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LES DROITS DE LA DFENSE
ARTICLE 6-3 DE LA CEDH
Rdig par Frdric Fabre docteur en droit.
ARTICLE 63 DE LA CONVENTION
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JURISPRUDENCE SUR :
"Tout accus a droit notamment :
a/ tre inform, dans le plus court dlai, dans une langue qu'il
comprend et d'une manire dtaille de la nature et de la cause de
l'accusation porte contre lui;
b/ disposer du temps et des facilits ncessaires la prparation de
sa dfense;
c/ se dfendre lui-mme ou avoir l'assistance d'un dfenseur de son
choix et, s'il n'a pas les moyens de rmunrer un dfenseur, pouvoir
tre assist gratuitement par un avocat d'office, lorsque les intrts
de la justice l'exigent;
d/ interroger ou faire interroger les tmoins charge et obtenir
la convocation et l'interrogation des tmoins dcharge dans les mmes
conditions que les tmoins charge;
e/ se faire assister gratuitement d'un interprte, s'il ne
comprend pas ou ne parle pas la langue employe l'audience"
- La Cour de Cassation franaise
Nous pouvons analyser GRATUITEMENT et SANS AUCUN ENGAGEMENT vos
griefs pour savoir s'ils sont susceptibles d'tre recevables devant
la CEDH, le Haut Commissariat aux droits de l'homme, le Conseil
d'tat ou la Cour de cassation. Si vos griefs semblent recevables,
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au rapport du conseiller rapporteur prs de la Cour de Cassation ou
du Conseil d'tat. Pensez nous contacter si possible ds votre
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devant la Cour de Cassation ou le Conseil d'tat.
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LIEN entre L'ARTICLE 63 et L'ARTICLE 61
Meftah et autres C. France du 26/07/2002 Hudoc 3840 requtes
32911/96, 5237/97 et 34595/97
"48 : La Cour rappelle que le paragraphe 3 de l'article 6
renferme une liste d'applications particulires du principe gnral
nonc au paragraphe 1; les divers droits qu'il numre en des termes
non exhaustifs reprsentant des aspects, parmi d'autres, de la
notion de procs quitable en matire pnale ()
En veillant son observation, il ne faut pas perdre de vue sa
finalit profonde ni le couper du " tronc commun" auquel il se
rattache. La Cour examine donc un grief tir de l'article 6-3 sous
l'angle de ces deux textes combins (61 et 63)"
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ARTICLE 6-3/a DROIT D'TRE INFORME DE TOUTE ACCUSATION PORTEE
CONTRE SOI
Dallos contre Hongrie du 01/03/2001 Hudoc 2390; requte
29082/95
"La Convention reconnat l'accus le droit d'tre inform non
seulement de la cause de "l'accusation" c'est dire des faits
matriels qui sont mis sa charge et sur lesquels se fonde
l'accusation, mais aussi de la qualification juridique donne ces
faits, et ce d'une manire dtaille"
CASSE c. LUXEMBOURG du 27 AVRIL 2006 Requte n
o 40327/02
"A. Sur la recevabilit
71. La Cour rappelle que les garanties nonces au paragraphe 3 de
larticle 6 de la Convention reprsentent des aspects particuliers du
droit un procs quitable garanti au plan gnral par le paragraphe 1.
Dans ces conditions, la Cour examinera le grief du requrant sous
langle de ces deux textes combins (cf., entre autres, arrts
Unterpertinger c. Autriche du 24 novembre 1986, srie A no 110, p.
14, 29 ; Artner c. Autriche du 28 aot 1992, srie A no 242-A,
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p. 10, 19 ; Pullar c. Royaume-Uni du 10 juin 1996, Recueil des
arrts et dcisions 1996-III, p. 706, 45 ; Foucher c. France du 18
mars 1997,Recueil 1997-II, p. 464, 30).
En lespce, la question qui se pose est de savoir si le requrant
peut tre considr comme ayant t inform, dans le plus court dlai et
dune manire dtaille, de la nature et de la cause de laccusation
porte contre lui, comme lexige lalina a) de larticle 6 3 de la
Convention. A cet gard, la Cour relve en premier lieu que cette
disposition vise une personne accuse dune infraction. Elle rappelle
par ailleurs que, dans le contexte de la Convention, les mots accus
et accusation pnale correspondent une notion autonome et doivent
tre interprts par rfrence une situation matrielle et non formelle
(Padin Gestoso c. Espagne (dc.), no 39519/98, CEDH 1999-II
(extraits) (8.12.98)).
72. Pour les mmes raisons que celles analyses sous les
paragraphes 29 33, la Cour estime qu partir du 17 mai 1996 le
requrant doit tre considr comme accus . Par consquent, larticle 6 3
a)de la Convention est applicable en lespce.
73. Ceci tant, la Cour relve que ce grief renvoie celui tir du
droit au respect un procs vacu dans un dlai raisonnable et doit
donc aussi tre dclar recevable.
B. Sur le fond
74. La Cour se doit de constater que le requrant qui doit tre
considr comme accus partir du 17 mai 1996 na, lheure actuelle, soit
presque dix ans plus tard, toujours pas t inculp, ni mme convoqu
devant le juge dinstruction.
A cet gard, la Cour se doit de rappeler que ce dernier annona,
ds le 25 septembre 1996, au requrant quil serait convoqu en temps
utile . Suite deux relances, le juge dinstruction rpondit lintress,
le 21 octobre 1996, que linstruction risquait de durer ; il rajouta
que, dans la mesure o le requrant ntait pas encore inculp ni ne
figurait au dossier un quelconque autre titre, des renseignements
plus concrets ne pouvaient tre fournis (voir paragraphe 18
ci-dessus).
Dans une note adresse la police le 15 mai 1997, le mme juge
crivit quil tait impensable que lexcution des diffrents devoirs
dinstruction ne puisse tre envisage quau plus tt pour octobre 1998,
reculant aux calendes grecques les auditions devant le soussign
sans mme parler dune ventuelle comparution devant le juge du fond
(voir paragraphe 20 ci-dessus).
En date du 15 fvrier 2002, le juge dinstruction rpondit au
requrant que (...) lenqute auprs de la police judiciaire, section
analyse criminelle et financire, [tait] toujours en cours au vu des
devoirs dinstruction ordonns par [lui]-mme (voir paragraphe 25
ci-dessus).
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75. Les circonstances particulires telles que dcrites ci-dessus
suffisent la Cour pour conclure quil y a eu violation de larticle 6
3 a) de la Convention."
SUR LA REQUALIFICATION DES FAITS PAR LE JUGE PNAL
Pelissier et Sassi contre France du 25 mars 1999 Hudoc 966;
requte 25444/94
Les requrants contestent la requalification juridique des faits
de banqueroute en complicit de banqueroute par la Cour d'Appel:
"51: La Cour rappelle que les dispositions du paragraphe 3/a de
l'article 6 montrent la ncessit de mettre un soin extrme notifier
l'"accusation" l'intress. L'acte d'accusation joue un rle
dterminant dans les poursuites pnales : compter de la
signification, la personne mise en cause est officiellement avise
par crit de la base juridique et factuelle des reproches formules
contre elle () L'article 63/a de la Convention reconnat l'accus le
droit d'tre inform non seulement de la cause de l'accusation, c'est
dire des faits matriels qui sont mis sa charge et sur lesquels se
fonde l'accusation, mais aussi de la qualification juridique donne
ces faits et ce, comme l'a justement relev la Commission, d'une
manire dtaille.
52: La Cour considre qu'en matire pnale, une information prcise
et complte des charges pesant contre un accus, et donc la
qualification juridique que la juridiction pourrait retenir son
encontre, est une condition essentielle de l'quit de la
procdure.
53: Les dispositions de l'article 63/a n'imposent aucune forme
particulire quant la manire dont l'accus doit tre inform de la
nature et de la cause de l'accusation porte contre lui"
Partant, il y a violation de l'article 63/a
54: Quant au grief tir de l'article 63/b de la Convention, la
Cour estime qu'il existe un lien entre les alinas a/ et b/ de
l'article 63 et que le droit tre inform sur la nature et la cause
de l'accusation doit tre envisag la lumire du droit de l'accus de
prparer sa dfense"
La Cour analyse en l'espce, in concreto les consquences du choix
de la Cour d'Appel de requalifier les faits de banqueroute en
complicit de banqueroute:
"La complexit ncessite galement la prsence d'un lment matriel
c'est dire la commission d'un acte spcifique tel que prvu l'ancien
article 60 du code pnal, et d'un lment intentionnel, savoir la
conscience de l'aide apporte la commission de l'infraction ()
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"63: Eu gard tous ces lments, la Cour conclut qu'une atteinte a
t porte au droit des requrants tre informs d'une manire dtaille de
la nature et de la cause de l'accusation porte contre eux, ainsi
qu' leur droit disposer du temps et de spcificit ncessaire la
prparation de leur dfense"
Partant il y a violation 63/b.
Dcision d'irrecevabilit
Le Pen contre France du 10 mai 2001 requte 55173/00
Le requrant conteste sa condamnation pour avoir bouscul Madame
Peulvast alors ceinte de son charpe tricolore de maire:
"La Cour rappelle que la Convention ne prohibe pas en tant que
telle la requalification par le juge pnal, sauf si les
circonstances dans lesquelles elle se produit ne permettent pas
l'accus de connatre en dtail l'accusation porte contre lui, ou
l'empchent de prparer efficacement sa dfense (arrt Pelisser et
Sassi prcit) Or, au vu de ce qui prcde, rien de tel ne peut tre
constat en l'espce.
Il s'ensuit que le grief tir de l'article 61; 3a/ et b/ de la
Convention doit ds lors tre rejet comme manifestement mal fond"
GOUGET ET AUTRES c. FRANCE du 27 janvier 2006 Requte n
o61059/00
"27. La Cour rappelle en premier lieu que lquit dune procdure
sapprcie au regard de lensemble de celle-ci. Les dispositions du
paragraphe 3 de larticle 6 montrent la ncessit de mettre un soin
particulier notifier l accusation lintress. Lacte daccusation joue
un rle dterminant dans les poursuites pnales : compter de sa
signification, la personne mise en cause est officiellement avise
par crit de la base juridique et factuelle des reproches formuls
contre elle. Larticle 6 3 a) reconnat ainsi laccus le droit dtre
inform non seulement de la cause de laccusation, cest--dire des
faits matriels qui sont mis sa charge et sur lesquels se fonde la
poursuite, mais aussi de la qualification juridique donne ces faits
et ce dune manire dtaille (Plissier et Sassi, prcit, 51.
28. La Cour rappelle en second lieu que la porte de cette
disposition doit notamment sapprcier la lumire du droit plus gnral
un procs quitable que garantit le paragraphe 1 de larticle 6 de la
Convention. En matire pnale, une information prcise et complte des
charges pesant contre un accus, et donc la qualification juridique
que la juridiction pourrait retenir son encontre,
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est une condition essentielle de lquit de la procdure. Enfin, la
Cour rappelle que si les dispositions de larticle 6 3 a) nimposent
aucune forme particulire quant la manire dont laccus doit tre
inform de la nature et de la cause de laccusation porte contre lui,
il existe nanmoins un lien entre les alinas a) et b) de larticle 6
3, de telle sorte que le droit tre inform de la nature et de la
cause de laccusation doit tre envisag la lumire du droit pour
laccus de disposer du temps et des facilits ncessaires la
prparation de sa dfense (Plissier et Sassi, prcit, ibidem
52-54).
