1 CENTRE DE DROIT MARITIME ET DES TRANSPORTS D'AIX EN PROVENCE UNIVERSITE PAUL CEZANNE LES AUTOROUTES DE LA MER Mémoire réalisé sous la direction de Maître Christian Scapel et du Professeur Pierre Bonassies Anaïs DORQUES Master II Droit maritime et des transports Année 2007-2008
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CENTRE DE DROIT MARITIME ET DES TRANSPORTS D'AIX EN PROVENCE
UNIVERSITE PAUL CEZANNE
LES AUTOROUTES DE LA MER
Mémoire réalisé sous la direction de Maître Christian Scapel et du Professeur Pierre Bonassies
Anaïs DORQUES Master II Droit maritime et des transports
Année 2007-2008
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RESUME
Le concept d'autoroute de la mer allie tradition du cabotage maritime et innovation des techniques
afin de faire face à l'augmentation des flux de transport en Europe et de tenter d'organiser un
véritable report modal. Imaginé dans une optique de développement économique et de
développement durable, il s'inscrit incontestablement dans les nouvelles orientations de la politique
communautaire des transports. Mais pour faire face à la suprématie du transport routier, la
mobilisation de tous les acteurs de la chaîne logistique est la condition sine qua non à la réussite du
projet. Car malgré de grands programmes de financement et d'aides au démarrage, les autoroutes de
la mer doivent faire face à des obstacles majeurs à leur réalisation.
juridiques, sont autant de points dont traite cette étude. Face à un concept en cours de création,
mouvant et protéiforme, l'effort de synthétisation proposé ici ne peut prétendre à l'exhaustivité. Il ne
reste qu'à espérer que l'histoire des autoroutes de la mer s'inscrira dans l'avenir.
The motorways of the sea concept combines the coast trade tradition with the technical innovations
so as to face the increasing transport flows in Europe and to try organizing a true modal shift.
Imagined from an economic and sustainable development point of view, it unmistakably is in line
with the new orientations of the European Union politics of transports.
Nevertheless, in order to face the road transport supremacy, the mobilisation of all the actors of the
supply chain is the essential condition for the success of the project. Indeed, despite of huge
financial programs and start-up support, short sea shipping have to deal with important obstacles
against their achievement.
Costs, structures, infrastructures, roads, innovation, administrative processes, legal issues, are so
many points that this study deals with. In view of a concept being created and being protean and
changing, the effort towards a synthesis approach as suggested in this work cannot claim to be
exhaustive. Let’s hope that the motorways of the sea’ matter will make it in a long run.
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Je remercie tous ceux qui m'ont soutenue et supportée durant ces moments d'évasion intellectuelle.Merci à ma mère.
Merci aussi à tous mes professeurs de cette année, pour le savoir qu'ils nous ont communiqué et tout spécialement au Commandant Figuière qui a su nous émouvoir par sa générosité.Merci aussi à mes camarades sans qui cette année n'aurait pas été ce qu'elle a été.
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SOMMAIRE
INTRODUCTION p4
PARTIE 1 - LES AUTOROUTES DE LA MER A LA RECHERCHE D'UN CADRE APPROPRIE
p13
CHAPITRE 1 – UN DIFFICILE EFFORT DE DELIMITATION p14
Section 1 – La définition du concept, un exercice laborieux p14Section 2 : La réalisation du concept : un exercice périlleux p22
CHAPITRE 2 – UNE LABORIEUSE IMPULSION INSTITUTIONNELLE. p31
Section 1 – Une dynamique commune d'évolution p31Section 2 – Une tentative bicéphale d'encadrement européen p38
PARTIE 2 – LES AUTOROUTES DE LA MER A LA RECHERCHE DE SOLUTIONS UTILES
p48
CHAPITRE 1 – LES AUTOROUTES DE LA MER OU L'INEXTRICABLE MISE EN OEUVRE
p49
Section 1 – De la difficulté d'adapter le régime juridique p49Section 2 – De la pérennisation des autoroutes de la mer p59
CHAPITRE 2 – LES AUTOROUTES DE LA MER OU L'ESPOIR DE PERPECTIVES OPTIMISTES
p70
Section 1 – La facilitation du maillon terrestre p70Section 2 – Elargir les perspectives des autoroutes de la mer P78
CONCLUSION p85
BIBLIOGRAPHIE p87ANNEXES p90TABLE DES MATIERES p105
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INTRODUCTION
Le sujet est dans l'air du temps. Pas un journal spécialisé qui n'en ait fait mention. La presse
généraliste s'en empare aussi. Et nos politiques ont eux inscrits les autoroutes de la mer dans leurs
petits papiers. C'est que les enjeux sont brûlants et économiques avant tout.
Le constat est simple : le nombre de camions sur les routes ne va cesser d'augmenter dans les
décennies à venir. Entraînant à terme la congestion du réseau et même, dans les pires scénarios, une
thrombose généralisée générant des pertes fracassantes pour l'économie. Sans aller jusque là, il est
vrai que les prévisions ne sont pas optimistes et qu'à ce jour, les réseaux de transport ne sont pas en
mesure de faire face aux augmentations de trafic à venir. Il est donc temps d'agir.
L'Europe est un grand continent. C'est aussi devenu une grande institution, une grande
communauté économique, politique et culturelle. Depuis peu, elle s'est ouverte à l'Est, à des états
issus de l'ex bloc Soviétique. L'économie de ces nouveaux entrants connaît depuis un
développement rapide. Cette grande entreprise nécessite des supports suffisants pour continuer
d'évoluer dans les meilleures conditions. Le transport est l'un de ceux là et depuis la signature du
Traité de Rome, voilà bientôt 60 ans, il fait partie des principales politiques de l'Union européenne.
Aujourd'hui, face aux enjeux qui se profilent, le système est en train d'être repensé. Le mode routier
ne pouvant pas s'inscrire seul dans une perspective d'avenir, on réfléchit à de nouvelles manières de
transporter les flux de marchandises - et accessoirement de personnes - d'un bout à l'autre du
continent. Sans quoi à terme le risque serait que l'activité économique ne s'étouffe d'elle même.
Dans ce cadre les transports alternatifs envisagés sont le rail, le fleuve et la mer. L'utilisation de l'air,
s'il est approprié au transport massif de passagers, ne l'est pas pour la marchandise.
Les autoroutes de la mer sont l'un des fruits de cette remise en question du système de
transport. Le concept est nouveau et ne l'est pas. Il rentre dans une grande tradition du transport à
courte distance qui existe près de toutes les côtes du monde. Du métro côtier au Short Sea Shipping.
Mais il présente de nouvelles ambitions que n'avait pas ce transport là. Le tout formé propose une
nouvelle approche du transport maritime, approprié aux nouvelles contraintes que nous connaissons
aujourd'hui : contraintes économiques et commerciales, d'une part, mais aussi contraintes
environnementales, sociales et humaines.
Concrètement, qu'est ce qu'une autoroute de la mer? Instinctivement, on pourrait répondre
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« une route qui traverse la mer », un peu à l'image des ponts qui mènent aux îles Atlantiques. Image
fantasque. Ce n'est pas d'une bande de bitume mais bien d'un navire dont il s'agira. D'une manière
plus réaliste, voici une base de définition, qui servira de socle à cette étude.
La réponse proposée ici ne pourra pas être exhaustive. Elle ne pourra que s'inscrire dans la
continuation des propositions déjà effectuées par d'autres et par les institutions officielles qui se sont
penchées sur le berceau des autoroutes de la mer. Précisons-le dès maintenant elle n'est ni limitative
ni définitive et tant l'imagination que la pratique pourront la faire évoluer. Chacun de ces éléments
est discutable, le sera de plus en plus avec l'évolution des techniques maritimes et doit être complété
par une mosaïque de variantes et discussions que nous envisageront tout au long de ce mémoire.
Une autoroute de la mer serait donc un service régulier et fréquent de navires rouliers,
revêtu d'une vocation intermodale porte à porte pour le transport de marchandises par
camion et visant à faciliter les transferts modaux et la concentration des flux routiers
dans l'Union européenne et avec ses voisins, grâce à la création de nouvelles lignes
maritimes ou à l'utilisation de liaisons préexistantes, financées par des entreprises
privées et bénéficiant généralement d'aides publiques
Mais les autoroutes de la mer sont surtout un concept en pleine réalisation et qui cherche un cadre.
Le nombre de documents, d'études, de discussions, d'articles, qui paraissent autour du sujet en sont
un témoignage quelque peut assommant. Pas une semaine sans qu'un article ne soit publié, sans
qu'un avis ne soit émis, qu'une décision ne soit prise. La première explication tient surement au fait
que l'on en soit à un moment charnière de la réalisation, à l'heure où les premières lignes
estampillées « autoroutes de la mer » voient le jour. Mais pas seulement, car bien au delà, le sujet
déchaîne les passions, donnant lieu à des controverses, à des désaccords de fond et de forme, de
cadre et de nature. Chacun se l'approprie, par scepticisme, par opportunisme ou par conviction mais
cela crée une dynamique formidable qui, si elle peut mettre à mal le concept le fait évoluer. C'est
aussi en ce mouvement que réside la difficulté de son étude. Le but n'est pas ici d'apporter des
réponses fermes car il n'y en a pas. Il n'y a que la pratique qui pourra les donner. La pratique
juridique, maritime, la doctrine, les opérateurs de transports, les chargeurs, armateurs et
institutionnels européens et nationaux qui s'investissent. Différents rapports parlementaires ont vu le
jour, mais dès 2002, Monsieur Liberti demandait une action rapide pour donner suite aux mots.
Alors révolution ou leurre avant de se faire une idée, tentons d'abord d'en comprendre les enjeux.
Partons de la cause : la route est le leader hégémonique des modes proposés en Europe, pour
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un transport intra-européen. Mais ses faiblesses sont nombreuses et ne rentrent plus dans les
orientations définies par une Communauté soucieuse désormais de son environnement autant que de
son économie. C'est du moins ce qui est avancé ici. Les autoroutes de la mer s'inscriraient dans un
contexte de développement durable et de report modal. Le développement durable prône une prise
en compte globale de l'ensemble des éléments formant le paysage d'une économie dans l'optique de
sa stimulation à long terme. Les données environnementales et humaines ne sont donc plus
séparables de la logique commerciale. Le report modal permet d'envisager le recours à des modes
alternatifs de transport, moins polluants, pour faire face à la demande. En d'autre termes pour les
autoroutes de la mer, «Davantage de camions sur les navires et moins sur les routes»1.
Il y aurait donc trop de camions sur nos routes. Le constat est un peu simpliste. Il faut bien avoir à
l'idée que l'on ne peut l'appliquer à tous les camions, tous les trafics pour toutes les distances
possibles. Voici une explication.
Avec l'ouverture de l'Union à vingt cinq puis vingt sept pays, les flux économiques, qui se reposent
sur les flux de transport, ont augmenté. Selon les prévisions, notamment de l'examen à mi parcours
du livre blanc de l'Union européenne2 ce ne serait qu'un début. Le transport de marchandises devrait
évoluer de 2,1% par an entre 2000 et 2020, c'est à dire environ autant que les prévisions de
croissance économique. Les volumes alors atteints seront gigantesques. Et les problèmes que cela
entraînera alors seront autant démultipliés. Le secteur des transports représente environ 7% du PIB
européen ce qui est beaucoup et le ralentissement qui risque d'avoir lieu alors serait un grave
handicap pour l'économie toute entière.
La suprématie de ce mode tient en quelques explications données à de multiples reprises notamment
par les différents rapports qui ont été produits sur le sujet3.
D'abord le transport routier profite d'une facilité d'accès à l'infrastructure. Il est le seul qui ne
contribue pas entièrement au financement de l'infrastructure qu'il utilise. La route est financée par le
contribuable et par les péages autoroutiers. Notons qu'une grande majorité du transport routier se
fait par autoroute et qu'on peut donc estimer que les péages - en constante augmentation au dire des
transporteurs - devraient en théorie compenser l'utilisation du réseau. Or le coût du péage n'est rien
en proportion du coût réel engendré par le trafic. Il faut savoir que les autoroutes, si elles n'étaient
dédiées qu'aux voitures coûteraient environ 30% moins cher. Sachons aussi que la priorité donnée à
la route, et rendue nécessaire par les déplacements privés, a engendré des déséquilibres entre les
1 C'est le tire du Rapport présenté par F. Liberti en 20022 Livre blanc, présenté par la Commission le 12 septembre 2001: « La politique européenne des transports à l'horizon 2010: l'heure des choix »
3 Notamment les rapports Liberti et De Richemont – voir Bibliographie
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infrastructures des différents modes de transport. C'est le cas par exemple du transport ferroviaire
qui souffre, pour le fret d'un sous-équipement qui exclu toute idée de compétitivité. Aujourd'hui des
mesures sont envisagées pour freiner cette tendance, et permettre une plus juste répartition des coûts
infrastructurels. Mais nul ne sait quelles seront les retombées de mesures telles l'eurovignette, mise
en place par la directive « tarification routière »4.
Un autre atout du mode routier est sa grande flexibilité. L'exigence actuelle en matière de
transport est celle du « door to door » et le tout dans un laps de temps minimal, ou plutôt avec une
obligation de résultat concernant l'horaire prévu. Et le camion est aujourd'hui le moyen le plus à
même de répondre à cette exigence. Le réseau routier est accessible dans sa très grande majorité à
tous les poids lourds et permet une livraison à domicile. Soulignons que dans une perspective
multimodale, cet avantage se doit d'être exploité au plus juste. Il ne s'agit aucunement de faire
disparaître le camion. Il s'agit juste d'en faire une utilisation adaptée. Car nombre d'entre eux
effectuent des trajets longs, dits « de transit » qui ne se justifient pas. La marchandise transportée
pourrait l'être par d'autres voies et le camion pourrait ne servir qu'à la desserte courte, en pré et post
acheminement.
Mais l'atout majeur du transport routier face à d'éventuels autres modes est certainement son
prix. La structure même des entreprises de transport routier, une multitude de petites et très petites
entreprises, organisées entre elles en fédérations et réseaux5 permet une concurrence accrue et donc
le maintien de prix très bas. La moyenne tarifaire d'un transport routier est estimée à environ 1€ du
kilomètre. Et les autres modes ne sont pas encore armés pour faire face à cette concurrence.
D'autres facteurs, plus diffus, doivent être pris en compte pour bien comprendre l'hégémonie
du transport routier. Sa bonne adaptation à la demande, le poids politique du secteur, ce que l'on
appelle le lobby routier et qui est permis par une capacité à bloquer toute l'économie en très peu de
temps (on l'a vu lors des grandes grèves) ou encore, clairement, la force de « l'habitude » pointée du
doigt par les rapports De Richemont et Liberti6.
Cet ensemble d'éléments oblige à ne pas négliger l'aspect « pédagogique » qui doit accompagner le
report modal, et à assurer à ces petites entreprises la pérennité de leur activité : le transport routier
reste nécessaire dans le pré et post acheminement.
4 La directive tarification routière vise au paiement d'une taxe pour compenser le coût de l'utilisation de l'infrastructure. Directive 2006/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2006 modifiant la directive 1999/62/CE relative à la taxation des poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures Journal officiel n° L 157 du 09/06/2006 p. 0008 - 0023
5 Par exemple voir site de la Fédération des entreprises de transport et logistique de France : www.e-tlf.com 6 Précédemment cités
Malgré cela, si aujourd'hui on se tourne vers d'autres modes, ce n'est pas pour rien. Et c'est
d'abord parce que le tout routier comporte des inconvénients.
D'abord, il est soumis à des contraintes naturelles, géographiques : massifs montagneux, fleuves et
rivières, côtes... etc. Pour relier deux points éloignés, la route doit parfois emprunter des chemins
sinueux. Le premier but du transport est de permettre le fonctionnement de l'économie. Or les
poumons économiques se trouvent où se trouve la population. En fonction des contraintes se sont
aussi développées les zones urbanisées, parfois tentaculaires. Routes, autoroutes, camions, voitures
particulières s'y croisent, entraînant des kilomètres de retenues et ralentissement tous les jours et des
dizaines d'accidents chaque année.
L'exemple de la zone urbaine de Marseille et de la région PACA est très illustrateur du phénomène.
Une baie, un port de commerce, une grande ville qui se développe, des emplois, des employés, une
économie dynamique, une zone urbaine qui se développe de plus en plus, des camions qui vont et
viennent et conduisent à une congestion difficile à endiguer.
Ensuite, et leur prise en compte est aujourd'hui incontournable, les problèmes environnementaux.
Le transport routier reste le mode le plus polluant, proportionnellement aux quantités transportées.
Même si au sens de la révision du livre blanc, les émissions de CO2 du transport routier auraient
diminué de 30 à 40 % grâce à différentes technologies mises en place ces quinze dernières années,
l'augmentation du trafic n'a fait que balancer les quantités. A l'heure où l'Europe et le monde sont
engagés (plus ou moins) dans le protocole de Kyoto, et où l'on parle de réchauffement climatique, il
n'est plus possible politiquement d'accepter une telle pollution. Et plus encore que la pollution de
l'air, les ensembles routiers sont aussi à l'origine d'une pollution par le bruit qui a des conséquences
importantes sur les populations riveraines des grands axes7. Cette menace environnementale est la
plus sensible politiquement, l'opinion publique étant aujourd'hui sensibilisée au problème. Elle est
aussi très concernée par un sujet qui la touche dans sa chair : la sécurité routière. Tous les jours les
journaux annoncent des accidents graves. Chaque année, des milliers de vies s'envolent sur les
routes françaises et européennes8. Et ce n'est pas l'augmentation du nombre de poids lourds sur les
routes qui y changera quelque chose. Pour s'en persuader, il n'y a qu'à emprunter l'autoroute qui
traverse le sud de la France jusqu'à l'Espagne. Un autre mode de transport, quel qu'il soit, ne
présente pas de risque direct pour la vie des usagers.
Il n'en faut pas plus pour se convaincre que le transport routier n'est donc pas à terme la solution à
retenir. Ce n'est pas non plus la solution à exclure. C'est la solution à intégrer pour entrer dans une
7 Voir à ce propos l'étude de l'OCDE sur « les incidences sur l'environnement du transport de marchandises » - 19978 50 000 morts et un million et demi de blessés sur les routes européennes en 2005
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perspective de développement durable. C'est en ce sens que l'objectif de report modal présenté avec
les autoroutes de la mer doit être exploité. La congestion du réseau routier coûterait aujourd'hui
environ 1 % de son PIB à l'Union européenne. Le recours à des modes alternatifs de transport
constituerait le moyen de ne pas aggraver le phénomène. Or les modes de transports alternatifs
susceptibles de transporter des volumes de marchandises massifs ne sont pas légions. Le rail, on l'a
vu, s'il est intéressant pour ses capacités ne l'est pas pour l'investissement qu'il nécessite. Le fluvial
est une solution aujourd'hui sous exploitée dans les pays du sud, quand les pays du nord de l'Europe
ont su développer un réseau très important qui leur permet un transport interne à moindre coût.
Celui-ci semble adapté, en ce qu'il permet une desserte à l'intérieur des terres parfois presque
comparable à celle d'un poids lourd. Une desserte qui pourrait se conjuguer avec une desserte
maritime massive. La configuration de l'Europe, cette grande péninsule lui permet de compter un
kilométrage de côtes suffisant pour développer ce type d'activité. C'est d'ailleurs en partie le cas. Le
transport maritime dit « à courte distance » est le deuxième mode utilisé pour les échanges intra-
européens après la route. Utile, donc, nécessaire même. Mais insuffisant devant le tableau des
prévisions. Reste maintenant à expliquer pourquoi le concept d'autoroutes de la mer se bat pour
exister, pour grandir, pour survivre et se pérenniser. Reste à comprendre pourquoi certains
politiques ne le considèrent plus comme une solution parmi d'autre mais comme l'unique solution
pour l'avenir du transport européen. Mais pourquoi, aussi, il est si contesté, si fragile, si difficile de
mettre en place ce report de trafic par voie de mer.
Interrogeons nous d'abord sur son origine. Quand a-t-on vraiment parlé pour la première fois
« d'autoroutes de la mer »? Depuis les années 2000, dans les différents projets qui en font mention
en ces termes et qui encouragent une large perspective de modernisation du transport en Europe?
Dans le livre blanc de 2001? Dans les projets RTE-T ou Marco Polo? Ou depuis bien plus
longtemps, en filigrane des lignes de cabotage maritime qui s'inscrivent dans une logique
commerciale pratiquée depuis toujours? Ou encore de manière plus imagée, sur toutes les routes
maritimes très fréquentées telles le détroit du Pas de Calais ou le détroit de Gibraltar où la densité
des flux rappelle l'autoroute terrestre?
Toutes ces acceptations, si elles illustrent toutes des situations qui pourraient se prêter à
l'appellation d'autoroute de la mer, ne peuvent pas en être, au sens de la définition proposée.
Il faut en effet se rappeler qu'une autoroute de la mer est avant tout une voie de report massif de
trafic routier face à une congestion généralisée des réseaux dans toute l'Europe, à l'engorgement
complet de certaines régions et à la pollution engendrée.
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Cette composante terrestre doit s'inscrire dans une double logique de raisonnement, que nous allons
retrouver tout au long de ce mémoire et qui est le pilier de beaucoup des problématiques
rencontrées, notamment juridiques :
D'une part, l'autoroute de la mer est comme son nom l'indique une voie maritime, une ligne
régulière de transport qui, si elle a des caractéristiques particulière n'en reste pas moins un transport
maritime, à courte distance. Il faut toutefois tempérer l'acceptation des trafics dits de cabotage, qui
offre le transport d'autant de marchandises différentes, que d'appellations. Vrac ou conteneurs,
lignes régulières ou pas, elles sont indifféremment appelées Cabotage, Transport maritime à courte
distance (TMCD), en anglais, short sea shipping (SSS), selon les interlocuteurs et les fonctions de
chacun. C'est en fait la faible distance de leur parcours qui leur donne leur nom, par opposition au
trafic au long cours9. L'autoroute de la mer ne peut pas être dissociée des problématiques du
transport maritime à courte distance dont elle fait partie, et notamment celui effectué par roulier.
Le roulier, communément appelé Ro-ro (pour Roll On-Roll Off) est le navire qui transporte des
ensembles routiers.
D'autre part, l'autoroute de la mer est le maillon d'une chaîne de transport de bout en bout. Elle ne
peut pas non plus être dissociée de la problématique du transport intégré et être traitée comme
le simple élément d'une combinaison.
Cette double casquette est à l'origine de nombreuses discussions qui peuvent aller très loin, et nous
le verrons, jusqu'à l'idée de faire de l'autoroute maritime, l'égale de l'autoroute terrestre, en la
considérant comme une infrastructure à part entière.
9 Sur la notion de cabotage interne voir Rapport Liberti
TRANSPORT MARITIME
TMCD Pré acheminement ADM Post acheminement
Les deux logiques des autoroutes de la mer.
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Plus prosaïquement, l'autoroute de la mer doit être distinguée de ses proches voisins, les
ferrys. La distinction tient en peu de choses, notamment, en des objectifs différents.
Il existe en Europe une multitude de trafic de ferry, répondant souvent à une exigence de service
public. Ceux entre les îles et le vieux continent, Corse, Angleterre, Sicile, Sardaigne, etc. Ceux des
îles grecques ou des côtes Turques, ceux en pays Balte ou Irlandais. A plus grande échelle, ceux
entre le nord et le sud de la Méditerranée. Enfin dans tout pays dont les côtes sont accidentées ou
bordées d'îles et où la desserte des territoires éloignés est une nécessité. Ces lignes sont historiques,
souvent dans un but de continuité territoriale, en forme de cabotage dit « interne »; ou pas. Ici il
s'agit de transport de personnes autant que de véhicules ou de marchandises au sein d'un état ou
entre deux états voisins.
