ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES Marc FIEVET : leçons d’économie leçon 8 1 LEÇON 8 : INFLATION, CHOMAGE & POLITIQUES ECONOMIQUES MACRO-OBJECTIFS (dossier pédagogique de l’UE) 1. d’analyser et critiquer les problèmes liés à la croissance économique : chômage, inflation, stagflation, épuisement des ressources naturelles, ... ; 2. mettre en évidence et évaluer les politiques économiques mises en œuvre par les pouvoirs publics ; 3. analyser et confronter les fondements des principaux mouvements théoriques (classique, keynésien, monétariste, ...) en saisissant leurs relations avec les phénomènes politiques et sociaux. OBJECTIFS : Au cours de cette leçon, l’étudiant va : 1. appréhender le phénomène inflationniste ; 2. analyser les causes de l’inflation et en considérer les conséquences ; 3. appréhender la problématique du chômage ; 4. en analyser les fondements théoriques ; 5. analyser l’évolution, les causes et les conséquences du chômage persistant né avec la crise des années 1970 ; 6. dégager la relation à court terme entre inflation et chômage à travers la courbe de PHILLIPS et en considérer les conséquences à court terme et à long terme ; 7. découvrir l’importance de la relation entre la croissance et le chômage à travers la loi d’OKUN ; 8. analyser et critiquer les politiques économiques de lutte contre l’inflation et le chômage. PLAN : SECTION 1 : L’INFLATION SECTION 2 : LE CHOMAGE SECTION 3 : LA RELATION INFLATION – CHOMAGE : LA COURBE DE PHILLIPS SECTION 4 : LA RELATION CROISSANCE – CHOMAGE : LA LOI D’OKUN SECTION 5 : POLITIQUES ECONOMIQUES RESUME & QUESTIONS DE REVISION.
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LEÇON 8 : INFLATION, CHOMAGE & POLITIQUES … 2016 08.pdf · corrélation entre la croissance de la masse monétaire et le taux d’inflation mensuel. Mais pourquoi la masse monétaire
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MACRO-OBJECTIFS (dossier pédagogique de l’UE) 1. d’analyser et critiquer les problèmes liés à la croissance économique : chômage, inflation, stagflation, épuisement des ressources naturelles, ... ;
2. mettre en évidence et évaluer les politiques économiques mises en œuvre par les pouvoirs publics ;
3. analyser et confronter les fondements des principaux mouvements théoriques (classique, keynésien, monétariste, ...) en saisissant leurs relations avec les phénomènes politiques et sociaux.
OBJECTIFS : Au cours de cette leçon, l’étudiant va : 1. appréhender le phénomène inflationniste ;
2. analyser les causes de l’inflation et en considérer les conséquences ; 3. appréhender la problématique du chômage ;
4. en analyser les fondements théoriques ; 5. analyser l’évolution, les causes et les conséquences du chômage persistant né avec la crise des
années 1970 ; 6. dégager la relation à court terme entre inflation et chômage à travers la courbe de PHILLIPS et en
considérer les conséquences à court terme et à long terme ; 7. découvrir l’importance de la relation entre la croissance et le chômage à travers la loi d’OKUN ; 8. analyser et critiquer les politiques économiques de lutte contre l’inflation et le chômage. PLAN : SECTION 1 : L’INFLATION SECTION 2 : LE CHOMAGE SECTION 3 : LA RELATION INFLATION – CHOMAGE : LA COURBE DE PHILLIPS SECTION 4 : LA RELATION CROISSANCE – CHOMAGE : LA LOI D’OKUN SECTION 5 : POLITIQUES ECONOMIQUES RESUME & QUESTIONS DE REVISION.
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SECTION 1 : L’INFLATION
Objectif 1 : appréhender le phénomène inflationniste.
Indice des prix à la consommation 2012 sur base : (Source : BNB.)
1914 1953 1966 1975 1988 1996
22.727 752,78 579,42 355,74 170,74 139,12
Les prix à la consommation ont augmenté de 70% depuis 25 ans, ou encore ont été
multipliés par 227 en un siècle !1
L’inflation se définit comme la hausse soutenue du niveau général des prix, la
déflation étant le phénomène inverse (à ne pas confondre avec la désinflation qui
signifie baisse du taux d’inflation).
L’inflation peut se situer à plusieurs niveaux (les taux donnés étant indicatifs) :
faible (quelques pourcents/an) ;
forte (> 8 - 15%) ;
galopante (> 20% - ???).
L’INFLATION GALOPANTE, PROBLEMATIQUE
Durant les années 1970 et 1980, nos pays ouest-européens ont connu une inflation forte
(jusqu’à 14%/an), tandis que des nations sud-européennes qui appartiennent aujourd’hui à
l’UE comme la Grèce, l’Espagne, le Portugal, l’Italie ont subi durant ces mêmes années une
inflation galopante. Nombre de pays d’Asie, d’Afrique, d’Amérique Centrale et Latine
(Mexique, Argentine, Pérou) ont vécu des décennies avec des taux d’inflation de 9-10%
MENSUELS, ce qui représente plus de 300% par an ; autrement dit, les prix TRIPLENT sur
une année ! L’inflation galopante engendre d’importants dysfonctionnements :
les épargnants s’appauvrissent, car les taux d’intérêt réels sont largement négatifs
(rappel : taux réel = taux nominal – inflation) ;
la monnaie locale perd constamment de sa valeur et est souvent évincée par une devise
forte (en général, l’USD), dans laquelle les contrats sont indexés ;
les agents économiques fuient devant cette monnaie locale (s’en débarrassent au plus
vite), en faisant plutôt des réserves de biens ou en plaçant à l’étranger, asséchant ainsi
les marchés financiers nationaux ;
1 En France, les salaires annuels des travailleurs sont en 1913 pour la plupart compris entre 1.000 et 1.300 FF (il s’agit des anciens
francs, antérieurs à la réforme monétaire de 1959). A prix constants, 100 FF de l’époque valent 336 € d’aujourd’hui. Ainsi, un
instituteur débutant gagne 1.100 FF/an, ce qui correspondrait aujourd’hui à un revenu annuel de 3.700 € ; l’impôt sur le revenu
n’est instauré qu’en 1914. Aujourd’hui, un instituteur débutant (« professeur des écoles ») gagne environ 20.000 €/an nets. On
voit que le pouvoir d’achat a été multiplié par 5,5 ; mais vit-il mieux, compte tenu de ses besoins dans la société actuelle ?
