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©Nans-Bortuzzo
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Parution 12-02-2015 | Par Philippe Couture
Les dévoilements simples (Strip-tease) Nudité bucolique Le
prometteur metteur en scène Félix-Antoine Boutin poursuit sa quête
d’un langage plastique et performatif singulier avec Les
dévoilements simples, un spectacle sympathique qui s’amuse avec les
codes du striptease, dénudant les corps dans la simplicité et le
ludisme. Un spectacle de nudité bucolique.
Félix-Antoine Boutin fait ses premières armes comme metteur en
scène mais, déjà, cet artiste aussi productif qu’inspiré développe
une signature singulière, qu’il fait plaisir d’observer évoluer.
S’intéressant à la notion de rituel, tentant de favoriser un jeu
d’acteur «performatif» et manipulant les symboles d’animalité et de
troupeau avec un ludisme renouvelé, il propose cette fois un
spectacle léger dans lequel, en une petite heure bien serrée,
défilent des corps nus sous des éclairages soignés, dans des mises
en scène variées et la plupart du temps bucoliques, rythmées par le
piano de Jean-Sébastien Bach (les Variations Goldberg).
On reconnaît dans cette pièce sans prétention, la plupart du
temps assez divertissante et sexy, une approche plastique et
performative qui est chère à Boutin. C’est une succession de
tableaux à la composition picturale soignée, sur un lit de verdure
éclairé chaleureusement: le metteur en scène flirte avec
l’esthétique des toiles bucoliques des 18e et 19e siècles, dans une
tonalité légère et lyrique. On a l’impression d’atterrir dans l’une
des plus lumineuses toiles d’Antoine Watteau, ou dans l’un des nus
de Gustave Courbet, mais passés au tamis de notre époque, avec une
crudité supplémentaire et un mixage plus assumé des corps féminins
et masculins.
Quelque chose de pur s’en dégage: comme dans un tableau
racontant la genèse de l’humanité, ou le rapport vif et naturel de
l’humain avec son environnement et avec lui-même. Au fil de la
succession des ta-bleaux, les corps se dépouilleront de leurs
apparats et les muscles comme les sexes seront exposés sans pudeur,
mais le dévoilement repose toujours sur la simplicité, l’intimité,
la vulnérabilité, pas sur les codes du striptease de cabaret,
jamais sur la lascivité du corps nu. C’est beau. À la fois
esthétiquement léché et hyper-léger, pour ne pas dire candide.
Dustin Segura Suarez dans Les dévoilements simples / Crédit Nans
Bortuzzo
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Suite …
Il y aura fraternité des corps, dans des tableaux de groupe où
les acteurs se touchent délicatement en se souriant: le corps y est
enveloppe charnelle dont il faut prendre soin, qu’il faut découvrir
petit à petit, caresser doucement. Il y aura, de manière générale,
exploration du rapport libre entre le corps nu et la nature. Les
corps se roulent dans la verdure; les sexes se laissent découvrir
par une bourrasque de vent qui soulève les jupes; les pieds nus se
lancent dans un match de soccer improvisé avec une pomme de
pin.
Boutin explore aussi le rapport entre nature et culture,
cultivant le choc entre la nudité et les artifices du monde
civilisé, par des déshabillages appuyés où le poids du monde social
se lit dans le vêtement qu’on enlève doucement ou maladroitement.
Le thème traverse entièrement le spectacle, très simplement
(peut-être trop), sans arriver à approfondir (ce qui est un peu
regrettable) mais dans des évocations tout de même éloquentes.
Tantôt le corps nu s’offre au regard d’une tortue (vivante),
tantôt il danse devant un ours à la gueule ouverte, tantôt il se
compare à un poisson visqueux : le spectacle tisse aussi un réseau
de symboles animaliers, réfléchissant sans en avoir l’air à
l’animalité primitive de l’humain. Mais une animalité ludique,
jamais bestiale ou agressive.
Plasticien avant tout, Félix-Antoine Boutin orchestre son ballet
nudiste devant et derrière une vitre qui, parfois, laisse voir des
corps légèrement déformés, d’autres fois sublimés . Le rapport de
l’acteur avec son image, dans cette vulnérabilité refletée, est
saisissant. À travers cette vitre déformante, le
comédien perd le contrôle de son image, observe les multiples
possibilités de regard sur lui, s’aperçoit des différentes
perspectives selon lesquelles son corps peut-être perçu. Un jeu de
miroirs stimulant, qui n’est d’ailleurs peut-être pas assez
exploité.
