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Diogène n° 229, janvier-mars 2010. LE RÔLE DE L’ARCHÉOLOGUE DANS LA SOCIÉTÉ CONTEMPORAINE par FRANÇOIS DJINDJIAN Il n’est pas inutile de s’interroger sur les objectifs de l’archéologie, cette discipline scientifique qui a existé dès les temps les plus anciens de l’humanité, en Égypte, en Mésopotamie, en Chine, en Grèce (Lucrèce, sur l’origine des hommes), comme nous le rappelle A. Schnapp (1993), poussant les hommes à s’intéresser à leurs prédécesseurs et aux vestiges laissés par eux, connus par la tradition orale, visibles dans le paysage puis bientôt émergeant des fouilles de plus en plus méthodiques effectuées par les collection- neurs de la Renaissance, les antiquisants du XVIII e siècle, les pré- historiens du XIX e siècle et les archéologues du XX e siècle, enrichis- sant les données des historiens par le déchiffrement des plus an- ciennes écritures, puis par la culture matérielle des objets décou- verts et enfin par la reconstitution des sites archéologiques, des paysages, des territoires et des sociétés. L’archéologie est la science des choses anciennes et spécialement des arts et des monuments antiques pour le Petit Robert ou la Science des monuments et des arts de l’Antiquité pour le Larousse. La définition de Wikipedia est plus moderne : L’archéologie est une discipline scientifique dont l’objectif est d’étudier et de reconstituer l’histoire de l’humanité depuis la préhistoire jusqu’à l’époque contemporaine à travers l’ensemble des vestiges matériels ayant subsisté et qu’il est parfois nécessaire de mettre au jour. Ces définitions révèlent que l’archéologie, en tant que discipline scientifique, est une discipline encore jeune dont l’ambition croît, génération après génération d’archéologues. Si le Larousse et le Petit Robert la conçoivent comme un inventaire raisonné d’antiquités qui nous rappelle le XIX e siècle, Wikipedia la conçoit comme un prolongement arrière de l’Histoire, à partir de la culture matérielle, approche classique marxiste des années 1920. Pourtant, c’est l’étymologie et Platon dans le grand Hippias, qui nous donnent la meilleure définition du mot « archéologie », çqw`hnknfŸ` en grec : la connaissance du passé ! Car la connaissan- ce du passé concerne aussi le paysage (Environnement), le territoi- re (Géographie), la société (Sociologie), les individus (Anthropolo- gie), la production et le commerce (Économie), le langage et les écritures (Linguistique), l’artisanat (Technologie), l’art (Histoire de
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Le rôle de l'archéologue dans la société contemporaine

Jan 27, 2023

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Diogène n° 229, janvier-mars 2010.

LE RÔLE DE L’ARCHÉOLOGUE DANS LA SOCIÉTÉ CONTEMPORAINE

par

FRANÇOIS DJINDJIAN

Il n’est pas inutile de s’interroger sur les objectifs de l’archéologie, cette discipline scientifique qui a existé dès les temps les plus anciens de l’humanité, en Égypte, en Mésopotamie, en Chine, en Grèce (Lucrèce, sur l’origine des hommes), comme nous le rappelle A. Schnapp (1993), poussant les hommes à s’intéresser à leurs prédécesseurs et aux vestiges laissés par eux, connus par la tradition orale, visibles dans le paysage puis bientôt émergeant des fouilles de plus en plus méthodiques effectuées par les collection-neurs de la Renaissance, les antiquisants du XVIIIe siècle, les pré-historiens du XIXe siècle et les archéologues du XXe siècle, enrichis-sant les données des historiens par le déchiffrement des plus an-ciennes écritures, puis par la culture matérielle des objets décou-verts et enfin par la reconstitution des sites archéologiques, des paysages, des territoires et des sociétés.

L’archéologie est la science des choses anciennes et spécialement des arts et des monuments antiques pour le Petit Robert ou la Science des monuments et des arts de l’Antiquité pour le Larousse. La définition de Wikipedia est plus moderne : L’archéologie est une discipline scientifique dont l’objectif est d’étudier et de reconstituer l’histoire de l’humanité depuis la préhistoire jusqu’à l’époque contemporaine à travers l’ensemble des vestiges matériels ayant subsisté et qu’il est parfois nécessaire de mettre au jour.

