 21

K

a II

, 35-

36

Eg

ervá

r(E

gerv

ár,

H)

- bo

urga

de

-co

m.:

Zal

a - d

ioc.

:

Ves

zpré

m

-cu

st.:

Uzs

asze

ntlé

lek

Ste -

Vie

rge-

M

arie

-

1509

: locus

- 15

35: 1

1 fr

. (6

pr.

, 5 c

.) -

1558

: 1 à

2

fr.

seul

emen

t

1490

(a

chev

é en

14

93)

- cr

éatio

n -

par

Lad

isla

s d’

Ege

rvár

(B

) pu

is a

chev

é pa

r so

n ne

veu

ap. 1

562

- ex

puls

ion

- su

r or

dre

du

P, l

uthé

rien

- 14

93-1

523:

Bri

ce d

’Ege

rvár

, év

. de

Kni

n et

P d

u vi

c., r

ésid

e su

r pl

ace,

en

se f

aisa

nt c

ons-

trui

re u

ne c

ham

bre

sépa

rée

- 14

96:

exem

ptio

n de

ta

xes

roya

les

pour

tou

s ce

ux q

ui s

’in-

stal

lera

ient

à p

roxi

mité

du

couv

. -

1523

: P

= f

am.

de K

aniz

sa,

puis

de

Nád

asd

- 15

51:

mis

e so

us

clef

de

s ob

jets

pr

écie

ux

du

couv

., co

nfié

s au

P

- 15

54: d

erni

er g

ardi

en n

omm

é da

ns c

e co

uv.

Rom

., 22

K

a II

, 38-

40

Erm

ény

(Gherman

,R

)

- bo

urga

de

-co

m.:

Kra

ssó

- dio

c.:

Csa

nád

-cu

st.:

Kev

e (v

ic. d

e B

osni

e)

v. 1

366

- cr

éatio

n -

par

le b

an d

e B

ulga

rie

Ben

oît

Him

fi (B

)

1399

-

dest

ruct

ion

- pa

r le

s in

curs

ions

tu

rque

s

- vo

catio

n: c

onve

rtir

les

Rou

-m

ains

et

le

s B

ulga

res

de

la

régi

on

Rom

., 23

K

a II

, 43-

44 Rus

u, 1

45

Esz

ter-

gom

(Esztergom

,H

)

-co

m.:

Esz

terg

om

- dio

c.:

Esz

terg

om

Ste -

Vie

rge-

M

arie

-

1499

: no

mbr

eux

(le

cha

p.

prov

. im

po-

1448

- tr

ansf

ert

- or

donn

é pa

r le

gat J

ean

1543

- de

stru

ctio

n -

par

les

Tur

cs, q

ui

- an

cien

cou

v. f

ranc

isc.

fon

par

le r

oi B

éla

IV (

1229

), qu

i de

man

da à

y ê

tre

ense

veli

- ce

ntre

de

la p

rem

ière

cus

to-

Rom

., 24

K

a I,

161

-16

6 et

II,

44

-45

Page 581: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

CARTES, GRAPHIQUES ET TABLEAUX 581

TA

BL

EA

U S

YN

OP

TIQ

UE

DE

S C

OU

VE

NT

S 59

3

- vi

lle

épis

copa

le

- qu

artie

r de

Kir

ályi

V

áros

(vill

e ro

yale

)

-cu

st.:

Esz

terg

om

se 1

mes

se

chan

tée

par

jour

) -

1509

: co

nven

tus

- 15

31:

enco

re

conv

entu

s-

1535

: 4 f

r.

(2 p

r., 2

c.)

Car

vaja

l, à

la

dem

ande

de

l’arc

hev.

Den

is

de S

zécs

, qui

fa

it ap

pliq

uer

cett

e dé

cisi

on

s’em

pare

nt d

e la

vill

e di

e de

la p

rov.

obs

. de

H.

- ch

ap. p

rov.

: 147

9, 1

507

- 14

95: P

elba

rt d

e T

emes

vár

en

est

le g

ardi

en

- 15

26:

mas

sacr

e de

3 f

r. p

ar

les

Tur

cs

- 15

32:

ince

ndie

du

cloî

tre

et

du c

hoeu

r de

l’é

glis

e pe

ndan

t le

si

ège

d’E

szte

rgom

pa

r le

s ar

mée

s tu

rque

s F

ehér

egy

ház

a(A

lbe

ti, R

)

- vi

llage

-co

m.:

(Fel

s)F

ehér

- d

ioc.

:

Tra

nsyl

vani

e -

cust

.: T

ran-

sylv

anie

( 1

535

-153

7:

Mar

os-

vásá

rhel

y)

-

1509

: loc

us- 1

535:

19

fr.

(8 p

r., 3

n.,

8 c.

)

- te

rt. fé

m.

(av.

153

5-15

56);

conf

esse

ur

« sa

xon

» (1

535)

1440

-144

8-

créa

tion

- pa

r la

fam

. de

Nád

asd

ou

plut

ôt

de V

izak

na

(Nb

ou B

)

1556

- ab

ando

n -

face

au

prot

esta

ntis

me

dom

inan

t

- pe

uplé

pr

inci

pale

men

t de

«

Saxo

ns »

(1

535)

, m

ais

dons

ve

nant

au

ssi

bien

d’

habi

tant

s ho

ngro

is q

u’al

lem

ands

(150

7)

Rom

., 24

-25 K

a II

, 45-

46 5

48

Bor

os, 3

8 27

2 R

usu,

54-

55

Fel

falu

(Sus

eni,

R)

- vi

llage

-co

m.:

Tor

da

- dio

c.:

Tra

nsyl

vani

e -

cust

.:

Tra

nsyl

vani

e (1

535-

1537

: M

aros

-vá

sárh

ely)

St-M

iche

l -

1509

: loc

us-

1535

: 21

fr.

(7 p

r., 4

n.,

10 c

.)

-te

rt. fé

m.

(av.

153

5-

v. 1

540)

; co

nfes

seur

(1

535)

1427

-143

1-

créa

tion

- pa

r Je

an f

ils d

e D

ésir

é (D

esz

fi)de

Los

onc

(B)

v. 1

540

- ab

ando

n -

grav

es d

égât

s su

r le

s bâ

timen

ts,

d’or

igin

e in

conn

ue

- vo

catio

n in

itial

e: c

onve

rtir

les

Rus

ses

et

les

Rou

mai

ns

des

envi

rons

-

peup

prin

cipa

lem

ent

de

« Sa

xons

» (

1535

) -

1542

: P =

Fra

nçoi

s K

endy

-

1542

, 15

44:

Fra

nçoi

s K

endy

de

man

de l

e re

tour

des

frè

res

mai

s ne

re

stau

re

pas

les

bâtim

ents

Rom

., 25

K

a II

, 47-

49 5

49

Bor

os, 3

7 27

1-27

2 G

yörg

y,

73-7

4

lek

(Fil’akovo,

S L)

- fort

eres

se

- com

.:N

ógrá

d - d

ioc.

:

Esz

terg

om

-cu

st.:

Széc

sény

(1

544:

E

szte

rgom

)

-

1509

: loc

us

14

55-1

484

- cr

éatio

n -

par

la f

am.

Per

ény

(B)

av. 1

546

- ab

ando

n -

plac

e pa

ssée

au

x m

ains

du

prot

esta

nt

Fra

nçoi

s B

ebek

- fo

ndat

ion

fais

ant

suite

à u

ne

dona

tion

roya

le d

e L

adis

las

V

(145

5)

en

fave

ur

de

Jean

de

P

erén

y

Rom

., 25

-26 K

a II

, 49-

50 MF

L, f

ds

I., m

s L

II

Page 582: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

CARTES, GRAPHIQUES ET TABLEAUX582T

AB

LE

AU

SY

NO

PT

IQU

E D

ES

CO

UV

EN

TS

594 Fu

tak

(Fut

ak,

YG

)

- bo

urga

de

- com

.:N

ógrá

d - d

ioc.

:

Kal

ocsa

-

cust

.: Ú

jlak

(154

4-:

Esz

terg

om)

-

1509

: loc

us15

04-1

509

- cr

éatio

n -

par

Em

eric

T

örök

(le

Tur

c)

d’E

nyin

g, b

an

de B

elgr

ade

(B)

1526

- de

stru

ctio

n

- pa

r le

s T

urcs

- co

uv.

cons

trui

t pa

r de

s pr

i-so

nnie

rs t

urcs

-

chap

. pro

v.: 1

517

Rom

., 25

K

a II

, 49

1er f

orm

., fo

l. 23

3

Gal

góc

(Hlo

dove

c,S L

)

- fort

eres

se

- com

.: N

yitr

a - d

ioc.

:

Esz

terg

om

-cu

st.:

Széc

sény

Tou

ssai

nts

- 15

09: l

ocus

1465

-

créa

tion

à p.

d’

une

chap

elle

-

par

Nic

olas

d’

Újla

k, a

nc.

voïv

ode

de

Tra

nsyl

vani

e (B

)

1576

- in

cend

ie e

t ex

puls

ion

-

sur

ordr

e d’

Ada

m

Ung

nad,

fils

d’

Elis

abet

h T

hurz

ó et

pr

otes

tant

-

reto

ur d

es f

r.

en 1

604

(jus-

qu’ e

n 17

86)

- rô

le a

ctif

dan

s l’e

ndig

uem

ent

du h

ussi

tism

e -

v. 1

492:

agr

andi

ssem

ent

par

Lau

rent

d’Ú

jlak,

fils

de

Nic

olas

-

1523

: P

=

Ale

xis

Thu

rzó,

pu

is s

a fi

lle E

lisab

eth

(154

3)

- ap

. 15

43,

grav

es

diff

icul

tés

d’ap

prov

isio

nnem

ent,

le c

ouv.

ét

ant

aux

mai

ns d

e se

igne

urs

prot

esta

nts,

m

algr

é l’a

ide

ponc

tuel

le d

u ro

i F

erdi

nand

Ier e

n 15

51

Rom

., 26

K

a II

, 52-

55

Ger

la(G

erla

, H)

- vi

llage

- com

.: B

ékés

- d

ioc.

:

Nag

yvár

ad

-cu

st.:

Jen

-

1531

: 4 à

6

fr.

- 153

5: 1

3 fr

. (8

pr.

, 5 c

.)

1531

- cr

éatio

n à

p.

d’un

anc

. mon

. -

par

Etie

nne

Ábr

ánfi

(Nb

ou

B)

1536

- ab

ando

n -

les

succ

es-

seur

s d’

Etie

n-ne

Ábr

ánfi

re

fuse

nt d

’ai-

der

les

fr. à

ac

heve

r le

s tr

avau

x

- de

rniè

re

fond

atio

n de

la

pr

ov. f

ranc

isc.

obs

. de

Hon

grie

-

dem

euré

e in

ache

vée

en r

ai-

son

de la

mor

t du

fond

ateu

r

Rom

., 27

K

a II

, 58

Gyö

ng

yös

(Gyö

ngyö

s,H

)

- bo

urga

de

- com

.: H

eves

- d

ioc.

: Ege

r -

cust

.:

Esz

terg

om

Not

re-

Dam

e-de

-la-

Vis

itatio

n

- 15

06,

1509

: loc

us

- 15

35: 1

8 fr

. (8

pr

., 10

c.)

- 15

58: 1

8 fr

. (9

pr.

, 2 n

., 7

c.)

-te

rt. fé

m.

(v. 1

480-

1541

); fo

ndé

par

Dor

othé

e B

ánfi

, ve

uve

de

Jean

de

1467

(a

chev

é en

14

75)

- tr

ansf

ert

(con

v.)

- de

man

dé p

ar

Jean

Ors

zág

de

Gút

(B

)

1786

-179

0-

diss

olut

ion

de l’

ordr

e,

sur

déci

sion

de

Jos

eph

II

- an

c. c

ouv.

fra

ncis

c. f

ondé

en-

tre

1332

et

1370

par

la

fam

. Sz

écsé

ny, a

gran

di e

t re

stau

ré v

. 14

60-1

468,

pui

s v.

149

0 -

l’un

des

rare

s co

uven

ts

à av

oir

surv

écu

à l’o

ccup

atio

n tu

rque

(15

41-1

686)

, av

ec c

eux

de S

zako

lca

et d

e Sz

eged

Rom

., 28

K

a II

, 58-

63 5

49-

550

Fáy

, 11-

25

1er f

orm

, fo

l. 34

v.

(150

6)

Page 583: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

CARTES, GRAPHIQUES ET TABLEAUX 583

TA

BL

EA

U S

YN

OP

TIQ

UE

DE

S C

OU

VE

NT

S 59

5

Roz

gony

(B

) -

1526

: to

iture

in

cend

iée

par

les

Tur

cs

- ch

ap. p

rov.

: 153

5, 1

581.

.. -

1538

-153

9:

grav

es

accu

sa-

tions

con

tre

les

fr. e

t le

s so

eurs

te

rtia

ires

, pu

bliq

uem

ent

dé-

men

ties

par

la m

unic

ipal

ité

- 15

41: l

e co

uv. o

btie

nt la

pro

-te

ctio

n du

sul

tan

Soul

eim

an, c

e qu

i le

met

à l’

abri

des

vio

lenc

es

prot

esta

ntes

G

yörg

yi(G

yörg

yi,

H)

- vi

llage

- com

.: T

olna

- d

ioc.

: Péc

s -

cust

.: O

zora

St-G

régo

ire-

le-G

rand

-

1509

: loc

us- 1

535:

16

fr.

(10

pr.,

6 c.

)

1459

-

créa

tion

- G

régo

ire

Bod

ó de

G

yörg

yi (N

b

réce

mm

ent

prom

u B

)

1543

- ab

ando

n

- oc

cupa

tion

turq

ue

- 15

17-1

519:

con

flits

ave

c le

P,

Fra

nçoi

s B

odó

à pr

opos

de

la

vais

selle

litu

rgiq

ue

- 15

26-1

529:

les

fr.

qui

tten

t le

co

uv. p

our

écha

pper

aux

Tur

cs

- av

. 15

42:

les

obje

ts p

réci

eux

sont

rem

is a

ux d

esce

ndan

ts d

u fo

ndat

eur

Rom

., 28

K

a II

, 70

Gyu

la(G

yula

, H)

- pe

tite

ville

- com

.: B

ékés

- d

ioc.

:

Nag

yvár

ad

-cu

st.:

Jen

Ste -

Vie

rge-

Mar

ie

- 15

09: l

ocus

- 15

31: p

ro-

mu

au r

ang

de co

nven

tus

- 15

35: 2

3 fr

. (1

0 pr

., 5

n.,

8 c.

)

-te

rt. fé

m.

(v. 1

450-

15

66);

conf

esse

ur

(153

5);

tenu

res

urba

ines

(1

560-

1564

)

1420

(ach

evé

av.

1452

) -

créa

tion

- Je

an d

e M

arót

, ba

n de

Mac

(B)

1556

- ab

ando

n pu

is d

émo-

litio

n (1

566)

-

host

ilité

du

com

man

dant

de

la p

lace

, pr

otes

tant

, pu

is

dest

ruct

ion

par

les

Tur

cs

- ch

ap. p

rov.

: 145

2, 1

490,

153

3 -

à p.

de

1529

: sou

tien

actif

de

l’év.

de

N

agyv

árad

E

mer

ic

Czi

bak,

nou

veau

sei

gneu

r de

la

ville

, pu

is

de

son

neve

u et

su

cces

seur

Nic

olas

Pat

óczy

-

1542

: éco

le d

e th

éolo

gie

Rom

., 28

-29 K

a II

, 70-

72, 5

50

Har

am(B

anat

ska

Pal

ank

a,Y

G)

- com

.:K

rass

ó - d

ioc.

:

Csa

nád

-cu

st.:

Krö

s (1

385)

1366

-

créa

tion

- pa

r le

roi

L

ouis

Ier

1433

-145

8-

aban

don

- fa

ce a

ux

Tur

cs, q

ui

s’em

pare

nt d

e la

pla

ce v

oi-

- vo

catio

n in

itial

e: c

onve

rtir

les

slav

es o

rtho

doxe

s R

om.,

30

Ka

II, 7

3

Page 584: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

CARTES, GRAPHIQUES ET TABLEAUX584T

AB

LE

AU

SY

NO

PT

IQU

E D

ES

CO

UV

EN

TS

596 - vi

llage

fr

onta

lier

sine

de

Szen

-dr

en

1458

H

arap

k(Rokovci

?,

CR

)

- vi

llage

-co

m.:

Val

-di

oc.:

Péc

s -

cust

.:Sl

avon

ie o

u Ú

jlak

?

av. 1

433

- cr

éatio

n -

par

la f

am.

Bot

os (

B)

v. 1

475

- de

stru

ctio

n -

par

les

Tur

cs

R

om.,

30

Ka

II, 7

3

Hát

szeg

=

Hac

ak(Haeg

, R)

- pe

tite

bour

gade

ab

rita

nt u

n m

arch

é

-co

m.:

Hun

yad

-di

oc.:

Tra

nsyl

vani

e -

cust

.:T

rans

ylva

nie

v. 1

400

(o

u d

ès 1

366

?)-

créa

tion

- pa

r le

s fr

ères

du

cou

v. d

e K

arán

sebe

s (o

u pa

r L

ouis

Ier

?)

1479

-

dest

ruct

ion

- pa

r le

s T

urcs

- vo

catio

n in

itial

e: c

onve

rtir

les

Rou

mai

ns s

chis

mat

ique

s -

1420

: gr

aves

dég

âts

lors

d’u

-ne

incu

rsio

n tu

rque

-

1428

: le

ttre

de

prot

ectio

n du

ro

i Sig

ism

ond

- 14

56:

visi

te

de

Jean

de

C

apes

tran

Rom

., 30

K

a II

, 72-

73 Bor

os, 3

7 G

yörg

y,

231-

233

Rus

u, 1

47-

148

Hed

re-

hel

y(Hedrehely

,H

)

- bo

urga

de

- com

.:So

mog

y -

dioc

.:V

eszp

rém

-

cust

.: O

zora

(1

544:

U

zsas

zent

léle

k)

-

1509

: locus

- 15

35: 1

7fr.

(9

pr.

, 2 n

., 6

c.)

1490

-150

4 -

créa

tion

- pa

r la

fam

. Z

opa

(Nb)

1546

-

aban

don

- fa

ce a

ux

pres

sion

s de

l’o

ccup

ant

turc

- 15

32:

mas

sacr

e de

qua

tre

fr.

par

les

Tur

cs

- v.

156

0 :

un f

r. v

it to

ujou

rs

sur

plac

e

Rom

., 31

K

a II

, 74-

75

Hom

onn

a(Humenné

,S L

)

- bo

urga

de

-co

m.:

Zem

plén

- d

ioc.

: Ege

r - c

ust.:

Sáro

spat

ak

Ste -

Vie

rge-

Mar

ie

- 15

09: locus

1480

-148

8-

créa

tion

- pa

r la

fam

. D

ruge

th d

e H

omon

na (

B)

1531

- ab

ando

n

- at

taqu

e de

la

loca

lité

par

les

trou

pes

alle

-m

ande

s m

e-né

es p

ar

Kat

zian

er,

puis

pas

sage

au

prot

esta

ntis

me

des

Dru

geth

(P

) v. 1

540

(re-

tour

des

fr. e

n 16

63)

- 15

28:

ince

ndie

de

l’égl

ise

et

du c

ouv.

par

les

par

tisan

s de

F

erdi

nand

de

Hab

sbou

rg,

op-

posé

s au

sei

gneu

r de

la

ville

, ne

veu

et p

artis

an d

e Je

an d

e Sz

apol

ya

Rom

., 31

K

a II

, 75

Page 585: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

CARTES, GRAPHIQUES ET TABLEAUX 585

TA

BL

EA

U S

YN

OP

TIQ

UE

DE

S C

OU

VE

NT

S 59

7

Igal

(Iga

l, H

)

- fo

rêt

proc

he

d’un

e bo

urga

de

abri

tant

un

mar

ché

-co

m.:

Som

ogy

- dio

c.:

Ves

zpré

m

- auc

une

cust

odie

obs

.

Ste -

Vie

rge-

Mar

ie

1434

-145

2-

créa

tion

- pa

r un

fr

anci

sc.,

Gill

es

d’Ig

al a

vec

auto

risa

tion

pont

ific

ale

ap. 1

464

-ab

ando

n -

pres

sion

s de

s di

rige

ants

de

la p

rov.

ob

s. d

e H

., so

uten

us p

ar

l’arc

hev.

d’

Esz

terg

om

et l’

év. d

e V

eszp

rém

- er

mita

ge i

solé

rat

tach

é à

une

chap

elle

-

stat

ut p

artic

ulie

r d’

auto

nom

ie

par

rapp

ort

à la

pro

v. o

bs.

de

H.

(con

firm

é pa

r le

pap

e en

14

62 p

uis

1464

), m

ais

non

re-

conn

u pa

r le

s di

rige

ants

de

ce

lle-c

i (m

enac

e d’

exco

mm

u-ni

catio

n en

146

2)

Rom

., 31

-32 K

a II

, 80-

81

Ivan

ics

(Iva

ni,

CR

)

- bo

urga

de

-co

m.:

Zag

reb

-di

oc.:

Zag

reb

-cu

st.:

Slav

onie

Ste -

Mar

ie-

Mad

elei

ne

- 15

09: l

ocus

- 153

5: 1

6 fr

. (8

pr.

, 2 n

., 6

c.)

1508

- cr

éatio

n à

p.

d’un

anc

. mon

. ci

ster

cien

-

par

l’év.

Luc

de

Sze

ged,

se

igne

ur d

u lie

u

1537

-

aban

don

- fac

e au

x tr

ou-

pes

turq

ues

ap.

la c

hute

de

Pozs

ega

et la

faite

d’E

szék

(p

uis

tran

s-fo

rmé

en fo

rt)

- re

crut

emen

t ré

gion

al

(Sla

-vo

nie)

R

om.,

32

Ka

II, 8

1-83

Jász

-b

erén

y =

Ber

ény

(Jás

zber

ény,

H)

- bo

urga

de

-co

m.:

Kül

s-

Szol

nok

- dio

c.: V

ác

- cus

t.:E

szte

rgom

Ste -

Vie

rge-

Mar

ie

- 15

09: l

ocus

- 15

35: 1

6 fr

. (8

pr.

, 8 c

.)

-te

rt. fé

m.

(fin

XV

e

s. ?

-154

1);

conf

esse

ur

(153

5)

av. 1

480

- tr

ansf

ert

par

com

prom

is

avec

les

conv

. m

ais

auss

i sur

or

dre

du r

oi

Mat

hias

Ier

1567

- ex

puls

ion

des

fr. p

ar le

s T

urcs

et

tran

s-fo

rmat

ion

en

fort

; seu

l res

te

dans

la v

ille

le

préd

icat

eur

- an

cien

cou

v. f

ranc

isc.

fon

en

1472

pa

r la

co

mm

unau

yazi

gue

- ch

ap. p

rov.

: 153

7 -

à p.

de

15

58:

nom

inat

ion

d’un

pré

dica

teur

pou

r ré

fute

r le

s th

èses

pro

test

ante

s, s

ur p

la-

ce ju

squ’

en 1

583

- 15

60:

un p

rote

stan

t m

et l

e fe

u au

cou

v.

Rom

., 12

K

a I,

68-

69 e

t II,

83

-85

551

Jen

= B

oros

-je

n(I

neu,

R)

-co

m.:

Zar

ánd

-di

oc.:

Ege

r -

cust

.: Je

n

Ste -

Vie

rge-

Mar

ie

- 15

09: l

ocus

- 153

5: 1

7 fr

. (8

pr.

, 2 n

., 7

c.)

- 154

2: 1

2 fr

. (6

pr.

, 6 c

.)

1389

-139

5 (a

chev

é av

. 14

15)

- cr

éatio

n -

par

Lad

isla

s de

L

oson

c (B

)

v. 1

548

- ex

puls

ion

pu

is

dém

oliti

on

- pa

r le

s pr

otes

tant

s,

- co

uv.

obs.

de

puis

sa

fo

n-da

tion

(con

firm

atio

n po

ntif

i-ca

le: 1

423)

-

chap

. vic

.: 14

44

- ce

ntre

de

la 2

e cu

st.

de l

a pr

ov.

Rom

., 33

K

a II

, 85-

87

Page 586: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

CARTES, GRAPHIQUES ET TABLEAUX586T

AB

LE

AU

SY

NO

PT

IQU

E D

ES

CO

UV

EN

TS

598 - bo

urga

de

fort

ifié

e -

1544

: 6 f

r.

- 15

48: 2

fr.

do

nt le

P

- 15

40:

P =

Ant

oine

de

Lo-

sonc

, pro

test

ant

Kab

ol(K

ovil,

YG

)

- gr

osse

bo

urga

de

-co

m.:

Bác

s -

dioc

.:

Kal

ocsa

-

cust

.: Ú

jlak

-

1509

: loc

us

14

21

- cr

éatio

n (a

uto-

risé

e pa

r le

pap

e)

- pa

r le

s fr

. de

la

vic.

de

Bos

nie,

av

ec le

sou

tien

des

habi

tant

s

1526

- de

stru

ctio

n -

par

les

Tur

cs

- vo

catio

n in

itial

e: e

ncad

rer

les

réfu

giés

« s

chis

mat

ique

s »

fraî

-ch

emen

t co

nver

tis

Rom

., 33

K

a II

, 87

MF

L, f

ds

I, m

s X

II

Kar

án-

seb

es

(Car

anse

be, R

)

- bo

urga

de

-co

m.:

Tem

es

-di

oc.:

Csa

nád

-cu

st.:

Jen

puis

T

rans

ylva

nie

(ap.

151

6)

-

1509

: loc

us-

1535

: 11

fr.

(6 p

r., 5

c.)

v. 1

368

(ach

evé

av.

