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LE LOT EN ACTION n 77 - vendredi 20 dcembre 2013 P 15
Les accords Transatlantiques pour les NulsPar Lasouris
Laccord de partenariat transatlantique (APT) ngoci depuis
juillet 2013 par les tats-Unis et lUnion europenne est une version
modi-fie de lAMI. Il prvoit que les lgislations en vigueur des deux
cts de lAtlantique se plient aux normes du libre-change tablies par
et pour les grandes entreprises europennes et amricaines, sous
peine de sanctions commer-ciales pour le pays contrevenant, ou dune
r-paration de plusieurs millions ou milliards dau bnfice des
plaignants. (...)
Tribunaux
VSFLDOHPHQWFUVParce quelles visent brader des pans entiers
du secteur non marchand, les ngociations au-tour de lAPT et du
TPP se droulent derrire des portes closes. Les dlgations amricaines
comptent plus de six cents consultants manda-ts par les
multinationales, qui disposent dun accs illimit aux documents
prparatoires et aux reprsentants de ladministration. Rien ne doit
filtrer. Instruction a t donne de laisser
journalistes et citoyens lcart des discus-sions : ils seront
informs en temps utile, la signature du trait, lorsquil sera trop
tard pour ragir.
Dans un lan de candeur, lancien ministre du commerce amricain
Ronald ( Ron ) Kirk a fait valoir lintrt pratique de prserver un
certain degr de discrtion et de confidentia-lit (2) . La dernire
fois quune version de tra-vail dun accord en cours de formalisation
a t mise sur la place publique, a-t-il soulign,
Qu'est-ce que le Trait Transatlantique ? Pourquoi est-il
important de prendre un petit moment pour lire ce dossier ? Ngoci
en secret depuis... 2007, ce trait a pour objectif de crer une
vaste zone d'changes entre les tats-Unis et l'Europe, qui
permettrait aux multinationales de s'affranchir de toutes
les lois et normes rglementaires qui les empchent de commercer
librement. Bref une zone de libre change o les capitaux et les
marchandises pourraient circuler librement (mais pas les citoyens
!) sans que ni les tats, ni les institutions n'aient leur mot dire.
Gaz de schiste, OGM, buf aux hormones, poulets la javel feraient
alors partie de notre quotidien, sans que nous puissions
intervenir. On peut appeler cela un coup d'tat libral sans exagrer
le moins du monde. Et le tout dans la plus grande discrtion, avec
l'accord de tous ceux qui nous gouvernent, parlementaires europens,
mais galement de tous les tats membres.
Nos dputs europens, y compris les socialistes, ont vot plusieurs
textes prparant ces ngociations depuis 2007, alors qu'ils taient
dans l'opposition en France et auraient pu, s'ils l'avaient jug
ncessaire, alerter l'opinion publique et imposer un dbat, voire un
rfrendum puisqu'il s'agit, ni plus ni moins, que d'abandonner notre
souverainet nationale.
Tout est fait pour que les citoyens ne soient pas informs : on
en parle trs peu dans les mdias et les choses sont volontairement
compliques souhait. Ne serait-ce que dans le nom donn ce trait
(voir l'encadr ci-dessous).
Alors, mme si la priode de l'anne vous appelle davantage de
lgret, prenez le temps de lire ce dossier du LEA et parlez en
autour de vous.
Suite du dossier pages suivantes >
Dossier prpar par Bluboux et Pierrette Dhermy
/HWUDLWWUDQVDWODQWLTXHXQW\SKRQTXLPHQDFHOHV(XURSHQV
Par Lori WallachPour ceux qui n'auraient pas compris ce que sont
les accords transatlantiques entre l'Europe et les USA je vais
m'efforcer de vous retranscrire un petit rsum de ce qu'en j'en ai
compris grce une expli-cation trs claire de Joce.
Imagine-t-on des multinationales traner en justice les
gouvernements
GRQWORULHQWDWLRQSROLWLTXHDXUDLWSRXUHIIHWGDPRLQGULUOHXUVSURWV"Se
conoit-il quelles puissent rclamer - et obtenir ! - une gnreuse
com-pensation pour le manque gagner induit par un droit du travail
trop contraignant ou par une lgislation environnementale trop
spoliatrice ? Si LQYUDLVHPEODEOHTXLOSDUDLVVH FH
VFpQDULRQHGDWHSDVGKLHU ,OJXUDLWdj en toutes lettres dans le projet
daccord multilatral sur linvestisse-ment (AMI) ngoci secrtement
entre 1995 et 1997 par les vingt-neuf tats membres de lOrganisation
de coopration et de dveloppement cono-miques (OCDE) (1). Divulgue
in extremis, notamment par Le Monde di-plomatique, la copie souleva
une vague de protestations sans prcdent, contraignant ses
promoteurs la remiser. Quinze ans plus tard, la voil qui fait son
grand retour sous un nouvel habillage.