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le gouvernement s’endette en devises, et il doit rembourser au prix fort en terme de
monnaie nationale (puisque les devises ne cessent de s’apprécier), créant ainsi des dettes
publiques astronomiques qui hypothèquent l’avenir et rendent dépendant des créanciers
internationaux (et notamment du FMI2).
CATASTROPHIQUE : L’HYPERINFLATION
De telles situations vous paraissent peut-être aberrantes, mais il y a bien pire :
l’HYPERINFLATION, qui est une situation kafkaïenne mais hélas réelle dans laquelle les prix
augmentent de plusieurs milliers voire plusieurs millions de pourcents (!) par an. La
plus célèbre est celle qu’a connue l’Allemagne3 en 1922-1923 ; d’août 1922 à novembre
1923, les prix ont été multipliés par … 10 milliards !!! Anecdote : en 1913, la masse
monétaire en Allemagne était de 6 milliards de marks ; en octobre 1923, 6 milliards de marks
étaient nécessaires pour acheter un simple pain de 1kg, qui vaudra un mois plus tard 428
milliards de marks ! Ci-dessous, billet de … 200 milliards de marks, 1923.
SECTION 4 : LA RELATION PRODUCTION – CHOMAGE : LA LOI D’OKUN
Objectif 7 : découvrir succinctement la relation entre la croissance et le chômage à travers la loi d’OKUN.
Analysons une dernière relation fondamentale, la LOI D’OKUN38, qui relie39 le taux de
croissance du PIB et le taux de chômage.
UN TAUX DE CROISSANCE NECESSAIRE (α) …
Selon OKUN, un « certain » taux de croissance réel positif (appelons-le α - alpha) est
nécessaire pour éviter une hausse du chômage. Ce taux provient essentiellement de
deux facteurs : l’évolution de la population active et celle de la productivité.
Autrement dit, une croissance réelle zéro peut générer une hausse du chômage !
Ainsi, en France, entre 1970 et 1989, il fallait un taux de croissance du PIB de 4,94% pour
que le chômage commence à baisser ; entre 1990 et 2007, ce taux est passé à 1,9%. Le
calcul est le suivant :
la hausse de la population active est en moyenne de 0,9% par an ;
la hausse de la productivité horaire est en moyenne de 1,7% ;
il faut tenir compte d’un impact négatif de -0,7% dû aux « 35 heures40 ».
On comprend aisément que ce taux de croissance varie d’un pays à l’autre et dans le temps,
puisqu’il dépend notamment de l’évolution démographique et de la législation sociale au sens
large (obligation scolaire, durée hebdomadaire du temps de travail, âge de la retraite, …).
Remarquez que cet aspect de la loi d’OKUN valide l’explication démographique que nous
avons donnée ci-dessus à la section 2. L’augmentation de la population active due au baby-
boom a fait monter α, en même temps que la croissance réelle s’est tassée.
La variation du chômage va donc se mesurer en terme d’écart du taux réel de croissance par
rapport au taux α. Autrement dit, peut-on mesurer par une formule (et donc prévoir) la
variation du taux de chômage lorsque la croissance réelle est par exemple de 1% en-deça ou
au-delà d’α ?
38
Arthur Melvin OKUN (1928-1980), économiste américain, Président du Council of Economic Adviseur de J.F. KENNEDY
(Président des USA de 1961 à 1963) : Potential GNP: Its measurement and significance, American Statistical Association,
Proceedings of the Business and Economics Section, 1962 39
Dans sa version simple. 40
Etude de l’INSEE. La France est passée en 2000 de la semaine des 40 heures (ou 39) à celle des 35 heures.
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… ET LE COEFFICIENT D’OKUN (φ)
La variation du chômage résultant de l’écart du taux de croissance par rapport à α est
mesurée par le coefficient d’OKUN (φ - phi)41. Si ce coefficient est par exemple de 0.6, un
taux de croissance de (α+1)% diminue le chômage de 0.60%. Ce coefficient s’explique par
deux phénomènes cumulatifs :
quand les entreprises sont confrontées à une stagnation ou une baisse provisoire de la
demande, elles décident parfois de ne pas licencier (concept de thésaurisation du
travail), ce qui crée en fait un « chômage déguisé » ; elles n’ajustent pas l’emploi
strictement proportionnellement à la production, car d’une part, certains travailleurs sont
indispensables quelle que soit la production, et d’autre part, des opérations telles que le
licenciement, l’embauche ou la formation de travailleurs coûtent cher ; lors d’un
ralentissement conjoncturel, les entreprises préfèrent garder leurs employés dans l’attente
de la reprise ;
lorsque l’emploi est en hausse, le taux de participation augmente également ; cela signifie
que des inactifs (donc « non chômeurs ») se mettent à chercher activement de l’emploi et
sont dès lors comptabilisés en tant que chômeurs. Attention donc : comme nous l’avons
signalé plus haut, un emploi en plus n’égale pas un chômeur de moins.