29. En lespce, comme les parties, la Cour estime ncessaire de
distinguer le cas de Mmes Duburcq, Laatamna et Iacovella du cas de
M. Gouget.
Concernant les premires requrantes, la Cour relve tout dabord
que Mmes Duburcq et Iacovella, dans les conclusions dposes par leur
avocat le 22 septembre 1998 loccasion de laudience devant la cour
dappel et vises cette occasion par le prsident de la cour dappel,
consacrrent une partie substantielle de celles-ci linfraction
dexercice illgal de la profession davocat.
30. La Cour note ensuite quil ressort clairement de larrt dappel
que les requrantes ont t mises en mesure, lors de laudience du 22
septembre 1998, aprs requalification des faits reprochs et alors
quelles taient assistes de leur avocat, de sexpliquer et de se
dfendre sur la qualification litigieuse. Il sensuit que cette
qualification a bien t dbattue contradictoirement.
31. La Cour relve enfin qu la diffrence de laffaire Plissier et
Sassi (prcite) dans laquelle les requrants se plaignaient dune
requalification, dans la prsente affaire, la qualification
conteste, savoir celle dexercice illgal de la profession davocat,
bien que poursuivant les mmes faits, a t ajoute, et non substitue,
en appel celle de consultation juridique illgale. Comme le souligne
galement le Gouvernement, la Cour ne peut que constater, en lespce,
ltroite connexit des deux infractions ainsi poursuivies. La dfense
dveloppe par les requrantes sur la premire couvrait ncessairement
les dbats sur lexistence de la seconde. En outre, la qualification
dexercice illgal de la profession davocat figure sur lensemble des
dclarations dappel fournies par les requrantes, quil sagisse de
celles rdiges par Mmes Laatamna et Iacovella ou de celles
introduites par le procureur de la Rpublique et les parties
civiles.
32. Compte tenu de ce qui prcde, la Cour considre que les
requrantes ont eu lopportunit dorganiser leur dfense devant la cour
dappel et de contester la qualification des faits poursuivis tant
devant la cour dappel que par la suite devant la Cour de
cassation.
Partant, elle estime quaucune atteinte na t porte en lespce leur
droit tre informes dune manire dtaille de la nature et de la cause
de laccusation porte contre elles. Il sensuit que cette partie du
grief, en tant quelle concerne Mmes Duburcq, Laatamna et Iacovella,
doit tre rejete comme manifestement mal fonde, en application de
larticle 35 3 et 4 de la Convention.
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33. Concernant M. Gouget, la Cour relve tout dabord, tout comme
la partie requrante, que la requalification conteste, savoir celle
de complicit dexercice illgal de la profession davocat, a t opre
lors de laudience du 22 septembre 1998, et non lors des dlibrations
de la cour dappel. Il ressort ensuite clairement de larrt dappel
que le requrant a t mis en mesure lors de laudience aprs
requalification des faits reprochs et alors quil tait assist de son
avocat de sexpliquer et de se dfendre sur ce point. En tout tat de
cause, comme prcdemment, la Cour souligne ltroite connexit des
chefs de poursuite contests par le requrant."
VESQUE c. FRANCE du 7 MARS 2006; Requte n
o 3774/02
"41. La Cour rappelle que les dispositions du paragraphe 3 de
larticle 6 montrent la ncessit de mettre un soin particulier
notifier l accusation lintress. Lacte daccusation jouant un rle
dterminant dans les poursuites pnales, larticle 6 3 a) reconnat
laccus le droit dtre inform non seulement de la cause de
laccusation, cest--dire des faits matriels qui sont mis sa charge
et sur lesquels se fonde laccusation, mais aussi de la
qualification juridique donne ces faits et ce dune manire dtaille
(Plissier et Sassi c. France prcit, 51). En matire pnale, une
information prcise et complte des charges pesant contre un accus,
et donc la qualification juridique que la juridiction pourrait
retenir son encontre, est une condition essentielle de lquit de la
procdure. Les dispositions de larticle 6 3 a) nimposent aucune
forme particulire quant la manire dont laccus doit tre inform de la
nature et de la cause de laccusation porte contre lui, et il existe
un lien entre les alinas a) et b) de larticle 6 3 et le droit tre
inform de la nature et de la cause de laccusation doit tre envisag
la lumire du droit pour laccus de prparer sa dfense (Plissier et
Sassi c. France prcit, 52-54). Si les juridictions du fond
disposent, lorsquun tel droit leur est reconnu en droit interne, de
la possibilit de requalifier les faits dont elles sont rgulirement
saisies, elles doivent sassurer que les accuss ont eu lopportunit
dexercer leurs droits de dfense sur ce point dune manire concrte et
effective, en tant informs, en temps utile, de la cause de
laccusation, cest--dire des faits matriels qui sont mis leur charge
et sur lesquels se fonde laccusation, mais aussi de la
qualification juridique donne ces faits et ce dune manire
dtaille.
42. Dans le cas despce, la Cour note que, au cours des dbats
lors de laudience publique du 23 fvrier 2001, la cour dappel de
Lyon, sappuyant sur les constatations dune expertise mdicale qui
fut communique au requrant le 9 mars 1999 et qui indiquait que S.C.
avait bnfici dun arrt de travail du 1er dcembre 1998 au 18 janvier
1999, opra une requalification partielle du dlit de violences
volontaires commises en runion ayant entran une incapacit
temporaire totale de travail infrieur huit jours, en dlit de
violences volontaires commises en runion suivie dune incapacit
temporaire totale de travail suprieur huit jours. Ce faisant, la
cour dappel, comme lexige le droit interne, ne fit que restituer
aux faits leur vritable qualification, vitant par la mme une
ventuelle censure de la haute juridiction franaise sur
-
ce point. La question qui se pose ds lors est celle de savoir si
le requrant a pu, du fait de cette requalification partielle,
utilement exercer ses droits de la dfense.
A cet gard, la Cour note que le requrant ne conteste pas
lexactitude des termes employs par la cour dappel dans son arrt du
22 mars 2001 et par la Cour de cassation dans son arrt du 23
octobre 2001, selon lesquels il fut mis en mesure de sexpliquer et
de se dfendre sur cette nouvelle qualification en fournissant ses
explications . Elle relve galement que le requrant tait assist
devant la cour dappel de Lyon par un conseil non avocat. En outre
et surtout, la mesure en cause ayant eu lieu au cours des dbats
devant la juridiction dappel et non au moment du prononc de larrt,
le requrant avait la possibilit de solliciter un renvoi de laffaire
une date ultrieure sil ne sestimait pas en mesure de rpondre
efficacement cette requalification (voir, mutatis mutandis, Feldman
c. France (dc.) no 53426/99, 6 juin 2002), ce quil na pas fait.
Enfin, la Cour considre que celle-ci ne changea pratiquement pas le
contenu de la prvention et ne modifia en rien la teneur des faits
sur lesquels reposaient les poursuites.
43. Compte tenu de tous ces lments, la Cour estime que le
requrant a eu lopportunit dorganiser sa dfense devant la cour
dappel et de contester cette requalification tant devant la cour
dappel que la Cour de cassation. Partant, aucune atteinte na t
porte au droit du requrant tre inform dune manire dtaille de la
nature et de la cause de laccusation porte contre lui, ainsi qu son
droit disposer du temps et des facilits ncessaires la prparation de
sa dfense.
Il sensuit que cette partie de la requte doit tre rejete pour
dfaut manifeste de fondement, en application de larticle 35 3 et 4
de la Convention.
GAULTIER c. FRANCE du 28 MARS 2006 Requte n
o 41522/98
"38. La Cour rappelle quen garantissant un recours aux personnes
arrtes ou dtenues, larticle 5 4 consacre aussi le droit pour
celles-ci dobtenir, dans un bref dlai compter de lintroduction du
recours, une dcision judiciaire concernant la rgularit de leur
dtention et mettant fin leur privation de libert si elle se rvle
illgale (arrts Van der Leer c. Pays-Bas du 21 fvrier 1990, srie A
no 170-A, p. 14, 35, et Musial c. Pologne [GC], no 24557/94, 43,
CEDH 1999-II). Le souci dominant que traduit cette disposition est
bien celui dune certaine clrit. Pour arriver une conclusion
dfinitive, il y a lieu de prendre en compte les circonstances de
laffaire (voir arrts E. c. Norvge du 29 aot 1990, srie A no 181-A,
pp. 27-28, 64, et Delbec c. France, no 43125/98, 33, 18 juin
2002).
39. En lespce, la Cour relve que dans le cadre de la procdure
qui a t engage le 29 aot 1996, le juge saisi adressa une demande de
renseignements au directeur du CHS de Sarreguemines le 17 septembre
1996, soit presque trois semaines plus tard. Suite la rception dun
certificat de
-
situation, le 27 septembre 1996, le magistrat mit encore deux
mois avant dordonner une expertise mdicale, soit le 28 novembre
1996, et surtout, ne notifia cette ordonnance au mdecin concern que
six semaines plus tard, soit le 14 janvier 1997. Le 29 janvier, cet
expert se dsista et un nouvel expert fut nomm le 12 fvrier. Ce
dernier rendit son rapport presque trois mois plus tard, soit le 6
mai 1997, et le juge mit encore deux mois pour rendre son
ordonnance, soit le 8 juillet 1997. Cette procdure a donc dur plus
de dix mois.
Quant la demande de sortie du 12 novembre 1997, le magistrat
saisi entendit le requrant le 21 novembre 1997 et nomma, trois
jours plus tard, deux experts. Ces derniers dposrent leurs rapports
respectivement les 28 janvier et 11 fvrier 1998. Le juge rendit une
ordonnance le 3 mars 1998. Cette dernire procdure a donc dur
presque quatre mois.
40. Comparant le cas despce avec dautres affaires o elle a
conclu au non-respect de lexigence de bref dlai au sens de larticle
5 4 (voir, par exemple, L. R. c. France, no 33395/96, 38, 27 juin
2002, et Mathieu c. France, no 68673/01, 37, 27 octobre 2005, o il
sagissait, respectivement, de dlais de vingt-quatre jours et de
plus de quatre mois), la Cour estime que le retard dnonc par le
requrant est excessif.
41. La Cour rappelle encore que, dans une procdure de contrle
dun internement psychiatrique, la complexit des questions mdicales
en jeu est un facteur pouvant entrer en ligne de compte lorsquil
sagit dapprcier le respect de lexigence du contrle bref dlai de
larticle 5 4 de la Convention (Musial, prcit, 47). En lespce,
toutefois, le retard en cause ne saurait raisonnablement tre
considr comme li essentiellement la complexit des questions
mdicales en jeu, mais plutt un manque de clrit de la part de
lautorit judiciaire saisie, dautant que, statuant en la forme des
rfrs , la juridiction est tenue de statuer en urgence, en
particulier lorsquil en va de la libert dun individu (voir arrts
E., prcit, 66, et Delbec, prcit, 37).
42. Au vu de tout ce qui prcde, la Cour conclut que le bref dlai
prvu par larticle 5 4 de la Convention na pas t respect en
lespce.
Partant, il y a eu violation de larticle 5 4 de la
Convention."