1385

) -

créa

tion

- pa

r le

roi

L

ouis

Ier

1560

- ex

puls

ion

- pa

r le

s ho

m-

mes

du

ban

et

capi

tain

e de

la

plac

e, le

cal

-vi

nist

e G

ré-

goir

e B

ethl

en

d’Ik

tár

- in

itial

emen

t ra

ttac

à la

cu

stod

ie d

e B

ulga

rie,

dan

s la

vi

c. d

e B

osni

e (1

384-

1385

) -

voca

tion:

con

vert

ir et

enc

adre

r le

s ha

bita

nts,

d’o

rigin

e ro

umai

ne

- 14

28:

le r

oi S

igis

mon

d so

u-tie

nt l

a re

stau

ratio

n de

l’é

glis

e,

reco

nstr

uite

en

pi

erre

s po

ur

rem

plac

er

l’anc

ien

édif

ice

en

bois

-

1455

: sé

jour

de

Je

an

de

Cap

estr

an

Rom

., 35

K

a II

, 88-

89 Gyö

rgy,

72 R

usu,

87-

88

Kev

e =

Köv

i,

Kev

evár

(Kov

in, Y

G)

- bo

urga

de

fron

taliè

re

-co

m.:

Kev

e -

dioc

.:

Csa

nád

-cu

st.:

Kev

e

v. 1

368

- cr

éatio

n -

par

le r

oi

Lou

is I

er

v. 1

459

- de

stru

ctio

n -

par

les

Tur

cs, s

ans

dout

e lo

rs d

e la

pri

se d

e Sz

endr

- vo

catio

n: c

onve

rtir

les

sla

ves

orth

odox

es

- 14

33:

dern

ière

men

tion

dans

le

s so

urce

s éc

rite

s

Rom

., 36

K

a II

, 109

Kob

ás

(= G

inle

-ti

nc

?)(S

lavo

nsk

i K

oba

, CR

)

- vi

llage

-co

m.:

Poz

sega

-

dioc

.: P

écs

-cu

st.:

Slav

onie

1500

-150

3-

créa

tion

- pa

r le

s fr

. ve

nus

de B

osni

e

1536

- ab

ando

n et

de

stru

ctio

n -

par

l’occ

u-pa

nt t

urc

- vo

catio

n: a

ccue

il de

s fr

anci

sc.

de B

osni

e -

pas

men

tionn

é pa

r l’i

nven

-ta

ire

de 1

509

Rom

., 37

K

a II

, 393

40

1-40

2

Page 587: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

CARTES, GRAPHIQUES ET TABLEAUX 587

TA

BL

EA

U S

YN

OP

TIQ

UE

DE

S C

OU

VE

NT

S 59

9

Kol

ozsv

ár

(Clu

j-N

apoc

a, R

)

- vi

lle

-co

m.:

Kol

ozs

-di

oc.:

Tra

nsyl

vani

e -

cust

.:

Tra

nsyl

vani

e (1

535-

1537

: K

oloz

svár

)

Ste -

Vie

rge-

Mar

ie

ou N

otre

-D

ame-

des-

Nei

ges

- 15

09:

conv

entu

s- 1

535:

34

fr.

(17

pr.,

4 n.

, 13

c.)

-clar

isse

s(a

v. 1

506-

av. 1

556)

; bâ

timen

ts

déla

brés

s 15

44;

une

seul

e m

onia

le,

âgée

et

aveu

gle

(157

2)

-te

rt. fé

m.

(av.

152

2-v.

158

0)

1486

(a

chev

é v.

149

4)

- cr

éatio

n -

par

le r

oi

Mat

hias

Ier

1556

- ex

puls

ion

des

fr. h

ors

de

la v

ille

et

sacc

age

de

l’égl

ise

(un

fr.

tué)

- pa

r le

s ha

bita

nts

prot

esta

nts,

à

l’ins

tigat

ion

du m

aire

- 14

86: e

n ré

pons

e à

la d

eman

de

du r

oi,

la m

unic

ipal

ité c

ède

un

terr

ain

dans

la

vi

lle

pour

y

cons

trui

re le

cou

v.

- 14

94:

le

roi

Wla

disl

as I

I fin

ance

l’a

chèv

emen

t du

cou

v.

sur

le p

rodu

it de

s m

ines

de

sel

- 15

31:

impo

rtan

t le

gs

de

Mad

elei

ne,

veuv

e de

Geo

rges

le

Lap

icid

e (L

apic

ida,

Kfa

ragó

)en

fav

eur

des

fr.

et d

es s

oeur

s te

rtia

ires

-

1551

: le

s pr

otes

tant

s ex

pul-

sent

une

pre

miè

re f

ois

les

fr.

Rom

., 38

K

a II

, 99-

103

459

-46

0 55

1s

Ent

z, 1

47-

152

345-

348

Bor

os, 3

9-40

272

-273

G

yörg

y,

241-

245

Rus

u, 1

06s

Gyö

rgy

(éd.

), 66

4-66

9 67

5s

Köl

yüd

(Kol

ut, Y

G)

- vi

llage

-co

m.:

Bod

rog

-di

oc.:

Kal

ocsa

-

cust

.: Ú

jlak

-

1509

: loc

us

v.

143

0 (a

chev

é en

14

36)

- cr

éatio

n -

par

la f

am. d

e G

eszt

(B

)

1526

-

dest

ruct

ion

- pa

r le

s T

urcs

- 14

34: s

éjou

r de

Jac

ques

de

la

Mar

che

- ju

in

1456

: lie

u de

ra

ssem

-bl

emen

t de

s C

rois

és,

que

Jean

de

Cap

estr

an c

ondu

isit

ensu

ite

en d

irec

tion

de B

elgr

ade,

apr

ès

une

étap

e à

Újla

k

Rom

., 39

K

a II

, 10

3-10

4

Kör

men

d

(Kör

men

d,H

)

-bo

urga

de

-co

m.:

Vas

-

dioc

.: G

yr

-cu

st.:

Uzs

a-sz

entlé

lek

Ste -

Vie

rge-

Mar

ie.

1513

-151

7 -

tran

sfer

t à p

. d’

un c

ouv.

d’

erm

. aug

. -

par

l’arc

hev.

d’

Esz

terg

om

Tho

mas

Ba-

kócz

, sei

gneu

r du

lieu

et

P

1524

-152

9-

aban

don

et

cess

ion

aux

dom

inic

ains

-

pou

r ra

ison

s m

atér

ielle

s

- co

uv.

fond

é au

m

ilieu

du

X

IIIe

s. p

ar le

roi

Bél

a IV

-

1517

: op

posit

ion

des

augu

stin

s à

la d

écisi

on p

rise

par

Tho

mas

B

akóc

z de

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sfér

er le

cou

v. a

ux

fr. o

bs.;

ils fo

nt a

ppel

au

pape

qui

or

donn

e le

ur

reto

ur

mai

s de

man

de u

ne e

nquê

te (1

518)

-

1521

-152

4 :

dégr

adat

ion

ma-

téri

elle

apr

ès l

a m

ort

du f

on-

date

ur (

1521

)

Erd

élyi

, 2

1-

18

8R

om.,

39

n

on

rép

er-

tori

é p

ar

Ka,

qu

i le

co

nsi

-

dère

co

mm

e

co

uv

. au

g.

MF

L, fd

s I,

ms

CV

II ;

EE

MH

I,

12

7

Krö

s-h

egy

(Krö

sheg

y,

-co

m.:

Som

ogy

-di

oc.:

-

1509

: loc

us-

1535

: 12

fr.

(6 p

r., 6

c.)

v. 1

495-

1500

-

créa

tion

- pa

r la

fam

. de

1537

-

aban

don

- su

ite a

ux

- 15

33:

ince

ndie

du

couv

. pe

n-da

nt l’

atta

que

men

ée p

ar l

e ca

-pi

tain

e L

ouis

Pek

ry c

ontr

e le

s

Rom

., 39

K

a II

, 108

Page 588: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

CARTES, GRAPHIQUES ET TABLEAUX588T

AB

LE

AU

SY

NO

PT

IQU

E D

ES

CO

UV

EN

TS

600 H)

-bo

urga

de

Ves

zpré

m

-cu

st.:

Ozo

ra

Bát

[h]o

r (B

)do

mm

ages

ca

usés

par

les

belli

géra

nts

Bát

[h]o

r

- 15

37: p

lus

de g

ardi

en

- 15

42:

les

terr

itoir

es d

e qu

ête

de c

e co

uv.

sont

att

ribu

és a

ux

fr. d

’Ege

rvár

C[h

]ron

ica,

fol.

71

Köv

esd

(B

oca

Româ

n,

R)

- vi

llage

- com

.:K

rass

ó -

dioc

.:

Csa

nád

-cu

st.:

Jen

?

v. 1

360

( ?)

-

créa

tion

- pa

r ?

av. 1

478

- ab

ando

n pu

is

dest

ruct

ion

- in

curs

ions

tu

rque

s

- d’

abor

d ra

ttac

hé à

la c

usto

die

de

Bul

gari

e,

dans

la

vi

c.

de

Bos

nie

(138

4-13

85)

- vo

catio

n (r

éaff

irm

ée a

u pa

pe

en 1

433)

: co

nver

tir l

es «

hér

é-tiq

ues

», s

ans

dout

e le

s R

ou-

mai

ns o

rtho

doxe

s

Rom

., 39

s G

yörf

fy

III,

487

R

usu,

74

K

a II

, 109

(q

ui

l’ide

ntif

ie p

ar

erre

ur à

G

avos

dia)

Ku

saly

(Co

eiu,

R)

-pe

tite

bour

gade

ab

rita

nt u

n m

arch

é

-co

m.:

Köz

ép-

Szol

nok

-di

oc.:

Tra

nsyl

vani

e -

cust

.:

Nag

ybán

ya

( 155

2: J

en)

Ste -

Tri

nité

-

1509

: loc

us- 1

535:

18

fr.

(10

pr.,

1 n.

, 7

c.)

- 154

2: 1

3 fr

. -

1548

: 5 f

r.

-te

rt. fé

m.

(av.

150

1-15

56);

conf

esse

ur

(153

5)

1422

-

créa

tion

- pa

r la

fam

. Ja

kcs

de K

usal

y (B

)

1556

-

aban

don

- fa

ce a

ux

prot

esta

nts

du

part

i de

Jean

-Si

gism

ond

de

Szap

olya

- 14

50:

men

tion

écri

te d

e so

n ci

met

ière

-

1524

: im

port

ant

legs

de

Jean

D

rágf

i (B

.)

Rom

., 40

K

a II

, 11

0-11

2 55

2-55

3

Rus

u, 1

19-

1201

Mar

osvá

sár

hel

y = V

ásár

hel

y (Tâ

rgu

Mur

e, R

)

- vi

lle

-si

ège

sicu

le d

e M

aros

-di

oc.:

Tra

nsyl

vani

e -

cust

.:

Tra

nsyl

vani

e ( 1

535-

1537

: M

aros

vásá

rhel

)

Ste -

Vie

rge-

Mar

ie

ou Not

re-

Dam

e de

la

Vis

itatio

n

- 14

99:

nom

breu

x

(le c

hap.

pr

ov. i

mpo

se

1 m

esse

ch

anté

e pa

r jo

ur)

- 15

09:

conv

entu

s-

1535

: 24

fr.

(13

pr.,

1 n.

, 10

c.)

-te

rt. fé

m.

(av.

150

3-v.

157

6);

mis

e en

ve

nte

du

bâtim

ent

en 1

576

(où

vive

nt

enco

re

deux

so

eurs

âg

ées)

1444

-

tran

sfer

t -

par

déci

sion

du

léga

t Ju

les

Ces

arin

i, av

ec le

so

utie

n de

Jea

n de

Hun

yad

(con

firm

é pa

r le

pa

pe e

n 14

92)

1556

-

expu

lsio

n de

s fr

. par

la

forc

e, p

uis

occu

patio

n de

l’é

glis

e -

par

les

part

isan

s pr

otes

tant

s de

Je

an-

Sigi

smon

d de

Sz

apol

ya

- an

c. c

ouv.

fra

ncis

c. f

ondé

av.

13

32,

ayan

t po

ur

fonc

tion

d’en

cadr

er la

pop

ulat

ion

sicu

le;

cent

re d

e pè

leri

nage

(14

00)

- ég

lise

reco

nstr

uite

v.

14

40-

1460

, pu

is (

v. 1

480)

ins

ertio

n de

s bâ

timen

ts c

onve

ntue

ls d

ans

le n

ouve

au s

ystè

me

de f

ortif

i-ca

tion

de la

vill

e -

atel

ier

d’éc

ritu

re

(1èr

e m

en-

tion:

152

2)

- 15

25:

impo

rtan

t le

gs

de

Léo

nard

de

Bar

labá

s, v

ice-

voï-

vode

de

Tra

nsyl

vani

e, a

ux f

r.

et a

ux te

rt. f

ém.

Rom

., 71

-72 So

ós, 2

52-

274

Ka

II,

114-

116

553-

554

Ent

z, 3

79s

Rus

u, 2

60-

262

Bor

os, 3

0 39 G

yörg

y,

263

Page 589: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

CARTES, GRAPHIQUES ET TABLEAUX 589

TA

BL

EA

U S

YN

OP

TIQ

UE

DE

S C

OU

VE

NT

S 60

1

Med

gye

s =

Szás

z-m

egye

s (M

edia

, R)

- vi

lle

-di

stri

ct s

axon

-di

oc.:

Esz

terg

om

-cu

st.:

Tra

nsyl

vani

e

Ste -

Vie

rge-

Mar

ie (

?)

- 15

09: l

ocus

- 15

35: 2

5 fr

. (1

3 pr

., 2

n.

10 c

.) - 1

544:

14

fr.

-te

rt. fé

m.

(av.

152

5-15

56 ?

); co

nfes

seur

- préd

icat

eur

(153

5)

av. 1

444

- cr

éatio

n -

par

les

habi

tant

s de

la

ville

1556

-155

7 -

expu

lsio

n de

s fr

. et

attr

ibut

ion

de

l’égl

ise

aux

prot

esta

nts

- pa

r le

s op

po-

sant

s au

par

ti de

Fer

dina

nd

Ier ,

prot

esta

nts

- 14

44: l

e pa

pe a

utor

ise

les

fr. à

re

cons

trui

re c

e co

uv.

- ve

rs 1

500:

pha

se d

e tr

avau

x im

port

ants

sur

l’ég

lise

- 15

34:

en

dépi

t de

l’o

ppo-

sitio

n de

s fr

., le

go

uver

neur

L

ouis

G

ritt

i es

t en

terr

é da

ns

l’égl

ise

du c

ouv.

Rom

., 43

K

a II

, 11

6-11

8,

554

(qui

do

nne

pour

da

te d

e fo

ndat

ion

1500

env

.) G

yörg

y,

272

Ent

z, 3

84

Rus

u, 1

69-

170

Meg

gyes

-al

ja= A

ran

yos-

meg

gyes

(M

edie

uA

urit,

R)

- pe

tite

bour

gade

-co

m.:

Szat

már

-

dioc

.:

Tra

nsyl

vani

e -

cust

.:

Nag

ybán

ya

-

1509

: loc

us-

1535

: 17

fr.

(9 p

r., 1

n.,

7 c.

)-

1563

: 5 f

r.

v. 1

490-

1500

-

créa

tion

- pa

r la

fam

. M

óroc

z de

M

edgy

es (

B)

1565

-

aban

don

- tr

op p

roch

e du

lieu

s’af

fron

taie

nt

les

arm

ées

de

Jean

–Si

gis-

mon

d et

de

Max

imili

en I

I

- 15

24:

impo

rtan

t le

gs d

e Je

an

Drá

gfi

- 15

56: c

’est

dan

s ce

cou

v. q

ue

fut

rass

embl

é le

mob

ilier

né–

cess

aire

à l

a te

nue

des

chap

. pr

ov.

Rom

., 43

K

a II

, 11

8-11

9

Rus

u, 1

70-

171

Mon

oszl

óvá

ralja

(M

osla

vina

,C

R)

- pe

tite

bour

gade

-co

m.:

Krö

s -

dioc

.:

Zag

reb

-cu

st.:

Slav

onie

Ste -

Vie

rge-

Mar

ie

- 15

09: l

ocus

- 15

35: 1

7 fr

. (6

pr.

, 2 n

., 9

c.)

-te

rt. fé

m.

(av.

153

1);

tran

sfér

ées

à P

etró

c (1

531)

1460

-

créa

tion

- pa

r G

eorg

es

Csu

por

de

Mon

oszl

ó (B

)

v. 1

540

- ab

ando

n -

pour

éch

ap-

per

à la

men

a-ce

des

Tur

cs

(qui

inve

stis

-se

nt la

pla

ce

en 1

544)

- 14

60, 1

489:

indu

lgen

ces

pon-

tific

ales

-

1492

: tr

ès

impo

rtan

t le

gs

test

amen

tair

e d’

Etie

nne

Csu

-po

r, n

eveu

du

fond

ateu

r

- 15

37:

dern

ière

no

min

atio

n d’

un g

ardi

en d

ans

ce c

ouv.

Rom

., 45

K

a II

, 11

9-12

1 55

4

Nag

y-b

ánya

(B

aia

Mar

e,R

)

- vi

lle

-co

m.:

Szat

már

-

dioc

.:

Tra

nsyl

vani

e -

cust

.:

Nag

ybán

ya

St-S

auve

ur

- 15

09:

conv

entu

s-

1535

: 14

fr.

(8 p

r., 2

n.,

4 c.

)-

1542

: 14

fr.

-co

nfr.

de

péni

tent

s(a

v. 1

512-

?)

1437

-143

8 -

créa

tion

- pa

r le

des

pote

se

rbe

Geo

rges

B

rank

ovi

,et

peu

t-êt

re

1551

-155

2-

dest

ruct

ion

- pa

r le

s ha

bita

nts

prot

esta

nts

- 14

38:

conf

lit a

vec

le c

uré

de

la v

ille

- 14

99:

les

dons

des

hab

itant

s pe

rmet

tent

l’i

nsta

llatio

n d’

un

orgu

e da

ns l’

églis

e -

1512

: co

nflit

ave

c le

s ha

bi-

Rom

., 9

Ka

II,

121-

124

Gal

amb,

18

0

Rus

u, 6

0s

Page 590: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

CARTES, GRAPHIQUES ET TABLEAUX590T

AB

LE

AU

SY

NO

PT

IQU

E D

ES

CO

UV

EN

TS

602 - qu

artie

r ho

rs le

s m

urs:

A

sszo

ny-

pat

aka

(7 p

r., 7

c.)

grâc

e à

l’int

erve

ntio

n de

Ja

cque

s de

la

Mar

che

tant

s de

la

ville

à p

ropo

s de

s ex

cès

des

mem

bres

de

la c

on-

frér

ie d

e pé

nite

nts

- 15

34-1

551:

la

prés

ence

su

r pl

ace

du g

ouve

rneu

r de

Tra

n-sy

lvan

ie,

« fr

ère

Geo

rges

»,

empê

che

les

prot

esta

nts

de

s’en

pre

ndre

au

couv

. -

1548

: ce

sont

les

fr.

du

couv

. qu

i as

sure

nt

la

cure

d’

âmes

da

ns l

a vi

lle,

en r

empl

acem

ent

du c

uré

(pro

test

ant)

N

agy-

vára

d

= V

árad

(Ora

dea,

R)

- vi

lle

épis

copa

le

- ab

rita

nt

déjà

un

couv

. fr

anci

sc.

-co

m.:

Bih

ar

-di

oc.:

Nag

yvár

ad

-cu

st.:

Jen

St-E

spri

t -

1499

: no

mbr

eux

(le

cha

p.

prov

. im

pose

1

mes

se

chan

tée

par

jour

) -

1509

: co

nven

tus

- 153

5: 3

6 fr

. (1

8 pr

., 6

n.,

12 c

.)

v. 1

490

- cr

éatio

n -

par

l’ord

re

avec

l’ac

cord

pr

obab

le d

e l’é

vêqu

e

v. 1

559-

1560

-

aban

don

puis

mol

ition

-

face

aux

vi

olen

ces

de

l’isp

an d

e B

ihar

et

du

capi

tain

e de

N

agyv

árad

- le

plu

s gr

and

couv

. de

la p

rov.

de

H. d

ans

les

anné

es 1

530

- v.

151

0: c

onfl

its a

vec

le c

ler-

gé p

aroi

ssia

l -

1514

: le

gard

ien

fut

char

gé d

e pr

êche

r la

cro

isad

e co

ntre

les

T

urcs

po

ur

tout

e la

m

oitié

or

ient

ale

du r

oyau

me

- 15

35: s

tudi

um g

ener

ale

- ch

ap.

prov

.: 15

31,

1542

, 15

44, 1

546,

154

8, 1

550,

155

2 -

1549

: réf

ectio

n de

la to

iture

-

1556

: les

obj

ets

litur

giqu

es p

ré-

cieu

x so

nt c

onfié

s à

la fa

m. B

ajon

Rom

., 46

-47 K

a II

, 20

4-20

7

Rus

u, 1

90-

191

1er f

orm

., fo

l. 15

2v-

153v

Nyi

rbát

or

(Nyí

rbát

or,

H)

- bo

urga

de

-co

m.:

Szat

már

-

dioc

.:

Tra

nsyl

vani

e -

cust

.:

Nag

ybán

ya

-

1499

: no

mbr

eux

(le

cha

p.

prov

. im

pose

1

mes

se

chan

tée

par

jour

) -

1509

: co

nven

tus

- 153

5: 2

0 fr

.

1479

-148

5 -

créa

tion

- pa

r le

voï

vode

E

tienn

e (I

) de

Bát

[h]o

r (B

),

sans

dou

te

aprè

s la

vic

toir

e de

Ken

yérm

ezco

ntre

les

Tur

cs

1566

-

aban

don

- in

sécu

rité

néra

le a

près

le

dép

art

de N

icol

as d

e B

át[h

]or

(rec

onst

ruit

en

1717

)

- 15

11:

achè

vem

ent

des

stal

les

du

chœ

ur,

exéc

utée

s pa

r le

m

aîtr

e fl

oren

tin M

aron

e

- 15

14:

pilla

ge d

u co

uv.

pen-

dant

la g

uerr

e pa

ysan

ne

- 15

26:

atta

que

du c

ouv.

don

t le

sto

ck d

e bl

é es

t em

port

é pa

r le

s vo

leur

s -

1528

: pill

age

du c

ouv.

par

les

trou

pes

de F

erdi

nand

, san

s so

n

Rom

., 48

K

a II

, 12

5-12

6

Page 591: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

CARTES, GRAPHIQUES ET TABLEAUX 591

TA

BL

EA

U S

YN

OP

TIQ

UE

DE

S C

OU

VE

NT

S 60

3

(14

pr.,

1 n.

, 6

c.)

acco

rd

- 15

35:

l’égl

ise

disp

osai

t d’

un

orgu

e -

1563

: de

rniè

re p

artic

ipat

ion

au c

hapi

tre

prov

inci

al

Oko

licsn

ó(O

kol

iné

,S L

)=

Lip

- bo

urga

de

-co

m.:

Lip

-di

oc.:

Esz

terg

om

-cu

st.:

Sáro

spat

ak

(153

7, 1

546:

Sz

écsé

ny)

St-M

arie

-de

s-A

nges

ou -d

u- P

arad

is

- 15

09: l

ocus

- 15

63: 1

0 fr

. -

1571

: 2 f

r.

1476

(a

chev

é en

14

89)

- cr

éatio

n -

par

le r

oi

Mat

hias

Ier

1571

- ab

ando

n pu

is o

ccup

a-tio

n et

dép

ré-

datio

ns

- pr

ogrè

s du

pr

otes

tant

ism

e

- v.

151

0-15

12:

quer

elle

s en

tre

le g

ardi

en e

t le

s fr

. -

l’un

des

poin

ts d

’anc

rage

les

pl

us

dura

bles

de

l’o

bs.

fr.

hong

rois

e en

Slo

vaqu

ie

Rom

., 48

-49 K

a II

, 12

6-12

9

1er f

orm

., fo

l. 13

-14v

O

rsov

a(O

rov

a, R

)

- bo

urga

de

-co

m.:

Tem

es

-di

oc.:

Csa

nád

-cu

st.:

Kar

ánse

bes

ap. 1

366

- cr

éatio

n -

par

le r

oi

Lou

is I

er

ap. 1

478

- av

. 151

6-

aban

don

- fa

ce a

ux a

t-ta

ques

rép

é-té

es d

es T

urcs

- d’

abor

d ra

ttac

hé à

la

cust

. de

B

ulga

rie,

dan

s la

vic

. de

Bos

nie

(138

4-13

85)

- vo

catio

n in

itial

e: c

onve

rtir

les

Bul

gare

s or

thod

oxes

Rom

., 48

-49 K

a II

, 131

Ozo

ra(O

zora

, H)

- vi

llage

-co

m.:

Tol

na

-di

oc.:

Péc

s -

cust

.: O

zora

-

1509

: loc

us-

1535

: 20

fr.

(8 p

r., 2

n.,

10 c

.)

-te

rt. fé

m.

(av.

153

5-15

41);

conf

esse

ur

(153

5)

1418

-

créa

tion

- pa

r le

flo

rent

in

Fili

ppo

Scol

ari,

alia

s P

ipon

d’

Ozo

ra (

B)

1543

- ab

ando

n -

deva

nt la

pr

ogre

ssio

n de

s ar

mée

s tu

rque

s, q

ui

assi

ègen

t Szé

-ke

sfeh

érvá

r

- 14

62: c

hap.

pro

v.

- 15

43:

inve

ntai

re e

t m

ise

en

lieu

sûr

des

obje

ts l

iturg

ique

s du

cou

v. d

ans

un c

hâte

au d

u se

igne

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Val

entin

Tör

ök);

son

fils

Je

an,

prot

esta

nt,

se

les

appr

opri

era

peu

aprè

s

Rom

., 49

K

a II

, 13

1-13

3 55

5

Pak

s(P

aks,

H)

- vi

llage

-co

m.:

Tol

na

-di

oc.:

Péc

s -

cust

.: O

zora

-

1509

: loc

us

v.

146

0-

créa

tion

- pa

r la

fam

. R

átót

de

Pak

s (B

)

1526

-

dest

ruct

ion

- pa

r le

s T

urcs

, au

lend

emai

n de

la

pri

se d

e M

ohác

s

- 14

91:

chap

. pr

ov.;

1507

: ch

ap. p

rov.

ext

raor

dina

ire

- 15

37:

face

à l

a de

man

de d

e re

tour

des

fr.

for

mul

ée p

ar l

es

héri

tiers

de

s fo

ndat

eurs

, le

s P

aks,

la

di

rect

ion

répo

nd

en

les

auto

risa

nt à

céd

er le

cou

v. à

d’

autr

es r

elig

ieux

Rom

., 49

K

a II

, 13

3-13

4

Page 592: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

CARTES, GRAPHIQUES ET TABLEAUX592T

AB

LE

AU

SY

NO

PT

IQU

E D

ES

CO

UV

EN

TS

604 Páp

a (P

ápa,

H)

- pe

tite

bour

gade

-co

m.:

Ves

zpré

m

-di

oc.:

Gy

r-

cust

.: U

zsa-

szen

tléle

k

St-L

adis

las

- 15

09: l

ocus

- 15

35: 2

1 fr

. (1

1 pr

., 2

n.,

8 c.

)

-co

nfr.

de

péni

tent

s(1

512)

av. 1

443

- cr

éatio

n à

p.

d’un

e ch

apel

le

- pa

r la

fam

. des

G

ara

(B)

1559

-156

0-

aban

don

aprè

s le

s gr

aves

dég

âts

- ca

usés

par

le

s ho

mm

es

du P

, pr

otes

tant

s,

dep.

155

6

- pr

ojet

(s)

d’in

stal

latio

n da

ns

de

nouv

eaux

timen

ts,

plus

va

stes

, en

14

61,

conc

rétis

é v.