Lorsque l’on connaît les valeurs de α et de φ, il est simple de déterminer toutes choses
égales par ailleurs le taux de croissance du PIB nécessaire pour faire baisser le taux de
chômage d’un certain montant. Si nous supposons α=2% et φ=0.6, et que l’on souhaite une
baisse du chômage de 2.5%, le taux de croissance nécessaire x sera tel que ∆μ = -φ(x – α)
soit -2.5=-0.6(x-2) ► x6% ; 2% sont indispensables pour éviter une hausse du chômage,
et 4% au-dessus de ce taux font baisser le chômage de (0.6 * 4), soit 2.4%.
Les analyses économétriques montrent également pour ces dernières années une
augmentation du coefficient d’Okun dans un certains nombre de pays : les variations du
taux de chômage seraient plus élastiques au taux de croissance du PIB ; explications :
la compétition accrue sur le marché des biens et des services a forcé les entreprises à
réduire la thésaurisation du travail, afin de comprimer les coûts ;
sous la pression du secteur privé, les Etats ont dû « déréguler » le marché du travail ;
moins celui-ci est rigide, plus le chômage est effectivement élastique au taux de
croissance : contrats court terme, facilités de licenciement, …
En France, les chiffres de l’INSEE indiquent un coefficient de 0.19 pour la période 1970-1989,
et de 0.57 actuellement. Cela signifie que lorsque la croissance dépasse α d’un point, le taux
de chômage diminue 3 fois plus vite qu’avant. Mais ce n’est pas une bonne nouvelle : en cas
de faible croissance ou de récession, les entreprises licencient aussi 3 fois plus qu’avant. A
titre de comparaison, le coefficient est de 0.85 en Espagne et de 0.19 au Japon42.
41
Ce coefficient est calculé par une droite de régression sur les séries annuelles de variation du taux de chômage et de variation du
PIB – voyez le graphique à la page suivante. 42
Ce faible coefficient est le reflet du concept japonais « d’emploi à vie ».
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CONSEQUENCES
Les conséquences de la loi d’Okun sont d’une importance vitale :
une croissance économique faible ne fera pas baisser le chômage ;
paradoxalement, on peut donc avoir une économie « en bonne santé » et un chômage qui
augmente ;
la hausse de la productivité, qui est bonne pour les entreprises, est mauvaise pour
l’emploi ; tout aussi paradoxalement, prôner l’augmentation de la productivité pour assurer
la compétitivité de nos entreprises peut conduire à la destruction d’emplois ;
certains politiciens et économistes estiment que la réduction du temps de travail
constituent un remède contre le chômage ; l’exemple français ci-dessus montre qu’une
réduction de plus de 10% du temps de travail produit des effets très limités, notamment
parce qu’elle permet des augmentations de productivité (réorganisation du travail, …) ;
l’augmentation de la population active (forte natalité, flux migratoire important)
est un phénomène tout aussi mauvais pour la réduction du chômage. Le baby-
boom des années d’après-guerre nous a appris que les enfants engendrent d’abord des
coûts importants pour la société (système scolaire), puis sont les demandeurs d’emplois de
demain et les retraités d’après-demain. A défaut d’une forte croissance, tous les pays qui
connaissent une natalité « galopante » ont de sérieux problèmes de chômage, notamment
chez les jeunes. Ceux qui acceptent une immigration massive suivent le même chemin, ils
vont le comprendre, trop tard ? Retour aux idées Malthusiennes43 ???
La loi d’Okun fait régulièrement l’objet d’études ; on constate sur les séries quelques
anomalies, comme le montre le graphique44 ci-dessous pour les USA ; en 2009, le PIB baisse
de 0.5 point ; la loi d’Okun prévoyait une hausse du chômage de 1.2%, il a augmenté de
3% ; en 2011, le PIB croît de 1.6%, le chômage baisse de 0.9 point, alors qu’il aurait dû
augmenter. Cela peut s’expliquer par les décalages qui existent entre la perception de la
variation de croissance et la réaction des entreprises. En 2009, elles auraient ainsi surréagi à
la crise en licenciant beaucoup, et auraient dû se « rattraper » en 2011.
43
Voyez les leçons 1 et 7, la croissance est aussi un problème démographique. 44
Emily Burgen, Brent Meyer et Murat Tasci, An elusive relation between unemployment and GDP (Gross Domestic Product)
growth: Okun’s law, 2012, Federal Bank of Cleveland; la technique utilisée est celle de la régression linéaire par la méthode des
moindres carrés (OLS, ordinary least square) ; cette méthode donne l’équation de la droite de régression; dès lors que l’on dispose
de la prévision du taux de croissance du PIB, on peut en déduire la variation du taux de chômage.
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SECTION 5 : POLITIQUE ECONOMIQUE
Objectif 8 : analyser les politiques économiques de lutte contre l’inflation et le chômage
LUTTE CONTRE L’INFLATION : POLITIQUE MONETAIRE
Nous avons analysé à la section 1 de cette leçon les causes de l’inflation. La première de ces
causes étant d’origine monétaire, il apparaît naturel d’utiliser la politique monétaire pour
tenter de maintenir la stabilité des prix (MV = PQ).