/H7UDLWTransatlantique ou
OHFRXSGWDWOLEUDO
En gros, le libre change permet aux pays dimposer tous leurs
produits aux
autres pays lis par cet accord. Nous pour-rons donc acheter du
buf aux hormones ou exploiter les gaz de schiste, cest chouette !
Et, les pays qui refuseront les produits paie-ront une amende pour
compenser le manque gagner...
Je m'explique avec un exemple pris au ha-sard : Monsieur
Monsanto pourra porter plainte contre le dpartement du Gers.
Pour-quoi, allez-vous me dire ? Parce que le d-partement du Gers ne
veut pas de semences OGM Monsanto sur son territoire. Monsanto
estimant le manque gagner 300 millions d', le dpartement du Gers
(donc l'tat fran-ais) aura obligation de lui payer cette somme
sil veut continuer ne pas utiliser lesdits pro-duits Vous me
suivez ?
Il en sera de mme quand le dpartement du Lot va refuser aux
ptroliers amricains dexplorer et exploiter les gaz de schiste sur
les causses il va falloir payer pour avoir le droit de faire comme
bon nous semble.
Imaginez cette opration dans chacun des dpartements franais ou
chaque pays d'Eu-rope n'est-ce pas merveilleux ?
Voici comment les industriels vont NOUS IM-POSER LEUR VOLONT et
s'en mettre plein les poches grce aux accords signs par la
com-mission europenne... le tour est jou. Merci de m'avoir lue
!
NDLR : cet accord peut porter diffrents noms :voir encadr
ci-dessous.
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P 16 LE LOT EN ACTION n 77 - vendredi 20 dcembre 2013
&+5212/2*,(pour les accords transatlantiques
Prsent :
16-20 dcembre 2013 Troisime cycle de ngociations Washington
Pass :
11-15 novembre Deuxime cycle de ngociations Bruxelles
8-12 juillet 2013 Premier cycle de ngociations Washington
4 juillet 2013 Vote au Parlement europen d'une rsolution
refusant le report des ngo-ciations malgr la surveillance amricaine
des communications des ngociateurs europens
14 juin 2013 Le Conseil de l'UE approuve le lancement des
ngociations de TAFTA
23 mai 2013 Le Parlement europen adopte le man-dat de ngociation
de la Commission europenne
25 avril 2013 Vote de la rsolution prparant le mandat de
ngo-ciation de la Commission europenne au sein de la commission
com-merce international (INTA) du Parlement europen
21 mars 2013 Publication de la dclaration de la socit ci-vile
Sortir la "proprit intellectuelle" de TAFTA
13 fvrier 2013 Signature d'une d-claration de Barack Obama,
Herman Van Rompuy et Jos Ma-nuel Barroso initiant les procdures
nces-saires au lancement des ngociations de TAFTA
11 fvrier 2013 Publication des recommandations du groupe de
travail de haut niveau mis en place en 2011
7-8 fvrier 2013 Le Conseil europen se prononce en fa-veur d'un
accord commercial global
28 novembre 2011 L'Union europenne et les tats-Unis mettent en
place un groupe de travail de haut niveau sur la croissance et
l'emploi, destin trouver des solutions la crise conomique, men par
Ron Kirk et Karel De Guchtc.
les ngociations ont chou - une allusion la Zone de libre-change
des Amriques (ZLEA), une version largie de lAccord de libre-change
nord-amricain (Alena) ; le projet, prement d-fendu par George W.
Bush, fut dvoil sur le site Internet de ladministration en 2001.
quoi la snatrice Elizabeth Warren rtorque quun ac-cord ngoci sans
aucun examen dmocratique ne devrait jamais tre sign (3).
Limprieuse volont de soustraire le chantier du trait
amricano-europen lattention du public se conoit aisment. Mieux vaut
prendre son temps pour annoncer au pays les effets quil produira
tous les chelons : du sommet de l'tat fdral jusquaux conseils
municipaux en passant par les gouvernorats et les assem-bles
locales, les lus devront redfinir de fond en comble leurs
politiques publiques de ma-nire satisfaire les apptits du priv dans
les secteurs qui lui chappaient encore en partie. Scurit des
aliments, normes de toxicit, as-surance-maladie, prix des
mdicaments, liber-t du Net, protection de la vie prive, nergie,
culture, droits dauteur, ressources naturelles, formation
professionnelle, quipements pu-blics, immigration : pas un domaine
dintrt gnral qui ne passe sous les fourches caudines du
libre-change institutionnalis. Laction poli-tique des lus se
limitera ngocier auprs des entreprises ou de leurs mandataires
locaux les miettes de souverainet quils voudront bien leur
consentir.
