Le Suicide et Tentatives de Suicides chez l’Enfant et l’Adolescent ; Quelles particularités et quelles préventions? Mémoire pour le D.U. de Pédopsychiatrie Faculté de Médecine et de Pharmacie de Rabat Année 2010-2011 Présenté par : Docteur. IBANNI HAMID Médecin psychiatre
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Le Suicide et Tentatives de Suicides chez l’Enfant et l’Adolescent
Le Suicide et Tentatives de Suicides chez l’Enfant et l’Adolescent ; Quelles particularités et quelles préventions? Mémoire pour le D.U. de Pédopsychiatrie Faculté de Médecine et de Pharmacie de Rabat Année 2010-2011 Présenté par : Docteur. IBANNI HAMID Médecin psychiatre
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Le Suicide et Tentatives de
Suicides chez l’Enfant et
l’Adolescent ;
Quelles particularités et quelles
préventions?
Mémoire pour le D.U. de Pédopsychiatrie
Faculté de Médecine et de Pharmacie de Rabat
Année 2010-2011
Présenté par : Docteur. IBANNI HAMID
Médecin psychiatre
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Sommaire
I. introduction
II. le sujet dans son environnement
III. particularités des enfants et adolescents
IV. Épidémiologie
V. Deux particularités émergentes
VI. De l’effet Werther à l’effet bouazizi
VII. Impact des médias sur le suicide
VIII. Comment réduire l’impact négatif des médias
IX. Prévention
X. Quatre propositions
Conclusion
Bibliographie
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« J'ai rassemblé avec soin tout ce que j'ai pu recueillir,
et je vous l'offre ici » (mot au lecteur)
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I. introduction
« Il y a dans l'histoire de l'humanité un fait irrécusable que peuvent
voiler les magnificences de la pensée, les créations merveilleuses du génie
moderne, mais qu'elles ne sauraient détruire, c'est le caractère d'universalité de
la souffrance. En quelque lieu que se rencontre un homme, on est sûr d'entendre
un soupir, une plainte. À chaque instant, il se fait autour de nous un double
travail d'analyse psychologique et de statistique qui met à nu les plaies cachées
de notre coeur et les misères de notre race. Aujourd'hui, comme autrefois,
malgré la formule hégélienne : Eritis secut Deus, la douleur est le lot du genre
humain. Parmis les maux qui nous affligent et dont tant d'écrivains honorables
sont les éloquents interprètes, nous avons pris pour notre part de labeur, l'étude
de la dernière manifestation du désespoir : le suicide. »
A. Brierre de Boismont, Du suicide et de la folie suicide, 1856
C’est parce que l’on veut vivre que l’on doit mourir, pensait Nietzsche,
c’est parce que leur vie ne peut continuer ainsi que de nombreux jeunes
précipitent leur mort. Que répondre à leur souffrance sans risquer de s’enliser
dans de sinistres banalités ? Qu’il faut être fort et arrêter de se plaindre ?
Que ce sont des jeunes privilégiés ? Que l’amour de leurs parents leur
interdit de se tuer ? Entre ceux qui souffrent et ceux qui doivent les aider,
l’alliance semble souvent, dès le début de la relation, être compromise.
Or à travers un tel acte, le sujet veut susciter une réaction de l'adulte.
Une tentative de suicide n'est pas un acte vide de sens. Mais quelques soient les
raisons que le jeune lui donne, il arrive difficilement à atteindre à travers son
geste « à la fois ce qu’il fuit et ce qu’il vise ». Le message étant, alors, peu ou
mal perçu, le risque de récidive est donc extrêmement élevé. L’aide d’un tiers
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peut, dans ces situation de crise, permettre au sujet de parler et à l’entourage de
l’écouter.
penser l’impensasable, comprendre l’incompréhensible ; nos sociétés
contemporaines commencent juste à prendre conscience de la tragédie sombre
qui se déroule devant nous depuis quelques années déjà. Comment concevoir,
comment commencer à penser ou, à élaborer une théorie, à modéliser cet
homicide de soi, cet auto-assassinat chez des petits agés de 7,8,ou 9ans? Ces
enfant qui ont toute la vie devant eux. Et pourtant ils décidenet de mettre fin à
leurs jours. Un tabou commence juste de tomber. Comment ne pas rappeller que
le suicide , ce fléau s’installant sournoisement dans la vie psychique des
individus est la deuxième cause de mortalité des jeunes de 16-24 ans, juste
après les accidents de la circulation?
