HAL Id: tel-03066312 https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-03066312 Submitted on 15 Dec 2020 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Le partage de la fonction ressources humaines : une étude par les théories de l’alignement stratégique et de l’AMO youssef Souak To cite this version: youssef Souak. Le partage de la fonction ressources humaines : une étude par les théories de l’alignement stratégique et de l’AMO. Gestion et management. Université de Bordeaux, 2020. Français. NNT : 2020BORD0109. tel-03066312
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Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...
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HAL Id: tel-03066312https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-03066312
Submitted on 15 Dec 2020
HAL is a multi-disciplinary open accessarchive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come fromteaching and research institutions in France orabroad, or from public or private research centers.
L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, estdestinée au dépôt et à la diffusion de documentsscientifiques de niveau recherche, publiés ou non,émanant des établissements d’enseignement et derecherche français ou étrangers, des laboratoirespublics ou privés.
Le partage de la fonction ressources humaines : uneétude par les théories de l’alignement stratégique et de
l’AMOyoussef Souak
To cite this version:youssef Souak. Le partage de la fonction ressources humaines : une étude par les théories del’alignement stratégique et de l’AMO. Gestion et management. Université de Bordeaux, 2020.Français. �NNT : 2020BORD0109�. �tel-03066312�
ÉCOLE DOCTORALE ENTREPRISE, ÉCONOMIE, SOCIÉTÉ (ED 42)
SPÉCIALITÉ SCIENCES DE GESTION
Par Youssef SOUAK
LE PARTAGE DE LA FONCTION RESSOURCES HUMAINES :
UNE ÉTUDE PAR LES THÉORIES DE L’ALIGNEMENT
STRATÉGIQUE ET DE L’AMO
Sous la direction de M. Olivier HERRBACH, Professeur à l’Université de Bordeaux
Soutenue le : 17 septembre 2020
Membres du jury :
M. Julien CUSIN Professeur des Universités, Université de Bordeaux - Président
Mme Anne LOUBES Professeure des Universités, Université de Montpellier- Rapporteur M. Marc VALAX Professeur des Universités, Université de Lyon - Rapporteur
M. Olivier HERRBACH Professeur des Universités, Université de Bordeaux – Directeur de recherche
Titre : Le partage de la fonction ressources humaines : une étude par les théories de l’alignement
stratégique et de l’AMO
Résumé : La gestion des ressources humaines a connu des changements importants au cours des trois
dernières décennies. Cantonnée jusqu’à lors à des activités administratives, elle évolue progressivement
en mettant au centre de ses priorités le développement et la gestion des individus alors considérés comme
une ressource pour l’organisation. Ce nouvel agenda aboutit à la mutation du périmètre de la fonction
ressources humaines (FRH) avec, notamment, l’intégration des managers comme acteurs à part entière.
En se mobilisant sur les aspects opérationnels de la fonction, ils permettent aux spécialistes RH de se
focaliser sur des activités stratégiques. Pour aborder ces enjeux, l’organisation s’appuie sur l’usage des
systèmes d’information (SI). Leur développement a justifié l’apparition de nouvelles formes de travail
telles que le partage de la FRH. Cette orientation stratégique implique la mise en place de profondes
mutations qui se soldent parfois par des échecs que certains attribuent à la cohérence des choix
organisationnels. Basée sur l’étude d’un cas, cette recherche mobilise l’alignement stratégique comme
cadre explicatif du PFRH. Les résultats montrent que la cohérence des choix organisationnels joue un
double effet sur la position des managers en contexte de PFRH. D’une part, elle influence leurs capacités
matérielles et immatérielles d’agir par un effet direct le niveau de compétences et l’accès aux tâches.
D’autre part, les résultats montrent que la cohérence des choix organisationnels agit par un effet
d’amplification sur la motivation des managers. Nos réflexions aboutissent à la formulation d’un modèle
conceptuel et à la proposition d’un outil de pilotage des projets organisationnels basé sur l’alignement
stratégique.
Mots clés : Partage de fonction – Usages des SI – Ressources Humaines – AMO – Alignement stratégique
Title : The human resources function sharing : a study through strategic alignment and AMO theories.
Abstract : The end of the twenty-first century has been filled by great changes in the human resources
function (HRF). This new agenda, lead to the integration of operational managers as new main actors.
Focusing on the operational side of the function, they permit HR specialists to focus on more strategic
roles. Sharing the HRF has needed the thinking of new infrastructure and particularly required human
the use of human resources information systems. These tools have introduced new capacities of
information manipulation, treatment and sharing. Their diffusion in management both has been
reinforced and has justified the new need for collaboration between departments. But the HRF sharing
is a strategic orientation which may result in failure. This acknowledgement questions companies about
how they coordinate their choices and how they fit them with their strategic goals. Based on a case
study, this research explores the way organizational infrastructure is deployed and the consequences of
that on the managers’ position. The aim of this work is to understand how the consistency of
organizational choices can explain the success of the HRF sharing. Results show that the consistency
may generate two effects. On the one hand, it influences their material and immaterial capacities to
implement their HR roles by a direct effect on their skills and on their access to HR tasks. In another
hand, results show that the alignment of organizational choices acts indirectly on the managers’ position
by an impact on their motivation. Our work results in formulation of a conceptual framework including
our research inputs.
Keywords : Function sharing – Human resources – IS use – AMO – Strategic alignment
Unité de recherche
Institut de Recherche en Gestion des Organisation (IRGO)
35 avenue Abadie - 33072 Bordeaux Cedex
Dédicaces
À mon père
À mes deux petits amours Aya et Maryam
À mon épouse pour son soutien indéfectible
À mes tantes, mes amis et ma famille qui m’ont soutenu dans ce voyage
À ma grand-mère dont les espoirs nourrissent encore nombre de mes efforts
Remerciements
À l’issue de ce travail, je tiens à exprimer mes remerciements et ma gratitude à l’ensemble des acteurs qui
sont intervenus d’une manière ou d’une autre dans mon parcours. Alors que la thèse se veut être un exercice
solitaire, il faut reconnaitre que dans les faits, nombreux sont les acteurs qui apportent de précieuses
contributions à sa réalisation.
Mes remerciements vont tout d’abord à mon directeur de recherche, le Professeur Olivier HERRBACH pour
son suivi, son expertise et son accompagnement dans l’accès à un terrain d’étude riche en informations. Je
tiens également à remercier mesdames Dhiba LHAJJI et Laïla BENRAÏSS-NOAILLES pour leur
disponibilité, leurs précieux conseils et leur accompagnement durant ce parcours. Le soutien et la
bienveillance dont j’ai pu bénéficier de la part de mon équipe de recherche ont participé à faciliter mon
expérience doctorale et ont considérablement renforcé mon appétence pour l’enseignement et la recherche.
Je souhaite également adresser mes remerciements aux Professeurs Anne LOUBES et Marc VALAX qui ont
accepté d’être rapporteurs de cette thèse et qui ont, de ce fait, manifesté un intérêt particulier au présent
travail. Je remercie également le Professeur Julien CUSIN qui a accepté de participer au jury de cette thèse.
Je tiens également à remercier le département de l’IUT Techniques de Commercialisation de Bordeaux qui
a soutenu le déroulement de mes activités de recherche en me proposant un contrat d’ATER. Mes pensées
vont particulièrement à Monsieur Bernard ANDRUCCIOLI pour son accueil, sa bienveillance et sa passion
de l’enseignement. Je souhaite aussi évoquer le rôle de Christine GEORGET qui a participé à nourrir ma
réflexion à de multiples occasions et qui a toujours manifesté un grand intérêt pour ce travail. Je remercie
également toutes les personnes de l’entreprise ABC, qui ont accepté de m’accorder leur temps et qui m’ont
permis de collecter des informations riches et utiles à mon travail.
Je souhaiterais également souligner la contribution incontournable de ceux qui ont su appuyer mon travail
par leurs conseils ou leurs relectures. Je tiens particulièrement à remercier Mariyam LAKHAL, Razika
DAUT, Khalil AÏT-SAÏD, Laure BERTHELET, Anne LUCAS, Elodie CHABROUX, Fédérica
ANTONAGLIA, Linda GONZALES-LAFAYSSE, Lionel CHAMBRIER et Abdé RCHOUK.
Cette aventure a également été l’occasion de créer ou renforcer de précieux liens d’amitié au sein du
laboratoire de recherche. Mes pensées vont à mes camarades Chafik, Salma, Warda, Karen, Claudia,
Médéssè, Hayat et Alvaro pour leur présence lors de ce cheminement.
Enfin, j’adresse mes derniers mots à ma famille pour tous ces sacrifices consentis. Je remercie mon épouse
Leyla pour son soutien moral et ses encouragements. Je remercie mes petites filles qui, malgré elles, ont été
une source intarissable d’espoir. Enfin, je remercie mon père, mes tantes, mes proches pour leur aide et leur
soutien.