Ces définitions révèlent que l’archéologie, en tant que discipline scientifique, est une discipline encore jeune dont l’ambition croît, génération après génération d’archéologues. Si le Larousse et le Petit Robert la conçoivent comme un inventaire raisonné d’antiquités qui nous rappelle le XIXe siècle, Wikipedia la conçoit comme un prolongement arrière de l’Histoire, à partir de la culture matérielle, approche classique marxiste des années 1920.

Pourtant, c’est l’étymologie et Platon dans le grand Hippias, qui nous donnent la meilleure définition du mot « archéologie », çqw`hnknfŸ` en grec : la connaissance du passé ! Car la connaissan-ce du passé concerne aussi le paysage (Environnement), le territoi-re (Géographie), la société (Sociologie), les individus (Anthropolo-gie), la production et le commerce (Économie), le langage et les écritures (Linguistique), l’artisanat (Technologie), l’art (Histoire de

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106 FRANÇOIS DJINDJIAN l’art), les croyances incluant les pratiques funéraires (Histoire des religions)… Il s’agit donc bien ici de reconstituer une Société dispa-rue dans l’exhaustivité de ses composantes, en un mot de reconsti-tuer un système!

L’archéologue, au contact du grand public, est parfois inquiet du succès de thèmes bien souvent polémiques, à consonances politi-ques ou idéologiques, comme par exemple la recherche de l’identité culturelle d’une société contemporaine, voire même l’invention de son passé. C’est pourquoi il préférera avec raison rester dans son monde académique et on lui reprochera alors à juste titre de vivre dans la tour d’ivoire de l’érudition, le plus souvent pour de pruden-tes raisons et de renoncer à toute utilité sociale dans la société. Cette difficulté de l’archéologie vis-à-vis des politiques est connue, parfois dénoncée, le plus souvent traitée par le silence, et nous ne pouvons pas l’ignorer, bien qu’il ne s’agisse pas du sujet que nous débattons ici. Nous souhaitons développer un autre thème, qui, à notre connaissance, a rarement été abordé par l’archéologue, et qui concerne également son rôle social dans la société contemporaine, mais non plus vers le passé mais bien plutôt vers l’avenir : com-prendre les changements (réussis ou ratés) des sociétés dans le passé pour mieux comprendre les enjeux des changements (voulus ou subis) des sociétés dans le présent et le futur.

Le métier de l’archéologue

Durant l’évolution de sa courte carrière, l’archéologue a d’abord été un érudit le plus souvent collectionneur depuis les origines jusqu’au XVIIIe et dans les débuts du XIXe siècle. Toujours amateur, il est devenu un archéologue généraliste dans la seconde moitié du XIXe siècle. Après la coupure générationnelle et démographique due à la première guerre mondiale, il est devenu progressivement un archéologue spécialisé dans une période de plus en plus courte et dans un espace de plus en plus restreint, du continent à la région.

À partir des années 1980, l’archéologue devient un spécialiste de laboratoire, et l’archéologie devient Archéozoologie, Géoarchéo-logie, Paléobotanique, Palynologie, Pédologie, Céramologie, Archéo-logie funéraire, Archéogéographie, Paléohistoire, Paléométallurgie, Tracéologie, etc. Bref, comme en médecine, le généraliste cède la place au spécialiste mais l’archéologue de terrain, qui produit les données, généraliste autant que spécialiste, mène toujours le bal, même si l’investissement lourd d’un gros chantier de fouilles pen-dant dix à vingt ans n’est plus guère rentable face au sensationna-lisme d’un court article dans Nature.

Au XXIe siècle, cet archéologue, qui sera-t-il ? • Un spécialiste de plus en plus spécialiste ? • Un intégrateur des résultats fournis par les différents spécia-

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L’ARCHÉOLOGUE DANS LA SOCIÉTÉ CONTEMPORAINE 107 listes travaillant sur les données de fouilles d’un site archéologi-que ?

• Un maître d’ouvrage, fonctionnaire de collectivités locales, fai-sant travailler des entreprises publiques ou privées réalisant les travaux de terrain dirigés par des chefs de chantier appliquant les normes et standards de l’état de l’art de la profession ?

• Un conservateur du patrimoine archéologique, en musée comme en région ?

Ils seront sans aucun doute tout cela à la fois, entraînés par un mouvement irréversible lié au développement de l’archéologie pré-ventive, de plus en plus maîtresse du terrain et des budgets d’aménageurs, et à la reconfiguration de la recherche archéologi-que, qui restera dans ses laboratoires, dans un mouvement de dif-férentiation des métiers de l’archéologie. Quelle que soit la pro-chaine configuration administrative et sociale des métiers d’archéologues, la communication des résultats devra se dévelop-per pour le plus grand plaisir d’un grand public toujours plus friand d’archéologie.