Il ne s'agit pas non plus d'un « car-carrier » qui lui est destiné uniquement au transport de voiture
bien que les deux trafics puissent être effectués sur un même navire roulier.
Enfin, il nous faut pour l'heure exclure le trafic conteneurisé, et notamment le « feedering » qui ne
répond pas aux exigences de fluidité des flux transportés et nécessite un passage portuaire trop
contraignant. Nous verrons que ce point est aussi à discuter.
Dans une approche stricte de la définition d'autoroutes de la mer et parce que ces trafics ne
remplissent pas les conditions précédemment évoquées de développement durable et de
désengorgement des routes, ils ne doivent pas être confondus avec elles. Car nous allons le voir,
c'est essentiellement sur ces fondement que la grande idée d'autoroute de la mer est susceptible de
se développer.
Cette étude ne s'appesantira pas sur les contraintes environnementales ni sur l'aspect routier
du sujet. Ces thèmes constituent à eux seuls des sujets d'études complètes. C'est peut être choix
discutable mais il témoigne d'une volonté de se rapprocher au plus près des problématiques déjà
complexes de la mise en place des autoroutes de la mer. D'abord par un effort de définition. Parce
que le Conseil économique et social européen a lui même reconnu dans son dernier document sur le
sujet, en juin 2008, que le concept portait à confusion. Et que la définition basique que nous avons
proposé dans cette introduction est très loin de cerner toutes les subtilités du concept. Ensuite par
l'identification des obstacles qui se présentent dans la réalisation du concept, des soutiens dont il
bénéficie et des projets qui doivent voir le jour pour le concrétiser. Enfin, et de manière plus
générale, par la synthèse des solutions proposées qu'il va falloir appliquer si on veut que cette belle
idée se réalise et se pérennise.
C'est ainsi que nous articulerons ce mémoire sur deux axes : d'abord, en tentant de dessiner
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un cadre approprié aux autoroutes de la mer (Partie I) qui se traduit par un effort de définition accru
et par l'explication des différents cadres institutionnels qui lui sont offert, témoignage d'une
importance nouvelle dans les préoccupations politiques. Ensuite, par la recherches de solutions
utiles (Partie II) face à de grandes difficultés de réalisation, notamment par manque de moyen
financiers et juridiques mais en tentant ensuite d'offrir une note d'optimisme à cette étude.
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Né dans un objectif d'intérêt commun et de développement économique, le concept
d'autoroute de la mer est un concept vieux seulement de quelques années. Issu de la volonté
politique, notamment européenne, il repose toutefois sur un socle historique, le cabotage maritime
en y apportant une optique nouvelle : le développement durable.. Toutes les notions qui se
rencontrent ou pourraient se rencontrer dans ce concept doivent être triées afin d'offrir un cadre
précis - dans la mesure du possible - à son développement. C'est ainsi que nous essaierons de définir
ce cadre en envisageant d'abord le difficile effort de délimitation (Chapitre 1) qu'il demande avant
de découvrir la laborieuse impulsion institutionnelle dont il fait l'objet (Chapitre 2)
PARTIE I
LES AUTOROUTES DE LA MER A LA RECHERCHE D'UN
CADRE APPROPRIE
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CHAPITRE 1 – UN DIFFICILE EFFORT DE DÉLIMITATION
Nous l'avons dit, le concept d'autoroute de la mer est délicat à délimiter. Il est à l'heure
actuelle à la recherche d'éléments qui assureraient sa pérennisation. Dès lors, il faut se rendre à
l'évidence, donner une définition du concept sera un exercice laborieux (Section 1). Il faudra tenter
d'illustrer cette affirmation par le recours à des exemples concrets et nous verrons que la réalisation
même du concept est un exercice périlleux (Section 2)
Section 1 – La définition du concept, un exercice laborieux
Le concept d'autoroute de la mer ne peut se limiter à la proposition de définition
précédemment évoquée. Il faut bien réaliser qu'en l'absence de cadre clairement déterminé reste
ouverte une multitude de possibilités.
On se rend compte que la définition tant politique que technique reste en cours, et que tout le monde
ne s'accorde pas dans une voie prédéfinie. Voyons à quelles discussions donnent lieu cette
« curiosité » que représentent les autoroutes de la mer en envisageant d'abord la discussion politique
du concept concernant notamment la pérennité de l'infrastructure (I) puis sa discussion technique,
afin d'expliquer le choix du roulier (II) qui s'est opéré.
I) Discussion politique du concept : la pérennité dans l'infrastructure
Dans notre entreprise de recherche d'une définition, il convient d'envisager la pertinence de
la limitation de l'idée au cadre européen (A) avant de s'interroger sur le point de savoir si une
autoroute de la mer peut s'analyser comme une infrastructure (B)
A – Pertinence de la limitation au cadre européen
Si aujourd'hui, c'est l'Union européenne qui semble la plus à même de souffler le vent de la
réussite sur les autoroutes de la mer, le cadre que cette dernière constitue n'est peut être pas le seul à
pouvoir exister. Un court historique du concept permet de comprendre qu'en elles-mêmes, les
autoroutes de la mer ne sont pas une création nouvelle. Elles ne sont ni plus ni moins qu'un sous-
type de ligne de transport maritime à courte distance, assorti de conditions particulières. Définies
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par l'Union européenne certes mais qui sont sûrement amenées à dépasser ce cadre.
Alors, interrogeons nous, ne peut-on envisager les autoroutes de la mer sans le cadre européen? On
peut d'abord partir d'un constat. Tout l'intérêt de l'action communautaire est de dynamiser la mise en
place de ces lignes en faveur du report modal, dans un but de développement durable. Pour
l'opinion publique. Mais aussi, et nous l'avons vu, pour des raisons économiques, à moyen ou long
terme et pour des raisons environnementales qui entrent désormais dans les priorités politiques.
Si techniquement l'Union européenne n'a pas inventé les transferts de fret sur de courtes
distances maritimes elle est aujourd'hui initiatrice et garante de la réalisation de ceux-ci dans le
cadre des autoroutes de la mer.
Ce qui est nouveau, c'est l'objectif affiché et l'encadrement proposé. D'abord, et parce qu'il est issu
d'une politique européenne, il concerne l'ensemble des états. Même les états qui n'ont pas de côtes
profiteront - indirectement - de ce report modal. Ils sont en effet partie prenante de l'économie
européenne qui sera préservée par ce type d'action et au delà seront mieux desservis par les
différents modes terrestres qui s'offriront à eux. L'intégration de modes alternatifs à la chaîne de
transport, qu'ils soient maritime, ferroviaire ou fluvial permettra la dynamisation de la chaîne
logistique. Les autoroutes de la mer s'inscrivant dans ce contexte profiteront de cette dynamisation
en même temps qu'elles en seront actrices. Ainsi les programmes européens de promotion des
autoroutes de la mer se justifient autant par la dynamique globale que pour l'action spéciale qu'ils
créent.
Les définitions recherchées ont donc beau ne pas être égales et sembler parfois illisibles par
trop d'opportunisme ou de cloisonnement, elles ont le mérite d'exister et de servir de socle à la
réalisation de ce projet. Le concept est nécessaire, il lui faut un support, l'Union européenne et son
rayonnement est celui la. Peut être par défaut mais il a le mérite d'exister et d'être à l'heure actuelle
le plus approprié et le plus concret. On peut donc en conclure qu'il est pertinent. Même si d'autres
cadres pourraient l'être aussi, ils ne se sont pas encore présentés.
B – Une infrastructure?
Mais bien au delà, l'adaptation de l'encadrement communautaire se justifie en ce qu'il se
traduit par un double programme de promotion des autoroutes de la mer. En les inscrivant à la fois
dans un programme de promotion de l'intermodalité et dans un programme de modernisation des
infrastructures il reconnaît le caractère protéiforme du concept.
17
Mais en quoi peut-on considérer les autoroutes de la mer comme des infrastructures? La question
est primordiale et reviendra constamment au fil de cette étude. Tentons une première approche.
Au sens premier, il s'agit simplement de navires affectés à des lignes régulières de qualité,
visant au transfert de fret. Mais les objectifs connexes de désengorgement et de massification des
trafics que nous connaissons ici nous permettent d'envisager le principe sous un autre angle. Le
report modal souhaité permettrait à la fois d'éviter la congestion mais aussi d'éviter la construction
de nouvelles infrastructures terrestres, coûteuses en énergie, en euros et en air pur. La construction
d'une autoroute terrestre est évaluée à 7 à 8 millions d'euros par kilomètre10. Le prix d'un navire
Roulier de 150 remorques serait de l'ordre de 30 millions d'euros avec une durée de vie longue.
L'équation est simple : un Ro-ro11 = 5km d'autoroutes. Ainsi, l'inscription des autoroutes de la mer
dans le programme RTE-T, qui propose l'aide au financement de grands projets européens
d'infrastructures, et notamment de lignes des chemins de fer, nous permet d'espérer une pérennité
dans l'aide apportée. Les autoroutes de la mer deviendraient simplement un maillon du réseau de
transport européen.
Ainsi, d'un simple transport maritime à courte distance, on passe à l'idée d'une autoroute de la mer,
sorte de subdivision de celui ci qui va devenir une infrastructure à part entière à l'égal d'une route ;
mais dont les coûts seraient mieux répercutés sur les différents acteurs du transport : usagers,
exploitants, institutions publiques. Ce qui permettrait d'envisager des solutions à plus long terme...
et même un jour voir les autoroutes de la mer devenir l'outil indispensable du transporteur et du
logisticien au même titre que les autoroutes terrestres d'aujourd'hui. Monsieur De Richemont parle
dans son rapport de prolongement du territoire sur la mer et de considérer le navire comme une
« pseudo-infrastructure ». Et soutien que l'inscription des autoroutes de la mer dans un programme
de financement infrastructurel est pertinent en ce qu'on ne demande pas aux usagers de construire
des autoroutes, alors qu'il ne faut pas demander aux armateurs de supporter seuls le coût et le risque
de l'ouverture des lignes de cabotage. Une démarche intellectuelle qui se justifie. Une idée partagée
par bon nombre de défenseurs du report modal, notamment les armateurs. Et un cadre européen qui
semble s'adapter aux différents aspects revêtus par le projet.
10 Source Rapport de Richemont11 Roll on roll off. C'est un navire roulier
18
Mais dans une perspective plus concrète, l'autoroute de la mer doit trouver des moyens pratiques de
prospérer aujourd'hui pour atteindre demain une dimension infrastructurelle. Si les programmes
d'encadrement communautaires sont adaptés à cette problématique, il faut aussi trouver les moyens
pratiques de rendre attractive et pérenne cette entreprise.
II) Discussion technique du concept : le choix du Roulier
On sait que l'objectif principal d'une autoroute de la mer réside dans le report modal. Moins
de camions sur les routes, et le fret ainsi supprimé, reporté sur des navires.
Si l'idée du merroutage, c'est à dire uniquement mettre des camions sur des bateaux12, semble
prédominer pour certains, pour d'autres la question n'est pas tranchée. Il faut donc mettre en
perspective les différentes techniques envisageables pour la mise en place d'autoroutes de la mer.
Deux problématiques se posent alors : le choix du contenant (A), de l'unité de transport et le choix
de la structure (B) à mettre en relation avec l'infrastructure précédemment évoquée, chacun dans
une optique de plus ou moins long terme.
A - Le choix du contenant
Il existe différentes méthodes de transport maritime qui pourraient correspondre à l'objectif
12 Voir à ce propos le mémoire de Julien ROUEN - Le financement du merroutage – mémoire CDMT 2003/2004 – www.cdmt.org
Il faudra néanmoins modérer ces propos pour un conteneur ou une caisse mobile chargée sur
une remorque. En effet, quel que soit son type15, le camion semble apparaître comme le moyen
raisonnable pour faire fonctionner les autoroutes de la mer. D'abord, dans une optique simpliste, le
terme d'autoroute renvoie au camion. Ensuite, le camion est une unité qui s'auto-suffit pour le
chargement et le déchargement. En d'autre terme, il roule! S'il lui faut un terminal adapté revêtant la
forme d'une rampe d'accès, il n'y a pas besoin de l'intervention d'une grue pour faire passer le
camion du navire au quai. On ne parle plus de route roulante mais de route navigante. Il n'y a pas de
rupture de charge. C'est d'ailleurs le moyen qui se rapproche le plus d'une vision infrastructurelle
des autoroutes de la mer. Le camion passe sur le navire comme il passerait sur la route, ou entrerait
dans un parking. Il semble donc être le mieux adapté, compte tenu des contraintes précédemment
évoquées, d'urgence et de simplicité.
Mais le camion présente tout de même deux contraintes majeures. Son chauffeur et l'exigence de
rentabilité propre à toute entreprise de transport routier. La simplicité a une contrepartie. Faire
monter un camion sur un bateau a bien des avantages mais laisse un vide durant la durée de la
traversée. Tant en matière de réglementation sociale, que l'on sait très spécifique au transport
routier, qu'en matière de coût, ou d'habitude, comme nous l'avons vu, l'idée du merroutage
infrastructurel peut paraître difficile à mettre en œuvre. Pas pour des raisons techniques mais pour
des raisons humaines. Ainsi se posent, concrètement différentes options, qui seront à moduler selon
les types de trafic, leurs longueurs, leurs destinations. Le chauffeur va t il accompagner ou non la
remorque? Le chauffeur routier a un temps de repos obligatoire tous les jours16. Sur de longs trajets,
le fait de conjuguer les heures de repos avec le parcours d'une tranche du trajet peut sembler un bon
compromis. Le trajet avance alors que le conducteur ne se fatigue pas. Mais si la durée de ce repos
devient trop importante, la perte de compétitivité ne peut plus compenser le coût. Il en va de même
si le trajet est trop court et que le prix de la traversée maritime ne compense ni le repos du chauffeur
ni le temps passé au chargement.
15 Pour un aperçu des distinctions entre camions, remorque, tracteur etc... voir le site www.net-truck.com16 Voir Lamy Transport 2008 tome 1 no 1496 et 1497
La deuxième contrainte est structurelle et réside dans l'utilisation de navires adaptés, les
rouliers, couramment appelés Roro (roll-on roll-Off). Ces navires offrent une grande liberté pour le
chargement et le déchargement et permettent d'embarquer des mètres linéaires de camions, ou
simplement leurs remorques. Certains peuvent aussi embarquer des passagers s'ils sont munis
d'installations adéquates. On parle alors de Ropax (Roulier Passager). Cette flexibilité dans la
constitution du navire permet d'adapter sa structure à la liaison envisagée et aux contraintes
humaines qu'elle engendre. Pour le sénateur De Richemont, le Roro reste la solution la plus crédible
à court terme. D'autant qu'il est déjà mis en application pour des liaisons de ferry et que cette
expérience permet maintenant de connaître les écueils à éviter pour leur construction et leur
utilisation.
Au delà du transport maritime, le camion, est le moyen du mode routier. Il permettrait donc,
en attendant que infrastructures ferroviaires et fluviales soient mises à niveau (mais aussi dans une
optique de transport combiné classique) d'être le moyen le plus rapide de rejoindre la destination
finale de la marchandise. Il faut pour cela que la communication avec un réseau routier efficace soit
assurée. C'est la question de l'hinterland et du choix du port que nous étudierons plus avant.
Il sera aussi bon de s'interroger sur le poids maximal autorisé, non sur le navire mais sur les routes
du pays qui sera desservi. Car s'il faut allier report modal et massification du trafic, dans un cadre
X ............ Temps de repos ........... X
Route longue le chauffeur agit au chargement, déchargement mais son temps de repos est bien
inferieur au temps de traversée => perte brute
SOLUTION : remorque non accompagnée donc nécessité d'une organisation logistique plus
importante de plusieurs chauffeurs en différents endroits
X Temps de repos X
Route courte, le temps de repos du chauffeur est égal ou supérieur au temps de la traversée (ce
qui semble rare). Il effectue les opérations de chargement et déchargement et il n'y a pas de perte.
Le problème est que la courte durée du trajet ne doit dans ce cas pas laisser supposer de trop
courte distance sinon, le transport routier direct est plus rentable.
23
européen, il faut aussi penser compétitivité. Aujourd'hui, les états membres n'ont pas de
réglementation harmonisée en la matière. D'un pays à l'autre le poids maximal autorisé pourra varier
d'environ 40 à 60 tonnes. En France, la limite haute est de 44T, et elle est seulement applicable aux
transports en rail-route, fleuve-route. Pour un transport vers un port ou d'un poids pouvant aller
jusqu'à 48T, il faut une autorisation préfectorale17. Une particularité qui si elle est un privilège en
France, est loin d'en être une en Europe. La concurrence s'en trouverait faussée dans une perspective
communautaire. Ces limites sont donc à repenser au niveau national et au niveau européen. Autant
pour permettre aux transporteurs routiers français de pouvoir transporter plus que dans le but
d'harmoniser les combinaisons de modes : une limitation telle qu'elle existe en France représente un
handicap au niveau européen.
Ces constatations étant faites, le concept semble mieux déterminé. Il faut maintenant le
mettre en relation avec des réalisations préexistantes dans le but d'en vérifier l'efficacité.
Section 2 : La réalisation du concept : un exercice périlleux
Pour illustrer nos propos, rien de mieux que de dresser un aperçu de ce que sont aujourd'hui
les lignes maritimes à courtes distances, et se rendre compte que si de nombreuses lignes existent,
toutes ne peuvent être qualifiées d'autoroutes de la mer. Toutes ne présentent pas les mêmes
avantages, ni les mêmes perspectives. Certaines sont des autoroutes de la mer qui s'ignorent,
d'autres de simples lignes de cabotage, d'autres encore le support à une industrie. Mais à ce stade de
notre étude, il semble nécessaire de les envisager de plus près pour comprendre et expliquer les
difficultés que rencontrent les autoroutes de la mer dans leur mise en place. Dressons donc dès à
présent d'une manière pratique un inventaires des lignes existantes (I) avant d'en conclure que le
pari sera difficile à relever face à un bilan très mitigé (II)
I) Inventaire des lignes existantes
De nombreuses lignes de Short sea shipping existent à travers l'Europe et à destination de
pays voisins. Vrac, conteneurs, véhicules, passagers, les trafics sont nombreux. Pour s'en
17 Voir Lamy Transport 2008 Tome 1 no 1319 et 1321 – Poids maximal autorisé.
24
convaincre, il n'y a qu'à visiter les sites des bureaux de promotion du short sea shipping (BP2S)18.
Celui ci a pour vocation de promouvoir le transport maritime à courte distance et propose un
répertoire des lignes existantes.
Du Nord au sud, de multiples lignes cohabitent. Elles n'ont pas toutes la même origine ni le même
objectif. La plupart sont dédiées à un trafic conteneurisé. Le vrac ne constitue en général pas un
trafic de ligne mais de tramping, irrégulier. Pour notre étude, ce sont les difficultés rencontrées par
le développement du trafic roulier qui sont intéressantes. Elles se rapprochent plus ou moins du
concept d'autoroute de la mer mais quoi qu'il en soit, l'analyse des problèmes qu'elles rencontrent ou
les solutions qu'elles exploitent nous permettront de mieux comprendre les problématiques à traiter
dans un objectif de pérennisation. Toutes ont pour ambition de drainer une partie du trafic routier,
de concurrencer la route, même à petite échelle et même si ce n'est pas leur raison d'être. Il faudra
faire le tri en nous limitant aux trafics rouliers19. Voyons les lignes qui ont périclité (A) et les lignes
qui sont aujourd'hui exploitées (B)
A – Les projets avortés
Depuis les années 90 beaucoup d'initiatives ont périclité, avant même de voir le jour ou
après quelques mois voire quelques semaines d'existence.
Voici un tableau tentant le récapitulatif de ces lignes. Il ne prétend pas être exhaustif.
1991fin 19951996 (4 mois d’exploitation)
1996 – nov 1997
1998 septembre 1999 (4 mois d’exploitation)
15 Mai 2000 à Septembre 2000
Lorient-GijonBordeaux - Nantes - Le Havre - FelixstoweMontoir - Bilbao – Portolancée par la Morbihannaise de NavigationLorient - Casablanca par la société Gulf Stream Brest - Saint Petersbourg par l'armement russe Northern ShippingSète-TangerBayonne – Southamptonpar International Atlantica Line (Viking lines) Sète Palma
18 Site BP2S qui propose un annuaire de liens vers les autres bureaux de promotion : www.shortsea.fr19 Et en suivant les conditions d'une étude sur les caractéristiques des lignes de Roro, qui ne prend en compte que les
lignes effectuant au moins deux allers retours par semaine – Tableau de bord national des transports combinés 2006 - ADEME
2000 Toulon-Savonne2000 (15 jours) Toulon-Livourne mai 2001 (durée de quelques mois) Brest – Rosslare
par Gulf Stream Ireland 2003 Southampton-Santander
CETAM2003-2004 Fos - Savone
Toutes ces lignes ont rencontré des problèmes de financement, qui se sont souvent doublés d'un
manque d'investissement de certains acteurs de la chaîne de transport. Ces lignes, mortes-nées, n'ont
pas laissé de bons souvenirs, ni humainement, ni économiquement. Ce tableau sombre doit être
contrebalancé par un aperçu des lignes qui ont été une réussite.
B - les lignes exploitées
Au chapitre optimiste des liaisons qui marchent, on peut citer des lignes un peu partout en
Europe. La raison de leurs succès n'est jamais la même.
Il y a d'abord les lignes qui permettent à une industrie de se développer. Dans ces cas, un fond de
cale est assuré par un groupe industriel. Même si cela peut entraîner des désagréments pour le
développement du trafic, cela permet une certaine confiance des chargeurs qui savent que la ligne
ne s'arrêtera pas du jour au lendemain. Dans la logique du roulier, le principal fond de cale est
assuré par l'industrie automobile. Celle ci nécessite un acheminement régulier entre ses différentes
unités de production ou ses points de distribution. Sur la façade Atlantique, il en existe deux : l'une
depuis plus de 30 ans entre Nantes - Montoir et Vigo, assurée par Suardiaz pour le compte de
GEFCO (du groupe PSA-Peugeot-Citroen), l'autre, pour le compte de CAT (du Groupe Renault)
entre Santander et son « Hub » automobile au Havre, qui existe depuis 2001. Ces lignes offrent une
infrastructure dédiée au trafic de matériel roulant. Ainsi, le flux de voitures neuves est l'un des
moteurs du trafic roulier sur la façade ouest de l'Europe et jusqu'au Bénélux20. On peut aussi citer
comme exemple les industriels du papier qui ont ouvert la voie à des lignes vers la Baltique ou
encore, Airbus qui dédie dorénavant des navires au transport aéronautique21, navires qui sont à
20 A ce propos, voir la très intéressante étude menée en partenariat par le groupe CAT et ses partenaires, le Port Autonome du Havre, LD Lines, UECC et TLF à propos du projet NOSICA (Nouvelles Organisations à base de Services Intégrés de Cabotage maritime) visant à la diversification de ces lignes, et notamment des projets d'autoroutes de la mer.
21 « City of Hamburg : Nouveau roulier et nouvelle logique maritime pour Airbus » – www.meretmarine.com article du 07/07/2008
objectif réside dans la mise à la disposition des différents acteurs et utilisateurs du transport
d'informations sur le transport maritime à courte distance. Il a aussi un rôle fondamental dans la
dynamisation des projets touchants au SSS.
Ainsi sur son site sont répertorié, en plus d'une documentation fournie, des indications sur les
lignes, les liens nécessaires vers ses partenaires et les autres bureaux européens. Ces sites sont un
outil indispensable à la bonne lisibilité du TMCD. Il offre aussi une aide à l'orientation entre les
différents programme et projets mis en place et supervise ou coordonne toute initiative qui touche
de près ou de loin au TMCD. Les autoroutes de la mer en font partie. Il reste donc un interlocuteur
privilégié24
De plus, le fait que les différents bureaux soient organisés en réseau permet une lecture complète
des données relative au SSS dans l'espace européen et même au delà puisque très récemment la
Turquie a mis en place son propre bureau.