MIRAUX c. FRANCE du 26 septembre 2006 requte 73529/01
Poser une question subsidiaire aux jurs sans que l'accus ne
puisse la prvoir et y rpondre lui supprime les moyens de se
dfendre
"31. La Cour rappelle que l'quit d'une procdure s'apprcie au
regard de l'ensemble de celle-ci. Les dispositions du paragraphe 3
de l'article 6 montrent la ncessit de mettre un soin particulier
notifier l' accusation l'intress. L'acte d'accusation joue un rle
dterminant dans les poursuites
-
pnales : compter de sa signification, la personne mise en cause
est officiellement avise par crit de la base juridique et factuelle
des reproches formuls contre elle. L'article 6 3 a) reconnat
l'accus le droit d'tre inform non seulement de la cause de
l'accusation, c'est--dire des faits matriels qui sont mis sa charge
et sur lesquels se fonde l'accusation, mais aussi de la
qualification juridique donne ces faits et ce d'une manire dtaille
(Plissier et Sassi, prcit, 51).
32. La porte de cette disposition doit notamment s'apprcier la
lumire du droit plus gnral un procs quitable que garantit le
paragraphe 1 de l'article 6 de la Convention. En matire pnale, une
information prcise et complte des charges pesant contre un accus,
et donc la qualification juridique que la juridiction pourrait
retenir son encontre, est une condition essentielle de l'quit de la
procdure. Les dispositions de l'article 6 3 a) n'imposent aucune
forme particulire quant la manire dont l'accus doit tre inform de
la nature et de la cause de l'accusation porte contre lui. Enfin,
il existe un lien entre les alinas a) et b) de l'article 6 3 et le
droit tre inform de la nature et de la cause de l'accusation doit
tre envisag la lumire du droit pour l'accus de prparer sa dfense
(Plissier et Sassi, prcit, 52-54).
33. En l'espce, la Cour observe que si la question litigieuse
fut pose l'issue des dbats devant la cour d'assises et avant que le
jury ne se retire pour dlibrer, la requalification ne s'est
concrtise que par la rponse apporte cette question lors du dlibr.
Ainsi, l'usage de l'article 352 du code de procdure pnale ne
pouvait-il jouer qu'un rle prventif, aucune voie de recours n'tant
ouverte au requrant pour prsenter ses arguments de dfense une fois
la requalification opre.
34. En outre, la Cour ne saurait souscrire l'argument du
Gouvernement selon lequel il appartenait au requrant d'lever un
incident de procdure en demandant la rouverture des dbats en vertu
de l'article 352 du code de procdure pnale. La Cour estime au
contraire qu'il incombait la juridiction interne, faisant usage de
son droit incontest de requalifier les faits, de donner la
possibilit au requrant d'exercer ses droits de dfense de manire
concrte et effective, notamment en temps utile, en procdant par
exemple au renvoi de l'affaire pour rouvrir les dbats ou en
sollicitant les observations du requrant (voir l'affaire Plissier
et Sassi, prcite, 62). Enfin, rien ne permet d'affirmer, sans
spculer, que la cour d'assises aurait donn une rponse l'incident
contentieux qui fut de nature suspendre et rouvrir les dbats.
35. Par ailleurs, l'acte de renvoi devant la cour d'assises de
la Seine-Maritime ne visait que les qualifications de tentative de
viol et d' agression sexuelle et ce n'est qu' l'issue des dbats que
la question subsidiaire, par le biais de laquelle la
requalification litigieuse est intervenue, fut pose. La
qualification de viol ayant t envisage dans un prcdent acte de
renvoi en date du 18 fvrier 1997, dclar non avenu par la Cour de
cassation le 21 mai 1997, puis ayant t expressment carte par l'acte
de renvoi devant la cour d'assises du 23 octobre 1997, le requrant
pouvait raisonnablement estimer ne plus avoir se dfendre de
l'accusation de viol et concentrer sa dfense
-
sur la qualification de tentative de viol finalement retenue. La
Cour considre, au vu de ces lments, de la ncessit de mettre un soin
extrme notifier l'accusation l'intress et du rle dterminant jou par
l'acte d'accusation dans les poursuites pnales (Kamasinski c.
Autriche, arrt du 19 dcembre 1989, srie A no 168), qu'il n'est pas
tabli que le requrant aurait eu connaissance de la possibilit d'une
condamnation pour viol (voir, mutatis mutandis, l'affaire Plissier
et Sassi, prcite, 56).
36. Certes, la Cour observe que la base juridique du viol et de
la tentative de viol est la mme, savoir l'article 222-23 du code
pnal, et que, plus gnralement, selon le droit pnal franais, la
personne qui tente de commettre un crime est considre comme
l'auteur du crime, l'gal de celle qui commet celui-ci (voir
l'article 121-4 du code pnal, paragraphe 18 ci-dessus). Il est
toutefois possible d'observer que ces deux infractions, en l'espce
un viol et une tentative de viol, diffrent de faon significative
par leur degr de ralisation. En effet, la diffrence de l'infraction
consomme, qui suppose la concrtisation matrielle d'une intention
criminelle par un certain rsultat, la tentative se caractrise par
un commencement d'excution, c'est--dire la ralisation partielle
d'une infraction, constitue par des actes tendant directement la
consommation de celle-ci et accomplis avec cette intention, ainsi
que l'absence de dsistement volontaire de son auteur. Ainsi, le
viol ncessite-t-il l'accomplissement d'un rsultat spcifique, savoir
une pntration sexuelle, alors que cet lment n'est pas ncessaire
pour que soit retenue l'infraction de tentative de viol l'encontre
du requrant. Ds lors, on peut soutenir qu'il existe une diffrence
de degr de gravit entre ces deux infractions, laquelle exerce sans
aucun doute une influence sur l'apprciation des faits et la
dtermination de la peine par le jury, et ce d'autant plus que les
jurs sont, de faon gnrale, particulirement sensibles au sort des
victimes, notamment lorsque celles-ci ont subi des infractions de
caractre sexuel, domaine dans lequel, subjectivement et en dpit du
traumatisme psychologique que la victime subit en tout tat de
cause, la tentative est moins prjudiciable que le crime consomm.
Or, si l'auteur d'une tentative encourt une peine maximale
identique celle pouvant tre inflige l'auteur de l'infraction
commise, il ne saurait tre exclu qu'une cour d'assises tienne
compte, lors de la dtermination du quantum de la peine, de la
diffrence existant entre tentative et infraction consomme quant
leur gravit relle et au rsultat dommageable. Il peut donc tre
valablement soutenu que le changement de qualification opr devant
la cour d'assises tait susceptible d'entraner une aggravation de la
peine inflige au requrant, sans que celui-ci ait eu l'occasion de
prparer et de prsenter ses moyens de dfense relatifs la nouvelle
qualification et ses consquences, y compris, le cas chant, au
regard de la peine susceptible d'tre prononce concrtement. La Cour
note d'ailleurs qu'alors que le plafond lgal de la peine applicable
est de quinze ans de rclusion criminelle, le requrant a t condamn
douze ans de rclusion criminelle, soit une dure proche dudit
plafond.
37. Eu gard tous ces lments, la Cour estime qu'une atteinte a t
porte au droit du requrant tre inform d'une manire dtaille de la
nature et de la cause de l'accusation porte contre lui, ainsi qu'
son droit disposer du temps et des facilits ncessaires la
prparation de sa dfense.
-
38. Partant, il y a eu violation du paragraphe 3 a) et b) de
l'article 6 de la Convention, combin avec le paragraphe 1 du mme
article, qui prescrit une procdure quitable.
MATTEI c. FRANCE Requte no 34043/02 du 19
dcembre 2006
"34. La Cour rappelle que les dispositions du paragraphe 3 de
l'article 6 montrent la ncessit de mettre un soin particulier
notifier l' accusation l'intress. L'acte d'accusation jouant un rle
dterminant dans les poursuites pnales, l'article 6 3 a) reconnat
l'accus le droit d'tre inform non seulement de la cause de
l'accusation, c'est--dire des faits matriels qui sont mis sa charge
et sur lesquels se fonde l'accusation, mais aussi de la
qualification juridique donne ces faits et ce d'une manire dtaille
(Plissier et Sassi c. France prcit, 51).
35. La porte de cette disposition doit notamment s'apprcier la
lumire du droit plus gnral un procs quitable que garantit le
paragraphe 1 de l'article 6 de la Convention. En matire pnale, une
information prcise et complte des charges pesant contre un accus,
et donc la qualification juridique que la juridiction pourrait
retenir son encontre, est une condition essentielle de l'quit de la
procdure.
36. Les dispositions de l'article 6 3 a) n'imposent aucune forme
particulire quant la manire dont l'accus doit tre inform de la
nature et de la cause de l'accusation porte contre lui. Il existe
par ailleurs un lien entre les alinas a) et b) de l'article 6 3 et
le droit tre inform de la nature et de la cause de l'accusation
doit tre envisag la lumire du droit pour l'accus de prparer sa
dfense (Plissier et Sassi c. France prcit, 52-54). Si les
juridictions du fond disposent, lorsqu'un tel droit leur est
reconnu en droit interne, de la possibilit de requalifier les faits
dont elles sont rgulirement saisies, elles doivent s'assurer que
les accuss ont eu l'opportunit d'exercer leurs droits de dfense sur
ce point d'une manire concrte et effective, en tant informs, en
temps utile, de la cause de l'accusation, c'est--dire des faits
matriels qui sont mis leur charge et sur lesquels se fonde
l'accusation, mais aussi de la qualification juridique donne ces
faits et ce d'une manire dtaille.
37. En l'espce, la Cour constate que la requalification des
faits de tentative d'extorsion de fonds en complicit de ce dlit a t
effectue au moment du dlibr de la cour d'appel, ce qui, en tant que
tel, peut faire douter du respect des garanties de l'article 6 et
des principes susmentionns.
38. La Cour observe nanmoins, qu' des stades antrieurs de la
procdure, les notions d'aide ou assistance apportes par la
requrante l'entreprise criminelle ont t voqus et mme dbattus.
Ainsi, elle relve notamment que le jugement du tribunal
correctionnel du 8 mars 2000 voque clairement l'assistance porte
par la requrante F. Santoni. Toutefois, elle note que ce mme
jugement a galement tabli que la requrante avait pris une part
personnelle active dans les faits viss par la poursuite et qu'ils
avaient t,
-
avec F. Santoni, les matres d'uvre de cette opration , ce qui
implique clairement une participation directe et non une simple
complicit de la requrante dans l'opration projete. La Cour souligne
galement que la requrante a t aussi poursuivie et condamne pour
l'infraction de participation une entente en vue de prparer des
actes de terrorisme. En consquence, la Cour ne saurait dduire des
lments relevs qu'ils se rattachent forcment la notion de complicit
et non celle de participation. Dans le mme sens, la Cour relve
galement que la notion de complicit n'a pas t voque en elle-mme des
stades antrieurs et qu'il n'apparat pas que les magistrats
composant la cour d'appel ou le reprsentant du ministre public,
aient, au cours des dbats, voqu cette possibilit [de
requalification] (Plissier et Sassi c. France, prcit, 55).
39. Ainsi, au vu de l'ensemble de ces lments et compte tenu de
la particularit des lments constitutifs des deux infractions
retenues contre la requrante, la Cour considre qu'il n'est pas
tabli que la requrante a eu connaissance de la possibilit de
requalification des faits en complicit de tentative d'extorsion de
fonds. En tout tat de cause, compte tenu de la ncessit de mettre un
soin extrme notifier l'accusation l'intress et du rle dterminant
jou par l'acte d'accusation dans les poursuites pnales (arrt
Kamasinski c. Autriche, arrt du 19 dcembre 1989, srie A no 168), la
Cour estime qu'aucun des arguments avancs par le Gouvernement, pris
ensemble ou isolment, ne pouvait suffire garantir le respect des
dispositions de l'article 6 3 a) de la Convention (Plissier et
Sassi c. France, prcit, 56).