i
SOMMAIRE
LISTE DES ABRÉVIATIONS, DES SIGLES ET DES ACRONYMES ................................................................ II
LISTE DES TABLEAUX ...................................................................................................................................... III
LISTE DES FIGURES ............................................................................................................................................ V
LISTE DES ANNEXES ........................................................................................................................................ VII
LISTE DES ABRÉVIATIONS, DES SIGLES ET DES ACRONYMES
BPR : Business process reengineering
DRH : Direction des ressources humaines
DG : Direction générale
DR : Direction régionale
DT : Direction territoriale
EP : Entretien professionnel
EPA : Entretien professionnel annuel
ERP : Enterprise resource planning
FRH : Fonction ressources humaines
GRH : Gestion des ressources humaines
HR : Human resources
RH : Ressources humaines
PFRH Partage de la fonction ressources humaines
SI : Systèmes d’information
SIRH : Système d’information ressources humaines
TI : Technologie de l’information
TIC : Technologies de l’information et de la communication
iii
LISTE DES TABLEAUX
Tableau 0-1 : Plan schématique de la thèse.......................................................................................................... 17
Tableau 1-1 : Synthèse des approches de la fonction ressources humaines ........................................................ 21
Tableau 1-2 : Usages du SIRH et effets sur les processus organisationnels .......................................................... 49
Tableau 3-1 :Justification de l’étude de cas ........................................................................................................ 128
Tableau 3-2 : Composition des domaines stratégiques ...................................................................................... 146
Tableau 3-3 : Grille d’analyse du fit stratégique ................................................................................................. 147
Tableau 3-4 : Design de la recherche .................................................................................................................. 152
Tableau 3-5 : Processus de formation ................................................................................................................. 172
Tableau 4-1 : Agrégation des résultats d’alignement entre les compétences et savoirs et les objectifs
du PFRH ............................................................................................................................................................... 187
Tableau 4-2 : Effets du désalignement entre niveau de formalisation et objectifs stratégiques sur l’AMO ...... 191
Tableau 4-3 : Effets du désalignement entre les conditions matérielles et la participation aux activités RH
sur l’AMO ............................................................................................................................................................ 195
Tableau 4-4 : Effets du désalignement entre valorisation du PFRH et objectifs stratégiques du PFRH sur
Tableau 4-5 : Synthèse des résultats de l’alignement des infrastructures organisationnelles ........................... 199
Tableau 4-6 : Agrégation des résultats d’alignement entre les infrastructures organisationnelles et les
objectifs du PFRH ................................................................................................................................................ 200
Tableau 4-7 : Effet du désalignement entre le niveau de préparation du contexte RH et des objectifs
stratégiques sur l’AMO ....................................................................................................................................... 205
Tableau 4-8 : Effets du désalignement entre les rôles des spécialistes RH et les objectifs stratégiques
sur l’AMO ............................................................................................................................................................ 210
Tableau 4-9 : Effets du désalignement entre la centralisation des procédures et les objectifs stratégiques sur
Tableau 4-10 : Agrégation des résultats d’alignement entre les processus de travail et les objectifs
du PFRH ............................................................................................................................................................... 215
Tableau 4-11 : Synthèse des effets des dysfonctionnements sur la facilité d’usage et l’utilité perçues ............ 225
Tableau 4-12 : Effets du désalignement entre les infrastructures organisationnelles et les processus SI ......... 229
Tableau 4-13 : Objectifs du partage de la FRH .................................................................................................... 231
Tableau 4-14 : Effets du désalignement entre les infrastructures organisationnelles et celles des systèmes
Tableau 4-15 : Effets du désalignement entre les infrastructures et processus organisationnels et les
compétences SI ................................................................................................................................................... 242
Tableau 4-16 : Synthèse des alignements entre les composantes du domaine stratégique et du domaine
des infrastructures organisationnelles ................................................................................................................ 245
iv
Tableau 4-17 : Synthèse des alignements entre les infrastructures organisationnelles et les infrastructures
du système d’information ................................................................................................................................... 247
Tableau 4-18 : Synthèse des éléments de succès de partage de la FRH ............................................................. 253
Tableau 4-19 : Disparité de perceptions du partage de la fonction ressources humaines entre managers
stratégiques et managers de proximité .............................................................................................................. 257
Figure 1-5 : Évaluation du succès de partage de la FRH par le GAP ...................................................................... 64
Figure 2-1 : L’effet indirect des pratiques de GRH sur la performance productive .............................................. 69
Figure 2-2 : Synthèse des déterminants des capacités de partage de la FRH ....................................................... 75
Figure 2-3 : Synthèse des déterminants de la motivation de partage de la FRH .................................................. 78
Figure 2-4 : Effet de la distribution de l’influence sur le lien intégration-performance ....................................... 86
Figure 2-5 : Synthèse des déterminants de l’opportunité de partage de la FRH .................................................. 87
Figure 2-6 : Les domaines stratégiques de l’organisation ..................................................................................... 94
Figure 2-7 : Composition des domaines stratégiques externes ............................................................................ 96
Figure 2-8 : Composition des domaines stratégiques internes ............................................................................. 98
Figure 2-9 : Modèle de l’alignement stratégique d’Henderson et Venkatraman (1993) ...................................... 99
Figure 2-10 : Les perspectives d’alignement stratégique ................................................................................... 101
Figure 2-11 : Représentation des objectifs stratégiques du partage de la FRH .................................................. 113
Figure 2-12 : Composition des infrastructures et processus organisationnels ................................................... 114
Figure 2-13 : Proposition d’étude de l’alignement des domaines du partage de la FRH .................................... 115
Figure 2-14 : Impact des choix organisationnels sur l’implémentation des pratiques RH .................................. 116
Figure 2-15 : Impact de l’alignement des choix organisationnels sur le PFRH .................................................... 116
Figure 3-1 : Processus de codage et de production d’une grille d’analyse mixte ............................................... 143
Figure 3-2 : Domaines et alignements explorés dans le cadre de la recherche .................................................. 146
Figure 3-3 : Organisation du département ressources humaines d'ABC ............................................................ 154
Figure 3-4 : Chaine de communication entre les acteurs du projet SIRH ........................................................... 161
Figure 3-5 : Acteurs du déploiement opérationnel de l’outil .............................................................................. 162
Figure 3-6 : Composition du système d'information ressources humaines ........................................................ 165
Figure 3-7 : Représentation des modules du progiciel intégré au sein d’ABC .................................................... 166
Figure 4-1 : Étude du fit stratégique ................................................................................................................... 182
Figure 4-2 : Étude de l’alignement vertical entre compétences et savoirs et objectifs stratégiques
du PFRH ............................................................................................................................................................... 183
Figure 4-3 : Étude de l’alignement vertical entre infrastructures organisationnelles et objectifs
stratégiques du PFRH .......................................................................................................................................... 188
Figure 4-4 : Étude de l’alignement vertical entre processus de travail et objectifs stratégiques du PFRH ......... 201
vi
Figure 4-5 : Étude de l’intégration stratégique ................................................................................................... 216
Figure 4-6 : Étude de l’alignement horizontal entre les infrastructures et processus organisationnel et les
infrastructures des SI .......................................................................................................................................... 216
Figure 4-7 : Étude de l’alignement entre les infrastructures et processus organisationnels et les
processus des SI .................................................................................................................................................. 230
Figure 4-8 : Étude de l’alignement entre les infrastructures et processus organisationnels et les
compétences SI ................................................................................................................................................... 237
Figure 4-9 : Modèle de la recherche .................................................................................................................. 271
Figure 4-10 : Outil de diagnostic et de rétroaction de l’alignement stratégique organisationnel ...................... 277
vii
LISTE DES ANNEXES
Annexe 1 : Guide d’entretien fonctions support ................................................................................................ 299
Annexe 3 : Liaisons fonctionnelles du système d’information global ................................................................. 306
Annexe 4 : Extrait du plan stratégique abordant le processus de déconcentration ........................................... 307
Introduction Générale
1
INTRODUCTION GÉNÉRALE S’il y a des choses que l’on partage volontiers, il est des acquis que l’on souhaiterait bien garder.
À ce sujet, un des illustres ministres de la République française a tenté la démonstration d’une
assertion éprouvée par l’expérience d’une vie : « le pouvoir ne se partage pas »1.
Actualité et intérêt du sujet
La gestion du personnel, pièce maîtresse de la coordination du travail dans l’organisation,
semble avoir toujours fait partie intégrante du management d’équipe. Elle a toutefois pris des
formes et une importance différentes selon les contextes géographiques et temporels.
Tyson (1987) propose de s’intéresser aux bouleversements économiques, sociaux et politiques
qui ont atteint les entités productives et de pointer leurs conséquences sur les rapports de travail
et sur la fonction ressources humaines (FRH).
Le 18e siècle a tout d’abord été marqué par une industrialisation croissante des économies, qui
s’est accompagnée du développement des entreprises et du recours à une main d’œuvre peu
qualifiée. À partir du début du 20e siècle, l’obsolescence du capital technique, induite par un
manque d’investissement dans les capacités productives, a entrainé une perte d’efficacité dans
la plupart des industries occidentales. Cela s’est traduit par l’augmentation drastique du
chômage et par la modification de la structure du travail entre emplois qualifiés et non qualifiés.
Sur le plan productif, l’intensification de la rivalité concurrentielle souligne l’importance de la
relation établie avec le client. Le positionnement par rapport à la valeur de l’argent évolue, et
ce, même dans le secteur public qui cherche à rééquilibrer ses comptes par l’amélioration de
son efficacité productive. Cette nouvelle manière de voir l’entreprise a participé au
renforcement d’une logique financière de gestion. Cette dernière serait alors caractérisée par
une insécurité professionnelle croissante, des prises de risques disproportionnés et une
flexibilisation accrue de la masse salariale (Tyson, 1987).
En matière de gestion des ressources humaines (GRH), les différentes problématiques
économiques rencontrées par les organisations dans la fin des années 1970 ont justifié une
intensification de la formulation stratégique et un regain d’intérêt pour les politiques du
1Dans un ouvrage paru aux éditions Fayrard en 2009, Edouard Balladur décrit la période délicate où il était Premier ministre de François Mitterrand. Dans ce récit, il montre l’opposition tenace, mais passive, des deux hommes politiques. Celle-ci a marqué leur relation durant tout le mandat présidentiel. Ce rapport de force a poussé E.Balladur à poser cette assertion forte : le pouvoir ne se partage pas.
Introduction Générale
2
personnel. Selon Tyson (1987), les changements dans le paysage économique et industriel se
sont accompagnés d’un basculement des modèles de GRH mis en place. On passe d’une logique
de gestion des forces de travail à une logique de développement du capital humain justifiant la
redéfinition des objectifs et des moyens d’action de la GRH. Cette dernière occupe une place
de plus en plus importante dans les fonctions de gestion de l’organisation.
Ces évolutions ont finalement contribué à actionner deux mécanismes institutionnels
simultanés : l’intégration stratégique de la GRH et le partage de la fonction ressources humaines
(Chambrier, 2000 ; Loubes, 1998).
L’intégration stratégique désigne le processus d’association d’un ou plusieurs membres de la
DRH dans les décisions organisationnelles. Il s’agit d’une dynamique de déplacement de la
GRH à un niveau plus stratégique qui est justifié par des principes de rationalisation
économique. La masse salariale et les objectifs de productivité étant devenus de véritables
enjeux de performance, l’intégration de la GRH au sein des activités stratégiques s’est imposée
comme une priorité de l’agenda organisationnel. D’un autre côté, même si les responsables des
ressources humaines souhaitent orienter un peu plus leur fonction vers une finalité de conseil
stratégique, la tâche s’avère difficile, car ils conservent une certaine dépendance fonctionnelle
rendant cette mission illusoire. La position des spécialistes RH a toujours été identifiée comme
ambigüe, ces derniers étant prostrés entre la nécessité de servir loyalement les objectifs
organisationnels et celle de répondre aux attentes managériales (Tyson, 1987).
Le partage de la fonction ressources humaines (PFRH) favorise l’intégration de nouveaux
acteurs, qu’ils soient à l’extérieur de l’organisation ou en son sein. Ce dernier cas,
particulièrement intéressant dans le cadre de ce travail, a trait au redéploiement du champ en
interne et implique les managers dans la GRH de l’organisation. Cette extension de la fonction
concourt initialement à une meilleure connaissance de la gestion locale des effectifs et à une
plus grande anticipation des tendances économiques et sociales. Mais ses finalités basculent
rapidement vers la nécessité de rationaliser les moyens de production (Loubes, 1998).
Le repositionnement progressif de la DRH et l’intégration de nouveaux acteurs au sein de sa
fonction ont permis aux managers de proximité de prendre de plus en plus de responsabilités
dans la GRH. Que ce soit sur le plan académique ou empirique, l’intérêt porté au phénomène
de PFRH se développe à partir des années 2000. Pourtant, Schuler proposait déjà en 1990 de
voir la GRH autrement. Il incitait à la considérer comme une activité de coordination et de
Introduction Générale
3
canalisation des attributions des managers par le travail conjoint de ces derniers avec les
spécialistes RH. La collaboration entre les deux parties permettrait, effectivement, de faire
émerger des effets de complémentarité bénéfiques pour l’organisation.
Mais partager la FRH constitue également un enjeu du point de vue managérial. Dans les années
1980, plusieurs rapports voient le jour dans le cadre du mouvement de la décentralisation et
encouragent l’enrichissement des tâches du manager qui devient responsable de son unité et de
ses RH. Ces nouvelles attributions permettraient alors au manager de proximité de renforcer
ses leviers d’action et de devenir l’acteur le plus pertinent pour relever ces nouveaux défis
organisationnels.
Valéau (2013) définit la FRH comme « l’ensemble des activités destinées à fournir à
l’organisation les ressources humaines nécessaires à son développement » (p. 78). Cette
définition propose une approche globale axée sur l’atteinte de l’objectif de développement de
l’organisation. La FRH est alors un outil permettant d’assurer le lien entre l’entité et sa force
de travail. Dans la littérature, la diversité des définitions proposées pour caractériser le PFRH
montre que cette pratique traduit une réalité plurielle. Certaines recherches étudient une forme
de partage fonctionnel à travers la notion de « décentralisation » (Azémar de Fabrègues, 1992
; Chambrier, 2000 ; Loubes, 1998). Celle-ci renvoie au processus par lequel les centres de
commandements sont délocalisés à des agents ou entités situés à une échelle plus locale. Le
phénomène est alors empreint à une tension issue de la volonté de rendre plus rapide la prise de
décisions d’une part, et d’autre part, la crainte des décisionnaires de subir une fuite de pouvoirs.
Hall et Torrington (1998) évoquent une certaine confusion entre le PFRH et la décentralisation.
Ils tiennent alors à souligner que cette dernière recouvre un processus de transfert d’une
fonction centralisée vers des experts situés à des niveaux plus bas dans l’organisation. Le PFRH,
est quant à lui, évoqué comme un processus qui aboutit à l’implication de nouveaux acteurs,
potentiellement novices, et qui sont rattachés à une autre fonction principale. L’importance de
la distinction entre les deux notions est justifiée par les implications et réalités qui en découlent.
Comme ces objets sont proches et sont souvent utilisés de manière interchangeable (Chambrier,
2000), il conviendra dans le corps des développements d’en éclaircir les contours et d’en lever
l’ambiguïté définitionnelle.
