AKG-IMAGES LES ECHOS WEEK-END – 21 BUSINESS STORY 10 JUIN 2016 EXCLUSIF LES PEUGEOT PARLENT Pour la première fois, les descendants d’Armand et de Robert confient leurs parcours, leurs souvenirs, leur attachement à leur entreprise, leurs projets. Deux ans après l’entrée au capital de l’État et du chinois Dongfeng, PSA va mieux. Et s’ils reprennaient le volant ? Par Maxime Amiot et Julien Dupont-Calbo
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LES ECHOS WEEK-END – 21
BUSINESS STORY10 JUIN 2016
EXCLUSIFLES PEUGEOT PARLENT
Pour la première fois, les descendants d’Armand et de Robertconfient leurs parcours, leurs souvenirs, leur attachementà leur entreprise, leurs projets. Deux ans après l’entréeau capital de l’État et du chinois Dongfeng, PSA va mieux.
Et s’ils reprennaient le volant?
Par Maxime Amiot et Julien Dupont-Calbo
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Dûment encadré, le clichétrônera peut-être sur leurs cheminéesrespectives, à côté des petites voitures et desmoulins à poivre. Miracle ou pas, pour Les ÉchosWeek-End, dix Peugeot ont accepté de se livrerà une séance photo inédite dans la salle duconseil de la holding familiale, à Neuilly-sur-Seine. Avares en apparitions médiatiques – uneuphémisme –, les cousins éloignés ne s’étaientjamais prêtés à tel exercice collectif. Ou alors il ya longtemps… «La dernière fois, c’était en 1927!»s’amuse Xavier Peugeot. «On est presque tous là.C’est une première», confirme Jean-Philippe,le président des Etablissements Peugeot Frères(EPF), l’entité qui regroupe les actionnairesfamiliaux. Les autres visages emblématiquesdes trois branches de la maison bicentenaire
sont présents. Robert, qui dirige FFP, le fondsd’investissement de la famille, et Christian,son benjamin. Marie-Hélène, membre duconseil de surveillance de PSA, venue avec sesfrères Thierry et Xavier. À leurs côtés, quatrepetits nouveaux font même leur apparition. Ilss’appellent Armand, Charles, Henri et Thibault,et incarnent la jeunesse Peugeot. Celle qui n’a pus’empêcher de sortir les téléphones pourimmortaliser l’instant où les aînés se font tirerle portrait. «Ils s’en sortent plutôt bien, non?»commente, espiègle, l’un des juniors.Joli tableau de famille, oui. Chez les Peugeot,
c’est le moment où jamais d’afficher l’unionsacrée, quitte à forcer quelques sourires. Deprouver, image à l’appui, que la tribu est prêteà surmonter ses désaccords pour remettreles deux mains sur le volant de PSA, lâché àcontrecœur en 2014. Sous la houlette de CarlosTavares, le nouveau patron, PSA est repasséau-dessus de la ligne de flottaison. Une situationqui invite l’État à la réflexion: rien ne l’empêchede céder tout ou partie de ses parts – cesdernières ont vu leur valeur doubler endeux ans! Les comptes publics ont tant besoind’argent pour rebrancher EDF et Areva… «S’il ya une opportunité, il faudra l’étudier de très près»,
La génération aux commandes (de gauche à droite) : Jean-Philippe, Xavier, Marie-Hélène Roncorini, Christian, Robert et Thierry…
lance Charles. Son père Robert et son oncleJean-Philippe, les deux pilotes du clan, laissentégalement la porte ouverte, au cas où. AvecMarie-Hèlene, ils ont d’ailleurs passé une têteà Bercy, fin mai, histoire de signaler leur intérêt.«On peut fournir l’effort, il faut y allerfranchement. On est très nombreux à être sur lamême longueur d’onde», assure Thierry. Depuisdeux ans, sa branche familiale manifeste sonimpatience : lui et sa fratrie ont déjà rachetépour près de 15 millions d’euros de titres dugroupe. «C’est un bon investissement. On croit enPSA», précise Xavier, le petit frère de Thierry.Des Peugeot qui s’accordent sur un chemin
commun? L’affaire était loin d’être gagnée. Il y adeux ans à peine, c’était plutôt ambiance fosseaux lions et coups de griffes. À l’époque, leconstructeur patiemment façonné par leursancêtres croule sous les pertes. Au printemps2014, le conseil de surveillance de PSA finit parvalider une recapitalisation diluant les Peugeotet faisant entrer deux nouveaux actionnaires,l’Etat français et le chinois Dongfeng. Le schéma– une participation de 14% pour les troisnouvelles têtes du groupe –, concrétise la hantisede la famille. Pour la première fois, lesdescendants d’Armand Peugeot doivent partager FR
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Les Peugeot. Eugène (1844-1907) et Armand(1848-1915), les deux cousins, avec, assis,Albert Fallot, Pierre Peugeot et Alfred Bovet.
