Le retour du mil Sanio dans le Sine : Les sociétés rurales face aux changements environnementaux en Afrique de l’Ouest, Conférence ESCAPE, 29-30 janvier 2015, Université Pierre et Marie Curie, Paris Bertrand Muller, Patrice Kouakou, Valérie Delaunay, Arame Soumare, Jérémy Bourgoin et Richard Lalou
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Le retour du mil Sanio dans le Sine · –« Ce qui empêche de faire du Sanio ’est le manue d’eau » –Arrêt de la culture au cours des années 70s à ause du manue d’eau
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Le retour du mil Sanio dans le Sine :
Les sociétés rurales face aux changements environnementaux en Afrique de l’Ouest, Conférence ESCAPE, 29-30 janvier 2015, Université Pierre et Marie Curie, Paris
Bertrand Muller, Patrice Kouakou, Valérie Delaunay, Arame Soumare, Jérémy Bourgoin et Richard Lalou
Le retour du mil Sanio dans le Sine :
Les sociétés rurales face aux changements environnementaux en Afrique de l’Ouest, Conférence ESCAPE, 29-30 janvier 2015, Université Pierre et Marie Curie, Paris
Bertrand Muller, Patrice Kouakou, Valérie Delaunay, Arame Soumare, Jérémy Bourgoin et Richard Lalou
une adaptation raisonnée à l’évolution climatique récente
Introduction : une réapparition surprenante
• 2010 présence du mil Sanio dans certains villages au nord du Sine - Pays Sérère
• Sanio « Matye » mil cycle long (120-150 jours) avait disparu de la zone, ne laissant dans le paysage que le mil hâtif (85-90 jours) Souna « Pod »
• Or certain regain pluviométrique au Sahel, en particulier au Sénégal, depuis milieu 90s (Salack et al., 2011)
• Ce retour est-il un « marqueur »
de cette évolution et un témoin des
capacités d’adaptation paysannes ?
Les sociétés rurales face aux changements environnementaux en Afrique de l’Ouest
Questions posées
• Quels autres déterminants ? – Intérêts / qualités Sanio
– Limites : désavantages/inconvénients
• Modalités de réapparition et diffusion ?
– Origine des semences
– S’était-il maintenu ? Comment ?
– Place dans les terroirs et pratiques
• Perspectives : quel futur pour le Sanio?
Les sociétés rurales face aux changements environnementaux en Afrique de l’Ouest
• Le climat est-il bien le principal déterminant ?
Méthodes mises en œuvre Les sociétés rurales face aux changements environnementaux en Afrique de l’Ouest
• Analyses biophysiques – Etude des pluies et simulations des cultures de
Sanio et Souna par modèle de culture SarraH (paramétrage suite à travaux antérieurs AMMA)
• Focus groups et entretiens – Permettent de comprendre les choses et de
formuler des hypothèses de travail
– Rencontres avec acteurs clés
• Enquête « lourde » sur les systèmes de culture dans la « zone IRD » de Niakhar – Questionnaire très complet
– 1049 exploitations
• Enquête « rapide » sur la présence du Sanio dans la région Bambey-Fatick-Diourbel – Avec questions sur raisons présence/absence
– 169 villages
Quelques éléments sur Souna et Sanio
• Mil pénicillaire « petit mil » (Pennisetum glaucum) céréale la plus résistante au manque d’eau, base des systèmes agraires zones sahéliennes
• Souna : 85-90 jours; peu photopériodique; taille 2-2,5 m; rendement de 3,5 T/Ha
• Sanio : 110-140 jours; photopériodique; taille 3-3,5 m; épis aristés; rdt. idem
• Rôles/positions dans terroir complémentaires pour la sécurité alimentaire (Pélissier 1966 et 2002; Lericolais 1972 et 1999)
• Au Sénégal Souna largement dominant
Les sociétés rurales face aux changements environnementaux en Afrique de l’Ouest
Mil tardif
Jachère
Mil hâtif
Réserve boisée
Arachide
Le déterminant climatique (a)
• Simulations modèle de culture
– Plus possible d’obtenir grains Sanio
durant 70s, 80s et 90s
– Mais toujours production paille
– Production à nouveau possible
depuis 2000, mais (très) risquée
Les sociétés rurales face aux changements environnementaux en Afrique de l’Ouest
0
500
1000
1500
2000
2500
3000
1950 1960 1970 1980 1990 2000 2010
ren
dem
ent
(kg/
Ha)
Rendements en grains
Souna
Sanio
0
2000
4000
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1950 1960 1970 1980 1990 2000 2010
bio
mas
se (k
g/H
a)
Biomasses "pailles"Souna
Sanio
0
20
40
60
80
100
120
140
13 16 19 22 25 28 31
décades
Pl-1950-69
Pl-1970-89
Pl-2004-13
cumulsdécadairesBambey
• Regain pluvio: surtout août-sept.