L’histoire de l’archéologie possède de nombreux exemples de l’importance de la restitution de l’archéologie vers la société. Nous proposons d’en détailler ici deux qui semblent particulièrement significatifs de l’impact énorme que peut avoir l’archéologie dans la société, le premier est une restitution à l’échelle mondiale et le second une restitution à l’échelle locale.

La découverte de la préhistoire européenne à travers les expositions universelles à la fin du XIXe siècle

Entre 1865 et 1912, pendant presque cinquante ans, en Europe, l’ancienneté de l’Humanité a été découverte, prouvée et périodisée. 1865 peut être conventionnellement considéré comme le début aca-démique de la Préhistoire, par la fondation à La Spezia (Italie) et à Neuchâtel (Suisse) du Congrès international d’anthropologie et d’archéologie préhistoriques (CIAAP) par le suisse Édouard Desor et le français Gabriel de Mortillet vivant alors en exil en Italie. 1912 est la date du dernier CIAAP à Genève, où triomphèrent notamment les propositions de Henri Breuil sur la chronologie du Paléolithique supérieur. Ces congrès jouèrent un rôle considérable dans la diffu-sion de la préhistoire dans le monde académique. Mais le rôle des Expositions Universelles, et principalement celles de Paris (1867, 1878, 1889), a été encore plus considérable pour le succès de la divulgation scientifique de la préhistoire dans le grand public (Müller-Scheessel 2001). Monde savant et grand public cultivé y étaient associés puisque les congrès du CIAAP se sont également déroulés à Paris, pendant les expositions universelles en 1867, 1878 et 1889.

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108 FRANÇOIS DJINDJIAN À l’exposition universelle de 1867, Gabriel de Mortillet (1867)

organise une section préhistorique dans l’exposition « Histoire du Travail ». C’est la fondation de la classification « industrielle » de la culture matérielle préhistorique en rupture avec la paléontologie stratigraphique d’Édouard Lartet.

À l’exposition universelle de 1878, la section de Préhistoire est installée au sein de l’exposition sur « l’Art ancien ». C’est au cours

de la visite de l’exposition que le Marquis de Sautuola, le futur découvreur d’Altamira, allait se passionner pour la préhistoire. Lui comme tant d’autres.

À l’exposition universelle de 1889, centième anniversaire de la révolution française, qui voit l’inauguration de la Tour Eiffel, la salle des Industries préhistori-ques est installée dans le Palais des arts libéraux.

À l’exposition universelle de 1900, la préhistoire est déjà en-trée dans le domaine des connais-sances acquises et admises. Preu-ve en est le regret exprimé par Adrien de Mortillet (1900) de ne pas avoir pu bénéficier d’un em-

placement plus grand pour montrer l’avancement des connaissan-ces dans la Préhistoire mondiale.

En l’espace de quelques vingt-cinq ans, de 1865 à 1889, de très nombreux sites préhistoriques ont été découverts sur tout le terri-toire européen, démontrant la très rapide diffusion des idées et des connaissances poussant des intellectuels d’origines sociales variées (universitaires, prêtres, médecins, avocats, notables, aristocrates, instituteurs, etc.) et de croyances diverses (laïcs positivistes, catho-liques, protestants) à se passionner pour la découverte de l’ancienneté de l’homme, seuls ou dans le cadre de sociétés savan-tes locales, régionales ou nationales.

Certes, la Préhistoire ne s’est pas arrêtée en si bon chemin, et la remontée dans le temps s’est poursuivie dans la recherche des plus anciens hominidés, non seulement en Europe mais surtout dans le reste du monde, en Indonésie (pithécanthrope de Java découvert par Dubois en 1891), en Afrique du sud (australopithèque de Taung découvert par Dart en 1924), en Chine (sinanthrope de Choukoutien découvert par Black, Pei et Teilhard de Chardin dans les années 1920), en Afrique orientale (Homo Habilis à Olduvai découvert par Leakey en 1964), jusqu’aux découvertes les plus ré-

Gabriel de Mortillet (1821-1898)

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L’ARCHÉOLOGUE DANS LA SOCIÉTÉ CONTEMPORAINE 109 centes (Orrorin au Kenya en 1999 ; Toumaï au Tchad en 2001 ; Dmanisi en Géorgie depuis 1991 ; Flores en Indonésie en 2004 ; Atapuerca en Espagne, 2008) permettant la reconstitution à un rythme de plus en plus accéléré d’une phylogenèse humaine encore en construction dans le temps et dans l’espace. Depuis les années 1960, la paléontologie humaine est un feuilleton à rebondissement qui passionne tant le grand public que les journalistes publient les nouvelles plus vite que les scientifiques ne publient les résultats de leurs études. Par rapport au XIXe siècle, le mécanisme de médiation s’est inversé.