… Et une partie de la génération montante (tous photographiés le 30 mai) : Henri Peugeot, Armand Peugeot, Thibault Peyron et Charles Peugeot.
le pilotage de leur aventure automobile. En plusde cent ans de «bagnole», ils n’avaient jamais euà faire ainsi appel aux pouvoirs publics.Ajoutez à ça la fracture ouverte entre Thierry
et Robert. Ces deux-là, longtemps rivaux, ne sesont jamais trop entendus. Le premier n’hésiterapas, dans une lettre rendue publique, à accuserle second de vouloir se «désengager de PSA».Un conflit interne porté sur la place publique?Une hérésie chez ces protestants qui ont érigéla discrétion et la responsabilité en religion.Le «fautif» est évincé du conseil de surveillancedu groupe, excommunié du conseil de FFP.«C’était violent, mais on ne va pas refaire l’histoire25000 fois, il faut se projeter», tranche Xavier.
IL FALLAITSAUVERLESOLDATPSATraumatisé, le clan reste convalescent.Diagnostic de Pascaline (Peugeot) de Chanzy,médecin respectée des Hôpitaux de Paris etconseillère du Samu de Paris : «En 2014, nousavons fait face à l’urgence vitale, sauver PSAatteint d’une hémorragie de cash, en contribuantà l’augmentation de capital. Après, le tempspsychique est long, il faut un moment avantque chacun retrouve la confiance et la sérénité»,explique la sœur de Thierry, Marie-Hélène
et Xavier. Surtout si le patient choqué assisteensuite à la disparition des symboles dupatrimoine familial, évacués l’un après l’autre,sans ménagement, par le nouveau PSA. Exitles scooters Peugeot, le centre de conférenceArmand Peugeot à Poissy, la gestion du muséede la famille, le club de foot créé par l’oncleJean-Pierre en 1928, jusqu’au nom PSA Peugeot-Citroën – depuis avril, il faut dire : Groupe PSA…Même l’usine de Sochaux, berceau duconstructeur, doit aujourd’hui serrer les boulonscomme les autres sites. «Le groupe tournela page de la culture Peugeot, constate MartialBourquin, le sénateur du Doubs. Avant, il y avaitune certaine sécurité, les salariés se disaient quela famille serait là, quoi qu’il arrive. C’est fini.»L’avenue de la Grande-Armée aussi. Mi-2017,
PSA abandonnera son quartier généralhistorique, en bas de l’Arc de triomphe, pourRueil-Malmaison. Au 9e étage du futur ex-siège,les anciens bureaux de Thierry, Pierre et Rolandsont déjà le royaume de Linda Jackson, lapatronne de Citroën. Dire qu’avant, une simpleporte séparait les anciens présidents du conseildu patron de PSA. À l’époque, Bertrand, le pèrede Robert, faisait clignoter la lumière de sonbureau pour souhaiter bonne nuit à sa sœur
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Christiane qui habitait juste de l’autre côtéde l’avenue! Du passé. La holding familiale FFPa quitté les lieux l’an dernier, direction Neuilly.À sa première visite, Marie-Hélène a sentiles larmes monter en voyant, au sous-sol,un parking truffé de berlines allemandes.Depuis les départs de Christian, directeur
des affaires publiques du groupe, et de FrédéricBanzet, patron de Citroën, on ne recensed’ailleurs plus que trois membres de la famillechez PSA – évoluant à distance respectable del’état-major. Xavier traîne un parapluie Peugeotmais est aujourd’hui en charge de la gammede la marque aux chevrons (où certains lesurnomment «Xavier Citroën»). Charles, le filsde Robert, prépare chez DS – la nouvelle griffede PSA –, le lancement d’un futur modèle.Sa sœur Laure, artiste, fait partie de l’équipedesign du constructeur. Même si Henri,le fils de Christian, designer lui aussi, se tienten embuscade, «il n’y a jamais eu aussi peu dePeugeot chez PSA», admet Jean-Philippe. «Êtreactionnaire de contrôle ou actionnaire parmid’autres, ce n’est pas la même chose», confirmeSerge Banzet, le cousin de Frédéric. Au final,le groupe a pris tellement de distance avecla famille que les deux ont engagé uneprocédure d’arbitrage pour définir précisémentles conditions d’utilisation du patronyme parl’entreprise, pour d’autres produits queles véhicules. Cruelle époque.Le coup est rude pour une lignée qui clame