Le déterminant climatique (b)
• Les dires (et donc perceptions) paysans sont en cohérence – « Ce qui empêche de faire du Sanio c’est le
manque d’eau »
– Arrêt de la culture au cours des années 70s à cause du manque d’eau (et des insectes)
– « Il pleut plus et un peu plus tard » depuis 10 ans environ et « on peut refaire du Sanio »
– « Mais c’est très risqué »
• Amadou Diouf, paysan sérère de Guayokhem qui n’a jamais arrêté : « j’ai toujours eu des tiges, et un peu de grains »
• Le regain pluviométrique a clairement été perçu et a rendu possible à nouveau la culture du sanio
Les sociétés rurales face aux changements environnementaux en Afrique de l’Ouest
Intérêts et inconvénients du Sanio Les sociétés rurales face aux changements environnementaux en Afrique de l’Ouest
Intérêts
• Option de diversification pour sécurité alimentaire
• Qualités des tiges (palissade, fourrage) et des grains (« énergie » et goût)
35%
22%
5%
7%
14%
8%
1%
5%
Qualités et intérêtsSécurité alimentaire -diversificationQualité nutrition (farine,grains)Bonnes pallissades
Fourrage, aliments bétail
Plus productif
Bon goût (bon couscous)
Revenu (vente)
Tradition (héritage)
Inconvénients
• Manque d’eau / cycle trop long
• Attaques d’insectes
• Oiseaux (!) mais 79% disent le contraire dans zone Niakhar
• Exigeant en sol (fertilité, deck)
40%
37%
8%
7%
10%
2%2%
4%
1%
Problèmes et inconvénients
Manque d'eau / cycle long
Insectes
Oiseaux
Sols trop pauvres
Manque semences
Manque engrais
Manque main d'œuvre
Manque de terre
Ne sait pas le cultiver
Une adoption facile
• Pas de saut technique ou économique – Le Sanio se sème comme le Souna, au semoir attelé, à sec (avant 1ère pluie) et
sans engrais le plus souvent
– Intercalé 1 ligne Sanio pour 4-5 lignes de Souna ; plus rarement plein champs
– Mêmes interventions (sarclages, ..)
– Récolte décalée, peut attendre et se faire après celle de l’arachide
Les sociétés rurales face aux changements environnementaux en Afrique de l’Ouest
• Il suffit donc d’avoir de la semence (4 Kg/Ha) : dons, achats au marché
Une diffusion géographique rapide
• Plusieurs « foyers » (Guayokhem) où il aurait toujours été cultivé
• Limité à l’est (diffusion en cours ou sols plus lourds) ?
• Pression très forte des insectes « aux frontières »
Les sociétés rurales face aux changements environnementaux en Afrique de l’Ouest
• Atteind désormais les portes de Bambey et Diourbel !
• Des villages avec très peu de Sanio comme Sob par exemple
Origine des semences ? Le Sanio s’est-il maintenu durant 3 décennies sèches?
• Maintien local : suffisamment de semences d’une année à l’autre ? – Malgré sécheresse !?
– Comment maintenir pureté et qualité semences ?