Il est dores et dj stipul que les pays signa-
taires assureront la mise en conformit de leurs lois, de leurs
rglements et de leurs proc-dures avec les dispositions du trait.
Nul doute quils veilleront scrupuleusement honorer cet engagement.
Dans le cas contraire, ils pour-raient faire lobjet de poursuites
devant lun des tribunaux spcialement crs pour arbitrer les litiges
entre les investisseurs et les tats, et do-ts du pouvoir de
prononcer des sanctions com-merciales contre ces derniers.
Lide peut paratre invraisemblable ; elle sins-crit pourtant dans
la philosophie des traits commerciaux dj en vigueur. Lanne dernire,
lOrganisation Mondiale du Commerce (OMC) a ainsi condamn les
tats-Unis pour leurs botes de thon labellises sans danger pour les
dau-phins , pour lindication du pays dorigine sur les viandes
importes, ou encore pour linter-diction du tabac parfum au bonbon,
ces me-sures protectrices tant considres comme des entraves au
libre-change. Elle a aussi inflig lUnion europenne des pnalits de
plusieurs centaines de millions d pour son refus dim-porter des
organismes gntiquement modifis (OGM). La nouveaut introduite par
lAPT et le TTP, cest quils permettraient aux multinatio-nales de
poursuivre en leur propre nom un pays signataire dont la politique
aurait un effet res-trictif sur leur abattage commercial.
Sous un tel rgime, les entreprises seraient en mesure de
contrecarrer les politiques de sant, de protection de
lenvironnement ou de rgula-tion de la finance mises en place dans
tel ou tel pays en lui rclamant des dommages et intrts devant des
tribunaux extrajudiciaires. Compo-ses de trois avocats daffaires,
ces cours sp-ciales rpondant aux lois de la Banque mondiale et de
lOrganisation des Nations unies (ONU) se-raient habilites condamner
le contribuable
de lourdes rparations ds lors que sa lgisla-tion rognerait sur
les futurs profits esprs dune socit.
Ce systme investisseur contre tat , qui semblait ray de la carte
aprs labandon de lAMI en 1998, a t restaur en catimini au fil des
annes. En vertu de plusieurs accords com-merciaux signs par
Washington, 400 millions de dollars sont passs de la poche du
contri-buable celle des multinationales pour cause dinterdiction de
produits toxiques, dencadre-ment de lexploitation de leau, du sol
ou du bois, etc. (4) Sous lgide de ces mmes traits, les procdures
actuellement en cours - dans des affaires dintrt gnral comme les
brevets mdicaux, la lutte antipollution ou les lois sur le climat
et les nergies fossiles - font grimper les demandes de dommages et
intrts 14 mil-liards de dollars.
LAPT alourdirait encore la facture de cette ex-torsion lgalise,
compte tenu de limportance des intrts en jeu dans le commerce
transat-lantique. Trois mille trois cent entreprises euro-pennes
sont prsentes sur le sol amricain par le biais de vingt-quatre
mille filiales, dont cha-cune peut sestimer fonde un jour ou lautre
demander rparation pour un prjudice com-mercial. Un tel effet
daubaine dpasserait de trs loin les cots occasionns par les traits
prcdents. De leur ct, les pays membres de lUnion europenne se
verraient exposs un risque financier plus grand encore, sachant que
quatorze mille quatre cent compagnies amri-caines disposent en
Europe dun rseau de cin-quante mille huit cent filiales. Au total,
ce sont soixante-quinze mille socits qui pourraient se jeter dans
la chasse aux trsors publics.
Officiellement, ce rgime devait servir au d-part consolider la
position des investisseurs
dans les pays en dveloppement dpourvus de systme juridique
fiable ; il leur permettait de faire valoir leurs droits en cas
dexpropriation. Mais lUnion europenne et les tats-Unis ne passent
pas prcisment pour des zones de non-droit ; ils disposent au
contraire dune jus-tice fonctionnelle et pleinement respectueuse du
droit la proprit. En les plaant malgr tout sous la tutelle de
tribunaux spciaux, lAPT dmontre que son objectif nest pas de
prot-ger les investisseurs, mais bien daccrotre le pouvoir des
multinationales.