La Banque Centrale fournit les liquidités nécessaires au bon fonctionnement du
système économique en veillant à la stabilité de la monnaie et des prix.
Pour cela, la BC (la BCE en zone Euro) fixera des objectifs quantitatifs visant les agrégats
monétaires (M1, M2, M3) et donc les taux d’intérêt 45 et éventuellement un objectif de taux
de change, par intervention sur le marché des changes46 ;
Objectifs monétaires Objectifs globaux
Baisse du taux d’intérêt Relancer l’investissement et la consommation, et donc DG
Hausse du taux d’intérêt Favoriser l’épargne, freiner DG (via C & I)
Contraindre la croissance de M Lutter contre l’inflation (ralentir C)
Apprécier la monnaie nationale Lutter contre l’inflation importée
Déprécier la monnaie nationale Favoriser les exportations
La quantité de monnaie peut difficilement être contrôlée avec précision par les
autorités monétaires. Elle dépend en effet de facteurs qu’elle ne contrôle pas :
l’entrée de devises47 ;
les taux d’intérêt étrangers : i ne peut être fixé sans en tenir compte, sinon il y aura
d’importants mouvements de capitaux, impactant la BTO48 et le taux de change.
Une politique monétaire restrictive est discriminatoire dans ses effets :
la hausse des taux pénalise les investissements qui y sont les plus élastiques
(construction, PME, secteurs où les consommateurs achètent à crédit,…) ;
les banques doivent réduire leurs prêts ; certaines entreprises se retrouvent en
insuffisance de liquidités ; pour éviter des faillites, la Banque Centrale doit alors
réinjecter des liquidités.
45
Ces concepts ont été vus à la leçon 6 de même que le fonctionnement du marché monétaire 46
Leçon 6 : le marché des changes fonctionne selon le schéma offre-demande ; la banque centrale, en se positionnant comme
offreur ou comme demandeur de grandes quantités de devises, va influer sur les cours. 47
Bilan de la BC, leçon 6. 48
Balance des transactions officielles, voyez leçon 5.
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LUTTE CONTRE L’INFLATION PAR LES COÛTS : POLITIQUE DE REVENUS
En situation d’inflation par les coûts et de stagflation, la politique monétaire est
inefficace car elle ne s’attaque pas à la cause de l’inflation, qui est due à un choc d’offre.
Gouvernements et entreprises sont tributaires de l’évolution des marchés mondiaux,
notamment des matières premières., et donc peu armés contre une inflation importée.
Toutefois, si la hausse des coûts est la conséquence d’un taux de change défavorable, la BC
pourra intervenir sur le marché des changes, afin de stabiliser le cours de sa monnaie49.
Cette position ne sera pas nécessairement du goût des entreprises exportatrices, pour qui la
baisse du cours de la monnaie nationale est une aubaine.
Le problème de la hausse des coûts salariaux, que les entreprises répercutent sur les prix,
nécessite la mise en œuvre d’une politique des revenus, qui rencontre deux objectifs :
prévenir une inflation par les coûts & assurer la compétitivité des entreprises au
niveau international.
L’instrument extrême en ce domaine est le blocage des salaires, très impopulaire ; c’est
pourquoi on l’accompagne en général d’un blocage des prix. Mais dans une économie
ouverte, le blocage absolu des prix est impossible, vu l’augmentation du prix des produits
importés. Il faut donc laisser de la marge aux entreprises, ce qui mécontente les salariés.
Notre gouvernement préfère utiliser la norme d’évolution salariale (modération) ; il
fixe pour deux ans un pourcentage maximum d’augmentation des salaires (indexation
comprise) en fonction des évolutions dans les pays voisins (F, NL, D), de façon à éviter tout
dérapage dommageable. Il appartient alors aux partenaires sociaux (patronat, syndicats) de
discuter dans le cadre de cette norme, et de trouver un consensus, l’Etat intervenant en
dernier ressort. En Belgique, les salaires sont automatiquement indexés en fonction de
l’évolution de l’indice des prix à la consommation. Ce mécanisme est critiqué à la fois par le
patronat et les organismes internationaux (UE, FMI, …), car il est facteur d’inflation inertielle :
PRIX INDEX SALAIRES
Néanmoins, ce mécanisme est peut-être moins pervers qu’il n’y paraît :
d’une part, la norme salariale inclut l’indexation ;
d’autre part, on constate quand l’indexation automatique n’existe pas, les salariés
négocient les augmentations salariales nécessaires au maintien de leur pouvoir d’achat.
Toutefois, il est clair qu’il empêche la baisse des salaires réels dans les secteurs où elle
s’imposerait.
49
Cela dépend tout d’abord du régime de change (fixe ou flottant), problème abordé dans la leçon 6. Il faut également que la BC
dispose de moyens suffisants pour une telle intervention. Par ailleurs, si le problème persiste, la cause en est structurelle, et il
appartiendra aux autorités de prendre des mesures en conséquence.
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La fixation de normes d’ensemble a l’inconvénient de clicher les structures et de
diminuer les facultés d’adaptation du système : si l’augmentation des salaires est fixée
de manière uniforme pour tous les secteurs, les secteurs à forte productivité ne peuvent
octroyer les augmentations qui leur seraient nécessaires pour attirer de la main-d’œuvre à
partir des secteurs à faible croissance ou à faible productivité. Les « supply-siders » estiment
que la fixation de normes d’ensemble au niveau national doit être évitée ; les négociations
devraient se faire au niveau de l’entreprise.