L’expérience est ainsi avant tout visuelle: un théâtre de
l’image qui mise avant tout sur la présence de l’acteur et sur son
inscription précise dans un espace symbolique. Parce que souvent
trop rapide, la succession des scénettes peut donner l’impression
d’un manque de profondeur. Les images puisent aussi dans un certain
universalisme qui aurait gagné à être déconstruit, décortiqué,
complexifié. Mais il y a suffisamment de pistes, dans ce ballet de
tableaux vivants, pour tisser un réseau de sens cohérent et se
questionner (inévitablement) sur son propre rapport à la
nudité.
Jusqu’au 14 février au Théâtre La Chapelle
Crédit: Nans Bortuzzo
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©Nans-Bortuzzo
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Parution 12-02-2015 | Par Dorothée de Collasson
Une femme, une jupe souple, un ventilateur. Un homme, un
chandail, des bras trop longs.
C’est dans un cadre particulièrement bien choisi que se
dévoilent cette semaine au théâtre La Chapelle les touchants
comédiens de Création dans la Chambre. Une salle simple, intime,
classe, organisée en 3 plans. Au fond, les coulisses, dissimulés
uniquement par une vitre qui reflète légèrement le plan central, la
scène, un carré de pelouse éclairé par des lumières tamisées. Le 3e
plan c’est toi. Toi, le public, qui sera tout autant vu que voyeur,
déshabillé et décortiqué par les artistes, dégourdis, intimidés,
amusés, ridiculisés, attendrissants dans leur innocence.
A travers des dizaines de tableaux très courts, le spectateur
découvre durant près d’une heure les différentes facette du
dévoilement de l’intimité, explorée par une vingtaine de jeunes.
Chaque scène est une bouchée à saveur différente. J’en aurais
dégusté le double. La mise à nu ne prend pas ici la forme d’un
strip-tease langoureux mais d’un effeuillage poétique, plus ou
moins évident selon chacun. On explore les limites de cette pudeur,
on se découvre par morceau, on se tourne
en dérision, on reconnaît l’imperfection de nos pas titubants,
on se présente tel que l’on est avec ses rondeurs, sa maladresse,
sa cellulite qui ballote, ses seins pesants, ses passions cachées,
sa volonté de dépasser cette « stérilité émotive » du
déshabillement. Dans ces formes si simples, le spectateur se
retrouve, se décomplexe. Câlisse, scusez mais c’est beau un humain
tout nu. Une femme qui pendant 3 minutes tire son lait, face au
public, en silence, droite comme un i. Un homme qui reste pogné
dans son chandail. Une femme qui sourit d’un air géné au public en
ôtant sa camisole avec un petit « hop, ça c’est mes seins » laché à
la volée. Ca te donne le gout de te regarder dans ton miroir quand
tu vas rentrer chez toi. De te dire que c’est peut-être dans ta
maladroite recherche du sex-appeal que tu seras le plus charmante.
Que ton petit bidon et tes grains de beauté, ils font écho aux
genoux tordus et à la couille plus grosse que l’autre de celui qui
peut-être, lui aussi, transpire intérieurement à l’idée de baisser
ses culottes. Certains y parviendront aisément. Pour d’autres ça
sera le parcours du combattant.
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©Nans-Bortuzzo
Suite...
Les dévoilements simples explore ces rapports aux corps à coup
de bouquets de fleurs, de tortue galopante, de sardine luisante, de
touchés sains, d’odeurs de peau, d’éclairages ajustés aux
frontières de l’intime de chacun. « C’est un dialogue entre
l’intime et le collectif que nous plaçons en plein cœur de notre
démarche. L’objectif est de trouver de nouveaux angles qui
s’éloignent du personnel pour rejoindre quelque chose de plus large
qui touche nos systèmes de valeur, notre cruauté collective, notre
beauté complexe, nos poésies intérieures, notre détachement simple
par rapport aux choses.” (Création dans la Chambre)
Un homme, un cellulaire. Il appelle, au hasard, et décrit – sur
haut parleur – à ce contact “random” son déshabillement devant le
public. Cette expérience pénible uniquement parce qu’on l’a décidé
parce qu’on (la religion? Adam et Eve ?) a déterminé il y a des
milliers d’années que la nudité (qu’on a pourtant tous en commun)
n’est pas montrable dans tout contexte. Pas montrable à des
inconnus. Parce qu’on a tellement associé la peau à l’intime, et
l’intime au privé, voire à l’indécent que l’on ose à peine s’aimer,
dans le miroir.