Le Musée de Lubny (Ukraine) de Yekaterina N. Skarzhynskaya

Cette histoire (Suprunenko 2000) commence dans les années 1870 avec le développement en Ukraine d’un mouvement culturel et national au carrefour de l’archéologie, de l’histoire et de l’ethnographie, et dans le cadre des idées réformistes sociales ani-mées par des intellectuels provinciaux. Au premier rang de ceux-ci, se trouve G. S. Kyriakov (1805-1883), aristocrate propriétaire ter-rien d’un vaste domaine à Gontsy, et dont la maison et le parc, entièrement rasés après la révolution, se trouvaient sur le bord de la plaine, juste au-dessus du versant de vallée où se situe le site paléolithique de Gontsy. Après des études au lycée Richelieu à Odessa et un passage classique dans l’armée, il se retire sur ses terres à Gontsy, tout en jouant un rôle de leader au sein de l’aristocratie réformiste de Lubny, notamment pour la libération et l’éducation des paysans. Membre permanent de la Société de Géo-graphie russe, il participe au 3e congrès d’archéologie russe à Kiev en 1874. Il fouille des tumulus scythes et des tumulus Rus’. C’est en fait à G. S. Kyriakov que l’on doit la découverte du site paléoli-thique de Gontsy, qu’il prend d’abord pour un site paléontologique du fait des abondantes découvertes d’ossements de mammouths, et ce n’est qu’en 1871 qu’il identifie les petits morceaux de silex noir avec lesquels jouaient ses enfants comme les vestiges d’outils pa-léolithiques. En 1873, il invite F. I. Kaminski (1845-1891), institu-teur à Lubny, mais surtout archéologue très actif dans la région et membre actif du mouvement réformiste social de Lubny, à faire des fouilles à Gontsy.

Y. N. Skarzhynskaya, née Reiser (1852-1932), élève à la presti-gieuse école Bestuzhev de Saint-Pétersbourg, mariée avec le géné-ral major N. G. Skarzhynski, important propriétaire terrien dans la région de Lubny, reçoit l’influence de V. V. Stasov qui l’initie aux idées du réformisme social. C’est l’année 1874 qui marque le début de la réunion des collections privées d’archéologie et d’ethno-graphie. En 1881, dans sa maison de Kruglik, près de Lubny, elle crée un musée, en réunissant les collections données par tous les

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110 FRANÇOIS DJINDJIAN amateurs de la région, dont celle de G. S. Kyriakov, et en les pré-sentant dans des vitrines avec des panneaux d’explications et un catalogue imprimé. Plus de 4 000 objets archéologiques ont été ainsi inventoriés en 25 ans d’existence et 37 000 objets en tout. L’entrée est libre. Dès 1882, l’équipe des conservateurs est consti-tuée, avec Kaminski comme directeur et Kulzhynsky comme secré-taire scientifique. En 1900, le musée attire le nombre impression-nant de 300 visiteurs par jour ! Elle crée également une école

élémentaire, une bi-bliothèque, fait donner des conférences, des cours et des lectures d’ouvrages scientifi-ques ; elle développe les aides à la formation et à l’emploi des han-dicapés. En 1900, il a été calculé qu’elle avait dépensé de sa fortune personnelle plus de 300 000 roubles dans les recherches archéo-logiques et le fonction-nement du musée. Elle insiste sans succès pour transférer le mu-sée à la ville de Lubny, qui ne veut ou ne peut en assumer le coût de l’entretien. Les événe-ments politiques de 1905 la contraignent à 53 ans à l’exil à Lau-sanne, en Suisse, où elle restera jusqu’en 1914, sous la surveil-

lance de la police politique tsariste. Entre-temps, les collections du musée ont été transférées en 1906 au musée de Poltava, où elles se trouvent encore aujourd’hui.