Des considérations d’équité font que le contrôle des salaires devrait être étendu à
d’autres formes de revenus (tarifs de certains indépendants tels que les notaires,
médecins, …, rémunération des placements, profits,…), ce qui est très compliqué en pratique.
Enfin, les « supply-siders » estiment que la fixation d’un « salaire minimum garanti » est à
éviter car elle freine l’embauche des moins performants (les jeunes non qualifiés, par
exemple)50.
LA LUTTE CONTRE LE CHÔMAGE
La loi d’Okun montre que la condition première pour éviter une hausse du chômage est que le
PIB croisse à un taux suffisant pour absorber les augmentations de population active et de
productivité. Toutes les politiques économiques favorisant la croissance du PIB constituent le
fondement de la lutte contre le chômage. Elles ne sont toutefois pas suffisantes.
POLITIQUE BUDGETAIRE ET FISCALE
En matière de politique budgétaire et fiscale, les responsables doivent veiller à prendre des
mesures qui favorisent la capacité des entreprises à créer et à maintenir de l’emploi ; ces
mesures s’intégreront harmonieusement dans la politique globale de l’emploi analysée ci-
dessous. Pour les visualiser, reprenons les tableaux synthétiques de la leçon 7 :
au niveau des dépenses :
Instruments Objectifs
Aide aux entreprises (production,
investissements, exportations, …)
Augmenter l’investissement et l’emploi ; assurer la
croissance et la compétitivité des entreprises
Investissements d’infrastructure (routes,
rail, ports, aéroports, ……)
Améliorer l’infrastructure du pays au profit des entreprises
tout en les faisant travailler
Enseignement, aides à la recherche Assurer la formation du capital humain.
50
La majorité des pays de l’UE ont un SMIC. En 2013, il est en Belgique de 1.500 €/mois, mais par exemple seulement de 158 €
en Bulgarie et 752 € en Espagne (source : entraide-socuiale.com). Jusqu’en 2014, l’Allemagne n’en avait pas. Depuis le début
des années 2000, les lois HARTZ (Peter Hartz, ancien directeur RH de Volkswagen, salarié du syndicat IG Metall) modifiaient la
notion « d’emploi convenable » et permettaient d’embaucher des chômeurs pour des mini-jobs à 400 €/mois, voire pour des
travaux d’intérêt public à 1 €/heure, le tout concernant près de 3 millions de personnes. A partir de 2015 un SMIC est instauré, à
8,50 € de l’heure, inférieur aux SMIC belge et français.
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au niveau des recettes (impôts, sécurité sociale)
Instruments Objectifs
Fiscalité directe vs indirecte Taxer plus ou moins les revenus ? le travail ? la consommation ?
Réductions d’impôt ciblées idem, mais visant certains secteurs clés (secteurs dits
« d’entraînement », comme la construction, les nouvelles
technologies, …)
Aides fiscales ciblées Favoriser la création et le développement des entreprises,
pourvoyeuses d’emplois
Réduction des cotisations sociales Alléger le coût du facteur travail pour lutter contre le chômage.
Comme nous l’avons déjà signalé, la politique budgétaire et fiscale a ses limites : dette et déficit publics sont « réglementés » par les traités européens (respectivement
60% et 3% max. du PIB) ;
l’endettement public constitue un poids pour les générations futures ;
l’emprunt public peut produire un effet d’éviction de l’investissement privé.
Si l’Etat dépense et investit beaucoup, l’équilibre des budgets publics nécessite une
pression fiscale accrue. Inévitablement, cette pression pèse sur les agents économiques :
les entreprises hésitent à investir, et pour les plus grandes, à s’installer dans le pays ; les
ménages voient leur revenu disponible diminuer.
Les agents mettent en œuvre « trucs et astuces fiscales » (légales ou pas) pour éluder
l’impôt : ingénierie fiscale, fuite de l’épargne, travail au noir, … C’est ce qu’explique la
théorie de LAFFER51 :
La courbe de Laffer (qui dans la réalité est asymétrique) montre qu’au-delà d’un certain taux
d’imposition, les revenus de l’Etat DIMINUENT, parce que les agents pratiquent l’évasion ou la
fraude fiscales. En résumé, « trop d’impôt tue l’impôt ».
51
Arthur LAFFER (1940), économiste américain, considéré comme le chef de file des « supply siders ».
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POLITIQUE GLOBALE DE L’EMPLOI
Créer les conditions d’adéquation de l’offre à la demande sur le marché du travail,
favoriser la création de postes de travail dans les entreprises (utilisation du facteur
travail) et lutter contre le chômage.
L’adéquation de l’offre à la demande sur le marché du travail passe par l’éducation
et la formation qui prennent en compte les « compétences » requises par les employeurs ;
le système éducatif développe à temps les filières adéquates et supprime les filières « cul-de-
sac » ; les opérateurs d’enseignement et de formation adaptent les compétences des
chômeurs et des travailleurs, dans une perspective de « lifelong learning » (LLL) .
L’incitation à la création d’emploi passe par la flexibilisation du marché du travail :
réduire les freins à l’embauche par la simplification des procédures liées à l’occupation
de travailleurs : dispositions imposant des obligations aux différentes catégories
d’entreprises (par exemple, en matière de représentation syndicale), durée de préavis,
réglementation des licenciements collectifs, … ;
assouplir les possibilités de recours aux contrats CDD ou intérimaires, … ;
flexibiliser le temps de travail, en moyenne annuelle, avec un maximum hebdomadaire
(ex. : moyenne de 38h/semaine avec possibilité de 45h et RTT52), afin de permettre aux
entreprises de réagir rapidement aux fluctuations de la demande ;
Il est impératif réduire la part des salaires indirects (cotisations patronales de sécurité
sociale) qui augmente le « salaire coût » supporté par l’entreprise et accroît le chômage
« classique ». Le « salaire indirect » étant fixé par l’Etat et donc soustrait aux négociations
entre patrons et travailleurs diminue la flexibilité des salaires réels.