« Je me rends compte qu’il nous est difficile aujourd’hui de se
regarder en face et de s’écouter réellement. Nous sommes pris dans
des systèmes de valeurs qui éliminent la nuance, qui nient
l’humanité pour inventer un réel schématisé, loin de nos
sensibilités profondes. » (Félix-Antoine Boutin, metteur en scène).
Comme cette phrase me parle… Tandis que je viens d’achever une
réflexion sur la novlangue que nous mettons en place à notre insu
au sein de notre société, Les dévoilements simples illustrent avec
brio cet éventail précieux de perceptions et surtout d’expériences
autour d’un geste simple et commun à chacun : le dévoilement
intime.
Représentations jusqu’au samedi 14 février 2015 – Théâtre La
Chapelle.
http://lachapelle.org/calendar/84/8752-LES-DE-VOILEMENTS-SIMPLES-STRIP-TEASE/?show=11http://lachapelle.org/calendar/84/8752-LES-DE-VOILEMENTS-SIMPLES-STRIP-TEASE/?show=11http://voir.ca/babel/2015/02/08/novlangue-2-0/
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http://plus.lapresse.ca/screens/0cc96360-a464-4798-9f5d-9e882ac02b21|49b-8hf-y-J3.html
Parution 13-02-2015 | Par Mario Cloutier
Au-delà du nu
La nouvelle création de Félix-Antoine Boutin est un work in
progress sans prétention, tendre et drôle.
Ils sont jeunes. Ils sont beaux. Ils sont nus.
Une quinzaine de comédiens et de comédiennes présentent des
tableaux vivants accompagnés, en musique, par les Variations
Goldberg de Bach. Nus au début, habillés à la fin, tendres et
drôles au milieu.
Ce work in progress intitulé Les dévoilements simples
(strip-tease) de Félix-Antoine Boutin, contrairement à son Koalas
présenté l’automne dernier, se déroule sans prétention, avec un
brin de poésie.
Pour les âmes sensibles, à part une ou deux exceptions comiques,
les saynètes n’évoquent jamais la sexualité de front. À peine y
trouve-t-on un peu de sensualité ici, beaucoup de tendresse là,
comme lors de cette belle ouverture où les uns et les autres
partent à la découverte de leur cou.
S’il y a un caractère organique à la chose, c’est la véritable
pelouse sur laquelle les comédiens s’exécutent et de laquelle
émanent de vraies odeurs de gazon coupé.
La présentation comprend un peu de mime, de chant et de danse et
quelques rares paroles : « Ma peur et mon cynisme sont un chat, mon
jeu est un chien ». Des mouvements et des images fortes, surtout,
avec ou sans vêtements.
L’expression « simples » est importante dans cette proposition.
Félix-Antoine Boutin nous parle ici de la simplicité volontaire des
corps en dehors des préjugés, des clichés sociaux, sexuels et
autres. Il recrée, chaque soir différemment, un certain Éden des
possibles.
Bref, voilà une exploration sympathique du corps, de sa beauté,
de ses travers et de ce qu’il peut tenter d’exprimer en dehors des
sentiers battus.
Un jour, ce jeune auteur et metteur en scène inventif prendra
son temps pour peaufiner son travail – on peut difficilement y
arriver en créant six spectacles en trois ans –, et il trouvera
quelque chose de substantiel à nous dire.