Jusqu’à présent personne, n’a oser aborder cette triste réalité du
suicide des enfants, préférant souvent la nier en la dissimulant derrière des jeux
dits interdits.oui le suicide touche aussi les petits, les enfants et les
préadolescents.
Quant un enfant se donne la mort, est-ce un suicide ? l’assassinat de soi
est impenssable. Chaque époque, chaque culture a interprété ce fait d’une
manière différente. Mais ce n’est qu’au siècle des lumières que le suicide est
devenu un sujet de débat. Jean-jacques rousseau défend le droit de se délivrer
de la vie, tandis que les prȇtres s’appliquent à en faire un tabou. Bien sȗr, c’est
Emile Durkheim, le fondateur de la sociologie, qui pose le problème en termes
actuels : « le suicide est uniquement un problème social », ce qui est bien
insuffisant. Ce phénomène est encore plus difficile à observer et à comprendre
quand il s’agit d’un enfant.
Quant un préadolescent se donne la mort, que se donne t-il ? opte t-il
pour une fin de vie irrémédiable ou une violence autodestructrice, comme ces
enfants qui se cognent le front par terre, se mordent ou se griffent le visage ?
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veut t-il simplement faire de la peine à ceux qui l’ entourent ? souffre t-il d’une
volonté impulsive de se soulager d’une tension émotionnelle insupportable ?
toutes ces émotions différentes se rencontrent. Il n’en reste pas moins que,pour
un adulte, de penser l’impenssable, de comprendre ce fait irrémédiable.
Je ne peux ȇtre exhaustif, au cours de ce mémoire, en ce qui concerne
la cause qui explique tout suicide : un déterminant biologique, une cause sociale,
une faiblesse psychologique, une maladie mentale ou un trouble familiale. Je
vais plutȏt tenter de raisonner de façon systémique donnant l’importance à
certains parametres qui appartir de leur integration nous pourrons nous former
une idée de la manière dont les relations entraȋnent le fonctionnement du
cerveau et dont les milieux affectifs, scolaire, socioculturels tutorisent certains
développements. Après cette approche multifactirelle je proposerais une
stratégie de prévention contre le suicide.
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II- Le sujet dans son environnement :
• Suicide et événements de vie :
La part des événements de vie dans le suicide relève actuellement d’un
schèma conceptuel plus complexe qui implique l’interactiond’un vaste ensemble
de facteurs : génétiques, biologiques, psychologiques, cliniques et
environnementaux. De façon générale un événement de vie (EV) est défini
comme un changement extérieur au sujet suffisamment rapide et important pour
entraȋner une discontinuité dans la vie de clui-ci. Les événements de vie peuvent
à la fois constituer une cause directe ou un facteur déclenchant mais aussi
interagir avec d’autres causes. La relation entre événements de vie et autres
facteurs de risque de suicide est donc complexe. De façon à clarifier ces
relations, un paradigme du processus de stress a été proposé distinguant la
source de stress(EV) des processus de médiation (les éléments de résilience
individuelle tels que le jugement , la capacité à générer des solutions efficaces
face à un probnème) et des facteurs de modération(les éléments qui
augmententla vulnerabilité téls que l’abscence de soutien social, les affects
négatifs). Les événements de vie peuvent faire partie d’un enchainement de
cause constituant en eux-mêmes des facteurs de modération pour d’autres
événements ou même être la conséquence d’une tentative de suicide. De plus
l’impact d’un événement de vie peut ne pas être le même selon le moment de sa
survenue dans le cours de la vie.
• Evénements de vie dans l’enfance :
Les événements de vie graves qui se produisent dans l’enfance, au
moment où le développement du cerveau est incomplet, peuvent avoir des
conséquences à long terme sur les mécanismes nerveux impliqués dans la
gestion du stress et entraȋner dès lors une vulnérabilité accrue à la dépression et
au comportement suicidaire. Les mauvais traitements dans l’enfance ont retenu
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plus particulièrement l’attention, des études neurobiologiques ayant montré que
les abus dans l’enfance peuvent conduire à une reprogrammation des systèmes
de réponse au stress glucocorticoïde, noradrénergique et vasopressine entraȋnant
une sur-réaction au stress ultérieurs. Ces changements rendent l’enfant
vulnérable à un risque accru de dépression au cours de l’enfance et aussi chez le
jeune adulte. Les abus dans l’enfance ont été reliés à la fois de façon directe au
suicide chez l’adolescent et indirectement par les addictions et également au
comportementsuicidaire ainsi qu’à l’auto-agressivité chez l’adulte. L’association
entre abus sexuelet idéation suicidaireest plus importante si l’auteur de l’abus vit
avec l’enfant.