Notes :Extraits d'un article paru dans le Monde Diplo-matique de
novembre 2013. Pour lire la version intgrale (beaucoup plus longue
!) : http://goo.gl/l88TLf
(1) Lire Le nouveau manifeste du capitalisme mondial, Le Monde
diplomatique, fvrier 1998.(2) Some secrecy needed in trade talks :
Ron Kirk, Reuters, 13 mai 2012.(3) Zach Carter, Elizabeth Warren
opposing 2EDPDWUDGHQRPLQHH0LFKDHO)URPDQ+XIQJton Post, 19 juin
2013.(4) Table of foreign investor-state cases and claims under
NAFTA and other US trade deals (PDF), Public Citizen, aot 2013.
!
/HWUDLWWUDQVDWODQWLTXHXQW\SKRQTXLPHQDFHOHV(XURSHQVVXLWH
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LE LOT EN ACTION n 77 - vendredi 20 dcembre 2013 P 17
Le 8 juillet 2013, lUnion europenne et les tats-Unis ont entam
des ngocia-tions en vue de conclure un accord com-mercial bilatral,
le Partenariat Transatlan-tique de Commerce et dInvestissement
(PTCI/TAFTA). Cest laboutissement de plu-sieurs annes de lobbying
des groupes indus-triels et financiers, europens et tatsuniens.
Le partenariat transatlantique serait un des accords de
libre-change et de libralisation de linvestissement les plus
importants jamais conclus, reprsentant la moiti du PIB mondial et
le tiers des changes commerciaux. Comme dautres accords bilatraux
signs rcemment ou en cours de ngociations - notamment laccord
UE-Canada - le PTCI ne se conten-tera pas dabolir les barrires
douanires. Il stendra aussi aux barrires non-tarifaires . En effet,
toute rglementation, mme dci-de dmocratiquement, peut tre considre
comme un obstacle au commerce. Le PTCI va donc viser le
dmantlement, ou laffaiblis-sement, de toutes les normes qui
limitent les profits des entreprises europennes ou tatsu-niennes,
en fonction de leurs intrts respectifs.
Le volet investissement du mandat de ngo-ciation du PTCI prvoit
en outre un mcanisme particulirement menaant, dit de rglement des
diffrends qui pourraient survenir entre des acteurs conomiques
privs et lun des gouvernements. Laccord UE-Canada, qui nest pas
encore ratifi, contient une telle procdure. Lintroduction dun tel
mcanisme ad-hoc, tra-vers la nomination dexperts arbitres qui
d-libreraient indpendamment des juridictions publiques nationales
ou communautaires, per-mettrait aux transnationales de poursuivre
des tats dont les normes sanitaires, cologiques ou sociales, ou
toute autre rglementation pro-tectrice des consommateurs ou des
conomies locales, apparatraient comme des entraves aux
investissements trangers. Lobjectif : tendre le champ possible des
investissements et scuri-ser la libert et les bnfices des
investisseurs.
Le PTCI pourrait avoir des consquences consi-drables dans bien
dautres domaines qui d-passent largement le primtre du commerce. Il
renforcerait par exemple drastiquement les droits de proprit
intellectuelle des acteurs conomiques privs et du domaine du
breve-table, et pourrait donner aux multinationales des nouvelles
technologies de linformation un pouvoir accru de contrle des donnes
de lInternet, notamment celles relatives aux ci-toyens. Pour la
Commission europenne, qui ngocie au nom de tous les pays de lUnion
europenne, il sagit daligner le PTCI sur le plus haut niveau de
libralisation qui soit. Elle souhaite mme riger laccord en
modle.
Ce Guide de navigation pour affronter le grand march
transatlantique dcrypte les prin-cipaux risques manant de ce projet
daccord.
$OHUWH/DGLPLQXWLRQdes droits de douane et
OHVDWWDTXHVFRQWUHOHVQRUPHVVRFLDOHVVDQLWDLUHVHWFRORJLTXHV
Le mandat donn la Commission euro-penne par le Conseil des
ministres europen du commerce du 14 juin 2013 appelle une rduction
substantielle des tarifs douaniers . Si les droits de douane sont
en moyenne as-sez faibles de part et dautre de lAtlan-tique, ils
restent levs dans certains secteurs.
Dans lagriculture par exemple, les droits de douane moyens sont
de 7 % ct tats-Unis et de 13 % ct Union europenne. Ces droits de
douane protgent certains secteurs vis--vis dune agriculture
tatsunienne plus indus-trielle et plus comptitive , du fait
notam-ment de la mdiocrit des protections sociales et
environnementales outre-Atlantique. Les droits de douane permettent
galement lUE de se protger dun taux de change plus favo-rable pour
les productions tatsuniennes. Que se passerait-il si ces droits de
douane taient dmantels ? Face larrive massive de nou-veaux produits
agricoles amricains, notre propre agriculture naurait dautre
possibilit que de gnraliser le modle agro-exportateur dfendu par
les transnationales europennes.