sans relâche son attachement viscéral auxvéhicules à quatre roues. Dans sa cuisine,Christiane, 88 ans, se rappelle comment,adolescente, elle a failli se «casser le cou»dans une voiture de course offerte par MonsieurBugatti à son grand-père Robert. Pour la petitehistoire, le grand jeu de celui-ci était de montrerà ses chères têtes blondes les publicités deL’Illustration. «Tu vois ces voitures? Ce sont
des Renault… Beurk!» me disait-il, raconteChristiane. En revanche, l’homme était lecomparse d’André Citroën. Dans les coursd’école, on appelait les enfants Peugeot 103,404, 205 ou 306, selon les époques. Petit, Charles– le plus âgé des cadets – n’attendait qu’unechose, chaque mardi : voir rentrer son pèreavec la presse automobile sous le bras, pourla lui dérober dès que possible. «Mes souvenirsd’enfance, ce sont les sorties sur l’anneau deMontlhéry, les 24 Heures du Mans avec la Peugeot905», avoue aujourd’hui le coupable. «Mes deuxpetits-enfants montrent du doigt les voitures dansla rue, celles qui ont un lion sur le capot», ajoutetendrement Carole Plantier, née Peugeot.L’arrivée d’une nouvelle génération a secoué lesaînés. «Ils nous poussent à agir», souffle Carole.Charles, à l’aise sur la photo, a déjà 35 ans. Sescousins les plus jeunes ont 18 ans. Une dizained’entre eux a participé à l’assemblée généraled’EPF, enmai. «Il est bien légitime qu’ilss’intéressent aux sujets familiaux. Ils se sententconcernés et nous questionnent souvent», glisseMarie-Hélène. Thibault Peyron, le petit-fils
1890: un lion art déco fait de clefs,tenailles et tournevis;
1935 : dans l’Excelsior Modes, Peugeotvante ses prouesses technologiques;
1965 : une 403 familiale pour le modèlefamilial français de la période.
Dix Peugeot et une seule femme… Marie-HélèneRancorini s’est sentie bien seule lors de la photode famille montée pour Les Échos Week-End.De fait, elle est l’unique représentante de la gentféminine dans les trois piliers familiaux (conseilde PSA, d’EPF, de FFP). « Les Peugeot ontlongtemps été une affaire d’hommes. Maisc’était une autre époque », balaie Robert. Lesintéressées s’en souviennent encore. CommeChristiane, la première de la famille à avoirdécroché le bac. Après s’être inscrite au lycéeen cachette de sa mère… « Maman m’a même faitredoubler. Elle me disait : Qu’est ce que je vaisfaire de toi si tu fais trop d’études ? » À lanaissance d’un garçon, les femmes de la famillerecevaient un gros bijou, pour une fille, c’étaitune babiole. Plus tard, Christiane racontera dansun livre l’histoire de sa grand-tante favorite,Marguerite Jappy. Une légende : c’est dansson lit que Félix Faure, l’ancien président dela République, rendit l’âme. À la générationsuivante, Pascaline rêvait de se mêler des affairesfamiliales, avant de devenir un médecin reconnu.« J’ai très vite compris que ce n’était pasenvisageable pour moi, à cette époque »,explique celle qui, en avril dernier, a été nomméeadministratrice de TF1. À l’origine de cette loisalique maison, Robert Peugeot (l’ancien), quiavait centralisé le capital de ses cousins dans lesannées 20. Pour ne pas le disperser, il avait édictéun code obligeant ceux qui n’avaient que desfilles à revendre leurs titres aux pères de garçons.Le fantôme de l’oncle Antoine, cinq filles, hanteencore la famille…
OÙ SONT LES FEMMES ?