La perte d’un parent constitue un autre événement majeur susceptible de
répercussions sur le devenir de l’enfant.
• À l’adolescence :
Il est difficile de dire si les adolescent suicidaires ont subi plus
d’événements de vie car la plupart des études ne précisent pas si les événements
précédent la tentative. Les tentatives de suicide faisant suite à des événements de
vie sont souvent influencées par des états psychopathologiques tels que la
dépendanceà la drogue et à l’alcool et la dépression. En ce qui concerne les
événements déclencheurs, interviennent principalement les problèmes au sein de
la famille, surtout les soucis financiers et les désaccords familiaux, suivis par les
conflis avec le ou la partenaire et les problèmes scolaires.
Même si les suicidants ont plus de probabilité d’avoir vécu une
séparation de leur parents, la perte d’un amis serait plus susceptible d’etre à
l’origine d’un suicide qu’une rupture des parents, une histoire d’abus sexuel est
très fréquente chez les adolescents suicidaires. Dans le domaine scolaire, la
perception plus que la réalité d’un échec sera aussi un facteur déclencheur. Une
pichenette peut en effet pousser l’enfant à l’acte mortel, comme une autre peut
l’en préserver.
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• Impact des maltraitances dans l’enfance :
La compréhension des mécanismes impliqués dans la pathologie
suicidaire est un objectif essentiel pour le dépistage des sujets à risque et la
prévention. Toute la littérature de ces dernières années reconnaȋt que les
antécédents de maltraitances dans l’enfance sont des facteurs de risque qui
entrent dans la constitution d’une diathèse spécifique pour les conduites
suicidaires.
• Définition de la maltraitance dans l’enfance :
Différents types de matraitance doivent être distingués, de même qu’il
peuvent être isolés ou coexister.les abus physiques, les abus sexuels, les abus
émotionneles, la négligence. La maltraitance doit survenir au plus tard avant
15ou 18 ans selon les études et la plupart des travaux signalent que l’abuseur
doit avoir au moins 5 ans de plus que l’abusé.
Les abus physiques concerneraient surtout le jeune enfant, alors que
les abus sexuels impliquent plutȏt des enfants à partir de 8 à 9 ans et leur
prévalence reste très difficile à éstimer. Il faut prendre en compte les bias de
mémorisation possibles pour les abus physiques et sexuels car les données sont
généralement receuillies de façon rétrospective.
• Impact du type d’abus :
Parmi les différents type d’abus, les abus sexuels seraient ceux qui
augmenteraient le plus le risque suicidaire. Ce type d’abus est souvent associé à
des dysfonctionnements familiaux majeurs, et entraȋne chez l’enfant abusé un
plus grand sentiment de honte, de culpabilité, avec un impact majeur sur
l’estime de soi. L’association de plusieurs types d’abus majore le risque
suicidaire. Par ailleurs l’impact des abus augmente quand l’abuseur est un
membre de la famille, quand le début est précoce, et quand les abus sont répétés
et réguliers. Des facteurs de protection peuvent moduler les conséquences
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psychologiques des abus et des négligences : la présence d’un adulte attentif
dans l’entourage de l’enfant, les liens familiaux , des attachements sécures,
l’engagement dans la scolarité, la pratique d’un sport ou l’affiliation religieuse
sont classiquement cités.
Les conséquences à long terme de la maltraitance, et particulièrement
l’émergence de conduites suicidaires, résultent de trajectoires
développementales marquées par un cumul de risques. À une éventuelle
vulnérabilité génétique transmise par des parents ayant des comportements
d’abus et souvent atteints de troubles psychiatriques s’ajoutent les perturbations
des interactions famililes et l’impact direct des abus et des privations associées
sur le neurodéveloppement de l’enfant.