40. Par ailleurs, la Cour, qui est sensible l'argument du
Gouvernement selon lequel la Cour de cassation mentionne, depuis
2001, l'article 6 1 dans ses visas et reprend l'attendu de principe
prcisant que s'il appartient aux juges rpressifs de restituer aux
faits dont ils sont saisis leur vritable qualification, c'est la
condition que le prvenu ait t mis en mesure de se dfendre sur la
nouvelle qualification envisage , relve, qu'en l'espce, la Cour de
cassation a considr que la requalification des faits de tentative
d'extorsion de fonds en complicit de ce dlit n'a en rien modifi la
nature et la substance de la prvention dont les prvenus avaient t
entirement informs lors de leur comparution devant le tribunal
correctionnel .
41. Concernant le contenu de la requalification, la Cour
rappelle qu'on ne peut soutenir que la complicit ne constitue qu'un
simple degr de participation l'infraction (Plissier et Sassi c.
France, prcit, 59). Soulignant son attachement au principe de
l'interprtation stricte du droit pnal, la Cour ne saurait admettre
que les lments spcifiques de la complicit soient luds. A cet gard,
elle note, tout comme dans l'affaire Plissier et Sassi c. France
(prcite, 60) qu'elle n'a pas apprcier le bien-fond des moyens de
dfense que la requrante aurait pu invoquer si elle avait eu la
possibilit de dbattre de la complicit de tentative d'extorsion de
fonds, mais relve simplement qu'il est plausible de soutenir que
ces moyens auraient t diffrents de ceux choisis afin de contester
l'action principale.
-
42. Quant aux peines prononces l'encontre de la requrante, la
Cour ne saurait souscrire aux arguments dvelopps par le
Gouvernement. En effet, elle considre tout d'abord qu'on ne peut
pas affirmer que la requalification a t sans incidence sur la
condamnation au motif, qu'en tout tat de cause, la requrante a t
condamne pour participation une entente en vue de prparer des actes
de terrorisme puisqu'on ne peut spculer sur la peine qui aurait t
effectivement prononce si la requrante avait pu se dfendre
utilement sur la nouvelle qualification retenue de complicit de
tentative d'extorsion de fonds. Enfin, elle relve qu'effectivement
la peine prononce par la cour d'appel, la suite de la
requalification, est plus clmente que celle prononce par le
tribunal correctionnel, passant de quatre annes d'emprisonnement
trois annes d'emprisonnement dont une avec sursis. Toutefois, la
Cour souligne que la peine prononce en appel a t motive par l'tat
de sant actuel de l'intresse et par ses antcdents judiciaires, la
requrante n'ayant pas t condamne dans les cinq annes prcdant les
faits, pour crime ou dlit de droit commun, une peine de rclusion ou
d'emprisonnement .
43. Eu gard tous ces lments, la Cour estime qu'une atteinte a t
porte au droit de la requrante tre informe d'une manire dtaille de
la nature et de la cause de l'accusation porte contre elle, ainsi
qu' son droit disposer du temps et des facilits ncessaires la
prparation de sa dfense.
44. Partant, il y a eu violation du paragraphe 3 a) et b) de
l'article 6 de la Convention, combin avec le paragraphe 1 du mme
article, qui prescrit une procdure quitable."
Arrt VARELA GEIS c. ESPAGNE du 5 mars 2013 Requte no
61005/09
Le changement de qualification pnale de ngation de gnocide en
apologie de gnocide sans prvenir les requrants, est une violation
de la Convention.
40. La Cour rappelle que larticle 17, pour autant quil vise des
groupements ou des individus, a pour but de les mettre dans
limpossibilit de tirer de la Convention un droit qui leur permette
de se livrer une activit ou daccomplir un acte visant la
destruction des droits et liberts reconnus dans la Convention ;
personne ne doit pouvoir se prvaloir des dispositions de la
Convention pour se livrer des actes visant la destruction des
droits et liberts ci-dessus viss. Cette disposition, qui a une
porte ngative, ne saurait tre interprte a contrario comme privant
une personne physique des droits individuels fondamentaux garantis
aux articles 5 et 6 de la Convention (Lawless c. Irlande (no 3),
1er juillet 1961, 7, srie A no 3). La Cour observe quen lespce le
requrant ne se prvaut pas de la Convention en vue de justifier ou
daccomplir des actes contraires aux droits et liberts y reconnus,
mais quil se plaint davoir t priv des garanties accordes par
larticle 6 de la Convention. Par consquent, il ny a pas lieu
dappliquer larticle 17 de la Convention.
-
41. Les dispositions du paragraphe 3 a) de larticle 6 montrent
la ncessit de mettre un soin extrme notifier lintress l accusation
porte contre lui. Lacte daccusation joue un rle dterminant dans les
poursuites pnales : compter de sa signification, la personne mise
en cause est officiellement avise de la base juridique et factuelle
des reproches formuls contre elle (Kamasinski c. Autriche, 19
dcembre 1989, 79, srie A no 168, et Plissier et Sassi c. France
[GC], no 25444/94, 51, CEDH 1999-II). Larticle 6 3 a) de la
Convention reconnat laccus le droit dtre inform non seulement de la
cause de laccusation, cest--dire des faits matriels qui lui sont
imputs et sur lesquels se fonde laccusation, mais aussi de la
qualification juridique donne ces faits, et ce dune manire
dtaille.
42. La porte de cette disposition doit notamment sapprcier la
lumire du droit plus gnral un procs quitable que garantit le
paragraphe 1 de larticle 6 de la Convention (voir, mutatis
mutandis,Artico c. Italie, 13 mai 1980, 32, srie A no 37 ; Colozza
c. Italie, 12 fvrier 1985, 26, srie A no 89, et Plissier et Sassi,
prcit, 52). La Cour considre quen matire pnale, une information
prcise et complte des charges pesant contre un accus, et donc la
qualification juridique que la juridiction pourrait retenir son
encontre, est une condition essentielle de lquit de la
procdure.
43. Sil est vrai que les dispositions de larticle 6 3 a)
nimposent aucune forme particulire quant la manire dont laccus doit
tre inform de la nature et de la cause de laccusation porte contre
lui (voir, mutatis mutandis, Kamasinski, prcit, 79), elle doit
toutefois tre prvisible pour ce dernier.
44. Enfin, quant au grief tir de larticle 6 3 b) de la
Convention, la Cour estime quil existe un lien entre les alinas a)
et b) de larticle 6 3 et que le droit tre inform sur la nature et
la cause de laccusation doit tre envisag la lumire du droit pour
laccus de prparer sa dfense.
45. La Cour relve en lespce que dans les actes provisoires
daccusation (paragraphe 7 ci-dessus), le requrant tait accus dun
dlit continu de gnocide au visa de larticle 607 2 du code pnal et
dun dlit continu de provocation la discrimination pour des motifs
de race, sur le fondement de larticle 510 1 du code pnal.
Toutefois, bien que les actes daccusation neussent pas qualifi
autrement que par lexpression gnrique dlit de gnocide la conduite
dont la condamnation tait sollicite (paragraphes 7 et 34
ci-dessus), la Cour observe que tant le ministre public que les
parties accusatrices prives staient fonds sur des faits relevant de
la ngation de lHolocauste, sur la base dune partie du matriel saisi
lors des perquisitions. Sagissant plus particulirement des
accusateurs privs, la Communaut isralite de Barcelone avait, pour
sa part, sollicit provisoirement la condamnation du requrant pour
ngation du gnocide subi par le peuple juif et de tentative de
rhabilitation du rgime nazi ; lautre accusateur priv, ATID-SOS
Racisme Catalunya, avait de son ct fond sa demande provisoire de
condamnation du requrant sur le fait que bon nombre des livres et
vidos saisis niaient directement lHolocauste ou faisaient lapologie
du gnocide (...) et niaient la vrit historique du gnocide .
Aprs
-
ladministration des preuves, ces actes daccusation provisoires
avaient t transforms en actes daccusation dfinitifs, sans quaucune
modification des qualifications provisoires nintervnt.
46. Par le jugement du 16 novembre 1998 du juge pnal no 3 de
Barcelone, le requrant fut condamn pour dlits continus de gnocide ,
au visa de larticle 607 2 du code pnal, et de provocation la
discrimination, la haine et la violence contre des groupes ou des
associations pour des motifs racistes et antismites, sur le
fondement de larticle 510 1 du mme code. La Cour constate que les
faits (reproduits intgralement au paragraphe 8 ci-dessus) considrs
comme tablis par ce jugement avaient trait principalement la
distribution et [ la] vente de matriels (...) dans lesquels, de
faon ritre et vexatoire lgard du groupe social form par la
communaut juive, taient nis la perscution et le gnocide subis par
ce peuple pendant la Seconde Guerre mondiale . Parmi les
paragraphes des ouvrages saisis qui taient cits dans le jugement en
cause figurent les phrases suivantes : [Six millions de morts ] ,
... cette affirmation constitue linvention la plus colossale et
lescroquerie la plus caractrise jamais crite , ... [le] Rapport
Leuchter (La fin dun mensonge : chambres gaz et Holocauste juif)
... dtruit pour toujours le mensonge infme de lHolocauste juif. Il
ny a jamais eu de chambres gaz ni dholocauste. La nature juive
elle-mme difie son existence sur le mensonge, le plagiat, le faux,
depuis les temps le plus lointains. Ce sont leurs livres, comme le
Talmud, qui le disent. Alfred Rosenberg avait dclar : la vrit du
Juif est le mensonge organique. LHolocauste est un mensonge. Les
chambres gaz sont un mensonge ; les savons faits avec de la graisse
de Juif sont un mensonge ; les crimes de guerre nazis sont un
mensonge ; le journal intime dAnne Frank est un mensonge. Tout est
mensonge ; des mensonges gntiquement monts par une anti-race qui ne
peut pas dire la vrit parce quelle se dtruirait, parce que son
aliment, son air et son sang sont le mensonge . Le livre Absolution
pour Hitler affirme les chambres gaz sont des fantasmes de
laprs-guerre et de la propagande, comparables dans toute leur
extension aux immondices recueillies pendant la 1re Guerre
mondiale. La Solution finale ntait pas un plan de destruction mais
dmigration. Auschwitz tait une fabrique darmement et non pas un
camp dextermination. Il ny a pas eu de chambres gaz ; il ny avait
pas de chambres semblables dans lesquelles les enfants, les femmes
et les vieillards auraient t envoys pour y tre gazs, apparemment
avec du Zyklon-B. Ceci nest que lgende et commrage. Il ny a pas eu
de chambres gaz Dachau, il ny en a pas eu non plus dans dautres
camps de concentration en Allemagne . Les lettres rdiges par le
requrant affirmaient sous le titre Le mythe dAnne Frank , entre
autres : Le mythe, ou devrait-on plutt dire larnaque ( ?), dAnne
Frank est probablement les deux choses en mme temps, daprs les
recherches quon a faites cet gard. Connue dans le monde entier pour
son fameux Journal intime, elle est sans aucun doute la victime de
lHolocauste la plus connue (...) Mais le cas dAnne Frank nest pas
diffrent de celui de beaucoup dautres Juifs assujettis la politique
de mesures antismites [qui fut] mise en uvre en temps de guerre par
les puissances de lAxe (...) Elle fut transfre, avec beaucoup
dautres Juifs, au camp de Bergen-Belsen, en Allemagne du Nord o,
comme dautres personnes du groupe, elle tomba malade du typhus,
maladie dont elle mourut la mi-mars 1945. Elle ne
-
fut donc ni excute ni assassine. Anne Frank mourut, tout comme
des millions de personnes non-juives en Europe pendant les derniers
mois du conflit, en tant que victime indirecte dune guerre
dvastatrice.