« IL N’Y A JAMAIS EU AUSSIPEU DE PEUGEOT CHEZ PSA !
ÊTRE ACTIONNAIREDE CONTRÔLE, OU UN PARMILES AUTRES, CE N’EST PAS
LA MÊME CHOSE… »
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génération
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9egénération :
100 personnes
10egénération : déjà une trentaine d’enfants
3e
2e
1èreJean-Pierre1734-1814
Émile1815 - 1874
Armand1848 - 1915
Artisan de l'entrée dans l'automobile
Romain1989
Armand1994
Jean-Pierre1768 - 1852
Jules1811 - 1889
Eugène1844-1907
Robert1873-1945
Jean-Pierre1896-1966
Eugène1899-1975
Rodolphe1902-1979
Henri1987
Roland1926-2016
Jean-Philippe1953
Éric1955
Frédéric1958
Famille Banzet
Marc1961
Robert1950
Charles1980
Thibault Peyron1980
Christian1953
Thierry1957
Pascalinede Dreuzy
1958
Marie-Hélène1960
Xavier1964
Gisèle1929-2014
Alain1934-1994
Bertrand1923-2009
Christiane1927 Famille
Peyron
Pierre1932-2002
Président d'EPFex-patron de Citroën
Président de FFP
DIX GÉNÉRATIONS AU SERVICE DE L’ENTREPRISE
Ne sont représentées que les principales branches de la famille.
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de Christiane, a remonté l’arbre généalogiquede la famille jusqu’en 1430. Depuis Londres oùil est installé, Romain, 26 ans, ne nourrit aucuneamertume envers ses aînés. «J’étais en salledes marchés, à la Société générale, quand LehmanBrothers est tombé. C’était très violent. Lesconséquences de la crise auraient pu être pirespour la famille, on aurait pu tomber plus basau capital. Nous sommes toujours là», expliqueposément le jeune homme, qui entend se«construire un CV» avant de participer, si l’onveut bien de lui, aux institutions Peugeot.En attendant, Romain caresse surtout le secretespoir de récupérer le FC Sochaux, aujourd’huipropriété du chinois Ledus, qui vivote depuisquelques années. «J’y travaille. Le club de mongrand-père Roland me tient à cœur, je vaissouvent au stade», dit-il, refusant des’épancher davantage.
LA GRANDE ARMÉE DES PETITS PEUGEOTDans unmême genre, il y a Armand, 22 ans.À considérer cet étudiant plein d’aplomb qui«angoisse» pour ses partiels à l’Essec, rêvede monter sa start-up et ne voit pas l’intérêtde posséder une voiture à Paris, on penseraitle jeune homme loin, très loin de ses gènes.Tout faux. Il donne rendez-vous avenue dela Grande-Armée et déballe, au bout de quelquesminutes d’échange à peine, deux moulinsde table Peugeot. Plus tard, il exhibera un vieilécrin abritant la médaille soigneusement
conservée de son ancêtre Armand. Le Peugeotqui avait ébranlé l’entreprise au crépuscule duxixe siècle, engageant contre son gré la familledans l’aventure de l’automobile. «C’est monmaître à penser. Quand on porte le nom, et mêmele prénom, on a plus de devoirs que de droits»,répète Armand junior, impatient d’apportersa propre pierre à l’édifice.Manifestement, la grande armée des Peugeot
ne manquera pas de petits soldats. Pour assurerleur formation, Marie-Hélène et Jean-Philippepeaufinent à leur attention un programmesur mesure, baptisé NextGen. Il faut d’abordcommencer par tisser le lien familial. C’est queces dizaines de petits Peugeot ne partagentfinalement que le même arrière-arrière-grand-
père! La première pierre de ce «familybuilding» a été posée en juin 2015, lorsqu’unetrentaine de descendants se sont retrouvés àParis, porte Maillot. Aumenu, cocktail dînatoire,topo sur les différentes affaires familiales, etforcément, zoom sur PSA avec, en dessert,une vidéo de Carlos Tavares.À l’automne prochain, un pèlerinage loin de
Paris, vers Montbéliard, sur la terre des ancêtres,doit achever de souder les troupes. Dans unebande de quelques kilomètres carrés lovée entrele Doubs, l’Allan et le Gland, les petits Peugeotpourront arpenter le musée en plein air de leurfamille : les châteaux de Seloncourt, Vaudoncourtet Hérimoncourt, les usines de Sochaux,Mandeure et Belchamp, le stade Bonal…
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La première voiture au monde produite en série: 64 modèles…
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Produite jusqu’en 2006: la plus longue carrière de la marque.