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III. Particularités des enfants et
adolescents :
La pathologie suicidaire chez le jeune est un problème majeur de santé
publique qui retrouve différentes problématiques. Tout d’abord la mortalité par
suicide en fait la deuxième cause de décès chez l’adolescent de 15 à 24 ans :
derrière ce chiffre se devinent les conséquences dévastatrices pour l’entourage
familiale et social ; si la mort d’un jeune est toujours tragique, les conséquences
suicidaires majorent la culpabilité de l’entourage et parfois le risque suicidaire
des pairs. Ensuite la morbidité suicidaire représentée pas les tentatives de suicide
atteint une prévalence maximale chez l’adolescent. Loin de banaliser les gestes
suicidaire de l’adolescent et de relier au mal-être et aux traits impulsifs inhérents
à cet âge, les données actuelles pointent le pronostic défavorable, le haut taux de
psychopathologie, de comorbidités et de récidives de ces passages à l’acte.
• Pathologie suicidaire chez l enfant :
L’étude des conduites suicidaires chez l’enfant est rendue difficile par
différentes limites, tenant à la fois au développement psychologique de l’enfant
et aux représentations des adultes. Tout d’abord la possibilité d’une idéation
suicidaire implique qu’il y ait une conscience de la mort qui n’est classiquement
pas acquise avant l âge de six ans ; cependant cette acquisition est très variable
et dépend de facteurs cognitifs et environnementaux (par exemple la
confrontation au décès d’un proche). Par ailleurs il s’agit d’un problème mal
connutant par les professionnels que par les familles, et de fait sous –estimé.
Peu de travaux ont exploré la pathologie suicidaire chez l’enfant ;la
plupart des résultats présentent une population âgée de moins de 14ans. En
réalité les géstes suicidaire de cette population surviennent surtout chez les 12-
14 ans.
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IV. Epidemiologie :
Tous les travaux recueillent des informations qui permettent de repérer la
fréquence des suicides , leur répartition selon les groupes sociaux et leur
évolution selon les cultures ou les décisions politiques qui réduisent les facteurs
de risque ou les augmentent.
Aujourd’hui, au Maroc, le phénomène n’est pas connu, en conséquence,
aucune décision politique ou une politique de prévention ne sont mise en place,
il en découle une absence totale de données statistiques. pourtant l’idée de se
donner la mort n’est pas rare chez les petits, mais la réalisation du suicide est
assez difficile, surtout chez les filles. Manque de techniques ? impulsivité qui
empêche la planification du geste ?
En effet, ce que je retrouve souvent chez les adolescent lors d’un
môment de tension agressive ou de détresse extrême, la mort paraît un éclair
d’idée. Puis un certain nombre d’entre eux y pensent régulièrement, ils
planifient et organisent sa venue, ils constituent une cachette de médicaments,
repèrent les ponts et les endroits dangereux.
Pour se donner la mort, l’enfant cherche autour de lui les moyens qui
pourraient la lui donner : se faire renverser par une voiture, se pencher par la
fenêtre, traverser la rue en courant, sauter d’un autobus qui roule à vive à allure,
plonger dans les tourbillons d’un torrent qui le fascinent. De nombreux suicides
d’enfants sont masqués par des comportements quotidiens qui les mènent à la
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mort. L’accident n’est pas accidentel quand une conduite le rend probable.
Pourtant, l’entretien avec sa famille et ses amis disent que son émotivité etait
intense, inhibé puis explosive, ou encore que son impulsivité était difficile à
controler. Un tel trouble émotionnel n’est ni une pathologie psychiatrique ni une
maladie somatique, mais un enfant qui se tue ne se donne pas forcément la mort.
Aujourd’hui, en France, sur cent mille personne, quatre mille pensent
que le suicide pourrait apporter une solution à leurs souffrances. Trois cents
tenteront le geste qui donne la mort et dix-sept aboutiront à cette issue fatale.
Le suicide accompli du jeune enfant reste exceptionnel : aux États-unis
le taux de suicide pour les 5-9 ans était de 0,01/100 000 en 2004. pour les 5-14
ans le taux de suicide accompli est de 0,4/100 000 en France en 2003 pour
l’OMS et de 0,6/100 000 aux États-unis en 2002. l’idéation suicidairechez
l’enfant semble en revanche répandue, même si peu d’études le confirment :
pour une cohorte française 16 p. 100 des jeunes de moins de 13 ans ont eu des
idées suicidaires.la proportion de décès par suicide est faible chez l’enfant : cela
pourrait être lié à l’imaturité cognitive qui ne lui permet pas de planifier et de
réaliser des tentatives de suicides de haute létalité : le taux de suicide augmente
avec l’âge de l’enfant.