47. La Cour observe que devant lAudiencia Provincial en appel,
la suite de larrt no 235/2007 du Tribunal constitutionnel ayant
dclar inconstitutionnel larticle 607 du code pnal dans sa partie
relative la ngation de gnocide, le ministre public avait retir
laccusation de ngation de gnocide et demand lacquittement du
requrant du dlit de gnocide prvu par la disposition susmentionne du
code pnal. De cette dcision du ministre public, on pouvait
raisonnablement dduire que la conduite vise par laccusation
publique ne se distinguait pas de celle dont lincrimination avait t
leve par le Tribunal constitutionnel. Il est vrai toutefois que les
parties accusatrices prives demandrent laudience la confirmation du
jugement rendu par le juge a quo et le maintien de la condamnation
en vertu de larticle 607 2 du code pnal. En particulier la
Communaut isralite de Barcelone soutenait que le requrant employait
des techniques de propagande pour rhabiliter le rgime
national-socialiste et quil existait des lments suffisants pour
estimer que le jugement a quo ne condamnait pas le requrant
uniquement pour la ngation de lHolocauste, mais aussi parce quil
aurait incit la discrimination et la haine raciales envers les
Juifs en affirmant que ceux-ci doivent tre limins comme des rats .
Toutefois, la Cour relve que lAudiencia Provincial a estim cet gard
dans son arrt quil ny avait pas dans le matriel saisi, en
particulier dans le film le Juif errant , de rfrences expresses ce
que les Juifs dussent tre extermins comme les rats et quen tout tat
de cause il ne pouvait pas tre conclu que la majorit du matriel
saisi promt lextermination des Juifs.
48. Le Gouvernement ne conteste pas le fait que le requrant
stait dj exprim laudience avant mme de connatre le contenu des
arguments des parties accusatrices en appel et ne stait vu aucun
moment reprocher clairement une ventuelle conduite de justification
du gnocide. La Communaut isralite de Barcelone avait bien tent de
formuler un tel reproche la suite de larrt no 235/2007 du Tribunal
constitutionnel, mais ses arguments selon lesquels le requrant
aurait promu des ides favorables lextermination des Juifs ne furent
pas retenus par lAudiencia Provincial (paragraphes 16 et 47).
49. Le Gouvernement na fourni aucun lment susceptible dtablir
que le requrant a t inform du changement de qualification effectu
par lAudiencia Provincial. La Cour relve que mme dans sa dcision du
14 septembre 2000 (paragraphe 11 ci-dessus) dans laquelle
lAudiencia Provincial opta pour le renvoi dune question
prjudicielle de constitutionnalit, elle ne fit aucune remarque sur
la possibilit de donner une qualification diffrente la conduite du
requrant, se bornant estimer que lincrimination de la conduite vise
par larticle 607 2 du code pnal pouvait entrer en conflit avec la
libert dexpression, dans la mesure o la conduite incrimine
consistait en la simple diffusion dides ou de doctrines, sans
aucune exigence dautres lments tels que lincitation des
comportements
-
violant les droits fondamentaux ou laccompagnement de cette
diffusion par des expressions ou manifestations attentatoires la
dignit des personnes.
50. La Cour constate quil ne ressort pas du dossier que
lAudiencia Provincial ou le reprsentant du ministre public aient,
au cours des dbats, voqu la possibilit dune requalification ou mme
simplement relev largument des parties accusatrices prives.
51. Au vu de ces lments, la Cour considre quil nest pas tabli
que le requrant aurait eu connaissance de la possibilit dune
requalification des faits de ngation en justification du gnocide
par lAudiencia Provincial. Compte tenu de la ncessit de mettre un
soin extrme notifier laccusation lintress et du rle dterminant jou
par lacte daccusation dans les poursuites pnales (Kamasinski,
prcit, 79), la Cour estime que les arguments avancs par le
Gouvernement, pris ensemble ou isolment, ne peuvent suffire
justifier le respect des dispositions de larticle 6 3 a) de la
Convention.
52. La Cour estime par ailleurs quelle na pas apprcier le
bien-fond des moyens de dfense que le requrant aurait pu invoquer
sil avait eu la possibilit de dbattre de la question de savoir si
les faits pouvaient tre qualifis de justification du gnocide. Elle
relve simplement quil est vraisemblable que ces moyens auraient t
diffrents de ceux choisis pour combattre laccusation de ngation du
gnocide qui avait t porte contre lui (Adrian Constantin c.
Roumanie, no 21175/03, 25, 12 avril 2011, Drassich c. Italie, no
25575/04, 40, 11 dcembre 2007). La Cour se borne noter qu la suite
de larrt du Tribunal constitutionnel, lAudiencia Provincial de
Barcelone a cart les faits qualifiables de ngation de gnocide et a
considr le requrant comme auteur dun dlit de justification de
gnocide sans toutefois individualiser sa conduite en tant que
libraire par rapport celle quauraient pu avoir les auteurs ou les
diteurs des ouvrages litigieux saisis.
53. Compte tenu de ce qui prcde, la Cour considre que la
justification du gnocide ne constituait pas un lment intrinsque de
laccusation initiale que lintress aurait connu depuis le dbut de la
procdure (voir, a contrario, De Salvador Torres c. Espagne, 24
octobre 1996, 33, Recueil des arrts et dcisions 1996-V).
54. La Cour estime ds lors que lAudiencia Provincial de
Barcelone devait, pour faire usage de son droit incontest de
requalifier les faits dont elle tait rgulirement saisie, donner la
possibilit au requrant dexercer son droit de dfense sur ce point
dune manire concrte et effective, et donc en temps utile. Tel na
pas t le cas en lespce, seul larrt rendu en appel lui ayant permis
de connatre, de manire tardive, ce changement de qualification.
55. Eu gard tous ces lments, la Cour conclut quil y a eu
violation du paragraphe 3 a) et b) de larticle 6 de la Convention,
combin avec le paragraphe 1 du mme article.
-
6-3/b DROIT D'AVOIR LES MOYENS DE SE DFENDRE
LA DROIT D'ACCDER A SON DOSSIER
Arrt Foucher contre France du 18 mars 1997 Hudoc 604 requte
22209/93
"36: La Cour estime donc, avec la Commission, qu'il tait si
important pour le requrant d'avoir accs son dossier et d'obtenir la
communication des pices le composant, afin d'tre en mesure de
contester le procs-verbal tabli son encontre ()
Faute d'avoir eu cette position, l'intress n'tait pas en mesure
de prparer sa dfense d'une manire adquate et n'a pas bnfici de
l'galit des armes, contrairement aux exigences de l'article 61 de
la Convention, combin avec l'article 63"
ARRT MESSIER C. FRANCE DU 30 JUIN 2011 REQUTE 25041/07
LES FAITS
Le requrant, Jean-Marie Messier, est un ressortissant franais n
en 1956 et rsidant New York. Il tait, jusquau 1er juillet 2002,
date de sa dmission, prsident-directeur gnral de la socit Vivendi
Universal.
En juillet 2002, une procdure fut ouverte par la Commission des
oprations de bourse (COB) concernant Vivendi Universal. Cette
procdure, qui sinscrivait
-
dans le cadre dune crise de confiance dans lentreprise et sa
direction, concernait la rgularit de linformation financire dlivre
au march depuis la fusion avec un groupe canadien en dcembre 2000.
Il sagissait notamment de dterminer si le management avait, le plus
tt possible, inform le public de tout fait important susceptible,
sil tait connu, davoir une incidence significative sur le cours de
laction. Des griefs furent communiqus M. Messier le 12 septembre
2003. La COB prcisa que compte tenu du volume exceptionnel de pices
de la procdure et des ncessits de leur reproduction, ces pices
seraient mises sa disposition pour trois mois, ce qui fut fait
compter du 29 octobre 2003.
Suite lentre en vigueur de la loi du 1er aot 2003 de scurit
financire, lAutorit des marchs financiers (AMF) succda la COB et
les procdures en cours devant la COB se poursuivirent de plein
droit devant la commission des sanctions de lAMF.
M. Messier dposa ses premires observations en mars 2004. A sa
demande, le rapporteur convoqua la directrice de la presse et des
relations publiques de Vivendi Universal ; celle-ci ne se prsenta
pas, mais le rapporteur estima quelle pourrait tre entendue par la
commission des sanctions en sance. Dautres changes de mmoires
eurent lieu au cours des mois suivants, M. Messier se plaignant en
particulier du fait que des pices (notes, comptes-rendus, avis...)
ne lui auraient pas t communiques par lAMF. La commission des
sanctions de lAMF examina cette affaire dans sa sance du 28 octobre
2004. Entre autres, M. Messier et la directrice de la presse et des
relations publiques furent entendus. La commission rendit sa
dcision le 3 novembre 2004, rejetant les griefs de M. Messier au
motif quil avait reu communication du dossier, avait t entendu et
avait pu produire les documents quil estimait utiles sa dfense.
Sagissant des tmoignages quil avait demands, la Commission nota
quelle y avait satisfait : outre les tmoignages recueillis en
sance, elle avait pris connaissance par crit des tmoignages de deux
autres personnes cites par M. Messier et qui ne staient pas
prsentes en sance. La commission condamna M. Messier une sanction
pcuniaire dun million deuros.
En appel devant la Cour dappel de Paris, M. Messier fit nouveau
valoir ses arguments relatifs la dissimulation dlments du dossier.
LAMF admit que certains supports informatiques navaient pas t remis
M. Messier au moment de la remise de la photocopie des dizaines de
milliers de pages composant le dossier, mais souligna que
lexistence de ces supports navait pas t cache, que M. Messier ne
pouvait en ignorer le contenu puisquil sagissait de ses propres
agendas et e-mails, et quil nen avait pas demand de copie ; elle
ajoutait quelle rpondrait favorablement toute demande de
communication de ces supports. Le 28 juin 2005, la cour dappel
rendit son arrt. Elle nota que lAMF avait ncessairement collect des
documents sans rapport avec des griefs notifis et quil ne saurait
ds lors lui tre reproch de ne pas avoir vers au dossier la totalit
des documents quelle dtenait concernant le groupe, pas plus que les
notes de travail tablies dans laccomplissement de sa mission et qui
navaient pas vocation tre publies.
-
En outre, mme en admettant que des pices aient disparu, ce qui
ntait pas tabli, M. Messier ne prcisait pas en quoi ces pices
auraient t de nature influer sur lapprciation des faits. Sur le
fond, la cour dappel fixa la sanction 500 000 euros.
Le 19 dcembre 2006, la Cour de cassation approuva en tout point
le raisonnement de la cour dappel et rejeta le pourvoi de M.
Messier.