La concurrence accrue aboutirait la contrac-tion des cots de
production, qui exigerait daffaiblir les standards
environnementaux, alimentaires, sociaux. Les perspectives de
pro-motion des circuits courts et de la relocalisa-tion des
activits agricoles, de lagrocologie et de lagriculture paysanne
disparatraient.
Largument principal des promoteurs du PTCI porte sur les
retombes conomiques. Pour-tant, daprs une tude de la Commission
eu-ropenne, le gain en terme de PIB est estim 0,1 % pour 10 ans,
soit moins de 0,01 % par an Des retombes en vrit tout fait
insi-gnifiantes compares aux risques qui psent sur lemploi et les
droits sociaux. Ceux-ci pourraient en effet tre revus la baisse
dans le cadre de l harmonisation des normes sociales.
Ainsi par exemple, daprs la Confdration syndicale tatsunienne
AFL-CIO, lALENA (ac-cord similaire entre le Mexique, les tats-Unis
et le Canada) a dj cot 1 million demplois du fait notamment de
labaissement des tarifs douaniers et des restructurations
dentreprises devenues non-comptitives . Par cette exten-sion
gographique de la comptition cono-mique, le march transatlantique
favoriserait les fusions/acquisitions dentreprises, donnant aux
firmes multinationales un contrle de plus en plus grand sur
lconomie et la finance.
&RQFUWHPHQWXQHQRXYHOOHWDSHGFL
VLYHGDQVOnKLVWRLUHGHODGUJXODWLRQDepuis les annes 90,
lOrganisation Mon-
diale du Commerce (OMC) a t le moteur de la libralisation du
commerce. En son sein, plus de 150 pays ngocient la baisse des
droits de douane sur de nombreux biens et ser-vices, la suppression
des barrires non tari-faires, ainsi que lextension du domaine du
libre-change et du march, par exemple aux services publics et la
proprit intellectuelle.
La marche de lOMC vers la drgulation to-tale du commerce sest
rapidement heurte de nombreux obstacles : mobilisations de la socit
civile dune part, qui rcusait les cons-quences dramatiques du
libre-change, d-nonciation de la mainmise des grandes puis-sances
sur les pays en dveloppement, dautre part. Constatant le relatif
blocage de lOMC, les grandes puissances, et notamment lUnion
europenne et les tats-Unis, se sont enga-ges dans une stratgie
bilatrale et birgio-nale avec leurs partenaires commerciaux. Elles
profitent alors dun rapport de force trs d-favorable aux pays les
plus pauvres. Lorsque les accords bilatraux se ngocient entre
co-nomies de puissance comparable, lavantage consiste alors pour
les ngociateurs, labri du regard du public, pouvoir aller beau-coup
plus loin que dans le cadre de lOMC dans linstauration dun systme
commercial conu pour et avec les firmes multinationales.
$OHUWH/DPDUFKDQGLVDWLRQGHQRXYHDX[SDQVGHOnFRQRPLH
Les ngociations du PTCI ne consistent pas uniquement abattre les
barrires tarifaires. Il sagira aussi de rduire toute barrire
rgle-mentaire lextension du domaine du libre-change, notamment dans
les secteurs des services. La distribution deau et dlectricit,
lducation, la sant, la recherche, les transports, laide aux
personnes ces secteurs qui pour beaucoup relvent encore du service
public, pourraient ainsi tre ouverts la concurrence.
Les ngociations du PTCI risquent notamment de conduire
louverture des marchs publics en Europe mais aussi aux tats-Unis,
comme le souhaitent les lobbies europens ; les col-lectivits
locales pourraient tre contraintes de lancer des appels doffres
ouverts aux multi-nationales. Avec la cl des rgles strictes qui ne
leur permettront plus de favoriser les en-treprises, emplois et
produits locaux (et donc le dveloppement local), ni dadopter des
normes environnementales ou sociales leves.
Le gouvernement franais sest targu davoir prserv l exception
culturelle , qui per-met de subventionner en partie la cration
artistique, audiovisuelle notamment. Mais lexception incluse dans
le mandat de ngo-ciations ne concerne que le secteur de
laudio-visuel : aucune restriction na t prvue pour les autres
secteurs de la culture et du num-rique. Cette exclusion partielle
du mandat de ngociation nest par ailleurs pas dfinitive : tout
moment, la Commission peut deman-der llargissement de son mandat de
ngo-ciations. Et ces secteurs ne seront pas labri du mcanisme de
rglement des diffrends.