Au delà, l'un des meilleurs vecteurs de promotion du concept et des lignes préexistantes,
reste la qualité du service fourni. Une qualité qui passe d'abord par une grande accessibilité à l'offre
que ce soit par la sensibilisation des logisticiens, par la presse ou par le biais d'internet. Qui passe
également par une offre de service diversifiée et raisonnable, s'adressant tant aux entrepreneurs de
transport qu'aux chauffeurs routiers qui accompagnent leurs remorques. Qui passe enfin par la
satisfaction des professionnels qui en font l'usage et qui ne manqueront pas d'en faire écho. Une
ligne qui fonctionne est une ligne qui plaît. La qualité du service est donc primordiale.
Mais face au scepticisme, les initiatives de promotion ne peuvent être qu'une pierre de plus à
l'édifice. Il faut aux autoroutes de la mer un cadre solide, politique mais aussi institutionnel, qui
permette au delà des mots d'offrir une réelle possibilité de réalisation des lignes. C'est l'ajout de tous
ces éléments qui fera évoluer l'idée.
24 Je tiens d'ailleurs à remercier M. Millour, du BP2S pour sa disponibilité et son amabilité.
32
CHAPITRE 2 – UN LABORIEUSE IMPULSION
INSTITUTIONNELLE.
L'impulsion politique qui doit être donnée pour permettre la mise en place des autoroutes de
la mer, ne peut passer que par une coordination des institutions étatiques et européennes. C'est dans
ce double cadre que s'inscrit aujourd'hui le concept d'autoroutes de la mer. C'est ainsi qu'il a pu
évoluer. Mais cet encadrement n'a pas été immédiat, et il est le fruit d'une longue réflexion
commune. Il passe dorénavant par des programmes de financement et de promotion. C'est ainsi qu'il
nous faudra envisager cette volonté partagée de changer les choses (Section 1) avant de se pencher
sur la tentative bicéphale d'encadrement européen (Section 2) qui a vu le jour.
Section 1 – Une volonté partagée de changer les choses
La volonté politique d'œuvrer en faveur des autoroutes de la mer est désormais considérée
comme une volonté commune, et le nombre des récalcitrants tend à diminuer au fil du temps.
Néanmoins, nous l'avons déjà dit, la mise en place d'un tel projet n'est pas simple et une forte
mobilisation politique reste nécessaire pour que les moyens mis en œuvre atteignent la suffisance.
Voyons un peu comment s'articule cette mobilisation, depuis le niveau européen (I) d'où a germé
l'idée première, au niveau interne (II) échelon essentiel à la réalisation des projets.
I) Au niveau européen
L'intégration des autoroutes de la mer dans les modèles de pensée passe par une
sensibilisation tant au besoin d'un transport compétitif qu'au développement durable. Le cadre
européen, transnational, semble être le plus adapté car depuis quelques années, la prise en compte
de la préoccupation environnementale a été inscrite dans les objectifs de l'Union européenne. En
matière de transport, la politique communautaire a longtemps sous estimé le transport maritime.
Aujourd'hui, la prise de conscience de l'importance des côtes dans le développement économique a
permis la promotion à la fois du secteur maritime et du développement du transport durable. Il reste
maintenant à sensibiliser les acteurs à la nécessite de la mise en place des autoroutes de la mer, par
33
une mobilisation lisible autour du thème maritime. Ce n'est qu'en rendant à la mer sa pleine
importance dans les systèmes économiques et sociaux européens et en l'intégrant à une logique de
transport durable que la concrétisation de tels projets aboutira.
Ainsi il nous faut tour à tour voir comment l'Europe compte intégrer la mer dans sa politique
générale (A) et d'autre part quelle est l'impulsion donnée pour développer un transport durable (B)
A - Quand l'Europe se tourne vers la mer
C'est un paradoxe qu'il faut ici souligner. L'Europe, riche de milliers de kilomètres de côtes,
près desquelles résident près de la moitié de sa population, a mis beaucoup de temps à se tourner
vers la mer et le maritime alors même que les transports sont une de ses politiques phares et que
l'économie communautaire a toujours été dépendante du transport maritime.
L'intégration de la donnée maritime dans les politiques de l'Union, telle qu'on la connaît aujourd'hui
résulte d'un long parcours. Il a fallu passer par l'intégration de la donnée environnementale dans la
politique communautaire pour que tout ce qui touche la mer soit un peu mieux considéré : transport,
pollution, pêche...
Le glissement qui s'est opéré au fil du temps pour passer d'une Union purement économique à une
Union se préoccupant de la durabilité de ses projets n'est intervenue que tardivement. Elle a abouti à
ce que la protection de l’environnement soit consacrée à l’article 3 du Traité comme une politique
au même titre que la libre circulation des marchandises. Mais le retard pris a nécessité une grande
mobilisation et il a fallu longtemps avant que l'Europe ne se tourne vers la mer.
Aujourd'hui, les choses changent et les autoroutes de la mer, inscrites à la fois dans un objectif de
développement durable et de transport maritime performant sont le fruit de la conjugaison de ces
nouvelles sensibilités.C'est ainsi que ces problématiques ont été réfléchies puis intégrées à la
politique européenne notamment par le biais de plusieurs livres, marquant une évolution des
consciences. Récemment, en 2007, des idées novatrices ont vu le jour au sein des instances
européennes notamment grâce à la parution d'un livre vert sur la politique maritime intitulé « Vers
une politique maritime de l’Union: une vision européenne des océans et des mers » mieux connu
sous le nom de «livre bleu ». Il propose de ne plus gérer les différents secteurs du monde maritime
de manière sectorielle mais d'offrir une approche globale de leur gestion, enfin de faciliter
l'économie maritime. Il préconise aussi de tenir compte des contraintes notamment
environnementales qu'il présente. Ce livre et ceux qui doivent le suivre pour accroître ce
mouvement (par exemple un livre blanc qui ne serait plus porteur de propositions mais
34
d'orientations) témoignent de la volonté de la Commission de considérer la mise en place d'une
politique maritime intégrée comme un objectif stratégique pour la période 2005-2009. On parle de
« donner à l'Europe une couleur marine »25
Ce vent de réflexion sur l'avenir du secteur au sein de la politique européenne, souffle aussi
sur les projets d'autoroutes de la mer, qui allient à elles seules ces contraintes de compétitivité et
d'environnement. Concrètement et dans ce qui pourrait intéresser notre étude, c'est surtout l'idée
d'un espace maritime européen dont on entend de plus en plus parler qui doit être exploité. Il
permettrait une facilitation évidente des autoroutes de la mer, permettant une fluidité accrue dans le
passage portuaire administratif. En effet, comme l'a rappelle M. Barrot le 1er Février dernier dans
une conférence de presse à Paris, « aller par la route de la Pologne en Espagne ou au Portugal se fait
sans passer de frontières. Ce n'est pas le cas pour un navire ». Une idée qui témoigne de la volonté
politique d'inscrire pleinement les mers bordant L'Europe dans l'espace communautaire face à un
paradoxe qui illustre bien le retard pris en la matière. Mais au delà de l'approche du milieu, c'est
aussi le moyen qui fait aujourd'hui l'objet de toutes les attentions.
B – Quand le transport européen se tourne vers la mer
Bien au delà des prétentions politiques générales en matière de transport maritime, ces deux
dernières années ont vu se profiler une mutation profonde dans la notion de transport en Europe : la
commodalité, porteuse entre autre du projet d'autoroutes de la mer.
En 2001, le livre blanc sur la politique des transports est paru, ambitieux, présentant une soixantaine
de propositions en faveur du rééquilibrage des modes de transports au sein de l'Europe. Peut être un
peu trop ambitieux, car ses orientations ont été revues à la baisse cinq ans après, suite à un constat
d'insuffisance qui a donné lieu à une grande campagne de concertation des différents acteurs du
transport. Il reste néanmoins le premier support du concept d'autoroutes de la mer. S'occupant autant
de la modernisation de la politique infrastructurelle que du transport en lui même. Toutefois, le livre
préconisait à l'origine un report modal tous azimut, qui a été ressenti comme un désaveu dans le
secteur routier. On doit néanmoins à cette première mouture la réalisation de projets tels l'ouverture
à la concurrence du fret ferroviaire, la définition de trente projets prioritaires RTE, la création du
ciel unique européen et la promotion du transport intermodal notamment avec le programme Marco
Polo. Des réalisations primordiales dans la modernisation du système de transport et qui intéresse
au plus haut point nos autoroutes de la mer.
25 Hervé DEISS – « Jacques Barrot donne à l'Europe une couleur marine » - JMM du vendredi 8 février 2008
35
Toutefois, l'Union a du faire face à l’élargissement à dix nouveaux membres ainsi qu'à de nouvelles
contraintes telles une faible croissance économique, le prix élevé du pétrole, des préoccupation de
sûreté suite aux attentats du 11 septembre 2001 auxquels les instruments proposés, trop rigides, ne
pouvaient apporter de solutions. La prévision d'une croissance de 50% du transport de marchandises
dans l'Union élargie entre 2000 et 2020 a accéléré les choses. La révision s'imposant, c'est en 2006
que vit le jour « l'examen à mi-parcours du livre blanc sur les transports publié par la Commission
européenne, pour une Europe en mouvement, mobilité durable pour notre continent ». Il n'était alors
plus question d'envisager un transfert massif des flux de transport routier vers des modes de
transport alternatifs mais de répartir ceux-ci dans une logique d'optimisation entre les différents
modes offerts. Plus de tout route, mais une adaptation de chaque transport au moyen de la
comodalité.
A la faveur de ces orientations nouvelles, différents documents et communications de la
Commission ont vu le jour et ont permis la précision des moyens d'action pour la réalisation des
projets d'autoroutes de la mer. Au delà de l'implication politique qui s'est par exemple traduite par le
discours de Monsieur Barrot en ouverture à la première conférence ministérielle sur les autoroutes
de la mer, en 2006, à Ljubljana (Slovénie), les institutions européennes se montrent concernées par
le sujet par le biais de documents concrets. Ainsi, trois documents qui nous intéressent
particulièrement ont vu le jour en 2007. Deux communications de la Commission, l'une intitulée
« l'agenda de l'UE pour le transport de marchandise, renforcer l'efficacité, l'intégration et le
caractère durable du transport de marchandise en Europe »26, une autre intitulée « Plan d’action
pour la logistique du transport de marchandises »27 et enfin, un document de travail sur les
autoroutes de la mer28. Ce dernier, s'inscrivant dans le cadre des deux premiers offre une approche
complète des avancées effectuées et propose des solutions pour les problématiques rencontrées. Ces
documents sont complémentaires et témoignent de recherches concrètes de solutions pour un
transport durable.
En parallèle ont vu le jour une communication sur la politique portuaire29 ainsi qu'un « plan d'action
pour une politique maritime intégrée »30 qui ont fait suite au livre vert sur une politique maritime de
l'Union31. L'ensemble de ces travaux marquent un regain d'intérêt pour l'activité maritime et
26 L'agenda de l'UE pour le transport de marchandise, renforcer l'efficacité, l'intégration et le caractère durable du transport de marchandise en Europe – COM(2007) 606
27 Plan d’action pour la logistique du transport de marchandises – COM(2007) 60728 Document de travail sur les autoroutes de la mer - SEC(2007) 1367 – Disponible uniquement en anglais.29 Communication de la Commission sur une politique portuaire européenne COM(2007) 0616 30 Communication de la Commission du 10 octobre 2007 sur une politique maritime intégrée pour l'Union européenne
COM (2007) 57531 Livre vert de la Commission: Vers une politique maritime de l'Union: une vision européenne des océans et des mers
36
l'amorce d'une nouvelle orientation de la politique des transports.
Enfin, au delà de la Commission, d'autres instances se sont penchées sur le sujet. En témoigne l'avis
très complet rendu par le comité économique et social européen (CES) sur les autoroutes de la mer
le 19 Juin 200832. Formidable support, il reprend une à une les problématiques du sujet et tente d'y
apporter des solutions. Le Comité y affirme son « plein soutien aux mesures visant à développer et
promouvoir le TMCD ». Il propose la création d'un « label » de qualité autoroutes de la mer. Il
formule en outre un nombre conséquent de propositions concrètes et intéressantes.
C'est donc une politique complète que développe aujourd'hui l'Union européenne, et qui ne
peut qu'appuyer la bonne mise en œuvre des projets d'autoroutes de la mer en cours. Mais
l'impulsion européenne doit être doublée par un autre soutien, inscrit dans la proximité.
II) Au niveau national
Au delà des aspirations de la grande Europe, les états et collectivités territoriales sont eux
aussi sollicités pour promouvoir un autre mode de penser le transport. C'est ainsi que nous allons
voir qu'en France notamment mais aussi dans d'autres pays européens la volonté politique (A) qui
traduit cette prise de conscience se double de programmes d'action (B) performants.
A - Volonté politique
La mobilisation engendrée par le Grenelle de l'environnement qui a eu lieu l'an passé à Paris
a engagé la France dans un grand débat autour du développement durable. Les autoroutes de la mer
ont été maintes fois évoquées, permettant une sensibilisation de tous les interlocuteurs. Le président
Sarkozy l'a lui même dit, « la priorité ne sera plus au rattrapage routier mais au rattrapage des autres
modes » et a réitéré son soutien aux autoroutes de la mer françaises, en Méditerranée et en
Atlantique33. Une mobilisation qui a du réjouir les nombreux parlementaires et élus locaux déjà
engagés pour la réalisation de tels projets par l'intermédiaire de rapports ou d'actions au niveau
local.
COM (2006) 27532 Avis du Comité économique et social européen sur Les autoroutes de la mer dans le chaîne logistique –
2008/C151/07 – Jo du 17/06/2008 p 20-24. Disponible sur le site Eurlex : eur-lex.europa.eu33 Grenelle de l'environnement - « Nous allons réhabiliter le transport fluvial et maritime » JMM vendredi 9 novembre
En France, depuis la loi LOTI de 8234, l’objectif est de « satisfaire aux besoins des usagers
dans les conditions économiques, sociales et environnementales les plus avantageuses pour la
collectivité », en s’appuyant sur « le développement harmonieux et complémentaire des divers
modes de transport ». Elle précise en outre que « pour les marchandises, le développement de
l’usage du transport fluvial, ferroviaire, du transport maritime, et plus particulièrement du cabotage,
revêt un caractère prioritaire [et que,] à cet effet, des dotations du budget de l'état encouragent le
recours au transport combiné par des compensations tarifaires aux opérateurs, aux termes de
conventions passées entre l'état et les opérateurs qui s’engagent sur des objectifs de développement
et d’organisation ».
En première ligne pour la réussite de cet objectif, les ministères des transports et de l'écologie, du
développement et de l'aménagement durable. Ils sont les principaux interlocuteurs politiques
s'agissant des autoroutes de la mer. Ils n'agissent pas toujours directement ce qui donne lieu à
l'apparition de nouveaux intervenants, missions ou agences subsidiaires qui traitent concrètement
des besoins, notamment en subventions. Ce qui entraîne une mosaïque de petites structures ayant
toutes un rôle important à jouer mais qui a tendance à complexifier les choses.
L'implication des ministères se base sur la conception de programmes de soutien, mais aussi et
surtout sur le développement des relations à la fois avec les autres états membres et avec les
autorités communautaires d'où une capacité d'action politique de première ligne. Remarquons par
exemple dans l'actualité le partenariat mis en place le 14 avril dernier entre Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat aux transports et Ana Paula Vitorino, ministre portugaise en charge des transports,
d'un groupe de travail sur les autoroutes de la mer.
L'idée est que l'impulsion vienne autant des états, pris individuellement que des coopérations entre
états ou que des institutions européennes, afin que naisse une volonté commune de concrétisation
des projets. C'est une double dynamique qui se met en place : verticale, du bas vers le haut entre les
initiatives locales, témoins de la réalité du terrain, et les organes d'état et des organes d'état vers les
organes communautaires, et du haut vers le bas, puisque l'impulsion communautaire pour apporter
des solutions rejaillit sur les états membres qui eux même la répercutent sur les acteurs locaux ;
horizontale par la coordination ente régions et entre états (l'autorité régionale est dans certains états
membres plus importante que l'autorité étatique)
B - Plan d'action
Ainsi, depuis quelques années, l'Etat a entrepris plusieurs types d’actions pour développer le
34 Loi n°82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs
38
cabotage et le transport combiné, dans lesquelles entrent aujourd'hui les projets d'autoroutes de la
mer. Il s'agit notamment de dispositifs d'aides au financement réparties pour ce qui nous occupe
entre promotion du cabotage et promotion du transport combiné :
Concernant la promotion du cabotage, il est étonnant de remarquer la grande disparité dans
les organes de distribution de ces aides.
Il y a d'une part des aides au démarrage ponctuelles assurées par la mission du transport intermodal
de marchandises, affiliée à la direction générale de la mer et des transports, dépendant du ministère
de l'écologie. Celui ci propose, sur appel à projet, une aide pouvant aller jusqu'à 30% des dépenses
éligibles et jusqu'à deux millions d'euros. C'est le cas en ce moment pour les appels à projet des
autoroutes de la mer entre la France et l'Espagne sur la façade Atlantique dont on devrait connaître
les résultats prochainement. Ces aides seront alors versées en complément du programme européen
RTE-T.
Il y a d'autres part des aides spéciales sur des éléments particuliers du projet et des aides aux études
de faisabilité traitées par des entités sous-jacentes. L'ADEME35 notamment agit en complément du
ministère. Elle finance les aides aux études de faisabilité jusqu'à hauteur de 50% et pour les
dépenses d'équipement jusqu'à hauteur de 25%36. Elle est aussi engagée dans une action
d'information par le biais de rapports et bilans publiés régulièrement sur les transports.
En matière de transport combiné, le dernier programme français conduit par le ministère des
transports a été approuvé par la Commission européenne par une décision du 17 juin 2008 pour la
période 2008-2012. Dans ce cadre, les opérateurs de transport combiné doivent répondre à des
appels d'offre. L'aide consiste en une subvention forfaitaire par unité transportée en transport
combiné maritime, entre deux états. Pour l'année 2008, l'actualité est brûlante puisque les projets
doivent être déposés avant le 28 août 2008 à 16h. L’aide au démarrage fait elle l'objet d'un appel à
manifestation d’intérêt distinct. Ce programme a pour objectif de doubler les flux de transport
combinés jusqu'à atteindre 18 milliard de tonnes par kilomètre en 2012.
Mais bien au delà les problématiques européennes rejaillissent sur les actions françaises. Ici
aussi se pose la question de l'infrastructure et un autre fond joue un rôle essentiel dans le
développement des autoroutes de la mer : l'agence de financement des infrastructures de transport
de France (AFITF). Créée en novembre 200437, elle constitue désormais l'élément central du
35 ADEME, Agence pour le développement et la maîtrise de l'énergie, site www.ademe.fr36 Chiffres donnés à titre indicatifs - Voir mémoire droit et financement du merroutage – CDMT 200137 Décret No. 2004-1317 du 26 novembre 2004
financement des grands projets d'infrastructures de transport multimodal français38. Son budget pour
le période 2005-2013 devrait s'enlever à 7,5 milliards d'euros. Il convient de noter que les
ressources de l'agence proviennent essentiellement de redevances domaniales versées par les
sociétés concessionnaires d'autoroute. En d'autre terme, la reversions des péages autoroutiers. Le
serpent de mer de la juste rémunération de l'utilisation des infrastructures rejaillit ici.
Si la France a été un pays précurseur au sein de l'union européenne, elle est maintenant
rejointe par d'autres états dans son action pour la promotion du cabotage et des autoroutes de la mer.
C'est le cas notamment de l'Espagne, l'Italie, la Belgique, le Royaume Uni, le Portugal, la Grèce,
etc. grâce à l'influence de leurs bureaux de promotions nationaux. La prise de conscience de
l'importance du report modal au sein de l'Union européenne permet ou va permettre la prise de
mesures nationales de soutien au développement du transport maritime à courte distance et donc des
autoroutes de la mer. Des appels à projet sont lancés, fruit du partenariat entre les différents états
concernés par la ligne d'autoroute à ouvrir, comme c'est le cas entre la France et l'Espagne39. Celle ci
entre dans le programme des réseaux de transport transeuropéen, et dans le projet Marco Polo que
nous étudierons plus loin. Mais il est proposé pour cette réalisation un financement étatique conjoint
par des subventions françaises à hauteur de 41M€ via l’AFITF et espagnoles à hauteur de 15 M€,
cumulable avec les projets européens.
Ainsi, le niveau de financement étatique est jugé performant. Mais les ressources qu’ils proposent
sont insuffisante et le réel support à la mise en place des autoroutes de la mer réside dans les
programmes communautaire que nous allons maintenant envisager.
Section 2 – Une tentative bicéphale d'encadrement européen
L'Europe, s'est en effet dotée de deux programmes de financement distincts s'appliquant aux
autoroutes de la mer. Si l'intention est louable, elle est souvent porteuse de confusion. D'aucun n'en
connaissant qu'un et ne jurant que par celui la, d'autres connaissant les deux mais ne sachant pas
pourquoi il y en a deux et quelle utilisation en faire. Nous allons tenter ici d'éclaircir un peu ce
mystère, qui ajoute encore à la complexité de la mise en place des autoroutes de la mer. Car si en
théorie les deux programmes ne peuvent se cumuler nous allons voir qu'ils sont très
38 Les projets ont été arrêtés lors du Comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire (CIADT) du 18 décembre 200339 Une convention cadre a été mise en place entre les deux états depuis 2006.
40
complémentaires et nécessaires à un fonctionnement optimal des autoroutes de la mer. A des
niveaux différents. Voyons donc d'abord le projet Marco Polo, que nous qualifierons d'impulsion
opérationnelle (A) puis le projet RTE-T que nous qualifierons d'impulsion infrastructurelles (B)
I ) Une impulsion opérationnelle : Marco Polo
En matière de transport combiné, l'Union européenne s'est tout d'abord dotée d'un
programme visant à promouvoir l'intermodalité, en adéquation avec les orientations du Livre blanc.
Celui ci, plutôt généraliste correspond en tout point à l'action recherchée pour les autoroutes de la
mer. C'est le programme Marco Polo II dont l'objectif est d’aider les entreprises durant la phase de
démarrage de nouveaux services d'autoroutes de la mer ou d'amélioration de lignes préexistantes.
Voyons donc le programme (A) et ses applications (B).
A) Le programme
Il est le résultat d'une succession chronologique de programmes dont l'ambition n'a cessé de
croître. Entre 1997 et 2001, le programme PACT visait à appuyer des initiatives commerciales en
faveur de l'intermodalité. Lui a succédé le programme Marco Polo 40, déjà plus ambitieux, doté
d'un budget de 75 millions d'euros. Il visait à améliorer les performances environnementales du
système de transport de marchandises et à encourager le transfert modal. Prévu pour la période
2003-2006, son objectif était de réduire l'engorgement du réseau routier et d'encourager le report de
fret de la route vers d'autres modes au sein de l'Union européenne. On ne privilégiait pas encore les
autoroutes de la mer mais l'idée était lancée. Sa nouveauté résidait dans la fixation d'objectifs clairs,
de contrôles et de dates butoirs pour la réalisation des projets. Ne s'appliquant qu'à des actions
commerciales, le programme prévoyait l'aide au démarrage des projets qui lui étaient soumis.
La participation pour chaque type d'action était limitée à un certain pourcentage de l'investissement
total : 30% pour les actions de report modal, 35% pour les « actions à effet catalyseur » (parmi
lesquelles on trouvait les autoroutes de la mer) et 50% pour les actions d'apprentissage en commun.