NON VIOLATION DES ARTICLES 6-1 ET 6-3 DE LA CONVENTION
Concernant largument selon lequel des pices collectes au cours
de la procdure nauraient pas t communiques, la Cour note que la COB
et lAMF ont mis en exergue le volume exceptionnel des pices de la
procdure , qui se comptaient par dizaines de milliers de pages .
Comme la cour dappel la relev, des documents sans rapport avec
lenqute furent ncessairement collects et il ne saurait ds lors tre
reproch lAMF de ne pas avoir vers au dossier la totalit des
documents quelle dtenait.
Concernant en particulier le contenu des messageries
lectroniques de Vivendi Universal (auxquelles M. Messier indiquait
navoir plus accs depuis sa dmission), la Cour note entre autres
quau cours de la procdure nationale, lintress na pas soutenu que
lintgralit de ces messageries naurait pas t imprime et verse au
dossier. En outre, il na pas indiqu en quoi les lments qui
nauraient pas t verss au dossier auraient pu contribuer sa dfense.
Enfin, et mme si cette voie ne fut pas fructueuse pour lui, il a
dispos de recours pour demander le versement de ces pices au
dossier (il a en effet pu faire valoir ses griefs devant la cour
dappel puis la Cour de cassation).
Concernant les tmoignages, la Cour relve que M. Messier na
fourni aucun argument lappui de sa thse selon laquelle laudition de
la directrice de la presse et des relations publiques de Vivendi
Universal seulement au stade de laudience devant la Commission des
sanctions de lAMF aurait nuit sa dfense. Qui plus est, il na pas
demand ce que celle-ci soit nouveau entendue en appel, pas plus que
les deux autres tmoins qui navaient dpos que par crit devant la
commission des sanctions.
Il ne ressort donc pas des lments dont dispose la Cour que la
non-communication de pices ou les conditions daudition des tmoins
aient port atteinte aux droits de la dfense et lgalit des armes. Il
ny a ainsi pas eu violation de larticle 6 1 et 3.
LA COUR
52. Tout procs pnal, y compris ses aspects procduraux, doit
revtir un caractre contradictoire et garantir l'galit des armes
entre l'accusation et la dfense : c'est l un des aspects
fondamentaux du droit un procs quitable. Le droit un procs pnal
contradictoire implique, pour l'accusation comme pour la dfense, la
facult de prendre connaissance des observations ou lments de preuve
produits par l'autre partie (Brandstetter c. Autriche, 28 aot 1991,
srie A no 211, 66-67). De surcrot, l'article 6 1 exige que les
autorits
-
de poursuite communiquent la dfense toutes les preuves
pertinentes en leur possession, charge comme dcharge (Edwards
prcit, 36).
53. Ce principe vaut pour les observations et pices prsentes par
les parties, mais aussi par un magistrat indpendant tel que le
commissaire du Gouvernement (Kress c. France [GC], no 39594/98, 74,
CEDH 2001-VI, et APBP c. France, no 38436/97, 21 mars 2002), par
une administration (Krm et autres c. Rpublique tchque, no 35376/97,
44, 3 mars 2000) ou par la juridiction auteur du jugement entrepris
(Niderst-Huber c. Suisse, 24, 18 fvrier 1997, Recueil des arrts et
dcisions 1997-I).
54. Par ailleurs, les parties doivent avoir la possibilit
d'indiquer si elles estiment qu'un document appelle des
commentaires de leur part. Il y va notamment de la confiance des
justiciables dans le fonctionnement de la justice : elle se fonde,
entre autres, sur l'assurance d'avoir pu s'exprimer sur toute pice
au dossier (voir Niderst-Huber, prcit, 27 et 29, F.R. c. Suisse, no
37292/97, 37 et 39, 28 juin 2001, et Gner orum c. Turquie, no
59739/00, 31-32, 31 octobre 2006).
55. La Cour relve que, dans la prsente affaire, le requrant se
plaint, d'une part, de ne pas avoir eu accs certains documents et,
d'autre part, de ne pas avoir pu entendre certains tmoins.
56. Pour ce qui est des documents, elle constate que le requrant
soutient que des pices du dossier rassembles par l'AMF en ont t
retires ou n'y ont pas t verses (paragraphe 37 ci-dessus). Celui-ci
ajoute que, du fait qu'il avait dmissionn avant la saisie des
pices, il n'avait plus de possibilit d'y avoir accs et que cela l'a
priv du droit de disposer d'lments de preuve dcharge.
57. La Cour l'a affirm maintes reprises, la recevabilit des
preuves relve au premier chef des rgles de droit interne, et il
revient en principe aux juridictions nationales d'apprcier les
lments recueillis par elles. La mission confie la Cour par la
Convention consiste rechercher si la procdure considre dans son
ensemble, y compris le mode de prsentation des moyens de preuve, a
revtu un caractre quitable (voir Van Mechelen et autres c.
Pays-Bas, 23 avril 1997, 50, Recueil 1997-III, Morel c. France
(no2), no43284/98, 63, 12 fvrier 2004 et nel c. Turquie, no
35686/02, 45, 27 mai 2008).
58. En ce qui concerne tout d'abord le fait que tous les
documents collects n'auraient pas t verss au dossier, la Cour relve
qu'il ressort des diffrentes critures que la COB puis l'AMF
rassemblrent de trs nombreux documents au cours de leur enqute.
Ainsi, le rapporteur de la COB se rfra lui-mme au volume
exceptionnel des pices de la procdure runies au cours de l'enqute
et accorda aux mis en cause un dlai de trois mois pour tudier le
dossier et prsenter leurs observations (paragraphe 9 ci-dessus).
L'AMF quant elle, mentionna des dizaines de milliers de pages
composant le dossier et dont la photocopie avait t remise aux mis
en cause (paragraphe 17 ci-dessus).
-
La cour d'appel quant elle, constata que l'enqute avait port sur
l'ensemble de la communication du groupe Vivendi Universal depuis
le 31 dcembre 2000 et que l'AMF avait ncessairement collect des
documents sans rapport avec l'enqute en cours, qu'on ne saurait lui
reprocher de ne pas avoir vers au dossier la totalit des documents
qu'elle dtenait concernant le groupe ou les notes tablies pour la
ralisation de sa mission et qui n'avaient pas vocation tre rendues
publiques.
59. Pour ce qui est des pices figurant au dossier, la Cour note
que la Commission des sanctions de l'AMF prcisa que tous les mis en
cause avaient eu accs au dossier (paragraphe 15 ci-dessus).
Elle constate d'ailleurs sur ce point que le requrant ne
soutient pas que le dossier communiqu la commission des sanctions
de l'AMF contenait des documents auxquels l'accs lui aurait t
refus.
60. Concernant en particulier le contenu des messageries
lectroniques de l'entreprise, le requrant a sign un procs-verbal
attestant de la remise des disques sur lesquels leur contenu avait
t copi. Or, il ne ressort pas du dossier qu'il ait mis des rserves
sur le fait que l'intgralit du contenu de ces disques n'avait pas t
imprime et verse au dossier.
Ainsi, dans ses observations devant la cour d'appel, l'AMF fit
remarquer que les supports en cause taient des copies, que les
requrants dtenaient les originaux des courriels et des agendas
ainsi que des supports informatiques. Elle indiqua galement qu'elle
rpondrait positivement toute demande, manant notamment du requrant,
tendant la communication de ces supports.
Or, il ne ressort pas du dossier que le requrant ait formul une
telle demande devant la cour d'appel.
61. Elle relve encore que le requrant n'indique pas en quoi des
lments qui n'auraient pas t verss au dossier auraient pu contribuer
sa dfense. Il convient de noter sur ce point que la cour d'appel
releva que le requrant fournissait la liste dtaille des pices
manquantes mais n'indiquait pas en quoi elles auraient t de nature
influer sur l'issue de l'affaire (paragraphe 19 ci-dessus).
En outre, selon la cour d'appel, le requrant, qui connaissait
les auteurs des pices prtendument manquantes, aurait pu demander
leur audition devant la commission des sanctions ou devant elle, ce
qu'il n'a pas fait.
62. La Cour note enfin que le requrant a eu l'occasion de faire
valoir ces griefs successivement devant la cour d'appel et la Cour
de cassation, juridictions judiciaires qui ont examin les arguments
soulevs avant de les rejeter.
63. Dans ces conditions, la Cour estime que le requrant n'a pas
dmontr que le fait que certaines pices aient t collectes au cours
de l'enqute et non
-
verses au dossier aurait port atteinte au contradictoire et
l'quit de la procdure et qu'il ne disposait d'aucun recours pour
obtenir le versement au dossier de pices qui auraient t ncessaires
pour sa dfense.
64. Pour ce qui est de l'audition des tmoins, la Cour rappelle
que les lments de preuve doivent en principe tre produits devant
l'accus en audience publique, en vue d'un dbat contradictoire. Ce
principe ne va pas sans exceptions, mais on ne peut les accepter
que sous rserve des droits de la dfense ; en rgle gnrale, les
paragraphes 1 et 3 d) de l'article 6 commandent d'accorder l'accus
une occasion adquate et suffisante de contester un tmoignage charge
et d'en interroger l'auteur, au moment de la dposition ou plus tard
(Ldi c. Suisse, 15 juin 1992, 49, srie A no 238).
65. Dans la prsente affaire, la Cour note que le requrant se
plaint de ce que Mme G. aurait t entendue par les enquteurs de
l'AMF en aot 2002, sans qu'un procs-verbal ait t dress. Il ajoute
que le fait que l'audition de ce tmoin ait t reporte pour avoir
lieu finalement le jour de l'audience devant la Commission des
sanctions ne lui a pas permis de tirer le meilleur parti de ce
tmoignage.
66. La Cour constate qu'en l'espce, pour ce qui est de Mme G.,
celle-ci a bien t entendue l'audience devant la commission des
sanctions de l'AMF, laquelle le requrant participa, assist de ses
avocats.
Or, le requrant ne fournit aucun argument l'appui de sa thse
selon laquelle l'audition de ce tmoin seulement au stade de
l'audience aurait nui sa dfense. Il ne demanda par ailleurs pas ce
que celle-ci soit nouveau entendue devant la cour d'appel, pas plus
que MM. G. et M., qui avaient dpos par crit devant la commission
des sanctions de l'AMF.
67. En conclusion, il ne ressort pas des lments dont dispose la
Cour que la non-communication de pices ou les conditions d'audition
des tmoins aient port atteinte aux droits de la dfense et l'galit
des armes. Il n'y a donc pas eu violation de l'article 6 1 et
3.
EL MENTOUF c. SUISSE du 22 avril 2014 requte 28334/08
Non violation des articles 6-1 et 6-3 de la Convention: le
versement tardif d'une pice n'est pas une violation de la
Convention, puisque la tardivit du versement de cette pice est
explicable et ne concerne pas directement le requrant qui a pu en
dbattre l'audience. Nous esprons que ce prcdent ne devienne pas une
mthode d'enqute dans toute l'Europe.
21. La Cour rappelle avoir, dans plusieurs affaires contre la
Suisse, conclu la violation de larticle 6 1 au motif que le
requrant navait pas t invit sexprimer sur les observations dune
autorit judiciaire infrieure, dune autorit administrative ou de la
partie adverse (voir Niderst-Huber c. Suisse, 18 fvrier 1997, 24,
Recueil des arrts et dcisions 1997-I, F.R. c. Suisse,
-
no 37292/97, 36, 28 juin 2001, Ziegler c. Suisse, no 33499/96,
33, 21 fvrier 2002, Contardi c. Suisse, no 7020/02, 40, 12 juillet
2005, Spang c. Suisse, no 45228/99, 28, 11 octobre 2005, Ressegatti
c. Suisse, no 17671/02, 30, 13 juillet 2006, Kessler c. Suisse, no
10577/04, 32, 26 juillet 2007, Werz c. Suisse, no 22015/05, 52, 17
dcembre 2009, et Locher et autres c. Suisse, no 7539/06, 28, 25
juillet 2013).