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1 Apparition des Peugeot, 14352 Moulin, 1725. Atelier textile, 1759,
Château3 Filature, 18054 Aciérie, 1810. Scies et outils, 18195 Moulins à café, de table, 18336 Château7 Château8 Crinoline et corset, 1857.
Deux siècles d’histoire industriellesur quelques kilomètres carrés.
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EXCLUSIF : LES PEUGEOT PARLENT
Si la plupart des jeunes ont, au fil des décès, visitéle caveau familial du cimetière deMontbéliard,les Peugeot ne vivent plus au «pays». Seulela branche de Thierry, qui fait le voyage unweek-end sur deux, possède encore des maisonssur place. Le fils deMarie-Hélène s’est vuattribuer par ses camarades parisiens le surnomde «Souchalien»…Mais en général, la nouvellegénération vit avec son temps, éparpillée enFrance, égaillée à l’étranger. L’un est instructeuraéronautique à San Francisco, lui découvre laChine, d’autres écument les artères londoniennes.La seconde partie du programme NextGen
s’annonce plus complexe. Il s’agit d’identifierles jeunes capables de prendre du galon dansles instances familiales. Tous ne pourront y
des nuances apparaissent entre la centainede descendants. À la frustration de Thierry,le «gardien du temple», Jean-Philippe, etsurtout Robert, les deux présidents des sociétésfamiliales, se montrent prudents sur uneéventuelle remontée au capital. Et n’entendentpas «mettre tous les œufs dans le même panier»en se ruinant pour PSA – qui depuis huit ans n’adistribué qu’un seul dividende, en 2010. «C’estla fonction qui veut ça», affirment les deuxhommes. «Dans la famille, on se doit d’êtreresponsable. Quand j’étais pilote de course, j’étaistoujours attentif à ma conduite, afin de ne paspasser pour l’héritier imprudent et arrogant»,dit Jean-Philippe. «Nous n’avons pas des moyensillimités», juge Robert. Qui tient à préciser, signede son envie, que «la famille reste ouverte».Avec lui, le patrimoine de la famille, un peu
plus de 3 milliards d’euros concentrés chez FFP,s’est diversifié depuis quinze ans. Seb, Orpea,Onet, Ipsos ou Zodiac pèsent aujourd’hui plusque PSA. «Sans la réussite de ces investissements,nous n’aurions pas pu réinvestir aussi dansl’automobile», affirme Robert, suivi dans ceconstat par l’essentiel des troupes. Faire autrechose, ce n’est pas honteux, soutient le maîtred’œuvre de cette politique. Dans le passé, enplus des autos, les ancêtres ont usiné des pelles,des obus, des baleines de soutien-gorge ou decrinoline, des ressorts de binocles, des lamesde rasoir, des machines à laver. D’ailleurs, lesPeugeot creusent encore le sillon. Fin 2014,
1965. Le tunnel deséchage à l’usinede Sochaux:quelques minutesà 150 °C, et leslaques sont cuites.
prétendre. «Il y a une vraie césure. Pour nous,travailler chez PSA était une évidence. Là,ce sera forcément différent», pointe Christian.«Naturellement, la jeune génération est plusnombreuse que nous», atteste Marie-Hélène.Ils sont une centaine, en fait. «On jugera surles compétences et les valeurs, il n’y aura pasde place pour tout le monde», prévient Jean-Philippe. Deux d’entre eux, Charles et Henri, ontdéjà été intronisés au conseil d’administrationd’EPF, le temps que d’autres finissent de faireleurs classes à l’Essec, Centrale, Polytechnique…Il y aura bientôt l’embarras du choix.L’un dans l’autre, la famille se met donc
en ordre de marche. «On ne va pas éteindre lalumière», annoncent-ils. Mais derrière le slogan,
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Un sacré numéro! Et en plus c’est le modèle qui a sauvé l’entreprise.
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Le premier véritable SUV de la marque au lion.