Mais face à l'ampleur de la tâche, aux coûts des différents projets, et à la prochaine ouverture de
l'Union, le budget alloué se révéla largement insuffisant. D'où le passage au projet Marco Polo II.
Nettement mieux doté il est reconnu comme étant particulièrement efficace dans son approche de 40 Règlement (CE) n° 1382/2003 du Parlement européen et du Conseil du 22 juillet 2003 concernant l'octroi d'un
concours financier communautaire visant à améliorer les performances environnementales du système de transport de marchandises (« programme Marco Polo ») .
41
l'intermodalité. La proposition initiale de la Commission était d'allouer un budget total de 740
millions d'euros, de quoi permettre de grandes réalisations. Mais le règlement (CE) n°1692/2006 du
Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 2006, « établissant le deuxième programme Marco
Polo pour l'octroi d'un concours financier communautaire » a revu ces prétentions à la baisse et
l'enveloppe budgétaire s'élève finalement à 400 millions d'euros pour la période 2007-2013.
Abrogeant le règlement (CE) n°1382/2003 il vise comme Marco Polo I à « améliorer les
performances environnementales du système de transport de marchandises ». Mais sont proposés
deux nouveaux types d’action, comme projets à part entière : les autoroutes de la mer et les actions
d’évitement de trafic.
Les autoroutes de la mer sont définies comme des options maritimes intemodales intégrées de haute
qualité. Le programme tablant sur une augmentation du trafic routier de près de 60% d'ici 2013,
espère que le transfert de fret relatif à « l'action autoroutes de la mer » sera au moins équivalent.
Voici en substance ses objectifs en la matière :
Article 2 c du règlement :
«action en faveur des autoroutes de la mer»: toute action novatrice visant à transférer de manière directe du fret de la route vers le transport maritime à courte distance ou vers une combinaison du transport maritime à courte distance avec d’autres modes de transport où les parcours routiers sont aussi courts que possible; les actions de ce type peuvent inclure la modification ou la création des infrastructures auxiliaires nécessaires à la mise en œuvre d’un service de transport maritime intermodal de très grands volumes et à haute fréquence, comprenant, de préférence, l’utilisation des modes de transport les plus écologiques, tels que la navigation intérieure et le transport ferroviaire, pour le transport de marchandises dans l’hinterland et les services porte à porte intégrés. Si possible, les ressources des régions ultrapériphériques devraient également être intégrées;
Il est à souligner qu'il n'est ici pas question de réseau infrastructurel mais de projet commercial et
d'aides au démarrage. Ce programme prévoit en fait d'utiliser les réseaux transeuropéens de
transport comme support à la mise en place d'autoroutes de la mer. Le règlement insiste sur la
complémentarité des deux programmes.
B) Ses application
C'est le règlement portant création du Programme Marco Polo II qui définit les modalités de
mise en application de celui ci. Concrètement il s'agit de sélectionner des projets dits « de grande
qualité », nouveaux ou préexistants répondant aux besoins définis pour les autoroutes de la mer
42
entre deux états membres ou un état membre et un pays tiers proche, ce qui est une nouveauté.
Les projets retenus font ensuite l'objet de contrats passés entre les bénéficiaires, associés en
consortiums de deux entreprises ou plus, et la Commission. Après concertation, ils sont dotés d'une
enveloppe propre, représentant une partie du budget alloué au programme pour l'année en cours.
Toutefois, depuis Marco Polo on est passé d'un plafond de financement de 30% pendant trois ans à
de 20% pendant deux ans.
Il est mis en avant que le traitement de ces programmes par les états ne serait pas suffisant face à
l'ampleur de la tâche d'où le passage au niveau communautaire grâce à l'application du principe de
subsidiarité (article 5 du Traité CE). Ainsi, si les états peuvent avoir un rôle à jouer c'est au travers
d'entités publiques prenant part au programme, ou par le biais de leurs propres aides d'état que nous
avons précédemment envisagées. Toutefois, il est rappelé que ces aides ne doivent pas avoir d'effet
sur la concurrence. Leur versement doit aussi répondre à une obligation de transparence. Elles
doivent être rendues publiques et faire l'objet de bilans réguliers.
Pour l'attribution de ces aides, des appels à projet ont lieu chaque année. En 2008, ils
devaient être présentés avant le mois d'avril. Trente et un ont été présélectionné et doivent être
étudiés par les organes de la commission européenne. On ne connaît pas aujourd'hui leur liste exacte
mais voici comment les sommes devraient se répartir41.
Par mode :
− 59% fer
− 20.5% combiné rail-mer
− 18% autoroutes de la mer et short sea shipping
− 2% fluvial
S'agissant des projets présentés en 2007, on connaît aujourd'hui la liste des 23 projets retenus et la
répartition des 50 millions d'euros alloués, qui a été négociée pendant l'année, après sélection. Seul
un projet est labellisé autoroute de la mer et est financé à hauteur de 6800000 euros. Il s'agit d'une
ligne régulière Roro entre Zeebruge et Bilbao de trois rotations par semaines au démarrage, en
prévoyant six ensuite. Elle est notamment le fruit du partenariat entre les bureaux belges, espagnols
et néerlandais de la Société Transfenica. D'autres projets, plus médiatisés en France, sont réalisés ou
en cours de réalisation. Il s'agit notamment de la ligne Toulon-Civitavecchia qui a profité du
programme à hauteur de 2,5 millions d'euros. Mais peu de projets sont « labellisés » autoroutes de
41 Source BP2S
43
la mer, témoignant que les conditions définies sont assez strictes.
En parallèle et grâce au programme se développent une multitude de lignes classiques de short sea
shipping et, d'une manière plus générale des projets accessoires visant à développer le transport
maritime à courte distance : une école de formation du short sea shipping à Barcelone, et le projet
XML qui promeut une standardisation des échanges de données dans ce cadre. Le programme
s'intéresse donc à tous les maillons de la chaîne et respecte la logique qui veut que les autoroutes de
la mer doivent répondre à des contraintes et ont des spécificités bien particulières.
Notons que le programme Marco Polo est plutôt bien perçu tant par les professionnels que
par les politiques. Il est reconnu comme étant un programme qui fonctionne. L'objectif final est
celui d'un bénéfice d'environ cinq milliard d'euros. Il reste néanmoins un programme d'aide au
démarrage qui ne peut être prolongé dans le temps et ne s'adresse qu'aux entreprises. C'est donc un
projet utilisable de manière ponctuelle. On parle aujourd'hui de sa révision afin de mieux articuler
les dispositifs d'aides et ainsi harmoniser les différents cadres proposés et simplifier la pratique.
Nous allons voir qu'en effet, la liste des programmes, projets ou orientations dans lesquelles
s'inscrivent les autoroutes de la mer doit encore compter avec un autre élément, de taille : le
programme RTE-T.
II ) Une impulsion infrastructurelle : RTE-T
L'Europe a agi, depuis sa création en faveur de la liberté de circulation ce qui a aboutit à
l'ouverture des frontières entre les états membres et à la création d'un grand marché commun. Les
marchandises et les personnes vont et viennent sans contraintes. Pour appuyer cette grande
ouverture et pleinement concrétiser la libre circulation, l'Europe nécessite un réseau de transports
approprié. C'est la problématique des infrastructures de transport au sein de l'Union qui se pose
aussi et nous l'avons vu, en matière d'autoroutes de la mer. Voyons donc, de la même manière que
pour Marco Polo, le programme RTE-T (A) et son application aux autoroutes de la mer (B)
A) Le programme
Le réseau infrastructurel est traditionnellement de la compétence des états. Une part de
souveraineté, une part de d'aménagement du territoire font qu'il n'a pas été question de transfert de
compétences mais de coopération entre les états et l'Union. Aujourd'hui, la direction générale des
44
transports a mis en place différents programmes d'aide au financement des infrastructures en
collaboration avec les états, afin d'assurer la fluidité des échanges dans l'espace communautaire. En
effet, l'augmentation des flux de transports attendue ces prochaines années et déjà amorcée avec
l'élargissement ne laissait pas d'alternative.
Le programme RTE-T (Réseaux de Transports Européens – Transport) s'attelle à améliorer
les infrastructures d'intérêt européen existantes, à réaliser de nouvelles liaisons, et à permettre
l'interopérabilité des éléments du réseau. Il s'est fixé trois objectifs concrets : la concentration des
flux, la cohésion du dispositif et la réduction de la congestion. Il s'agit de moderniser les réseaux
routiers, ferrées, les voies navigables, les ports, aéroports, plates-formes intermodales et pipelines
mais aussi les moyens de navigation et les services nécessaires au fonctionnement de ces
infrastructures.
Historiquement, l'idée d'une politique des réseaux transeuropéens n’est pas nouvelle. Elle a
germé dans les années 90 avec l'intégration dans le traité communautaire, des articles 154 à 156 sur
les réseaux transeuropéens. Ceux-ci prévoyaient une coopération accrue entre les états et la
Communauté pour la réalisation d'orientations prédéterminées en matière de réseaux infrastructurels
de transports, énergie et télécommunications. En 1994, le conseil européen d’Essen accepta une
liste de quatorze projets «spécifiques» du RTE-T établis par la Commission européenne. Vinrent
ensuite deux actes importants, le règlement pour l’octroi d’un concours financier dans le domaine
des réseaux transeuropéens42 et l'adoption des orientations du RTE-T par le Parlement européen le
23 Juillet 9643. Le programme fut alors définitivement lancé, prévoyant au maximum 10% du
42 Règlement (CE) n° 2236/95 du Conseil, du 18 septembre 1995, déterminant les règles générales pourl'octroi d'un concours financier communautaire dans le domaine des réseaux transeuropéens, modifié e (CE) n°
807/2004 du Parlement européen et du Conseil, (JO L 143 du 30.4.2004, p. 46.)43 Décision n° 1692/96/CE du Parlement Européen et du Conseil, du 23 juillet 1996, sur les orientations communautaires pour le développement du réseau transeuropéen de transport, modifiée par la décision n° 884/2004/CE, JO L 201 du 7.6.2004, p. 1.
D’ici à 2020, le RTE-T comptera
89 500 km de routes
94 000 km de voies ferrées,
dont quelque 20 000 km de lignes à grande vitesse pouvant
supporter au moins 200 km/h.
11 250 km de voies navigables
incluant 210 ports fluviaux.
294 ports maritimes et quelque 366 aéroports.
45
financement de chaque projet.
En 2001 le projet a été étendu aux infrastructures portuaires et il a fallu attendre 2004 pour
découvrir la liste de trente projets prioritaires que l'on connaît aujourd'hui. Ce n'est en effet qu'après
le rapport de l'ancien Vice-président de la Commission européenne, Karen Van Miert44 que sera
prise la proportion du travail restant à accomplir. Seul trois projets sur les quatorze initiaux avaient
été réalisés, faute en grande partie de financement suffisant.
Le programme est alors refondu pour inclure de nouveaux projets, prenant mieux en compte les
propositions des états, l'élargissement en cours de l'UE et augmentant le plafond d'investissement
jusqu'à 20% du montant de l'investissement. C'est de ces nouveaux projets qu'ont fait partie les
autoroutes de la mer, au numéro 21 de la liste fixée.
B) Son application aux autoroutes de la mer
L'objectif global du programme est de permettre une complémentarité dans les transports à
petite et grande échelle avec des moyens variés qui permettront à la fois une grande liberté de choix
du mode et une réduction considérable de l'engorgement routier. On veut assurer une mobilité des
personnes et des biens, offrir aux usagers des infrastructures de qualité, couvrir l'ensemble de la
Communauté, le tout en étant économiquement viable et opérationnel rapidement. C'est pour cela
que les autoroutes de la mer sont entrées dans le cadre du programme. On se rend compte à la
lecture de la liste des projets retenus qu'elles sont le seul projet prioritaire en relation directe avec la
mer. Pourtant; à la vue des cartes du réseau, elles constituent le maillon indispensable à la
communication entre les nœuds de la toile des infrastructures terrestres, permettant la continuité
dans les flux de transports.
Les autoroutes de la mer sont prévues à l'article 12bis des orientations RTE-T.
« 1. Le réseau transeuropéen des autoroutes de la mer vise à concentrer les flux de fret sur des itinéraires maritimes à vocation logistique, de manière à améliorer les liaisons maritimes existantes qui sont viables, régulières et fréquentes pour le transport de marchandises entre États membres ou à en établir de nouvelles, afin de réduire la congestion routière et/ou améliorer la desserte des États et des régions périphériques et insulaires. Les autoroutes de la mer ne devraient pas exclure le transport combiné de personnes et de marchandises, à condition que le fret soit prédominant”.[...]
La mise en place des projets doit débuter avant 2010. La Commission a publié en février 2005 un
vade-mecum sur l’article 12bis des orientations RTE-T. Il détermine plus avant les critères
44 Rapport du Groupe à haut niveau sur le réseau transeuropéen de transport dit Rapport Van Miert - 27 juin 2003
46
d'éligibilité et d'évaluation des projets qui seront présentés pour permettre d'établir un plan de
financement. Il fait aussi la distinction entre le financement classique des ports entrant dans le
projet, et les aménagements portuaires à envisager pour les autoroutes de la mer.
Pour proposer une définition concrète des autoroutes de la mer dans le cadre du RTE-T, on
peut dire qu'il s'agit d'améliorer les liaisons maritimes existantes qui sont viables, régulières et
fréquentes pour le transport de marchandises entre États membres et d'en créer de nouvelles le cas
échéant. L'objectif est de canaliser les flux de fret maritimes afin de réduire la congestion routière et
d'améliorer la communication entre les États et les régions périphériques et insulaires.
Pour ce faire, quatre corridors ont été définis, des zones au sein desquelles les états concernés
devront proposer des projets. A noter qu'il ne s'agit pas ici de financer un navire mais plutôt des
infrastructures portuaires, des plates formes intermodales terre-mer ou fleuve-mer, mais aussi des
équipements de gestion logistique, sûreté, sécurité, équipements administratifs et douaniers, ou pour
les lignes Baltique, des équipements de déglaçage.
Ces quatre corridors sont répartis sur tous les versants maritimes de l'Europe :
- La mer Baltique pour une liaison entre états de la péninsule scandinave et d’Europe
centrale et occidentale, y compris l’axe passant par le canal mer du Nord/mer Baltique
- L’Europe de l'ouest pour une liaison entre la Péninsule Ibérique et la mer du Nord - mer
d’Irlande via l’arc atlantique
- L’Europe du Sud-Est pour une liaison entre la mer Adriatique - mer Ionienne et à la
Méditerranée orientale, afin d’englober Chypre
- L’Europe du Sud-Ouest, pour une liaison en Méditerranée occidentale reliant l’Espagne, la
France, l’Italie et Malte, se raccordant à l’autoroute de la mer de l’Europe du Sud-Est, et incluant
des liaisons avec la mer Noire
Ces quatre projets définis, le rôle des états sera de déterminer les ports concernés, les
aménagements nécessaires en fonction des besoins et des contraintes. La concrétisation est prévue
pour 2010 et le lent processus des appels à projet et de leur sélection est en cours. On peut encore
une fois citer ici le cas de l'autoroute de la mer franco-espagnole sur la façade Atlantique. Les
résultats de l'appel à projet devraient être connus d'ici peu45. Inscrit dans le cadre du projet RTE-T,
la convention de partenariat entre les deux états leur permettra de sélectionner conjointement un
projet. Celui -ci sera ensuite communiqué aux instances européennes, et fera l'objet de financements
conjoints, en espérant un report de trafic de 100000 remorques dans les cinq ans. Le même type
d'appel à projet est en train d'être mis en place entre la France, l'Italie et l'Espagne pour l'autoroute
Méditerranée occidentale.
45 Certainement courant septembre 2008
47
Il faut le souligner, l'interrogation majeure reste toujours la même : le financement. Pour que
ces projets se réalisent, le budget devrait s'élever à environ 600 milliards d’euros pour l'intégralité
du programme46. Il est de 225 milliards. Les nouvelles infrastructures requises, très coûteuses, n'ont
pas bénéficié de moyens suffisants et ont pris un retard considérable. D'où une nouvelle tranche du
projet ouverte pour 2007-2013 et revoyant les orientations à la hausse. Car sans un réseau
performant au sein de l'Union, la massification du transport serait impossible à gérer, et le taux de
croissance économique serait considérablement ralenti. Sans compter l'impact sur l'environnement.
Mais l'Union ne peut financer qu'une partie de ces projets et la coopération des états et des
investisseurs privés est indispensable. La Commission européenne cherche d'ailleurs à faciliter la
création de partenariats public-privé, et s'appuie d'une part sur Fonds européen de développement
régional et sur le Fonds de cohésion mais aussi sur la Banque européenne d'investissement (BEI)47
pour la contractation d'emprunts ou la garantie de ceux ci. Mais surtout, l’UE a lancé une politique
de tarification des infrastructures existantes dans les secteurs ferroviaire et routier par le biais par
exemple de la directive eurovignette permettant de faire rentrer des fonds.
46 Projets prioritaires et non prioritaires47 Site BEI : www.bei.org
Remarque conclusive : la mise en corrélation des initiatives
Pour mettre en perspective les deux projets européens touchant aux autoroutes de la mer que
sont Marco Polo II et RTE-T, il ne faut pas les placer au même niveau. Le premier prévoit une aide
au démarrage des lignes, un résultat immédiat, urgent, une nécessité à court terme d'un report modal
à grande échelle. C'est un programme d'aide aux entreprises et aux états qui doit être éphémère et ne
permettre que le lancement des lignes. Le projet RTE-T doit lui produire des effets plus lointains
dans le temps, mais plus durables, créant des infrastructures nouvelles, des constructions en dur,
support à terre des autoroutes de la mer. On a compris, le caractère essentiel du maillon terrestre
dans la réussite des autoroutes de la mer. Mais on peut continuer à s'interroger sur l'appréhension
de la notion comme d'une infrastructure puisque le projet ne prévoit pas le financement des navires.
Ce ne serait pas alors un réel prolongement du territoire. Mais qu'importe si leur mise en application
peut déboucher sur une réalisation concrète et pérenne. Reste que sur le papier, les deux
programmes ne devraient pas pouvoir s'appliquer aux mêmes projets... si cela n'a rien de choquant
pour certaines réalisations, l'ampleur, la complexité et la particularité des autoroutes de la mer,
conjugaison entre structure, infrastructure et transport, doit pousser à s'interroger sur les réelles
modalités d'utilisation de ces aides, auxquelles il faut en plus ajouter la multiplication des
initiatives, étatiques, publiques et privées. C'est le propre d'un projet en voie de création.
Même si le problème récurent du financement ne pousse pas à l'optimisme, les projets concernant
des infrastructures, on le sait doivent s'envisager à long terme... Ainsi la mise en corrélation de tous
les programmes que nous avons évoqués, de toutes ces mobilisations et motivations, sources de
projets et de financement peuvent nous laisser espérer qu'on est en train de passer d'une simple
volonté politique à un début de concrétisations.
49
Si un cadre se dessine, et si les initiatives sont nombreuses, les autoroutes de la mer ne sont
pas pour autant assurées de leur pérennité. Elles se heurtent à divers obstacles, notamment
juridiques et financiers, que l'on cherche à atténuer en vue de faciliter leur mise en place. Elles
profitent aussi du vent nouveau qui fait se tourner un peu plus la terre vers la mer et qui oblige
politiques et techniciens à envisager de nouvelles solutions. Dès lors, si l'on peut penser que la mise
en œuvre des autoroutes de la mer est inextricable (Chapitre 1) on doit aussi envisager l'espoir de
perspectives optimistes (Chapitre 2)
PARTIE 2
LES AUTOROUTES DE LA MER A LA RECHERCHE DE SOLUTIONS UTILES
50
CHAPITRE 1 – LES AUTOROUTES DE LA MER OU
L'INEXTRICABLE MISE EN OEUVRE
S'il y a bien deux points clefs pour la mise en place d'un projet tel que celui qui nous occupe
ce serait le cadre juridique et le financement à lui apporter. Ce sont les deux piliers d'une inscription
dans le temps de tout nouveau concept de grande ampleur. La recherche de sécurité pour la
réalisation des autoroutes de la mer doit donc nous pousser maintenant à étudier la difficulté
d'adapter le régime juridique (Section 1) et à envisager les facteurs de leur pérennisation (Section 2)
Section 1 – De la difficulté d'adapter le régime juridique
Le transport s'inscrit aujourd'hui dans une optique de door to door et de compétitivité. Le
cadre juridique offert aux praticiens doit être adapté et doit permettre d'assurer une sécurité
juridique accrue. En effet un transport combiné regroupe des modes différents, chacun ayant son
régime de responsabilité propre. Les autoroutes de la mer s'inscrivent dans cette recherche d'un
cadre approprié, peut être encore plus qu'un transport classique, du fait de l'objectif de
simplification et de rapidité qui est le leur. Dans cette logique il nous faut envisager les moyens à
mettre en œuvre : d'une part en prenant en considération les risques et avantages d'un régime
juridique propre (I), d'autre part en recherchant des outils d'unicité juridique performants (II)
I ) Risques et avantages d'un régime juridique particulier
Il existe au plan international des conventions adaptées à chaque mode de transport : fer,
fluvial, aérien, routier, maritime. Ces conventions sont toutes impératives et s'appliquent en matière
de transport international de marchandises. Par contre, et malgré quelques tentatives il n'y a toujours
pas de vraie convention internationale multimodale. En vue d'offrir un régime juridique adapté aux
autoroutes de la mer qui s'inscrivent dans une optique de multimodalité, et même plus, il nous
semble bon ici de nous faire une idée des conséquences de l'utilisation parcellisée des conventions
existantes (A) puis de nous interroger sur la création d'un véritable régime multimodal (B) et sur
son application aux autoroutes de la mer.
51
A – Conséquences de l'utilisation des conventions existantes
Les autoroutes de la mer visent, on le sait désormais à transférer des flux routiers vers des
navires entre deux états, notamment par un trafic roulier. Il nous faut donc envisager les
conventions s'appliquant en l'espèce, à savoir la convention routière, la CMR et les conventions
maritimes et déterminer si leur articulation pourrait être adéquate pour l'encadrement juridique des
autoroutes de la mer.
La convention de Hambourg ne sera que partiellement évoquée, les autoroutes de la mer ayant
encore à cette heure un cadre européen, le petit nombre de pays membres (et leur éloignement des
côtes) l'ayant ratifié nous porte à penser qu'elle n'est pas une priorité malgré les avantages qu'elle
représente. Elle deviendra une possibilité si des autoroutes de la mer doivent s'ouvrir au sud et que
l'application du régime maritime de droit commun est alors retenue.
La convention CMR, convention sur le transport de marchandises par route, signée le 19 mai
1956 à Genève, est la convention applicable au transport international routier. Elle prévoit dans son
article 2 le cas ou l'engin routier est transporté sans rupture de charge par mer, terre, fer ou air. La
convention s'applique alors de bout en bout, sans tenir compte des modes de transport utilisés, sauf
si un dommage apparaît et que son intervention ne peut être que la conséquence de la partie non
routière du transport. On appliquera alors la convention du mode durant lequel le dommage s'est
produit au transporteur routier, sa responsabilité étant alors calquée sur celle du transporteur
maritime. Au contraire, s'il n'est pas possible de déterminer où le dommage s'est produit, la CMR
continuera à s'appliquer.