Rentrée à Lubny en 1914, elle s’y éteindra à 80 ans, en 1932, au début de la grande famine provoquée de 1932-1933, qui décima plus de 20% de la population ukrainienne. Les trois grandes figu-res du musée autour d’elle, sont F. I. Kaminski (1845-1891), S. K. Kulzhynsky (1867-1943) et V. G. Lyaskoronski qui prendra la suite de Kaminski. C’est Kaminski qui, jusqu’à sa mort en 1891 à 46 ans, atteint de tuberculose, fait de nombreuses fouilles archéo-

Y. N. Skarzhynskaya (1852-1932)

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L’ARCHÉOLOGUE DANS LA SOCIÉTÉ CONTEMPORAINE 111 logiques dans la région : bien sûr à Gontsy, où il fait venir le géolo-gue Féofilactov, avec qui il donne une communication historique sur Gontsy au 3e congrès archéologique russe à Kiev, en 1874, mais également des tumulus scythes, des nécropoles de l’âge du Bronze et des enceintes de l’âge du Fer. Il constitue la première carte ar-chéologique de la région. Évolutionniste, il organise la présentation des collections du musée suivant le schéma du moment : âge de pierre, âge du Bronze, Grecs et Scythes, premiers slaves. S. K. Kulzhynsky est un ethnographe dont l’œuvre fondamentale est consacré aux pysankas (œufs peints), d’abord instituteur au collège de Lubny, puis secrétaire scientifique du musée. Il accom-pagne Y. N. Skarzhynskaya en exil en Suisse et s’occupera d’elle jusqu’à sa mort à Lubny en 1932. À sa mort, il élève et adopte ses petits-enfants, les futurs géologues Vadim et Vsevolod Skarzhyns-ki. Il meurt en 1943 à Lubny, alors occupée par l’armée allemande. Ainsi, entre 1870 et 1890, dans la petite ville de Lubny, région de Poltava, en Ukraine, l’archéologie d’une région a été découverte, périodisée, cartographiée, inventoriée et conservée, enseignée dans un musée créé spécialement pour en permettre l’accès à tous.

Notre société peut-elle disparaître ?

L’archéologue connaît et maîtrise la profondeur du passé. Il sait que les civilisations sont mortelles, pourrait-on dire paraphrasant ainsi Paul Valéry, qui avait écrit cette phrase au lendemain du carnage de la première guerre mondiale. Il n’en est sans doute pas de même de l’historien, dont le sujet est un passé plus court. Ainsi l’historien français a vu la France se relever de toutes les périodes les plus noires de son histoire. Cette phrase resurgit dans les an-goisses de la société chaque fois qu’un évènement catastrophique survient, avant-hier à un niveau local (tremblement de terre, épi-démie), hier à un niveau national (guerre, révolution, crise), au-jourd’hui à un niveau mondial (guerre mondiale, pandémie, crise économique, changement climatique).

C’est fin 2008 que le grand public a compris que notre société pouvait disparaître sous l’effet de deux évènements : le premier à court terme, une crise financière, et le second à long terme, un changement climatique.

La crise de 2009 est une crise financière, liée à de mauvaises pratiques de surendettement (et sa diffusion épidémique par la titrisation des dettes) et à des spéculations incontrôlées dans des domaines de plus en plus nombreux : énergie, immobilier, matières premières et même nourriture, liée à la trop grande masse moné-taire en circulation et à l’existence de paradis fiscaux. Cette crise qui aurait dû entraîner la faillite de tout le système bancaire in-ternational n’a pu être enrayée que par un support financier massif

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112 FRANÇOIS DJINDJIAN des États les plus riches, qui ont dû faire la trésorerie (au lieu de la contrôler) et renforcer les fonds propres des banques, soit en s’endettant plus encore soit en augmentant la masse monétaire (pour les monnaies fortes). Si fin 2009, la crise financière semble avoir été enrayée sinon guérie, celle-ci a cependant déclenché une crise économique sans précédent (sinon celle de 1929 au XXe siècle) dont seuls quelques pays émergents semblent s’être sortis début 2010. Récession, déflation, pertes de valeur, faillites, appauvrisse-ment ; endettement en sont les résultats dans les pays occidentaux mais plus encore dans les pays du tiers monde et du quart monde. En corollaire, survient la crise sociale (chômage, grèves et émeutes, instabilité, angoisse, repli sur soi et montée des haines), à laquelle succédera inévitablement une crise politique : appauvrissement des classes moyennes, déstabilisation des démocraties, montée des totalitarismes, guerres dans un contexte propice aux populismes, aux intégrismes et aux nationalismes les plus dangereux.

