Le père Ubu à l'hôpital

8/4/2019 Le pre Ubu l'hpital

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LE PltREUBUA L'H'OPITAL


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AMBROISE

LE PE~.;mB.mA L?HOPITA .L

CROQUIS PAR P. BONNARD~

LE PERE' UBU

PARISEDITIONS GEORGES CRES ET c-,

116, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, PARIS7, RAMISTRASSE, ZURICH1918


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DU MEME AUTEURLIBRAIRIE CRES ET de, PARIS

Le Pere Ubu a l'Aviation, plaquette.

EN PREPARATIONUne Visite a la Mere Ubu.Le Pere Ubu au Front.Le Pere Ubu aux Colonies (avec Preface de LaurentTailhade).

TOlls droitsde reproduction, de traduction et d'adaptationreserves pour tous pays.


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L E P E R E U B U APETITE TRAGEDIE

'PE'J?SO:f\{:f\(_GES 'PA 'J?L.A:f\{T S :LE PERE UBU.UN CHIRURGIEN MILITAIRE A CINQ GALONS.UN HOPLITE DE DERNrERE CLASSE, BLESSE A LA JAMBE.

'PE'l(SO:f\{',l\(AGES :MUETS:UN PROFESSEUR DE CLINIQUE OPERATOIRE A LA FACULTE DESPARTE, PRESENTEMENT HOPLITE DE DEUXIEME CLASSE.

UN MEDECIN MILITAIRE A DEUX GALONS:INFIRMIERS, TISANES, DAMES DU CADUCEE ROUGE, ETC.

La scene se passe dans un hopital militaireLacedernonien, au v= siecle avant Jesus-Christ. - Costumes d' apres le Leonidaset aut res tableaux de David.

Le PERE UBU, monte sur des patins a roulettes.fait unerapide inspection des salles. 11arrive devant un HOPLITEBLESSE qui, malgre les nombreux huit jours avecle motifque lui distribue coup sur coup Ie CHlRURGIEN MILITAIREA CINQ GALONS, n'en continue pas mains a se debattre entredeux infirmiiti's q u i reussissent enfin a le ligoter.LE 'BLESSE, tournant vers le pere Ubu un visageangoisse.Sauvez majambe, pere Ubu, on veut me couper rna

jambe!5


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LE PE'R,E U'BU, au Chirurgten Ii cinq gaIOJ1s,Pourquoi voulez-vous couper la jambe a ce malade ?LE CHI'R..U'!(GIE~ A CI~Q GALO~S,Parce que je suis chirurgien a cinq galons,et qu'il faut

bien que je coupe des membres ! J'en ai deja coupe plusde deux mille, depuis le commencement de la guerre.LE PE,!(E U'BU.Et avant la guerre?

LE CHI'1?U'!(GIE~ A CI'J'(Q GALO'J'(S.Oh! avant la guerre, j'etais medecin homeopathe.Mais comme je suivais toutes les periodes d'instruction

en tenue de campagne pendant que ces bons-a-rien dechirurgiens civils restaient tranquillement a faire leursoperations dans des salles..b ien chauffees, lorsque laguerre a eclate j'avais deja attrape mes cinq galons ...Tenez, celui qui passe la-bas, avec un pot de chambre ala main, c'est un professeur de chirurgie 11la Faculte deSparte ! Eh bien, comrne, dans le civil, il est seulementhoplite de deuxierne classe, il n'a, dans le militaire, quela competence de faire faire caca aux malades et de net-toyer mes bottes. L'autre jour, je l'ai surpris en train depercer un abces a un camarade: je lui ai fait porter huitjours avec le motif, pour exercice illegal de la chirurgie.LE PE'l\E U'BU, toujours desireux de s'instruire.-Et l'abces a ere gueri ?

LE CHI'R_U'!(GIE'J{_A CI'J'(_QGALO~S.Je ne sais pas, mais j'en doute fort: un abces opere

par un hoplite de deuxieme classe! Figurez-vous, pereUbu, moi ..meme qui vous parle, lorsque j'etais dans lecivil, je croyais, comme tout le monde, a Ia valeur en


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medecine de la science, de I'experience, er cererat.Maisa present j'ai reconnu que tout eela etait.des-affaires-detemps de paix. En temps de guerre, lascience .et l'ex-;perience, tout cela est remplace par lesgalonL Vous neme voyez tout de merne pas, avec mes cinq'galons, passerla main, en cas d'operation, a un hoplite de deuxierneclasse, sous pretexte que, dans le civil, il etait professeurde chirurgie, tandis que, moi, je n'etais qu'un simplemedecin.homeopathe !LE 'PE'f(E U'BU.C'est pour le coup que le ministre Godaropolis vous

fendrait l'oreille! '.LE CHI'f(U'f(GIE']\(_ A CI']\(_QGAL 0 'JI{S.Ah! les galons, ceux qui les blaguent n'ont pas idee detout ce que


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Lb' PE'R_E U'Bu.Mais, gros bete, puisque ce chirurgien affirme qu'ilfaut la couper I

LE'13LESSE.Qui, sans doute, mais il ya ici un autre major qui,lui, guerit les jambes sans les couper l

LE PE'R_E U'BU, au Chirurgien a cinq galons.Entendez-vous ce qu'il dit, cet hoplite ?