Les définitions concernant le PFRH sont rares et les travaux prenant cette pratique comme objet
y font davantage référence de manière implicite. Dans une des recherches incontournables sur
Introduction Générale
4
le sujet, Heraty et Morley (1995) définissent le PFRH comme « le degré avec lequel les
pratiques de développement RH impliquent et donnent des responsabilités aux managers de
proximité davantage qu’aux spécialistes » (p. 31). Cette définition propose d’appréhender le
phénomène comme le lieu d’exercice d’un rapport de force. Pour qu’il y ait partage, il faudrait
que la GRH relève davantage de la responsabilité des managers que de celle des spécialistes.
Une définition moins restrictive vise à appréhender le PFRH comme « l’allocation, a des
parties de l’organisation plus localisées, de tâches précédemment à la charge de spécialistes
du personnel » (Hoogendoorn et Brewster, 1992, p. 4). Il s’agirait donc de transférer un certain
nombre de tâches RH aux managers. Dans cette approche, la nécessité de renversement du
rapport de force s’efface. Les définitions proposées du partage en font à la fois une orientation
stratégique et en dictent les implications opérationnelles. Mais il apparait qu’une partie d’entre
elles occulte largement le transfert de pouvoir et réduit le partage à un transfert de tâches à
réaliser. Or, dans le sens commun, « partager » possède à la fois une acception liée à l’inclusion
(partager avec d’autres), et un sens faisant intervenir la répartition et la division d’un ensemble
en sous-ensembles plus petits (céder à d’autres)2. Négliger cette deuxième approche revient à
occulter une réalité non des moindres : la dépossession. Appliquée à l’étude du PFRH, cette
dernière approche a trait à un phénomène d’ampleur. Il s’agit de la perception, par certains
acteurs, de l’amputation de leurs pouvoirs par l’inclusion d’un plus grand nombre (Loubes,
1998) et pourrait aboutir au développement de rapports interindividuels conflictuels
(Chambrier, 2000). C’est pourquoi Loubes (1998) axe son approche du partage sur la délégation
du pouvoir de décision et en fait le levier de mobilisation des managers : « le partage de la
GRH repose essentiellement sur le partage des décisions visant à impliquer les responsables
opérationnels » (p. 67).
Cette approche souligne l’importance particulière de la dimension décisionnelle dans le
phénomène. Elle en fait non seulement partie, mais elle permet surtout d’impliquer les
managers dans le champ de la GRH. La prise en compte de ces deux dimensions (le transfert
de responsabilités et le pouvoir de décision) est d’ailleurs identifiée comme une condition sine
qua non à l’acceptation par les managers de leurs nouvelles responsabilités et à la mise en place
effective des activités RH (Hall et Torrington, 1998).
2 Éléments issus de la recherche « Partager » dans le Petit Larousse illustré 2019 (Edition 2019). Larousse.
Introduction Générale
5
Problématique
Depuis les années 1990, une littérature importante a émergé pour expliquer la genèse du PFRH
avec les managers (e.g. Brewster, Larsen et Trompenaars, 1992 ; Colling et Ferner, 1992 ;
Hoogendoorn et Brewster, 1992, 1992). Ces recherches visent à montrer les fondements de
cette nouvelle orientation stratégique de la GRH, proposent des études descriptives
comparatives entre les pays et les secteurs d’activités et tentent de mettre en lumière les facteurs
qui en facilitent ou en freinent la mise en place.
Il en résulte que la GRH implique un plus grand nombre d’acteurs et voit le périmètre de sa
fonction s’élargir et se transformer. Les professionnels RH officiant au sein de l’organisation
et dont le cœur de métier consiste à fournir une expertise en la matière ont longtemps été
considérés comme les uniques protagonistes de la FRH. Mais ils n’officient plus seuls et doivent
accepter et intégrer la mutation de leur fonction. Ils seront désignés dans cette recherche comme
les « spécialistes RH » ou les « experts RH ». Le détachement de ces derniers de certaines
opérations pour les affecter au niveau de la gestion opérationnelle souligne le rôle central des
managers de proximité dans ce nouveau chainage de la GRH. Il participerait, effectivement, à
la transformation des politiques RH en « théories en action » (Thornhill et Saunders, 1998, pp.
462-463). Dans ce cadre, les résistances que pourraient manifester les responsables d’équipe à
l’encontre de l’organisation pourraient aboutir à diluer, si ce n’est à anéantir, les tentatives de
traduction des politiques définies en pratiques réelles. Par sa dimension stratégique et
l’ensemble des implications opérationnelles qu’il peut générer, le PFRH est identifié comme
une caractéristique clé du management stratégique des RH (Tabassum Azmi, 2010).
En tout état de cause, le PFRH s’est imposé comme une orientation ancrée dans les mutations
économiques, mais surtout technologiques du contexte organisationnel. Il va sans dire qu’il
induit une plus grande transversalité dans le travail, nécessitant la mise en place d’outils
permettant la collaboration au sein et entre les équipes. Depuis les années 1990, le PFRH a été
facilité, si ce n’est propulsé, par le développement massif des technologies de l’information et
de la communication (TIC). En retour, ces nouvelles réorganisations du travail, basées sur la
collaboration et l’échange, ont également justifié la conception de systèmes d’information
puissants. Des dispositifs sont alors créés pour faciliter le transfert d’informations au sein de
l’organisation. Dans le champ de la GRH, ces nouvelles interactions sont étudiées à travers la
notion de « e-HRM » pour « electronic human resources management » (Grant et Newell,
2013). Ces vastes réseaux de communication et d’information numériques intègrent dans leur
Introduction Générale
6
champ le système d’information ressources humaines (SIRH) qui est défini comme un
« système utilisé pour acquérir, stocker, manipuler, analyser, retraiter et distribuer de
l’information pertinente au sujet des ressources humaines d’une organisation »3 (Tannenbaum,
1990, p. 260).
Participant à la modernisation et à l’optimisation de la GRH, les SIRH sont aussi élaborés dans
une finalité collaborative. Partant de ce constat, Grant et Newell (2013) les définissent comme
des objets permettant « de mettre en place l’automatisation et la délégation de nombreuses
routines administratives traditionnellement assurées par les départements RH » (p. 187). Dans
ce cadre, l’intégration du SIRH dans la gestion du personnel est devenue un moyen de
modernisation et d’optimisation de la GRH. L’usage de ces systèmes par les managers peut
même faire partie des buts de PFRH. Cette approche du SIRH laisse émerger un double objectif
particulièrement intéressant dans le cadre de la présente recherche. D’une part, elle pose les
finalités du système qui sont articulées autour des processus facilitant la manipulation de
l’information. D’autre part, elle met en évidence le véritable rôle d’outil au service du projet de
partage fonctionnel.
Ces constatations ont naturellement mené les chercheurs du champ à s’intéresser aux facteurs
favorisant la réussite des projets liés aux SI. Longtemps focalisée sur les dimensions techniques
de ces outils, la recherche dans ce champ a progressivement évolué depuis le début des années
2000, pour intégrer les dimensions sociale et organisationnelle dans son spectre d’analyse. Ces
préoccupations ont notamment été abordées à travers l’étude de l’usage des SI. Pour DeSanctis
et Poole (1994), par exemple, la mise en place d’un SI consiste à définir les caractéristiques
fonctionnelles ou techniques, mais aussi son « esprit ». L’usage est appréhendé comme la
manière dont une technologie est utilisée. L’introduction de cette notion d’usage des SI permet
d’intégrer des dimensions sociales et humaines absentes jusqu’à lors dans les travaux. Mais ce
basculement s’inscrit dans un changement paradigmatique plus profond. Les recherches se
détachent d’une perspective purement technique pour épouser un courant sociotechnique
propulsé par les travaux d’Orlikowski (1992). Les SI y sont considérés comme des dispositifs
sociotechniques servant de supports à la réalisation des tâches et des processus dans les
organisations. Ils font évoluer et évoluent eux-mêmes avec la sphère sociale. On ne se demande
3 Traduction Personnelle : « In its most basic form HRIS is a system used to acquire, store, manipulate, analyze, retrieve and distribute pertinent information about an organization’s human resources. It is often regarded as a service provided to an organization in the form of information ».
Introduction Générale
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alors plus « comment fonctionnent-ils ? », mais « comment sont-ils utilisés ? ». Ce changement
épistémique se base sur le postulat que les usages des SI sont fondamentalement influencés par
le contexte technologique et social de l’entité.
Ces interactions entre les dimensions techniques et sociales du développement de projets SI ont
largement été discutées dans les travaux épistémiques relatifs aux systèmes d’information. Sur
le plan organisationnel, les questions se cristallisent sur la propension de ces technologies et de
ses applications à structurer l’espace de travail et les relations entre les individus et à créer des
rigidités non prévues. Implémentées dans un contexte de changement stratégique, ces nouvelles
technologies peuvent alors contribuer à renforcer les difficultés d’appropriation des enjeux
directement liés à la production.
D’un point de vue stratégique, les échecs de projets SI sont nombreux alors que les
investissements sont importants. Orlikowski (1992) évoque un paradoxe de la productivité des
TIC pour souligner l’absence ou la faible corrélation positive entre les investissements et les
résultats de performance. Les retours sur investissement attendus en matière de qualité ou de
productivité du travail, de suppression des tâches fastidieuses et répétitives ou même d’accès
plus rapide à l’information sont parfois bien en deçà des espérances. Cela provoquerait alors
déceptions et interrogations des décideurs quant à la pertinence des choix technologiques
effectués.
Parallèlement à cela, certaines observations du PFRH intriguent les chercheurs. Alors que des
auteurs concluent à des effets positifs de l’association des responsables d’équipe, tels que le
renforcement des leviers managériaux (e.g. Currie et Procter, 2001 ; Heraty et Morley, 1995 ;
Ryu et Kim, 2013), une frange importante de la littérature met en évidence des problématiques
dans la mise en place effective d’une fonction partagée (e.g. Cascón-Pereira, Valverde et Ryan,
2006 ; Colling et Ferner, 1992 ; Harris, Doughty et Kirk, 2002). Les résultats mettent en cause
la pertinence des choix stratégiques et organisationnels sur la capacité des managers à assurer
sereinement les responsabilités proposées, ce qui aboutit à des situations de décalages entre les
objectifs initiaux et les configurations finales (Bos-Nehles, Van Riemsdijk et Kees Looise,
2013 ; Dietrich, 2009). Les mutations des rôles des managers proviennent alors de changements
imposés par de nouveaux modèles de management. Ces changements ne sont pas souhaités ni
même négociés avec les acteurs, ce qui participe à remettre en cause le partage effectif de la
FRH (Fenton-O’Creevy, 2001).
Introduction Générale
8
Ces problématiques de partage sont encore éminemment d’actualité. En juillet 2019, un rapport
de l’Observatoire de l’Engagement4 pointait le « paradoxe du manager de proximité ». Alors
que le manager semble constituer le maillon essentiel dans la poursuite des nouveaux enjeux
de la GRH, le manque de moyens et d’importance accordés à l’orientation du PFRH tend à en
freiner le développement. La gestion critiquable de la nouvelle posture des responsables
d’équipe par l’organisation laisse émerger des problématiques profondes de tensions de rôle et
altère leur engagement dans l’organisation. Les auteurs du rapport mettent en cause l’incapacité
des organisations à faire du rôle RH des managers une priorité. Il apparait alors que, dans les
faits, la prise en main de leur nouvelle fonction reste limitée, rendant ces nouvelles
organisations figées au stade de la théorie. Les conclusions de ce rapport sont donc un pied de
nez fait au travail de Peretti (2012) qui exhortait dans son bien connu ouvrage « Tous DRH »
l’inévitable et universelle conversion des managers aux métiers de la gestion des ressources
humaines.
Or, l’implémentation effective de cette orientation est considérée comme une condition
nécessaire à l’efficacité de la GRH (Grant et Newell, 2013). Les recherches se sont alors
focalisées sur les facteurs qui déterminent le succès du partage. Ce dernier est étudié dans la
littérature à travers la notion d’implémentation de la FRH par les managers. Trullen, Stirpe,
Bonach et Valverde (2016) le définissent ainsi : « l’implémentation efficace est le
chevauchement idéal entre les pratiques attendues et celles réellement mises en place.