Le taux de suicide accompli chez les 15-24 ans avoisine 10/100 000
habitants en France, il s’agit de la deuxième cause de décès après les accident de
la circulation. Les tentatives de suicides (TS) sont beaucoup plus difficiles à
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recenser, n’entraînant pas toujours de prise en charge spécifique. Pour une
enquete hospitalière de l’OMS le taux masculin de (TS) chez les adolescents
dépasserait 300/100 000 et le taux féminin dépasserait 600/100 000, mais moins
d’une TS sur quatreserait traitée médicalement. Les TS sont plus fréquentes chez
les filles, mais il existe une surmortalité masculine par suicide.
Il faut souligner que la gravité des gestes suicidaires augmente avec les
récidives, et qu’une proportion importante des adolescents décèdés par suicide
avaient déjà commis une TS.
Pour le suicide accompli la méthode la plus employée réste la pendaison
(36 p. 100)puis l’arme à feu(31 p.100) et enfin l’intoxication (10 p.100). comme
chez l’adulte, les garçons ont plus recours à des moyens violents.
Parallèlement, 90 p. 100 des TS sontdes intoxications médicamenteuses
volontaire, soulevant la question de l’accés aux médicaments dans les familles
d’adolescents à risque.
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V. deux particularités émergentes :
1. Le suicide et tentatives de suicides chez les jeunes Homosexuelles
Les recherches en Sciences Sociales sur le taux de suicide des
homosexuels sont encore à leur stade embryonnaires, notamment en France.
Aux USA, il a déjà été établi que le suicide est plus élevé chez les homosexuels
que chez les hétérosexuels. En Afrique, le thème du suicide lié à
l’homosexualité, ne fait tout simplement pas partie des centres d’intérêts actuels
des chercheurs. En outre le phénomène de l’homosexualité en Afrique, reste
encore mal connu et largement marginalisé. Dans ces sociétés dans une large
mesure, l’homosexualité est déniée. Comme argument, on fait appel au « Vide
conceptuel » (JEAY :1991,68) et linguistique qu’on peut constater au niveau des
langues locales, pour ce qui est de la qualification même de l’homosexualité,
puisqu’on ne peut « se sentir quelque chose dont on à pas le mot »
(JEAY,Idem,64).
Si d’après cette thèse l’homosexualité n’existe pas en Afrique, comment
peut-on en plus parler de suicide chez une catégorie de la population, qui est
déniée ? Cependant l’étude récente que je mene au maroc, a mis en exergue
l’existence de l’homosexualité en Afrique en général, L’homosexualité au maroc
ne relève pas du mythe, c’est une réalité observable. Les homosexuels forment
aujourd’hui, une sorte de communauté plus ou moins cohérente, ils ont leur
propre marché sexuel. De ce fait, la problématique du suicide liée à
l’homosexualité, peut bien se poser dans cet environnement social, et c’est ce à
quoi nous allons nous essayer, sans prétendre aucunement épuiser le sujet de
long en large. Cet essai sera juste une modeste contribution, car l’homosexualité
au Maroc est un champ intéressant, un trésor encore plein pour le chercheur
toutes Sciences confondues. Dans cette contribution, nous allons nous limiter à
un seul facteur, susceptible d’expliquer le taux élevé de suicide chez les
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homosexuels. Il s’agira de la société, qui à travers son attitude, pousserait
certains homosexuels au suicide. C’est loin d’être le seul facteur, mais nous
allons essayer d’établir notre propos autour de ce dernier, pour limiter notre
champ d’investigation. Il s’agira alors pour nous d’essayer de voir si au Maroc,
le regard hostile de la société, face à l’homosexualité, amène les homosexuels à
se suicider. Bien avant, essayons de donner un petit aperçu sur ladite situation
sociale.