LE CHI'l(U'R_GIE'j\(_.ACI'j\(_Q GAL 0 vcs.Ma foi, ily a du vrai dans ce qu'il vient de dire. Qui

positivernent, nous avons ici un certain docteur KarreIos,qui, s'etant un jour faufile dans rna salle de chirurgie,s'est permis de guerir quelques-uns de mes plus grandsblesses, et sans rien leur couper. Mais dites, pere Ubu,s'il ne coupe pas, cen'est pas un chirurgien, et, s'il n'estpas un chirurgien, qu'est-ce qu'il a, tout le temps.a r6derdans une salle de chirurgie ?LE 'BLESSE.Je veux etre gueri par le docteur Karrelos I

LE PERE UBU,conciliant,au Chirurgien a cinq galons.Ne pourrait-on pas, pour une fois, satisfaire ce capricede malade ?

LE CHI'R_U'R_GIE'j\(_A CI'j\(_QGALO'j\(_S.Mais cela serait contraire a tous les reglernents ... Et,

d'abord, ce Karrelos est.un clerical de la pire espece I11va,tousles iours, bruler des cierges aux Temples des Dieux ILE PE'R_E U'BU.ya,c'etait un vrai' dangtpublic avant la guerre;

mais, depuis la mobilisation, moi-meme, tout en restant


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Venerable de rna Loge, je vais avec la merebruler des cierges dans les Temples, - surtoutj'entends gronder le canon!LE 'BLESSE, deja tout ravi de voir que Ieperetenir tete au Chirurgien a cinq galons,Quelle veine! je vais pouvoir garder rna jambe!

LE CHI,!(U'1?.GIE'j\( A CI'j\(Q GALO'j\(S,Joudroyantson malade d'un regard.Vousferez quinze jours avec le motif! (Se tournantvers le pere Ubu.) Passe encore pour les histoiresdecierges, mais cequ'il y a de bien autrement grave, c'est

que ce medecin Karrelos n'a que deux gaIons!LE PE'R._E U'BU.Le medecin Karrelos n'a que deux galons! Oh I en

effet, voila qui est grave I (S'adressant au blesse.) Alors,mon garcon, vous vous foutez comme ca de Ia disci-pline ? Et vous voudriez garder une jambe qui resteraitun ternoignage permanent d'une telle meconnaissancede la hierarchic, cette mere des armees P (Se tournantvers les infirmiers.) Vite, qu'on aille querir Ie couteau acouper les jambes ILE CHI,!(U'I1.G1E'j\( A CI'j\(Q GALO'j\(S.Je le porte toujours sur moi, en cas. (It tire de sa poche

une lame en forme de scie, Le pere Ubu recule, effraye.)LE 'BLESSE, d'une voix mourante.Au secours!LE CHI'R.U'l{GIE'j\(A CI'j\(Q GALO'j\(S.Un mois de prison I

LE PE,!(E U'BU.Avec le motif I

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(Le blesse, toujours se debattant, est porte sur la tabled'operation, ou, Iigrand effort, le Chirurgien Iicinq galonsparvient Iilui en lever une jambe. - Le pere Ubu, un peltrassure quand il a vu leChirurgien remettre son couteaudans sa poche, s'approche de la table d' operation; et prenddelicatement le membre ampute.)LE PE'l(E U'BU, s'adressant au Chirurgien,Vous avez beau dire qu'il n'y a que lesg~lons qui

comptent, en temps de guerre: pour cequjest de porterun diagnostic, Ia science n'en reste pas moins une choseadmirable. Voila un membre qui, pour un profane commemoi, a l'air parfaitement sain, tan dis que vous autres,enfants d'Esculape, vous avez ~te capables d'y deviner,des avant l'operation, la presence d'un ver rongeur I...

('Jout en parlant, le pere Ubu a mis la jam be sous le nezdu Chirurgien.)LE CHI'l(U'l(GIE'JI{ A Cl'J1{Q GALO'Jl{S, aussitotqu'il apercoit la jambe coupee.Allons, bon 1 voila que je me suis encore trompe de

jambe 1C'est toujours comme


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LE 'PE'R.E U'BU.He! qui vous parle de .lelaisser mourir] G'est Ie guer:ir

qu'il faut I Ne m'avez-vous pas dit vous-meme qUe cemedecin a deux galons guerit toutes les [ambes sansjamais en couper? Le devoir sacre du chirurgien, qui estde couper, vous l'avez accompli plus que Iargernent vis-a-vis du blesse, mon cher Cinq Galons; vous pouvezmain tenant laisser guerir la jambe malade par le docteurKarrelos. (Puis devant un geste de protestation du Chi-rurgien a cinq galons.) Mais oui, et sans que vous ayeza concevoir l'ombre d'un scrupule , car (saisissant etsecouant le moignon ensanglante) avec une jambe enmoins, ce sacre bougre de farceur de N. de D. d'estropiatne pourra tout de merne pas dire qu'il s'est paye la teted'un chirurgien a cinq galons!.

'R._l'DEAU.

82237. - Imprimerie Laauaa, rue Ele.Fleurus, 9. it Paris.

Le père Ubu à l'hôpital

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