22. Par ailleurs, concernant la matire pnale, la Cour a jug que
tout procs pnal, y compris ses aspects procduraux, doit revtir un
caractre contradictoire et garantir lgalit des armes entre
laccusation et la dfense : cest l un des aspects fondamentaux du
droit un procs quitable. Le droit un procs pnal contradictoire
implique, pour laccusation comme pour la dfense, la facult de
prendre connaissance des observations ou lments de preuve produits
par lautre partie (Brandstetter c. Autriche, 28 aot 1991, 66-67,
srie A no 211). De surcrot, larticle 6 1 exige que les autorits de
poursuite communiquent la dfense toutes les preuves pertinentes en
leur possession, charge comme dcharge, (Edwards, prcit, 36, Previti
c. Italie (dc.), no 45291/06, 178, 8 dcembre 2009). Enfin, comme la
Commission lavait prcis dans laffaire Jespers c. Belgique prcite,
58, en dfinitive, larticle 6 3 b), reconnat laccus le droit de
disposer de tous les lments pertinents pour servir se disculper ou
obtenir une attnuation de sa peine, qui ont t ou peuvent tre
accueillis par les autorits comptentes. Sil sagit dun document, la
Commission estime que laccs celui-ci est une facilit ncessaire ds
linstant o il fait tat, comme en lespce, de faits reprochs laccus,
de la foi quon peut ajouter un tmoignage, etc. .
23. Dans la prsente affaire, le requrant soutient, en premier
lieu, quon lui a cach une pice du dossier pnal, savoir le
procs-verbal daudition du tmoin X. dat du 4 fvrier 2005. Sur ce
point, la Cour constate, tout dabord, que la pice en question ne
concerne en rien les faits reprochs au requrant mais concerne
exclusivement les faits pour lesquels un autre coaccus a t jug et
condamn. En outre, sil est vrai que ce procs-verbal na pas t vers
au dossier dinstruction de X. qui avait fait lobjet dune prcdente
procdure pnale ayant dbouch sur sa condamnation pnale, cette pice,
ds lors quelle a t invoque par lenquteur dans linstance pnale
litigieuse, puis verse au dossier, a t soumise la dfense et a pu
tre dbattue contradictoirement tant en premire instance que devant
les juridictions dappel. Enfin, force est de constater que le tmoin
X. a t entendu laudience concernant le requrant et ses coaccuss,
dont les dclarations avaient t consignes dans le procs-verbal en
question.
24. En second lieu, le requrant dduit de la communication
tardive du procs-verbal du 4 fvrier 2005 quon lui a dissimul
dautres pices du dossier de linstruction. A cet gard, la Cour
observe demble que le requrant naffirme pas que le dossier de
linstruction contenait des preuves charge contre lui dont il
naurait pas pu avoir connaissance. En effet, il ne conteste pas que
tous les lments sur lesquels les juridictions nationales ont fond
sa condamnation ont t produits lors des dbats publics de la
procdure le concernant. Le requrant soutient que le dossier
incrimin contenait dautres
-
pices quil nidentifie pas prcisment, mais qui, selon lui, lui
auraient t favorables. La Cour constate que le seul lment invoqu
par le requrant au soutien de ses allgations est la
non-communication initiale du procs-verbal daudition tabli le 4
fvrier 2005. La Cour observe cet gard que les juridictions internes
ont jug, chaque degr dinstance, que tous les lments pertinents du
dossier avaient t communiqus au requrant. Elle estime, en outre,
que le contenu de lventuelle partie cache du dossier de
linstruction nest pas connu et que toute spculation lgard des pices
qui sy trouveraient est voue demeurer une hypothse invrifiable.
Elle relve encore que le requrant nindique pas en quoi des lments
qui nauraient pas t verss au dossier pnal auraient pu contribuer sa
dfense. Enfin, rien ne prouve que les jugements motivs des juges
nationaux qui rejettent la demande du requrant comme purement
exploratoire aient t dicts par lintention de cacher des documents
la dfense ; cet gard, en labsence dindices clairs dune telle
intention, la Cour estime quon ne peut que prsumer la bonne foi des
juridictions nationales.
25. Dans ces conditions, la Cour conclut quil ny a pas eu
violation de larticle 6 1 et 3 b) de la Convention.
LA DFENSE A LE DROIT DE PARTICIPER A SON PROCES
DA LUZ DOMINGUES FERREIRA c. BELGIQUE Requte n
o 50049/99 du 24 mai 2007
Le prvenu ne peut faire opposition d'un jugement de condamnation
par dfaut. C'est une violation de la Convnetion.
"46. Dans la mesure o les exigences du paragraphe 3 de l'article
6 de la Convention s'analysent en des aspects particuliers du droit
un procs quitable garanti par le paragraphe 1, la Cour examinera
les griefs sous l'angle de ces deux dispositions combines (voir,
notamment, Van Geyseghem c. Belgique [GC], no 26103/95, 27, CEDH
1999-I ; Krombach c. France, arrt du 13 fvrier 2001, Recueil
2001-II, 82).
1. Sur l'absence de comparution l'audience de la cour d'appel de
Lige du 17 juin 1994
47. La Cour relve que la prsente espce concerne la question de
savoir si un procs en l'absence de l'accus se concilie avec
l'article 6 1 et 3 c) : le
-
requrant se plaint que l'audience d'appel du 17 juin 1994 ait eu
lieu en son absence.
48. La Cour a dj eu l'occasion de prciser que la comparution
d'un prvenu revt une importance capitale en raison tant du droit de
celui-ci tre entendu que de la ncessit de contrler l'exactitude de
ses affirmations et de les confronter avec les dires de la victime,
dont il y a lieu de protger les intrts, ainsi que des tmoins ; ds
lors, le lgislateur doit pouvoir dcourager les absences injustifies
aux audiences (Poitrimol c. France, arrt du 23 novembre 1993, srie
A no 277-A, p. 15, 35 ; Krombach prcit, 84). Une procdure se
droulant en l'absence du prvenu n'est pas en soi incompatible avec
l'article 6 de la Convention s'il peut obtenir ultrieurement qu'une
juridiction statue nouveau, aprs l'avoir entendu, sur le bien-fond
des accusations en fait comme en droit (Colozza c. Italie, arrt du
12 fvrier 1985, srie A no 89, p. 15, 29 ; Poitrimol prcit, p. 13,
31, Medenica c. Suisse, arrt du 14 juin 2001, no 20491/92, 54, CEDH
2001-VI).
49. L'article 208 du code d'instruction criminelle permet
d'attaquer les arrts rendus par dfaut sur l'appel par la voie de
l'opposition, pouvant entraner, si elle est dclare recevable, un
nouvel examen de la cause en fait comme en droit. Cette possibilit
existe que le prvenu soit incarcr en Belgique ou l'tranger comme en
l'espce. Dans le cas prsent, par un arrt du 4 novembre 1998, la
cour d'appel de Lige a dclar irrecevables les oppositions formes
par le requrant. Cet arrt a t confirm par la Cour de cassation le 6
janvier 1999. Compte tenu du fait qu'il ne pouvait tre prjug de ces
circonstances lors de l'audience du 17 juin 1994 et que le grief
tenant l'irrecevabilit de l'opposition est examin sparment
(paragraphes 54 59 ci-dessous), la Cour n'en tirera pas de
conclusions ce stade.
50. La Cour relve avec le Gouvernement que le requrant a
interjet lui-mme appel du jugement du tribunal correctionnel
d'Arlon en fvrier 1994 et qu'il savait donc depuis cette date qu'il
serait cit comparatre en appel. Or, tout en tenant compte du fait
que le principe l'poque des faits litigieux tait la comparution
personnelle (article 185 paragraphe 2 du code d'instruction
criminelle), la Cour constate que le requrant n'a effectu aucune
dmarche pour pallier son impossibilit juridique comparatre,
vraisemblablement lie son incarcration en Allemagne. De plus, le
requrant n'a invoqu le dfaut de rception de la citation comparatre
ni lors de la demande de remise d'audience, ni dans les conclusions
dposes sur opposition en 1998. Il a de plus, par sa lettre du 1er
juin 1994 demandant une remise de l'audience, montr sans quivoque
qu'il connaissait la date de celle-ci. Enfin, le requrant n'a pas
fait preuve de plus de diligence pour motiver sa demande de remise
d'audience, invoquant sa seule impossibilit juridique
comparatre.
51. Compte tenu de l'ensemble des circonstances, la Cour estime
que le manque de diligence du requrant a, dans une large mesure,
contribu crer une situation l'empchant de participer et d'assurer
sa dfense l'audience devant la cour d'appel de Lige.
-
52. De l'avis de la Cour, dans ces circonstances particulires,
rien n'autorise considrer que la cour d'appel de Lige aurait vers
dans l'arbitraire ou se serait fonde sur des prmisses manifestement
errones en indiquant que le requrant avait t rgulirement cit et
appel et en jugeant par dfaut (arrt Medenica prcit, 57).
53. A la lumire de ce qui prcde et, puisqu'il ne s'agit en
l'espce ni d'un prvenu qui n'aurait pas t inform de la procdure
ouverte contre lui (Colozza prcit, p. 14, 28 ; F.C.B. c. Italie,
arrt du 28 aot 1991, srie A no 208-B, p. 21, 33-35 ; T. c. Italie,
arrt du 12 octobre 1992, srie A no 245-C, pp. 41-42, 27-30), ni
d'un prvenu priv de l'assistance d'un avocat (Poitrimol c. France,
arrt du 23 novembre 1993, srie A no 277-A, pp. 14-15, 32-38 ;
Pelladoah c. Pays-Bas, arrt du 22 septembre 1994, srie A no 297-B,
pp. 34-35, 37-41 ; Lala c. Pays-Bas, arrt du 22 septembre 1994,
srie A no 297-A, pp. 13-14, 30-34 ; Van Geyseghem, prcit, 33-35 ;
Krombach, prcit, 83-90), la Cour estime que la tenue de l'audience
en l'absence du requrant et sa condamnation par dfaut ne
s'analysent pas en une mesure disproportionne.
2. Sur l'irrecevabilit de l'opposition
54. La Cour a rcemment fait le point sur les principes gnraux en
matire de droit un nouveau procs lorsqu'un individu est condamn par
dfaut ou in absentia (Sejdovic c. Italie [GC], no 56581/00, 81-85,
CEDH 2006-...). Elle a en particulier rappel que, si une procdure
se droulant en l'absence du prvenu n'est pas en soi incompatible
avec l'article 6 de la Convention, il demeure nanmoins qu'un dni de
justice est constitu lorsqu'un individu condamn in absentia ne peut
obtenir ultrieurement qu'une juridiction statue nouveau, aprs
l'avoir entendu, sur le bien-fond de l'accusation en fait comme en
droit, alors qu'il n'est pas tabli qu'il a renonc son droit de
comparatre et de se dfendre (Colozza prcit, p. 15, 29 ; Einhorn c.