Inversement, une implémentation inefficace a lieu lorsque les pratiques RH sont partiellement
mises en place, introduites d’une manière incohérente avec l’objectif initial, ou ne sont pas du
tout mises en place »5 (p. 451). Dans cette approche, le succès peut s’évaluer à travers l’écart
entre le projet initial de partage et la configuration réellement observée sur le terrain. Les
auteurs ayant traité ce sujet se sont alors questionnés sur les causes de tels décalages dont
certains entravent la réussite du projet. Dans les faits, les mutations dans la fonction managériale
se sont également accompagnées de tensions entre les logiques de GRH et de production. Hall
et Torrington (1998), par exemple, montrent que les spécialistes RH développent une attitude
dissonante. Malgré leur conviction de la contribution du partage du champ à la performance de
4 L’observatoire de l’engagement (2019), Managers de proximité et dynamiques d’engagement : discours et réalité des pratiques, Université Paris Dauphine, http://observatoire-engagement.org/wp-content/uploads/2019/07/Etude-Managers-de-proximit%C3%A9-2019.pdf 5 Traduction personnelle : « An HRP is effectively implemented when there is an ideal overlap between intended and actual practices. Conversely, ineffective implementation occurs when the HRPs are only partially implemented, introduced in ways that are inconsistent with their initial intent, or not implemented at all ».
Introduction Générale
9
leur fonction, ils développent des mécanismes de résistance lorsqu’il faut se détacher de
certaines activités opérationnelles. L’attrait pour ces responsabilités ou la peur de dilution de
l’approche RH seraient avancés pour justifier les craintes quant à cette nouvelle forme
d’organisation. Ces facteurs agissent sur la capacité de l’organisation à impliquer les managers
dans le PFRH tant et si bien que les situations résultantes relèvent davantage d’une relation
transactionnelle que d’une réelle délégation des responsabilités (Currie et Procter, 2001). Ainsi,
il apparait de nombreux décalages entre les objectifs stratégiques du PFRH et les choix faits par
l’organisation pour accompagner cette orientation. Ces écarts créent des situations où les
managers ne se sentent pas en mesure cognitive d’atteindre les objectifs, n’en ont pas les
moyens matériels et/ou ne sont pas dans des conditions les incitant à le faire. Par exemple,
certains d’entre eux reprochaient aux spécialistes RH de ne pas être eux-mêmes prêts pour les
changements que cette réorganisation implique (Davis et Luiz, 2005). Ces experts représentent
pourtant l’organisation et sont censés défendre les changements qu’elle porte. Le manque de
connaissance et la déconnexion vis-à-vis des réalités productives, ou encore la mise en place de
barrières à l’autonomie managériale sont évoqués pour illustrer l’incohérence entre les
ambitions posées par le projet de PFRH et les infrastructures en place pour les supporter
(Whittaker et Marchington, 2003). Ces résultats suggèrent alors que des choix organisationnels
peuvent être inadaptés aux finalités poursuivies. Or, le PFRH est un processus qui implique des
changements importants, tant pour les spécialistes RH que pour les managers. En tant
qu’orientation stratégique, il implique des modifications profondes dans l’identité de la FRH,
nécessite un accompagnement des acteurs (Hall et Torrington, 1998) et un déploiement de
moyens suffisants pour soutenir ces changements (Dietrich, 2009).
Des travaux s’intéressant à cette problématique suggèrent que le partage effectif de la FRH
pourrait être affecté par la capacité de l’organisation à assurer le développement des
compétences des managers, à intégrer des incitations motivantes et enfin, à mettre en place des
espaces suffisants pour le faire (Bos-Nehles et al., 2013 ; Gilbert, De Winne et Sels, 2015 ;
Trullen et al., 2016). De ces constats, se développe un cadre théorique visant à étudier le succès
de mise en place du PFRH. Dans le prolongement de la théorie des attentes de Vroom (1964),
puis du travail fondateur d’Appelbaum (2000), la communauté de l’AMO (Ability, Motivation,
Opportunity) met effectivement en évidence l’impact des choix organisationnels sur le
comportement des collaborateurs dans une situation d’action. Plus précisément, ces travaux
montrent que les décisions de l’organisation affectent le comportement individuel en impactant
Introduction Générale
10
les capacités (Ability), la motivation (Motivation) et les opportunités (Opportunity) qu’ont les
managers d’agir. Bien que cette approche théorique soit largement éprouvée dans le champ de
la gestion des organisations, ses applications en GRH et plus particulièrement à l’étude du
PFRH soulèvent encore de vifs questionnements (voir Bos-Nehles et al., 2013 ; Gilbert, De
Winne et Sels, 2015 ; Trullen et al., 2016).
Aussi, les réflexions en amont ont mis en évidence l’intérêt académique et pratique pour les
SIRH, et particulièrement en contexte de partage fonctionnel. Le recours croissant aux SIRH
dans les organisations soutient le développement du phénomène de PFRH sur les plans
stratégique et opérationnel. Cependant, de nombreux travaux montrent que la mise en place
d’un SIRH fait également émerger des questionnements liés à la technicité de l’outil, mais aussi
à ses influences organisationnelles plus générales. Lorsqu’elles sont insuffisamment maîtrisées,
les contraintes liées aux SI favorisent une déviation des usages (De Vaujany, 2006) et
potentiellement un échec de collaboration (Oueslati, 2011). De manière paradoxale, certains
travaux montrent que la mise en place de SI aboutit parfois au développement de conflits
verticaux et d’une centralisation accrue des processus organisationnels, alors même que leur
vocation était de décentraliser la structure et de favoriser la collaboration (Besson, 1999).
Comment expliquer alors, qu’au-delà de manquer l’objectif initial, une organisation soit
amenée à produire des résultats contraires à ceux qui étaient attendus ? Des travaux portant sur
la question mettent en évidence le rôle de la cohérence des choix organisationnels dans les
problématiques constatées.
En 1989 puis en 1993, Henderson et Venkatraman réalisent des travaux majeurs visant à établir
un lien entre la cohérence des choix de l’organisation et la performance de cette dernière. Ils
proposent le modèle de l’alignement stratégique pour expliquer l’efficacité des investissements
réalisés en matière de technologies de l’information. Le travail des deux auteurs est guidé par
une question insoluble : « Pourquoi les dépenses en technologies de l’information et de la
communication ne produisent-elles que de faibles résultats, alors même que les investissements
initiaux sont conséquents ? ». L’observation de plusieurs entreprises américaines les mène à
mettre en avant une problématique d’alignement stratégique. Les unités qui montrent le plus de
cohérence dans leurs choix seraient les plus productives. La performance pourrait alors
s’expliquer par un double mécanisme (figure 0-1) :
Introduction Générale
11
- Un alignement horizontal des choix stratégiques : entre la stratégie générique (business)
et celle des technologies de l’information (TI) d’une part, et d’autre part, entre les
infrastructures business et celles des TI ;
- Un alignement vertical des choix stratégiques : d’une part entre les choix de stratégie
générique avec les choix d’infrastructures génériques, et d’autre part, entre les choix de
stratégie des TI et leurs infrastructures respectives.
Figure 0-1 : Modèle d’alignement stratégique
Source : Modèle adapté d’Henderson et Venkatraman (1989)
Initialement cantonné à l’analyse du champ des nouvelles technologies, ce cadre théorique sera,
par la suite, utilisé dans des disciplines variées pour étudier les effets de la cohérence des choix
stratégiques. Le manque d’alignement, aussi désigné comme un « désalignement » est alors mis
en cause pour expliquer les échecs de projets organisationnels (Bergeron, Raymond et Rivard,
2004 ; Chan et al., 1997 ; Walsh, Renaud et Kalika, 2013).
Ainsi, de nombreuses recherches tentent de fournir une explication à la manière dont
l’alignement stratégique permet de rendre optimale l’atteinte des objectifs initialement fixés.
Certaines d’entre elles s’intéressent à la manière dont la cohérence entre les infrastructures
organisationnelles et celles propres aux SI permettrait d’accroître les résultats (Avison et al.,
2004 ; Bergeron et al., 2004 ; Chan et al., 1997). Or, le recensement des travaux faits en la
Introduction Générale
12
matière ne permet pas d’établir que le modèle d’alignement stratégique a été mobilisé dans le
champ de la GRH ni pour analyser le cas d’un projet SIRH.
En matière de PFRH, les travaux recensés montrent qu’il s’agit d’un corpus relativement récent
avec des contributions essentiellement descriptives. De nombreux travaux recourent à des
études comparatives pour analyser les disparités de partage en Europe (e.g. Brewster et Larsen,
2000 ; Harris, Doughty et Kirk, 2002 ; Larsen et Brewster, 2003) ou pour s’intéresser à
l’incidence de la nature des pratiques RH sur leur propension à être partagées (Bond et Wise,
2003 ; Harris et al., 2002). Des auteurs se sont intéressés à l’effet des choix organisationnels
sur l’attitude et le comportement des acteurs (Fenton-O’Creevy, 1998, 2001 ; Hall et
Torrington, 1998), mais aussi à l’étude du niveau optimal de partage des activités et du pouvoir
de décision (Dany, Guedri et Hatt, 2008). Cependant, il semblerait qu’aucune contribution
académique ne traite de la question du PFRH dans un contexte d’évolution du SIRH. De même,
notre revue de littérature montre que les travaux s’inscrivant dans le corpus de l’alignement
stratégique n’abordent pas la question de la cohérence des choix organisationnels entre les
objectifs du PFRH et la mise en place d’un SIRH.
Par ailleurs, de nombreuses recherches inscrites dans le courant théorique de l’AMO mettent
en évidence le lien entre choix organisationnels et succès de mise en place du PFRH. Ce cadre
théorique est largement mobilisé en matière de GRH, car il permet d’identifier l’impact des
choix organisationnels sur les capacités, la motivation et les opportunités des managers.
Cependant, aucune contribution n’explore la manière dont ces mécanismes opèrent lors de la
mise en place d’un SIRH, ce que nous proposons de faire dans le cadre de cette recherche.
Enfin, dans la littérature sur le PFRH, aucune recherche n’a encore tenté d’articuler les cadres
théoriques de l’alignement stratégique et de l’AMO pour expliquer la mise en place des activités
RH des managers. Or, nous avons montré dans les développements précédents que s’intéresser
à la cohérence des choix, davantage qu’au choix en eux-mêmes, pourrait fournir un matériau
analytique pertinent. Dans la présente recherche, notre principale contribution consiste à
proposer un modèle théorique articulant ces deux approches. L’intérêt de ce travail est d’étudier
la manière dont une organisation peut se trouver dans une situation de désalignement
stratégique et de voir comment ce déséquilibre pourrait impacter la disposition de cette dernière
à fournir aux managers les capacités, motivations et opportunités nécessaires à la mise en place
d’un PFRH.
Introduction Générale
13
Question de recherche
Il ressort des apports de la littérature que l’étude des choix organisationnels et de leur
alignement semble constituer un cadre d’analyse pertinent du partage de la FRH. La
problématique globale de ce travail est de comprendre l’incidence des choix
organisationnels, et notamment ceux impliquant les systèmes d’information, sur le succès
de partage de la FRH avec les managers.
La présente étude sera alors guidée par la question de recherche suivante :
- Comment le désalignement stratégique contribue-t-il au faible développement des
capacités, des motivations et des opportunités des managers de mettre en place le
partage de la fonction ressources humaines ?
Cette question principale de recherche peut se décliner en trois questions sous-jacentes :
- Quels facteurs organisationnels peuvent expliquer le développement de freins et de
moteurs de l’alignement stratégique ?
- Quelle est l’incidence des usages des SI dans le partage de la fonction ressources
humaines ?
- Comment l’alignement stratégique contribue-t-il au développement des usages des SI
attendus ?
Notre recherche vise alors un double objectif. Sur le plan théorique, elle propose deux
contributions. La première consiste à enrichir la littérature, encore sommaire, de l’alignement
stratégique dans le champ de la GRH. Elle permet ainsi d’étudier comment l’alignement
stratégique explique la performance, entendue ici comme le partage effectif de la FRH. La
seconde revient à combiner de manière inédite les deux approches conceptuelles que sont
l’alignement stratégique et l’AMO pour fournir un modèle unique englobant les deux grilles
d’analyse. Afin de clarifier cet élément, la contribution principale de la recherche est
schématisée dans la figure 0-2 suivante.