À La Chapelle jusqu’au 14 février
http://www.sorstu.ca/auteur/cleomathieu/
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http://www.ledevoir.com/culture/theatre/431781/theatre-effeuillages
Parution 13-02-2015 |Par Christian St-Pierre
Effeuillages Photo: Nans Bortuzzo Dans la pièce, les corps
apparaissent dans toute leur splendeur, mais ils expriment aussi,
et peut-être même surtout, la vulnérabilité, la fragilité,
l’intimité
Les créations de Félix-Antoine Boutin se suivent et ne se
ressemblent pas. Du théâtre de chambre au happening en plein air,
de l’installation en cabanes au mythe grec servi à la sauce
karaoké, l’auteur et metteur en scène ne s’interdit rien… et c’est
tant mieux ! Ces jours-ci, le jeune homme s’appuie sur les
Variations Goldberg de Bach pour explorer le thème de la mise à
nu.
Les dévoilements simples (strip-tease), c’est une collection
d’images d’une beauté exquise, une suite de tableaux peuplés de
modèles vivants, une forme de retour aux sources. Dans ce qui
s’apparente à une recréation kitsch du jardin d’Éden, carré d’herbe
jaunie où sont posés quelques arbustes, où les fleurs et les ours
sont faux, mais où les tortues sont vraies, des hommes et des
femmes se dévêtent en solo, en duo ou en choeur. Les corps
apparaissent dans toute leur splendeur, mais ils expriment aussi,
et peut-être même surtout, la vulnérabilité, la fragilité,
l’intimité. Quel bonheur, dans
une société où la nudité est le plus souvent ostentatoire et
marchande, de la voir redevenir un don, une offrande, un partage,
la célébration d’un lien, le gage d’une authenticité, d’une
franchise, d’une précieuse honnêteté !
Tout en étant éminemment disparates du point de vue de la forme,
les oeuvres de Félix-Antoine Boutin sont d’une remarquable
cohérence thématique. Avec cette série de vignettes, des images qui
sont souvent drôles, parfois émouvantes, cruellement fugaces, le
créateur prolonge son exploration des rapports entre nature et
culture, condition humaine et animale, vérité et mensonge,
révélation et dissimulation ; en somme des oppositions qui
innervent toutes ses réalisations.
Il faut tout de même admettre qu’on reste un peu sur notre faim.
Tout d’abord parce que c’est trop court. De cet éveil du printemps,
de ce puissant antidote à la morosité ambiante, on aurait
facilement pris 30 minutes additionnelles. L’autre source de
déception, c’est le peu de corps atypiques figurant parmi la
quinzaine d’interprètes.
Tout en reconnaissant la délicatesse admirable du spectacle, sa
douceur salvatrice, on ne peut s’empêcher de penser que des corps
en rupture avec les standards auraient entraîné la représentation
sur des territoires plus riches, plus complexes. Ce sera peut-être
pour la prochaine fois.
http://www.ledevoir.com/culture/theatre/431781/theatre-effeuillages
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Les samedi 16 et dimanche 17 août 2014, cahier CULTURE &
LIVRES, p.E1
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Les samedi 16 et dimanche 17 août 2014, cahier CULTURE &
LIVRES, p.E3
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OCTOBRE 2014, p.82
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Semaine du 2 au 14 octobre 2014, p.16
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Weekend du 3 au 5 octobre 2014, p.W20
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Les samedi 4 et dimanche 6 octobre 2014, cahier CULTURE,
p.E3
« Je trouve que parler de l’intime, ça ramène aux rapports
humains. Et ça devient politique, finalement », dit
l’auteur et metteur en scène Félix-Antoine Boutin. Photo: Annik
MH De Carufel Le Devoir
Marie Labrecque, collaboratrice, théâtre
Le doute peut être un puissant moteur créatif pour un artiste, à
condition qu’il ne laisse pas cette incertitude le
paralyser. « J’ai un doute dévorant chaque fois que je fais un
show. Je me dis tout le temps que c’est mon
dernier, confie Félix-Antoine Boutin. Mais on finit par le faire
et il prend son sens. »
Il faut croire que le jeune auteur et metteur en scène maîtrise
plutôt bien cet état puisqu’il a signé pas moins de
cinq spectacles depuis sa sortie de l’École nationale de
théâtre, il y a deux ans ! Koalas, dont la troisième et
définitive incarnation s’apprête à voir le jour à la salle
Jean-Claude-Germain, a justement été enfanté dans un
doute« monumental ». « C’était la première fois que je me
risquais à l’écriture. Et j’étais incapable d’écrire la
pièce, d’écrire des dialogues. Alors, ce que les comédiens ont
reçu les premiers mois, avant qu’on répète, c’était
une longue didascalie de 30 pages, une liste d’actions… »
L’auteur a fini par se servir de cette difficulté à écrire pour
donner forme à la propre incapacité de ses
personnages, incapacité d’être, de rencontrer autrui, d’avoir
des relations amoureuses. Il a travaillé sur
l’incertitude. Une écriture au mode conditionnel reflète
l’indécision des cinq personnages, engagés dans des
relations mouvantes. « On avance dans le récit, mais à tâtons,
et on est toujours dans une espèce de flou par
rapport au réel. Ça ressemble à un songe. »
Dans ce qui devient « comme des monologues intérieurs », les
cinq dépendants affectifs énoncent les actions
qu’ils pourraient faire. « Ils se scénarisent par rapport aux
autres. » Comme si en modifiant qui ils sont, ils
pouvaient réussir à entrer en contact avec l’être désiré. « Ils
sont très seuls, et un peu perdus face au néant, avec
rien à quoi s’accrocher, sauf l’autre. » Mais à force de se
changer, ils finissent par ne plus exister et par se
détruire l’un l’autre.