Les supply-siders proposent dès lors de repenser le système de sécurité sociale afin d’en
diminuer la charge pour les entreprises par la « privatisation » de certains risques
(assurances volontaires) et la « fiscalisation » des autres (couverts par l’impôt et
non par des cotisations uniquement à charge du facteur travail).
Il n’est sans doute pas inutile de s’interroger sur le système d’évolution des salaires hors
index. Lorsqu’il dépend de l’âge ou de l’ancienneté, les travailleurs les plus âgés ou les plus
anciens coûtent plus chers, sans qu’il y ait nécessairement un lien avec leur productivité. Les
entreprises ont tendance à les licencier en premier, et n’embauchent que rarement des
travailleurs au-delà de 50 ans. Une évolution salariale liée aux compétences, à la
productivité et au mérite serait sans aucun doute plus correcte.
La lutte contre le chômage nécessite un ensemble de mesure (certaines impopulaires)
telles que l’amélioration des performances du système éducatif ou encore la limitation des
allocations de chômage dans le temps, et l’obligation pour les percevoir de prouver
recherche active d’emploi et formation (« activation des demandeurs d’emploi »).
52
Récupération du temps de travail.
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On le voit, ces mesures sont essentiellement structurelles, visant le moyen et le long terme.
Nous avons déjà débattu de la capacité d’adaptation du système éducatif au marché de
l’emploi, qui se heurte à nombre de contraintes : anticipation des compétences, prises de
décision, financement, statut du personnel enseignant, orientation des jeunes, … Il n’est pas
simple non plus d’intégrer les opérateurs d’enseignement et ceux de la formation, dont les
objectifs et les méthodes sont très différents.
La flexibilisation du marché du travail se fait en général au détriment des conditions de
travail, et n’est donc pas très « sociale ». Elle accentue la dualisation du marché du travail.
Le travailleur a l’impression d’être considéré comme une marchandise, utilisé puis jeté au gré
de l’évolution conjoncturelle ; la succession de contrats précaires empêchent les travailleurs
(jeunes surtout) de se projeter dans l’avenir. Dans une économie mondialisée, au sein d’une
Europe « sociale » inexistante, chaque Etat restant indépendant en la matière, le dumping
social de certains pays (d’Europe centrale notamment) ne laisse pourtant guère le choix.
La diminution du coût du travail nécessite une refonte complète du financement de la sécurité
sociale d’une part, et de la détermination des salaires d’autre part. Il s’agit donc d’un
problème normatif, qui paralyse le monde politique peu enclin à ouvrir la boîte de pandore.
La limitation des allocations de chômage dans le temps et les contreparties exigées pour
les percevoir constituent un débat de même nature. Sont-elles un droit fondamentalement
inaliénable ? Comment vivront les chômeurs en fin de droit ? Paupérisation des individus et
charges insoutenables pour les CPAS53 ? Enfin, la multiplication de contrats spécifiques pour
certaines catégories de demandeurs d’emploi génère des effets pervers ; malheur à qui n’est
pas dans les « bonnes » conditions d’embauche.
LA POLITIQUE DE L’EMPLOI ET DES REVENUS EST POURTANT CRUCIALE POUR LES
PAYS DE LA ZONE EURO :
ILS NE DISPOSENT PLUS DE LEUR POLITIQUE MONETAIRE NI DE CHANGE ;
ILS SONT CONTRAINTS DANS LEUR POLITIQUE BUDGETAIRE ET FISCALE ;
ILS NE CONTRÔLENT PLUS LEURS FRONTIERES (Schengen – immigration) ;
L’AJUSTEMENT DES DESEQUILIBRES PASSE PAR LE MARCHE DE L’EMPLOI :
CHÔMAGE ET DEFLATION SALARIALE54.
53
Centre Public d’Aide Sociale, dépendant des communes, allouant des allocations aux sans revenu. 54
A la suite de la crise de 2008, les exemples grec, espagnol, portugais sont édifiants.