Introduction Générale
14
Figure 0-2 : Contribution principale de la recherche
Source : auteur de la thèse
Sur le plan pratique, nous cherchons à montrer la manière dont la fixation des choix
organisationnels peut aboutir à des situations de désalignement entre les objectifs stratégiques
de l’organisation et les processus mis en place. De plus, cette recherche tend à souligner
l’impact des désalignements stratégiques sur la capacité, le désir et la possibilité des managers
à partager la FRH avec les spécialistes. Enfin, elle vise à fournir une réflexion sur les dispositifs
Pour mener à bien cette démarche, la méthode par étude de cas a été retenue. Ce choix est
justifié par le caractère exploratoire conféré par la question de recherche. L’étude de cas est une
méthode d’investigation permettant l’explication d’un phénomène par la richesse
informationnelle et par le processus de contextualisation consécutif. Elle facilitera donc
l’obtention du matériau nécessaire pour aborder les questionnements proposés. L’objectif fixé
dans la présente thèse consiste à décrire et analyser les modalités et les facteurs de succès
d’implémentation d’une orientation stratégique. Il apparait alors que seule une démarche
qualitative pourrait servir ce projet.
Le choix d’un cas unique s’est avéré également pertinent du fait de la spécificité de la question
de recherche et de l’intérêt particulier du cas. Le groupe ABC est né, en 2009, de la fusion de
deux entités : une entité A spécialisée dans l’accompagnement à l’emploi et gérant des salariés
Introduction Générale
15
de droit privé ; une entité B officiant dans le traitement et l’attribution d’indemnisations à ses
bénéficiaires. Cette fusion est particulièrement intéressante par les nombreuses implications
qu’elle comporte. Des salariés de statuts, de métiers et de cultures différents et dont les
infrastructures et les orientations stratégiques imposées par la nouvelle organisation peuvent
être perçues comme sensiblement particulières. Ces spécificités qui ont imprégné le contexte
organisationnel ont constitué autant de contraintes qui se sont imposées à ABC dans la mise en
place de leur nouveau SIRH et de leur FRH partagée. Afin de mettre en évidence la nature des
choix organisationnels stratégiques et opérationnels et l’incidence de la cohérence entre ces
derniers sur la position des managers, les données ont été collectées selon trois procédés. Une
période d’immersion de 6 mois durant l’année 2015 a permis d’observer directement le contexte
réel du personnel en situation de travail. Elle a également facilité la mise en place d’entretiens
avec les managers et les spécialistes RH. Sur la base d’un guide d’entretien, les répondants se
sont exprimés sur des thèmes ouverts en lien avec la question de recherche. L’accès facilité à
un terrain riche en informations nous a permis de rencontrer 55 répondants composés de 43
managers et de 12 spécialistes RH. Les managers sollicités dans cette recherche ont été
sélectionnés sur la base du critère d’encadrement d’équipe. Cette population intègre donc des
managers de proximité, des managers intermédiaires (responsables d’agence) et des managers
supérieurs (directeurs de territoires). La diversité des répondants (géographique, fonctionnelle,
hiérarchique) a facilité l’obtention d’une information diverse et la mise en évidence de résultats
à la fois complémentaires et divergents. Cela constitue une richesse qui a permis de stimuler la
qualité de l’analyse. Enfin, la collecte d’une documentation riche auprès des membres de
l’organisation nous a permis la constitution de données secondaires en complément de
l’information obtenue par l’intermédiaire des entretiens et des observations. Afin de garantir
l’anonymat du cas, les annexes ne comportent que peu de documents relatifs à l’organisation
étudiée.
Notre protocole de recherche, incluant les phases d’élaboration théorique, de collecte et
d’analyse des données, a été établi dans le cadre d’une méthodologie abductive. Ainsi, la
recherche se fonde sur des phases itératives d’exploration de la littérature et d’analyse des
résultats empiriques. L’étude des données a été réalisée en recourant au logiciel de traitement
NVivo 12. Une analyse heuristique par unités de sens a permis, dans un premier temps,
d’identifier les thèmes issus d’un codage ouvert. Par la suite, une analyse thématique a permis
d’identifier les désalignements organisationnels et leurs impacts sur les différentes dimensions
Introduction Générale
16
de l’AMO. La combinaison des deux niveaux d’analyse a mis en exergue les facteurs expliquant
les désalignements observés et leur influence sur le PFRH via les différentes dimensions de
l’AMO.
Plusieurs implications découlent de ce travail. Sur le plan théorique, il aboutit à la production
d’un modèle conceptuel ancré dans les théories de l’alignement stratégique (Henderson et
Venkatraman, 1989a) et de l’AMO (Appelbaum et al., 2000 ; Bos-Nehles et al., 2013 ; Gilbert
et al., 2015). Ce cadre conceptuel assoit l’intérêt de l’étude de la cohérence des choix et de leurs
impacts sur les capacités, la motivation et les opportunités de mise en place d’une orientation
stratégique. De plus, en étudiant le PFRH à travers l’usage des SI, ce travail mobilise deux
littératures très peu abordées conjointement. Sur un plan managérial, cette recherche aborde la
question de la reconfiguration des processus organisationnels (reingineering) et souligne son
importance dans une perspective d’alignement des champs décisionnels. Cette activité constitue
effectivement une ressource supplémentaire dans la mise en cohérence des infrastructures, et
notamment dans un contexte de résistance des acteurs au changement. Enfin, cette recherche
propose un outil de pilotage global basé sur l’alignement stratégique et suggère d’intégrer la
cohérence des choix dans les tableaux de bord de suivi des projets organisationnels.
Afin d’aborder le sujet et les questionnements formulés, ce travail sera structuré selon le plan
suivant (voir tableau 0-1). Dans une première partie consacrée à l’état de l’art, nous proposons
d’étudier la littérature du PFRH et nous évoquerons, particulièrement, les travaux mobilisant
l’AMO dans l’étude du succès de mise en place (Chapitre 1). Par la suite, la notion de cohérence
des choix organisationnels sera abordée par le recensement des travaux mobilisant l’alignement
stratégique (Chapitre 2). La deuxième partie du présent document sera axée sur la dimension
empirique de notre travail de recherche. Elle sera l’occasion de présenter les fondements de
l’étude de cas et de présenter le groupe ABC (Chapitre 3). Enfin, ce travail débouchera sur une
discussion des résultats obtenus et la proposition d’un modèle de recherche (Chapitre 4).
Introduction Générale
17
Tableau 0-1 : Plan schématique de la thèse
Première partie : Revue de littérature
Fondements et apports théoriques dans le champ d’étude du partage de la FRH
Chapitre 1
Le partage de la FRH : une explication de
la mise en place par la théorie de l’AMO
Chapitre 2
Le partage de la FRH : effet de l’alignement
stratégique des choix organisationnels sur
l’AMO
Deuxième partie : Cadre méthodologique et épistémologique de la recherche
Présentation du cas et discussion des résultats de la recherche
Chapitre 3
Le cadre opératoire : l’étude de cas unique
en recherche qualitative
Chapitre 4
Mode opératoire de l’alignement stratégique
dans le partage de la FRH
18
Première partie
ÉTUDE DES DÉTERMINANTS DU PARTAGE DE LA
FONCTION RESSOURCES HUMAINES :
UNE EXPLICATION DU SUCCÈS PAR LA THÉORIE DE
L’ALIGNEMENT STRATÉGIQUE ET LA THÉORIE DES
CAPACITÉS, MOTIVATION ET OPPORTUNITÉS
Chapitre 1 - Section 1. Partage de la fonction ressources humaines : définitions, typologies et mesures
19
Le partage de la fonction ressources humaines : une explication
du succès par la théorie de l’AMO
Section 1 - Partage de la fonction ressources humaines : définitions,
typologies et mesures
Le partage de la FRH est un champ de la littérature de la GRH qui a émergé avec la mutation
des formes organisationnelles. L’industrialisation et l’impératif de rationalisation des
ressources ont abouti à considérer l’individu comme un actif source de valeur ajoutée. Ce
dernier est appréhendé comme une véritable ressource humaine à la fois dans le champ
académique et dans la sphère de l’organisation. Deux phénomènes se sont alors opérés de
manière simultanée (Chambrier, 2000) : d’une part, la récupération par la DRH de certaines
activités en lien avec le renforcement d’un rôle plus stratégique ; et d’autre part, la
décentralisation structurelle par la relocalisation des pouvoirs dans les établissements. Ce
dernier processus, particulièrement, s’est accompagné de la décentralisation des responsabilités
RH avec des personnes extérieures au service. Elle s’est traduite par l’implication croissante et
progressive des managers de proximité dans la GRH. La littérature aborde le PFRH comme une
orientation stratégique reposant sur un double objectif : la participation des managers dans les
activités RH et leur association dans les décisions RH. L’implication des managers dans le
périmètre de la FRH a suscité une modification substantielle de leurs rôles, mais également de
ceux des spécialistes RH dont le repositionnement a été identifié comme un facteur clé de
succès du projet.
Ce partage fonctionnel est particulièrement favorisé par la mise en place des SIRH dont l’usage
à des fins transformationnelles participe à modifier l’organisation du travail. Ce chapitre sera
donc l’occasion de mettre en évidence les déterminants du PFRH, d’aborder le rôle particulier
des SIRH dans le phénomène, et enfin de montrer comment le succès de partage de la FRH a
été abordé dans la littérature.
Chapitre 1 - Section 1. Partage de la fonction ressources humaines : définitions, typologies et mesures
20
Le partage de la fonction ressources humaines : deux approches
complémentaires
11. Le partage de la fonction ressources humaines : une orientation en lien
avec des traditions de gestion
La FRH peut être appréhendée comme « l’ensemble des activités destinées à fournir à
l’organisation des ressources humaines nécessaires à son développement » (Valéau, 2013,
p. 78) et est étudiée dans la littérature anglo-saxonne à travers les notions de « personnel
function » et « HR function » (Currie et Procter, 2001, p. 53). Legge (1999) identifie quatre
approches pour définir la FRH : une approche normative, une approche fonctionnelle
descriptive, une approche évaluative et une approche comportementaliste.
- La conception normative est axée sur ce que la fonction devrait être. Elle consiste à
définir les ressources et les moyens qui permettent à l’organisation d’atteindre ses buts
principaux ;
- L’approche fonctionnelle porte sur des dimensions de régulation des relations de travail.
Elle met en évidence le rôle prédominant des activités de contrôle et de négociation pour
pallier les conflits d’intérêts entre employeurs et employés ;
- L’approche évaluative critique pose le postulat de l’exploitation des employés par
l’employeur et envisage la FRH comme l’ensemble des activités qui permettent à
l’organisation de s’assurer que le personnel poursuit les objectifs ;
- L’approche « comportementale » est basée sur l’étude des comportements des
spécialistes et sur leurs effets sur l’attitude du personnel.
Ces différentes approches résumées dans le tableau 1-1 fondent des paradigmes tantôt distincts
tantôt entremêlés et influenceraient la manière dont les organisations appréhendent les rapports
en leur sein et par voie de conséquence, la manière dont les politiques et les pratiques RH
seraient définies. De même, ces approches donnent des acceptions différentes de la FRH et
impactent la manière dont elle sera étudiée dans les travaux académiques (Legge, 1999).
Chapitre 1 - Section 1. Partage de la fonction ressources humaines : définitions, typologies et mesures
21
Tableau 1-1 : Synthèse des approches de la fonction ressources humaines
Approches de la
fonction RH
Normative Fonctionnelle Évaluative
critique
Évaluative du
comportement
Principaux
processus
organisationnels
Définition des
ressources et
objectifs
Régulation des
relations
Contrôle des
objectifs
Maîtrise des
comportements
Source : synthèse des travaux de Legge (1999)
D’une manière plus globale, la FRH concerne un ensemble de processus permettant
« l’utilisation optimale de ressources humaines dans la poursuite des objectifs de
l’organisation » (Legge, 1995, p. 3). Ces approches mettent en évidence la centralité des
ressources comme canal de l’efficacité de la GRH et de l’organisation. La FRH a également été
étudiée comme un ensemble de pratiques permettant de répondre aux objectifs de l’activité
globale de la GRH dont les principales sont le recrutement, les relations interpersonnelles, la
gestion administrative et de la rémunération, la gestion de la rétribution et de la performance,
la formation et le développement et la gestion des talents (Davis et Luiz, 2015). Ces pratiques
peuvent être regroupées en cycles tels que la sélection, la performance, l’évaluation, la
rétribution et le développement (Storey, 1992).