1.2. Le Regard De La Societe Sur Les Homosexuels :
Ce n’est un secret pour personne, les homosexuels sont plus sensibles au
regard que leur porte leur société, leur environnement proche. La plupart du
temps, leur désir est d’être accepté dans leur différence et si possible avec
indifférence. Cependant, en raison du fait que cette pratique sexuelle n’est pas
toujours en accord avec « l’imaginaire social et ses mœurs, ses règles et ses lois
» (MENDES-LEITE :1991,152), la société n’ouvre pas spontanément ses bras
aux individus ayant une telle orientation sexuelle. A ce niveau, la société est très
souvent inquiète, et ce qui l’inquiète, c’est la transgression de la loi, la
multiplication des partenaires, mais aussi la sodomie (paedicatio) selon
AGACINSKI (1998 :120-121) Bien avant elle, HENDIN résumait cette situation
sociale des plus sévères par ces propos :
“Certainly the pain and suffering experienced by homosexuals is partly
the outgrowth of social disapproval, repression, and discrimination”
(1975,115)
Par extension, on peut dire que cette souffrance, ces regards hostiles et
critiques en la personne des homosexuels, est en grande partie responsable du
suicide chez les homosexuels, puisqu’ils se sentent rejetés. Ce taux de suicide
serait alors étroitement lié à la perception que la société aurait de ces acteurs
sociaux. Et, cette situation peut se vérifier dans les sociétés, où l’homosexualité,
à travers les lois, est officialisée au même titre que l’hétérosexualité.
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L’homosexuel qui sensible à ce regard désapprobateur disions nous, finit par
développer la « culpabilité sociale », pour reprendre les termes d’ANATRELLA
(1993 :211). Cette culpabilité sociale naît du reproche que certains homosexuels
font à leur société de ne pas les accepter tels qu’ils sont, tout simplement parce
qu’ils ne parviennent pas à désirer un partenaire différent. De cette culpabilité
sociale, il nous semble qu’il ne suffit que d’un pas pour arriver au suicide ?
Qu’en est-il du cas précis du Maroc ?
1.3. Suicide Et Homosexualite Au Maroc :
Si de manière générale il est établi que les homosexuels à travers le
monde connaissent une certaine marginalisation, au MAROC, ils le sont plus
encore. D’une part parce que leur existence est déniée par le politique, d’autre
part l’activité homosexuelle est condamnée par le code pénal. Face à l’obstacle
social qui empêche tout épanouissement des homosexuels au Maroc, ceux-ci ont
développé une stratégie de camouflage de leurs activités sexuelles réelles. C’est
ainsi que, bien que s’identifiant et s’acceptant comme homosexuels, certains
d’entre eux, pour faire bonne figure sociale, ont également choisi d’entretenir
des rapports factices avec des partenaires de l’autre sexe.
D’autres sont même allé jusqu’à établir des unions officielles avec ces
partenaires de circonstance, tout en ayant une activité sexuelle intense avec leur
partenaire habituel ou autres. C’est ainsi qu’au cours de l’exercice de mes
fonctions en tant que psychiatre s’occupant de trois provinces et ce durant sept
ans ; sur environs 400 cent jeunes que j’accueillais en consultation ou aux
urgences par année, avec une majorité féminine, vue que les tentatives de
suicides les concernent plus ; 4% des jeunes femmes et 1% des garçons parlent
de l’Homosexualité à la suite d’une tentative de suicide, et dans un esprit
d’approcher le ou les faits qui avaient éventuellement motivé leur passage à
l’acte suicidaire je me suis particulièrement intéressé à l’Homophobie
intériorisée :
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« C’est une étape incontournable.la personne prend conscience de
quelques chose d’extrêmement dévalorisant par rapport à la relation de moi à
moi. Cela se situe soit du cȏté de la maladie (il faut aller voir un psychiatre),
soit du coté de la morale et de la religion (je suis un dépravé, je ne suis pas
digne de la morale du groupe auquel je m’identifie) »
Il existe aussi un autre fait, c’est que le suicide dans la société Marocaine
est mal perçu. Les individus qui se suicident jettent l’opprobre sur eux et sur leur
famille, car le suicide est synonyme dans l’imaginaire social, à la malédiction.
Les homosexuels Marocains pour la plupart sont ancrés dans ces croyances,
étant donné qu’ils ont été socialisés dans cet univers social. Ils préfèrent soit
souffrir leur rejet dans les coulisses, soit alors adopter des stratégies de
camouflage, soit enfin se confier tout à un proche. C’est certes rare, mais j’ai eu
à rencontrer quelque rare cas.
De tout ce qui précède, il ressort que l’attitude sociale réprobatrice vis-à-
vis de l’homosexualité, peut être un facteur majeur, mais pas principal, de