Dans le domaine des technologies de linfor-mation et de la
communication, le PTCI pour-rait reprendre les lments prsents dans
le projet ACTA (Anti-counterfeiting Trade Agreement ou Accord
commercial anti-contre-
faon), qui prvoyait de fortement renforcer les droits de proprit
intellectuelle et quune large mobilisation avait conduit lchec en
juillet 2012. Au nom de la lutte contre le piratage , il pourrait
en effet permettre une surveillance gnralise du rseau et rduire la
libert dex-pression sur Internet. Autre consquence, lac-cs des
consommateurs des mdicaments abordables (gnriques) pourrait tre
menac.
Il sagit aussi de sattaquer aux rgles sani-taires,
environnementales et notamment de bien-tre animal dans le secteur
agricole et alimentaire qui font obstacle au com-merce. Les
tats-Unis utiliseront lopportunit du PTCI pour contraindre lUnion
europenne labandon de ses mesures et principes (comme le principe
de prcaution) jugs protection-nistes et ladoption des normes
amricaines.
&RQFUWHPHQWLe buf aux hormones reprsente la plus
grande partie de la production et de la consom-mation de buf aux
tats-Unis ; la production et limportation en sont interdites dans
lUE, pour des raisons de risques sanitaires. LOMC avait dj donn
raison aux tats-Unis et au Ca-nada dans le cadre de leur plainte
contre lUE, en autorisant la mise en place de mesures de rtorsion.
Quen sera-t-il dans le cadre du PTCI ?
La question se pose aussi pour les volailles d-sinfectes avec
des solutions chlores, que les tats-Unis souhaitent pouvoir
exporter dans lUE. Laccord UE-Canada, sil tait ratifi,
au-toriserait les firmes porter plainte contre les tats qui
refusent le buf aux hormones, et ou-vrirait directement la voie un
accord UE-USA.
ce jour, 52 varits dOGM sont auto-rises limportation dans lUE ;
les puis-santes multinationales semencires et lob-bies
agro-industriels europens et amricains font pression pour que la
liste soit largie. Les clauses de sauvegarde dcides par cer-tains
pays comme la France, qui refusent la plantation dOGM sur leur
territoire, pour-raient tre attaques par une multinationale via le
mcanisme de rglement des diffrends.
Pour lindustrie europenne comme tat-sunienne, et notamment pour
les industries extractives, les ngociations du PTCI et lac-cord
UE-Canada sont une aubaine : locca-sion dobtenir la remise en cause
dun cer-tain nombre de protections ou de rgulations cologiques, par
exemple sur lexploitation des gaz de schiste qui demeure interdite
en France et en Bulgarie, ou encore de la rgle-mentation europenne
REACH sur les pro-duits chimiques, juge trop contraignante.
Les banques et assurances se frottent les mains : le PTCI sera
aussi loccasion pour les lobbies financiers damoindrir les
instruments de rgulation financire et bancaire et dappro-fondir la
libralisation des services financiers. Il deviendra impossible de
renforcer le contrle des banques, de taxer les transactions
finan-cires, de lutter contre les fonds spculatifs.
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*XLGHGHQDYLJDWLRQSRXUDIIURQWHUOHJUDQGPDUFKWUDQVDWODQWLTXHPar
ATTAC France
Le 8 juillet 2013, lUnion europenne et les tats-Unis ont entam
des ngociations en vue de conclure un accord commercial bilatral,
le Partenariat Transatlantique de Commerce et dInvestissement
(PTCI/TAFTA). Cest laboutissement de
plusieursDQQpHVGHOREE\LQJGHVJURXSHVLQGXVWULHOVHWQDQFLHUVHXURSpHQVHWpWDWVXQLHQV
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P 18 LE LOT EN ACTION n 77 - vendredi 20 dcembre 2013
$OHUWH8QHDWWDTXHVDQVSUFGHQWFRQWUHODGPRFUDWLHOHVWUDQVQDWLRQDOHVODPDQxXYUHOHFRQWUOHFLWR\HQODWUDSSH
Les multinationales europennes et leurs lob-bies, comme Business
Europe, ont dploy un lobbying intense en perspective de lou-verture
des ngociations du PTCI. Les int-rts industriels prvalent auprs des
institu-tions europennes, comme en tmoignent la composition et le
fonctionnement du groupe de travail de haut niveau mis en place par
lUnion et les tats-Unis pour examiner les ef-fets de laccord et
faire des recommandations.