Cette FRH a longtemps été développée et déployée par les spécialistes RH, acteurs évoluant
exclusivement au sein d’un service RH physiquement intégré à l’organisation. Mais tout comme
le contenu de ses pratiques, la manière dont la FRH opère au sein de l’entité productive a connu
des mutations et particulièrement par l’inclusion d’acteurs non spécialisés dans son périmètre.
L’évolution de l’environnement concurrentiel des organisations a mené ces dernières à
considérer leurs RH comme une variable d’ajustement financière à travers la gestion de la masse
salariale, mais aussi comme un actif dont le développement permettrait d’être plus efficace sur
la scène de marché. Dans ce contexte, les rôles des experts RH seraient amenés à évoluer
conformément à l’analyse de Storey (1992). L’extension de la FRH aux différents niveaux de
management de l’organisation, et plus particulièrement aux responsables d’équipe, apparait
alors comme une orientation stratégique incontournable. La FRH contribue alors à la
coordination et à la canalisation des activités des managers par le travail conjoint entre ces
derniers et les experts RH. La collaboration entre les deux parties permettrait de faire émerger
Chapitre 1 - Section 1. Partage de la fonction ressources humaines : définitions, typologies et mesures
22
des effets de complémentarité. Le PFRH constitue en ce point une priorité inscrite dans l’agenda
des organisations (Schuler, 1990).
Historiquement, la littérature sur le PFRH connait ses premières contributions dans le début des
années 1990 avec des analyses descriptives sur les spécificités géographiques en Europe et
Amérique du Nord (e.g. Brewster et Larsen, 2000 ; Hoogendoorn et Brewster, 1992 ; Larsen et
Brewster, 2003) et l’étude des modalités de partage sur la performance de l’organisation (e.g.
Cascón-Pereira et al., 2006 ; Cunningham et Hyman, 1995, 1999 ; Hall et Torrington, 1998 ;
Valverde et al., 2006). Par la suite, et surtout dans le début les années 2000, les travaux se sont
davantage focalisés sur l’impact des choix organisationnels en matière de partage sur la
performance et les variables attitudinales des managers et experts RH (e.g. Alves, 2009 ; Hunter
et Renwick, 2009 ; Perry et Kulik, 2008 ; Whittaker et Marchington, 2003). La diversité des
pratiques observées dans les différentes entités ne permet que difficilement aux chercheurs de
trouver un consensus sur ce que représente concrètement le PFRH. Les travaux font état d’un
clivage entre ceux qui la considèrent comme un processus nécessitant un transfert de
responsabilités et ceux qui se focalisent sur le transfert de pouvoirs de décision vers les
responsables d’équipe.
12. Une approche axée sur la participation aux activités de gestion des
ressources humaines
Dans la littérature anglo-saxonne, les travaux reprennent le concept de partage de la fonction
en s’intéressant à la manière dont les managers sont associés à différentes activités RH. Le
partage y est étudié sous les termes de « devolution », ou « devolvement » (Cascón-Pereira et
al., 2006 ; Cunningham et Hyman, 1999 ; Davis et Luiz, 2015 ; Hall et Torrington, 1998 ; Harris
et al., 2002 ; Heraty et Morley, 1995 ; Hoogendoorn et Brewster, 1992 ; Perry et Kulik, 2008 ;
Whittaker et Marchington, 2003) qui peuvent être traduits par « décentralisation » et
« délégation »6, de « distribution of HRM responsibilities » (Valverde et al., 2006), ou bien
encore « involvement in HRM » (Hunter et Renwick, 2009 ; Renwick, 2003). Dans la littérature
francophone, les rares travaux qui s’intéressent au phénomène l’étudient uniquement à travers
la notion de « partage de la FRH » (Alves, 2009 ; Dany et Hatt, 2009 ; Dietrich, 2009 ; Loubes,
1998).
6 Traductions issues de Collins dictionary, 2019.
Chapitre 1 - Section 1. Partage de la fonction ressources humaines : définitions, typologies et mesures
23
Cette approche basée sur le transfert de responsabilités ou de tâches vers les managers de
proximité a été proposée par Valverde et al. (2006) à travers la terminologie de « devolution »,
« spreading » ou encore « distribution » comme des équivalents au concept de fonction
partagée (shared function). Ils étudient à travers ces notions les modalités de partage des
responsabilités avec les managers. Dans cette lignée, Hoogendorn et Brewster (1992) la
définissent comme la « redistribution ou le transfert de tâches ou activités personnelles
traditionnellement assurées par les spécialistes aux managers intermédiaires»7 (p. 4). Ce point
de vue axé sur la redistribution des responsabilités a été adopté dans d’autres travaux (e.g.
Brewster et al., 1992 ; Hall et Torrington, 1998) et envisage le partage comme la redistribution
de tâches et activités. Elle suppose la mise en place d’une réflexion sur la répartition actuelle
des tâches RH et une redéfinition des rôles et des responsabilités dans une configuration prenant
en compte l’ensemble des acteurs.
Dans une autre perspective, Heraty et Morley (1995) envisagent le PFRH comme « le degré
avec lequel les pratiques de développement RH impliquent et donnent des responsabilités aux
managers de proximité davantage qu’aux spécialistes » (p. 31)8. Ici, les auteurs soulignent que
les traductions courantes du terme « devolution » renvoient aux processus de décentralisation
et de délégation. La proximité de ces deux notions et les potentielles confusions qu’elles
peuvent générer dans l’étude du PFRH ont amené Hoogendoorn et Brewster (1992) à préciser
que la décentralisation implique la réallocation de tâches d’une entité centrale à des entités
locales de l’organisation alors que le partage de fonction consiste en une réallocation des tâches
des experts vers des non-experts. Par conséquent, le terme « dévolution » peut être accepté et
traduit comme délégation et intégré comme une manifestation du partage. La définition de
Heraty et Morley (1995) comporte deux éléments qu’il convient de noter. Premièrement, elle
s’intéresse à la mesurabilité du PFRH en en proposant l’étude à travers la notion de « degré ».
Cette acception écarte alors une conception binaire du phénomène consistant à envisager que
la FRH peut être partagée ou ne pas l’être. Elle propose donc une approche restrictive,
potentiellement inadaptée à la réalité du phénomène. Ensuite, cette définition recourt au verbe
« impliquer » qui peut comporter en sciences de gestion des aspects cognitifs et émotionnels.
Dans leurs travaux, Heraty et Morley (1995) précisent toutefois qu’ils acceptent l’implication
7 Traduction personnelle : « The redistribution or transfer of personnel tasks or activities traditionally carried out by human resources specialists to middle managers ». 8 Traduction personnelle : « Devolvement refers to the degree to which HRD practice involves and gives responsibility to line managers rather than specialists ».
Chapitre 1 - Section 1. Partage de la fonction ressources humaines : définitions, typologies et mesures
24
uniquement comme la manière d’associer les managers par la communication et la consultation.
Ils ne s’intéressent donc pas aux différentes dimensions du concept (normative, affective ou
calculée) de l’attachement de l’individu à son organisation.
13. Une approche basée sur la participation au pouvoir de décision
Une partie des travaux portant sur le PFRH considère que cette pratique comporte une
dimension décisionnelle. Dans cette optique, une nouvelle clarification a été faite pour fixer les
frontières avec la décentralisation. Dans ses travaux, Chambrier (2000) étudie la
décentralisation comme un processus de transfert des responsabilités vers l’encadrement
opérationnel. Ce processus a lui-même deux dimensions :
- une décentralisation structurelle consistant au transfert des unités de décisions RH du
pouvoir central à des centres de décisions intégrés dans la DRH, mais situés en
périphérie. Elle permettrait de neutraliser les rigidités dans la prise de décisions ;
- une décentralisation managériale qui consiste à partager les responsabilités et les
décisions avec des acteurs externes à la DRH. Dans ce processus, les managers
recevraient une délégation de services fonctionnels ainsi que des pouvoirs de décision.
La perspective offerte par Chambrier (2000) dans cette dernière approche comporte l’intérêt
d’intégrer les activités et les pouvoirs décisionnels comme deux pendants de la décentralisation.
La proposition faite par l’auteur montre une nuance importante. Alors que la décentralisation
est axée sur le transfert de missions et de décisions d’une unité centrale vers une unité
périphérique, le partage de la fonction est un processus s’établissant entre les experts et les non-
experts. Hoogendoorn et Brewster (1992) précisent clairement ce point : « By decentralization
we mean the allocation out to more local parts of the organization of tasks formerly undertaken
centrally. By devolution we mean the allocation of tasks formerly undertaken by the personnel
specialists to line managers. These are separate, though related, forms of organizational
change » (p. 4). Cette précision met en évidence l’opposition entre la décentralisation axée sur
le transfert d’une unité à une autre et la délégation dont le partage se fait entre acteurs de
différentes fonctions.
Pour Loubes (1998), la délégation du pouvoir de décision est identifiée comme critère de
réussite de l’implication des managers dans la GRH. Sur cette base, elle identifie deux modèles
différenciés de GRH :
Chapitre 1 - Section 1. Partage de la fonction ressources humaines : définitions, typologies et mesures
25
- une configuration où les décisions sont prises par le DRH dans le cadre d’un comité de
direction avec une participation des managers ;
- une configuration où les décisions sont essentiellement prises par les managers de
proximité, c’est-à-dire seuls ou presque seuls.
Dans cette approche qui pourrait être qualifiée de binaire, le degré de participation des managers
dans les décisions n’est pas proposé comme un continuum. Dans le premier modèle, le niveau
de participation des managers est très faible, voire inexistant, alors que dans le second modèle
les managers agissent seuls. Il semble toutefois peu plausible que les organisations s’appuient
sur l’un ou l’autre des modèles de manière exclusive. D’ailleurs, Loubes (1998) affirme que ces
deux modèles sont étroitement imbriqués et solubles. Les structures pourraient emprunter aux
deux configurations laissant émerger des niveaux d’implication des managers plus ou moins
importants selon la nature des décisions. Toutefois, ses travaux mettent en évidence le rôle
central de l’association des managers à la prise de décisions dans leur satisfaction à l’égard du
PFRH. Plus les managers perçoivent une autonomie dans la prise de décisions et plus le partage
de la GRH serait effectif. Cette approche pose la dimension décisionnelle comme la pierre
angulaire de la mise en place effective du PFRH.
L’importance de l’association des managers dans la prise de décisions a également été soulignée
dans un travail de Dany et al. (2008) mené auprès de 3442 entreprises. L’étude porte sur la
capacité des acteurs à prendre des décisions à travers le concept d’« influence ». L’étude de la
distribution des influences montre alors comment l’association des managers dans les décisions
impacte le lien entre intégration stratégique de la GRH et la performance de l’organisation en
contexte de PFRH. L’analyse de quatre configurations distinctes met en évidence des impacts
significativement différents sur les liens causaux. Il apparait alors que l’intégration de l’avis
des managers dans les décisions prises par les experts RH permettrait de créer des conditions
plus favorables à l’efficacité de la GRH. L’implication des managers doit alors intervenir à
différentes étapes de la GRH, de la formulation stratégique au déploiement des pratiques. De
manière inattendue, les résultats de cette recherche montrent que l’attribution démesurée de
pouvoirs décisionnels aux managers serait contreproductive et que la recherche d’un équilibre
serait nécessaire pour permettre au potentiel de la GRH de se libérer.
En résumé, ces approches du PFRH laissent apparaitre deux dimensions fondamentales : la
participation des managers dans les activités RH et leur association dans la prise de décisions.