148

0-14

90

- 15

35: s

tudi

um d

e th

éolo

gie

- 15

41,

P =

Jea

n T

örök

pui

s so

n fr

ère

Fra

nçoi

s, p

rote

stan

ts

calv

inis

tes

- 15

43: t

rans

fert

des

obj

ets

litur

-gi

ques

dan

s le

châ

teau

de

Pápa

- 1

550-

1551

: aid

e m

atér

ielle

du

roi

- 15

56:

les

sold

ats

du P

att

a-qu

ent

le

couv

., dé

trui

sant

sa

to

iture

, qu

e le

s fr

. ne

peu

vent

re

cons

trui

re f

aute

de

moy

ens

Rom

., 50

So

lym

osi,

31-5

3 K

a II

, 13

4-13

6 (q

ui a

ttri

bue

la f

onda

tion

aux

Szap

olya

, v.

148

0)

Per

ecsk

e(P

ölöc

ske,

H)

- vi

llage

-co

m.:

Bar

anya

-

dioc

.: P

écs

-cu

st.:

Újla

k

-

1509

: loc

us

14

15-

créa

tion

- pa

r P

hilip

pe

de K

óróg

y (N

b)

1533

-153

5-

aban

don

dé-

cidé

en

chap

. pr

ov. e

t app

li-qu

é av

. 153

5 -

à ca

use

du

dang

er t

urc

- la

bu

lle

d’au

tori

satio

n de

14

15

lais

sait

au

fond

ateu

r le

ch

oix

de l’

ordr

e re

ligie

ux

- 14

56:

séjo

ur

de

Jean

de

C

apes

tran

pré

vu d

ans

ce c

ouv.

-

1526

: dé

trui

t un

e pr

emiè

re

fois

pa

r le

s T

urcs

, pu

is

reco

nstr

uit

Rom

., 51

K

a II

, 13

6-13

7

AcB

os,

n°54

9

Pes

t(B

udap

est,

rive

ga

uche

, H)

- vi

lle

-co

m.:

Pes

t -

dioc

.: V

ác

-cu

st.:

Esz

terg

om

St-P

ierr

e-le

-M

arty

r -

1499

: no

mbr

eux

(le

cha

p.

prov

. im

pose

1

mes

se

chan

tée

par

jour

) -

1509

: co

nven

tus

- 15

35: 1

6 fr

. (8

pr.

, 2 n

., 6

c.)

- 15

42: 4

fr.

-te

rt. fé

m.

(av.

1520

-15

42)

1444

- tr

ansf

ert

- or

dre

du lé

gat

Jule

s C

esar

ini

(con

firm

é en

14

92)

1541

-154

2 -

aban

don

du

couv

. (15

41),

inve

sti p

ar le

s T

urcs

, p

uis

de la

m

aiso

n de

s te

rt. o

ù ét

aien

t re

stés

4 f

r.

(154

2)

- pe

ndan

t le

si

ège

de la

vi

lle p

ar le

s

- an

c. c

ouv.

fra

ncis

c. (

1253

-60)

-

1456

: sé

jour

de

Je

an

de

Cap

estr

an

- ch

ap. p

rov.

: 149

7, 1

504

- c’

est

dans

ce

co

uv.

que

Osw

ald

de L

askó

com

posa

ses

re

cuei

ls d

e se

rmon

s -

1514

: ar

rivé

e du

sép

ulcr

e de

sa

int

Gér

ard,

qu

i re

ster

a su

r pl

ace

jusq

u'à

sa r

équi

sitio

n pa

r le

roi

Lou

is I

I (1

526)

-

1526

: mas

sacr

e de

4 f

r. pa

r le

s T

urcs

, pui

s d’

autr

es fr

. en

1532

Rom

., 51

-52 K

a II

, 13

7-14

0 55

5-55

6

Page 593: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

CARTES, GRAPHIQUES ET TABLEAUX 593

TA

BL

EA

U S

YN

OP

TIQ

UE

DE

S C

OU

VE

NT

S 60

5

(che

z le

s te

rt.)

Tur

cs e

t ap

rès

sa c

hute

-

1542

: les

hab

itant

s de

man

dent

qu

e de

nou

veau

x fr

. re

joig

nent

le

s 4

fr.

qui

s’ét

aien

t ré

fugi

és

dans

la m

aiso

n de

s te

rt.;

mai

s le

ch

ap. l

eur

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se le

cho

ix

Pet

róc

(ent

re

urev

ac e

t V

irje

, CR

)

- vi

llage

-co

m.:

Krö

s -

dioc

.:

Zag

reb

-cu

st.:

Slav

onie

-

1535

: 11

fr.

(5 p

r., 6

c.)

-te

rt. fé

m.

(av.

153

1-15

41);

accu

eil d

es

tert

. de

Mon

oszl

ó-vá

ralja

(1

531)

av. 1

480

- cr

éatio

n -

par

?

1541

- ab

ando

n -

face

aux

T

urcs

, apr

ès la

ch

ute

de

Nek

cse

- lie

u de

rés

iden

ce h

abitu

el d

u cu

stod

e de

Sla

voni

e -

1529

: m

assa

cre

d’un

fr.

par

le

s T

urcs

-

1535

: in

cend

ie d

u co

uv.

par

les

Tur

cs, p

uis

rest

aura

tion

Rom

., 52

K

a II

, 14

0-14

2 53

1

Pol

ján

c(e

ntre

Ora

-ho

vica

et

Vo

in, C

R)

- vi

llage

-co

m.:

Krö

s -

dioc

.:

Zag

reb

-cu

st.:

Slav

onie

-

1509

: loc

us- 1

535:

14

fr.

(7 p

r., 1

n.,

6 c.

)

av. 1

492

- cr

éatio

n -

par

?

1536

- ab

ando

n -

face

aux

T

urcs

, apr

ès la

ch

ute

de

Dia

kóvá

r

R

om.,

52

Ka

II, 1

42

Rem

etin

c(R

emet

inec

,C

R)

- vi

llage

-co

m.:

Krö

s -

dioc

.:

Zag

reb

-cu

st.:

Slav

onie

(1

544:

U

zsas

zent

léle

k)

-

1509

: loc

us-

1535

: 15

fr.

(8 p

r., 1

n.,

6 c.

)

v. 1

460-

1480

- cr

éatio

n à

p.

d’un

anc

. mon

. -

par

Bal

thaz

ar

de B

at[t

h]yá

n (N

b ou

B)

1565

-

aban

don

- fa

ce a

ux

incu

rsio

ns

répé

tées

des

T

urcs

- bâ

timen

ts

mon

astiq

ues

re-

mon

tant

au

débu

t du

XV

E s

., pu

is a

gran

dis

v. 1

460-

1480

-

1537

: c’

est

là q

ue f

uren

t ra

s-se

mbl

és l

es o

bjet

s de

cul

te d

e to

us

les

couv

. de

Sl

avon

ie,

mai

s C

hris

toph

e de

Bat

[th]

yán

s’en

em

pare

v. 1

550

Rom

., 55

K

a II

, 14

3-14

5 ( q

ui y

voi

t un

anci

en m

on.

d’er

m. d

e sa

int P

aul)

Sáro

s-p

atak

(Sár

ospa

tak,

H)

- vi

lle

-co

m.:

Zem

plén

-

dioc

.: E

ger

-cu

st.:

Sáro

spat

ak

Ste -

Vie

rge-

Mar

ie

- 15

09:

conv

entu

s-

clar

isse

s(v

. 138

5-15

56);

tran

sfér

ées

par

le P

da

ns la

m

aiso

n de

s te

rt.

(153

7)

1448

- tr

ansf

ert

- su

r or

dre

du

léga

t Jea

n C

arva

jal,

à la

de

man

de d

e la

fa

m. P

álóc

(c

onfi

rmé

en

1492

)

1546

-154

8-

aban

don

puis

de

stru

ctio

n -

face

aux

pr

essi

ons

des

prot

esta

nts

(don

t le

P)

- an

c. c

ouv.

fra

ncis

c. f

ondé

av.

12

61

- ch

ap. p

rov.

: 147

1 -

1526

: P

= f

am. P

erén

y -

v. 1

537,

les

Per

ény

pass

ent

au

prot

esta

ntis

me;

pi

llage

de

l’é

glis

e du

cou

v.

- 15

41-1

542:

Pie

rre

de P

erén

y au

tori

se s

es h

omm

es à

inv

estir

Rom

., 57

K

a II

, 14

5-14

6,

556-

557

Page 594: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

CARTES, GRAPHIQUES ET TABLEAUX594T

AB

LE

AU

SY

NO

PT

IQU

E D

ES

CO

UV

EN

TS

606

- te

rt. fé

m.

(av.

149

3 -

1537

); pu

is

écol

e pr

otes

tant

e

le

cou

v.

- 15

46:

supp

ress

ion

de l

a cu

st.

de S

áros

pata

k -

1546

: de

rniè

re

men

tion

de

son

gard

ien

Selly

e(S

elly

e, H

)

- vi

llage

-co

m.:

Bar

anya

-

dioc

.: P

écs

-cu

st.:

Ozo

ra

-

1509

: loc

us-

1532

: 9 f

r.

ap. 1

480

- cr

éatio

n -

par

Urb

ain

de

Nag

yluc

se (

B

puis

év.

) et

par

P

ierr

e de

Vár

ad,

arch

ev. d

e K

a-lo

csa,

nou

veau

x se

igne

urs

du li

eu

1532

- ab

ando

n et

de

stru

ctio

n du

co

uv.

- ap

rès

le

mas

sacr

e de

to

us le

s fr

. par

le

s T

urcs

- 15

32:

mas

sacr

e de

s 9

fr.

qui

l’hab

itaie

nt

par

les

sold

ats

turc

s m

arch

ant

sur

Vie

nne

-

1533

: à l

a de

man

de d

e C

lair

e Sz

erec

sen,

le

min

. en

voie

qua

-tr

e fr

. da

ns l

e co

uv.;

on i

gnor

e si

cet

te d

écis

ion

fut a

ppliq

uée

Rom

., 57

K

a II

, 15

0-15

1

2e f

orm

., fo

l. 40

, 87

(153

3)

Sóvá

r(S

oliv

ar,

S L)

- fort

eres

se

-co

m.:

Sáro

s -

dioc

.: E

ger

-cu

st.:

Sáro

spat

ak

Ste -

Vie

rge-

Mar

ie

- 15

09: l

ocus

av. 1

482

- cr

éatio

n -

par

la f

am.

Soós

de

Sóvá

r (B

)

1536

-

dest

ruct

ion

- lo

rs d

u si

ège

de la

vill

e pa

r le

s tr

oupe

s de

F

erdi

nand

Ier

- 15

35

(mar

s):

enco

re

men

-tio

nné

dans

un

gu

ide

à l’i

n-te

ntio

n de

s fr

. obs

. -

av.

1536

: m

ise

à l’a

bri

des

obje

ts l

iturg

ique

s da

ns u

n ch

â-te

au d

e G

eorg

es S

oós

Rom

., 59

K

a II

, 15

1-15

2

Szak

olca

(Sk

alic

a,S L

)

- pe

tite

ville

fr

onta

lière

-co

m.:

Nyi

tra

-di

oc.:

Esz

terg

om

-cu

st.:

Széc

sény

Vie

rge-

des-

D

oule

urs

- 15

09: l

ocus

- 15

63: 2

0 fr

. (9

pr.

, 8 n

., 3

c.)

1467

(a

chev

é en

148

4)

- cr

éatio

n -

par

les

habi

-ta

nts

de la

vill

e,

aidé

s de

sei

-gn

eurs

des

en-

viro

ns, e

t sur

-to

ut d

u ca

pita

i-ne

Jea

n de

Tar

-ca

, de

pass

age

dans

la r

égio

n (1

467-

1470

)

1537

p

uis

178

6-17

90-

aban

don

suite

à d

es

agre

ssio

ns

- di

ssol

utio

n de

l’or

dre,

su

r dé

cisi

on

de J

osep

h II

- 15

36:

évac

uatio

n du

co

uv.

pour

cau

se d

’épi

dém

ie d

e pe

ste

- 15

37:

dépô

t de

s ob

jets

litu

r-gi

que

aupr

ès d

e la

mun

icip

alité

et

deu

xièm

e ab

ando

n su

ite à

des

ag

ress

ions

non

iden

tifié

es (

?)

- 15

63: r

etou

r de

s fr

ères

-

1565

: éco

le d

e th

éolo

gie

- 15

67-1

711:

mal

gré

sa p

osi-

tion

exce

ntré

e, le

cou

v. d

evie

nt

le n

ouve

au c

entr

e de

la

prov

., po

ur r

aiso

ns d

e sé

curi

Rom

., 59

-60 K

a II

, 15

4-15

6 et

I,

397

(1

537)

Szal

árd

(S

lard

, R)

-co

m.:

Bih

ar

-di

oc.:

Nag

yvár

ad

Ste -

Vie

rge-

Mar

ie

- 15

09: l

ocus

- 15

35: 2

2 fr

. (1

2 pr

., 3

n.,

av. 1

395

(ach

evé

en

1400

)

1553

-155

6-

aban

don

puis

tran

s-

- 14

00, 1

402:

indu

lgen

ces

pon-

tific

ales

et

épis

copa

les

- 14

68: c

hap.

pro

v.

Rom

., 60

K

a II

, 15

7-16

0

Page 595: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

CARTES, GRAPHIQUES ET TABLEAUX 595

TA

BL

EA

U S

YN

OP

TIQ

UE

DE

S C

OU

VE

NT

S 60

7

- bo

urga

de

abri

tant

un

mar

ché

-cu

st.:

Jen

7 c.

) -

créa

tion

- pa

r la

fam

. C

sák

(Nic

olas

, is

pan

de

Tem

es ?

) (B

)

form

atio

n en

te

mpl

e pr

o-te

stan

t -

aprè

s l’a

tta-

que

du c

ouv.

pa

r le

s ho

m-

mes

du

sei-

gneu

r, W

olf-

gang

de

Csá

k,

pro-

turc

et

enne

mi d

e F

erdi

nand

Ier

(meu

rtre

du

gard

ien

en

1553

)

- 14

93:

Osw

ald

de L

askó

fut

ga

rdie

n de

ce

couv

. -

1533

: ag

rand

isse

men

t de

l’in

-fir

mer

ie

Rus

u, 2

22-

224

1er f

orm

., fo

l. 60

v (1

493)

Szán

tó(Abaújszán

tó, H

)

- pe

tite

bour

gade

-co

m.:

Aba

új

-di

oc.:

Ege

r -

cust

.:

Sáro

spat

ak

-

1509

: locus

av. 1

480

- cr

éatio

n -

par

la f

am.

Szap

olya

(B

)

1542

-

expu

lsio

n -

par

les

habi

-ta

nts,

pro

tes-

tant

s, q

ui

s’em

pare

nt

des

obje

ts d

e cu

lte

- 14

81, 1

485:

cha

p. p

rov.

-

à p.

de

1530

: rap

ides

pro

grès

du

pr

otes

tant

ism

e da

ns

la

régi

on

Rom

., 60

K

a II

, 160

Széc

sén

y (Szécsény,

H)

- bo

urga

de

proc

he d

e la

fo

rter

esse

de

Sz

écsé

ny

-co

m.:

Nóg

rád

-di

oc.:

Esz

terg

om

-cu

st.:

Széc

sény

(1

544:

E

szte

rgom

)

Ste -

Vie

rge-

Mar

ie

- 14

99:

nom

breu

x

(le c

hap.

pr

ov. i

mpo

se

1 m

esse

ch

anté

e pa

r jo

ur)

- 15

09:

conventus

1467

-

tran

sfer

t -

sur

déci

sion

du

pap

e P

aul I

I,

à la

dem

ande

du

pala

tin M

iche

l O

rszá

g, d

éci-

sion

ann

ulée

en

1469

mai

s né

an-

moi

ns a

ppliq

uée

suite

aux

pre

s-si

ons

de M

iche

l O

rszá

g

1544

- ab

ando

n -

face

aux

in

curs

ions

tu

rque

s,

puis

occ

upa-

tion

par

les

Tur

cs (

1552

-15

93);

re

tour

des

fr

ères

en

1610

- an

c. c

ouv.

fra

ncis

c. f

ondé

par

T

hom

as K

acsi

s de

Szé

csén

y -

1477

: cha

p. p

rov.

-

1544

: m

ise

en l

ieu

sûr

des

obje

ts d

e cu

lte d

ans

la f

orte

-re

sse

de S

zécs

ény

Rom

., 60

-61 K

a II

, 17

7-17

9

MO

L, D

l 73

519

Page 596: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

CARTES, GRAPHIQUES ET TABLEAUX596T

AB

LE

AU

SY

NO

PT

IQU

E D

ES

CO

UV

EN

TS

608 Szeg

ed(Szeged,

H)

- vi

lle

- qu

artie

r de

Pal

ánk,

da

ns la

V

ille

Bas

se

(Als

ó-vá

ros)

-

ville

ab

rita

nt

déjà

un

couv

. fr

anci

sc.

-co

m.:

Cso

ngrá

d -

dioc

.:

Kal

ocsa

-

cust

.: Je

n

Not

re-

Dam

e-de

-N

eige

- 15

09: locus

- 15

35: 8

fr

. (5

pr.

, 3 c

.) -

1563

: 6 f

r.

v. 1

480

(con

stru

it à

p.

de 1

494,

ach

evé

en 1

503)

-

créa

tion

à p.

d’

un a

nc.

hôpi

tal (

St-

Pie

rre)

-

par

les

habi

tant

s, a

vec

l’aid

e du

roi

M

athi

as I

er

1786

-179

0-

diss

olut

ion

de l’

ordr

e,

sur

déci

sion

de

Jos

eph

II

- éc

hec

du p

roje

t de

tra

nsfe

rt

(144

4) d

u co

uv.

exis

tant

dan

s la

vill

e, p

récé

dé p

eut-

être

d’u

n pr

emie

r tr

ansf

ert

(av.

ao

ût

1438

) in

itié

par

Jacq

ues

de l

a M

arch

e (

?)

- 14

95-1

497:

lon

g co

nflit

ave

c le

s co

nven

tuel

s, q

ui c

onte

sten

t la

lég

alité

de

la f

onda

tion,

re-

conn

ue e

n 14

95, 1

497

puis

1502

m

ais

à ce

rtai

nes

cond

ition

s -

1552

: m

assa

cre

de

3 fr

. au

co

urs

de la

rep

rise

de

la v

ille

par

les

Tur

cs; l

es a

utre

s s’

enfu

ient

-

1556

: re

tour

de

s fr

., av

ec

l’aut

oris

atio

n du

pou

voir

turc

Rom

., 61

K

a II

, 16

0-16

6 G

alam

b,

179-

180

Szen

tgró

t (Zalaszentgr

ót, H

)

- pe

tite

bour

gade

ab

rita

nt u

n m

arch

é

-co

m.:

Zal

a -

dioc

.:

Ves

zpré

m

-cu

st.:

Uzs

asze

ntlé

lek

-

1509

: locus

- 15

35: 5

fr.

(3

pr.

, 2 c

.)

1492

-151

6-

créa

tion

à p.

d’

un a

nc. m

on.

- pa

r le

s fa

m.

Szen

tgró

t et

H

agym

ás, o

u B

ér (

Nb)

1537

-154

2-

aban

don

- su

r la

pr

essi

on d

u P

, pr

otes

tant

- 15

32:

ince

ndié

par

les

Tur

cs,

puis

res

taur

é -

v. 1

542:

Chr

isto

phe

de H

agy-

más

, sei

gneu

r du

lieu

, fai

t m

ain

bass

e su

r le

s ob

jets

de

culte

du

couv

.

Rom

., 62

K

a II

, 17

3-17

4

Szen

t-lá

szló

=

Pod

-b

or(j

e)(p

rès

Daruvar

,C

R)

- pe

tite

bour

gade

-co

m.:

Krö

s -

dioc

.:

Zag

reb

-cu

st.:

Slav

onie

St-L

adis

las

- 15

09: locus

- 15

35: 1

5 fr

. (7

pr.

, 2 n

., 6

c.)

av. 1

460

- cr

éatio

n -

par

la f

am.

Nel

epec

(Nb)

1536

-153

7-

aban

don

- ap

rès

l’occ

upat

ion

de la

rég

ion

par

les

Tur

cs

en 1

536

- 14

99:

impo

rtan

t le

gs d

e l’é

v.

de Z

agre

b, O

swal

d de

Sze

nt-

lász

ló,

à to

us

les

couv

. de

Sl

avon

ie (1

000

flor

ins)

Rom

., 64

K

a II

, 17

4-17

5

Szll

s=

Nag

y-sz

lls

-co

m.:

Ugo

csa

-di

oc.:

-

1509

: conventus

- 15

35: 2

2 fr

.

1471

-150

0-

créa

tion

- pa

r la

fam

ille

1556

- ex

puls

ion

et

mas

sacr

e de

s

- 15

24:

impo

rtan

t le

gs

du

Gra

nd J

uge

Jean

Drá

gfi

- 15

26:

c’es

t là

que

fut

rap

atri

é

Rom

., 66

K

a II

, 18

5-18

8

Page 597: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

CARTES, GRAPHIQUES ET TABLEAUX 597

TA

BL

EA

U S

YN

OP

TIQ

UE

DE

S C

OU

VE

NT

S 60

9

(Vinogra-

dov,

UK

R)

- gr

osse

bo

urga

de

Tra

nsyl

vani

e -

cust

.:

Nag

ybán

ya

(11

pr.,

2 n.

9

c.)

Per

ény,

bra

nche

de

Nya

lábv

ár

(B)

fr.

- pa

r le

s ho

mm

es d

u P

, F

ranç

ois

de

Per

ény,

pro

-te

stan

t ay

ant

rom

pu a

vec

Fer

dina

nd I

er

puis

cou

v.

détr

uit

pen-

dant

le s

iège

de

la v

ille

par

Fer

dina

nd

le c

orps

de

Jean

de

Cap

estr

an

aprè

s la

pri

se d

e M

ohác

s -

1525

, 155

4: c

hap.

pro

v.

- 15

56:

les

prot

esta

nts

atta

-qu

ent

le

couv

. et

je

tten

t le

s re

stes

de

Je

an

de

Cap

estr

an

dans

un

puits

-

1557

: le

co

uv.

est

détr

uit

pend

ant

le s

iège

de

la v

ille

par

les

trou

pes

de F

erdi

nand

Ier d

e H

absb

ourg

-

reto

ur d

es f

r. e

n 16

68

Tál

ad

= P

ula

(Pula,

H)

- vi

llage

-co

m.:

Zal

a -

dioc

.:

Ves

zpré

m

-cu

st.:

Usz

asze

ntlé

lek

-

1509

: locus

- 15

35: 1

4 fr

. (7

pr.

, 7 c

.)

av. 1

480

- cr

éatio

n à

p.

d’un

anc

. mon

. d’

erm

. de

St P

aul

- pa

r la

fam

. R

átót

de

Gyu

lafi

(B)

1552

- ab

ando

n -

aprè

s la

pri

se

de V

eszp

rém

pa

r le

s T

urcs

- 15

43:

mis

e en

lie

u sû

r de

s ob

jets

lit

urgi

ques

ap

rès

la

chut

e de

Szé

kesf

ehér

vár

Rom

., 66

K

a II

, 19

2-19

3

Tár

nok

(Zalatár-

nok

, H)

- vi

llage

-co

m.:

Zal

a -

dioc

.:

Ves

zpré

m

-cu

st.:

Usz

asze

ntlé

lek

-

1509

: locus

- 15

35: 1

4 fr

. (7

pr.

, 1 n

., 6

c.)

v. 1

490

(ach

evé

av.

1504

) -

créa

tion

- pa

r Je

an B

otka

de

Szé

plak

(N

b ou

B)

1537

- ab

ando

n -

? (r

etou

r ép

hém

ère:

15

61-1

565)

- dé

men

acé

d’ab

ando

n en

15

04,

les

frèr

es

viva

nt

alor

s da

ns la

plu

s gr

ande

mis

ère,

par

glig

ence

du

fond

ateu

r -

1537

: m

ise

en l

ieu

sûr

des

obje

ts d

e cu

lte

Rom

., 67

K

a II

, 19

4-19

6 1e

r for

m.,

fol.

142-

142v

.(1

505)

M

FL

, fds

I,

ms

LX

XX

VII

T

ata

(Tata,

H)

- pe

tite

bour

gade

-co

m.:

Kom

árom

-

dioc

.: G

yr

-cu

st.:

Esz

terg

om

-

1509

: locus

- 15

35: 1

0 fr

(5

pr.

, 5 c

.)

av. 1

462

- cr

éatio

n -

par

le r

oi

Sigi

smon

d dè

s le

s an

nées

143

0?

1543

-

aban

don

- ap

rès

la p

rise

de

la lo

calit

é pa

r le

s T

urcs

- fo

ndat

ion

peut

-êtr

e lié

e au

jour

de

Ja

cque

s de

la

M

arch

e au

châ

teau

de

Tat

a, à

la

dem

ande

du

roi

Sigi

smon

d,

mai

s au

cune

men

tion

préc

ise

av. 1

462

Rom

., 67

K

a II

, 19

3-19

4

Page 598: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

CARTES, GRAPHIQUES ET TABLEAUX598T

AB

LE

AU

SY

NO

PT

IQU

E D

ES

CO

UV

EN

TS

610 Töv

is(T

eiu

, R)

- pe

tite

bour

gade

ab

rita

nt u

n m

arch

é

-co

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(Als

ó)F

ehér

-

dioc

.:

Tra

nsyl

vani

e -

cust

.:

Tra

nsyl

vani

e

Rei

ne-d

es-

Ang

es

- 15

09: l

ocus

- 15

35: 1

8 fr

. (1

1 pr

., 7

c.)

- 15

42: 5

fr.

-

1544

-155

0:

4 fr

.

-te

rt. fé

m.

(ap.

150

1-15

56);

conf

esse

ur

(155

0)

v. 1

444

(ach

evé

en

1449

) -

créa

tion

- pa

r le

rég

ent

Jean

de

Hun

yad

1554

-

aban

don

(sau

f un

fr.

) -

insé

curi

(ret

our

éphé

mèr

e en

15

95)

- fo

ndé,

sel

on l

a tr

aditi

on,

en

rem

erci

emen

t de

s vi

ctoi

res

rem

-po

rtée

s pa

r Je

an

de

Hun

yad

cont

re le

s T

urcs

en

1442

-144

3 -

voca

tion

initi

ale:

ram

ener

les

or

thod

oxes

da

ns

le

giro

n de

l’E

glis

e ro

mai

ne

- 14

55:

séjo

ur d

e Je

an d

e C

a-pe

stra

n,

qui

enco

urag

e l’a

cti-

vité

de

conv

ersi

on d

es o

rtho

-do

xes

(rou

mai

ns e

t sla

ves)

-

1456

: P

= f

am.

Pon

grác

de

Den

gele

g -

v.

1501

-153

1:

sout

ien

actif

d’

Urs

ule

de

Per

ény,

ép

ouse

pu

is (

1526

) ve

uve

de M

athi

as

Pon

grác

(c

onst

ruct

ion

d’un

e ch

apel

le,

fond

atio

n de

la

fra-

tern

ité, d

ons.

..)

Rom

., 69

K

a I,

131

et

II,

197

-20

0 55

8 B

oros

, 38

272

Ent

z, 4

93

Rus

u, 2

66-

267

Újla

k (I

lok

, CR

)

- bo

urga

de

puis

vill

e

-co

m.:

Val

-di

oc.:

Péc

s -

cust

.: Ú

jlak

Ste -

Vie

rge-

Mar

ie

- v.