Un tel raisonnement n’est pas historique (l’adage qui énonce que l’histoire se répète ou ne se répète pas ne peut donc nous ras-surer ici) mais systémique (les mêmes causes entraînant les mê-mes effets). L’archéologie nous a en effet appris que des civilisa-tions peuvent disparaître suite à un processus interne sans qu’il soit nécessaire d’invoquer une guerre ou une invasion (Renfrew et Cooke 1979 ; Doran 1990). Elle nous apprend aussi que beaucoup de celles qui disparaissent suite à une guerre ou une invasion, ont été attaquées à un moment d’affaiblissement interne suffisant pour ne pas pouvoir résister aux agressions extérieures. Le déterminis-me stochastique du processus ne l’emporte-t-il pas sur le hasard de l’évènement ?

L’archéologie nous révèle en outre les principales causes de ces effondrements : une catastrophe naturelle (tremblement de terre, éruption volcanique, inondation) ; un changement climatique (comme l’aridité de la fin du IIIe millénaire av. J.C. ou le petit âge glaciaire du XIVe au XIXe siècle) ; une altération de l’environnement par l’activité humaine (déforestation, épuisement des sols, éro-sion…) ; un effondrement de l’économie (production et commerce) ; une crise financière (épuisement de mines d’or ou d’argent) ; une crise démographique (épidémies, vieillissement, exode, déplace-ments) ; une insécurité chronique (razzia, pillage, banditisme, pira-terie, terrorisme…) et ainsi de suite.

Mais il n’y a pas de crise de la société sans crise morale et sans crise de gouvernance. L’archéologie nous enseigne aussi que les sociétés peuvent se sortir de ces processus mortifères dont l’issue n’est pas toujours inéluctable, en faisant appel à leurs propres res-sources internes, qui impliquent deux processus principaux : le processus de gouvernance et le processus d’attitude sociétale.

L’attitude sociétale joue un grand rôle dans le basculement vers

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L’ARCHÉOLOGUE DANS LA SOCIÉTÉ CONTEMPORAINE 113 l’effondrement ou vers la reprise. L’archéologie nous renseigne sur plusieurs types d’attitudes négatives à l’origine d’effondrements : le mépris envers les dirigeants et les politiques (et donc envers la démocratie) ; la crainte de l’investissement au profit de l’épargne et de la rente ; le développement de la corruption à tous les niveaux de la société ; le rejet de la notion de progrès (et donc un refus de changement de la Société et le blocage des corporatismes et des privilèges) ; la méfiance envers la science (d’où l’inutilité d’acquérir savoir et savoir-faire) ; la revanche de l’exotérisme sur l’ésotérisme dans les religions (d’où le retour de l’intolérance et des messianis-mes) ; le triomphe de la communication du contenant au détriment du contenu, des mondes virtuels sur le monde réel, des jeux, de la manipulation sur l’élévation (d’où l’inutilité de l’effort, du mérite et de l’investissement).

Ce qui était vrai à la fin de l’Empire romain (Rostovtseff 1988) ou à la veille de la Révolution française (Tocqueville 2004), ne l’est-il pas tout autant au XXIe siècle ?

Agir localement pour un conservatoire mondial des cultures

Cent quarante ans après Y. N. Skarzhynskaya à Lubny, ne de-vrions nous pas suivre son exemple ?

La mondialisation entraîne la disparition progressive mais hé-las inéluctable des cultures locales, régionales, voire nationales. La perte de la diversité animale et végétale nous est annoncée par les biologistes et nous sommes prêts à y réagir aujourd’hui. Mais que faisons-nous devant la perte également annoncée de la diversité culturelle : les langues (50% des 6 700 langues encore parlées au-jourd’hui sur la planète auront disparu à la fin du siècle), le folklo-re (contes, récits, chants, musiques, danses, croyances, coutumes, rituels, fêtes, savoir-faire, etc.), les traditions alimentaires (recettes de cuisine, plantes, fruits, légumes, fleurs, épices, laitages, froma-ges, viandes, pain…), l’agriculture, l’horticulture et l’élevage, l’artisanat (ustensiles, outils, armes), l’industrie, etc. ? La mondia-lisation inéluctable qui engendre un colosse monoculture aux pieds d’argile ne doit pas nous faire oublier la richesse patrimoniale et culturelle que nous a léguée notre histoire, dans laquelle il sera toujours possible de puiser pour sortir de nos crises. N’est-il donc pas urgent de lancer, à l’échelle mondiale, un conservatoire des cultures, analogue aux Inventaires des monuments et richesses artistiques et aux cartes archéologiques ? Et d’y convier archéolo-gues, ethnologues, anthropologues et tous les érudits bénévoles ? L’idée de maisons du patrimoine culturel, faisant écho aux maisons de la culture d’André Malraux dédiées à l’animation culturelle, aurait-elle un sens dans cette approche ?