Alors que certaines approches tendent à négliger l’importance de l’association dans la prise de
Chapitre 1 - Section 1. Partage de la fonction ressources humaines : définitions, typologies et mesures
26
décisions, d’autres soulignent sa centralité dans l’efficacité de la GRH. La prise en compte de
ces deux dimensions est d’ailleurs identifiée comme une condition nécessaire à l’acceptation
par les managers de leurs nouvelles responsabilités et la mise en place effective des activités
RH (Hall et Torrington, 1998). Dans leur définition, Hoogendoorn et Brewster
(1992) conçoivent le PFRH comme « le processus de redistribution ou le transfert de tâches
ou activités personnelles traditionnellement assurées par les spécialistes aux managers de
proximité »9 (p. 4). Reprise dans de nombreux travaux s’intéressant au phénomène de PFRH,
cette définition semble revêtir un caractère prégnant pour décrire une partie du phénomène. Or,
une autre frange de la littérature souligne l’importance de l’association des managers dans la
prise de décisions. Pour ces raisons, une définition synthétique reprenant ces deux dimensions
est proposée dans le cadre de cette recherche. Le PFRH sera donc appréhendé comme : « Le
degré de redistribution, vers les managers opérationnels, d’influences, de tâches, et
d’activités de gestion des ressources humaines initialement à la charge des spécialistes RH ».
Cette définition met en perspective les deux dimensions du phénomène. Les influences sont
alors considérées comme la capacité réelle des managers d’interférer dans les processus de
décision des champs de GRH (Dany et al., 2008). Cette définition propose également une
possibilité de mesure du processus par la notion de « degré » et met en évidence l’importance
des acteurs dans le phénomène.
Les le rôle des acteurs de la gestion des ressources humaines
Les mutations du paysage économique se sont accompagnées de la nécessité pour les
organisations de développer des formes de travail basées sur la collaboration et la transversalité.
Ceci a encouragé de profonds changements dans la structure et les rôles, tant du côté des
spécialistes RH que de celui des managers. Il convient alors d’étudier les interactions entre la
mise en place du PFRH et les rôles de ces acteurs.
21. Le manager de proximité : définition et réalités
Dietrich (2009) précise que le terme de « manager » peut être considéré comme un artefact
représentant des réalités nombreuses et différentes. Il peut renvoyer à la fonction de gestion
d’une tâche ou d’un processus (e.g. le manager financier ou RH), à un statut hiérarchique
9 Traduction personnelle : « The redistribution or transfer of personnel tasks or activities traditionally carried out
by human resources specialists to middle managers ».
Chapitre 1 - Section 1. Partage de la fonction ressources humaines : définitions, typologies et mesures
27
identifié dans une classification particulière, ou à une fonction d’encadrement de personnes
dans l’organisation.
Dans un premier temps, il convient d’opérer une distinction entre la fonction de manager et le
statut de cadre. Alors que dans certaines organisations, le niveau hiérarchique de cadre est
associé à la fonction de manager, il n’y a pas de correspondance absolue entre les deux notions
et notamment dans le cas des organisations de droit public. Les agents de maîtrise ouvrière, par
exemple, disposent d’un niveau hiérarchique de cadre sans avoir de fonction d’encadrement
(Codo et Soparnot, 2012).
Un moyen proposé pour définir le « manager » consiste à se focaliser sur les objectifs
poursuivis. Il peut être défini comme « l’acteur qui a pour premier but d’atteindre les objectifs
de production, d’opération et de manufacture définis par l’organisation » (Heraty et Morley,
1995, pp. 32-33). Cette approche met au premier plan de la fonction la proximité avec les
opérations productives comme un trait fondamental. Dans une autre approche, le manager est
défini en fonction de sa place dans les échanges entre l’organisation et les collaborateurs.
Intégré dans une ligne hiérarchique, il est un relais de l’organisation chargé de diffuser les
directives, valeurs et investissements d’une autorité et de faire adhérer les collaborateurs sous
sa responsabilité pour atteindre les résultats recherchés (Dietrich, 2009). Cette proposition de
définition s’appuie essentiellement sur le caractère vertical et la dimension hiérarchique de
l’organisation. La réduction des niveaux hiérarchiques et le développement des formes
d’organisation en réseau participent à la mutation du métier de manager en faveur d’échanges
horizontaux et d’interactions croissantes avec les fonctions supports. Dans le cadre de ces
évolutions, il a été montré que la nature et la qualité des interactions fluctuent selon la position
hiérarchique du manager. Ainsi, des recherches soulignent que les managers de proximité,
intermédiaires ou stratégiques, ont des sensibilités différentes concernant le PFRH. Leur place
stratégique pourrait influencer leur niveau d’information et d’implication dans les orientations
de l’organisation et particulièrement celle du PFRH (Heraty et Morley, 1995 ; Renwick, 2003).
Currie et Procter (2001) précisent ces spécificités. Le manager de proximité ou opérationnel,
« front line manager » ou « supervisor », est caractérisé par sa proximité avec les
collaborateurs. Les managers intermédiaires, « middle managers » sont également considérés
comme des responsables de premier niveau avec une faible intégration stratégique. Ils ont la
responsabilité du management général dans l’organisation sans pour autant être spécialisés dans
un domaine particulier. Les managers stratégiques, « top manager », ont une connaissance et
Chapitre 1 - Section 1. Partage de la fonction ressources humaines : définitions, typologies et mesures
28
une intervention stratégiques supérieures et sont souvent représentés à des postes de direction
d’unités et de commandement. Même s’il subsiste des divergences concernant la définition des
différents niveaux, il apparait que le niveau stratégique intervient comme un élément impactant
les relations avec les autres fonctions de l’organisation.
Le manager est un acteur central dont l’appui est utilisé par les organisations pour conduire le
changement. Il apparait que ces derniers sont parfois objets et sujets du changement, ce qui rend
plus difficile l’appropriation des enjeux qu’ils portent (Tabassum Azmi, 2010). De plus, les
managers ont tendance à évoluer dans des environnements caractérisés par des ressources et
des compétences limitées. Cette situation se caractérise par l’augmentation de tâches à réaliser,
des contrôles permanents des résultats, des changements stratégiques fréquents, une gestion
dans l’urgence et une diminution du rapport d’autorité (Hales, 2005). Dans le cadre de ces
évolutions et de la transformation de leur fonction, la proposition du PFRH est apparue au
manager comme le moyen de récupérer du contrôle sur le métier et de renforcer la relation avec
leurs collaborateurs (Currie et Procter, 2001).
Dans sa recherche, Piney (2015) met en évidence l’impact des évolutions dans le paysage
économique et industriel sur les rôles et la fonction des managers. Ces dernières auraient placé
ces protagonistes au centre du processus de recherche de performance de l’organisation et des
questionnements des collaborateurs sur les réorganisations successives. Dans cet
environnement, il apparait que les managers proches de la base de commandement sont
davantage à même d’aligner leurs comportements avec les objectifs fixés. Cet alignement des
comportements est le résultat d’un processus d’adhésion qui peut découler d’un choix délibéré
ou de la conséquence d’un contrat implicite émergeant des interactions entre le responsable
d’équipe et sa direction. La position des managers interviendrait sur leur manière de percevoir
la réalité vécue dans l’organisation et particulièrement sur la nécessité de répondre à des attentes
contradictoires (Dietrich, 2009). Les contextes de confusion dans lesquels ils évoluent les
amènent à adapter leurs comportements en fonction de leurs interprétations et à établir des
compromis dans lesquels ils doivent se repositionner constamment. D’une part, la proximité du
manager avec son terrain renforce sa position en le dotant d’informations et de relations
professionnelles de meilleure qualité, et d’autre part, elle le met dans la situation critique de
maillon absorbant les tensions de la chaine de commandement. Par ailleurs, la volonté de
mobiliser les équipes peut causer la méfiance de la part de sa hiérarchie. Ces pressions qui
s’exercent sur la position managériale se sont renforcées avec l’inclusion de responsabilités RH
Chapitre 1 - Section 1. Partage de la fonction ressources humaines : définitions, typologies et mesures
29
dans leur activité et mèneraient les responsables d’équipe à avoir l’impression qu’ils sont « pris
en sandwich » (McConville et Holden, 1999).
Quoi qu’il en soit, il en ressort que les managers ne forment pas un corps homogène. Considérer
le contraire serait une imprécision tant les trajectoires professionnelles et les réalités
professionnelles vécues peuvent être différentes (Tabassum Azmi, 2010). Pourtant, un point de
vue proposé par Piney (2015) consiste à les considérer comme un tout, puisant leur homogénéité
dans la réalité organisationnelle vécue. Ils constituent, à ce titre, un groupe social composé
d’individus ayant pour fonction principale la production et l’encadrement et devant faire face à
des problématiques communes liées à leur intermédiation. Dans ces situations, ils sont
confrontés à la nécessité de réaliser des arbitrages entre leurs rôles techniques et managériaux.
Pour ces raisons, les managers expriment la sensation d’être pris « entre le marteau et
l’enclume » et peuvent être considérés comme un seul objet d’étude indépendamment de leur
niveau stratégique (p. 59).
Dans la littérature relative au PFRH, il apparait que les managers de proximité constituent le
principal objet de recherche. Leur fonction de supervision fait qu’ils sont particulièrement
concernés par la délégation de pratiques RH (Ryu et Kim, 2013). Par ailleurs, leur intégration
stratégique relativement faible constitue une caractéristique intéressante dans l’étude du
phénomène d’acceptation de cette nouvelle orientation (Perry et Kulik, 2008). Il ressort de ces
travaux que le manager est un acteur dont les mutations environnementales ont amené à
développer de nouveaux rôles. Son niveau stratégique pourrait expliquer sa propension à
comprendre et accepter les nouvelles orientations organisationnelles. Pour ces raisons, le
manager de proximité constituera le principal objet de notre étude.
22. Les rôles des spécialistes ressources humaines : des essais de classification
221. Une typologie de rôles basée sur les traditions managériales
Les finalités et le champ du département RH ont connu des changements importants qui ne sont
pas restés sans conséquence sur les rôles des experts. La FRH est passée d’un modèle basé sur
des opérations administratives à une véritable gestion des individus, considérés comme des
ressources à part entière de l’organisation (Tyson et Fell, 1986). Ces repositionnements ont
introduit de nouveaux rôles que Tyson et Fell (1986), Storey (1992) et Ulrich (1998) proposent
d’analyser à travers différentes typologies. Basée sur les rôles des RRH uniquement, la
détermination de ces classifications permet de comprendre et appréhender l’évolution du
Chapitre 1 - Section 1. Partage de la fonction ressources humaines : définitions, typologies et mesures
30
périmètre d’action des praticiens et donne des éléments de compréhension sur le partage
progressif de la FRH avec les managers.
La classification de Tyson et Fell (1986) propose une analyse axée sur les modèles de
management. Leur réflexion est inscrite dans un contexte de crise de la FRH au Royaume-Uni
et repose sur le postulat d’un ébrèchement de la confiance accordée par les salariés à la DRH.
Les auteurs identifient des mouvements dans les rôles et influences d’une FRH basée sur le
contrôle à une fonction visant le développement du personnel. Dans un premier temps, ils
identifient quatre traditions managériales dans lesquelles vont ensuite prendre racine les
modèles de management des responsables RH :
- une tradition sociale prenant source dans l’amélioration des relations industrielles et
visant à concilier les intérêts organisationnels avec ceux des individus (welfare
tradition) ;
- une tradition enracinée dans le processus de bureaucratisation du travail se basant
essentiellement sur les outils de contrôle permettant de maximiser la coopération des
- une tradition visant au maintien de relations harmonieuses par l’instauration et le
renforcement de processus de négociation (industrial relations tradition).
- une tradition basée sur la séparation des identités professionnelles et le maintien d’une
expertise des professionnels RH par leurs connaissances des sciences sociales, des
techniques de gestion et la réglementation du travail (professional tradition).
La manière dont les modèles managériaux des organisations s’ancrent dans ces traditions
pourrait influencer les rôles que les spécialistes vont endosser. Par ailleurs, les auteurs
identifient plusieurs rôles dont les particularités permettent aux experts RH d’atteindre les
objectifs de l’organisation de manière plus ou moins aisée selon la nature de ces derniers.
Les auteurs établissent une grille de classification des rôles des acteurs de la FRH. Ils identifient
trois rôles : « the clerk of works », « the contract manager », « the architect ».