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SUITE - Les samedi 4 et dimanche 6 octobre 2014, cahier CULTURE,
p.E3
Malgré l’importance de la forme, ces personnages qu’on côtoie de
l’intérieur finissent par être touchants,
constate leur créateur. « C’est rare qu’on voie des êtres se
révéler comme ça : on a accès à leurs doutes, à tout ce
qu’on ne se dit pas dans la vie. Ils sont comme un livre ouvert
devant nous. »
Boutin souligne aussi le caractère festif de ce bestiaire, où
les humains se métamorphosent en animaux. Le
créateur, qui face au vide spirituel cherche à se reconnecter
avec le sacré au sens large, évoque les notions
d’enchantement et de magie. « Quand j’ai monté Le sacre du
printemps, on avait travaillé beaucoup sur
l’Homme à l’état de nature, sur ce que ça veut dire de tenter
d’effacer la civilisation pour se rapprocher de nos
instincts. Koalas repose sur un paradoxe amusant, parce que ses
personnages sont très peu instinctifs, toujours
dans l’autoréflexion, mais qu’ils sont abordés de manière
animale. Et ça devient une fable : si je ne suis pas
capable d’être, alors je deviens une licorne… »
Pour incarner les bêtes, le metteur en scène a travaillé sur la
gestuelle avec ses acteurs (Marie-Line Archambault,
Philippe Boutin, Sébastien David, Daniel Desputeau et Juliane
Desrosiers Lavoie).
Le social et l’intime
Cette incapacité de se définir comme personne, de se construire
sur du néant, Félix-Antoine Boutin l’a lui-
même vécue de « manière assez violente ». « Je suis entré à
l’école de théâtre à 19 ans. Il y a beaucoup de
pression pour s’autodéfinir, mais à cet âge, on n’a pas encore
d’assise. Et on finit par se demander : quelle est
mon identité ? Tout n’est que remise en question. Je pense que
j’ai puisé dans cette crise pour écrire. En même
temps, j’essaie de distancier mon travail de moi-même. Je trouve
que creuser mes petits bobos, c’est limitant
comme façon d’écrire. Alors j’ai lu pour m’inspirer, par exemple
la biographie de Verlaine et Rimbaud, qui
avaient cette dynamique de codépendance, jusqu’à se détruire.
»
Koalas refléterait aussi l’indécision de notre époque. Notre
incapacité collective à nous parler sans nous diviser
illico en deux clans antagonistes. « Le printemps érable, la
charte… Ces sujets sont plus complexes que la
façon dont on en a parlé, mais on est incapables de discuter,
alors on finit par simplement être pour ou contre.
Et finalement indécis en tant que peuple parce que pas capable
de se brancher dans une direction », constate-t-
il.