145

5: 3

0 fr

. -

1499

: no

mbr

eux

(le

cha

p.

prov

. im

pose

1

mes

se

chan

tée

par

jour

) -

1509

: co

nven

tus (

au

moi

ns 1

2 fr

.)

1451

(o

uver

t en

1455

) -

tran

sfer

t -

dem

andé

par

N

icol

as d

’Újla

k (B

) et

les

habi

tant

s

1526

-

dest

ruct

ion

- pa

r le

s T

urcs

, au

mom

ent

de la

pr

ise

de la

vi

lle

- an

c. c

ouv.

fra

ncis

c. f

ondé

au

XII

Ie

sièc

le

par

Ugr

in

Pos

a d’

Újla

k (B

) -

1456

: vis

ite (

en ju

in)

puis

der

-ni

er s

éjou

r (ju

squ'

à sa

mor

t le

23

oct

obre

) de

Jea

n de

Cap

e-st

ran;

ent

erré

dan

s la

cha

pelle

St

e -C

athe

rine

; sa

dépo

uille

att

ira

auss

itôt d

e no

mbr

eux

pèle

rins

-

1468

: ag

rand

isse

men

t de

l’é

-gl

ise

et tr

avau

x su

r le

cou

v.

- ch

ap.

prov

.: 14

65,

1475

, 14

93, 1

509

- ét

é 15

26:

la t

ombe

de

Jean

de

Cap

estr

an e

st tr

ansf

érée

à S

zll

s

Rom

., 70

K

a II

, 17

5-17

7 A

ndri

,42

-43

1er f

orm

., fo

l. 17

2-17

2v.

Uzs

asze

nt-

léle

k -

com

.: Z

ala

-

dioc

.:

-

1509

: loc

us-

1535

: 8 f

r.

1455

-146

0-

créa

tion

à p.

15

47-

aban

don

- pe

ut-ê

tre

le p

lus

anc.

cou

v.

obs.

de

Tra

nsda

nubi

e R

om.,

70

Ka

II,

Page 599: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

CARTES, GRAPHIQUES ET TABLEAUX 599

TA

BL

EA

U S

YN

OP

TIQ

UE

DE

S C

OU

VE

NT

S 61

1

= S

zen

t-lé

lek

(Lesenceistv

ánd-Uzsa,

H)

- pr

ès d

’un

villa

ge, s

ur

une

colli

ne

Ves

zpré

m

-cu

st.:

Uzs

asze

ntlé

lek

(4 f

r., 4

c.)

d’un

anc

. mon

. d’

erm

. de

St

Pau

l -

à l’i

nitia

tive

des

nobl

es d

u vo

isin

age

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rès

l’att

aque

du

couv

. par

une

ba

nde

arm

ée

(meu

rtre

d’u

n fr

. pui

s m

ise

à sa

c du

cou

v.)

- 15

32:

mis

e en

lie

u sû

r de

s ob

jets

litu

rgiq

ues

dans

la f

orte

-re

sse

de

Tát

ika

(att

aqué

e en

15

38)

200-

203

Vaj

dah

un

yad

= H

un

yad

(Hune-

doara,

R)

- pe

tite

bour

gade

-

quar

tier

de B

ojto

r (Buituri

)

-co

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Hun

yad

-di

oc.:

Tra

nsyl

vani

e -

cust

.:T

rans

ylva

nie

Ste -

Vie

rge-

Mar

ie

- 15

09: locus

-confr.

de

cord

onni

ers

(v.

1513

-15

17)

1465

(a

chev

é en

487

) -

cess

ion

aux

fran

cisc

. obs

. ap

rès

achè

vem

ent

- pa

r le

roi

M

athi

as I

er e

t la

re

ine-

mèr

e,

Elis

abet

h de

Sz

ilágy

av. 1

552

- ab

ando

n pu

is

dest

ruct

ion

- f

ace

à la

pr

ogre

ssio

n de

s ar

mée

s tu

rque

s

- an

c. c

ouv.

des

tiné

à de

s er

m.

(aug

. ou

de S

t Pau

l) pa

r Je

an d

e H

unya

d,

com

men

en

1442

m

ais

inac

hevé

à s

a m

ort e

n 14

56

- fo

nctio

n in

itial

e: v

ivie

r de

mis-

sionn

aire

s po

ur la

Mol

davi

e -

v. 1

526:

le

gard

ien

se p

lain

t de

s tr

acas

seri

es d

u ca

pita

ine

de

la f

orte

ress

e, lu

thér

ien

- 15

32:

impo

rtan

ts d

égât

s lo

rs

du s

iège

de

la f

orte

ress

e pa

r le

s tr

oupe

s de

Jea

n de

Sza

poly

a; le

co

uv. e

st é

vacu

é -

v.

1535

-153

6:

reto

ur

des

frèr

es

Rom

., 14

K

a II

, 79s

E

ntz,

78

303

Bor

os, 3

9 27

2 27

5 G

yörg

y,

356-

357

Rus

u, 1

49s

Gyö

rgy

(éd.

), 66

1-66

3 1e

r for

m.,

fol.

113s

(151

3-15

17)

Vám

os(Sajóvámos

,H

)

- vi

llage

-co

m.:

Bor

sod

-

dioc

.: E

ger

-cu

st.:

Sáro

spat

ak

(149

2),

Széc

sény

(150

9,

1516

),pu

is S

áros

pata

k (1

537)

, et e

nfin

E

szte

rgom

(1

546)

-

1509

: locus

1482

-149

2-

créa

tion

- pa

r la

fam

. B

ebek

(Pau

l, fi

ls

du v

oïvo

de ?

) (B

)

1556

- ex

puls

ion

-

par

les

hom

mes

de

Geo

rges

B

ebek

, pr

otes

tant

s

- en

core

ac

tif

au

débu

t de

s an

nées

155

0 R

om.,

71

Ka

II,

203-

204

1er f

orm

., fo

l. 23

4

Vár

pal

ota

= P

alot

a -

com

.:

Ves

zpré

m

-

1509

: locus

- 15

35: 1

3 fr

. v.

144

0-

créa

tion

av. 1

542

- aba

ndon

pui

s -

1456

: cha

p. p

rov.

-

1521

-152

2: s

éjou

r au

cou

v. d

e R

om.,

49

Ka

II,

Page 600: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

CARTES, GRAPHIQUES ET TABLEAUX600T

AB

LE

AU

SY

NO

PT

IQU

E D

ES

CO

UV

EN

TS

612 (Várpalota

,H

)

- fort

eres

se

-di

oc.:

Ves

zpré

m

-cu

st.:

Uzs

a-sz

entlé

lek

(7 p

r., 6

c.)

- pa

r N

icol

as

d’Ú

jlak

(B)

dém

oliti

on

- fa

ce a

ux

pres

sion

s de

s no

uvea

ux

seig

neur

s, le

s P

odm

anic

ky

Paul

de

Tom

or,

chef

de

guer

re

et f

utur

arc

hev.

de

Kal

ocsa

-

1526

, 153

3: m

assa

cre

de 3

fr.

pu

is d

e 3

autr

es p

ar le

s T

urcs

209-

210

Vis

egrá

d(Visegrád,

H)

- vi

lle

- qu

artie

r du

pal

ais

roya

l

-co

m.:

Pili

s -

dioc

.:

Ves

zpré

m

-cu

st.:

Esz

terg

om

Ste -

Vie

rge-

Mar

ie

- 15

09: locus

- 15

35: 8

fr.

(4

pr.

, 4 c

.)

1425

(a

chev

é v.

151

1)

- cr

éatio

n (in

itial

emen

t pr

évue

à p

. d’

une

chap

elle

ro

yale

, St-

Geo

rges

) -

par

le r

oi

Sigi

smon

d, p

ar

Mat

hias

Ier

, pui

s pa

r W

ladi

slas

II

av. 1

544

- de

stru

ctio

n -

pend

ant

le

sièg

e de

la

ville

par

le r

oi

Fer

dina

nd,

ou a

u m

omen

t de

la p

rise

de

la v

ille

par

les

Tur

cs (

1544

)

- pr

ojet

aba

ndon

né a

u m

ilieu

du

XV

e si

ècle

dan

s un

con

text

e de

déc

lin d

e la

vill

e, r

epri

s pa

r M

athi

as I

er m

ais

touj

ours

ina

-ch

evé

au d

ébut

du

XV

Ie s

. -

1513

: ch

ap.

prov

.; 15

14:

chap

. ex

tr.

prép

aran

t le

cha

p.

géné

ral d

’Ass

ise

- av

. 154

0: m

ise

en li

eu s

ûr d

es

obje

ts li

turg

ique

s -

1540

(oct

obre

): do

mm

ages

su

bis

par

les

frèr

es (

pilla

ges

et

réqu

isiti

on d

e vi

vres

) pe

ndan

t le

siè

ge d

e la

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e pa

r le

s ar

-m

ées

de F

erdi

nand

; ce

lui-

ci l

es

dédo

mm

age

chic

hem

ent

Rom

., 74

B

uzás

27-

28 Ka

II,

212-

213

Page 601: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

CARTES, GRAPHIQUES ET TABLEAUX 601

TA

BL

EA

U S

YN

OP

TIQ

UE

DE

S C

OU

VE

NT

S 61

3

FO

ND

AT

ION

S E

PH

EM

ER

ES

OU

AV

OR

TE

ES

Cse

rögy

(Cserevi,

CR

)-

dioc

.:

Zag

reb

v.

137

2-13

75-

créa

tion

- pa

r N

icol

as d

e G

ara

(B)

? -

aucu

ne

trac

e do

cum

enta

ire

aprè

s sa

fon

datio

n A

cBos

209,

219

Deb

rece

n

(Debrecen,

H)

-co

m.:

Bih

ar

-di

oc.:

Nag

yvár

ad

14

48

- tr

ansf

ert

appr

ouvé

par

le

pape

-

à la

dem

ande

de

Jea

n de

H

unya

d

-

couv

. pl

usie

urs

fois

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acé

de

tran

sfer

t au

x ob

s.,

pour

caus

e de

m

anqu

emen

ts

à la

règl

e, m

ais

jam

ais

pass

é so

usco

ntrô

le o

bs.

- no

uvel

le

dem

ande

d’

Elis

a-be

th d

e Sz

ilágy

(14

66),

débo

u-té

e en

146

8 (a

ccor

d pr

évoy

ant

le t

rans

fert

du

seul

cou

vent

de

Széc

sény

), pu

is d

e M

athi

as I

er

(148

9), s

ans

résu

ltat

Ka,

I, 5

9,

66, 6

8, 1

58

Kil

ia

= K

ilyé

n(R

)

- com

.:H

árom

szék

- d

ioc.

:T

rans

ylva

nie

St-

Ber

nard

in-

de-S

ienn

e

1453

-

créa

tion

- à

l’ini

tiativ

e de

Je

an d

e H

unya

d,

sur

le c

onse

il de

Je

an d

e C

apes

tran

1465

-

détr

uit a

près

le

rét

ablis

se-

men

t du

pou-

voir

mol

dave

, so

uten

u pa

r le

s O

ttom

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- vo

catio

n: c

onve

rtir

les

hus

-si

tes

hong

rois

fugi

és

enM

olda

vie

- au

cune

tr

ace

docu

men

tair

eap

rès

1465

Ka,

I, 3

41

Bor

os, 3

9,

272

?- d

ioc.

: Péc

s

1376

-

créa

tion

- pa

r Je

an d

e H

orvá

t (B

)

?-

aucu

ne

trac

e do

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ILLUSTRATIONS

Page 604: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)
Page 605: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

ILLUSTRATIONS 605

I. QUELQUES fOLIOS dU PREmIER fORmULAIRE

1. 1er form., fol. 2.

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ILLUSTRATIONS606

2. 1er form., fol. 196v.

3. 1er form., fol. 233.

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ILLUSTRATIONS 607

4. 1er form., fol. 234v.

Page 608: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

ILLUSTRATIONS608

II. L’ARCHITECTURE OBSERvANTE HONGROISE

palais royal

église et couventNotre-dame

1. Le couvent de Visegrád (à la fin du xve siècle).1.a. Reconstitution de l’église et du couvent.Source: Medieval Visegrád, dir. J. Laszlovszky, fig. 205.

1.b. Les voûtes du cloître.Source: Medieval Visegrád, dir. J. Laszlovszky, fig. 203.

Page 609: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

ILLUSTRATIONS 609

2. L’église de Nyírbátor (aujourd’hui temple calviniste)

Source: L. dobos, Gy. friszt, Középkori templomaink, Budapest 1990, fig. 79.

Page 610: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

ILLUSTRATIONS610

3. L’église de Szécsény: détails (voûte, chapiteau, clefs de voûte représentant saint Ladislas et sainte Catherine)

Source : Magyarországi művészet II, dir. E. marosi, 139.

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ILLUSTRATIONS 611

4. Plan de l’église deGyöngyös (à la fin du xve siècle).Source : Magyarországiművészet I, dir. E. marosi, 552.

5. Plan de l’église deMarosvásárhely(à la fin du xve siècle)Source : Dicţionarul mănăstirilor, dir. A. Rusu, 261.

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ILLUSTRATIONS612

7. Plan de l’église d’Atyina (à la fin du xve siècle)Source : Medieval Visegrád, dir. Laszlovszky, fig. 207.

6. Plan de l’église de Szalárd (à la fin du xve siècle)Source : Dicţionarul mănăstirilor, dir. A. Rusu, 223.

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CHRONOLOGIE

fin des années 1220: Des franciscains s’installent en Dalmatie pour convertir les bogomiles de Bosnie; ils cèdent bientôt la place à des dominicains, en activité jusque vers 1280.

1291: Le pape Nicolas IV charge les frères mineurs de la province de Dal-matie de lutter contre l’hérésie bogomile en Bosnie, mais l’instabilité de la région et les réclamations des dominicains les empêchent d’agir.

5 oct. 1339: Fondation officielle de la vicairie franciscaine (missionnaire) deBosnie.

1347: Création du premier couvent du royaume de Hongrie issu de la vi-cairie de Bosnie (Diakóvár, en Slavonie).

1369: Massacre de cinq frères observants de la vicairie de Bosnie à Vidin, en Bulgarie.

1372: Le vicaire franciscain de Bosnie, Barthélemy d’Alverne, rattache sa province au courant de l’observance franciscaine défini dans la pé-ninsule italienne et reconnu en 1368.

1379: Visite du ministre général de l’ordre aux membres de la province franciscaine de Hongrie.

années 1390 – années 1410: Destruction de plusieurs couvents méridionaux par des bandes ottomanes parties de Serbie.

1418: Fondation à Ozora du premier couvent hongrois de la vicairie de Bos-nie depuis le rattachement de celle-ci à l’observance franciscaine.

vers 1420: Après la reprise en mains de la Bosnie par Sigismond de Luxem-bourg, certains frères favorables à la domination vénitienne retour-nent en Italie.

années 1420-1430: L’hérésie hussite fait de nombreux adeptes en Hongrie, en particulier au sud du royaume.

1424: Martin V reconnaît aux franciscains de la vicairie de Bosnie le rôle de défenseurs de la Chrétienté face au péril ottoman.

1425: Fondation par le roi Sigismond de Luxembourg du premier couvent franciscain de la vicairie de Bosnie situé en Hongrie centrale (Visegrád).

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CHRONOLOGIE614

v. 1425: Début de la rédaction de la Chronique observante des frères mi-neurs de Bosnie, par le vicaire Blaise de Szalka.

avril 1432-1433: Séjour de Jacques de la Marche en Bosnie en tant que commissai-re; il s’efforce, non sans mal, de réformer les couvents de la région.

déc. 1435 - fin 1437: Jacques de la Marche occupe la charge de vicaire de Bosnie; il demande l’autorisation de fonder plusieurs couvents à la fois en Bosnie et en Hongrie.

fin 1436-1439: Jacques de la Marche effectue de longs séjours en Hongrie et y combat les hérésies, en tant qu’inquisiteur.

vers 1440: Traduction en hongrois de deux légendes de saint François issues du milieu spirituel.

années 1440: Début de l’essor spectaculaire de l’observance franciscaine en Hongrie. Relâchement de la discipline et instabilité des dirigeants chez les conventuels.

février 1444: Première série de transferts de plusieurs couvents franciscains aux observants sur ordre du légat pontifical Julien Cesarini, dont les couvents de Buda et de Pest.

oct. 1444 – janv. 1445: Tentative avortée de sécession des frères de Hongrie hors de la vicairie de Bosnie.

1446: Création de la famille franciscaine observante cismontaine, dirigée par un vicaire général et un chapitre, famille à laquelle est immédia-tement rattachée la vicairie de Bosnie.

3 juillet 1446: Le pape Eugène IV reconnaît l’élection du vicaire de Bosnie par les frères; il charge le vicaire d’excommunier les clercs concubinaires et reconnaît aux membres de la vicairie le droit d’administrer tous les sacrements aux fidèles.

février 1448: Seconde série de transferts aux observants sur ordre du légat pontifical Jean de Carvajal.

10 février 1448: Naissance officielle de la vicairie de Hongrie, détachée de la vicairie franciscaine observante de Bosnie.

1450: Canonisation de Bernardin de Sienne.1454: Réforme des franciscains conventuels à l’initiative du ministre pro-

vincial Fabien d’Igal, qui fait adopter de nouveaux statuts. mai 1455: Arrivée en Hongrie de Jean de Capestran.

Page 615: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

CHRONOLOGIE 615

1456: Jean de Capestran est officiellement chargé de recruter des croisés contre les Turcs.

22 juillet 1456: Victoire du camp chrétien à Belgrade face aux Ottomans, en partie grâce aux volontaires recrutés par Jean de Capestran.

23 oct. 1456: Mort de Jean de Capestran au couvent d’Újlak.fin 1457- début 1458: Bref séjour de Jacques de la Marche en Hongrie, pour

reprendre le flambeau de la croisade.22 juin 1458: Calixte III entérine la décision du chapitre général de l’ordre (en

1457) de soustraire la vicairie observante de Hongrie à l’autorité du vicaire cismontain et de la placer directement sous celle du ministre général de l’ordre, à la demande du vicaire de Hongrie Étienne de Varsány.

1461: Le chapitre général cismontain adopte les “Constitutions martinien-nes”, rédigées par Jean de Capestran.

1462: Déposition d’Étienne de Varsány par le ministre général de l’ordre, à la demande des frères de la vicairie de Hongrie.

1467: Premier couvent observant résultant de l’initiative populaire.1467-1468: Tractations entre les dirigeants des deux provinces franciscaines de

Hongrie au sujet des couvents de Debrecen, laissé aux conventuels, et de Szécsény, qui passe à l’observance.

vers 1470: Le palatin Michel Ország s’oppose fermement à la restitution aux conventuels du couvent de Szécsény, décidée en chapitre général l’année précédente.

années 1470: Léger tassement de la courbe des fondations observantes hon-groises, liée au succès de la réforme des conventuels. Première oc-currence dans les sources du nom de “frères de Cseri” à propos des observants hongrois.

1472: Bulle Dum fructus uberes autorisant les frères mineurs et prêcheurs à avoir des biens fonciers et des rentes perpétuelles.

1476: Mort de Jacques de la Marche.vers 1480: Dernier exemple attesté par la documentation du transfert d’un éta-

blissement conventuel hongrois à l’observance.1481: Les observants hongrois participent, comme l’ensemble du clergé

du pays, à la diffusion de la bulle de croisade de 1479, assortie d’indulgences.

Page 616: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

CHRONOLOGIE616

1490: Innocent VIII reconnaît aux conventuels hongrois la tutelle du cou-vent de Buda, attribué en 1444 aux observants.

25 sept. 1492: Alexandre VI annule la décision d’Innocent VIII concernant le couvent de Buda et confirme aux observants de Hongrie la tutelle des couvents obtenus par transfert; mais le vicaire observant doit s’engager à ne plus installer de frères observants dans les murs des conventuels, ce qui met fin aux transferts.

1497: Les conventuels contestant la légalité de la construction des cou-vents observants de Szeged et de Nagyvárad, le vicaire de la pro-vince observante de Hongrie (Oswald de Laskó) promet de ne plus construire de couvents observants dans les villes abritant déjà un couvent franciscain.

vers 1498: Plusieurs délégués de la diète de Hongrie font pression sur les di-rigeants observants pour qu’ils acceptent de fusionner avec les conventuels.

1499: Chapitre provincial d’Atya, qui adopte les Constitutiones rédigées par Oswald de Laskó pour la vicairie de Hongrie.

5 oct. 1500: Les observants hongrois sont chargés de prêcher les indulgences plénières du jubilé pontifical, une partie des fonds récoltés devant aller à la guerre contre les Turcs.

1501: Confirmation par le pape des Constitutions Alexandrines interdi-sant aux frères mineurs toute forme de propriété, communautaire ou individuelle.

30 mai 1502: La vicairie observante de Hongrie retourne dans la famille cis-montaine.

4 nov. 1507: Les observants hongrois sont à nouveau chargés de prêcher les in-dulgences jubilaires.

1508: Le provincial conventuel de Hongrie Luc de Segösd complète les statuts réformés de 1454.

1508-1510: Épidémie de peste en Hongrie, qui touche tout particulièrement les communautés régulières.

28 févr. 1512: Les observants sont chargés de prêcher le jubilé pontifical et de gérer la part revenant au pape, c’est-à-dire le tiers des fonds récoltés.

1512: Le sultan Selim Ier prépare une vaste offensive contre la Hongrie. Les dirigeants de la province observante ordonnent la dissolution des associations de flagellants.

Page 617: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

CHRONOLOGIE 617

3 sept. 1513: Le pape Léon X lance un nouvel appel à la croisade contre les Turcs.

fin 1513 - début 1514: Les Observants hongrois sont chargés de prêcher les in-dulgences jubilaires, affectées depuis un bref de Léon X à la guerre contre les Turcs.

9 avril 1514: Le primat Thomas Bakócz, en tant que légat pontifical, fait procla-mer la bulle de croisade par les observants (sauf dans le diocèse de Transylvanie).

25 avril 1514: La croisade s’étend à la Transylvanie, l’évêque François de Várda étant chargé de la faire prêcher.

1-3 mai 1514: Les pères électeurs de la vicairie de Hongrie se réunissent à Vi-segrád pour préparer le chapitre général franciscain prévu pour juin suivant à Assise.

15 mai 1514: Le primat Bakócz interrompt la levée des croisés en raison des plaintes parvenues jusqu’à lui sur la multiplication des actes de vio-lence antiseigneuriale.

24 mai 1514: Le primat Bakócz suspend la croisade. 25 mai 1514: Les franciscains observants de Buda sont chargés d’annoncer

la dissolution de l’armée des croisés, ce qui provoque des émeutes dans la capitale.

28 mai 1514: Georges Dózsa, qui refuse de déposer les armes, fait assassiner l’évê-que de Csanád Nicolas de Csák et plusieurs nobles de son entourage.

fin mai – début juin 1514: Révolte générale des croisés, dont Georges Dózsa prend aussitôt la direction.

juin - juillet 1514: Extension de la guerre paysanne, à laquelle participent active-ment plusieurs frères observants.

début juillet 1514: Succession de défaites pour les différentes armées des in-surgés.

7 juillet 1514: A la demande des observants hongrois, le pape condamne la tentative de sécession des frères de la custodie de Slavonie.

15 juillet 1514: Reddition de Georges Dózsa au voïvode de Transylvanie Jean de Szapolya, qui le fait torturer et exécuter.

15 août 1514: Réunion extraordinaire des dirigeants de la province hongroise en chapitre restreint à Visegrád et préparation du chapitre provincial prévu pour la Pentecôte 1515.

Page 618: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

CHRONOLOGIE618

oct. -nov. 1514: La diète de Buda adopte une réglementation très sévère à l’égard des paysans révoltés.

1514: Scission de la vicairie de Bosnie en Bosnie Argentine, occupée par les Ottomans, et Bosnie Croate, sous contrôle hongrois.

vers 1514-1525: Rédaction du premier formulaire observant de Hongrie.27 mai 1515: Ouverture du chapitre de la province observante de Hongrie

à Buda; il interdit à quiconque de prêcher la croisade sans autori-sation du vicaire provincial et réglemente les peines à infliger aux coupables; il regroupe la formation supérieure des novices et des candidats à la prêtrise dans les couvents de Buda et d’Esztergom.

29 mai 1517: La bulle Ite vos confie désormais à un observant la direction de l’ordre des frères mineurs (“triomphe de l’Observance”, mais aussi division).

1521: Le chef de guerre Paul de Tomor entre chez les franciscains observants.1524: Rédaction des statuts des sœurs tertiaires de la province observante

de Hongrie (ou d’une seule fraternité ?).29 août 1526 : Désastre militaire des troupes hongroises du roi Louis II à Mohács

face aux troupes ottomanes menées par Souleiman Ier; terribles destruc-tions turques dans les couvents hongrois dès les semaines précédentes.

1528-1529: Les troupes autrichiennes commandées par Kaczianer incendient les couvents d’Okolicsnó et de Homonna.

1529: Deuxième série de destructions turques.vers 1530: Début des progrès spectaculaires de la Réformation en Hongrie.vers 1530-1535: Rédaction du second formulaire observant de Hongrie.1531: Le chapitre provincial interdit l’admission de nouveaux mem bres

dans les fraternités de tertiaires. Important legs testamen taire de Ma-deleine, veuve du lapicide Georges, de Kolozsvár.

1532-1533: Troisième campagne de Souleiman en direction de Vienne; le chapi-tre provincial ordonne l’évacuation préventive de plusieurs couvents situés sur son passage.

1533: Nombreux dégâts causés par les soldats autrichiens dans les cou-vents du nord du royaume.

Ferdinand Ier demande aux observants de promulguer à l’inté rieur des couvents une lettre publique condamnant le luthéranisme.

1534: Assassinat d’Émeric Czibak, évêque de Nagyvárad et protecteur des obser vants. Georges Utyesenovics (“frère Georges”), trésorier et

Page 619: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

CHRONOLOGIE 619

gouverneur de Transylvanie et des Partium, lui succède et prolonge son action.

1535: Élection à la tête de la province de Thomas de Pata, ancien prédica-teur de la cour de Jean Ier de Szapolya.

Le chapitre provincial mentionne pour la première fois l’adhésion de certains frères au luthéranisme.

1536: La peste touche à nouveau les couvents hongrois. 1536-1537: Quatrième campagne turque traversant la Hongrie; elle aboutit à la

fermeture des derniers couvents de Slavonie.1537: Attaque du couvent observant de Szakolca par les habitants et mise

à sac de celui de Sárospatak par les hommes du baron Pierre de Pérény, luthérien; elles ouvrent la série des dommages causés aux couvents par les protestants en Hongrie royale.

1539: Le chapitre provincial interdit l’admission de nouveaux membres dans la confrérie spirituelle de l’ordre et renouvelle la clause mettant fin au recrutement des tertiaires.

1541: Les Turcs occupent désormais le centre du royaume de manière du-rable. A Pest, peu après la prise de la place par les Turcs, les habitants réclament le retour des frères.