Article 2 de la CMR
1. - Si le véhicule contenant les marchandises est transporté par mer, chemin de fer, voie navigable intérieure ou air sur une partie du parcours, sans rupture de charge sauf, éventuellement, pour l'application des dispositions de l'article 14, la présente Convention s'applique néanmoins, pour l'ensemble du transport. Cependant, dans la mesure où il est prouvé qu'une perte, une avarie ou un retard à la livraison de la marchandise qui est survenu au cours du transport par l'un des modes de transport autre que la route n'a pas été causé par un acte ou une omission du transporteur routier et qu'il provient d'un fait qui n'a pu se produire qu'au cours et en raison du transport non routier, la responsabilité du transporteur routier est déterminée non par la présente Convention, mais de la façon dont la responsabilité du transporteur non routier eût été déterminée si un contrat de transport avait été conclu entre l'expéditeur et le transporteur non routier pour le seul transport de la marchandise, conformément aux dispositions impératives de la loi concernant le transport de marchandises par le mode de transport autre que la route. Toutefois, en l'absence de telles dispositions, la
52
responsabilité du transporteur par route sera déterminée par la présente Convention.2. - Si le transporteur routier est en même temps le transporteur non routier, sa responsabilité est également déterminée par le paragraphe premier comme si sa fonction de transporteur routier et sa fonction de transporteur non routier étaient exercées par deux personnes différentes.
Cette disposition est utilisée depuis longtemps notamment pour le Ro-ro. Elle semble donc plutôt
adaptée à nos autoroutes de la mer, notamment parce qu'il n'est pas vraiment nécessaire que l'origine
exacte du dommage soit déterminée pour que la Convention s'applique. Néanmoins, ce n'est pas un
outil propre au transport multimodal et il ne pourra pas s'adapter en cas de pré ou post
acheminement autre que routier. Il faudra alors se référer à d'autres conventions comme la CIM
(pour le transport ferroviaire). Il n'est pas non plus à proprement parler un exemple de simplicité, en
témoignent la doctrine nombreuse sur les difficultés de son application. Il resterait donc une part
d'insécurité juridique qui ne répond pas complètement aux contraintes d'efficacité que nous
connaissons.
Logiquement, la deuxième partie de ce raisonnement doit porter sur les conventions de droit
internationales relatives aux transports maritimes. Elles sont au nombre de deux ce qui d'ores et déjà
ne pousse pas à un grand optimisme en matière de lisibilité. Leur application dépend de l'état des
ratifications de chaque pays. Nous avons déjà exclu la Convention de Hambourg. Le texte restant
est en fait un corps de règle : La Convention de Bruxelles du 25 août 1924 pour l'unification de
certaines règles en matière de connaissement, qui a été complétée par deux protocoles dont l'un,
notable, date du 23 février1968. L'ensemble forme le texte de référence du droit maritime. Mais
selon les ratifications de chaque état seule la Convention s'appliquera ou ce sera le tout. Il n'y a donc
pas d'uniformité.
Toutefois, le corps de règle ainsi formé est le plus utilisé au niveau mondial pour le transport
maritime international. En l'absence d'une unité territoriale maritime de l'UE, il semble être la
référence à adopter pour la partie maritime du transport multimodal. Dans le cas d'une autoroute de
la mer, il est par excellence le régime utile, s'agissant, basiquement, d'un transport maritime
international. Sa faiblesse en la matière réside par contre en ce qu'il ne contient pas de dispositions
en faveur de la multimodalité. Il est ainsi inadapté à une perspective de transport combiné porte à
porte. Si la chaîne de transport est unifiée, le régime de responsabilité qui la régit ne l'est pas.
Les règles de Hambourg, seraient elles dites plus « multimodales » reste que leur faible ratification
ne nous permet pas aujourd'hui d'y avoir recours.
53
Aujourd'hui, une troisième voie est en cours de réalisation : la prochaine Convention
CNUDCI48 dite « Convention pour le transport de marchandises effectué entièrement ou
partiellement par mer » dont les travaux se sont terminés récemment. Celle ci, qualifiée de
« maritime plus » par un de ses créateurs, le Pr Delebecque, serait applicable aux autoroutes de la
mer en leur tronçon maritime, comme c'est le cas pour les conventions classiques. Elle revêt
pourtant une dimension multimodale sur le modèle CMR que nous allons envisager.
L'article 27 de la Convention prévoir une application door to door au transport sauf en cas de
disposition contraire des autres conventions modales impératives. C'est en cela que le terme
« maritime plus » est utilisé. Cela signifie que dès lors que le transport contiendra un élément
maritime international, la convention s'appliquera au pré et post-acheminement (terrestre, fluvial ou
aérien), sauf si ces transports sont régis par une autre convention internationale. Par ailleurs, son
article 85 prévoit qu'elle ne peut pas affecter l’application des conventions multimodales existantes,
l'article 2 de la CMR étant considéré comme tel. Néanmoins cette convention n'est pas encore en
application et l'appel des chargeurs à ne pas la ratifier ne pousse pas à l'optimisme49.
Dans son article « les autoroutes de la mer : pour un régime partiellement ou entièrement
maritime »50 le professeur Delebecque plaide en faveur d'une application classique des conventions
internationales aux autoroutes de la mer, défendant par là même l'application de la nouvelle
convention dès lors qu'elle entrera en vigueur.
Tentons d'illustrer ce raisonnement par un schéma :
48 Commission des Nations Unies pour le droit commercial international 49 « CNUDCI, L'ire du chargeur » – Marie Tilche - Bulletin des Transports et de la Logistique 2008 n°3234 50 « Les autoroutes de la mer » : pour un régime entièrement (ou partiellement) maritime. Philippe Delebecque – DMF
2008 n°692
Lettre de voiture CMR régime routier pour tout le transport
CHARGEUR TRANSPORTEUR TERRESTRE ou COMMISSIONNAIRE
Régime maritime CNUDCI Bruxelles
TRANSPORTEUR MARITIME
Connaissement Régime maritime pour tout le transport
CHARGEUR TRANSPORTEUR MARITIME ou COMMISSIONNAIRE
Régime routier CMR
TRANSPORTEUR TERRESTRE
54
Si le professeur Delebecque exclu totalement le recours à une réglementation européenne en la
matière il exclu donc aussi la création d'un cadre juridique complètement dédié. On reste toujours
dans la même discussion, à savoir s'il faudra considérer les autoroutes de la mer comme un transport
maritime classique et reconnu comme tel au sein de la chaîne de transport ou comme un maillon
indécrochable de celle ci. Entre les tenants d'un système dit « réseau » et ceux d'un cadre juridique
dédié. La discussion reste ouverte et l'avenir de la convention CNUDCI aura c'est sûr un impact en
la matière. Pourtant, un système propre au transport multimodal est attendu depuis bien longtemps
par les professionnels du secteur. Ne serait ce que par les commissionnaires de transport qui
plaident en faveur d'une convention internationale adaptée à leur activité. Un système qui serait
aussi adapté à l'objectif global des autoroutes de la mer, à savoir la mise en place d'un service
combiné complet.
B – Vers une convention multimodale
Pour le Pr Bonassies, le Transport multimodal est le transport qui « utilise plusieurs modes
différents de transport, le plus souvent deux modes routiers et maritime ou maritime et ferroviaire,
mais géré par un opérateur unique qui prend la responsabilité de bout en bout et qui délivre un
document unique pour couvrir l'opération »51 Si l'on en croit cette définition, une convention dédiée
à la multimodalité serait donc la solution du problème. Supérieure, impérative, déterminant un
système de responsabilité propre, avec un document et un opérateur unique. Mais paradoxalement il
n'en existe pas.
La tentative la plus sérieuse de réaliser une convention multimodale est la convention de
Genève sur le transport multimodal de 1980, rédigée à la même période que les règles de
Hambourg. Mais elle n'a été signée que par huit pays quand trente ratifications étaient nécessaires à
son entrée en vigueur. Non qu'elle ne permettait pas un régime de responsabilité acceptable, mais
plutôt qu'elle prévoyait une part d'interventionnisme dans le régime douanier qui est apparu
inacceptable à de nombreux pays.
Aujourd'hui encore, cette convention inspire de nombreuses tentatives de solutionnement des
problèmes juridiques liés à la multimodalité, et nombre de spécialistes y font référence pour trouver
un régime adapté notamment aux autoroutes de la mer.
Face à cette carence du système normatif international, et suite à l'incertitude qui a entouré l'entrée
51 « Transport multimodal et assurance » – compte rendu du colloque en droit comparé coorganisé par les associations françaises et belges du droit maritime au Palais du Luxembourg à Paris les 14 et 15 Janvier 1999 – Stéphane Miribel. DMF 1999 n°595
55
en vigueur de la convention de 80, c'est la pratique qui a pris le relais. La chambre de commerce
internationale associée à la CNUCED52, conscientes du besoin en la matière, ont cherché à mettre en
place des règles fondées sur les conventions de 1980, alors en cours de (non-)ratification, et sur les
règles Hambourg. Ce sont les règles CNUCED/CCI applicables aux documents de transport
multimodal, entrées en vigueur le 1er Janvier 1992. Mais comme elles ont été créées pour pallier
provisoirement à l'effectivité de la convention, et comme le régime de limitation de responsabilité
qui y est proposé est plutôt favorable aux chargeurs, elles n'ont pas toujours convaincu les
transporteurs. En pratique, donc, ils ont préféré continuer à utiliser d'anciennes règles créées pas la
CCI en 1973, et révisées en 1975 : « les règles uniformes pour un connaissement de transport
combiné ».
Ce corps normatif international, plutôt diversifié, a servi de socle à d'autres initiatives qui
sont aujourd'hui passées dans la pratique Reste qu'un texte impératif en la matière est souhaité et
souhaitable. Les problématiques qui sont celle des systèmes de transports combinés, intégrés,
multimodalisés, et d'autres, les termes ne manquant pas, sont des problématiques particulières qui
ne répondent pas toujours aux mêmes besoins que les transports traditionnels. La responsabilité des
commissionnaires, notamment, dont la fonction trouve déjà une grande disparité au niveau
international et européen, est orpheline d'une telle Convention, qui aurait au moins le mérite de faire
passer le régime auquel il est soumis de la dimension nationale, à la dimension internationale.
Un espoir était né lors des discussions concernant la nouvelle convention CNUDCI mais ils ont été
pour la plupart déçu, le texte étant, de l'avis même de son créateur français, imparfait parce que fruit
d'un compromis. Il est en plus un texte d'orientation maritimiste. Et même s'il n'est pas en soi
inadapté pour les autoroutes de la mer, reste qu'il faut qu'il entre en vigueur.
En conclusion donc, c'est parce que les textes internationaux classiques offrent plutôt une
mosaïque de responsabilités qu'un régime juridique unique que leur application se discute pour les
autoroutes de la mer. Bien qu'ils soient adaptables aux exigences qui sont les nôtres, ils n'y sont pas
directement adaptés et peuvent inclure l'idée d'une rupture de la chaîne des responsabilités qui n'est
pas pleinement satisfaisante. D'autre part, la parcellisation du régime ne conduit ni à une
simplification ni a une plus grande lisibilité du concept par les différents opérateurs qui eux, faute
de sécurité quant à la pérennité de ces lignes recherchent une sécurité juridique. Le manque de
fluidité dans le traitement de la responsabilité et le simple fait que les plafonds prévus ne soient pas
équivalents posent un problème de confiance qui ne peut pas rester sans réponse.
52 Convention des nations unies sur le commerce et le développement
56
II ) Trouver des outils d'unicité juridique
Loin des débats doctrinaux et au delà donc de la norme internationale qui a du mal à
s'adapter aux évolutions des pratiques et à la mulitmodalité, les praticiens plaident pour la création
rapide d'un régime de transport complètement adapté au transport combiné. Leurs prétentions se
situent souvent en matière de document unique (A) et d'opérateur unique (B) pour une facilitation
du transport de bout en bout. Voyons quelles solutions pourraient être apportées.
A - Document unique
Le transport multimodal revêt des aspects très différents. Il peut contenir des phases de tous
les modes de transport qui existent et peut se combiner indéfiniment. S'il n'y a pas de régime
uniforme pour le transport multimodal, chaque opérateur doit trouver des outils adaptés à son
activité.
La mise en place des autoroutes de la mer, et les contraintes qu'on lui connait, doit s'accompagner
d'un régime juridique adapté. Si comme nous l'avons vu un cadre international a été recherché, les
praticiens cherchent aujourd'hui plus concrètement à définir le régime de responsabilité adéquat
pour faire face aux contraintes spécifiques des projets d'autoroutes de la mer. Ainsi la création d'un
document unique a été envisagée, qui servirait à la fois de titre, de support juridique et de document
technique et permettrait d'identifier les acteurs du transport.
L'idée n'est pas nouvelle et avant même d'envisager le projet porté avec les autoroutes de la
mer il faut tenir compte des documents déjà existants.
Il existe une multitude de documents de transport multimodaux ou qui sont utilisés comme tels.
Connaissement de transport combiné, connaissement FIATA, lettre de voiture CMR... etc. Ceci crée
bien souvent une confusion mais c'est la conséquence classique d'un vide juridique. Le rôle des
instances internationales telles que la CCI reste primordial dans l'identification de ces différents
Plusieurs modes
- Une seule personne : qui?
- Qui assure l'entière responsabilité de tout le transport : comment?
- En émettant un document unique : lequel?
Pour couvrir l'ensemble de l'opération de transport
57
textes, notamment s'agissant de leur négociabilité53.
Tentons d'en confronter quelques exemples aux problématiques des autoroutes de la mer.
Comme nous l'avons vu, en cas de trafic roulier, la CMR est susceptible de couvrir un transport de
bout en bout avec un tronçon maritime. Dans ce cas, l'émission d'une lettre de voiture, précise et
signée est obligatoire. Elle est alors le document qui détermine le régime juridique du transport par
référence à la convention. On peut s'interroger sur son adaptation. Certes, elle a fait ses preuves en
matière de trafic roulier mais reste peu adaptée aux problématiques nouvelles qu'entraînent les
exigences de rapidité et de massification. Dans la forme, elle est souvent remplie à la main et le
contentieux judiciaire retenant sa mauvaise lisibilité est fourni. Ce qui nous pousse à penser qu'elle
n'est pas complètement adaptée aux contraintes qui nous occupent aujourd'hui.
Par ailleurs, l'absence de texte impératif en matière de transport multimodal a poussé les différents
praticiens de la chaîne de transport intégrée à se concerter pour trouver des instruments de travail.
Ainsi, la montée en puissance de la fonction du commissionnaire qui va de paire avec
l'accroissement des transports multimodaux a conduit les organisations professionnelles à créer des
connaissements de type multimodal. C'est notamment le cas pour le connaissement FIATA, un
document adapté a la commission de transport. Créé par la « Fédération internationale des
associations de transitaires et assimilés » dont il porte le nom, ce document se définit lui même
comme « connaissement négociable pour transports combinés » couvrant le transport de
marchandises par au moins deux modes de transport différents. Son usage est réservé aux
transitaires affiliés à l'organisation internationale par l'intermédiaire de leurs fédérations nationales.
Il a été reconnu par la CCI (Chambre de commerce internationale). L'émission de ce document
entraîne une responsabilité accrue de l'opérateur de transport. Il existe aussi dans la même veine des
documents de NVOCC (Non Vessel Operator Common Carrier) ou encore des connaissements de
transport combinés émis par les transporteurs maritimes qui prennent en charge le pré ou post
acheminement et dont la fonction s'apparente alors à celle d'un commissionnaire.
Mais ces documents ne répondent pas au besoin d'uniformité exprimé par les professionnels
et peuvent entraîner des confusions, chacun ayant ses particularités. Créés par des professionnels,
pour une activité professionnelle propre, ils ne sont pas toujours adaptés aux contraintes auxquelles
sont soumises les autoroutes de la mer. C'est à partir de ce constat qu'a été envisagée la création d'un
document unique54.
53 référence faite aux Règles et Usances Uniformes relatives aux crédits documentaires de la CCI
54 Voir annexe 4 - document non définitif - aimablement mis à disposition par le BP2S
58
Réfléchi depuis fin 2006, à l'initiative du BP2S et de son président, F. Bozzoni, il a été
présenté fin Juin 2008 à Bruxelles. Il est le fruit d'un compromis entre de nombreux représentants
des acteurs de la chaîne de transports, entre autres Armateurs de France, l'Association des
Utilisateurs de Transport de Fret (AUTF), la Fédération Nationale des Entreprises de Transport et
Logistique de France (TLF), Ports de France (UPACCIM), l'Association française des juristes
d'entreprise (AFJE), et même les douanes…
Il propose un régime contractuel nouveau, influencé par le régime CMR allégé de son article 2.
Il se réfère à des conditions générales ; il est non-négociable et appelé à pouvoir être traité par voie
électronique. Mais surtout il comporte une offre d'assurance. Ce qui permet d'intégrer une garantie
supplémentaire et assure une couverture d'assurance faculté et responsabilité civile de bout en bout.
Au delà de servir d'outil nouveau pour le TMCD classique, l'objectif final qu'il affiche est d'être à
terme le document de transport des autoroutes de la mer, notamment en contenant les mentions
nécessaires à la facilitation du passage portuaire. Les différents utilisateurs des services de SSS sont
d'ailleurs encouragés à l'utiliser pour pouvoir identifier ses faiblesses, avant d'en généraliser
l'utilisation. Françoise Odier55 lui reconnaît quand même un désavantage : il pourrait « être remis en
cause par un tribunal qui appliquerait un élément de droit impératif et écarterait le choix des parties
en se référant à d'autres conventions ».
Ce document comporte des failles, c'est certain. Il est par exemple pour l'instant uniquement
français. Mais il n'est pas encore définitif, et a le mérite d'exister et de fournir un socle commun à
tous les acteurs du milieu maritime intéressés par les autoroutes de la mer. Certes, il existe des
désaccords. Et s'il est présenté parfois comme s'opposant aux schémas classiques du transport
maritime, à la nouvelle convention CNUDCI, ou comme un énième document de transport
multimodal type, c'est peut être simplement parce que les points de vue sur les autoroutes de la mer
ne sont pas encore harmonisés.
2 - Opérateur unique
Dans cette logique d'harmonisation, la question essentielle est de savoir de qui rechercher la
responsabilité lorsque le dommage se produit au cours d'un transport combiné.
La chaîne de transport se compose de divers intervenants qui pourraient tous être reconnus comme
responsables en l'absence d'un cadre défini. On connaît en effet le système de responsabilité dit
« réseau »56. Mais celui-ci désigne le dernier intervenant comme responsable si le moment de
55 Françoise Odier citée dans « BP2S : le document de transport unique prêt » , l'antenne, 21/07/200856 Sur le système réseau, voir Pierre Bonassies et Christian Scapel, Traité de droit maritime n°1221 – LGDJ 2006
59
survenance du dommage ne peut être localisé. Dans le cas contraire, chaque opérateur est
responsable pour sa partie du transport. Or dans une logique de transport intégré, le découpage de la
responsabilité en fonction de chaque convention ne peut être satisfaisant. On s'interroge, contre qui
agir? Le transporteur routier, le transporteur maritime, un autre?
Aujourd'hui une grande partie des transports s'effectue sous la responsabilité d'un
commissionnaire, voire même par un régime de sous-commission. Le chargeur a alors un
interlocuteur unique pour l'intégralité du transport, y compris si celui ci est unimodal. La
responsabilité qui rejaillit sur le commissionnaire, dépend du moment de la survenance du
dommage. Dans un transport combiné l'importance de la détermination de celui ci réside dans la
détermination des cas exceptés et des limitations de responsabilité applicables. En l'absence
d'harmonisation de ceux-ci57, on est en présence d'un système peu lisible. Et s'il n'est pas possible de
savoir quand s'est produit le dommage, c'est le dernier opérateur qui en supporte la responsabilité.
Cette solution par défaut ne peut satisfaire les exigences d'un transport multimodal. La combinaison
des modes en devenant la règle ne permet plus l'approximation. Dans le cas des autoroutes de la
mer, la même question se pose pour la recherche d'une combinaison « neutre » à la perception du
chargeur.
Pour certains, si une responsabilité unique est à mettre en place, elle doit être supportée par
l'organisateur du transport. Différents courants de pensée s'affrontent encore ici. On sait qu'au
niveau européen la fonction de commissionnaire n'est pas harmonisée et que certains pays comptent
plusieurs commissionnaires différents58. Ainsi, le Professeur Delebecque s'est positionné pour le
recours au commissionnaire de transport français pour les autoroutes de la mer. On peut s'interroger
sur cette orientation au su justement des disparités en la matière au sein de la communauté. Le
régime de responsabilité prévu par le code de commerce ne serait pas non plus satisfaisant à ce titre.
D'autres préfèrent le recours à d'autres types d'organisateurs de transport, qui se rapprochent du
commissionnaire mais qui ont des fonctions plus ou moins précises. Déclinons ces diverses
catégories d'opérateurs. Il y a d'abord l'opérateur de transport multimodal (OTM) qui se charge
d'assurer le transport de bout en bout en assurant transbordements et ruptures de charges. Il n'est pas
adapté au transport par autoroutes de la mer puisqu'il ne faut pas de rupture de charge. Il existe aussi
son dérivé, l'opérateur de transport combiné (OTC). Ce modèle d'intervenant serait donc plus adapté
à celui que nous recherchons. A un stade encore plus élevé, nous trouvons les Intégrateurs
57 En régime CMR 8,33 DTS par kilo et maritime 2 DTS par kilo ou 666,66 DTS par colis, avec de nombreux cas exceptés
58 Voir à ce propos le mémoire de Frank Farhana sur le Commissionnaire de transport en droit comparé – CDMT 2007-2008
60
(Integrators) qui eux sont des OTC qui s'occupent aussi des formalités administratives. Ces
« opérateurs tout compris » sont les plus proches du modèle envisagé pour les autoroutes de la mer,
un opérateur unique.
L'échec de la Convention de Genève de 1980 sur le transport multimodal qui avait mis en place un
système propre, nous oblige à n'envisager ses solutions que comme des possibilités. Les règles
CNUDCI proposent un système proche du système réseau. Et certains vont même jusqu'à proposer
un règlement communautaire pour harmoniser les choses en la matière et en attendant un texte
international, ce que refuse catégoriquement le Professeur Delebecque qui plaide pour le système
CNUDCI.
Le BP2S, avec une partie des professionnels du secteur réfléchissent eux à un interlocuteur
spécialisé pour le TMCD et les autoroutes de la mer : l'opérateur unique. Il serait l'intervenant
unique qui supporterait la responsabilité de l'intégralité du déroulement du transport et sa
responsabilité serait déterminée par les clauses du document unique. Apparenté à un intégrateur, il
serait couvert par une assurance particulière et offrirait une plus grande accessibilité du service. La
complémentarité du régime de responsabilité uniforme de bout en bout et d'un interlocuteur unique
est considérée par tous les chargeurs comme un facteur déterminant pour l’intégration de la phase
maritime dans les transports de courte distance. Il est donc essentiel à la pérennisation des
autoroutes de la mer.
Section 2 – De la pérennisation des autoroutes de la mer
L'enjeu de la mobilisation qui entoure les autoroutes de la mer est bien sûr leur
pérennisation. Mais ce n'est pas si simple et les contraintes lourdes qui accompagnent leur
réalisation sont de nature à la freiner. Ainsi les projets défendus doivent s'inscrire dans une logique
globale d'intérêt afin de connaître une adhésion la plus large possible. Mais surtout doivent trouver
les appuis financiers nécessaires à leur inscription dans le temps. On peut ainsi dire que la
problématique majeure des autoroutes de la mer est à ce jour leur financement (I) et tenter une
justification de celui ci par des données concrètes, en voyant comment le report modal est une
évidence dans l'arc méditerranéen occidental (II)
61
I ) La problématique majeure : le financement
Le financement est le principal problème évoqué au retard pris dans la réalisation des
autoroutes de la mer. Il faut dire que le coût de la mise en place d'une autoroute de la mer est élevé.
Les multiples échecs en témoignent, c'est au démarrage qu'a lieu le moment décisif. Parce que
comme pour toute entreprise il faut trouver un budget et que l'investissement ne peut avoir de retour
immédiat. Faut-il pour autant penser que se lancer dans la création d'une ligne d'autoroute de la mer
relève de la folie ou du gouffre financier? La réponse est non car la contrainte financière n'est
jamais en soi une fatalité pour un projet qui relève de l'Union européenne et du transport
international. Les moyens existent, il faut les trouver, et les utiliser à bon escient. Ne serait ce que
parce que le mode de transport maritime est le plus économique et qu'il doit être envisagé de
manière durable, la contrainte financière ne devrait pas constituer l'obstacle principal à la mise en
place de nouvelles lignes. Pourtant, et nous l'avons vu tout au long de ce mémoire c'est bien le cas.