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114 FRANÇOIS DJINDJIAN Agir mondialement pour une archéologie du futur

En étudiant le climat du passé à partir des données des strati-graphies archéologiques puis des carottages dans les lacs glaciai-res, les mers, les océans et les calottes glaciaires, les climatologues ont décrit puis expliqué la loi des variations du climat (démontrant ainsi la théorie de Milankovitch sur les variations du climat). Cette modélisation mathématique leur permet de prévoir le climat du futur. La modification du paysage par l’homme a commencé avec la révolution néolithique il y a dix mille ans environ ; la modification du climat a lui commencé au milieu du XIXe siècle avec la révolu-tion industrielle. Ces informations sont à la base des travaux ac-tuels sur les prévisions de changements climatiques dans les pro-chaines années (GIEC 2007).

Les archéologues, avec l’aide de tous les chercheurs en Sciences humaines, ne peuvent-ils pas déchiffrer les processus des sociétés contemporaines et prévoir aussi ceux de la société du futur, à par-tir de leurs connaissances des sociétés du passé ? L’archéologue peut apporter son écot à la société contemporaine non seulement parce qu’il connaît la profondeur du temps et donc qu’il sait que les civilisations sont mortelles, mais surtout parce qu’il peut nous dire pourquoi les civilisations sont mortes par les capacités méthodolo-giques qu’il a développées depuis les débuts de l’archéologie dans son travail de reconstitution systémique des sociétés (Djindjian 1991). L’archéologue peut aujourd’hui donner des réponses aux questions suivantes :

• Pourquoi sommes-nous ce que nous sommes aujourd’hui ? Et donc qui sommes-nous réellement ? Et aurions-nous pu être quel-qu’un d’autre ?

• Comment et pourquoi les civilisations ont-elles disparu ? Leur histoire aurait-elle pu être modifiée ? Comment l’homme peut-il changer son destin ?

Nos élèves de philosophie sont souvent invités à traiter le sujet suivant : « Si l’histoire ne se répète pas, à quoi bon connaître le passé ? » La connaissance archéologique ne serait alors que connaissance du passé en tant que passé, et non pour nous permet-tre de dégager des lois générales valant pour tout temps. Le sujet les invite naturellement à citer notamment Nietzsche, Kant, Hegel ou Marx. Les étudiants en archéologie d’une université en Sciences humaines à qui le sujet avait été récemment posé, ont répondu quasiment unanimement que l’archéologie faisait partie des scien-ces humaines et non des sciences de la nature. L’archéologie ne pouvait donc connaître le passé qu’en tant que passé et non s’intéresser à l’avenir. Ce qui semble déterminant dans ces opi-nions (car nous sommes plus ici dans le domaine de l’herméneutique que dans celui de la science), c’est l’appartenance

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L’ARCHÉOLOGUE DANS LA SOCIÉTÉ CONTEMPORAINE 115 à une tradition académique (les sciences humaines), irriguée de-puis actuellement par des courants postmodernes ; ou c’est le choix d’études universitaires en archéologie traduisant le manque d’intérêt pour la société contemporaine, plutôt que le traitement même du sujet. Peut-être la même question posée à des archéomè-tres ou à des archéo-environnementalistes (néologisme) aurait-elle reçu une réponse différente ?

Le grand public, et aussi les hommes politiques, ont été récem-ment fascinés par la lecture d’un livre de Jared Diamond (2006) qui analyse les causes de disparition ou le changement de plu-sieurs sociétés actuelles et du passé. Le livre a suscité des enthou-siasmes écologistes (l’homme victime de sa destruction de l’environnement) comme des réactions négatives venues de tous les horizons idéologiques (accusations de malthusianisme ou de catas-trophisme). Grâce à Diamond, le grand public a découvert un sujet qui avait déjà été abordé par les archéologues depuis près de trente ans (Renfrew et Cooke 1979 ; Tainter 1988, 2006 ; Yoffee et Cowgill 1988 ; Redman et al. 2004) ou par les historiens (Le Roy Ladurie 2004). Les exemples choisis dans l’effondrement de la civilisation Maya, des habitants de l’île de Pâques, des Indiens Anasazis au Nouveau-Mexique ou dans la colonisation ratée du Groenland (et de l’Amérique du nord-est) par les Vikings sont par ailleurs telle-ment connus et rebattus qu’ils ont perdu dans la communauté ar-chéologique le pouvoir générique que leur redonne Diamond en s’adressant au grand public.