Mais c’est par la lorgnette de l’intimité que cet admirateur de
Fassbinder aborde le politique. « Je trouve que
parler de l’intime, ça ramène aux rapports humains. Et ça
devient politique, finalement. J’essaie d’avoir un
rapport sincère avec le public dans mon théâtre, et [de faire en
sorte] que les comédiens soient le moins possible
dans la séduction. »
Félix-Antoine Boutin entame ici une résidence de deux ans au
Théâtre d’Aujourd’hui. Une occasion d’oeuvrer
plus en profondeur. L’artiste, qui aime bousculer la relation
entre la scène et la salle, entend axer son
questionnement sur « comment amener la performance dans un cadre
fictionnel », ou vice-versa. Bref, explorer
la capacité de créer un « état de présence chez les
acteurs/performeurs tout en racontant une histoire ». À suivre,
donc.
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Le vendredi 10 octobre 2014, cahier WEEK-END CULTURE, p.B4
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Le samedi 11 octobre 2014, cahier weekend, p.74
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Le lundi 13 octobre 2014
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SUITE 1 - Le lundi 13 octobre 2014
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SUITE 2 - Le lundi 13 octobre 2014
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Voir- 16 août 2013
Félix-Antoine Boutin Le sacre du printemps, ou le rite
réinventé
Par Philippe Couture
À l’affiche du Festival de théâtre de rue de Lachine et de
l’événement Zone Homa, Le sacre du printemps (tout ce que je
contiens) est une exploration festive du passage à l’âge
adulte, dans une relecture très libre de l’oeuvre centenaire de
Stravinsky. Un spectacle de ruelle pour 20 acteurs!
Depuis sa sortie de l’École nationale de théâtre, Félix-Antoine
Boutin n’a pas chômé. Le Sacre du printemps est déjà son troisième
spectacle, après une pièce intimiste de théâtre de chambre
présentée dans son appartement et après le laboratoire Koala(s)
dans le cadre du OFFTA 2013. Intéressé par les enjeux de l’intimité
mais aussi par la quête d’appartenance à une collectivité, il a
trouvé le territoire le plus fertile pour explorer les tensions
entre ces deux pôles de l’expérience humaine: le rite de passage.
Appuyé sur une expérience initiatique et sur une transformation
profonde de soi, le rite se vit en présence du groupe et sous
l’influence d’une forte pression sociale. C’est cette dualité entre
l’intime et le collectif que Le sacre du printemps (tout ce que je
contiens) tente d’exposer dans ce que Boutin appelle une
«installation vivante», où il travaille à une sorte d’«artisanat
théâtral».
«On a voulu réinventer Stravinsky en repartant à zéro,
explique-t-il. On a gardé la structure du ballet et on l’a
rempli de nos propres inventions; ce sont les mêmes tableaux avec
un contenu qui nous est propre. En gros, on a gardé les titres des
tableaux et on s’inspire du mouvement général de l’oeuvre, mais on
prend toutes les libertés.»
Résultat? Une exploration de la notion de sacrifice à travers
les expériences d’une série de personnages qui abandonnent une
partie d’eux mêmes en quittant l’enfance pour se conformer aux
convenances du monde social. Exit le sacrifice de la jeune danseuse
imaginée par Stravinsky. Le voici plutôt démultiplié dans les corps
d’une vingtaine de comédiens.
«Notre réflexion sur les rites de passage s’appuie sur le
visionnement d’une tonne de documentaires, des films de la BBC ou
de National Geographic, qui explorent les rituels de passage un peu
partout dans le monde. On ne cherche pas à donner de réponses ou à
prendre position par rapport à ça, mais on tente de représenter les
enjeux autour du rituel, de comprendre l’énergie, l’état d’esprit
qui le meut, ainsi que les dangers qu’ils comportent. On tente de
reproduire certains codes récurrents de tous ces rites.»
L’exercice a évidemment mené la troupe de Boutin à réfléchir à
la mort et ses rites, mais le spectacle s’intéresse à cette ultime
étape de manière festive. «On s’inspire notamment de la tradition
mexicaine, où les morts ne sont pas pleurés comme ici. C’est un
spectacle qui fête la mort, ou l’abandon d’une parcelle de son
identité, en s’interdisant toute forme d’apitoiement. Il y a une
constante dans la plupart des rituels de passage que nous avons
étudiés, c’est le caractère festif – la joie de devenir quelqu’un.
Paradoxalement, ça se passe souvent dans la souffrance: il s’agit
partir seul dans la jungle, de maltraiter son corps, de revenir
ensanglanté parmi les siens mais heureux de passer à l’autre
étape.»