Derrière chaque problématique soulevée depuis le début se cache un problème financier. Nous
allons d'abord en voir les enjeux (1) avant d'en étudier les modalités (2)
A – Les enjeux du financement
Il faut ici distinguer deux stades au financement d'une ligne : le démarrage, et la
pérennisation. Cette double approche, que nous avons déjà identifié correspond à des types
d'investissement d'échelles différentes et des modes de financement distincts. Pourtant leur
complémentarité ne fait aucun doute ni le fait que l'un comme l'autre soient nécessaires à la mise en
place des autoroutes de la mer.
Le démarrage d'une ligne coûte cher, et pendant une période assez longue, avant de
connaître une stabilisation. Les raisons de la délicatesse de cette période charnière forment un cercle
vicieux. Pour que la ligne soit pérenne, il faut qu'elle soit rentable, pour qu'elle soit rentable il faut
que les navires soient remplis, pour qu'ils soient remplis il faut que les chargeurs soient confiants et
pour que les chargeurs soient confiants il faut que la ligne soit pérenne.
La ligne doit donc offrir rapidement des garanties à ses utilisateurs. Il faut une augmentation rapide
des volumes transportés afin de prouver la fiabilité du service et de le rentabiliser. Or les chargeurs
ne chargeront sur des navires plutôt que sur des camions que s'ils y tirent un avantage évident. Le
fait que la marchandise arrive à temps ne suffit pas, le transport routier rempli déjà cette obligation.
Il faut donc des avantages en termes de coûts et d'image.
62
La première gageure est de démontrer l'intérêt de la voie maritime face à la voie routière. La voie
routière bénéficie d'abord d'une grande flexibilité et en plus d'un quasi monopole sur une très
grande partie des flux. Il faut donc prouver que la mer n'est pas plus lente que la route, et qu'elle est
moins chère... comparer les prix des modes routier et maritime est difficile. Face à la multitude de
possibilités proposées et aux multitudes d'entreprises en concurrence, il est souvent plus aisé d'avoir
recours au transporteur qui a toujours été le sien et de continuer ainsi. Pour promouvoir donc le
recours au report modal et permettre la création d'un vrai fond de cale permettant un minimum de
revenus assurés (on ne parle pas encore de bénéfice), il faut qu'il y ait des avantages et que ces
avantages soient connus. Le maître mot est donc la rentabilisation. Celle ci passe tout d'abord par la
massification des flux reportés, afin de permettre la baisse des prix. C'est en somme tout l'intérêt des
autoroutes de la mer. Mais un navire à moitié vide ne pourra ni faire gagner d'argent à son
exploitant ni lui permettre de pratiquer des tarifs concurrentiels. Une ligne pleine elle permettra un
report des flux conséquent, une rentabilisation de la ligne, et à terme des économies pour l'ensemble
de la collectivité. Il faut donc organiser à la fois un fond de cale, assurant le minimum vital de la
ligne, et un trafic de retour pour qu'il n'y ait pas de traversée à vide.
Pour remplir les navires il faut faire connaître les avantages d'une autoroute de la mer.
L'explosion d'internet permet aujourd'hui de trouver en ligne des comparateurs de transport : coût,
temps, taux de CO2. C'est par exemple le cas du site français viacombi59, qui devrait à terme
s'européaniser, mais aussi de l'initiative du BP2S espagnol60 qui offre le même type de service,
détaillé et très simple d'utilisation. Ainsi on peut aisément savoir si l'emploi du tout routier est
réellement plus économique que l'emploi d'un mode alternatif, pourtant aussi simple d'utilisation
lorsqu'on aura recours, comme nous l'avons vu précédemment, à un système unique.
Mais pour que les navires soient remplis il faudra aussi démontrer les inconvénients du tout routier.
Son coût environnemental, bien sûr, qui ne sera sûrement pas un élément déterminant dans une
logique commerciale, mais aussi son cout réel à la collectivité. Le sujet porte à controverse, mais les
infrastructures routières coûtent cher à entretenir et leurs utilisateurs n'en paient pas le prix complet.
Que ce soit le cas pour un citoyen lambda qui utilise le réseau pour aller travailler ou partir en
vacances, cela relève du service public. Que ce soit le cas pour un transporteur routier pour qui la
route est le principal support de son activité, de laquelle il tire des bénéfices en est une autre. Des
initiatives telles l'ecobonus italien ou la directive communautaire « eurovignette », en sont les
premiers exemples mais devraient se généraliser dans les années à venir.
59 Www.viacombi.fr 60 BP2S espagnol : www.shortsea-es.org – dans l'onglet servicios et comparador
La hausse du prix du carburant est aussi un facteur qui devrait jouer en faveur du report modal.
Dans un budget, le prix d'un litre de gazole n'est pas ressenti de la même manière quand un camion
transporte quelques tonnes de marchandises et quand un navire transporte des dizaines de camions.
C'est ainsi que d'aucun pensent que subventionner les réservoirs des camions, comme il en a été
question, entraînerait la mort des autoroutes de la mer61. Car il s'agit bien de faire connaître les prix
réels et de se rendre compte que si chaque mode payait la part qu'il coûte et qu'elle était répercutée
aux chargeurs et les équilibres seraient renversés.
Ceci étant dit, il ne faudra pas non plus négliger les coûts de l'exploitation et de l'infrastructure
engendrés par la mise en place d'une autoroute de la mer. Un navire coûte cher à l'entretien. D'un
point de vue infrastructurel, si dans un premier temps on pourra se contenter de l'utilisation
d'infrastructures préexistantes dans une logique d'économie et dans une logique d'optimisation, il
faudra des infrastructures dédiées.
Il faut tout de même souligner que le coût de l'infrastructure maritime n'est en rien comparable aux
différents coûts que demanderaient la mise à niveau des réseaux routiers et ferroviaires en Europe.
Mais dans l'optique d'autoroutes de la mer pérennes, il faut dès leur création penser à leur cadre
futur. Difficile quand le lancement pose déjà difficultés. Pour l'instant donc, la question de
l'infrastructure portuaire ne se pose pas vraiment. Mais n'oublions pas que les programmes
européens de financement prennent en considération les deux volets du problème.
B – Les modalités du financement
Le financement des lignes s'inscrit dans une logique de coopération public-privé. Nous
avons déjà étudié les financements publics offerts. Ceux ci sont indissociables des financements
privés. Le processus de création d'une autoroute de la mer se fait de deux manières. Soit un
opérateur privé décide d'investir ses fonds dans une ligne et demande l'aide des institutions
européennes et étatiques pour y parvenir. Il devra alors s'adapter à des conditions et à un cahier des
charges. Soit, comme c'est le cas dans le programme RTE-T, la nécessité du trafic est décidée par
les instances publiques – ici européennes- et les entreprises intéressées pour l'exploitation de la
ligne se font connaître afin de trouver un compromis. Dans les deux cas, les financements sont
partagés. L'opérateur privé (à priori armateur) lancera la ligne à ses propres risques62 et l'exploitera
tout le temps qu'elle durera. Il sera secondé à son lancement par les aides d'état au lancement et les
financements issus du programme Marco Polo II et ensuite par le projet RTE-T pour sa
61 « Gasoil : des subvention aux routiers peuvent-elles tuer les autoroutes de la mer? » - Mer et Marine - 02/07/200862 Un exemple flagrant de la détermination et du partage de ces risques est à voir dans la convention cadre liant
l'Espagne à la France pour l'ouverture d'une autoroute de la mer en Atlantique, disponible sur le site du BP2S.
64
pérennisation.
Mais même avec un soutien public, certaines lignes n'ont pas fonctionné. Car le plus important est
ici que les entreprises qui s'engagent aient une assise financière considérable et suffisante pour
assumer des pertes pouvant être exponentielles. Il faut longtemps avant qu'une ligne rapporte de
l'argent, au minimum quatre à cinq ans et si les autoroutes de la mer reflètent dans les discours des
préoccupations d'intérêt public, le financement doit rester majoritairement privé. La baisse globale
des budgets publics face à ce qui fut un temps promis ne fait que le confirmer. Par exemple, le
programme RTE-T est passé d'une enveloppe globale de 20 milliards promise initialement à
quelques 8 milliards pour les projets prioritaires. Colossal, certes mais insuffisant. Même chose
pour le programme Marco Polo II qui s'il comptait sur une enveloppe budgétaire de près de 600
millions d'euros, il n'en compte aujourd'hui plus que 400 millions. Enfin, les aides d'Etat sont elles
aussi limitées, notamment pour éviter les distorsions de concurrence. C'est en effet une matière dans
laquelle les instances européennes font preuve d'une grande fermeté. Un exemple récent en est la
suppression du règlement d'exemption sur conférences maritimes63 qui a laissé une partie du monde
maritime dans l'incertitude. En matière d'autoroutes de la mer, son autorité se traduit par son
attachement aux appels à projets, et le contrôle accru de ceux qui sont proposés. Il faut donc bien
noter que les autoroutes de la mer, bien que revêtant un aspect d'utilité public ne sont donc
nullement assimilables à des services publics. Elles restent des lignes de transport maritime
soumises au jeu de la concurrence. Ce n'est que les conséquences qu'elles doivent entraîner qui
doivent rejaillir sur l'intérêt commun. D'où le système de subventions mis en place.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le financement des autoroutes de la mer est pour
l'instant un obstacle qui reste à surmonter. Ainsi il faut que la nécessité de financer ces lignes ne
soit plus perçue comme un choix mais comme une évidence. La prise de conscience de leur
importance sur le terrain doit être complète. Pour illustrer nos propos prenons un exemple
significatif.
63 Règlement 4056/86 déterminant les modalités d'application des articles 85 et 86 du Traité CE aux transports maritimes abrogé par le règlement 1419/2006
Passerelle roulière : 3M€
Construction d'un navire roulier : 35 à 75M€
1Km d'autoroute : 7,5M€Exemples de coûts – Sources diverses
65
II ) L'évidence du report modal : illustration chiffrée en méditerranée
Dans ce développement, nous ne tenterons pas d'argumenter pour prouver que les autoroutes de la
mer sont une nécessité mais nous en montrerons l'évidence.
Les flux de trafic routier entre l'Espagne et l'Italie sont une réalité bien connue des habitants du sud
de la France. Souvent une triste réalité. Cette zone géographique illustre à elle seule toute la
difficulté et toute la nécessité des autoroutes de la mer : contraintes géographiques, flux routiers
exponentiels, transit, explosion des zones urbaines, autoroutes de la mer ou lignes assimilées sur la
voie de la réussite ou encore bien fragiles... Le microcosme méditerranéen est un laboratoire pour
nos problématiques, et notamment pour celle du financement : un transit qui coûte cher (1) à
comparer avec le prix du passage maritime (2). Notre propos sera donc d'étudier les coûts réels du
report modal dans la zone à court, moyen et long terme.
A - le prix du transit
« Entre l'Italie et l'Espagne il y a des armateurs qui ont pour argument d'éviter la France »64
La France est un pays de transit routier, un passage entre les flux venant de toute l'Europe et
descendant vers le Sud et la Méditerranée. Le sud du pays est bordé par deux massifs montagneux
importants, les Alpes et le Pyrénées qui doivent être contournés par les poids lourds ou emprunter
des voies uniques. Le couloir Rhodanien est à lui seul le principal axe de passage du nord vers le
Sud et compte chaque jour 100 000 camions l'empruntant. Mais il n'y a pas que ces obstacles qui
posent problème au transport. Dans les grandes plaines que sont la Camargue, le bas Languedoc et
le Roussillon, des millions de véhicules passent chaque année par les autoroutes A8 et A9
notamment. Le flux est si important que M. Liberti estime dans son rapport qu'il pourrait au moins
remplir chaque jour dix navires entre Sète et Valencia, aller-retour. L'axe est stratégique. Et les
utilisateurs sont unanimes quant à la recherche de solutions alternatives.
Le trafic en France est en majorité constitué de poids lourds en transit, c'est à dire qui ne
finiront pas leur trajet en France mais ne feront qu'y passer. C'est à dire que pour la plupart, les 550
kilomètres qui séparent Le Perthus de Vintimille seront parcourus sans que l'activité économique ne
64 Citation in « Short sea : des demandes et des réponses contrastées » JMM, vendredi 11 Avril 2003 p41
66
le nécessite. Ajouté aux flux de transport « nécessaires » de cabotage ou de desserte locale, et aux
flux privés, le nombre de véhicules sur les routes chaque jour est exponentiel. Au delà, les points
nodaux que représentent les zones urbaines se retrouvent dans une situation d'engorgement
inextricable. C'est le cas en PACA65, avec la zone urbaine Marseillaise, qui a su s'adapter mais c'est
aussi le cas dans d'autres villes de taille plus modeste. Il ne se passe pas un jour sans que l'autoroute
A9 à la hauteur de Montpellier ne soit saturée, ou ralentie. Les raisons sont multiples : accident,
dépassement de poids lourd, gares de péages débordées, travaux. Face à la congestion des grands
axes du sud et à la difficulté croissante du passage des massifs montagneux, diverses initiatives ont
vu le jour sous la houlette des projets RTE-T : autoroutes ferroviaires, lignes à grande vitesse, idée
de l'ouverture d'une voie centrale dans les Pyrennées...
Le prix de l'infrastructure utilisée ne cesse lui aussi d'augmenter, le nombre de passages entraînant
une croissance des coûts d'entretien. Se pose alors la question du juste financement de
l'infrastructure, et donc de l'augmentation des péages pour les poids lourds et autres mesures très
peu populaires. Déjà ont été envisagés des systèmes de péages spéciaux et de quotas pour le passage
des Alpes. D'autres problématiques de coûts se présentent aussi : coût environnemental, coût social,
perte de temps.
Les conséquences catastrophiques qui se profilent si les flux continuent à augmenter ne laissent ici
absolument aucune alternative au report modal. Parce que les quantités de fret continueront à
croître dans cette partie de l'Europe qui connaît une économie florissante et que le mode routier
continuera à être utilisé. Il faudra donc bien un jour parcelliser la masse transportée et la répartir
entre les différents modes de transports accessibles dans la région en fonction du trajet qu'elle doit
effectuer. Le report modal doit ici devenir une réalité. Les volumes pour lesquels le transport routier
ne se justifie plus doivent trouver une solution alternative. Et pour une fois, tout le monde est
d'accord sur ce point. Car l'engorgement a un prix que personne n'est prêt à payer.
Tentons une fourchette de ce que représente le prix du passage d'un camion entre l'Italie et
l'Espagne. De frontière à frontière pour un poids lourd de type 466
65 « Les autoroutes de la mer : les enjeux de la grande accessibilité en région PACA » Présentation Cécile BOST Colloque infonavire organisé par l'IMTM le 19/11/007 à Marseille.
66 Références prises sur le site des autoroutes de France : www.autoroutes.fr
551km 92,00 € de péages7h (heures de conduite effective) 100,00 € de carburant
(approximativement)
Ce à quoi il faut rajouter les frais sociaux, les heures de non conduite, l'entretien du camion
supportés par l'entreprise de transport, le prix de l'infrastructure, les coûts consécutifs à la pollution
visuelle, environnementale et au bruit, à la congestion. Le prix du péage, s'il est supporté par les
transporteurs est versé à des sociétés d'autoroutes privées qui reversent elles même une contribution
à l'Etat.
Globalement, le passage en transit d'un camion coûte donc cher et ne rapporte pas grand chose à
l'économie nationale et locale. L'augmentation du prix des carburants n'a pas amélioré le
phénomène. Ce constat ramené au nombre de camion transitant (environ 8500) tous les jours par
cette voie rend évidente la nécessité du recours à d'autres modes de transport.
Or, les trois pays, Espagne, Italie et France forment un arc côtier. Un arc propice au
développement du trafic maritime, et donc aux autoroutes de la mer. Un camion qui doit aller de
Valencia à Rome n'a pas besoin de faire un détour par Montpellier pour arriver à ses fins.
Le concept d'autoroutes de la mer trouve ici sa finalité. Tous les paramètres de leur réussite sont
contenus dans cette configuration géographique et économique. C'est ainsi que l'autoroute de la mer
dite « méditerranée occidentale » est entrée dans le cadre du projet n°21 du programme RTE-T.
B - Le prix du passage maritime
Il existe une multitude de lignes entre l'Espagne et l'Italie, tout trafic confondu, une seule
entre l'Italie et la France. De nombreuses lignes auraient aussi du exister mais n'ont pas vu le jour ou
ont périclité après peu de temps (Fos-Savone notamment reste dans les mémoires). Deux d'entre
elles formeront le socle de cette étude, parce qu'elles semblent mieux répondre aux interrogations
qui sont les nôtres et sont les seules liaisons participant au report modal selon le groupe
interdisciplinaire de réflexion sur les traversées sud-alpines et l'aménagement du territoire
maralpin67 : la ligne Toulon – Civitavecchia, et la ligne Gênes – Barcelone. Souvent considérées
comme les deux liaisons significatives pouvant répondre aux exigences des autoroutes de la mer,
67 « Les autoroutes de la mer en Méditerranée État de la situation en mars 2007 » - Groupe interdisciplinaire de réflexion sur les traversées sud-alpines et l'aménagement du territoire maralpin -Étude complète disponible en ligne sur www.gir-maralpin.org
elles sont toutes deux le fruit d'initiatives privées. On va voir que leur réussite n'est pas égale.
La ligne Barcelone-Gênes est exploitée par la société Grandi Navi Veloci (GNV), filiale du
groupe italien Grimaldi. Elle existe depuis 1998 et propose un service très régulier grâce à l'arrivée
d'un troisième navire rapide au printemps 2008 : Le Tenaccia. Ce navire de 200 mètres peut
transporter 500 passagers et jusqu'à 300 mètres linéaires de marchandises à une vitesse de 25
nœuds. Déjà la ligne fonctionnait avec deux navires, le Linda, un ro-ro pouvant transporter 140
camions, 62 camionneurs et adaptable à un trafic pour camions accompagnés ou pas, remorques ou
conteneurs et le Fantastic pouvant embarquer 2000 passagers et 2000 mètres linéaires de
marchandises. Des départs cadencés, de l'ordre d'un départ quotidien de chacun des ports pour une
traversée qui dure 18h. Il faut en plus noter qu'une fois par semaine, la ligne continue jusqu'à
Tanger. C'est certainement cette régularité qui l'a rendu crédible et a permis sa pérennisation.
En 2007, cette ligne a enregistré une progression de 15% par rapport à l'année précédente avec un
total de 900 000 mètres linéaires, et 100 000 passagers, permettant selon les estimations une
économie de ressources de 30 à 35% par rapport au routier68. Les objectifs fixés en 98 auraient alors
été atteints. Cette réussite commerciale repose essentiellement sur un trafic mixte marchandises
passagers, sur un fond de cale assuré par de grands industriels italiens et sur le cadencement et la
fréquence de la ligne le tout pour un prix compétitif (voir tableau ci dessous). La fiabilité horaire
qui est souvent un inconvénient reproché au transport maritime a été améliorée avec le temps avec
un retard moyen de trois minutes, en 200269. C'est aussi cette année la que la ligne est devenue
rentable. Le seul nuage à l'horizon est le prix du passage portuaire, plus élevé à Barcelone qu'à
Gênes et qui grève le budget de la ligne.
Toutefois, et malgré la réussite de cette ligne, permise par un financement uniquement privé le
nombre de poids lourds acheminés est dérisoire en regard du nombre de poids lourds en transit à
travers la France. Elle reste un exemple à suivre.
La ligne Toulon Civitavecchia est plus récente et moins solide. Portée par le regroupement
de Grimaldi et de LDA (Louis Dreyfus Armateurs) elle a été créée en 2005 et soutenue par des
financements publics à hauteur de 700 000 euros, mais a surtout bénéficié de l'assise financière de
ses créateurs. Elle reste néanmoins très déficitaire. La ligne est dotée d'un navire pouvant emporter
150 camions (ou 110 ensembles), 160 voitures et 400 passagers elle offre une traversée de 14h à 23
nœuds de moyenne. Et même si le parcours de port à port est plus rapide que par la route, et que le
68 TMCD – « Barcelone-Gênes : une autoroute de la mer qui ne dit pas son nom! » - JMM Vendredi 20 Juin 200869 Voir à propos du fonctionnement de cette ligne le très intéressant article « Barcelone. A bord du Linda » Paru dans la
vie du rail du 20 février 2002
69
prix reste compétitif (voir tableau ci dessous) c'est la structure même de la ligne qui porte à
réflexion. Elle relie deux ports qui ne sont pas économiquement essentiels dans leurs pays
respectifs, avec des navires rouliers dont le fond de cale n'est pas assuré par des poids lourds mais
par des voitures70 et une fréquence de trois allers retours qui est encore trop réduite. Sa
fréquentation a été moins importante que ce qui était prévu, avec un taux de remplissage inférieur a
50%, mais un taux de satisfaction élevé des utilisateurs. Les perspectives ne sont pas non plus très
encourageantes, même si les prévisions de transférer plus de 100 000 PL vers la mer ne sont pas
hors de portée. Globalement, les résultats sont plutôt en bonne voie et les difficultés rencontrées
sont inhérentes aux contraintes de démarrage que nous avons identifié dans cette étude.
A titre d'information, cette ligne vient aussi remplir le vide laissé par le projet d'une ligne Fos
Savonne avortée en 2004 et qui avait fait naître l'espoir de voir enfin une vraie autoroute de la
mer »71. Cette ligne portée par la SAMS, Société des Autoroutes maritimes du Sud, regroupement
de divers armateurs dont Sud Cargo, Marfret, CMA-CGM et la SNCM, n'a pas bénéficié de
financements suffisants et le projet a été abandonné quelques mois avant sa mise en place.
Penchons nous maintenant sur les chiffres réels du cout du passage de la route à la mer grâce
à ce tableau proposé par le GIR Maralpin72, qui expliquera mieux la situation que des mots :
[320 € (c)] (a) Amortissement, taxes, pneumatiques, etc. (b) Ces coûts sont établis pour des poids lourds à 4 essieux (c) Pour une traversée à vide
Les chiffres parlent d'eux même, et si le passage maritime est un plus long, il reste très compétitif au
70 Le fond de cale est assuré par la société GEFCO71 « Autoroute de la mer Fos-Savone : les armateurs jettent l'éponge » - Les Echos du 23 Juin 2004, p15 72 GIR Maralpin - « Les autoroutes de la mer en Méditerranée – État de la situation en mars 2007 » précédemment cité.
70
regard des prix. Le choix est ensuite à faire selon le type de transport à effectuer. S'il est
compréhensible que le report modal puisse présenter dans un premier temps peu d'attraits pour les
petits transporteurs, il devrait à terme se justifier massivement, grâce à un cadencement accru qui ne
peut se faire qu'avec la réussite des lignes et l'évolution des structures et des infrastructures qui sont
à prévoir.
71
CHAPITRE 2 – LES AUTOROUTES DE LA MER OU L'ESPOIR
DE PERPECTIVES OPTIMISTES
Dans une vision large des autoroutes de la mer, on intègre les pré et post acheminement,
dans une logique de transport de bout en bout. Pour ce faire, il faut une continuité du flux de
transport qui ne peut être permise que par le lissage des liens entre le tronçon maritime et les pré et
post acheminement. Ce lissage s'opèrera par la facilitation du maillon terrestre (Section 1) et par
l'élargissement de la perspective des autoroutes de la mer (Section 2).
Section 1 – La facilitation du maillon terrestre
Si la mer est le support de prédilection du navire, aux deux bouts de son trajet il y a le port.