• ou Recherche occasionnelle au Sud quand nécessité ? – Achetées ou ramenées par famille plus au Sud (migration)
Les sociétés rurales face aux changements environnementaux en Afrique de l’Ouest
• A priori plusieurs foyers « d’irréductibles saniophiles » … mais nous n’avons pas (encore) approfondi – 3 paysans mentionnés à Guayokhem
– Amadou Diouf (Guayokhem) : « toujours avec mes propres semences » et « j’en ai données à d’autres » ; intérêt pour les tiges et attachement culturel
• Il faut approfondir
– Enquêtes, études génétiques (ANR CERAO)
Place limitée dans les terroirs • Forte diffusion et adoption mais une place limitée dans les terroirs
– 25% des ménages en moyenne, mais de 4% à 60% selon les villages
– 1% surfaces emblavées en Sanio et 2% en « Souna+Sanio » (< sorgho)
– Sanio = 27% des surfaces de mil chez les cultivateurs qui en font (1 parcelle /3)
– Sur champs de brousse (85%), sols sableux Dior (75%) et peu/pas fumés (86%)
Les sociétés rurales face aux changements environnementaux en Afrique de l’Ouest
• Souna = céréale de base avec 36% surfaces totales emblavées
1% 2%
36%
35%
1%
13%
8%5%
% surfaces emblavées
sanio seul
souna+sanio
souna seul
arachide
pastèque
sorgho
niébé
bissap
Limité par la gestion de la sécurité alimentaire en relation au foncier
• Davantage cultivé quand disponibilité foncière (OR=1,16; p=0,001) – « pour faire du Sanio plein champ il faut déjà avoir suffisamment de Souna »
– « on ne remplacera pas le Souna par le Sanio »
• Car conscients du risque pluviométrique élevé (>> qualités) – De plus problème des insectes qui semblent limiter fortement les rendements
• Et aussi concurrence avec la pastèque qui est rémunératrice – Moins (pas) de Sanio chez ceux qui font de la pastèque (OR=0,515; p=0,058)
Les sociétés rurales face aux changements environnementaux en Afrique de l’Ouest
• Comparaison Guayokhème (Sanio, pas de pastèque) vs Sob (inverse) – « les gens de Sob ont pris le marché de la
pastèque et les camions s’arrêtent là-bas sans aller plus loin »
– « si on pouvait vendre on ferait plutôt de la pastèque (ou autre chose) »
50 %
40 %
20 %
5 %
1 %
0 %
Proportion des ménages ayant cultivé la pastèque en 2013
Conclusions et perspectives • Culture à nouveau rendue possible du fait du regain pluviométrique
parfaitement perçu par les paysans
• Apparait comme une option supplémentaire de diversification facile à adopter et qui présente des intérêts qualitatifs reconnus
• Ce qui explique une diffusion géographique spectaculaire en 10 ans
• Mais les paysans ont bien conscience que la production de grains reste très risquée
• Et limitent donc les surfaces de Sanio sauf à posséder déjà suffisamment de champs en Souna qui reste la base de leur sécurité alimentaire
• Par ailleurs le Sanio n’est pas attractif en comparaison de la pastèque
Les sociétés rurales face aux changements environnementaux en Afrique de l’Ouest
Conclusions et perspectives
• Au-delà du retour du Sanio dans le Sine, le regain pluviométrique a également été l’élément déclencheur pour
Les sociétés rurales face aux changements environnementaux en Afrique de l’Ouest
• Sachant que le climat seul n’a pas été suffisant mais qu’il y a eu des évolutions organisationnelles et de marché
• Le développement spectaculaire du maïs au centre autour de Nioro
• La même chose pour le riz pluvial en Casamance et même au sud de Nioro
Conclusions et perspectives
• Le retour du mil Sanio, comme l’essor de la pastèque et les développements du maïs et du riz pluvial, témoigne de la formidable capacité des paysans à s’adapter rapidement aux évolutions de leur environnement – souvent avant que la recherche ne s’en rende compte – et à rechercher en permanence ce qui pourrait améliorer leur existence
• Cependant, pour ces mêmes raisons, l’avenir du Sanio apparaît incertain puisqu’il est très risqué face aux aléas climatiques et ne présente a priori que peu d’intérêt économique
• Sa présence diminuerait probablement si d’autres opportunités plus rentables se présentaient et/ou si la pluviométrie baissait
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Le retour du mil Sanio dans le Sine : une adaptation raisonnée à
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Les sociétés rurales face aux changements environnementaux en Afrique de l’Ouest, Conférence ESCAPE, 29-30 janvier 2015, Université Pierre et Marie Curie, Paris
Bertrand Muller ([email protected]), Patrice Kouakou, Valérie Delaunay, Arame Soumare, Jérémy Bourgoin et Richard Lalou