Il existe néanmoins un pendant optimiste du même sujet, celui des changements réussis. L’approche est en outre plus favorable à l’enregistrement archéologique des données, puisqu’une transition réussie nous offre des données riches de l’état d’avant comme de l’état d’après, alors que l’effondrement nous met en situation de pénurie de données significatives pour l’état d’après avec le risque d’amplifier l’amplitude de l’effondrement, par le biais de l’absence de constructions monumentales. L’archéologie des transitions n’existe pas encore comme nouvelle spécialité de l’archéologie, mais elle a sans aucun doute un bel avenir de problématiques devant elle : la transition entre le paléolithique moyen et le paléolithique supérieur et la question de « l’arrivée de l’homme moderne », la transition de l’économie des chasseurs-cueilleurs à l’économie d’agriculteur éleveur, l’émergence de l’économie de pastoralisme nomade dans les zones steppiques, la transition des sociétés de la fin du néolithique vers l’âge du Bronze au Proche-Orient, au Cau-case et en Europe, l’urbanisation des sociétés, l’invention de l’écriture, l’étatisation…

La connaissance des processus de transition des « révolutions » des sociétés du passé peut nous aider dans les défis majeurs qui attendent la société mondiale du XXIe siècle : le risque environne-

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116 FRANÇOIS DJINDJIAN mental lié aux conséquences de la production industrielle depuis la seconde moitié du XIXe siècle sur le climat, la diminution program-mée des réserves des sources d’énergie fossiles, le nécessaire déve-loppement économique des nations, même les plus défavorisées, la progression démographique mondiale. Cette transition sera une nouvelle « révolution » comme l’humanité en a connu plusieurs au cours de sa préhistoire et de son histoire. L’archéologue peut être utile pour relativiser les peurs à l’aube d’une transition difficile pour laquelle tous les acteurs doivent être engagés dans l’avenir et non figés dans des corporatismes suicidaires. Ainsi, la diminution programmée de la calotte glaciaire arctique effraie les populations mais qui leur a appris que le même phénomène, survenu il y a près de 400 000 ans (OIS 11), a permis à l’homme (homo erectus, homo ergaster) la conquête de la terre entière (sauf les Amériques).

Ce faisant, cette archéologie du dépassement et de l’effondrement court cependant le risque de devenir rapidement soit suspecte de présupposés idéologiques soit victime de manipu-lations politiques. Il importe donc qu’elle soit fondée sur une plate-forme cognitive, méthodologique et technique indiscutable. Une telle plate-forme existe déjà. La modélisation, par la simulation des systèmes multi-agents (SMA) ou multi-agent systems en anglais (Ferber 1995 ; Woolridge 2002), des sociétés du passé permet au-jourd’hui d’avancer significativement dans la modélisation systé-mique et la simulation des sociétés. Ces études n’en sont qu’à leurs débuts. Mais elles sont une voie de recherche extrêmement pro-metteuse. Jim Doran a été le précurseur de l’application de cette technique en archéologie (Doran 1990 ; Doran et Palmer 1995). Cette approche présente le grand intérêt de nous inciter à identi-fier et caractériser les processus qui sous-tendent le fonctionne-ment systémique de nos sociétés, actuelles et passées. Ces proces-sus se rattachent aux grandes disciplines scientifiques, aux scien-ces exactes (les technologies), aux sciences de la nature (le monde animal et végétal dans son environnement), aux sciences économi-ques (production, commerce et finance), aux sciences sociales (gou-vernance, croyances, règles, traditions) et aux sciences humaines (attitudes). La problématique posée n’appartient donc pas plus à une discipline académique qu’à une autre mais à toutes, en un mot au système dans son ensemble.

François DJINDJIAN. (Université de Paris-I.)

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L’ARCHÉOLOGUE DANS LA SOCIÉTÉ CONTEMPORAINE 117 Doran, J. E. (1990) « Computer-based Simulation and Formal Model-

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