Nous l'avons bien compris, il est ici le maillon premier de la compétitivité des autoroutes de la mer.
Interface entre le terrestre et le maritime, il revêt dans une telle entreprise, une importance
particulière. La route va de bout en bout sans obstacles. Le port tant physiquement
qu'administrativement représente l'obstacle majeur d'un transport door to door avec tronçon
maritime. Voyons donc comment faciliter le passage portuaire (I) et comment neutraliser les
« goulets d'étranglement » (II) qui freinent le passage portuaire.
I) Le passage portuaire
Le passage au port du navire qui va assurer le trafic autoroutier doit répondre à des
exigences de performance et de rapidité. Pour cela, en plus d'une infrastructure portuaire efficace
(A) il faut une mobilisation de tous les acteurs (B) afin de faciliter le passage physique de cette
partie charnière du transport de bout en bout.
A) Une infrastructure portuaire efficace
Le rôle des ports au sein de l'Union européenne est aujourd'hui en débat. Inscrits dans le
programme RTE-T depuis la Décision du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001,
72
modifiant la décision n°1692/96/CE en ce qui concerne les ports maritimes, ils viennent de faire
l'objet d'un livre vert de la Commission, synonyme de concertation, « relatif aux ports et aux
infrastructures maritimes ». Trois thèmes clefs en sont ressortis touchant à l'intégration des ports
dans les réseaux transeuropéens de transport, au financement public de ceux-ci et à la
réglementation du marché.
Le port est donc amené à prendre toute sa place au sein des réseaux européens de transport. Le
programme les répertorie d'ailleurs par catégorie afin de faciliter le choix qu'il faudra en faire. La
principale difficulté étant que la notion de terminal73 varie entre les différents pays d'Europe et que
leurs modes de fonctionnement ne sont pas harmonisés74.
Généralement, les ports français ne bénéficient pas d'une bonne image de marque, notamment pour
des manques de compétitivité et des problèmes structurels et récurrents. Pourtant il est reconnu que
le rôle du port dans le développement du cabotage maritime et la mise en place des autoroutes de la
mer est primordial. C'était déjà l'avis de Loyola Del Palacio, vice présidente de la Commission
européenne et chargée des transports en 2002, peu de temps après l'émergence du concept. « le
TMCD n’atteindra jamais son marché potentiel si les ports et les services portuaires restent
enracinés dans leurs vieilles pratiques inefficaces ». D'autres spécialistes ont émis le même avis et
globalement tous les intéressés au développement des autoroutes le suivent.
Mais tous les ports ne peuvent être rendus compétitifs et dans la perspective d'une ouverture
de lignes régulières de haute qualité comme les autoroutes de la mer, il va d'abord falloir faire un
choix et rendre ce port suffisamment compétitif. La mise en place de la réforme portuaire sera une
condition importante au succès des futures autoroutes de la mer. Luis Vallente de Oliveira,
coordinateur européen pour les autoroutes de la mer le 14 Juillet 2008 lors de la deuxième réunion
du groupe Aquamarina75 de la CRPM a lancé l'idée d'un label pour les ports maritimes. Il s'agirait
d'un système de qualification des ports en fonction de leur accessibilité, de leur rapidité au
chargement et de critères environnementaux. Plus largement, le choix du port doit s'opérer tant au
regard de ses avantages techniques qu'au regard de son environnement immédiat. L'aire portuaire
doit en elle même être suffisante et offrir des perspectives de développement : quai suffisamment
grands, zones d'attente ou de refuge en cas de mauvais temps... Mais il doit aussi offrir une
ouverture sur l'« après » qui pousse les transporteurs à l'utiliser : des accès terrestres, ferrés et
fluviaux suffisants, des aires de stationnement, des axes de transport nationaux et internationaux, un
73 Sur la notion de terminal, voir récemment Laurent FEDI « La notion de « terminal » : entre incertitudes de jure et certitudes de facto » – DMF 2008 n°692
74 « Comment fonctionne un port : le « modèle » européen » dans support de cours de M.Scapel. - Domaines portuaires – CDMT 2008
75 Groupe d'étude sur l'intégration du maritime dans les politiques européennes - www.crpm.org
hinterland performant. L’accroissement des capacités portuaires est dépendant d'une communication
efficace avec l'arrière pays. Les autoroutes de la mer visant à absorber un trafic massif doit
s'appuyer sur des infrastructures efficaces. Ces exigences s'intègrent parfaitement dans la logique
d'un réseau transeuropéen intégré.
La principale attente qui ressort des différentes consultations effectuées est l'exigence d'un
quai ou d'un terminal dédié. C'est à dire un terminal qui permettrait uniquement le déchargement
des navires de la ou des lignes autoroutières maritimes, en priorité et des lignes de cabotage
classique ensuite, permettant d'exclure toute attente. Les coûts pour la construction de telles
infrastructures sont élevés et doivent être suivis d'effets. Ils demeurent néanmoins modestes face au
coût de construction d'autres infrastructures modales. De plus, il reste dans une optique immédiate
de lancement des lignes la possibilité de se servir des infrastructures existantes, mais cette solution
est insuffisante à moyen terme pour assurer une pérennité du service. Ces terminaux, en plus des
questions de rapidité, permettraient une sécurisation du passage et une plus grande fiabilité des
prestations proposées : un terminal dédié, qui voit passer les mêmes navires, pour les mêmes trafics.
De plus ce genre de place portuaire pourrait permettre le développement de moyens plus
performants de facilitation portuaire. Il ne s'agit pas de faire de ces terminaux des zones
déréglementées mais d'offrir aux utilisateurs une démarche de qualité du service. Par une
harmonisation voire même une forfaitisation du coût de passage, par l'utilisation de moyens
technologiques particuliers, par une priorité absolue donnée aux navires entrants et par une
simplification pour les transporteurs routiers utilisateurs du service. Il pourrait aussi cloisonner
physiquement les simplifications administratives et douanières attendues en matière de SSS et que
nous allons envisager ci après et permettre la mise en place d'un guichet unique. D'autre part, on sait
qu'à long terme les autoroutes de la mer pourraient profiter d'un trafic conteneurisé pour accroître
les flux transportés, perspective qui reste à réfléchir. Le développement de terminaux dédiés serait
alors la solution.
Pour en revenir à des réalités plus concrètes, la réforme portuaire en cours de mise en place doit
pour certains permettre l'adaptation des ports français aux exigences d'un transport moderne, donc
des autoroutes de la mer. On sait le rôle joué par les différents intervenants du traitement portuaire
de la marchandise. Le blocage du port de Marseille cette année en est une preuve. La réaction de
certaines organisations syndicales face aux enjeux que représentent les autoroutes de la mer pour ce
même port, une autre76. Il nous faut donc maintenant envisager quelle devrait être la mobilisation
76 « Autoroutes de la mer : Le port de Marseille déterminé à profiter de ce créneaux » AFP – 6 juin 2008 « Autoroutes de la mer : préavis de grève à la SNCM et à la CMN » AFP – 2juin 2008
74
des acteurs des ports pour la facilitation des autoroutes de la mer.
B) La mobilisation des acteurs du port
Un port ne peut pas être compétitif sur des lignes aussi particulières que les autoroutes de la
mer si les différents services qui le compose ne se mobilisent pas de manière spontanée. Il faut
partir du principe que le TMCD peut avoir des conséquences bénéfiques sur le développement
économique du port, grâce à la massification attendue des flux. Les différents corps de métier
présents sur la place portuaire travaillent traditionnellement en parallèle mais sans réelle
complémentarité. C'est très certainement sur ce point que les choses doivent changer dans l'optique
de terminaux dédiés. Voici un point sur les propositions envisagées en ce sens.
Le coût le plus important dans le passage portuaire, en termes de service opérationnel est
celui de la manutention, souvent perçu comme complexe et peu satisfaisant. Or le rôle du
manutentionnaire est essentiel dans la vie du port. Si la question reste de mise dans le cadre d'un
TMCD par porte conteneur, le trafic roulier qui sert de support aux autoroutes de la mer est moins
dépendant des entreprises de manutention. Le camion pourra sortir de manière autonome du navire
par l'intermédiaire d'une rampe d'accès. Il n'y a pas ce qu'on appelle de manutention verticale77.
Ainsi le coût de la manutention pourra être réduit au plus strict nécessaire et même supprimé. Se
pose en effet la question d'une absence totale de manutentionnaire pour ces terminaux, comme c'est
déjà le cas pour certains trafics, avec une gestion des chargement/déchargements effectuée
directement par le personnel naviguant, ou encore l'emploi d'un personnel propre à la compagnie, à
terre, pouvant être le cas échéant multi-casquettes. Ces propositions se réfléchissent mais entreraient
aisément dans la perspective d'un terminal dédié. Toutefois, dans une perspective d'avenir, le rôle
d'un manutentionnaire pourra être primordial si l'on a un jour recours à des autoroutes de la mer
conteneurisées. Il pourrait même être le maillon essentiel de la chaîne de transport, garantissant la
fluidité du trafic. Mais on n'en est pas encore là.
Avant même l'arrivée à quai, le navire doit entrer au port. Pour ce faire, il a recours aux
services d'un pilote, qui coûte plus ou moins cher selon la configuration du port (chenaux...). La
fréquence des entrées et sorties pousse à réfléchir à des moyens de faire baisser les prix qui
deviendraient trop importants, notamment en permettant l'application de tarifs d'abonnement. Est
aussi née l'idée de former les capitaines à être en même temps pilotes par le biais de licences de
77 À Propos du chargement du navire roulier et de la responsabilité y attenante, voir l'arrêt navire Girolata Cass Com 27 octobre 1998 -Droit Maritime Français 1998 n°588. Intéressant notamment pour la recherche de responsabilité du commissionnaire de transport, organisateur du transport dans sa globalité.
75
capitaines pilotes.
D'une manière plus globale, l'école européenne du SSS78 qui a pour vocation de former des
personnels spécialisés dans le transport maritime à courte distance devrait permettre à terme de
créer un corps de professionnels opérationnels pour ce trafic particulier. Celle ci propose trois types
de formation s'adressant à des étudiants ou à des actifs intéressés par cette activité. Basée à
Barcelone, elle évolue sous la houlette du réseau européen de bureaux de promotion et connait un
succès grandissant.
Quant aux autres services portuaires ils devront faire l'objet de négociations de leurs tarifs
afin de coller aux mieux avec les besoins de haute fréquence des lignes. En effet, le prix du passage
portuaire est plus ou moins indolore selon le type de trafic. Dans le cadre d'un trafic court et
fréquent il représente un gouffre financier et le principal poste de dépense de la ligne. Il faut donc
que les coûts soient forfaitisés. Parce que le grand nombre de passage assurera une activité élevée à
l'opérateur portuaire et parce que cela permettrait de ne pas compromettre la mise en place de
l'autoroute de la mer.
Une autre carence est soulignée dans les divers témoignages, c'est le manque de disponibilité des
agents de l'état présents dans le port. Dans la perspective d'un service compétitif et « prêt » 24h/24,
on ne peut envisager que les agents de l'état bloquent le passage portuaire par des horaires trop
bureaucratiques. Un obstacle de taille qu'il convient de ne pas négliger.
En réalité, sur le modèle de l'opérateur unique de transport c'est bien l'idée d'un coordinateur
de passage portuaire qui est en train de voir le jour, soutenue notamment par le BP2S. Celui ci serait
chargé de veiller au bon passage « matériel » du port, il veillera aussi à ce que les contraintes de
sûreté et de sécurité soient respectées tout en n'atteignant pas la rapidité du passage. Il participerait
aussi à la facilitation du passage administratif qui bien au delà des contraintes matérielles, freinent
le passage portuaire.
II ) La neutralisation des « goulets d'étranglement »
En effet, le principal facteur de ralentissement du passage portuaire est d'origine
administratif. C'est la paperasserie, très fournie, nécessitée par des contraintes quelque peu
paradoxales qui pourrait entraîner le manque de compétitivité des autoroutes de la mer.
Le problème est simple : le port européen est nécessairement envisagé comme une porte de
sortie ou d'entrée de l'espace communautaire. La libre circulation qui est une réalité pour L'Europe
du transport routier ne l'est pas pour l'Europe du transport maritime. Un navire, même s'il effectue
un transport intra européen, sera réputé être sorti de l'espace commun... parce qu'il ne serait pas
possible de s'assurer qu'il n'a pas fait escale dans un état non communautaire. Des lors, ce paradoxe
entraîne la multiplication des formalités : douanes, contrôles vétérinaires et sanitaires, contrôles
administratifs, droits de ports sont autant d'obstacles financiers et temporels à la pérennisation des
autoroutes de la mer. Il entraîne aussi un manque de lisibilité très préjudiciable au développement
de l'activité. On considérera toujours comme étant plus simple de prendre un camion qui parcourra
son trajet de bout en bout sans avoir à justifier de son chargement à chaque franchissement de
frontière que de faire prendre à ce même camion un bateau qui va devoir laborieusement, au départ
et à l'arrivée au port présenter un large panel de documents pour que le camion puisse continuer son
parcours.
Il existe deux types de formalités au passage du port : d'une part, les formalités
administratives (A) classiques et d'autre part les contrôles douaniers et sanitaires (B). On va voir
comment ceux ci ont été ou pourront être adapté a une démarche telle que les autoroutes de la mer.
A) Les formalités administratives.
Il s'agit à la fois de formalités déclaratives, du paiement des droits de ports.
Les droits de port sont les droits dus par tout navire de commerce pour l'utilisation de
l'infrastructure portuaire. Ils sont calculés en fonction du volume du navire et font l'objet de grilles
tarifaires adapté par les autorités portuaires. Le problème étant qu'en cas de transfert au long cours,
le prix du passage portuaire est proportionnel au prix de la traversée et est donc amorti. Dans le cas
d'un transport maritime court, le coût du passage portuaire est déséquilibré par rapport au prix de la
traverse. Et pire encore dans le cadre d'une autoroute de la mer la fréquence de passage doublée
d'un courte traversé rend insurmontable le paiement d'une telle taxe qui représenterai une part trop
importante du coût total de l'exploitation. Or le rééquilibrage des grilles tarifaires pour les trafics de
TMCD ou les autoroutes de la mer ne semble pas être à l'ordre du jour pour les autorités portuaires
qui estiment qu'elles seraient en cela trop complexifiées.
D'autre part il existe une redevance marchandise qui s'applique en fonction du volume transporté et
qui rajoute au prix global du transport. Cet état de fait semble compromettre le développement des
trafics à courte distance. Reste qu'il faudrait qu'en fonction des ports, au cas par cas, s'établisse une
négociation de ces tarifs afin de les regrouper ou de les forfaitiser. Par ailleurs il est à noter que ces
77
droits de port seront déterminants dans le choix des ports de départ et d'arrivée choisis pour le
développement des autoroutes de la mer. La mise en concurrence de ces tarifs doit pousser les
autorités portuaires à s'adapter face aux possibilités de développement qu'offrent les lignes de
TMCD.
Par ailleurs, un navire qui fait escale doit présenter aux autorités publiques un certain
nombre de documents et justificatifs concernant le navire, l'équipage, les marchandises et
éventuellement, comme ce serait le cas pour un trafic en remorques accompagnées, sur les
passagers. La multiplicité de ces formalités a poussé l'OMI à créer une convention visant à faciliter
le trafic maritime international, la «convention FAL de l'Organisation maritime internationale »,
entrée en vigueur le 5 mars 1967. Prévoyant six formulaires types, elle n'a pas été appliquée de
manière uniforme dans les différents états communautaires. C'est face à ce constat que le Parlement
et le Conseil ont adopté la directive 2002/6/CE du 18 février 2002, concernant les formalités
déclaratives applicables aux navires à l'entrée et/ou à la sortie des ports des États. Le but affiché est
de simplifier le passage portuaire et en particulier celui des TMCD. Les formulaires FAL/OMI
seront désormais limitativement utilisés, de manière uniforme dans l'espace européen.
Malgré un effort de simplification accru, on remarquera que ces formulaires sont les mêmes qu'ils
soient utilisés pour les trafics au long cours ou pour le cabotage intra européen. Il faudrait donc aller
plus loin dans la simplification et les adapter au TMCD. L'idée d'un espace maritime européen
pourrait renforcer cette volonté. Le passage portuaire ne serait alors plus synonyme de sortie de
l'espace communautaire la concrétisation du guichet unique dans un terminal dédié serait
l'aboutissement de cette tendance. Des initiatives sont déjà en cours en ce sens, de même qu'un
accroissement de l'utilisation de l'informatique pour le traitement des données. Mais ces formalités
administratives, déjà contraignantes, s'accompagnent en outre de différents types de contrôles.
Liste des types de formulaires FAL/OMI
formulaire FAL de l'OMI n° 1, déclaration générale
formulaire FAL de l'OMI n° 3, déclaration des provisions de bord:
formulaire FAL de l'OMI n° 4, déclaration des effets de l'équipage
formulaire FAL de l'OMI n° 5, liste d'équipage
formulaire FAL de l'OMI n° 6, liste de passagers
Le formulaire n°2, déclaration de la cargaison n'a pas été traité par la directive européenne,
lui préférant le recours à des manifestes de marchandises
78
B) Contrôles douaniers, de sécurité, et sanitaires
Le passage d'une frontière communautaire oblige à de nombreux contrôles : douaniers,
vétérinaires, sanitaires, sécuritaires, de sûreté... Comme nous l'avons vu c'est le cas en matière de
SSS et d'autoroutes de la mer intra communautaires. Le paradoxe continue.
En matière douanière d'abord, les contrôles concernant les navires qui entrent et sortent des
ports de la communauté. Concrètement cela se traduit par l'obligation de remettre un manifeste
papier dans les 24h suivant l'arrivée du navire au port. Une formalité qui s'accompagnera
d'éventuels contrôles visuels ou physiques, ce qui alourdit un peu plus le passage portuaire.
Il n'existe pas de réglementation adaptée expressément au TMCD mais les services douaniers,
conscients de la difficulté, ont mis en place un « service régulier de transport maritime agréé »79, qui
lui est adapté. Il suffira qu'une compagnie demande à bénéficier de ce statut pour une ligne régulière
définie pour obtenir un « certificat de service régulier de transport maritime agréé » qui doit être
conservé à bord du navire. A la suite de quoi les marchandises transportées à bord de ses navires
seront réputées communautaires et pourront ensuite circuler librement dans l'espace européen.
Un guide de procédures douanière applicables au TMCD à vu le jour en 2002. Présenté sous la
forme d'un document de travail de la commission, il a été réalisé sous la direction conjointe de la
direction générale de l'énergie et des transports et de celle de la fiscalité et de l'union douanière. Il
permet d'expliquer concrètement la réglementation douanière applicable au SSS dans le but d'une
facilitation des démarches. Cet outil complet est destiné aux professionnels et offre une approche
simplifiée de démarches souvent complexes.
Face à cette situation très partiellement satisfaisante, d'autres solutions ont été envisagées,
plus adaptées aux problématiques particulières des autoroutes de la mer. Partant du principe qu'elles
étaient considérables comme des infrastructures, et aux termes même du guide de procédure
douanière de les considérer « comme un pont » on s'interroge sur le point de savoir si dans ce cas on
ne pourrait pas leur appliquer un régime équivalent au régime douanier routier, ou au moins au
régime de transit. Comme s'il n'y avait pas en fait de trajet maritime. On remettrait sur un pied
d'égalité les deux modes et ceci simplifierait beaucoup les choses et offrirait des avantages bien
compréhensibles... Encore un point pour les tenants de l'autoroute de la mer infrastructurelle.
D'autres solutions sont en passe d'être mises en place définitivement, et qui avaient été
79 Voir article 313 bis et 313 ter du Règlement (CEE) n° 2454/93 de la Commission du 2 juillet 1993 fixant certaines dispositions d’application du Règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil établissant le code des douanes communautaire.
79
envisagées par nombre de commentateurs. Il s'agit de la mise en place d'un guichet unique et du
traitement informatisé des données.
Au niveau européen, la mise en place du Nouveau Système de Transit Informatisé permet la
communication rapide des données douanières et l’élimination de certaines procédures grâce à la
dématérialisation des données relatives au transport. En France c'est le système Delta80. Les douanes
françaises ont même ouvert un portail sécurisé de déclaration en ligne : Delta qui permettra de
répertorier les téléprocédures de dédouanement et pro.dou@ne, portail réservé aux professionnels.
Ces initiatives se doublent par la mise en place d'une documentation unique (DAU)81 pour à terme
atteindre un véritable guichet unique.
Mais d'autres contrôles prennent de plus en plus d'importance depuis quelques années. Les
obligations en matière de sécurité et de sûreté ont tendance à se durcir, englobant de plus en plus les
contrôles sanitaires et vétérinaires. Afin de ne pas alourdir de trop ces contrôles, le BP2S propose de
les regrouper et de les adapter à chaque port, au cas par cas, afin d'en éviter les effets négatifs.
L'idée d'un coordinateur responsable au sein du terminal portuaire prend ici tout son sens. C'est lui
qui serait chargé de la supervision du contrôle. Par ailleurs est proposée l'idée d'inclure les
informations utiles au document unique (ou en annexe à celui ci?) afin de garantir un passage
portuaire plus serein ou tout serait intégré.
Section 2 – Élargir les perspective des autoroutes de la mer
La réussite des autoroutes de la mer passe par une prise en considération globale du
transport, de bout en bout. Au delà du maillon maritime et portuaire il faut donc rechercher une plus
grande performance du maillon terrestre par le développement de l'hinterland (I) et réaliser qu'une
plus grande compétitivité passe aussi par des avancées techniques et technologiques (II).
I ) Le développement de l'hinterland
La massification dans le flux de transport autoroutier maritime est conditionnée par un
développement de la zone terrestre sur laquelle rayonne le port. Cette zone est plus ou moins
80 Voir site des douanes françaises : www.douanes.gouv.fr81 DAU Le règlement (CE) 2286/2003 de la Commission du 18 décembre 2003 concernant l'établissement du code
des douanes communautaire - JOUE n° L 343 du 31 décembre 2003. La France avait demandé un report pour son application au 1er janvier 2007.
étendue, selon l'activité du port et le développement de l'économie et des voies de communications
qu'on y trouve. C'est ainsi que pour la réalisation de projets tels les autoroutes de la mer il est
nécessaire que cette zone soit à la fois dynamique (1) et multimodale (2).
A – L'exigence de dynamisme.
L'arrière pays portuaire joue un rôle primordial dans le développement du port et
inversement. Dans le cas des autoroutes de la mer, l'intérêt recherché est de limiter au maximum
l'allongement des parcours routiers. Il est donc essentiel qu'une place portuaire permette une
communication accrue entre les différents points stratégiques.
Pour le développement des autoroutes de la mer, le choix du port de départ et du port d'arrivée sont
déterminants en ce qu'ils contiennent en eux le potentiel de leur hinterland. Comme nous l'avons dit
précédemment, au sein du programme RTE-T, les autoroutes de la mer forment une trame entre
différents points essentiels à l'économie européenne. Leur rayonnement peut donc être un
extraordinaire soutien au développement d'une économie régionale, d'où la concurrence entre les
ports pour décrocher les projets. Il n'y a qu'à, pour en juger, voir l'opportunité que cela représente
pour des régions ultra périphériques, y compris terrestres qui profiteront d'une ouverture à des
marchés lointains inenvisageables jusqu'alors. Mais réciproquement il faudra que les ports offrent
déjà un hinterland suffisant au développement des autoroutes de la mer. Différents facteurs sont en
effet à prendre en compte.