1542: Le chapitre provincial pose, à l’intention des fondateurs, de sévères conditions matérielles à la création de nouveaux couvents.

vers 1542: Première vague de violences protestantes contre les couvents obser-vants dans tout le pays.

1544: Le chapitre provincial établit un lien de cause à effet entre la diminu-tion des aumônes et la propagation du protestantisme dans le pays; il renouvelle les mesures prises en 1535 pour éviter sa diffusion au sein de la province.

1548: A la demande des habitants, les franciscains observants assurent dé-sormais la cure d’âmes de la ville de Nagybánya.

Martyre de frère Jean de Hongrie, tué par les protestants à Neustadt, en Autriche.

1551: Mort du gouverneur Georges Utyesenovics, en qui les observants de Transylvanie et des Partium perdent leur dernier protecteur.

vers 1550-1555: Nouvelle série de destructions ou d’évacuations de couvents dans les secteurs où s’affrontent Turcs, Habsbourg et partisans de Szapolya.

Page 620: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

CHRONOLOGIE620

1554: Le chapitre provincial autorise les frères à élever du bétail et à culti-ver des plantes textiles, oléagineuses et fourragères.

1556: La diète de Torda décrète la sécularisation de tous les monastères et couvents de Transylvanie.

1602: L’observance franciscaine hongroise, à son point le plus bas, compte quatre couvents et une vingtaine de frères.

1690: Canonisation de Jean de Capestran.1757: Naissance de la Province de Saint Jean de Capistran, regroupant les

couvents observants du sud du royaume de Hongrie.1786-1790: Dissolution de l’ordre des frères mineurs par Joseph II de

Habsbourg.

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LISTE DES VICAIRES ET MINISTRES DE LA PROVINCE FRANCISCAINE DE HONGRIE

Vicaires: - 1448-1452, 1452- 1456: Michel de Bölcsény- 1456-1462 (destitué): Étienne de Varsány- 1462-1465: Michel Székely (“le Sicule”) - 1465-1468, 1468-1471: Valentin de Szeged- 1471-1473: Michel Székely- 1473-1475, 1475-1477: Brice de Tolna- 1477-1479, 1479-1481: Gabriel de Pály- 1481-1483, 1483-1485: François de Bánya- 1485-1487, 1487-1489, 1489-1490 (†): Barthélemy Zazymus de Sáros- 1490 (vic. provisoire): Barthélemy de Sáros (†), puis Étienne de Sopronca- 1491-1493, 1493-1495, 1495-1497: Étienne de Sopronca- 1497-1499, 1499-1501: Oswald de Laskó- 1501-1503, 1503-1505: Blaise de Nyár- 1505-1507: Gilles de Cegléd- 1507-1509: Oswald de Laskó - 1509-1511, 1511-1513: Gabriel de Pécsvárad- 1513-1515, 1515-1517: Blaise de Dézs

Ministres: - 1517-1520: Albert de Dereszlény- 1520-1523: Bernardin de Somlyó- 1523-1525: Gabriel de Pécsvárad- 1525-1527: Jean de Tárnok- 1527-1529: Gabriel de Pécsvárad- 1529-1531: Martin de Nágócs - 1531-1532 (†): Albert de Dereszlény- 1532-1533 (vicaire provisoire): Benoît d’Asszonyfalva- 1533-1535: Martin de Nágócs- 1535-1537: Thomas de Pata- 1537-1539: Martin de Nágócs- 1539-1542 (démission): Mathias Horhi ou Horky- 1542-1544: Martin de Nágócs- 1544-1546: Émeric de Tövis- 1546-1548: Mathias Horhi

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LISTE DES CHAPITRES622

LISTE DES CHAPITRES DE LA PROVINCEFRANCISCAINE OBSERVANTE DE HONGRIE

extr. = chapitre extraordinaire

année lieu (couvent de: )

1452 Gyula1456 Várpalota1462 Ozora1465 Újlak1468 Szalárd1471 Sárospatak1473 Buda1475 Újlak1477 Szécsény1479 Esztergom1481 Szántó1483 Buda1485 Szántó1487 Buda1489 Buda1490 (extr.) Gyula1491 Paks1493 Újlak1495 Atya1497 Pest1499 Atya1501 Buda1503 Buda1505 Buda1507 Esztergom1507 (extr.) Paks1509 Újlak1511 Atya1513 Visegrád1514 (extr.) Visegrád

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LISTE DES CHAPITRES 623

1515 Buda1517 Futak1518 (extr.) Újlak1520 Buda1523 Buda1525 Szőllős1527 Sárospatak1529 Szécsény1531 Nagyvárad1531 (extr. restreint) Kolozsvár1532 (extr.) Várpalota1533 Gyula1535 Gyöngyös1537 Jászberény1539 Buda

(1541 chapitre prévu à Jászberény mais annulé pour cause d’invasion turque)1542 Nagyvárad1544 Nagyvárad1546 Nagyvárad1548 Nagyvárad1550 Nagyvárad1552 Nagyvárad1554 Szőllős(…)1579 Szakolca1581 Gyöngyös

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SOURCES - BIBLIOGRAPHIE

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SOURCES

Les catalogues qui suivent recensent uniquement les sources utilisées dans cette étude. Ils sont classés soit par recueil (pour les sources imprimées), soit par document ou collection (pour les sources manuscrites).

Les dépôts d’archives hongrois restant largement inexplorés, l’inventaire des sources manuscrites est assorti de commentaires pratiques destinés à faci liter de futures investigations.

1. CATALOGUES DES SOURCES MANUSCRITES

Fonds hongrois

Archives Nationales Hongroises (Magyar Országos Levéltár, abrégé en MOL), à Budapest.

Collection des documents antérieurs à 1526 (Mohács elötti gyűjtemény) - section Q (Q szekció): sous-collection de diplomatique (Diplomatikai Levél-tár), comprenant un total de 108030 documents cotés Dl xxx...- section U (U szekció): sous-collection des diplômes reproduits (Diplo ma tikai Fényképgyűjtemény), comprenant environ 300 000 documents cotés Df xxx...Observations: Ensemble assez volumineux, mais difficile à explorer à l’heu re

actuelle: il est en phase de réorganisation et de déménagement (en ce qui con cerne les ori gi naux) au profit des Archives Franciscaines de Hongrie, dans le cadre d’un vaste programme de “restitution” aux établissements ecclé sia sti ques des archi ves qui leur avaient été confisquées par le gouvernement hongrois dans les an nées 1950, programme entamé dans les années 1990 et encore inachevé.

Un catalogue numérisé est en cours de réalisation; les notices sont toutefois incomplètes et approximatives (aucune distinction entre franciscains observants et conventuels, dates données en “ancien style”, noms de personnes mal trans-crits, etc.).

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Une large part des documents se compose visiblement de textes de por-tée générale ayant déjà fait l’objet d’une ou plusieurs éditions: bulles pontificales, chartes royales (de fondation, de protection, de privilèges), décisions prises par les dirigeants de la province hongroise ou de la famille cismontaine. Mais on trouve aussi dans la sous-collection de diplomatique des lettres confraternelles dont cer-taines étaient inconnues jusqu’à une date récente (Dl 66741, Dl 46260, Dl 47257, Dl 69167, Dl 82463...), car elles se répartissent dans diverses sous-collections, dont celle des fonds familiaux (section Q, Családok irataiból). En dehors de textes épars, la sous-collection des diplômes reproduits comprend une section, nommée U 803, qui rassemble sous forme microfilmée l’essentiel des documents ancienne-ment conservés aux Archives franciscaines de Gyöngyös (Ferences Rend Levéltára, Gyöngyösi ferencrendi Kapisztrán (korábban Salvatoriánus) rendtartomány iratai), dont les originaux ont été transférés aux Archives Franciscaines de Budapest.

Autres collections (documents postérieurs à 1526)- collection P 233, appelée “section franciscaine” (ferences szekció) Observations: Cette collection, malheureusement dépourvue de notices dé-

taillées et d’inventaire spécifique, se compose pour une large part de documents postérieurs au XVIe siècle. Toutefois, une investigation plus poussée permettrait peut-être d’y découvrir la transcription de documents antérieurs, voire des origi-naux remontant aux années 1526 à 1541.

Bibliothèque Nationale de Hongrie ou Bibliothèque Széchényi (Országos Széchényi Könyvtár, abrégé en OSzK), à Budapest

Département des Manuscrits (Kézirattár)Il abrite depuis 1934 un document inédit dont nous avons pu mesurer la

richesse documentaire au fil des pages qui précèdent: le formulaire observant ré-digé entre le milieu des années 1510 et 1525 (celui que j’ai appelé “premier formu-laire”). Réalisé dans le couvent de Buda mais égaré depuis le début du XVIIIe siècle, il doit son identification à Emma Bartoniek, archiviste des Archives Nationales Hongroises, qui lui donna en 1940 le titre de Formularium in usum Ordinis Fratrum Minorum regularis observantiae in Hungaria.

Contenu: il reproduit environ deux cents textes conservés jadis aux archives du couvent Saint-Jean de Buda, un fonds très affecté par les offensives turques de 1526 et de 1541. Composé de six rubriques principales (même si le classement des documents demeure aléatoire), il est l’œuvre de sept “mains” différentes, parmi lesquelles domine celle probablement du secrétaire du vicaire de Hongrie Blaise

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de Dézs (et peut-être avant lui de Gabriel de Pécsvárad), Etienne d’Ivanics, égale-ment continuateur de la Chronique de Blaise de Szalka et conservator des archives du couvent de Buda.

Cote: Codex Latinus medii aevi n°432 (abrégé dans la bibliographie en: Cod. Lat. 432).

Description formelle: Szűcs, 223-234; E. Bartoniek, Codices manu scripti Latini. I. Codices Latini Medii Aevi, Budapest 1940, 388-390.

Archives Franciscaines de Hongrie (Magyar Ferences Levéltár, abrégé en MFL), à Budapest

Fonds I (I. fond): collection des actes antérieurs à 1526 (Mohács előtti oklevelek gyűjteménye), qui regroupe aujourd’hui 110 pièces.

Fonds II (II. fond): collection des écrits de la province salvatorienne (Salvato-riánus Rendtartomány Iratai), documents postérieurs à 1526.

+ un document isolé non classé (actuellement) et conservé dans ce dépôt: Le “bullaire de Gyöngyös” (gyöngyösi bullárium), recueil inédit mais connu de-

puis longtemps – exploité par János Karácsonyi et plusieurs de ses prédécesseurs –, comportant une large sélection de bulles et de chartes royales relatives aux observants hongrois. Perdu depuis 1950, il a été retrouvé au hasard des travaux de restauration effectués dans l’église de Gyöngyös en 1998.

Observations: Héritières des archives observantes de Gyöngyös, les archives franciscaines de Budapest auraient dû constituer le principal dépôt documentaire permettant de traiter notre sujet. Malheureusement, il est encore en pleine ges-tation et restructuration, l’objectif étant de rassembler en ce lieu les documents retrouvés dans d’autres couvents hongrois, mais aussi tous ceux que renferment les institutions gouvernementales (archives nationales et archives des comitats, l’équivalent de nos archives départementales). Une tâche ardue et délicate, qui s’accomplit avec lenteur et avec des méthodes pour le moins empiriques, faute de personnel suffisant et compétent. Personne ne sachant exactement ce que renfer-ment aujourd’hui les murs et les armoires de l’établissement, l’avenir réserve sans doute bien des surprises, surtout pour les documents postérieurs à 1526.

A défaut d’inventaire à jour et en gardant à l’esprit le fait que la con sultation des originaux demeure extrêmement aléatoire, il faut se contenter pour exploiter le fonds médiéval de ce dépôt d’outils imparfaits:

- l’inventaire publié en 1930 des archives franciscaines du couvent de Gyön-gyös, établi par un frère anonyme sous le titre A gyöngyösi zárda oklevéltára, Buda-

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pest, Held János, 1930 (p. 6-13 pour la période qui nous intéresse), que j’ai abrégé en “inv. 1930”; attention: il comporte de nombreuses erreurs sur les noms de personne et de lieux, et la datation (en style de l’Incarnation le plus souvent) n’est pas modernisée.

- l’inventaire dactylographié que l’on peut consulter sur place, qui adopte la même cotation (ou numérotation) que dans l’inventaire précédent – en chiffres romains cette fois –, avec des manques et des ajouts correspondant à l’état du fonds répertorié à ce jour, non sans erreurs là aussi mais avec des éléments de des-cription formelle un peu plus précis que ceux que fournit l’inventaire précédent (nature du support, sceau, transcription tardive ou original).

- une autre liste, extrêmement lacunaire, fournit la localisation matérielle (nu-méro de tiroir et emplacement) de certains documents provenant des ancien nes archives de Gyöngyös.

Le fonds médiéval, abondamment exploité par János Karácsonyi du temps où il était conservé à Gyöngyös, comprend une majorité écrasante de diplômes, principalement des bulles pontificales, avec leurs transcriptions successives, quel-ques chartes royales et lettres confraternelles, ainsi qu’une exhortation vica riale de 1516, maintenant éditée1.

Le fonds II, dominé par les textes postérieurs au XVIe siècle, n’a fait l’objet d’aucune liste détaillée. Le “volume 34” (34. kötet) comporte la transcription des tables capitulaires (tabulae) énumérant les couvents et les responsables cha-pitre par chapitre à partir de 1526, dans des transcriptions tardives et souventallégées.

Le “second formulaire”, qui ne faisait pas partie des documents conservés jusqu’à la Seconde Guerre mondiale au couvent de Gyöngyös mais se trouvait à la Bibliothèque Franciscaine de Budapest en 1898 (d’après les indications de János Csontosi et de Ferenc Kollányi), reste pour le moment introuvable…

Archives du comitat de Csongrád (Csongrád Megyei Levéltár), à SzegedFonds appelé “archives du couvent franciscain observant de Szeged, d’Al-

sóváros (ville basse)” (A Szegedi Alsóvárosi Ferences Rend iratai. 1523-1950), numé-roté XII. 4. (fondszám).

Observations: Cet ensemble fournit une bonne idée de ce que l’on peut encore trouver dans certains dépôts d’archives provinciaux. Celui de Szeged est certai-nement l’un des plus riches. Le fonds XII. 4 appartenait avant-guerre aux archi ves franciscaines de Gyöngyös. Contrairement à ce que pourrait laisser croire son

1 A. Fekete Nagy et alii, Monumenta Rusticorum, 541 n° 415.

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SOURCES 631

nom, il ne comporte pratiquement aucun document original issu du cou vent de Szeged antérieur à 1541 – l’établissement fut pillé en 1526 puis à nouveau endom-magé entre 1552 et 1556 –, mais seulement des transcriptions tardives (XVIIe-XVIIIe siècles) de documents médiévaux perdus pour la plupart. Parmi eux, les plus inté-ressants sont apparemment:

- un manuscrit intitulé Chronica seu Origo fratrum minorum de Observantia in Pro-vincia Boznae et Hungariae Christo Jesu militantium ab anno 1313 et coté (XII. 4.) a/19. k., comprenant la Chronique éditée par Ferenc Toldy ainsi que divers fragments inédits, tels qu’un catalogue de bibliothèque (Catalogus librorum biblio thecae) com-prenant des titres médiévaux et des tabulae (fol. 62v-74v)

- un manuscrit intitulé Liber tabularum en trois volumes, coté (XII. 4.) a/20, 21 et 22. k, comprenant des tables capitulaires assorties d’une liste des frères tués par les Turcs, des résumés de l’histoire de l’ordre et les actes de certains chapitres provinciaux

- et surtout un manuscrit, lui aussi disparate, intitulé Provincia Hungariae Sanc-tissimi Salvatoris et coté a/18. Il comprend notamment le recueil inédit que j’ai appelé “bullaire de Szeged”. Très proche par son contenu du “bullaire de Gyön-gyös”, il se compose comme celui-ci de transcriptions de bulles ponti ficales ou d’actes établis par les légats du pape, plus rarement par le roi de Hon grie, en faveur des observants hongrois, transcriptions dont les originaux ou les premières copies étaient jadis conservées à Gyöngyös.

Fonds non hongrois

Archives Secrètes du Vatican (Archivio Segreto Vaticano)

Sacrée Pénitencerie Apostolique (Sacra Penitenzieria Apostolica), à Rome(Vatican)

Observations: Contrairement à ce qui existe déjà pour d’autres espaces de la Chrétienté, aucune synthèse n’a encore été publiée à ce jour sur les diocèses ou les clercs de Hongrie à partir de ce fonds. Le travail a néanmoins commencé2. Les matériaux hongrois sont en cours de transcription (notamment par l’équipe de la Central European University de Budapest), par tranches chronologiques (en commençant par la période 1469-1484). Les sondages effectués dans les ébauches de notices détaillées montrent que les franciscains observants sont totalement absents des suppliques de la Sacrée Pénitencerie jusqu’au tournant des XVe et XVIe

2 Aperçu descriptif et exemples hongrois dans G. Erdélyi, A Sacra Poenitentiaria.

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SOURCES632

siècles. Pour les notices ultérieures à 1500, j’ai utilisé les indications de Madame Gabriella Erdélyi, qui détient actuellement le monopole de leur exploitation do-cumentaire ; elle n’y a trouvé qu’une poignée de demandes de transfert, dont le mobile n’est pas clairement exprimé. Décevante pour le moment, la consultation de ce fonds a priori très prometteur pour mieux cerner l’évolution des déviances internes de l’ordre, peut encore apporter des informations nouvelles sur le sujet.

2. CATALOGUE ALPHABÉTIQUEDES SOURCES IMPRIMÉES

Analecta Franciscana sive Chronica aliaque varia Documenta ad historiam Fratrum Mino rum spectantia, t. I-XII, Quaracchi-Grottaferrata, 1885-1983.

Batthyány Ignatius, dans Leges ecclesiasticae regni Hungariae et provinciarum adia centium (Claudiopoli, 1827), t. III, 609-635 [constitutions de 1499], 647-649 [1505], 650-653 [1507], 667-669 [1515].

Bihl Michael, Statuta provincialia fr. Minorum Observantium Thusciae an. 1457 et 1518, dans AFH 8 (1915) 146-188.

Brisits Frigyes et ses élèves du lycée cistercien Saint-Emeric de Budapest, Temes-vári Pelbárt műveiből [Extraits des œuvres de Pelbart de Temesvár], coll. Ma-gyar Irodalmi Ritkaságok 6., Budapest 1931.

Bullarium franciscanum, Nova Series, ed. Hüntemann, Ad Claras Aquas, 1929 - Bunyitay V., Rapaics R., Karácsonyi J., Kollányi F., Lukcsics J., Egyháztörténelmi

emlékek a magyarországi hitújítás korából (Monu menta ecclesiastica tempora innovatae in Hungaria religionis illustrantia), Budapest 1902-1912, 5 vol, ici t. I-III, et plus spécialement t. II, p. 462-519 [tables capitulaires des chapi-tres provin ciaux de 1531-1552].

Erdélyi Gabriella, The Register of a Convent Controversy (1517-1518). Pope Leo X, Car-dinal Bakócz, the Augustinians and the observant Franciscans in contest, (Collecta-nea Vaticana Hungariae, classis II, t .1), Budapest-Rome 2006.

Fekete Nagy Antonius, Kenéz Victor, Solymosi Ladislaus, Érszegi Geisa, Monu-menta Rusticorum in Hungaria Rebellium anno MDXIV, Buda pest 1979.

Fermendžin Eusebius, Acta Bosnae potissimum ecclesiastica cum insertis editorum docu-mentorum regestis ab anno 925 usque ad annum 1752, t. XXIII de Monu menta spectantia historiam Slavorum Meridionalium, Zagreb, 1892.

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SOURCES 633

-------- Chronicon observantis provinciae Bosnae Argen tinae ordinis Sancti Francisci Sera-phici, dans Starine JAZU 22 (Zagreb, 1890), 1-67.

Fraknói Vilmos, Lukcsics József, Monumenta Romana episcopatus Vesprimiensis. A vesz-prémi püspökség római oklevéltára, Budapest, t. I-IV, Budapest, 1899-1907.

György József, A ferencrendiek élete és mükődése Erdélyben [La vie et l’activité des fran-ciscains en Transylvanie], Cluj-Kolozsvár 1930, p. 650-fin.

Jakab Elek, Kolozsvár története, Oklevéltár I. (Kolozsvár története első kötetéhez) [Docu-ments relatifs au premier volume de l’Histoire de Kolozsvár], Buda 1870.

Korányi András, Egy XVI. századi ferences beginaszabályzat [Un règlement de ter-tiaires franciscaines du XVIe siècle], dans A ferences lelkiség, dir. S. Őze, N. Medgyesy-Schmikli, 130-142.

Kovács Sándor (dir.), Temesvári Pelbárt válogatott irásai [Sélections d’écrits de Pelbart de Temesvár], Budapest 1982.

Madas Edit, (éd.), Szöveggyűjtemény a régi magyar irodalom történetéhez. Középkor (1000-1530) [Morceaux choisis pour l’histoire de la littérature hongroise ancienne. Le Moyen Age], Budapest 1992, p. 176-190.

Magyar Arnold, Die Ungarischen Reformstatuten des Fabian Igali aus dem Jahre 1454. Vorgeschichte und Auswirkungen der Statuten, dans AFH 64 (1971) 71-122 (en particulier p. 91-103).

Mariano da Firenze, Compendium chronicarum Fratrum Minorum (1181-1521), dans AFH 1 (1908) 98-107; 2 (1909) 92-107 305-318 626-641; 3 (1910) 294-309 700-715; 4 (1911) 122-137 318-339 559-588 (index et bibliographie).

Monumenta Vaticana Hungariae, Vatikáni Magyar Okirattár, Budapestini, 1887-, en particulier Series I, t. 6: Mathiae Corvini Hungariae Regis epistolae ad Ro-manos Pontifices datae et ab eis acceptae, Budapest 1891 (reprint: Buda-pest 2000).

Sbaralea J.-H., Bullarium franciscanum, Romae 1759.Stephanus Taurinus Olomucensis, Stauromachia, id est Cruciatorum servile bellum, éd.

Ladislaus Juhász, 1944.Szabó Károly, Székely oklevéltár. I (1211-1519); I (1520-1571), Kolozsvár 1872.Theiner Augustinus, Vetera monumenta historica Hungariam sacram illustrantia, maxi-

mam partem nondum edita ex tabulariis vaticanis II, (1352-1526), Romae 1860.Thurócz Johannes de, Chronica Hungarorum, éd. (en fac-similé avec tra duction

hongroise et notes) J. Horváth, I. Boronkai, Budapest 1986.Toldy Ferenc / Franciscus, Analecta monumentorum Hungariae historicorum litterario-

rum maximum inedita I, Pest 1862 (reprint Budapest 1986), 213-315: Blasii

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SOURCES634

de Zalka et continuatorum eius Cronica fra trum minorum de observantia provinciae Boznae et Hungarie.

Wadding Ludovicus, Annales Minorum seu trium Ordinum a S. Francisco institutorum, Quaracchi, J. M. Fonseca ab Ebora, 1731-, 1933 (3e éd), plus de 15 vol.

Van den Wyngaert Anastasius, Statuta Observantium Cismontanorum in compendium re-dacta in Congregatione generali Auximi an. 1461, dans AFH 16 (1923) 493-506.

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BIBLIOGRAPHIE

Les titres recensés dans les pages qui suivent se limitent aux livres et articles ayant servi à l’élaboration du présent travail.

Le lecteur souhaitant retrouver rapidement les travaux cités en abrégé dans les notes consultera la première partie de cette bibliographie, présentée dans l’or-dre alphabétique des auteurs (à défaut, des titres). Le second volet propose un classement thématique des mêmes ouvrages.

1. Classement alphabétique800. Jahre der Franz von Assisi. Franziskanische Kunst und Kultur des Mittelalters, Cata lo-

gue de l’exposition de Krems-Stein, Minoritenkirche, mai-octobre 1982.A ferences lelkiség hatása az újkori Közép-Európa történetére és kultúrája - Die Wirkung der

Franziskanischen Spiritualität auf die neuzeitliche Geschichte und Kultur Mitteleuro-pas, Actes du colloque de Piliscsaba (14-16 octobre 2002), dir. Őze Sándor, Medgyesy-Schmikli Norbert, Budapest-Piliscsaba 2005.

Alle origini dei Monti di pietà. I francescani tra etica ed economia nella società del tardo me-dioevo. Studi in occasione delle celebrazioni in occasione del V centenario della morte del beato Michele Carcano (1427-1484) fondatore del Monte di pietà di Bolo gna, (Qua-derni del Monte, 3) Bologna 1984.

A magyar református egyháztörténete [Histoire de l’Eglise Réformée de Hongrie], t. I, dir. Révész Imre, Debrecen, 1938, rééd. Budapest 1949 (en particulier p. 25-91: A reformáció százada: 1520-1608); traduction anglaise: A History of the Hungarian Reformed Church, Washington 1956.

Andrič Stanko, The Miracles of St. John Capistran, Budapest 2000.Aubenas Roger, Ricard Robert, L’Église et la Renaissance (1449-1517), t. 15 de A.

Fliche, V. Martin (dir.), Histoire de l’Église depuis les origines jusqu’à nos jours, Turnhout 1951.

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Bárczi Ildikó, Ars compilandi. A kérdés és megoldatlansága [Ars compilandi. La que stion et son insolubilité], dans Toposzok és exemplumok régi irodalmunkban, Studia Litte-raria t. XXXII, dir. I. Bitskey et A. Tamás, Debrecen 1994, 99-116.

--------, Ars compilandi - A szövegformálás középkori technikája. Forráshasználat, hivat-kozási gyakorlat és tematikus szerkezet a későközépkori prédikációiro dalomban, Laskai Ozsvát életműve alapján [Ars compilandi. La technique médiévale de la mise en forme textuelle. Exploitation des sour ces, pratique de la citation et construction thématique dans la littéra ture de prédication de la fin du Moyen Age, à partir de l’œuvre d’Oswald de Laskó], Budapest, Thèse de Doctorat (Kandidátusi értekezés), 1993 (dactyl).

Barta Gábor, Fekete Nagy Antal, Parasztháború 1514-ben [La guerre paysanne de 1514], Budapest 1973.

Berend Nora, Hungary, the “Gate of Christendom”, dans Medieval Frontiers: Concepts ans Practices, dir. D. Abulafia, N. Berend, Aldershot 2002

Bérenger Jean, Tolérance ou paix de religion en Europe centrale à l’époque moderne (1415-1792), Paris 2000.

Bihl Michael, L’édition du Speculum Vitae beati Francisci parue à Győr en 1752 et l’origine hongroise du Speculum Vitae, dans AFH 20 (1927) 132-153.

--------, De tertio ordine s. Francisci in Provincia Germaniae supe rioris sive Argentinensi. Syntagma, dans AFH 14 (1921) 138-198.

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Répertoires bibliographiquesCollectanea Franciscana…

Latin médiéval hongrois

Lexicon Latinitatis…, dir. J. Harmatta

Droit canonique Brundage J. A., Medieval Canon Law…Dictionnaire de droit…, dir. R. NazHistoire du droit…, dir. G. Le Bras

Les sources franciscaines hongroises et leur conservationA gyöngyösi zárda…Csontosi J., A magyarországi sz. ferencrendiek… .