La Commission a multipli les consultations auprs des
transnationales europennes. Ainsi, parmi les 130 rendez-vous pris
par la Commis-sion pour discuter avec les parties-prenantes de
laccord, 119 concernaient des transna-tionales ou des lobbies
industriels de premier plan. Dans le mme temps, le public demeure
dans la dsinformation la plus totale. Sans forte mobilisation
citoyenne, lopacit des ngocia-tions restera la rgle, puisque pour
lheure, le mandat de la Commission europenne na pu tre connu que
grce des fuites.
Mais le premier danger pour la dmocratie concerne le mcanisme
darbitrage inves-tisseur-tat prvu dans le mandat donn la Commission
europenne. Ce mcanisme
de rglement des diffrends, qui figure dj dans laccord UE-Canada,
permettrait aux transnationales de porter plainte contre un tat ou
une collectivit territoriale ds lors quune loi ou quune
rglementation fera entrave au commerce et linvestissement.
Pour les multinationales, lenjeu est immense. Il sagit dobtenir
la possibilit dagir en vritable police de linvestissement ,
dobliger les tats se conformer leurs rgles, et de pouvoir li-miner
tout obstacle leurs profits prsents mais aussi futurs ; des
obstacles tels que des normes sanitaires, cologiques, sociales,
votes dmo-cratiquement, et remises en cause au nom du principe sacr
du droit des investisseurs !
On trouve de nombreux exemples de plaintes de multinationales
dans le cadre daccords bila-traux dinvestissement dj conclus.
Certains tats ont ainsi t condamns des amendes trs dissuasives, se
chiffrant souvent en mil-lions, voire en milliards de dollars
(Nouvelle-Z-lande, Uruguay, Argentine).
Lone Pine et les gaz de schiste
Dans le cadre dun mcanisme similaire au mcanisme darbitrage
investisseur-tat envisag dans le PTCI, la multinationale Lone Pine
poursuit le gouvernement canadien et de-
mande 250 millions de dollars de rparation pour des
investissements et des profits quelle ne peut raliser en raison du
moratoire sur lex-traction des gaz de schiste mis en place par le
Qubec. En France, grce des mobilisations populaires importantes, la
fracturation hydrau-lique est pour linstant interdite. Mais
rgulire-ment, les industriels du secteur reviennent la charge pour
convaincre les autorits des bien-faits conomiques de cette
extraction ultra-pol-luante. Que se passera-t-il si les gants de
lner-gie europens ou amricains utilisent le PTCI pour poursuivre le
gouvernement franais ?
Conclusion
En 1998, une mobilisation citoyenne interna-tionale avait russi
mettre en chec un projet daccord international ngoci dans le cadre
de lOCDE, qui visait une libralisation de linvestis-sement pour les
firmes transnationales, lAccord Multilatral pour lInvestissement
(AMI). LAc-cord commercial anti-contrefaon (ACTA) a lui aussi t
refus en juillet 2012 par les eurodpu-ts suite une large
mobilisation des citoyens europens. Il est donc possible de stopper
cette soumission des citoyens et de la nature aux int-rts marchands
des multinationales.
Nous devons obtenir la non-ratification du
trait entre le Canada et lUnion europenne car il contient dj
lessentiel des dispositions que nous refusons, et le blocage des
ngocia-tions sur le PTCI, car il reprsente une menace pour les
citoyens europens et tatsuniens.
En France, Attac est linitiative de la constitu-tion dun
collectif qui soppose ce projet dac-cord et qui rassemble des
dizaines de rseaux citoyens, organisations associatives, syndicales
et politiques.
Nous mnerons une campagne de longue haleine qui mobilisera toute
lassociation (r-unions publiques, documents dinformation, site
Internet, interpellation des lus et candi-dats aux lections
europennes, initiatives pu-bliques) afin que la ngociation de cet
accord soit remise en cause !
lireLe mandat de la Commission du 17 juin 2013, sur le site
Contre la cour http://bit.ly/18fh8Y4Une dclaration transatlantique
des droits des multinationales, traduction franaise du rapport rdig
par le rseau Seattle to Brussels, Corporate Europe Observatory et
Transnational Institute www.france.attac.org/TAFTADossier TAFTA sur
le site de la Quadrature du net www.laquadrature.net/fr/TAFTAPublic
citizen www.citizen.org AITEC http://aitec.reseau-ipam.org
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travers dun trait bilatral dinvestisse-
ments, le gant du tabac Philip Morris poursuit en justice
lUruguay et lAustralie sur leurs lois anti-tabac.