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Portefeuille de lecture/12 : réflexion sur le chômage
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RESUME
1. L’inflation est la hausse du niveau général des prix ; l’inflation galopante est une hausse de plus de 20 % l’an ; l’hyperinflation est une situation dans laquelle les prix augmentent de plusieurs milliers (au moins) % par an. La vraie mesure de l’inflation est le déflateur du PIB. Néanmoins, pour ajuster le pouvoir d’achat des ménages, on utilise l’indice des prix à la consommation (index), qui reprend les produits les plus courants composant le panier de la ménagère. 2. Les économistes classiques ont analysé l’inflation à partir de l’équation quantitative de la monnaie MV = PQ. L’excès d’offre de monnaie génère la hausse des prix ; elle provient souvent d’une monétisation de la dette publique. D’autres théoriciens affirment que l’excès de demande crée aussi de l’inflation. Keynes parle d’écart inflationniste qui apparaît lorsque le revenu disponible est trop élevé par rapport à la disponibilité des biens de consommation. L’inflation peut être déclenchée par une hausse des coûts de production : augmentation du prix des matières premières, accroissement des salaires supérieur à la hausse de la productivité. Enfin, l’analyse néo-libérale apporte ses explications : la concurrence imparfaite régnant sur la plupart des marchés permet aux entreprises de pratiquer des prix au-dessus du « prix naturel » ; les agents économiques prévoient l’inflation future et l’intègrent dans leur comportement (anticipations rationnelles). 3. L’inflation provoque une redistribution des richesses des créanciers vers les débiteurs. Plus exactement, avec une inflation équilibrée et anticipée (prix et salaires variant tous dans la même proportion), personne n’est lésé. L’inflation non prévue favorisera les débiteurs, qui voient le poids de leurs dettes s’amenuiser. Les contribuables sont aussi victimes de l’inflation, dès lors que les barèmes fiscaux ne sont pas indexés. 4. Les théoriciens distinguent trois types de chômage : frictionnel, structurel et conjoncturel. Le premier découle de la « mobilité » des travailleurs, le second de l’inadéquation entre l’offre et la demande sur le marché du travail, le dernier de la demande insuffisante de la part des entreprises. Un chômeur volontaire est une personne qui refuse de travailler au taux de salaire courant ; un chômeur involontaire est une personne qui ne trouve pas d’emploi à ce taux. Les économistes classiques ont fait appel à la théorie des marchés pour expliquer le chômage ; l’offre émane des travailleurs, la demande des entreprises, et le salaire est le prix. Si la demande baisse, soit les salaires sont flexibles et diminuent, soit ils ne le sont pas et apparaît un chômage involontaire (excès d’offre). Pour expliquer la rigidité des salaires, les économistes s’appuient sur diverses théories : administration du marché par les syndicats, existence d’un salaire minimum légal, indemnisation trop généreuse du chômage, surcoûts dûs aux prélèvements fiscaux et parafiscaux, pouvoir de négociation des travailleurs, théorie du salaire d’efficience, …
5. L’important chômage des 30 dernières années du XXème siècle peut s’expliquer par plusieurs facteurs : la démographie (baby-boom d’après guerre) a joué contre le marché du travail, dès le début des années 1970, alors que survenait la rupture de croissance fordiste, entraînant d’importantes mutations dans l’appareil productif ; de plus, à la même époque, la crise induit un net ralentissement de la croissance, diminuant le nombre d’emplois disponibles. Pour financer les dépenses liées au chômage croissant, les Etats ont accru la fiscalité … sur le travail, rendant celui-ci beaucoup trop onéreux entraînant restructurations d’entreprises, substitution en capital et délocalisations. Le taux élevé du chômage a dualisé le marché du travail, en un marché »primaire », aux emplois « typiques » et en un marché « secondaire », aux emplois « atypiques ». Ce second marché s’est développé au détriment du premier ; les travailleurs les moins qualifiés sont les plus concernés, et connaissent une alternance d’emplois précaires et de périodes de chômage difficile à gérer.
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6. L’économiste PHILLIPS a montré qu’il existait a priori une relation décroissante entre le taux de chômage et le taux de variation du salaire nominal. Celui-ci pouvant se répercuter sur les prix, la relation implique a priori le taux d’inflation et le taux de chômage. La courbe de Phillips semble démontrer que la stabilité des prix et le plein-emploi sont deux objectifs inconciliables à court terme. Des calculs ultérieurs ont montré que la courbe de Phillips de court terme implique non pas le taux d’inflation, mais sa variation ; en outre, la courbe n'est pas stable, mais se déplace. Pour expliquer cela, les économistes utilisent le concept du taux naturel de chômage (NAIRU). Lorsque l’économie entre en expansion, le chômage tombe sous le taux naturel, le taux d’inflation s’accroît, et les anticipations des agents poussent la courbe de Phillips vers le haut ; lorsque la récession arrive, le taux de chômage revient au taux naturel, mais avec un niveau d’inflation plus élevé. La courbe de Phillips de long terme est donc verticale, et correspond au NAIRU. 7. La loi d’OKUN montre que les variations de l’emploi ne sont pas proportionnelles à celles de la production, ce qui implique de la part des entreprises une forme de thésaurisation du travail. Des études économétriques ont démontré qu’une certaine croissance positive du PNB était indispensable pour éviter une montée du chômage ; ce taux dépend de la croissance de la population active et de celle de la productivité. Au-delà joue le coefficient d’OKUN : chaque fois que le taux de croissance effectif s’écarte du « taux indispensable », le coefficient permet de calculer la variation du chômage. Les études montrent un accroissement de ce coefficient, dû notamment à la concurrence accrue sur le marché des biens et services et à la dérégulation sur le marché de l’emploi. 