1
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Heureux, aussi, d’avoir vécu le passage entouré de sa
communauté. Sans vouloir être moralisateur, Félix-Antoine Boutin
s’intéresse à la disparition des rites dans notre société et à la
disparition de la notion de communauté. «Lorsqu’on a joué le
spectacle au Quartier des spectacles, on a arrêté la circulation
sur St-Urbain. Tout à coup le collectif reprenait le dessus sur les
actions individuelles de chacun et c’était franchement intéressant,
saisissant, signifiant.»
La performance-installation, dont l’action s’articule autour
d’un bac à sable, est portée par un travail symbolique autour des
objets. «Mon imaginaire s’exprime naturellement dans une certaine
plasticité, dit Félix-Antoine Boutin. Je suis un artiste visuel qui
fait du théâtre. Pour moi, le rapport à l’objet est très important,
et dans ce cas-ci l’idée du rituel ou du sacré passe beaucoup par
l’utilisation d’objets qui prennent une valeur symbolique. Ce sont
aussi les outils autour du sacrifié qui se transforment et lui
serviront différemmment dans sa nouvelle vie adulte.»
Un spectacle bricolé en direct par les acteurs et offert aux
passants dans un effort de renouer avec le collectif.
2
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Le Devoir Culture, samedi, 17 août 2013, p. E2
Un gros compost de vies et de morts. Félix-Antoine Boutin livre
une interprétation bien personnelle du Sacre du printemps, alliant
danse, théâtre et musique
Christian Saint-Pierre
Formé en interprétation, Félix-Antoine Boutin a toujours su
qu'il était bien davantage un auteur et un metteur en scène qu'un
comédien. Sous la bannière de la compagnie qu'il a fondée il y a un
an, Création Dans la chambre, le jeune homme a déjà signé deux
spectacles remarquables : Message personnel, un théâtre drôle et
cruel pour salon privé, et Koalas, un appel à la magie et à
l'émerveillement. " L'intimité dans ce qu'elle a de plus politique,
voilà ce qui m'intéresse, explique le créateur. Les spectacles de
la compagnie mettent à jour de nouvelles formes d'intimité, ou à
tout le moins en parlent de façon inédite. Toujours, il y a des
rapports de force, des dominants et des dominés. Dans Message
personnel comme dans Koalas, il est question de la dépendance
affective et des extrémités dans lesquelles elle peut entraîner. Je
commence aussi à réaliser que les notions de vie et de mort
m'obsèdent, qu'elles sont très présentes dans mon travail. Cela
dit, mon approche est plus comparable à celle des Mexicains. J'ai
envie de célébrer nos morts, besoin de les reconnaître plutôt que
de les pleurer pour mieux les oublier. " Ces jours-ci,
Félix-Antoine Boutin s'attaque à rien de moins qu'au chef-d'oeuvre
de Stravinski, Le sacre du printemps. À partir de la trame
narrative du ballet centenaire, il donne naissance à une
performance in situ, un amalgame de danse, de théâtre et de
musique, une installation où les objets jouent un rôle-clé. Le
résultat est pour le moins... surprenant. Devant tant de
singularité, certains passants n'en reviennent tout simplement pas
! Après quelques représentations dans le Quartier des spectacles,
Le sacre du printemps (tout ce que je contiens) sera donné au
Festival de théâtre de rue de Lachine, puis en clôture de la Zone
Homa.