Lentreprise soutient que les avertissements sanitaires sur les
paquets de cigarettes et les emballages les empchent dafficher
claire-ment le logo de leur marque, causant une perte substantielle
de leur part de march (1).
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En 2012 le gant Swedish energy a port plainte contre lAllemagne
demandant 3,7 milliards d en compensation de profits per-dus suite
larrt de deux de ses centrales nu-claires. La plainte suivait la
dcision du gou-vernement fdral allemand de supprimer
progressivement lnergie nuclaire aprs le dsastre nuclaire de
Fukushima (2).
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Lorsque lArgentine a gel les tarifs des ser-vices essentiels
(nergie, eau...) et dvalu sa monnaie en rponse la crise financire
de 2001-2002, elle fut frappe par plus de 40 plaintes de socits
comme CMS energy (US), Suez et Vivendi (France). la fin de 2008,
les condamnations contre le pays totalisaient 1.15 M$ (3). En mai
2013, des investisseurs slovaques et chypriotes poursuivaient en
justice la Grce concernant lchange de crance sur sa dette
souveraine de 2012 quAthnes a d ngocier avec ses crditeurs pour
obtenir laide mon-taire de lUE et du FMI (4). LUE et le FMI ont
tous deux averti que les accords sur les investisse-ments pouvaient
svrement affecter la capaci-t des tats lutter contre la crise
conomique et financire (5).
6RFLWVFRQWUHSURWHFWLRQGHOnHQYLURQQHPHQWLone pine vs Canada
sur la base de lALENA (Accord de libre-change Nord-Amricain), la
socit amri-caine Lone Pine Ressources Inc. demande 250 millions de
dollars amricains de compensation au Canada. Le crime du Canada :
la province canadienne du Qubec a dcrt un moratoire sur lextraction
dhuile et gaz de schiste en rai-son du risque environnemental de
cette tech-nologie (6).
6RFLWVFRQWUHVDQWSXEOLTXH$FKPHDYVOD5SXEOLTXHVORYDTXHFin 2012,
lassureur nerlandais Achmea (an-
ciennement Eureko) a reu 22 millions d de compensation du
gouvernement slovaque pour avoir remis en cause, en 2006, la
privati-sation de la sant engage par ladministration prcdente, et
demand aux assureurs de san-t doprer sans chercher de profits
(7).
Sources :
3RUWHUHOG 0DWWKHZ & DQG %\UQHV &KULVWRpher R. (2011)
Philip Morris vs Uruguay. Will inves-tor-State arbitration send
restrictions on tobacco marketing up in smoke ? InvestmentTreaty
News.http://goo.gl/lp2EU5 [15-05-2013].
(2) Bernasconi-Osterwalder, Nathalie/ Hoffmann, Rhea Tamara
(2012),La sortie du nuclaire en Allemagne sur le banc dessai dun
recours darbitrage international din-vestissement ? Aperu du plus
rcent diffrend entre Vattenfall et l'tat
allemand.http://goo.gl/5jc0eb [23-05-2013].
(3) Phillips, Tony (2008) Argentina Versus the World Bank : Fair
Play or Fixed Fight ?, Center for International Policy (CIP),
http://goo.gl/ZCOeG7 [15-05-2012]. Peterson, Luke Erik (2008)
Round-Up : Where things stand with Argentina and its many
investment treaty arbitrations, Investment Arbitra-tion Reporter,
17 dcembre.
(4) Perry, Sebastian (2013) Bondholders pursue Greece over debt
haircut, Global Arbitration Review, 7 mai.
(5) CNUCED (2011) Sovereign Debt Restructuring and International
Investment Agreements, Issues Note No 2, July, http://goo.gl/z5J4Ru
[15-05-2013]; International Monetary Fund (2012)The Liberalization
and Management of Capital Flows: An Institutional View.
http://goo.gl/kP0vC [15-05-2013].
(6) Corporate Europe Observatory/ Council of Canadians/
Transnational Institute (2013) The right to say no. EU-Canada trade
agreement threatens fracking bans.http://goo.gl/qCPOgo
[15-05-2013].
(7) Hall, David (2010) Challenges to Slovakia and Poland health
policy decisions : use of invest-ment treaties to claim
compensation for reversal of privation/liberalisation policies.
http://goo.gl/DGdX2Z [23-05-2013]
4XHOTXHVFRQIOLWVHPEOPDWLTXHV
*XLGHGHQDYLJDWLRQSRXUDIIURQWHUOHJUDQGPDUFKWUDQVDWODQWLTXHVXLWH