8. Pour lutter contre l’inflation et le chômage, les gouvernements mettent en œuvre des politiques économiques. Traditionnellement, la politique monétaire est utilisée pour lutter contre l’inflation ; la banque centrale fixe un objectif de croissance de la base monétaire, et joue sur les taux d’intérêt, ce qui va impacter sur le marché du crédit. Mais cette politique n’est pas efficace lorsque l’on a affaire a une inflation par les coûts. Il est difficile d’agir contre une inflation importée, si ce n’est en manipulant le taux de change. Pour lutter contre l’inflation par les coûts, il faut agir sur l’évolution des salaires : blocage (très impopulaire), fixation de normes d’augmentation, … En Belgique, les salaires sont automatiquement indexés sur un indice des prix « santé » (indice dont on a sorti quelques produits « nocifs ») et lissé (moyenne sur 4 mois). Ce système d’indexation, pratiquement unique en Europe, est très critiqué par les instances internationales, qui y voient un mécanisme générateur d’inflation inertielle et de dérapage des salaires par rapport notamment aux pays voisins. 9. La politique budgétaire et fiscale est un instrument de lutte contre le chômage. Les pouvoirs publics embauchent du personnel, font travailler les entreprises, accroissent le revenu disponible des ménages par des transferts sociaux ou des réductions d’impôt, favorisent la création d’emploi par les entreprises. Néanmoins, l’équilibre budgétaire est de rigueur : si l’Etat accroît ses dépenses, il lui faut augmenter la pression fiscale sur les agents économiques. Arthur LAFFER a montré que lorsque cette pression est trop forte, les agents mettent en œuvre des stratégies d’évasion fiscale, et le rendement de l’impôt est moindre. 10. Autre arme de lutte contre le chômage : la politique de l’emploi. Il s’agit de créer les conditions d’adéquation de l’offre et de la demande sur le marché du travail et de favoriser l’utilisation par les entreprises du facteur travail. L’adéquation offre-demande passe par les systèmes éducatifs et de formation qui doivent prendre en compte les compétences requises par les entreprises et organiser la formation continuée des travailleurs et des demandeurs d’emploi. La création de postes dans les entreprises nécessite la mise en place de conditions favorables : facilité d’embauche, mais aussi de licenciement, flexibilité du temps de travail, réduction des coûts salariaux par la révision des grilles de salaires et du financement de sécurité sociale. La lutte contre le chômage passe également par la limitation des allocations dans le temps et l’obligation de recherche d’emploi et de formation. Ces mesures se heurtent à de nombreuses contraintes (inertie du système éducatif, financement), et la flexibilisation du marché du travail n’est en général pas très « sociale ». Mais n’est-ce pas indispensable dans une économie mondialisée, et face au dumping social de certains pays, notamment d’Europe Centrale ?
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QUESTIONS DE REVISION ET PROBLEMES.
NOTIONS A MAÎTRISER : inflation par la demande et par les coûts, fixation des salaires sur le marché du travail, chômage volontaire et involontaire, causes du chômage, courbe de Phillips, loi d’Okun.
QCM 1. Indiquez la proposition incorrecte : en période d’inflation :
a) les emprunteurs de fonds sont avantagés, sauf indexation de leur contrat b) les détenteurs d’obligation reçoivent toujours un intérêt réel positif c) les prêteurs de fonds voient baisser le pouvoir d’achat des capitaux prêtés d) la non indexation des barèmes fiscaux fait baisser le revenu disponible
2. Indiquez la proposition incorrecte : en plein emploi, des pressions inflationnistes peuvent surgir si :
a) la masse monétaire diminue b) les pouvoirs publics augmentent fortement leurs dépenses c) la demande de biens et services augmente fortement d) les entreprises (offreurs de biens et services) développent des monopoles
3. Indiquez la proposition incorrecte :
a) le chômage frictionnel est lié à la mobilité du facteur travail b) le chômage conjoncturel est lié au déclin de certains secteurs ou régions c) le chômage peut être engendré par une demande globale insuffisante d) le chômage peut être engendré par une insuffisance d’investissements
Questions 1. Ces affirmations sont-elles vraies ou fausses ; justifiez votre réponse ! a) à moyen terme, te taux d’inflation est égal au taux de croissance de la masse monétaire ; b) le taux de chômage a tendance à être élevé en récession et faible en expansion ; c) une baisse du chômage requiert une hausse sensible du PIB ; d) le taux de chômage reste constant tant que la croissance de la production est positive ; e) le taux de chômage structurel n’est pas affecté par des changements de politiques économiques. 2. L’objectif fondamental de la BCE est de contraindre l’inflation au plus près d’un taux nul. En supposant que la vitesse de circulation de la monnaie est constante, doit-elle pour atteindre cet objectif maintenir un taux de croissance de la masse monétaire nul ? Pourquoi ? (revoyez également leçon 6) 3. Le Ministère du travail annonce que sur les 12 derniers mois, le nombre d’emplois a augmenté de 50.000 unités, et que le chômage a baissé de 32.000 unités. Comment expliquez-vous cette différence dans les statistiques ? 4. Discutez les sujets suivants : a) il peut être dans l’intérêt des employeurs de payer les travailleurs au-dessus du salaire d’équilibre. b) comparaison entre le pouvoir de négociation d’un informaticien de haut niveau spécialisé en réseau et celui d’un livreur de pizzas.
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5. Quel sera l’impact sur la courbe de Phillips des évènements suivants ? Expliquez. a) une baisse du prix du pétrole ; b) une hausse des dépenses publiques G. (utilisez le schéma OG/DG). 6. Supposons dans la loi d’OKUN le taux α = 2,5% et le coefficient d’Okun = 0,4%. a) quel est le taux de croissance du PNB qui peut entraîner une hausse du chômage de 1% ? Expliquez ; b) quel taux de croissance faut-il maintenir pour diminuer le chômage de ½ point par an ? c) que se passera-t-il à terme si on assistait aujourd’hui à un nouveau « baby-boom » ?
Réponses au QCM : 1) b ; 2) a ; 3) b Quelques éléments de réponse : 1. a) F b) V c) V d) F e) F 6. Loi d’OKUN : a) 0% (1 point sous α = + 0,4% chômage ; il faut donc 2,5% sous α) b) 3,75% (1,25 point au-dessus de α) c) à terme : toutes choses égales par ailleurs, une augmentation de α