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BUSINESS STORY EXCLUSIF : LES PEUGEOT PARLENT
La famille Peugeot se décompose en troisbranches, toutes issues de « Robert Ier »(1873-1945). Une synthèse complexe : chacunedes branches intègre différents rameauxavec des poids et des sensibilités différentes.Elles détiennent toutes 30% du capital d’EPF,la société qui oriente l’actionnariat familialvia un conseil d’administration de douze cousins.Les 10% restants appartiennent à des membreséloignés. Société mère du clan, EPF contrôle FFP,holding chargée de diversifier le patrimoinefamilial. Cette société cotée disposede 3,1 milliards d’euros d’actifs. A elles deux,EPF et FFP détiennent 13,7% du capital de PSA(soit 1,5 milliards d’euros à date).
FAMILLE, MODE D’EMPLOI
ils ont récupéré au tribunal de commercela société PSP, qui regroupe les activitésdes moulins à café, ou de table, lancéespar leurs aïeux dans les années 1830.Qui sont finalement les Peugeot? Des
industriels liés à jamais à leur métier detoujours? Ou une troupe fortunée jouant à fondla carte de l’investissement diversifié, façonWendel? Entre ceux qui sont prêts à tout donnerpour l’automobile et les autres, le schisme peutse raviver à tout moment. «Les Peugeot ne sontpas une holding financière. Notre ADN, c’estl’automobile», prévient Thierry. «Il n’y a pasune famille mais des familles», constate unancien patron de PSA. Surtout quand lafragmentation du patrimoine menace, avec lanouvelle génération qui arrive. «Ils entrent dansune période cruciale, dite de la constellation descousins. Ils doivent établir des règles précises detransmission et de partage, sous peine de voirla famille éclater comme les Taittinger ou lesSchneider», prévient Alain Bloch, professeurà HEC. Entre droits de succession – les Peugeotsont logiquement dans la tranche à 45% – etimpôts sur la fortune, les familles milliardairespeinent parfois à faire perdurer leur trésor. «Lerisque classique, c’est d’être obligé de vendre destitres pour payer la succession», souligne ValérieTandeau de Marsac, une avocate fiscaliste. Unvrai danger pour les Peugeot, qui n’hésitent pasà chercher des recettes auprès d’autres grandesfamilles, notamment les Mulliez, dans le Nord.L’affaire est d’autant plus sérieuse que le clan esten passe de perdre un sérieux avantage lié aupacte Dutreil, l’instrument qui permet de limiterles droits de succession lors des changements degénération. La baisse de participation de la
famille dans PSA, tombée sous les 20%, a sortien partie la famille du dispositif.«À chaque génération, la famille a eu ses défis.
Elle s’en est toujours sortie», relativise Xavier,avec le calme des vieux briscards. «On a la peauépaisse et on aime se battre», poursuit Christiane.Le clan a déjà surmonté de nombreux obstacles.À la fin du XIXe siècle : l’opposition d’Eugène à sonneveu Armand conduit à la scission des activitésfamiliales entre, d’un côté, l’automobile etl’électricité, de l’autre, les vélos. Pendant lesannées folles : la faillite spectaculaire d’Oustric,leur banquier. La Seconde Guerre mondiale :l’occupation de l’usine de Sochaux qui serabombardée puis pillée… En 1960: l’enlèvementrocambolesque du petit Eric, le père de Romain,libéré contre une rançon et, pour finir, la grandedéprime des années 80, pas loin de se terminerpar une nationalisation. Autant de crises quin’ont pas entamé leur farouche détermination àdéfendre l’ancrage français des activités, et unevraie vision à long terme. «Ce sont des industrielsdurs à la tâche, qui ont su traverser deux guerreset plusieurs époques», admire Laurent Burelle,le patron de Plastic Omnium. «Malgré lesdissensions, c’est une famille encore très liée,estime Yann Delabrière, le PDG de Faurecia.Ils gèrent encore leur patrimoine ensemble,ce n’est pas très courant.» Tous ont répété lamême chose: «Quand on naît Peugeot, on a plusde devoirs que de droits.» À la voir unie devantl’objectif, rassemblée par son nouveau projet, lafamille n’entend pas se laisser dompter de sitôt.«Rigolez les jeunes, dans cinquante ans ce seravous à notre place !» taquine Jean-Philippe.
Plus d’infos sur www.lesechos.fr/we
Installé depuis 1964 avenue de la Grande-Armée, le siège de PSA ira à Rueil-Malmaison.