La Sacrée Pénitencerie ApostoliqueBrucker G., Religious Sensibilities…Erdélyi G., A Sacra Poenitentiaria ...The Long Arm, dir. G. Jaritz et aliiSalonen K., Penitentiary as a Well of Grace…Schmugge L., Suppliche e diritto canonico…Die Supplikenregister…, dir. L. Schmugge, P. Hersperger, B. Wiggenhauser Tamburini F., Suppliche per casi…-----, Santi e peccatori...

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BIBLIOGRAPHIE656

Ouvrages généraux

Le christianisme occidental à l’aube de la RéformeAubenas R., Ricard R., L’Église et la Renaissance…Häresie und Luthertum…, dir. F. Tamburini, L. SchmuggeHäresie und vorzeitige Reformation…, dir. F. Šmahel Mayeur J.-M. et alii, Histoire du christianisme... VII.Pierre de Jean Olivi…, dir. A. Boureau, S. PironPost R. R., The Modern Devotion…Rusconi R., Dal pulpito alla confessione… F. Seibt, Utopica…Strutture ecclesiastiche…, dir. P. Prodi, P. Johanek Vauchez A., La sainteté…Vodola E., Excommunication…

Le contexte local: royaume de Hongrie et Europe centrale du milieu du xve siè-cle aux années 1540

Barta G., Fekete Nagy A., Parasztháború…Berend N., Hungary, the “Gate…”Bylina S., La Bible, les laïcs… East-Central Europe…, dir. A. Mączak, H. Samsonowicz, P. Burke Engel P., Kristó Gy., Kubinyi A., Magyarország története II.Fine J. V. A., The Late Medieval Balkans…Fraknói V., Magyarország a mohácsi vész…Histoire des idées politiques…, dir. Ch. Delsol, M. MasłowskiKardos T., A magyarországi humanizmus…Pálffy G., A tizenhatodik század…La Pologne et la Hongrie... , éd. V. Zimányi Šmahel F., La révolution hussite…--------, The Hussite Revolution…Szakály F., Magyarok Europában II.Tarnóc M., Mátyás király…

Église et vie religieuse en Hongrie à la fin du Moyen Age et au début de l’Époque Moderne

A magyar református…, dir. I. Révész Bérenger J., Tolérance ou paix de religion…

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BIBLIOGRAPHIE 657

de Cevins M.-M., L’Église catholique…-----, L’Église dans les villes….-----, Entre conformisme… -----, La formation du clergé… -----, A világi papság… -----, Koszta L., Noblesse et ordres religieux…Chaline O., La reconquête catholique…Entz G., Erdély építészete…L’Église et le peuple chrétien…Fallenbüchl Ferenc, Az ágostonrendiek…Fata M., Ungarn, das Reich… Fügedi E., La formation des villes… -----, Kings, Bishops,…Hagyományok…, dir. T. Klaniczay Harsányi A., A domonkosrend…Házi J., Sopron középkori…Hermann E., A katolikus egyház…Horváth J., A reformáció...Klaniczay G., Az uralkodók szentsége…Kulcsár P., L’unione contro i turchi… Lang Á., Ortodox és eretnek… Magyar A., Die Ungarischen Reformstatuten…Mályusz E., Egyházi társadalom…Magyarországi művészet…, dir. E. Marosi Mihalovics E., A katholikus prédikáció…Módy Gy., Ferencesek és domonkosok… Molnár A., Mezőváros és katolicizmus….Pásztor L., A magyarság vallásos…Peters Ch., Mural paintings … Rees V., Pre-Reformation changes… The Reformation in Eastern…, dir. K. Maag La Renaissance…, dir. Gy. Székely, E. Fügedi Solymosi L., Vallásos élet… Spiritualità e lettere…, dir. S. Graciotti, C. Vasoli Szakály F., Mezőváros….Székely Gy., Efforts vers une réforme… -----, A huszitizmus…Szűcs J., A magyarországi huszita-mozgalom…-----, Sárospatak...

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BIBLIOGRAPHIE658

Török J., Szerzetes-…Tóth-Szabó P., A cseh-huszita mozgalmak… G. Tüskés, E. Knapp, A szent vér… Zoványi J., A reformáczió…

L’ordre des frères mineurs à la fin du Moyen Age800. Jahre der Franz von Assisi.... Alle origini dei Monti di pietà… Santità e spiritualità…, dir. L. Antenucci Francesco, il francescanesimo…, dir. I. Baldelli, A. M. Romanini Burr D., The Spiritual Franciscans... D’Alatri M., Eretici e inquisitori… Francesco d’Assisi nella Storia I, Secoli XIII-XV, dir. S. Gieben Guidi R. L., Ambiti della inquietudine…Holzapfel H., Handbuch der Geschichte… / Manuale Historiae…Iriarte L., Storia del Francescanesimo. Lambert M. D., Franciscan poverty… Merlo G. G., Dal deserto alla folla…-----, Nel nome di san Francesco… Identités franciscaines…, dir. F. Meyer, L. Viallet Moorman J. R. H., A History of the Franciscan Order… Mouchel Ch., Rome franciscaine… Il movimento francescano…, dir. M. D’AlatriPredicazione francescana...Riedel F. W., Franziskanische Liturgie… Rusconi R., La predicazione minoritica… Sella P., Leone X…de Sessevalle F., Histoire générale… Todeschini G., Ricchezza francescana…

Le courant de l’observance franciscaineElm K., Die Franziskanerobservanz… -----, L’osservanza francescana… -----, Riforme e osservanze… -----, Riforme …. Una sinossi -----, Verfall und Erneuerung… Fois M., Il fenomeno dell’Osservanza… -----, L’“osservanza”…

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BIBLIOGRAPHIE 659

-----, I Papi e l’Osservanza… Hofer J., Johannes Kapistran… Manselli R., L’osservanza francescana… Mercuri Ch., Santità e propaganda… Nimmo D. B., The Franciscan Regular… -----, The Genesis of the Observance -----, Reform and Division…-----, Saint Francis… Rapp F., Le combat pour la stricte observance Reformbemühungen…, dir. K. Elm Il rinnovamento del francescanesimo…de la Roncière Ch.-M., Identités franciscaines au xve siècle San Giovanni da Capestrano…, dir. E. Pásztor, L. Pásztor

Les franciscains observants en Hongrie: généralités Balanyi Gy., A ferences mozgalom…Boros F., Az erdélyi ferencrendiek…de Cevins M.-M., Clercs de paroisse et frères mendiants… -----, The Influence of Franciscans Friars… -----, Les religieux et la ville… -----, Les rois angevins…Csevapovich G., Recensio observantis… Dicţionarul mănăstirilor…, dir. A. A. Rusu Fridrich U., Historia seu compendiosa… Gajdošł V. J., Franciszkanie na Słowacji… György J., A ferencrendiek élete… Hervay F., Geschichte der Franziskaner… Hoško F. E., Franjevci u Srijemuj … Karácsonyi J., Szent Ferencz… Klaniczay T., A ferencesek és domonkosok… Kłoczowski J., The Mendicant Orders… -----, L’Observance… -----, Les ordres mendiants… Koldulórendi épitészet…, dir. A. Haris Kollányi F., Magyar ferenczrendiek… Kubinyi A., Mátyás király… Napiórkowski S. C., Saint François dans les pays slaves…

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BIBLIOGRAPHIE660

Radelj P. M., Religious Orders in Croatia… Romhányi B., Klöster und Stifte… -----, A koldulórendek szerepe… -----, Kolostorok és társaskáptalanok... -----, Monasteriologia Hungarica…Selge K.-V., L’espansione degli insediamenti… Szabó Gy. P., Ferencrendiek…

Les franciscains observants en Hongrie: monographies Andrić S., The Miracles... Bárczi I., Ars compilandi. A kérdés -----, Ars compilandi - A szövegformálás… Bihl M., L’édition du Speculum Vitae… Buzás G. et alii, A visegrádi ferences… / The Franciscan Friary… de Cevins M.-M., L’Observance franciscaine… -----, La religion des laïcs… -----, Le stéréotype du bon laïc… Erdélyi G., Egy kolostorper...Fáy Z., Ferencesek Gyöngyösön…Fügedi E., Kapisztránói János… -----, Tarnai Andor… Galamb Gy., A ferences obszervancia… -----, Francescani, eretici… -----, Marchiai Jakab…-----, San Giacomo della Marca… Hervay F., A magyarországi kolostorok… Horváth R., Laskai Ozsvát.Kovács S. V., Temesvári Pelbárt… Kulcsár P., Kapisztrán János.Laszlovszky J., Királyi palota … Mezey Zs., A pápai ferencesek... Muckenhaupt E., A csíksomlyói ferences…Nagy E., Az ozorai obszerváns… Nemeskürty I., In signo crucis… Őze S., A ferencesek és a reformáció… Papp Sz., A királyi udvar...Pásztor E., Per la storia dell’esperienza…

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BIBLIOGRAPHIE 661

Solymosi L., Adatok Pápa város…Soós Z., The Franciscan Friary… Szábó Fl., Huszita-e… Szilády Á., Temesvári Pelbárt…Szűcs J., Dózsa paraszháborújának… -----, Ferences ellenzéki… -----, A ferences obszervancia… Tarnai A., “A magyar nyelvet…”.-----, A magyarországi obszerváns… Timár K., Ferencrendi hitszónokok… Vida T., Temesvári Pelbárt kapcsolata…

Ouvrages utilisés à titre comparatif3

Royaumes et principautés voisins (Autriche, Bohême, Bosnie, Croatie, Pologne et Lituanie)

Borkowska U., Bracia Mniejsi… Derwich M., Foyers et diffusion… Džambo J., Die Franziskaner….Englisch E., Zur Geschichte den Franziskanischen… Friess G. E., Geschichte der Österreichischen… Gidžiunas V., De initiis Fratrum Minorum… Gündler J., Zur Geschichte … in den Böhmischen Ländern Hlavaček P., Die böhmischen Franziskaner-…. Kantak K., Bernardyni….-----, Les données historiques … Kłoczowski J., The Brothers Minor… -----, Les ordres mendiants en Pologne… Maciszewska M., Klasztor bernardynski… Matanić A., De duplici activitate… -----, San Francesco d’Assisi… Othmer C., Die Märtyrer des österreichischen… Rant G., Die Franziskaner der Österreichischen…

3 Il s’agit bien sûr d’une sélection très restreinte. Elle privilégie les approches syn thétiques et laisse volontairement de côté les études de cas. On trouvera de nombreux autres titres dans “Mouvements de réforme de l’ordre franciscain aux XVe-XVIe siècles. Essai de bibliographie”, dans Identités franciscaines, dir. L. Viallet, F. Meyer, 509-523.

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BIBLIOGRAPHIE662

Šmahel F., Intra et extra muros… Wiesiołowski J., Problemy społeczne… Zakony franciszkańskie…, dir. J. Kłoczowski

Péninsule italienne et îles voisines: Avarucci G., Studio, Studia, … Casagrande G., Aspetti del Terz’Ordine… I Francescani nelle Marche…, dir. Luigi Pellegrini et aliiGatucci A., Riforma e Osservanza… Merlo G. G., Ordini mendicanti… Pellegrini Letizia, Lo sviluppo dell’Osservanza… Pisanu L., I Fratri Minori di Sardegna…Rigon A., I penitenti di san Francesco… Sensi M., Movimenti di osservanza… -----, Il movimento francescano della Penitenza… -----, Le Osservanze francescane…Zarri G., Aspetti dello sviluppo…

Espace germanique (Autriche et Bohême exclues):Bihl M., De tertio ordine… Doelle F., Die Observanzbewegung… Hecker N., Bettelorden und Bürgertum...Neidiger B., Mendikanten...Nyhus P. L., The Franciscan Observant … -----, The Observant Reform… -----, The Franciscans in South Germany…Rapp F., L’Observance et la Réformation… -----, Réformes et réformation…Rüther A., Bettelorden in Stadt… Schmitt Cl., Le Tiers-Ordre… Ziegler W., Reformation und Klosterauflösung…

Îles britanniques et royaumes scandinaves: Little A. G., The Introduction… Ó Clabaigh C. N., The Franciscans in Ireland… Rasmussen J. N., Die Franziskaner in der nordischen…

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BIBLIOGRAPHIE 663

Royaume de France (Provence comprise):Chevalier B., Olivier Maillard… Chiffoleau J., “Usus pauper”? … Emery R. W., Friars in Medieval France… Le Gall J.-M., Les moines… Martin H., Les ordres mendiants en Bretagne… Péano P., L’Osservanza in Francia -----, Documents sur les Observants… Paravy P., De la Chrétienté Romaine… La réforme des réguliers en France… Richard M., The Conflict… Sauzet R., Entre l’Observance et l’hérésie… Sauzet R. dir., Les réguliers mendiants….Venard M., Réforme protestante…Viallet L., Autour du Calvaire… Viallet L., Indulgences, …

Péninsule ibériqueDe Freitas Carvalho J. A., De l’Observance et des observances… Garcia Oro J., Portela Silva M. J., La Regular Observancia… Isidoro da Villapadierna, L’Osservanza in Spagna -----, Il ritorno all’ideale… -----, La Tercera Orden… Yates Ph., The Theory of Ultramontane…

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Abádi Benedek, voir Benoît d’AbádAbaújszántó, voir SzántóÁbránfi, lignage noble 402; voir aussi Étienne Afrique du Nord, francisc. 14Albanais 440Albert de Dereszlény 69n 72n 73 95n 155

163n 185 189 197n 227 291 293 293n 300 322 331 343 357 363 498 621

Albert le Grand (op, saint) 294Albeşti, voir Fehéregyháza Alexandre Ier Jagellon, roi de Pologne 17Alexandre VI, pape 115 155-156 159 238Alexandre de Moldavie 117Alexis, fr. mineur 229Allemagne 18 214 248 266 282 337 429

443 457; francisc. obs. 14 31 54 65 79 107 133 139n 144 225 232 250 252 293 370 443 463s 466; hérésies et courants eschatologiques 282 324 338 448 457 457n 463 473; tertiaires 268n

Allemands de Hongrie (ou “Saxons”) 242 252 261 266 282 289 393 403 444 535n

Almás (H) 375Alsace, francisc. obs. 44 231Alsán (Varoš ou Lučica ?, Cr), couv. obs. 49

255 373 410 555 576Ambroise (évêque, saint) 75André II, roi de Hongrie 268André de Batiz 456

André d’Escobar 294nAndré Horvát de Szkáros (András Szkárosi

Horvát) 456 456n 459André de Hunyad 316André de Karácsond 573André de Toldalag 304André de Vásárhely 242 254Andrić Stanko 69n 78 78n 130n 257 266Ange de Clavasio (b.), obs. 294nAnge (ou Angelo) Pechinoli 134Ange Serpetri de Pérouse 110Angèle de Mutnok 573Angevins, dynastie royale 137; voir aussi

Charles Ier et Louis Ier

Angleterre, francisc. obs. 16 44 46 46n 62 231 370; hérésies 363; voir aussi Lol-lards

Anne, sœur tertiaire 271Antoine Bonfini 279Antoine de Gerek 179Antoine de Losonc 451Antoine de Padoue (saint), fr. mineur 255Antoine de Pálóc 460; veuve 401Antoine de Szentlászló 421Antoninus Florentinus (archevêque, saint), op

294nApafi, lignage noble 144n; voir aussi Michel

NicolasApát (H) 375

INDEx DES NoMS ProPrES

Les anthroponymes sont classés au prénom, sauf pour les noms contemporains.Les toponymes apparaissent en petites capitales.Pour rétablir les mots abrégés, se reporter au paragraphe introductif du Tableau

synoptique des couvents.

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INDEx DES NoMS ProPrES666

Apátfalva (H) 347L’Aquila (I), chap. francisc. 517nAra Coeli, chap. francisc. 64 68 160 296

498nArad (Vladimirescu, r), chanoines 125Aranyosmeggyes, voir Meggyesalja Arpadiens, dynastie royale 14 17 123 137Asie (Extrême orient), francisc. 14Assise (I) 76; chap. francisc. 111 174n 256

296 334 343Asszonypataka, voir NagybányaAstesanus de Asti, fr. mineur 294nAttila, chef des Huns 279Atya (Šarengrad, Cr), chap. et constitutions

(1499) 24 26 67 72s 72n 73n 74n 75n 83 85 87 87n 88-93 96s 98n 141 143 151 161n 163 166s 170n 171 171n 172 176 180n 181s 184 187 188 191-193 196s 199 200n 201 203s 206-208 209n 210-212 214 218 226 243 251 262 271 273n 280 287 292s 302n 305-308 321 331 333 351 359s 363 365 383s 386s 622; autres chap. francisc. 141 623; couv. obs. 49 141 143 346 373 410 576

Atyina (Voćin, Cr), couv. obs. 135 142 181n 219 224 227 238 261 373 383s 411 577 612; tertiaires 396

Augustin (évêque, saint) 292Autriche 17 61 116 119 369 466; francisc.

obs. 31 37 41 45 51 55 62 130 162n 166s 254s 297 372 443 446 448 457 462s

Avignon, couv. francisc. 34 103 394 458

Bacău voir BákóBács (H) 342 346 404; couv. francisc. 58Baia mare, voir NagybányaBajazet (Bayezid) II 486nBákó (Bacău, R), couv. obs. 121 167 354

380 602Bakony (Monts) 352Bâle 109; concile 35 118Balkans 122 409

Balthazar Mikola 451Baltique 14Banatska Palanka, voir HaramBarbe de rozgony 572Barcelone, chap. gén. 72Bárczi Ildikó 71n 247Bardejov voir BártfaBarnabé de Dorog 390Barta Gábor 339nBártfa (Bardejov Sl) couv. d’erm. aug. 110n;

curé 128; francisc. 449; protestants 449Barthélemy d’Alverne 34 35 137Barthélemy Drágffy (Dragfi), voïvode 157

157nBarthélemy de Sáros 621Barthélemy (Zazymus) de Sáros 83 83n 93

95n 172n 212 216 218 315 330 359 479 621

Bartolus de Saxoferrato (ou Barthole) 76 295

Báta (H), reliques eucharistiques 253Bát(h)or, lignage noble 141 226 264 421;

voir aussi Étienne, Georges, JacquesBatthyány, Ignác 73 73nBéatrice d’Este, reine de Hongrie 136Békasmegyer (H) 272Békés (H.) 347Belcsény (Bocsin, S) 119Belgrade (S, en hongrois Nándorfehérvár)

352 373 376; ban 232 342; forteresse 126 138 486n; victoire chrétienne (1456) 18 65 78 122 125s 129 129n 130 138 145 160 342

Benoît d’Abád (Benedek Abádi) 454 459Benoît d’Asszonyfalva 621Benoît de Bajon 574Benoît Benkovich (Benedictus Benkowÿch)

162n 164 298 328 329 335 521nBenoît de Budafalva 128Benoît de Csák 143sBenoît de Csanád 316Benoît d’Esztergom 154

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INDEx DES NoMS ProPrES 667

Benoît de Köveskút 415 Benoît de Lipta 265Benoît de Mucsa 164Benoît de Súk 572Bérenger Jean 5Berény, voir JászberényBériou Nicole 5Bernard de Claivaux (saint) 75 80 294Bernardin Busti da Milano, obs. 247Bernardin de Fulgineo 297Bernardin de Sienne (saint), obs. 18 21n 35

36 44 47 76 77 99 121 250 255s 324Bernardin de Somlyó 82 88 97 190 197n

200 256 288 291 293 293n 305s 322 364s 391 504 621

Bertalanffy Pál voir Paul BertalanffyBertrandon de la Broquière 242Beszterce (Bistrita r) 446 449Bihar (H) 350Bihl Michael, fr. min. 64nBittum ( ?; Tch.), couv. obs. 229Blaise de Dézs 82 83n 93 95n 97 163n 174n

196 199s 212 212n 226 252n 285n 299 336 341 343 351 353 358 358n 359-363 517n 527n 544 546 621

Blaise de Nyár 316 621Blaise de Szalka (ou Szalkó) et ses conti-

nuateurs 21 34 36 42s 66 124 290 298 329 424 447

Bocşa Română, voir KövesdBodó (de Györgyi), lignage noble 141 355;

voir aussi François GrégoireBodony, voir VidinBodrog (H) 346Bogács (H) 375Bohéme 17 60 61 116 369; francisc. obs. 31

37 41 45s 55 70 133 162n 166n 229 251 295 297 372 443 457; hérétiques 116s 120 326

Bonaventure (saint), fr. mineur 75-77 80s 95 95n 98n 236n 268 294 322

Bonaventure de Kapronca 159 161 316

Boniface VIII, pape 32Bosnie 32 36 41 50 137 231 232; francisc.

obs. 18 21 21n 31s 34-43 49s 64-66 72 106 109 114 116 118 121 123s 132 137s 168 240s 255 268 317 326 396n 416 418 473; hérétiques 117 122 124 240; ter-tiaires 396

Bourgogne, francisc. obs 47Bozók (Bzovík Sl), prévôt 59 105Bozorad, chef bulgare 124Brandebourg, margrave 445Braşov, voir BrassóBrassó (Braşov R) 265n 398 404-406; couv.

(et réforme) obs. 55 102 102n 146 221 265 355 383 385 535 577; curé 55; do-minicains 452n; protestants 385 406; tertiaires 377 397

Brescia (I) 295Breslau, voir WrocławBretagne, francisc. obs. 47 51 73 103 133

144 245 260Brice de Tolna 153 158 621Brigitte de Suède (sainte) 294Brno (Tch.) 131(n)Bűd (H), curé 572; voir aussi Jean de Temes-

várBuda (Budapest, H) (en français Bude)

7 18 20 51 119 128 244 247 282 301 335 338 341 343 345-347 352s 372s 382 410 421 437 443; chap. francisc. (1505) 97 163s 173 173n 186 190 203 205 226 233 243 246 296 300 316 349 360s 380 426 517n 528n 530n 531 531n 622s; archives francisc. 20 25 474; con-frérie 543; cour royale 397; couv. obs. 20s 50-52 58 60 84n 86 136 145 154s 169 173 175 175n 198n 214s 217 220 222s 228 235 262 264 287 300 318 341 348s 358 374-376 383 390 397 402 410 414 498 517 539 543 546 577-578; do-minicains 235; ermites de saint Paul voir Budaszentlőrinc; francisc. conv. 59 84n

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INDEx DES NoMS ProPrES668

103s 127; hérétiques 116 119; Musée National 225; pacha 412 419; studium fr. obs. 190 292 365 380; tertiaires 268-272 396 542; université 460

Budaszentlőrinc (H) 281 372 419Budějovice (Tch.) (en all. Budweiss), couv.

dom. 139nBudweiss, voir Budějovice Bulgares 145Bulgarie 34 39 49 70 122s 137 261 344 351Burgos (Esp.), chap. gén. 160Byzance 123s 127 283

Calixte III, pape 64s 115 128Calvin voir Jean CalvinCapestrano (I) 36nCaransebeş voir KaránsebesCarvajal voir Jean deCasimir IV, roi de Pologne 135Castille 235Catherine de Bogát 270Catherine de Csík 270Catherine de Korbava 142 219s Catherine de Tobiás, veuve de Marc Pemp-

flinger 266 402sCegléd (H) 278Cejkov voir CékeCéke (Cejkov, Sl), couv. obs. 227 384 423

450 578Celano, comtesse de 77Cenad voir CsanádCenci Cesare, fr. min. 23nChaline olivier 5Champ des Merles, défaite chrétienne 409Charlemagne, roi de France 14 Charles Ier d’Anjou, roi de Hongrie 32-33

119 123 133 137Charles V, empereur germanique 17Chateauroux (F), chap. francisc. 85Chérubin de Spolète (Cherubino da Spoleto) 245Chevalier Bernard 14n 457Chiffoleau Jacques 13n

Christian curé de Bártfa 128Christophe Forli 164 164Christophe de Kassa 398 462Cimpulung voir KimpulungCisneros voir François de CisnerosClaire Pásztóhy Claire Szerencsen 439Clément VII, papeClément de Gyula 390Clément d’Irdenc 67Cluj-Napoca voir KolozsvárColette de Corbie (sainte), cl. 14 44Cologne, francisc. obs. 54nConrad de Marburg, op 268nConstantinople voir ByzanceCoşeiu voir KusalyCracovie 61 127; chanoines 251; université

191 457 460Croatie 17 32s 41 50 54 116 416 555Csák, lignage noble 49; voir aussi Benoît,

François, NicolasCsákány (H), couv. obs. 355 382s 385 399

410s 578Csanád (Cenad r) 352 404; couv. obs. 54

198 233 346 376 412 578s; évêché et diocèse 233 237 347; monastère 233; tertiaires 395s

Cserević voir CserögyCseri (Sacoşu Turcesc, R), couv. obs. 49 69s

123 135 139 219 373 409 579Cserögy (Cserević, Cr), couv. obs. 601Csongrád (H), archives du comitat 23-24

294Csíksomlyó (Şumuleu Ciuc, R) 403; couv.

obs. 50 71 121 133 201s 224 242 265n 293s 294n 374 376 383n 462 579; ter-tiaires 397

Csupor, lignage noble 141; voir aussi Étienne, Georges, Nicolas

Czecze, lignage noble 141

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INDEx DES NoMS ProPrES 669

Đakovo voir DiakóvárDalmatie 17 32 36 116 298 301; francisc. 32

36-38 41 49Daniel, prophète 236Danube 54 257 302 308 352 373 376 383

410 414 470Dauphiné, francisc. obs. 134 256 370 461Debrecen (H) 404; couv. francisc. 44 57

84n 104; projet de couv. obs. 57 104 601; prédicateur 431

Démétrius de Csát 389 428 466Démétrius d’Ete 390Démétrius d’Újlak 394Denis Bekény d’Alag 572Denis de Szécs 58s 105 233 280 314Denis d’Újlak 121sDés (Dej, r), prédicateur 464 467Déva (Deva, r), prédicateur 464Diakóvár (Đakovo, Cr), couv. obs. 33, 49

260 373s 410s 580Dobor (Bosnie) 36Dorothée Bánfi 269Dorothée de Harinna 270Dorothée de Hédervár 270Dorothée de rozgony, veuve d’Émeric de

Palóc 269sDrágffy (ou Dragfi), lignage noble 264; voir

aussi BarthélemyDrugeth de Homonna, lignage noble 451Dubraviczky, lignage noble 402; voir aussi

Michel

Eger (H) 342 350 375; chap. francisc. 110; couv. francisc. 57; évêché 153 234s

Egervár (H) 375; couv. obs. 223 260 375 452 580

Élisabeth de Hongrie (sainte) 268 268n 274Élisabeth de Szilágy 57 136Elm Kaspar 26Émeric (saint) 255Émeric Czibak 377 380sÉmeric d’Esztergom 362

Émeric d’ozora 456 460Émeric de Palóc voir Dorothée de rozgonyÉmeric de Perény 281 355Émeric Török 401Émeric de Tövis 622Enyed (H), prédicateur 464Eperjes (Prešov, Sl) 265n 423; carmes 109

372Erdélyi Gabriella 406nEremitu (r), crucifix 225Erfurt (All), ermites augustins 448Ermény (Gherman, r), couv. obs. 44 580Espagne, francisc. obs. 14 54 62 76 80 87

96 133 155 293 443; tertiaires 289Esztergom (H) (en français Strigonie) 7 51

168 412 422 424; cathédrale 354; chap. francisc. 622s; couv. obs. 50-52 57-60 80 169 190 198n 215 233 244 285 313 318 332 376 383 403 410-412 414 439 580s; curés 241 356; custodie (et custo-de) obs. 169 181n 316 374 379 430s 524 542 570; francisc. conv. 57 59 106 107n; prédicateur 80; primat et archevêché 57-60 105 145n 146n 233s 340 344 346-348 354 356 405 434; studium francisc. 190 292 365 380s

Étienne Ier, roi de Hongrie (saint) 123 255 368

Étienne II Kotromanić, ban de Croatie 33Étienne III Tomasević, roi de Bosnie 38Étienne, voïvode de Moldavie 121Étienne Tvrtko, roi de Bosnie 119Étienne Ábránfi 218Étienne Balogh 347Étienne de Bát(h)or 142 347 354s 401 404 574Étienne Csupor 141 143Étienne Dersfi de Szerdahely 572Étienne de Doroszló 316Étienne de Gálszécs 456 457nÉtienne d’Ivanics 21 163n 311 325 339Étienne de Kopács (István Kopácsi) 456 458Étienne Kopi 419

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INDEx DES NoMS ProPrES670

Étienne de Sopronca 74n 75 79 92 93n 131s 157 187 191 212n 244 307 415 484 621

Étienne de Szapolya 355Étienne de Varsány 64 66-68 77 90s 176

200 233 302 312-314 334 621Étienne Zákány 281Eugène IV, pape 35 37s 38n 39s 42 56 104

109 118 122 127 156 237 240s 255 268 271 313 315

Fabien (Fabianus), fr. mineur 32 34Fabien, custode de Bács 59Fabien de Bács(a) voir Fabien KenyeresFabien d’Igal 11 47 57 59s 107-114 156 210

231 281Fabien Kenyeres, ou Fabien de Bács(a) 40

42 122 237Fehér Jenő Mátyás 118n 146 Fehéregyháza (Albeşti, R), couv. obs. 50

261 266 376 452 581Felfalu (Suseni, r), couv. obs. 49 124 221

304 376 399s 405 411 581; tertiaires 396Felsőbánya (R) 242Felvinc (Unirea, r) 392Ferdinand Ier (III comme emp. germanique)

de Habsbourg, roi de Hongrie 17 367 398 414 416 419 421-423 426 434s 448 450s 455 462 464

Ferrare (I), chap. général francisc. 46 164 177 298

Fil’akovo voir FülekFlandre(s), francis. obs. 14 47; sœurs grises 274Florence (I), union de 124 125Foligno (I), tertiaires francisc. 271 291France, carmes 86; dominicains 186; fran-

cisc. conv. 146; francisc. obs. 14 44 52 54 62 71 74 80 94s 100 134 146 152 155 205 231 293 370 443; hérésies et courants eschatologiques 282 324

Francfort (All.) 128François d’Assise (saint) 14 31 35 65 72-

74 76 80 83n 93-95 111 165 188 208

231 245 252 255s 263 270 286 300 322 472

François Balassa 573François de Bánya 621François Bodó 227 355 400François (Jiménez) de Cisneros (card.), obs.