Une cérémonie Stravinski parlait de son ballet comme d'un "
grand rite sacral païen ". Tout en étant fort personnelle, la
version de Boutin, sans paroles et d'une durée de 40 minutes,
respecte l'essence de cette formule. " J'ai voulu renouer avec le
rituel, explique Boutin. Je souhaitais faire écho aux différents
rites, qu'ils soient de passage, d'initiation, funéraires, de
naissance, sexuels ou religieux. Autrement dit, le spectacle est un
retour à la base, au primaire, au primitif. C'est pourquoi je n'ai
pas cherché à donner naissance à une représentation
conventionnelle. Je tenais à une expérience hors les murs, quelque
chose qui soit en rupture avec ce qui constitue la norme. J'ai
notamment demandé aux comédiens de ne pas adopter ce jeu
charismatique et emphatique que je vois trop souvent et auquel j'ai
cessé de croire. Je ne veux pas priver le spectateur de son
plaisir, mais je tiens à ce qu'il se pose des questions, à ce qu'il
rompe avec ses habitudes, ce qui est d'ailleurs tout à fait dans
l'esprit de ce que Nijinski a fait du Sacre à sa création. " Avec
ses comédiens (une vingtaine) et ses concepteurs de plusieurs
horizons, Félix-Antoine Boutin a travaillé sur la venue au monde,
l'existence et la disparition. Un terreau fertile. Pour aborder ces
questions métaphysiques, mais aussi politiques et psychanalytiques,
le groupe s'est laissé guider par les différents tableaux du ballet
de Stravinski. " Comment avoir prise sur notre existence et notre
humanité, comme individus aussi bien que comme société, dans un
monde qui pousse à disparaître ou à se conformer ? Pour exprimer
cela, j'ai établi avec mon équipe un système de codes, pour ne pas
dire un écosystème, et je me suis efforcé de le déployer dans
l'espace. En revisitant cette oeuvre, nous souhaitions faire surgir
un gros compost de vies et de morts, une somme de disparitions et
de renaissances. C'est une tentative pour nous, civilisés, de
revenir à ce qui pourrait ressembler à l'état de nature. "
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ESSE- 79 Reconstruction- Septembre 2013
Par Christian St-Pierre
Message personnel, Création Dans la Chambre, Montréal, du 19 au
30 mars 2013
Le privé est politique. La formule de Simone de Beauvoir
pourrait très bien être la devise de l’auteur et metteur en scène
Félix-Antoine Boutin. En effet, le directeur artistique de la
compagnie Création Dans la Chambre, diplômé de l’École nationale de
théâtre en 2012, a placé la riche dialectique entre le privé et le
politique, l’intime et le collectif, au cœur de sa démarche. Afin
de renouveler le propos, Boutin est prêt à sortir des lieux de
représentation traditionnels et à convier les disciplines les plus
diverses, du ballet au karaoké.
Le prolifique créateur – à qui l’on doit aussi Koalas et Le
sacre du printemps – présentait en mars dernier, dans son propre
salon, un spectacle intitulé Message personnel. La pièce de théâtre
à domicile s’adressait chaque soir à une dizaine d’esprits
aventureux. Librement inspiré des Larmes amères de Petra Von Kant,
l’œuvre de Fassbinder, le texte était livré en alternance par un
tandem de femmes et d’hommes. Marie-Line Archambault et Juliane
Desrosiers-Lavoie défendaient brillamment la version féminine.
Drôle et tragique, un brin kitsch, bercée par Françoise Hardy et
Nicole Croisille, la relation amour-haine qui unit les deux sœurs
évoque à la fois Les bonnes de Genet, Le grand cahier de Kristof et
les premiers films d’Ozon. Vous l’aurez compris, on se
régale !
Le théâtre de chambre accueille un face-à-face chargé de
mystère, de dérision et de poésie. Pour exister aux yeux des
autres, les sœurs s’avèrent prêtes à tout. De la fillette à la
femme, leur émancipation sera tellurique et cosmique, parfois
dégradante, mais toujours haute en couleur. Dans cette série
d’épreuves, il s’agira souvent de séduire. De plaire à sa sœur. De
plaire à sa mère. De plaire à un homme. De plaire au spectateur,
qu’on n’hésite d’ailleurs pas à interpeller par son nom. Puis,
vient le moment de s’imposer : « Tu ne sembles pas très réceptif,
pas très “reconnaissant” des efforts que je fais pour toi. Des
honneurs que je te porte. Tu ne sembles pas accueillir la chose
avec grandeur d’âme. Hé bien, je vais te l’enfoncer comme un poing
dans la gorge, mon âme. »
Truffée de formules irrésistibles, mais surtout de saisissantes
preuves de la fragilité psychique des protagonistes, la partition a
de quoi rendre extatique le plus blasé des psychanalystes. Les
comédiennes mordent dans les mots à belles dents, en plus de jouer
très habilement de leur proximité avec le spectateur. Nous sommes
chez elles, dans leur salon, sur leur territoire, cela ne fait pas
de doute. S’il arrive à pareil résultat avec des moyens financiers
quasi inexistants, on n’ose pas imaginer ce que Boutin va nous
pondre dans le futur.
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