D'abord, l'arrière pays doit être doté d'une industrie dynamique. Elle sera ainsi apte à voir
augmenter ses flux de transport et donc à remplir les navires. Les exemples cités de l'industrie
automobile sont très illustratifs du phénomène. Il ne faut pas s'y limiter pour autant. Tout type de
marchandise est susceptible d'être transportée par route et d'être embarquée dans un navire. Mais au
delà d'être un gage de volume d'échange, l'industrie est aussi une opportunité de développement et
d'intégration des autoroutes de la mer dans un schéma de transport. En effet, une entreprise
régionalement intégrée utilisera plus facilement les moyens proches et accessibles mis à sa
disposition, surtout si ceux ci lui offrent un capital sympathie. Et on le sait, les autoroutes de la mer
en sont un bon générateur, ne serait ce que par leur étiquette « développement durable ».
D'autre part, l'arrière pays doit profiter de financements au même titre que les ports. Il est rappelé
que les professionnels du secteur ont l'habitude de dire que « la bataille du maritime se gagne à
terre »82
82 « Fret. Le défi ferroviaire des ports français »– La vie du rail – 5 mars 2008 p9.
81
D'autre part, l'arrière pays doit être doté d'une plate forme logistique suffisante pour assurer
la communication avec les régions plus éloignées. Celles-ci permettront le développement d'un
transport tout combiné, palliant les désagréments de la route. C'est en cela que l'intelligence du
régime RTE-T réside : les trente projets retenus sont des points d'impulsion multimode entre les
différentes parties du territoire. Il opte pour la complémentarité de ces modes en défaveur du routier
certes mais celui-ci a mois besoin d'être défendu pour exister. C'est de cette complémentarité que
naîtra le report de flux massif.
Desservir le port grâce à des camions est une chose. Massifier les flux en est une autre. Et dans une
optique de compétitivité portuaire, il ne s'agirait plus de mettre les différentes places en concurrence
mais de les faire se compléter pour coller au mieux aux nécessités du transport. Une marchandise
arrivée dans un des grands ports du nord, au lieu de traverser le continent vers le sud de l'Espagne
sur un camion pourrait le traverser sur un train puis être chargée sur un navire qui la conduira à un
port le plus proche possible de son point d'arrivée. Un transport complètement intégré.
Mais la combinaison du mode maritime avec d'autres modes alternatifs au tout route n'est
pas pour l'instant chose facile. C'est pour cela qu'un développement de l'hinterland est souhaitable
en même temps que le développement des réseaux de transport.
B – L'exigence de multimodalité
Dans le cadre de l'appel à projet d'autoroutes de la mer franco-espagnole en Atlantique une
proposition originale avait été présentée. Les armateurs GLD Lines, CMA CGM, Modalohr et la
Caisse des Dépôts proposait une offre Roro-Rail. Une double autoroute mer-fer en quelques sortes
pour laquelle des Ro-pax seraient associés à des wagons Modalohr83.
Le fer est en effet un mode de transport déjà répandu dans les ports mais qui ne trouve pas
réellement sa place dans le transport de marchandise. On sait quelles innovations ont permis de
relier Paris à Marseille en 3h mais le temps passé pour une marchandise pour effectuer le même
trajet n'a aucun équivalent. Ce « laissé pour compte » du fret ferroviaire est en train, difficilement
d'être remis en question grâce à de nombreux projets de « ferroutage » sur lesquels les avis sont
aussi partagés que pour les autoroutes de la mer. Depuis peu on parle beaucoup de la ligne entre Le
Boulou (près de Perpignan) et Bettembourg, au Luxembourg pour une liaison de 15 heures, 7jours/7
83 Wagons utilisés pour le ferroutage, surbaissés et dotés d'une plate forme pivotante, permettant le chargement de remorques routières
82
en mode non accompagné. Celle ci fait le lien entre deux grands pôles d'activités européens et
présente des avantages certains.
Malheureusement on sait quel est le prix de la remise à niveau de l'infrastructure ferroviaire. Il est
démesuré. Les autoroutes de la mer auraient donc du mal à se reposer sur un post acheminement
ferroviaire si celui-ci rencontre aussi des difficultés à se développer. Il reste néanmoins une voie très
exploitable de par ses caractéristiques optimum et son adaptation au transport de remorques
routières mais très coûteuse. Là ou la mer n'entre pas, le train pourrait passer. Ce sera peut être le
cas dans l'avenir.
Face à ce constat, une autre voie s'ouvre : celle du transport fluvial. Le pourcentage de
marchandises transportées par voie fluviale reste modeste. En France, environ 4%. Mais dans les
pays du nord de l'Union, dotés de voies navigables performantes il est un mode beaucoup plus
répandu. Les politiques misent beaucoup sur ce type de transport pour assurer le report modal des
flux routiers vers un mode intérieur. Son principal défaut est la lenteur. Son deuxième défaut est
qu'il n'est pas bien adapté au transport de camions, et encore moins dans une optique de
massification. Il doit en effet se plier à des contraintes de largeur et de hauteur en rien comparable à
celles d'un navire. Il reste pourtant un mode doté d'un très grand potentiel de développement et
aujourd'hui sous exploité. Il reste une solution d'avenir. Et l'avenir des autoroutes de la mer passera
par le recours au fluvio-maritime. On ne parle pas ici des « bateaux de navigation intérieure »
classiques mais de navires de mer adaptables à la navigation intérieure. C'est à dire qu'on pourra
« escamoter tous les éléments hauts susceptibles de les empêcher de passer sous les ponts
urbains »84 Imaginons une autoroute de la mer entre le sud de l'Espagne et le Havre. Arrivé au
Havre, pas de transbordement, juste un passage portuaire, on modifie le navire, et il continue sa
route jusqu'au port fluvial de Paris85. De plus, pour encourager ce trafic, une recommandation de la
Commission demande de simplifier ou de supprimer les procédures FAL/OMI pour les navires
fluvio-maritimes.
Les possibilités sont donc multiples pour permettre à la marchandise transportée par les
autoroutes de la mer d'y arriver et d'en repartir dans les meilleures conditions et sans briser la
« chaîne de transport alternative » qui a été mise en place. Une approche globale de l'hinterland est
donc nécessaire à la fois en ses qualités fixes et en ses possibilités de transport. Au delà, pour se
pérenniser, elles vont pouvoir profiter de l'innovation qui pourra leur être proposée.
84 « Fluvio-maritime : environ 1,8Mt en 2002 » – JMM vendredi 7 novembre 2003, p2285 Paris, cinquième port européen en matière de transport fluvial en 2001 – source DATAR
83
II ) Des avancées techniques et technologiques
On l'a vu en filigrane tout au long de ce mémoire, la concrétisation des autoroutes de la mer
passe par des innovations techniques et technologiques importantes mais induite par les nouveaux
schémas de pensée constitués par le projet : traitements informatiques, euroconteneurs etc. Mais elle
passe tout autant par le développement de structures modernes et attrayantes accessibles aux
armateurs et qui permettront des gains de compétitivité et de sécurité. Des projets qui toucheront
tant à la structure des navires (1) qu'au développement des aides à la navigation (2).
A) Les structures
L'idée de rapidité que sous entendent les autoroutes de la mer a encouragé les initiatives en
faveur de navires plus performants et plus confortables. Ce sont là deux cartes maîtresses qui ont
déjà permis des succès et qui en permettront sûrement d'autres à l'avenir.
Connus depuis bien longtemps sur les trafics entre la Corse et le Continent, tant pour leur
rapidité (entre 28 et 40 nœuds) que pour le nombre de baleines qu'ils percutent chaque année, les
NGV sont aujourd'hui envisagés pour améliorer les performances des autoroutes de la mer.
Prenons l'exemple de la ligne Barcelone- Gênes qui s'apparente à l'idée que l'on pourrait se faire
même si elle n'en est pas officiellement une, d'une autoroute de la mer. L'équipement dit « en
navires rapides » permet d'augmenter les fréquences et de raccourcir la traversée et d'augmenter
l'attractivité de la ligne. Rapide, cadencé, le service y gagne en qualité et correspond mieux à ce
trafic.
C'est d'ailleurs sur un même type de navire, des rouliers encore plus rapides et révolutionnaires, que
s'est fondé le projet de ligne entre Boulogne, le Royaume-Uni et l'Espagne, porté par la société
BGV France86. Victime de la malhonnêteté d'un des armateurs le projet est maintenu mais a subi un
grave revers, même s’il semble que les dégâts se comptent plus en déficit d'image que de
potentialité de réalisation. Toutefois le projet développé mérite notre attention. Il s'agissait ici
d'optimiser une ligne pour les nécessités du transport de poisson entre le nord (Norvège) et le sud
(Espagne) et de fruits et légumes frais du sud au nord, via un hub constitué à Boulogne sur mer. La
traversée Boulogne-Drammen s'effectue en 20heures à une vitesse de ....
La prouesse technique réside dans la création d'un nouveau type de navire, très rapides, dépassant 86 Voir à ce propos le Marin du 9 mai 2008 p. 2 et 3 « Boulogne : le flamboyant armateur du projet BGV se cache en
Sardaigne » et « des navires conçus par un bureau marseillais » bien que ce dernier article ait fait l'objet d'un droit de réponse du bureau en question.
84
certaines contraintes de constitution et d'une forme nouvelle87. Différents appels à projets avaient eu
lieu donnant naissance à ce type de projet :
Projet de NGV – Source : Le Marin
Si ce genre de navire constituerait une opportunité de développement sans pareille pour les
autoroutes de la mer, reste qu'ils présentent des coûts de construction et d'exploitation
proportionnels à leurs résultats. Le prix du baril de pétrole étant ce qu'il est à l'heure actuelle et vu
les difficultés de financement que nous avons évoquées, ce type de projet doit être soit envisagé
dans sa globalité, en mettant en balance le surcoût et les gains de productivité qu'il permet ou
s'inscrire dans une perspective d'avenir, quand les autoroutes de la mer auront acquis une confiance
et une pérennité plus grande.
B) Les aides à la navigation
Si aujourd'hui le système de repérage satellite GPS américain est leader sur le marché
mondial des aides à la navigation, l'Union européenne dans une double optique commerciale et
sécuritaire a mis et va mettre en place des systèmes permettant un contrôle et une aide à la
navigation aux navires.
Déjà, suite au naufrage de l'Erika, l'Union avait mis en place des directives afin de suivre les
navires dans leurs parcours à des fins sécuritaires. Un règlement de 2003 avait lui prévu un système
de suivi des bateaux de pêche pour éviter les abus et les pêches interdites ou hors zone autorisée.
Par ces deux techniques déjà il était démontré que le suivi d'un navire évoluant au large des cotes
87 À ce propos, voir les études techniques et commerciales disponible en ligne sur le site http://www.cetmef.equipement.gouv.fr/publications/
Dans la perspective du développement d'un espace maritime et des transports européen, a été mis en
projet un système de navigation par satellite, Galiléo, afin entre autres de surveiller les navires
évoluant dans celui ci. Premier système GNSS (Global Navigation Satellite System) à visée
purement civile au monde, à l'instar des systèmes russes et américains, Galiléo est le projet
prioritaire n°15 programme RTE-T, développé avec l'agence spatiale européenne.
En permettant de déterminer à tout moment et précisément le positionnement d'un navire, le
système permettra de mieux gérer les flux de trafic du transport intra européen et de soutenir ainsi le
développement du transport multimodal. Dans le cadre des autoroutes de la mer son intérêt en terme
de suivi parait évident. Si aujourd'hui il n'est pas possible de vérifier avec certitude qu'un navire
partant d'un port européen et arrivant dans un autre port européen ne passe pas par un pays tiers,
demain, Galiléo permettra de s'en assurer. Il permettrait ainsi une facilitation du passage portuaire et
la concrétisation de l'espace maritime européen tout en ne négligeant pas les nécessaires contrôles
sécuritaires, commerciaux, économiques et douaniers. Il permettrait ainsi de faciliter l'intégration
totale des flux utilisant les autoroutes de la mer, sur le territoire européen, y compris maritime.
Toutefois, le système ne sera pas mis en place avant 2013. Il s'est en effet heurté à de nombreux
obstacles. Initialement prévu pour être créé par un partenariat public-privé, cette optique a été
remise en cause suite à de nombreux désaccords entre les différents partenaires et finalement, le 23
avril 2008, le Parlement européen a consenti un financement entièrement public de Galiléo, pour
3,4 milliards d'euros. L'Union ne sera donc propriétaire à part entière du système cotant trente
satellites et des infrastructures terrestre de pointes. Malgré tout certaines voix s'élèvent contre ce
projet onéreux et très polluant par le lancement de 30 satellites qui ne semble pas avoir une utilité à
la hauteur de l'investissement.
86
CONCLUSION
Le 13 Juillet dernier a eu lieu à Paris un sommet de la Méditerranée, dans la perspective de
la création d'une « Union pour la Méditerranée » (UPM). Le sujet des autoroutes de la mer a été
évoqué, laissant entrevoir que cette nouvelle Union pourrait elle aussi mettre en place de tels
projets. Entre scepticisme et réelle aspiration, on peut se demander si les autoroutes de la mer ne
deviendraient pas un sujet un peu trop à la mode. Le symbole est beau mais des liaisons entre le
nord et le sud sont déjà nombreuses. Pourtant, on peut espérer que de tels discours puissent faire
entrer dans la conscience populaire les problématiques que nous avons évoquées.... Et que la
réalisation, un jour, de ces projets puisse éviter le détour par Gibraltar ou du Bosphore à de
nombreux camions. Un nouvel horizon s'ouvrirait alors pour les autoroutes de la mer.
Quoi qu'il en soit, d'unicité en compétitivité, de fréquence en report modal, les autoroutes de
la mer sont certainement en passe de devenir une réalité. Mais loin des sentiers battus et d'un
discours complaisant, il nous faut quand même pour clôturer cette étude nous rendre compte du
décalage qui existe entre les mots et les actes. Parler est une chose, agir en est une autre, mais dans
un contexte comme celui ci, il faut savoir allier les deux. De beaux discours théorisant une grande
entreprise, beaucoup de communication, le recours à l'argument écologique, un cadre presque trop
majestueux pour une entreprise qui d'ici quelques décennies redeviendra un transport maritime
comme un autre. Peut être avec un statut spécial mais un trafic maritime quand même. Cette vision
semble pessimiste, elle ne l'est pas. Le vrai pessimisme serait de dire que les autoroutes de la mer ne
se réaliseront jamais. Mais à ce point d'avancement, il n'est plus temps de reculer, trop de choses
sont mises en place et si des échecs ponctuels doivent survenir, ce ne sera que reculer pour mieux
sauter. Certes, les enjeux financiers sont importants mais l'image d'une Europe qui se tourne vers
l'avenir l'est tout autant.
Toutefois, dans l'optique d'une pérennisation de grandes choses restent à accomplir. Le sujet,
vaste et complexe laisse la place à de nombreux développements qui seront autant de précurseurs
d'un transport d'avenir. Il faudra pour cela que les volontés s'affirment et qu'elles se rencontrent afin
de créer la synergie suffisante à une nouvelle optique du transport. Un transport plus sain, plus
87
propre, mieux intégré en lui même, dans son environnement et dans la vie des citoyens. Un
transport qui irait au bout de ses paradoxes et qui porté par ce renouveau pourrait ne plus connaître
d'obstacles. Unifié. Intégré. Simple. Peut être même, et pour reprendre la formule de l'un de mes
éminents professeur, « amodal88 »?
88 Christian SCAPEL « Du transport successif au transport amodal via le transport multimodal » - Revue Scapel – Juill-Sept 2006 83ème année n°3 p139
88
BIBLIOGRAPHIE
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DOCUMENTS DIVERS
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89
– 2006
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CAPPATO Alberto - La LGV PACA et le transport des marchandises – Compte rendu du débat public - Rete autostrade mediterranee – svillupoitalia – avril 2005
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FRANCOU Bernard - Le cabotage en Europe du Nord – les XXIème journées nationales de la mer. La revue maritime n°464 - IFM Février 2003
Groupe interdisciplinaire de réflexion sur les traversées sud alpine et l'aménagement du territoire maralpin - Les autoroutes de la mer en Méditerranée. Etat de la situation en 2007
ISEMAR - Le financement du lancement des lignes de cabotage maritime – Note de synthèse n° 97 – Septembre 2007
MEDA-MoS - Projet transport euro-méditerranéen – appel à projets autoroutes de la mer - octobre 2007
Observatoire régional des transports Provence-Alpes-Côte d’azur (ORT) - Dossier sur les autoroutes de la mer - le journal des transports septembre 2007 – n°61
OCDE - Les incidences sur l'environnement du transport de marchandises – Paris 1997
VIGARIÉ André - La pratique du cabotage sur la façade Atlantique – les XXIème journées nationales de la mer. La revue maritime n°464 - IFM Février 2003
RAPPORTS PARLEMENTAIRES
DE RICHEMONT, Henri, sénateur de la Charente - Un pavillon attractif, un cabotage crédible Deux atouts pour la France - Rapport à Monsieur le Premier ministre - mars 2003
LIBERTI, François, député de l'Hérault - Davantage de camions sur les navires et moins sur les routes ? - Rapport à Monsieur le Premier Ministre sur le développement de lignes régulières de cabotage maritime au départ des ports français - Avril 2002
MÉMOIRES CDMT
AGNES Jean Charles - Le cabotage multimodal – 2003BALLINI Irène - Short Sea shipping – 2002
90
BOUVIER Gérard - Short sea shipping, examen à mi parcours du livre blanc 2001-2010 - 2006ROUEN Julien - Droit et financement du merroutage – 2004-2005
CONFERENCES ET COLLOQUES
Conférence infonavire du 19 Novembre 2007 à Marseille − Les autoroutes de la mer : les enjeux de la grande accessibilité en PACA -
Cécile BOST− Les difficultés de mise en œuvre – Jean Lou BERTET
Pré et post acheminement en Méditerranée - Annales IMTM 2005
PRESSE SPÉCIALISÉE ET PERIODIQUES
Bulletin des transports et de la logistiqueDroit Maritime Français Journal de la Marine MarchandeLa vie du railLe MarinL'officiel des transporteurs
SITES INTERNET
- Sites institutionnelsPortail de l'Union européenne : www.europa.euPortail juridique de l'Union européenne, Eur lex : http://eur-lex.europa.euSite de la CNUCED : www.unctad.orgSite du ministère des transportsSite du ministère de l'écologie : www.developpement-durable.gouv.fr/Site du grenelle de l'environnement : www.legrenelle-environnement.gouv.frSite des douanes françaises : Site du bureau de promotion du short sea shipping français (BP2S) : www.shortsea.frSite du bureau de promotion du SSS espagnol : www.shortsea.esSite de l'école européenne du short sea shipping
- Sites de centres de recherchesSite de l'Institut français de la mer : www.ifm.free.frSite du CDMT : www.cdmt.droit.u-3mrs.fr/Site de l'Institut supérieur de l'économie maritime de Nantes – St Nazaire (ISEMAR) : www.isemar.asso.fr
- Sites généralistes Mer et marine, site d'information maritime : www.meretmarine.frSite Viacombi sur le transport combiné en France : www.viacombi.frEncyclopédie en ligne wikipédia : www.wikipedia.com
ADEME : Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie
BP2S : Bureau de promotion du short sea shipping
CNUDCI : Commission des Nations Unies pour le droit commercial international
CCI : chambre de commerce internationale
CDMT : Centre de Droit Maritime et des Transports
CES : comité économique et social européen
CMR : Convention sur le transport de marchandises par route
CNUCED Convention des nations unies sur le commerce et le développement
CRPM : Conférence des Régions Périphériques Maritimes
GNSS : Global Navigation Satellite System
IMTM : Institut Méditerranéen des Transports Maritimes
OCDE : Organisation de coopération et de développement économiques
PL : Poids lourds
RTE-T : Réseaux transeuropéens - Transports
Ro-pax : Navire mixte roulier passagers
Ro-ro : Roll on-Roll off – Navire roulier
SNCM : Société Nationale Corse Méditerranée
SAMS : Société des Autoroutes maritimes du Sud,
SSS : Short sea shipping
TMCD : Transport maritime à courte distance
UE : Union européenne
2E3S : Ecole européenne du short sea shipping
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TABLE DES ANNEXES
Règlement CE n° 1692/2006 du parlement européen et du conseil du 24 Octobre 2006établissant le deuxième programme Marco Polo.
P92
Annexes du Vade-mecum publié avec l'appel à projet RTE-T 2005 portant sur l'article 12bis des orientations RTE-T sur les autoroutes de la mer RTE-T
Annexe 1 – Liste de contrôle à l’attention des postulantsAnnexe 2 – Possibilites de financement des projets d' autoroutes de la mer Annexe 3 – Extrait du règlement RTE-T
P98
Carte des projets du programme RTE-T
Liste des projets prioritaires RTE-T
P101
p102
Document unique du BP2S – Sources BP2S – Avec l'aimable autorisation de M. Millour. P103
PARTIE 1 - LES AUTOROUTES DE LA MER A LA RECHERCHE D'UN CADRE APPROPRIE ......................................................................
CHAPITRE 1 – UN DIFFICILE EFFORT DE DÉLIMITATION..........................
Section 1 – La délimitation du concept, un exercice laborieux............................................
I) Discussion politique du concept : la pérennité dans l'infrastructure................................A – Pertinence de la limitation au cadre européen B – Une infrastructure?
II ) Discussion technique du concept : le choix du Roulier...................................................A - Le choix du contenantB - Le choix de la structure
Section 2 - La réalisation du concept : un exercice périlleux...............................................
I) Inventaire des lignes maritimes existantes ........................................................................A – Les projets avortéesB - les lignes exploitées
II) Un pari difficile à relever face à bilan mitigé...................................................................A - L'échec, un vecteur de scepticisme. B - Les programmes de promotion
CHAPITRE 2 – UNE LABORIEUSE IMPULSION INSTITUTIONNELLE......
Section 1 – Une dynamique commune d'évolution............................................................
I) Au niveau européen...........................................................................................................A - Quand l'Europe se tourne vers la merB – Quand le transport européen se tourne vers la mer
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II ) Au niveau national...........................................................................................................A - Volonté politique B - Plan d'action
Section 2 – Une tentative bicéphale d'encadrement européen...........................................
I ) Une impulsion opérationnelle : Marco Polo ..................................................................A) Le programmeB) Ses applications
II) Une impulsion infrastructurelle : RTE-T.......................................................................A) Le programme B) Son application aux autoroutes de la mer
PARTIE 2 – LES AUTOROUTES DE LA MER A LA RECHERCHE DE SOLUTIONS UTILES......................................................................
CHAPITRE 1 – LES AUTOROUTES DE LA MER OU L'INEXTRICABLE MISE EN OEUVRE......................................................................................................
Section 1 – De la difficulté d'adapter le régime juridique...................................................
I ) Risques et avantages d'un régime juridique particulier..................................................A – Conséquences de l'utilisation des conventions existantesB – Vers une convention multimodale
II ) Trouver des outils d'unicité juridique............................................................................A - Document unique B - Opérateur unique
Section 2 – De la pérennisation des autoroutes de la mer...................................................
I) La problématique majeure : le financement ...................................................................A – Les enjeux du financement B – Les modalités du financement
II ) L'évidence du report modal : illustration chiffrée en méditerranée...........................A - le prix du transitB - Le prix du passage maritime
CHAPITRE 2 – LES AUTOROUTES DE LA MER OU L'ESPOIR DE PERPECTIVES OPTIMISTES .................................................................................
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Section 1 – La facilitation du maillon terrestre....................................................................
I ) Le passage portuaire...........................................................................................................A - Une infrastructure portuaire efficaceB - La mobilisation des acteurs du port
II ) La neutralisation des « goulets d'étranglement »...........................................................A - Les formalités administratives. B - Contrôles douaniers, de sécurité, et sanitaires
Section 2 – Elargir les perspectives des autoroutes de la mer ..............................................
I ) Le développement de l'hinterland.....................................................................................A – l'exigence de dynamisme. B – L'exigence de multimodalité
II ) Des avancées techniques et technologiques.....................................................................A - Les structures B - Les aides à la navigation