235François de Csák 143François de Hartyán 389sFrançois Kendy 399sFrançois de Kolozsvár 386 454François Lambert 458François Liccheti 300 364François de Perény 451François de Szeged 394 401François de Várda 135 341François de Zeno 164 239Frédéric Jagellon 303de Freitas Carvalho José Adriano 333nFridau voir ormosdFridrich orbán (ou Urbanus) 25Fügedi Erik 15n 51n 78 101n 257 266 283Fülek (Fil’akovo, Sl) 375; couv. obs. 50 142

432 450 581Futak (Yg), chap. francisc. 623; couv. obs.

232 346 373 410 582

Gabriel Maria 287Gabriel de Pály 135 621Gabriel de Pécsvárad 69 82 93 95n 163n

172n 180n 183 197 208 215 256 259 306 317 327 330-333 335 361s 491 509 526 536 621

Gabriel de Perény 401 450 458Gabriel rangoni (ou de Vérone) 235Galamb György 27 37n 38n 101n 116n 119

124n 141n 145nGalgóc (Hlodovec, Sl), couv. obs. 50 384

389 413 424 452 582Gall de Visegrád 390Gara, lignage noble 141sGaspard de Seréd 451

Page 671: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

INDEx DES NoMS ProPrES 671

Georges (“frère Georges”) voir Georges Utyesenovics

Georges, gardien d’Újlak 59Georges d’Appony 573Georges de Bát(h)or 281 354Georges Branković, despote de Serbie 141

145Georges Csapy 281Georges Csupor de Monoszló 589 Georges de Derencsény 574Georges Dózsa, dit le Sicule 275 311 321

338s 342-344 346-351 461Georges de Hongrie (Georgius de Hungaria) 326Georges Jagellon 445Georges Kőfaragó voir MadeleineGeorges le Lapicide voir MadeleineGeorges de Poděbrady, gouverneur puis roi

de Bohème 60 130 139Georges Scholcz 445 447Georges de Szatmár 279Georges de Szeged 244 316Georges de Szerém 279Georges Utyesenovics (“frère Georges”,

Martinuzzi) 377 450sGérard (saint) 255 346 357Gérard de Hard 398Geréb, lignage noble 143; voir aussi PierreGerla (H) 375; couv. obs. 218 223 355 370

387 402 582Geszt, lignage noble 141; voir aussi JeanGherman voir ErményGilentincz ( ?, Cr) 39Gilles de Cegléd 95n 161n 172n 212n 316

322 359 484 487 621Gilles Delfin 156 158Gilles d’Igal 87 313-315Giovanni da Stroncone voir Jean de Stron-

coneGrande Plaine Hongroise 50s 120 376 380s

406 431 470Grecs 440Grégoire I le Grand, pape, (saint) 292

Grégoire xII, pape 35Grégoire, confesseur de Mathias Corvin

136 234-236Grégoire Bethlen d’Iktár 452Grégoire Bodó 254Grégoire de Bula 265nGrégoire de Czap 574Grégoire Dózsa 351Grégoire d’Esztergom 479Grégoire de Gyöngyös 327Grégoire de Pöstyény 347Grégoire de Szeged 466Grenoble (F), couv. obs. 54Guillaume de Casale 37Guillaume Farinier 111Guillaume de Paris 294Guiral ot (Gerardus Odonis) 32s 35Gyöngyös (H) 267 440; archives 11 20 20n

21 25 103n 104n 114n 115 122n 273n; chap. francisc. 173 186 293 379s 390 401 427 430 623; couv. obs. 20s 50 57s 69 140 223 255 260 288 294s 372 375 376 391 408 410 413 419 440 448 468s 487 582s 611; francisc. conv. 57 106 395; protestants 395 448; tertiaires 270s 391 397 448 542

Győr (H) 352; couv. francisc. 57 417nGyörgy József 407Györgyi (H) 412; couv. obs. 141 227 254

382 400s 410 412 583Gyula (H) 51 342 344 346s 375; chap. fran-

cisc. 141 303 377 380 462 622s; couv. obs. 49 51 198 218 221 260 346 412 430 435 583; studium francisc. 381; tertiaires 269 272 396

Gyulafehérvár (Alba Iulia, r) 377

Habsbourg, dynastie impériale et royale 18-20 168 372 374 397 418s 425 427; voir aussi Ferdinand Ier, Ladislas V, Marie

Hacak voir HátszegHagymás, lignage noble 451

Page 672: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

INDEx DES NoMS ProPrES672

Haguenau (F), atelier d’imprimerie 247 253Haram (Banatska Palanka, Yg), banat 409;

couv. obs. 44 583sHarapk (rokovci ?, Cr), couv. obs. 49 584Hátszeg (ou Hacak) (HaŢeg, R) 52 125s;

couv. obs. 49 52 123 135 223 409 584Hedrehely (H), couv. obs. 383 412-414 584Heidelberg (All), francisc. obs. 79Held Joseph 128nHermann Egyed 444nHervay Ferenc 420n 452nHippolyte d’Este 279Hlodovec voir GalgócHofer Hans 115n 128nHolzapfel Heribert, fr. mineur 26Homonna (Humenné, Sl), couv. obs. 50

398 451 584Honorius III, pape 72Hradistye (Tch.) 20Hugues de Saint-Victor 74Humenné voir HomonnaHunedoara voir VajdahunyadHunyad voir VajdahunyadHunyad(es), lignage noble puis royal 50 137

141; voir aussi Jean et Mathias (Corvin)Hunyadi voir Jean de HunyadHunyadi Zsolt 5

Igal (H) 52; couv. obs. 52 315 585Ile de France, francisc. obs. 134Ilok voir ÚjlakIneu voir JenőInnocent VIII, pape 60 115 139 155 234Irlande, francisc. obs. 46n 54 60 166 259Isaszeg (H) 452Italie 41 61 130 258 425; capucins 87 330;

francisc. obs 14 21n 24 34s 38 44 47 52 61s 67s 80 84 84n 87 100 118 133 144 151s 161s 164-166 169 177 193 220 247 258 293 296s 299 299n 300 303 333 443 471 570; hérésies et courants eschatolo-giques 282 324; tertiaires 273 289

Ivan de Korbava voir Jean de KorbavaIvanics (Ivanić, Cr), couv. obs. 234 261 373

410 585

Jacques de Bátor 390Jacques Grumelli 82 162 164Jacques de Mantoue 162 162n 164 208 226

295 519Jacques de la Marche (saint), obs. 18 27 31

37s 37-38n 42 49 62 77 77n 99 116-121 117n 119n 121n 124a 130 132 136 138 182 191 233 237 240 244 251 280 471

Jacques Porcaria 162n 300 355Jacques riecher 109Jacques Sarcuela 65 68Jacques de Toroczkó 486 454Jagellon, dynastie royale 109 137 301 403

460; voir aussi Louis II, Sigismond Ier, Wladislas II

Jakcs (de Kusaly), lignage noble 49 141Jászberény (ou Berény), chap. francisc.

(1537) 86n 186 380 385 402 404 426 623; couv. obs. 48 50 57s 134s 375s 405 410 412s 419 452 585; francisc. conv. 57 106; tertiaires 397; prédicateur 465

Jauer voir JaworJawor (Pol), couv. obs. 139Jean xxII, pape 241Jean V Paléologue, empereur byzantin 123Jean Ier de Szapolya, voïvode puis roi de

Hongrie 136 202 279 344 352 367 377 387 398 410 422s 426s

Jean II de Szapolya voir Jean-SigismondJean, fr. mineur 436Jean d’Ajka 573Jean de Bala 545 573Jean Bebek 350Jean Bornemissza 346Jean Botka de Széplak 399Jean de Caffa 126Jean Calvin 444

Page 673: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

INDEx DES NoMS ProPrES 673

Jean de Capestran (ou Jean Capistran) (saint), obs. 15 18 21n 31 36 44 55 61 61n 62 64s 74 77 77n 78s 99 101 115 119n 120s 121n 125-129 129n 130 132 136 138 141 145 160 170 191 229 235 239 243 250-252 254 256s 263 266-268 299n 300 325s 354n 355 357 447 451 471 572

Jean (de) Carvajal 56 58s 104 106 128 134 233

Jean Corvin 236Jean de Cseb 572Jean Drágfi (ou Drággfy) 402Jean de Dukla 55 74 79 126 199s 209 229n Jean Filipec 139Jean Gerson 294Jean de Geszt 78 125Jean de Gyula 306 574Jean de Hongrie (Johannes de Hungaria) 466Jean de Hunyad, régent de H. 7 50 60 104 109

121 125-129 133s 136 138 142 201 233Jean de Kápolna 404 574Jean de Komorowo (ou Komorowski) 21

55 79 126 199 229Jean de Korbava, veuve de voir Catherine

de KorbavaJean de Korčula (ou Kurzola) 42 119 234Jean de Laposrév 59Jean Lazare 573Jean de Marót 141 269Jean de Mutnok 572Jean Nagy de Balpatak 573Jean Nagy de Gesztely 264nJean ország de Gút 140Jean de Pásztó 256Jean de Perény 142; mère de 402Jean riman 247Jean de Stroncone (Giovanni da Stroncone) 34Jean Szerecsen voir ClaireJean de Tagliacozzo 125 136 251Jean de Tarca 142 146Jean de Tárnok 621

Jean de Temesvár 332 572Jean de Thuróc(z) 69 131 279Jean Tuba 307Jean de Vaja 42 121Jean Vitale le Panormitain 348n 352nJean-Albert Ier Jagellon, roi de Pologne 17Jean-Lazare de Szentanna 402Jean-Sigismond Ier (ou Jean II) de Szapolya,

roi de Hongrie 385 412Jenő (ou Borosjenő) (Ineu, R), couv. obs.

41 49 376 451 585s; custodie 169 218 358 361 363 373 379 571

Jérôme Tornielli (ou Torniello, ou Tornielo) 161 164 239 300n 520

Jérôme de Prague 116Joachim de Flore 283 324-327Job, prophète 411Johannes de Hungaria voir Jean de HongrieJoseph, fr. mineur 215Józsa de Som 264Jules II, pape 115 165 217 239 285 287 332Julien (ou Jules) Cesarini (card.) 56 103 104

114 127s 130 233Kabol (Kovil, Yg), couv. obs. 37n 146 346

373 410 586Kaczianer voir KatzianerKálmáncseh (H), prédicateur 464Kalocsa (H) 342; archevêché 153 356 403Kamonc (Kamenic ou Sremska Kamenica,

S) 120Kápolna (r) 323Karácsonyi, János 20n 25s 47s 57n 65n 67n

70 78 79n 101n 108 128n 142n 157n 263 270n 272n 290 315 334n 339s 362 384 388n 389n 396n 407 444n 449n 460 468

Karánsebes (Caransebeş, R), ban 452; couv. obs. 50 76 123 135 139 168s 222 261 295 376 379 385 452 586; protestants 385 452

Kardos Tibor 319-321

Page 674: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

INDEx DES NoMS ProPrES674

Kassa (Kosiče, Sl) 20 342 422; couv. francisc. 281 449; reliques eucharistiques 253

Katzianer (ou Kaczianer) 398 422Kecskemét (H), prédicateur 465Kenyérmező (R) 142Keve (ou Kövi, Kevevár) (Kovin, Yg), ba-

nat 409; couv. obs. 39 44 586Kilia (ou Kilyén, r), couv. obs. 121 255 601Kimpulung (Cîmpulung, r), couv. obs. 121

167 354 602Kismarton (H), couv. francisc. 57Kiss Gergely 5Klaniczay Gábor 5Kłoczowski Jerzy 101nKobás (Slavonski Kobaš, Cr), couv. obs.

373 586Kollányi Ferenc(z) 25 25n 26 92n 94 167n

208n 407 444nKolozsvár (Cluj-Napoca, r) 265n 266s 350

356 404s; bénédictines 272; chap. fran-cisc. extraordinaire 623; clarisses 154; couv. obs. 50 53 86 146 198 223s 228 242 254 260 294 304 376 385 392 405 431 451 531 549n 586-587; curés 432; custodie obs. 380; protestants 385; ter-tiaires 269-272 397 405

Kolut voir KölyüdKopácsi István voir Étienne de KopácsKosiče voir KassaKosovo Polje voir Champ des Merles Koszta László 5Kölyüd (Kolut, Yg), couv. obs. 38 49 129

373 410 587Körmend (H), couv. d’erm. aug. 23 59n

69n 103n 110n 115 234 404; couv. obs. 69n 234 354 406n 587

Kórógy, lignage noble 141; voir aussi Phi-lippe

Kőröshegy (H), couv. obs. 223 355 375 421 447 587s

Kövesd (Bocşa Română, R), couv. obs. 139 410 588

Kövi voir KeveKovil voir KabolKovin voir KeveKubinyi András 25Kusaly (Coşeiu, R) 52; couv. obs. 49 52 376

402 452 588; tertiaires 269s 272 396

Ladislas Ier, roi de Hongrie (saint) 255 255n

Ladislas V de Habsbourg, roi de Hongrie 128 142

Ladislas, fr. obs. 61Ladislas, gardien de Nagybánya 131Ladislas de Csitvánd 572Ladislas de Gilniów (ou Gielniow) 229n

242 252 254 Ladislas de Losonc 49Ladislas de Naples 36Ladislas de Pálóc 104 106Ladislas Sibrik de Szarvaskend 574Ladislas de Szalka 189Ladislas de Szécsény 572; voir aussi Barbe

de rozgonyLadislas de Tar 128Lang Ádám 137nLaszlovszky József 138nLaurent, “prêtre” 320 323 337 347 350-352

361Laurent d’Újlak 355 357 486nLe Gall Jean-Marie 83 84nLéon x, pape 46n 115 168 227 259 271

285n 287 340s 431Léonard (saint) 144Léonard de Barlabás 144 266 402Léonard de Brixenthal (Huntpichler) 109Léonard Dati 109Lesenceistvánd-Uzsa voir Uzsaszentlélek Lippa (H), couv. francisc. 57 416 magis-

trats: 125Liptó voir okolicsnóLittle Andrew 16nLituanie, francisc. obs. 133 168n

Page 675: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

INDEx DES NoMS ProPrES 675

Lituaniens 126Lollards 363Lőcse (Levoča, Sl) 430Lórántfi, lignage noble 572Losonc, lignage noble 141 401; voir aussi

Antoine LadislasLouis Ier d’Anjou (Louis le Grand), roi de

Hongrie 17 33s 36 49 70 122-124 133 135 137 409 424

Louis II Jagellon, roi de Hongrie 17 136 220 279 300 357n 397 443

Louis IV, landgrave de Thuringe 268nLouis Gritti 377Louis Pekry 421 447Louis Tenaglia, obs./cap. 330Louis de Torre (de la Turre) 161 238Loup Batthyány 384Loup (ou Wolfgang) Bethlen 221 304 400

403 429Luc le Hongrois 42Luc de Segösd 112 281Luc de Szeged 233Lusace 17Luther voir Martin Luther

Macsó (Mačva, S), banat 409Madas, Edit 5Madeleine, veuve de Georges le Lapicide

(Lapicida, en hongrois Kőfaragó) 265n 266s 270 272 356 405 574

Magyar Arnold 113nMahomet, prophète 415Mahomet II le Conquérant voir Mehmet IIMályusz Elemér 121n 191nMantoue (I), chap. gén. francisc. 39 41 164

208 298Marburg (All.) 268Marc de Brescia (Marcus Brixiensis) 297s 328

522Marc Pempflinger 403; voir aussi Catherine

de TobiásMarguerite de Szilágy 270

Mariano da Firenze 129n 229Marie de Habsbourg, reine de Hongrie 282 443Maroc, francisc. obs. 44Marone 225Marosvásárhely (Târgu Mureş, R), couv.

obs. 50 58 144 198 198n 201n 223-225 227 254s 261 294 304 376 385 402 405 452 588 611; custodie obs. 380; fran-cisc. conv. 106; protestants 385; tertiai-res 269 270 271 397

Marót, lignage noble 141; voir aussi JeanMarrakech, martyrs francisc. 416Marseille, couv. obs. 54Martin V, pape 34 35 240Martin, prêtre 350Martin d’Eperjes 265Martin Luther 248 309 322 338 367s 443

445s 451 455 460 469Martin de Nágócs 386 412 427 462 621sMartin Hervé 287Martinuzzi voir Georges UtyesenovicsMathias Ier Corvin, roi de Hongrie 17 17n

18 47 48 50 53 57s 60 86 102 106 109 120-123 126 128 130 134-136 139 141s 146 149 153-157 167 202 232 235s 278-280 282 372

Mathias Biró de Déva (Mátyás Dévai Biró) 449 453 456 460 466

Mathias Döring 14 31 62Mathias de Pest 256Mathias Horhi (ou Horky) 622 Mathieu de Csuza (de Chusa) 386Mathieu de Himesegyház 390Mathieu de Transylvanie 125Matz Jean-Michel 5Medgyes (ou Szászmedgyes) (Mediaş, R),

395; couv. obs. 146 198 201n 222s 261 266 294 376s 385 402s 452 589; curé 395; protestants 385; tertiaires 395s

Mediaş voir MedgyesMedieşu Aurit voir Meggyesalja

Page 676: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

INDEx DES NoMS ProPrES676

Meggyesalja (ou Aranyosmeggyes) (Me-dieşu Aurit, R), couv. obs. 376 589

Mehmet II (ou Mahomet II) le Conquérant, sultan ottoman 129 418

Mehmet, pacha de Buda 419Melanchton voir Philippe SchwarzerdMer Noire 34 41Merlo Grado G. 13nMeyer Frédéric 5Mezőtúr (H) 344 464Michel, prêtre (Michael presbiter) 350 352Michel Apafi 225 227 402Michel Batthyány 384Michel de Besenyő 273 291Michel de Bodon 386Michel de Bölcsény 40 621Michel Carcano 247Michel Dubraviczky 402Michel d’Esztergom 159 285 343Michel de Kenderes 574Michel de Mutnok voir Angèle de MutnokMichel ország (de Gút) 57 59 140Michel Porkolób 307Michel le Sicule (Székely) 78 126 158 176

233 302 314 621Michel de Siklós (Mihály Siklósi) 456Michel de Skáros 460Michel de Súk 572Michel de Szentmiklós 80 191 244Michel de Szob 573Michel de Szőllős 423Michel de Sztára (Mihály Sztárai) 456 458-460Milan (I), francisc. obs. 252; chap. gén. cis-

montain 64 159Milkó (Milko, r), évêché 354Miskolc (H), prédicateur: 465Mladen II Šubić 33Moeller Bernd 457nMohács (H), bataille 17 19 28 337 367 372-

374 380 398 401 403 406 410 414 420 Moldavie 117 120-122 126 128 167 328 354

380 398

Molnár Antal 468Monoszló ou Monoszlóváralja (Moslavina,

Cr), couv. obs. 141 228 354n 373 589; tertiaires 375 395s

Moorman John 26Moravie 17 61 119 130 131nMoslavina voir MonoszlóváraljaMunich, archives francisc. 26 94 167n

Nagy Antal 339nNagybánya (Baia mare, r) 198 284 404 451;

couv. obs. 38 50 53 124 131 145 198 198n 228 242 252 265n 385 468 589s; custodie 169 215 374 379 571; mouve-ment pénitentiel 284; prédicateur 467; protestants 385

Nagylak (r) 347Nagysáros (Veľkŷ Šariš, Sl) 423Nagyszeben (Sibiu, r) 341; couv. domini-

cain 218n 449 452n; couv. francisc. 409Nagyszőllős voir SzőllősNagyszombat (Trnava, Sl), dominicains

373; francisc. conv. 113 281Nagyvárad (oradea, r) 51 215 323 342 346s

350-352 356 387 404 426 437; chap. cathédral 551; chap. francisc. obs. 181n 199 221 377 380 388 390 394 412 426s 433 437 623; couv. obs. 51 53 55s 60 153 159 198n 206 227 337 346 376 400 405 427 429 452 456n 466 535 551 590; évê-ché 42 53 117 119 347 377 467; francisc. conv. 55 153; studium francisc. 381

Naples (I) 137 163n 256; chap. francisc. 241 297 356 491n 526n

Neidiger Bernard 144nNeustadt (Au) voir Wiener NeustadtNicolas IV, pape 32Nicolas V, pape 36 40 56 64 104 127 145

146nNicolas, clerc (Nicolaus litteratus) 350 352Nicolas, convers à Varsovie 229Nicolas, fr. mineur 419

Page 677: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

INDEx DES NoMS ProPrES 677

Nicolas Apafi 402Nicolas Caroli 79Nicolas de Csák 145 347Nicolas Csupor 228Nicolas d’Eger 574Nicolas de Fara 78n 244Nicolas de Laskó 285 287Nicolas de Lyre 294Nicolas Morva 130nNicolas oláh (Miklós oláh) 456Nicolas de Paks 300Nicolas Pásztóhy 572Nicolas de Selye (de Sylye) 210 390Nicolas Szabó 574Nicolas de Szántó 574Nicolas d’Újlak, roi titulaire de Bosnie 41 50

104 106 140s 143 145s 146n 158 222 257Nicolas de Zraz 423Nicolas de Zuanne 348n 352Nikopol (Bulg.) 127Nîmes (F) 470nNimmo Duncan 26Nyírbátor (H) 51; couv. obs. 51 198n 223-

226 346 355 376 404 421 430 590- 609; organiste 184

Nyitra (Nitra, Sl), couv. francis. 107n; évê-ché 235

Óbuda, chap. francisc. 56 60; clarisses 154 157 272 278; couv. francisc. 175 222n

odorheiu Secuiesc voir SzékelyudvarhelyOkoličné voir okolicsnóOkolicsnó (Okoličné, Sl) 422 424; couv.

obs. 50 133s 141 144 180 180n 221 223 254 261 375 378 398 536 591

oláh Miklós voir Nicolas oláholivier Maillard 44oradea voir Nagyváradormosd (Fridau, A), couv. obs. 140 167

370 402 602ország, lignage noble 401

Orsova (Orşova, R), couv. obs. 123 135 139 591

ostoja, despote serbe 36Oswald de Laskó 22 56 72 75 76n 77 79 81

83 91 93n 157-159 161 188 190s 212 226 229 236s 239 243-246 248-250 252-255 255n 258 279s 283 288 292 294s 298 316 319-321 325 332 344 408 460 461 472 524 525n 545

ottomans voir TurcsŐze Sándor 456n 457n 458n 461nozora (H) 412 424; couv. obs. 96n 214 221

412s 416 421 423 430 437 591; custodie 169 374 379 422 427 591; custode 75 382 390 415 439 479 484 571; tertiaires 270 396

Padoue (I) 61 271 460Paks (H), chap. francisc. (1507) 97 176 179

181 188 219 226 622s; couv. obs. 142 373 410s 468 591

Palóc, lignage noble 401; voir Émeric, Vé-ronique

Palota voir VárpalotaPannonie (carolingienne) 14Paoluccio (dei) Trinci 34Pápa (H) 587 456; couv. obs. 50 98n 142

227 255 384 394 427 434 452 592; confrérie de pénitents 284 290 326 462; studium francisc. 381

Parme, chap. francisc. 160 431Pásztor Edith 269nPásztor Lajos 319nPaul, apôtre (saint) 321Paul II, pape 130 155 302Paul III, pape 464Paul de Bajlath (ou de Paláth) 572Paul Bertalanffy 454Paul l’Ermite (saint) 281Paul de Kinizs 486nPaul de Paláth voir Paul de Bajlath Paul de Pécs 161