France (dc.), no 71555/01, 33, CEDH 2001-XI ; Krombachprcit, 85;
Somogyi c. Italie, no 67972/01, 66, CEDH 2004-IV, Battisti c.
France (dc.), no 28796/05), ni qu'il a eu l'intention de se
soustraire la justice (Medenica prcit, 55).
55. La Cour a estim que l'obligation de garantir l'accus le
droit d'tre prsent dans la salle d'audience soit pendant la premire
procdure son encontre, soit au cours d'un nouveau procs est l'un
des lments essentiels de l'article 6 (Stoichkov c. Bulgarie, no
9808/02, 56, 24 mars 2005). Ds lors, le refus de rouvrir une
procdure qui s'est droule par dfaut en l'absence de toute
indication que l'accus avait renonc son droit de comparatre a t
considr comme un flagrant dni de justice , ce qui correspond la
notion de procdure manifestement contraire aux dispositions de
l'article 6 ou aux principes qui y sont consacrs (Stoichkov prcit,
54-58).
56. Dans la prsente espce, en formant opposition par lettre
recommande le jour mme de la signification de l'arrt de la cour
d'appel de Lige en 1994, puis en formant nouveau opposition contre
le mme arrt par voie de dclaration au directeur de l'tablissement
pnitentiaire en 1998, le requrant a montr sans ambigut sa volont de
comparatre et de se dfendre, ce que le
-
Gouvernement ne conteste d'ailleurs pas. Toutefois, le requrant
n'obtint pas le droit d'tre entendu sur le bien-fond de
l'accusation en fait comme en droit puisque, dans les deux cas, son
opposition fut dclare irrecevable, pour non respect des formalits
dans le premier cas et pour tardivet dans le second.
57. La Cour convient avec le Gouvernement de l'importance de
respecter la rglementation pour former un recours (Prez de Rada
Cavanilles c. Espagne, arrt du 28 octobre 1998, Recueil 1998-VIII,
44-45). Toutefois, la rglementation en question, ou l'application
qui en est faite, ne devrait pas empcher le justiciable de se
prvaloir d'une voie de recours disponible (ibidem, 45).
58. Dans la prsente espce, l'arrt de la cour d'appel de Lige du
30 juin 1994 a t signifi le 4 aot 1994 la personne du requrant
alors incarcr en Allemagne. Le jour mme, c'est--dire dans le dlai
prescrit par l'article 208 du code d'instruction criminelle, le
requrant aurait adress un courrier recommand au ministre public par
lequel il dclarait vouloir former opposition contre l'arrt du 30
juin 1994. Au motif que l'opposition avait t forme dans une forme
non prvue par la loi, la cour d'appel de Lige dclara cette
opposition irrecevable par arrt du 4 novembre 1998. La Cour
constate toutefois que le requrant n'a pas t inform, lors de la
signification de l'arrt du 30 juin 1994, des formalits respecter
pour former opposition. Le Gouvernement se contente ce sujet de
renvoyer aux articles 35 et 35 a) du code allemand de procdure
pnale (paragraphe 44 ci-dessus). Il n'a en revanche tabli aucun
stade de la procdure qu' l'poque des faits, la signification d'une
dcision belge une personne dtenue en Allemagne tait accompagne des
documents pouvant utilement permettre au prvenu d'introduire un
recours dans le respect des formes et dlais prescrits.
59. Dans ces circonstances, la Cour considre que le refus par la
cour d'appel de Lige de rouvrir une procdure qui s'est droule par
dfaut en prsence d'lments montrant sans quivoque que l'accus
souhaitait faire valoir son droit de comparatre a priv le requrant
du droit d'accs un tribunal. Partant, il y a violation de l'article
6 1."
arrt Mariani contre France du 31 mars 2005 requte 45640/98
40. Dans son arrt Krombach c. France (prcit), la Cour a raffirm
que la prsence de l'accus un procs pnal revt une importance
capitale en raison tant du droit d'tre entendu que de la ncessit de
contrler l'exactitude de ses affirmations et de les confronter avec
les dires de la victime, dont il y a lieu de protger les intrts,
ainsi que des tmoins, tout en prcisant que cela vaut pour un procs
d'assises comme pour un procs correctionnel ( 86). En outre,
quoique non absolu, le droit de tout accus tre effectivement dfendu
par un avocat, au besoin commis d'office, figure parmi les lments
fondamentaux du procs quitable : un accus n'en perd pas le bnfice
du seul fait de son absence aux dbats, et mme si le lgislateur doit
pouvoir dcourager les abstentions injustifies, il ne peut les
sanctionner en drogeant
-
au droit l'assistance d'un dfenseur (arrts Van Geyseghem, prcit,
34 ; Krombach, prcit, 89).
La Cour a donc jug que la procdure par contumace ne rpondait pas
aux exigences de l'article 6 1 et 3 de la Convention (Krombach,
prcit, 91).
41. En l'espce, la diffrence de M. Krombach, qui avait
clairement manifest sa volont de ne pas se rendre l'audience de la
cour d'assises, M. Mariani n'a pas refus d'tre prsent. Il tait dans
l'incapacit matrielle de se prsenter en raison de la peine qu'il
purgeait alors en Italie. A cet gard, la Cour note que les autorits
franaises, nonobstant l'indication de l'arrt de la cour d'assises
de Paris selon laquelle l'intress tait dclar en fuite, avaient
connaissance de la situation pnale du requrant, l'arrt de renvoi
devant la cour d'assises lui ayant t prcdemment notifi sur son lieu
de dtention.
42. Au regard de ce qui prcde, la Cour estime que la solution
retenue dans l'affaire Krombach doit a fortiori s'appliquer en
l'espce. Elle note d'ailleurs que le Gouvernement, compte tenu de
l'arrt Krombach et de la rforme lgislative subsquente intervenue en
2004, dclare s'en remettre sa sagesse (paragraphe 37
ci-dessus).
En conclusion, il y a eu violation de l'article 6 1 et 3 c), d)
et e) combins de la Convention.
RIVIRE c. FRANCE du 25 juillet 2013 Requte no 46460/10
22. Les requrants soutiennent quen raison du refus de renvoi de
laudience du 4 dcembre 2008, ils se sont trouvs dans limpossibilit
dexposer leur cause devant la cour dappel. Ils estiment que les
motifs invoqus lappui de leur demande de renvoi taient srieux et
quils ne pouvaient tre considrs comme ayant renonc leur droit de
comparatre et de se dfendre. Ils soulignent que la procdure devant
les juridictions pnales est orale : la prsence des personnes mises
en cause permet ainsi aux juges non seulement de mieux connatre les
faits de lespce et de pouvoir dcider en consquence si linfraction
poursuivie est ou non constitue, mais galement dapprcier la
personnalit des prvenus pour dterminer le quantum de la peine
applique.
23. Le Gouvernement estime que le rejet non motiv de la demande
de report devant la cour dappel ne saurait tre analys comme une
atteinte au droit des requrants tre personnellement entendus. Il
souligne que larrt de la cour dappel fait tat du dlibr auquel a
donn lieu la demande de report ; labsence de motivation de cette
mesure dadministration de la justice demeure sans incidence sur le
droit daccs des requrants au tribunal, dans la mesure o la Cour de
cassation rserve aux juges du fond lapprciation souveraine de la
validit des excuses prsentes. Le Gouvernement ajoute que la Cour a
elle-mme rappel, dans laffaire Van Pelt c. France (no 31070/96, 64,
23 mai 2000), que lapprciation des lments de preuve lappui des
demandes dexcuses relve uniquement des juridictions internes.
Finalement, le
-
Gouvernement souligne que la constatation de linfraction
reposait en lespce sur des procs-verbaux et que la personnalit des
requrants ou leurs mobiles taient peu dterminants, les peines
encourues tant quant elles exclusivement des amendes. Par ailleurs,
les requrants, assists dun avocat, avaient t entendus en premire
instance et leurs dclarations avaient t transmises la cour dappel.
Le Gouvernement considre que les requrants avaient t rgulirement
cits comparatre laudience du 4 dcembre 2008 et que leur demande de
renvoi a rgulirement t examine par la cour dappel.
24. La Cour rappelle demble que les exigences du paragraphe 3 de
larticle 6 sanalysent en aspects particuliers du droit un procs
quitable garanti par le paragraphe 1. Partant, elle examinera le
grief sous langle de ces deux textes combins (voir, parmi dautres,
Van Pelt, prcit, 61).
25. La Cour rappelle que, sil reconnat tout accus le droit de se
dfendre lui-mme ou avoir lassistance dun dfenseur (...) , larticle
6 3 c) nen prcise pas les conditions dexercice. Il laisse ainsi aux
Etats contractants le choix des moyens propres permettre leur
systme judiciaire de le garantir, la tche de la Cour consistant
rechercher si la voie quils ont emprunte cadre avec les exigences
dun procs quitable (Quaranta c. Suisse, 24 mai 1991, 30, srie A no
205, et Sakhnovski c. Russie [GC], no 21272/03, 95, CEDH 2010-...).
Aussi, la Cour a-t-elle eu loccasion de prciser quil est loisible
aux autorits nationales dvaluer si les excuses fournies par laccus
pour justifier son absence taient valables (Sejdovic, prcit, 88,
Medenica c. Suisse, no 20491/92, 57, CEDH 2001-VI, et Van Pelt,
prcit, 64).
26. En premire instance, la notion de procs quitable implique en
principe la facult pour laccus dassister aux dbats. Cependant, la
comparution personnelle du prvenu ne revt pas ncessairement la mme
importance au niveau de lappel. De fait, mme dans lhypothse dune
cour dappel ayant plnitude de juridiction, larticle 6 nimplique pas
toujours le droit de comparatre en personne. En la matire, il faut
prendre en compte, entre autres, les particularits de la procdure
en cause et la manire dont les intrts de la dfense ont t exposs et
protgs devant la juridiction dappel, eu gard notamment aux
questions quelle avait trancher et leur importance pour lappelant
(Sakhnovski, prcit, 96).
27. Les procdures dautorisation de recours, ou consacres
exclusivement des points de droit et non de fait, peuvent remplir
les exigences de larticle 6 mme si la cour dappel ou de cassation
na pas donn au requrant la facult de sexprimer en personne devant
elle, pourvu quil y ait eu audience publique en premire instance
(voir, entre autres, Monnell et Morris c. Royaume-Uni, 2 mars 1987,
58, srie A no 115, pour lautorisation dappel, et Sutter c. Suisse,
22 fvrier 1984, 30, srie A no 74, pour la Cour de cassation). Dans
le second cas, la raison en est quil nincombe pas la juridiction
concerne dtablir les faits, mais uniquement dinterprter les rgles
juridiques litigieuses (Ekbatani c. Sude, 26 mai 1988, 31, srie A
no 134).
-
28. En lespce, le tribunal correctionnel ne sest prononc sur les
accusations diriges contre les requrants quaprs une audience
laquelle ceux-ci ont comparu, assists dun avocat. Il nen alla pas
de mme devant la cour dappel, celle-ci ayant rejet la demande des
requrants en vue du report de laudience et retenu laffaire en leur
absence, avant de rendre un arrt contradictoire signifier.
29. La cour dappel devait examiner laffaire en fait et en droit.
En effet, laudience dappel impliquait, eu gard leffet dvolutif de
lappel, un nouvel examen des preuves et de la culpabilit ou de
linnocence des prvenus et, le cas chant, de leur personnalit