Page 678: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

INDEx DES NoMS ProPrES678

Paul de Tomor 279 403Paul de Vercsek 59Pécs (H) 120n; évêché et diocèse 60 119

233 237 280 Pelbart de Temesvár 22 79 91 184 190s 229

236s 243-246 248-250 252s 255 258 278-280 282 288 294s 319-321 324 344 461 472

Perecske (Pölöcske, H), couv. obs. 49 346 373 383 399 410 411 592

Pérégrin de Saxe 33Perény, lignage noble 264 450 451; voir

aussi Émeric, François, Gabriel, Pierre et Ursule

Pérouse (I) 271Pest (Budapest, H) 120n 307 342-344 404s

437; chap. francisc. 622; couv. obs. 50-52 57 60 145 169 198n 207 215 233 255 264 346 374-376 382 390 405 410s 414s 430s 433s 436-438 468 592s; francisc. conv. 57 84n 103s 127 233 ; tertiaires 269-271 300 382 396

Peters Christine 444nPetróc (entre ĐurĐevac et Virje, Cr), couv.

obs. 201n 383 593; tertiaires 270 375 395s

Philippe de Kórógy 49Philippe Schwarzerd, dit Melanchton 460Piémont, hérétiques 328Pie II, pape 115 127 313Pierre, fr. mineur 436Pierre Bika de Teremhegy 260Pierre Deák 219Pierre d’Erdőd 354Pierre de Galgóc 131(n)Pierre Geréb 157Pierre Greb 265nPierre Izvalics (Isvalies) 159 238Pierre de Jean olieu (ou Pierre de Jean oli-

vi, Petrus Johannis Olivi) 35 324 326Pierre Lombard 247 294Pierre le Mangeur 248

Pierre de Merenye 424Pierre de Perény 400s 450 454 461Pierre de Pest 574Pierre de Segesd 286sPierre de Sienne 36Pierre de Sopron 61 61nPierre de Súk 572Pierre de Szegfalu 572Pierre d’Újlak 394Pierre de Várad 153Pierre de Várda 279Pierre de Villacreces 76 208 225Pierre-Jean olivi voir Pierre de Jean olieuPipon d’ozora (Filippo Scolari) 49 141P. (Pierre ?) Valdès (ou Valdo) 328Podbor(je) voir SzentlászlóPókafalva (Păuca, Roumanie), couv. fran-

cisc. conv. 47Poljánc (entre Orahovica et Voćin, Cr),

couv. obs. 201n 373 411 593Pologne 17 61 116 124 369; francisc. obs. 21

31 41 45-47 51 51n 52 55 61 74 77 79 84 87 130 133 135 140 144 162n 166 168s 174 209 229 242 251 260 287 372 473

(la) Portioncule (I), chap. gén. francisc. 39 41 164-165 168 254 300

Portugal, francisc. obs. 64 133 333Pouilles 34Pozawya ( ?) 396nPozsega (Požega, Cr) 383Pozsony voir PresbourgPrague (Tch), univ. 116 119 457Presbourg (Bratislava, Sl) (en hongrois Po-

zsony, en all. Pressburg) 7 120n; couv. francisc. 57 107n 405; confrérie 281; prédicateur 431

Provence, francisc. obs. 59 133; hérésies et courants eschatologiques 324

Pulad voir Tálad

raguse (Dubrovnik, Cr) 7 32 42Rákosmező (H) 157

Page 679: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

INDEx DES NoMS ProPrES 679

Raphaël de Proszowice 174 200 229nraphaël Tenaglia, obs./cap. 330rátót de Paks, lignage noble 142raymond de Capoue, op 74 109 remetinec voir remetincremetinc (remetinec, Cr), couv. obs. 223

261 555 593rhénanie 252rokovci voir Harapkromans (F), francisc. obs. 252 260rome 238 302 326 332 340s; basilique

Saint-Pierre 239s 282 286 322; couv. et chap. francisc. voir Ara Coeli.

romhányi Beatrix 5 25 31 47s 51n 53n 133n

roumains 125s 145rusconi roberto 445nruthènes 123s 126 145 423

Sacoşu Turcesc voir CseriSajóvámos voir VámosSălard voir SzalárdSalat(h)iel de Fráta 260 270 404Sardaigne, francisc. obs. 64Šarengrad voir AtyaSármellék (H) 375Sárosi Attila 5Sárospatak (H) 346 458; chap. francisc. 380

401 622s; couv. obs. 50 56n 58 140 144 154 189 223 233 306 346 354n 384 389 401 423 450 454 456 456n 458 461 466 479 593s; francisc. conv. 84n 108 466; clarisses 154; custodie obs. 169 358 361 378s 428 571; tertiaires 269-272 396

Sauzet robert 457nSave 33 38-42 49 142 167 Savoie, francisc. obs. 47Savonarole 149Saxe, francisc. obs. 27 54 144Saxons voir Allemands (de Hongrie)Schilling Johannes 457nSébastien, fr. mineur 264

Segesvár (Sighişoara, R), couv. dominicain 218n; prédicateur 465

Sellye (H), couv. obs. 383 401 414 416 439 594Selmecbánya (Banská Štiavnica, Sl), couv.

dom. 449Sensi Mario 333nSépusie (Zips, Sl) 229 443 449Serbes 126 145 440Serbie 32s 36 49 70 120 122 126 373 410Sessevalle François de 34n 64n 251nSibiu voir NagyszebenSicules 120 143 242 261 278 343 343n Sienne (I) 21n 91Sigismond Ier Jagellon, prince puis roi de

Pologne 17 109 222 397Sigismond Ier de Luxembourg, emp. ger-

manique et roi de Hongrie 17 35 39 41s2 49s 77n 118s 131 134 136-138 140 219 222

Sigismond de Csicser 572Sighişoara voir Segesvár Siklósi Mihály voir Michel de Siklós Silésie 17 61 139 443 457Simon de Imoliia 316Simon de Lipnica 74 189 207 209 229n 251Sirmie 116 168s 374 409 486nSixte IV, pape 41 57s 115 134 141 153 156

192Skalica voir SzakolcaSlaves (de Hongrie) 242Slavonie 33 41 50 116 169 181n 317 326

354n 396 409 470; custodie obs. 141 168s 317 322 325 373-375 379 400n 410- 415 427 486n 571

Slavonski Kobaš voir KobásSlovaquie 17 50 116 130 261 422Solivar voir SóvárSopron 61 116 352 443; couv. francisc. 57

107 462Souleiman Ier (Soliman le Magnifique), sul-

tan ottoman 18 278 366 377 408 410- 415 426 561

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INDEx DES NoMS ProPrES680

Sóvár (Solivar, Sl) 423; couv. obs. 50 167 223 265 265n 375 378 422 594

Sremska Kamenica voir KamoncStrasbourg 453Strigonie voir EsztergomŞumuleu Ciuc voir CsÍksomlyóSuseni voir FelfaluSuzanne de Matucsina 270Szabó András 457nSzabó György 66n 407Szakolca (Skalica, Sl) 51; chap. francisc. 427 623;

couv. obs. 51 102 146 253s 438 449 594Szalai ritoókné Ágnes 234n 457nSzalárd (Sălard, R) 52; chap. francisc. 622;

couv. obs. 49 52 143 145 211 223 430 435 595 612

Szalka (H) 375Szántó (ou Abaújszántó, H), couv. obs. 48

142 346 362 385 425 452 456 595; chapi-tre francisc. 141 523n; protestants 385

Szápolya, lignage noble puis royal 141 142 264 452; voir aussi Étienne Jean, Jean-Si-gismond

Szászmedgyes voir MedgyesSzászsebes (Sebeş, R) 326Szászváros (Orăştie, R), couv. francisc. 409Szatmár (H), couv. francisc. 57Szécsény (H), chap. francisc. 380 622s;

couv. obs. 50 57-60 140 158 198n 223s 227 379 410 413 595-596 610; custodie 169 378s 389 430 570; francisc. conv. 105 108n

Szeged (H) 51 119 242 257 281 375 404 416; archives francisc. 114n 115 117n 253 253n 294; quartier Palánk ou Ville Basse (Alsóváros) 56 134 418; couv. obs. 48 50s 53 55s 60 90 102 119 134 146 153 159 221s 242 254 264 376 383 405 408 410 416 418 440 454 459 468 596; francisc. conv. 55s 153 242; hôpital 53 56s; prédicateur 431; reliques eucharis-tiques 253; sandjak 418

Székely d’ormosd, lignage noble 402Székelyudvarhely (odorheiu Secuiesc, r),

couv. dominicain 218nSzékesfehérvár (H) 119 120n; collégiale

158; prédicateur 431Szende Katalin 5Szentgrót (Zalaszentgrót, H) 52; couv. obs.

52 223 355 383s 451 596Szentlászló (ou Podbor(je), près Daruvar,

Cr), couv. obs. 201n 261 411 596Szentlászló (r) 215Szentlélek voir Uzsaszentlélek Szepesvár (Spissky Hrad, Sl) 422Szíkszó (Sl.) 346Szilágy (r) 423Szkárosi Horvát András voir André Horvát

de SzkárosSzőllős (ou Nagyszőllős) (Vinogradov,

Ukr), 215; chap. francisc. 380 401s 427 435 622s; couv. obs. 50 198 201 227 376 384 421 423 451 597

Szörény(vár) (Turnu Severin, r) 138; couv. obs. 126 597

Sztárai Mihály voir Michel de SztáraSzűcs Jenő 21 25 116n 120 151n 285n 312s

319s 329 333n 339 339n 344 344n 345n 350s 351n 361n 362 385n 444n 453 461 469n 491n 517n 527n 528n

Tahy, famille 573Tálad, couv. obs. 48 161 201n 412 597Târgu Mureş voir MarosvásárhelyTarnai Andor 27 283Tárnok (Zalatárnok, H), couv. obs. 217

217n 399 597Tasnád (H), prédicateur 465Tata (H) 412; couv. obs. 38 133 405 410 412

434 597sTeiuş voir TövisTemes (Timiş), banat et ispan 138 264 347

355 409; riv. 49Temesvár (Timişoara, R) 352

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INDEx DES NoMS ProPrES 681

Tereske (H), abbé 59 105Tergavistya (ou Tirgovist) (Tîrgovişte, R),

couv. obs. 167 255 380 602Thomas d’Aquin (saint) 75 247 294Thomas Bakócz 115 153 234 234n 241 340

345 354 354n 356 405Thomas de Kempis (ou a Kempis) 288 295

327Thomas de Melete 573Thomas de Pata 398 412 622Thomas de Pécs 116Thuringe 268nTimár Kálmán 325nTimothée de Lucques (Timotheus de Lucha) 297Tirgovist ou Tîrgovişte voir TergavistyaTisza 54 257Toldy Ferenc 21 420Tolède (Esp.), archevêché 235Tolna (H), prédicateur 464Torda (Turda, r) 128 377 394 402 450; pré-

dicateur 464Touraine, francisc. obs. 62Tövis (Teiuş, R) 52; couv. obs. 50 52 78 125

133 223 254 266 376 399 402s 405 598; tertiaires 270 396

Transdanubie 49s 116 260 284 352 372 380 400n 412 415 419 422 425 439 443 451

Transylvanie 17-19 47 50 109 116 119s 124 127s 145 169 237 261 264s 278 294 350 352 373 376 378s 381s 390 398 402 406s 410 412 417 431 439 443s 450 452 461 470; custodie obs. 167-169 215 373s 379s 409 427 467 570; évêché et diocèse 341 345 377 445 ; voïvode 99 104 157 228 266 344 351 355 401 440

Trencsén (Trenčin, Sl) 130nTrianon, traité 17 Turcs (ottomans) 16 18-20 28 41 44 78 101

109 115 125-127 130-132 142 145 147 149 164 220 232 238 256s 265 275 278 282s 285 301s 319 326 332 338 340s 346 353 357n 366s 372-374 380 382s

385 389 396 396n 399s 405 407-421 423-425 427 432 439-441 443 447 458 469-471 486n

Turda voir Torda Turnu Severin voir Szörény

Udvarhely voir Székelyudvarhely Ugrin Posa d’Újlak 143Újfalu (Sl) 281Újlak (Ilok, Cr) 51 129 145 256 266 354n

404; chap. francisc. 97n 380 524 622s; couv. obs. 51 57-59 78 99 129 140 143 146 164 222s 229 233 316 346 355 357 373 410 598; custodie obs. 78 157 169 239 244 341 373s 379 410 527 570; francisc. conv. 57 104 105 107 233; hô-pital 99

Újlak, lignage noble 141 142; voir aussi Dé-métrius, Denis, Laurent, Nicolas, Pier-re, Valentin

Urbain Batthyány 384Urbain de Kövesd 234nUrsule de Perény 399 402Uzsaszentlélek (ou Szentlélek) (Lesenceist-

vánd-Uzsa, H), couv. obs. 394 424 599; custodie 168s 379 427

Vác (H), évêché: 233 432 434; chanoine 266Vajdahunyad (ou Hunyad) (Hunedoara,

r) 404 409 462; confrérie 544; couv. obs.133 262 374 383 402 412 414 462 544 599; curés des environs 445 462; protestants 447

Valachie 49 117 122 261 380 424Valaques 423 424Valentin, prêtre 456Valentin d’Illés 456Valentin de Szeged 621Valentin de Sziget 60Valentin d’Újlak 116Vámos (ou Sajóvámos, H), couv. obs. 378

428 452 599

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INDEx DES NoMS ProPrES682

Varna (Bulg.) 127-128 131Várpalota (H) 412; couv. obs. 50 142 383

403 410 412 414 600; chapitre francisc. 141 380 622s

Varsovie (Pol), couv. obs. 189 229Vásárhely voir MarosvásárhelyVauchez André 5 257Venise (I) 36 137 158 377; chap. gén. fran-

cisc. 60s; doge 301Verőce (Virovitica, Cr), couv. francisc. 99Véronique de Palóc 269n 270Veszprém (H), évêché 141n 158 314Viallet Ludovic 5 260Vienne (Au) 109 268 297 383 410s 414s

437 466; chapitre francisc. 464; univer-sité 191 457

Vidin (Bulgarie) (en hongrois Bodony) 34 124 285

Vincent Catherine 5Vinogradov voir SzőllősVisegrád (H) 18 33 138n 412; chapelle

Saint-Georges 53; chap. francisc. 174n 296 334 343 359 623; couv. obs. 41 49

53 133 138 138n 221-224 376 405 412 430 432-434 446-447 549n 600 608

Voćin voir Atyina

Wallonie 253Wallons (de Hongrie) 253 289Weldsberg ou Weldsperg (Au), couv. obs. 139Wiener Neustadt (Au) 466Wilsnack (All) 253Wittenberg (All), thèses luthériennes 363;

université 443 457 457n 460Wladislas II Jagellon, roi de Hongrie 17 135

211 234 239 279s 303s 347-349 352n 392 433 445 486n 533n 549

Wolfgang Bethlen voir Loup BethlenWrocŁaw (Pol) 298

Zagreb (Cr) 7; couv. francisc. 107n; évêché 233Zákocza (Zakoča, Yg) 436Zala (H) 425Zalaszentgrót voir SzentgrótZalatárnok voir TárnokZemplén, ispan 460

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TABLES DES MATIÈrES

remerciements .............................................................................................. 5Avertissement au lecteur .............................................................................. 7Abréviations ................................................................................................... 9Introduction ................................................................................................... 13

Première partie – Le temps des fondations (vers 1450 – vers 1490) . 29

Chapitre 1 – Un essor speCtaCUlaire ...................................................... 31III. Aux origines de l’observance franciscaine hongroise ................. 31III. Les chiffres, le temps et l’espace .................................................... 43III. Une conquête pacifique ................................................................... 54

Chapitre 2 - QUelle observanCe? ............................................................ 63III. Un statut singulier au sein de l’ordre ............................................. 63III. Des références universelles ............................................................. 70III. La réforme hongroise: une restauration ....................................... 80

Chapitre 3 – les Clefs dU sUCCès observant ......................................... 101III. La décadence des conventuels: prétexte ou réalité? .................... 102III. Les hussards de la papauté .............................................................. 114III. L’indéfectible soutien du roi et des aristocrates .......................... 132

Deuxième partie - L’apogée (vers 1490 – vers 1510) ........................... 149

Chapitre 4 - Une organisation perfeCtionnée .................................... 151III. L’autonomie préservée au sein de l’ordre ..................................... 152III. Les cadres de la province .............................................................. 165III. La qualité des hommes: une exigence absolue .......................... 183

Chapitre 5 - Un franCisCanisme pragmatiQUe ........................................ 195III. Une vie tournée vers l’oraison ....................................................... 195III. Un ascétisme modéré ...................................................................... 204III. La pauvreté sans la précarité .......................................................... 216

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TABLES DES MATIÈrES684

Chapitre 6 - Une position dominante dans l’église et la soCiété hongroises 231III. De nouvelles responsabilités dans l’Église .................................. 232III. L’action pastorale: formes, contenu et résultats .......................... 240III. Un large rayonnement social .......................................................... 259

Troisième partie - Début de crise (vers 1510- vers 1525) .................... 275

Chapitre 7 - Un ordre en porte-à-faUx .................................................. 277III. Le tournant religieux des années 1510 en Hongrie .................... 277III. Des frères compromis et dépassés ................................................ 284III. Les dérives internes .......................................................................... 296

Chapitre 8 - Une provinCe divisée ........................................................... 311III. Genèse de la contestation observante .......................................... 312II. Un discours radical ............................................................................ 318III. Une dissidence caractérisée ............................................................ 317

Chapitre 9 - les événements de 1514 et leUrs ConséQUenCes ........... 337II. Annus horribilis ..................................................................................... 337II. L’après 1514 ...................................................................................... 353

Quatrième partie - La débâcle (1526 – vers 1540) ................................ 367

Chapitre 10 - le reCUl de l’observanCe ................................................. 369III. Physionomie du reflux: ampleur, chronologie et cartographie . 369III. Autopsie des couvents disparus ou menacés ............................... 381III. Les ultimes soutiens des frères dans la société hongroise ........ 393

Chapitre 11 - les tUrCs en CaUse ............................................................. 407III. La responsabilité ottomane ............................................................ 408III. Les autres coupables ........................................................................ 420iiI. Les misères de la guerre .................................................................. 426

Chapitre 12 - Les observants et la réformation ..................................... 443III. Les dommages causés à la province par les protestants ........... 445III. La tentation réformée ...................................................................... 453III. Les observants dans la lutte contre le luthéranisme ................... 462

Conclusion ..................................................................................................... 471

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TABLES DES MATIÈrES 685

Pièces justificatives ................................................................................... 475

I. Exhortations du chef de la province franciscaine observante de Hongrie .................................................................................... 479 II. Textes normatifs .......................................................................... 515 III. Correspondance administrative ................................................. 519 IV. Documents comptables ............................................................. 537 V. Correspondance privée entre frères .......................................... 539 VI. Documents relatifs aux laïcs ................................................... 542 VII. Autres documents ........................................................................ 548

Cartes, Graphiques et Tableaux .................................................................. 553Cartes .............................................................................................................. 555Graphiques ..................................................................................................... 562Tableaux ......................................................................................................... 570

Illustrations .................................................................................................... 603Chronologie ................................................................................................... 612Liste des vicaires et ministres ..................................................................... 621Liste des chapitres ........................................................................................ 623

Sources - Bibliographie .............................................................................. 625Sources ............................................................................................................ 627Bibliographie ................................................................................................ 635

Index des noms propres .............................................................................. 665

Page 686: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

BIBLIoTHECA SErAPHICo – CAPUCCINA

– Pietro Maranesi, Nescientes litteras. L’ammonizione della Regola francescana e la questione degli studi nell’Ordine (sec. XIII-XVI) (Biblioteca seraphico-capuccina, 61), roma, Istituto Storico dei Cappuccini, 2000 (€ 24,00)

– I cappuccini nell’Umbria del Cinquecento (1525-1619), a cura di V. Criscuolo (Bibliotheca Seraphico-capuccina, 62), roma, Istituto Storico dei Cappuccini, 2001. cm. 24, 370 p., ill. (€ 23,00)

– Luca Parisoli, La philosophie normative de Jean Duns Scot: droit et politique du droit. (Biblothe-ca seraphico-capuccina, 63). roma, Istituto Storico dei Cappuccini, 2001. 24 cm., 258 p. (€ 18) - ISBN 88-88001-02-6

– Sandra Migliore, Mistica povertà. Riscritture francescane tra Otto e Novecento. (Bibliotheca Seraphico-capuccina, 64). roma, Istituto Storico dei Cappuccini, 2001. 24 cm., 406 p. (€ 23,50) - ISBN 88-88001-07-7

– I cappuccini di Basilicata - Salerno nel Settecento e il venerabile Nicola Molinari. A cura di V. Cri-scuolo (Bibliotheca Seraphico-capuccina, 65). roma, Istituto Storico dei Cappuccini, 2001. 24 cm., 424 p. (€ 23,00) - ISBN 88-88001-08-5

– Vincenzo Criscuolo, Nicola Molinari da Lagonegro 1702-1292. Profilo Bio-bibliografico e docu-menti inediti (Bibliotheca Seraphico-capuccina, 66). roma, Istituto Storico dei Cappuc-cini, 2002. 24 cm., 703 p. (€ 39,00) - ISBN 88-88001-09-3

– Negotium fidei. Miscellanea di studi offerti a Mariano D’Alatri in occasione del suo 80° com-pleanno. A cura di Pietro Maranesi (Bibliotheca seraphico-capuccina, 67). roma 2002, 423 p. - (€ 26,00).

– I Cappuccini nell’Umbria del Seicento. A cura di Vincenzo Criscuolo (Bibliotheca seraphi-co-capuccina, 68). roma, Istituto Storico dei Cappuccini, 2003. 24 cm., 488 p., tav. (€ 30) ISBN 88-88001-14-X

– Robert Grosseteste and the Beginnings of a British Theological Tradition. Papers delivered at the Grosseteste Colloquium held at Greyfriars, Oxford on 3-rd July 2002. Edited by Maura o’Car-roll (Bibliotheca seraphico-Capuccina, 69). roma, Istituto Storico dei Cappuccini, 2003. 24 cm., 373 p. (€ 23,00) - ISBN 88-88001-15-8

– Stanislao da Campagnola, Oratoria sacra: Teologie, Ideologie, Biblioteche nell’Italia dei secoli XVI-XIX, con bibliografia dell’autore a cura di Sandra Scaletti e Carlo Picciafoco (Bibliotheca seraphico-capuccina, 70), roma, Istituto Storico Cappuccini 2003. 21 cm., XXXVIII+537 p. (€ 35) - ISBN 88-8801-17-4

– Vincenzo Criscuolo, Gli scritti del beato Angelo d’Acri. Le lettere, due prediche, un corso di missioni e l’Orologio della Passione (“Gesú piissimo”). Con un’appendice di studi e documenti inediti (Bibliotheca seraphico-capuccina, 71). roma, Istituto Storico dei Cappuccini, 2004. 24 cm., 423 p., ill. (€ 25,00) - ISBN 88-88001-23-9

Page 687: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

– Luca Parisoli, La contraddizione vera. Giovanni Duns Scoto tra le necessità della metafisica e il discorso della filosofia pratica (Bibliotheca seraphico-capuccina, 72), roma, Istituto Storico dei Cappuccini, 2005, 222 p. (€ 15,00) - ISBN 88-88001-27-1

– Aleksander Horowski, La “visio Dei” come forma della conoscenza umana in Alessandro di Hales. Una lettura della “Glossa in quatuor libros Sententiarum” e delle “Quaestiones disputatae” (Bibliotheca seraphico-capuccina, 73), roma, Istituto Storico dei Cappuccini, 2005, 376 p. (€ 25,00) -ISBN 88-88001-29-8

– I cappuccini nell’Umbria tra Sei e Settecento. A cura di Gabriele Ingegneri (Bibliotheca seraphico-capuccina, 74), roma, Istituto Storico dei Cappuccini, 2005, 301 p., ill. (€ 25,00) - ISBN 88-88001-30-1

– All’ombra della chiara luce. A cura di Aleksander Horowski (Bibliotheca seraphico-ca-puccina, 75), Roma, Istituto Storico dei Cappuccini, 2005, 555 p., ill. (€ 35,00) - ISBN 88-88001-35-2

– Gregory LaNave, Through Holiness to Wisdom: The Nature of Theology according to St. Bo-naventure (Bibliotheca seraphico-capuccina, 76), Roma 2005, 244 p. (€ 20,00) - ISBN 88-88001-33-6

– Chiara Povero, Missioni in terra di frontiera. La Controriforma nel Pinerolese. Secoli XVI-XVIII (Bibliotheca seraphico-capuccina, 77), roma, Istituto Storico dei Cappuccini, 2006. 24 cm., 422 p., ill. (€ 30,00) - ISBN 88-88001-36-0

– Antonio Montefusco, Iacopone nell’Umbria del due- trecento. Un’alternativa francescana, (Bibliotheca seraphico-capuccina, 78), roma, Istituto Storico dei Cappuccini, 2006. 24 cm., 261 p. (€ 20,00). - ISBN 88-88001-34-4

– Vincenzo Criscuolo, Roberto Menini (1837-1916) arcivescovo cappuccino, vicario apostolico di Sofia e Plovdiv (Bibliotheca seraphico-capuccina, 79). roma, Istituto Storico dei Cap-puccini, 2006. 24 cm., 918 p., ill. (€ 60,00). - ISBN 88-88001-37-9

– Spiritualità e cultura nell’età della riforma della Chiesa. L’Ordine dei Cappuccini e la figura di San Serafino da Montegranaro, a cura di Giuseppe Avarucci (Bibliotheca seraphico-capuccina, 80), roma, Istituto Storico dei Cappuccini, 2006. 24 cm., 750 p. ill. (copertina rigida) – ISBN 88-88001-38-7 (€ 80,00)

– Verum, pulchrum et bonum. Miscellanea di studi offerti a Servus Gieben in occasione del suo 80° compleanno, a cura di Yohannes Teklemariam (Bibliotheca seraphico-capuccina, 81). Roma, Istituto Storico dei Cappuccini, 2006. 24 cm., ill. a colori - (€ 72,00).

– I cappuccini nell’Umbria del Settecento. Atti del convegno internazionale di studi, Todi, 19-21 ottobre 2006, a cura di Gabriele Ingegneri (Bibliotheca seraphico-capuccina, 82), roma, Istituto Storico dei Cappuccini 2008 – ISBN 978-88-88001-49-2 (€ 18,00)

– Nicola Molinari (Lagonegro 10.3.1707 - Bovino 18.1.1792) a cura di Vincenzo Criscuolo (Bibliotheca seraphico-capuccina, 84), roma, Istituto Storico dei Cappuccini 2008 – ISBN 978-88-88001-50-0 (€ 20,00)

– Marie-Madeleine de Cevins, Les Franciscains observants hongrois de l’expansion à la débâcle vers (1450 – vers 1540) (Bibliotheca seraphico-capuccina, 82), roma, Istituto Storico dei Cappuccini 2008 – ISBN 978-88-88001-50-0

Page 688: Les Franciscains observants hongrois, de l'expansion à la débâcle (v.1450-v.1540)

Gennaio 2008

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