- « The clerk of work » a un rôle centré sur une fonction administrative. Sa mission
principale relève de l’exécution de tâches bureaucratiques et ses activités de gestion se
limitent principalement au recrutement, à la gestion des registres et des relations
sociales. Ce modèle est ancré dans les traditions « welfare » et « employee
management » ;
Chapitre 1 - Section 1. Partage de la fonction ressources humaines : définitions, typologies et mesures
31
- « The contract manager » désigne le gestionnaire focalisé sur la négociation sociale ou
industrielle et agissant surtout sur le court terme. Il formalise les règles et les procédures
et joue le rôle d’intermédiaire entre l’organisation, les syndicats et les salariés. Ce
modèle est ancré dans les traditions « welfare », « employee management » et
« industrial relations ».
- « The architect » est un bâtisseur focalisé sur des fonctions politiques et stratégiques et
cherche à construire l’organisation dans son ensemble. Il agit à travers des politiques
explicites impactant le succès de l’organisation et des systèmes de contrôles intégrés.
Ce modèle est ancré dans l’ensemble des traditions managériales.
Les rôles développés par les experts de la DRH sont amenés à évoluer en fonction de
l’environnement et des objectifs à atteindre. Lors d’une réflexion sur la manière dont se sont
opérées ces transitions, Tyson (1987), particulièrement, introduit les variables individuelles
dans le phénomène d’adoption de nouveaux rôles. Il associe une part du processus du
changement aux attentes qu’ont les responsables RH concernant ce que doit être la FRH. Il
tente, par cet apport, de dépasser le cadre normatif et limitant que propose l’analyse des
pratiques de l’organisation. Dans cette approche, les différences entre les attentes individuelles
peuvent naitre des interprétations subjectives des quatre traditions historiques de la gestion du
personnel vues précédemment et de la manière dont elles doivent se développer dans
l’organisation. Les experts RH auraient tendance à adapter leur attitude et adopter les rôles en
fonction de ces interprétations.
Pour Tyson et Fell (1986), l’intérêt de l’analyse des rôles réside davantage sur son aspect
dynamique et particulièrement dans la manière dont les rôles évoluent pour s’adapter aux
contingences organisationnelles. Ils concluent de leurs observations que l’évolution des rôles
nécessite l’acquisition par les responsables RH d’une expertise basée sur les connaissances
théoriques inhérentes à la gestion des individus. Ce processus permettrait en effet aux experts
RH d’asseoir leur légitimité et de limiter les résistances face aux transitions de rôle.
Parallèlement à cela, cette quête de légitimité du département RH s’est traduite par la nécessité
de mettre en avant l’impact de ses actions dans la performance de l’organisation et précisément
en développant des pratiques d’évaluation du management et des politiques RH. Elle se
caractérise ainsi, par le développement de dimensions stratégiques et politiques dans leur
fonction. Ces résultats de Tyson et Fell (1986) mettent donc en évidence à la fois des facteurs
psychologiques et politiques dans le phénomène de changement de rôle des spécialistes RH.
Chapitre 1 - Section 1. Partage de la fonction ressources humaines : définitions, typologies et mesures
32
222. Une typologie basée sur le degré d’intervention opérationnelle et
stratégique
À partir de l’observation de quinze cas d’entreprises britanniques, Storey (1992) a mis en place
une matrice caractérisant les rôles RH à travers deux dimensions : le degré d’intervention
opérationnel et le niveau d’intervention stratégique des RRH. Cette matrice permet de
caractériser quatre types de rôles : « advisers », « handmaidens », « regulators » et
« changemakers » (voir figure 1-1).
Figure 1-1 : Matrice des rôles des responsables RH de Storey (1992)
Strategic
Interventionnary
Changemakers
Advisers
Non
interventionnary
Regulators
Handmaidens
Tactical
Source : Storey (1992, p. 168)
- Advisers : supports stratégiques agissant comme des consultants internes au degré
d’intervention opérationnelle faible ;
- Handmaidens : conseillers tactiques dévoués aux managers et agissant dans une logique
client-fournisseur avec ces derniers ;
- Regulators : interviennent davantage pour s’assurer que les règles sont respectées et
notamment pour garantir les relations avec les syndicats ;
- Changemakers : chargés de la mise en place du changement et visent à favoriser des
relations entre les employés de façon à les aligner avec les besoins de l’organisation.
Storey (1992) souligne la difficulté pour les spécialistes RH expérimentés de trouver un
positionnement équilibré. La complexité des relations interpersonnelles les a amenés à chercher
davantage l’acceptation par leur équipe de travail que la performance de l’organisation. Dans
le cadre des changements de l’espace économique, le transfert des compétences vers les
Chapitre 1 - Section 1. Partage de la fonction ressources humaines : définitions, typologies et mesures
33
managers a permis l’implication croissante de ces derniers dans le déploiement de la FRH.
Certains travaux mettent en évidence le lien entre les rôles endossés par les experts RH et la
facilité avec laquelle la FRH est partagée dans l’organisation. C’est le cas de Storey (1992),
Khilji et Wang (2006) qui constatent que la mise en place de cette nouvelle prérogative
organisationnelle a nécessité que les experts RH développent leur rôle de « changemakers ».
Plus précisément, il s’avère que les organisations dans lesquelles les experts ont endossé le rôle
d’agents du changement pour ensuite se positionner en tant que conseillers, sont celles où
finalement les managers sont les plus associés dans la GRH de leurs collaborateurs (Khilji et
Wang, 2006). L’échec du partage de la FRH pourrait donc provenir d’une transition de rôles
incontrôlée. Plus particulièrement, le développement d’experts « regulators » axés sur les
processus de contrôle des règles et des procédures, de surveillance accrue des managers
constituerait un frein à la mise en place d’une organisation basée sur la collaboration (Barnett,
Patrickson et Maddern, 1996 ; Conway et Monks, 2010).
223. Une typologie basée sur la distinction des dimensions stratégique et
individuelle
Tout comme Storey (1992), Ulrich (1998) met en évidence le repositionnement du département
RH induit par les changements industriels. Il montre que le recul de l’intervention des
spécialistes RH au niveau opérationnel a permis d’agir sur un champ plus stratégique. À
l’opposé des classifications établies par Storey (1992), Tyson et Fell (1986), l’analyse d’Ulrich
(1998) se veut plus dynamique, en considérant la coexistence de rôles divers. Les spécialistes
RH sont amenés à développer des tactiques leur permettant d’endosser les différents rôles et
facilitant l’adaptation à leur environnement. L’analyse des auteurs se fonde sur deux
dimensions : l’orientation long terme/court terme et l’orientation processus/individus. La
matrice résultante permet ainsi d’identifier quatre types de rôles (voir figure 1-2) :
- Administrative experts : experts focalisés sur le fonctionnement de la GRH et les
processus de travail ;
- Strategic partner : agents focalisés sur la mise en place des orientations stratégiques et
l’alignement de l’organisation au marché ;
- Change agent : agents focalisés sur les changements organisationnels et la gestion de la
culture d’entreprise ;
- Employee champion : agents focalisés sur l’engagement et la compétence des salariés.
Chapitre 1 - Section 1. Partage de la fonction ressources humaines : définitions, typologies et mesures
34
Figure 1-2 : Matrice des rôles de la fonction RH de Ulrich (1998)
Future / Strategic Focus
Processes
Strategic partner
Change agent
People
Administrative expert
Employee Champion
Day-to-day / Operational Focus
Source :Ulrich (1998, p. 24)
Ulrich (1998) soutient que les pressions de l’environnement sur l’organisation, et
particulièrement les évolutions industrielles, aboutissent au repositionnement du département
RH et amènent les spécialistes à adopter un rôle de partenaires stratégiques et d’agents du
changement alors qu’auparavant leurs rôles étaient essentiellement centrés sur l’exécution de
tâches administratives. Ces évolutions se sont accompagnées d’un recul de la mobilisation au
niveau opérationnel et d’un repositionnement en tant que support des managers et de
développement des compétences individuelles.
En résumé, ces différentes typologies mènent au constat que les évolutions environnementales
ont amené les entités productives à opérer une réorganisation de leur FRH. Le service du
personnel, initialement cantonné à la réalisation d’opérations administratives et juridiques, a
progressivement évolué pour se repositionner sur une dimension plus stratégique. Cette
transformation de la fonction s’est accompagnée d’un changement dans les rôles occupés par
les experts. Anciennement agents interventionnistes axés sur des missions de contrôle du droit
et de l’activité, ils se repositionnent progressivement sur des rôles d’accompagnateurs au
changement, architectes de nouvelles organisations de travail et focalisés sur le développement
des compétences. Ces travaux mettent également en évidence les transitions de rôles comme un
processus nécessaire au partage de la FRH. En effet, l’ampleur avec laquelle s’opèrent ces
changements semble impacter la capacité des acteurs à travailler ensemble et l’efficacité des
nouvelles formes de collaboration. Mais ce repositionnement de la FRH ne s’est pas réalisé de
manière intuitive. Schuler (1990) évoque le dilemme pour les praticiens RH partagés entre le
désir de conserver un rôle de spécialistes fonctionnels et la nécessité de s’établir en tant que
véritables appuis des managers. Cette dualité n’est pas sans conséquence sur les rapports
Chapitre 1 - Section 1. Partage de la fonction ressources humaines : définitions, typologies et mesures
35
qu’entretiennent les deux corps. Alors que le repositionnement en tant qu’appui du réseau a
impulsé un partage croissant de la fonction et un développement de nouvelles compétences, la
volonté de retenir les centres d’expertise les conduirait à agir de manière opportuniste et à
accroître la charge de travail des managers. Dans une seconde section, il convient de s’intéresser
plus spécifiquement aux déterminants mis en évidence dans la littérature.
Section 2 - Les déterminants du partage de la fonction ressources
humaines : effets de contingences et rôle des systèmes d’information
L’étude du PFRH s’est développée de manière sensible dans la littérature à la fin du vingtième
siècle. Même si certains analysent cet objet avant cette période, peu de réflexions stratégiques
et d’applications dans le cadre de la recherche de performance étaient mises en place jusqu’à
lors. Et pour cause, l’intégration massive des technologies de l’information et de la
communication dans les années 1990 a favorisé la remise en cause de l’organisation du travail
et finalement l’identification du partage de la FRH comme une source d’avantages productifs
(Grant et Newell, 2013). Les SIRH, particulièrement, sont des systèmes d’information
permettant le partage et la diffusion de l’information RH. Ils ont justifié autant qu’ils ont permis
le développement du partage fonctionnel. Cette section met en évidence les facteurs
déterminants dans la mise en place du PFRH à travers l’étude de la nature des pratiques pour
ensuite aborder le rôle du SIRH.
Le rôle des contingences du partage de la fonction ressources
humaines
Dans un premier temps, il convient de voir que la nature des pratiques est un élément à prendre
en compte dans l’étude du phénomène pour ensuite s’intéresser aux contingences liées à
l’expérience des acteurs et à la taille de l’organisation.
11. La nature des pratiques de la fonction ressources humaines
Le partage de la FRH n’est pas un processus qui se fait de manière homogène à travers les
champs de la GRH, mais dépend de la nature des pratiques. Pour Chambrier (2000), le
phénomène de partage est tributaire des enjeux perçus par la DRH. Les pratiques les plus
partagées avec les managers seraient celles considérées par l’organisation comme prioritaires
et celles comportant des enjeux forts (par exemple, l’organisation du travail, la communication
interne, l’organisation du travail et l’évaluation individuelle). L’enjeu des pratiques
Chapitre 1 - Section 2. Les déterminants du partage de la fonction ressources humaines
36
particulières peut également être appréhendé à travers la notion de risque lié au partage. Dans
une série d’entretiens menés auprès de 13 managers intermédiaires, Whittaker et Marchington
(2003) montrent que l’organisation s’oppose à partager certaines activités comportant des
risques légaux ou politiques. Il en va de même des activités liées à la gestion de relations de
travail, l’évaluation et la gestion des contrats. Ces choix seraient alors expliqués par la nature
particulièrement complexe de ces tâches et le fait qu’elles demanderaient un effort de formation
des managers considérable. Du point de vue de l’organisation, le choix des pratiques partagées
reposerait essentiellement sur le calcul d’un ratio entre les avantages apportés par la diffusion
des pratiques aux managers et les ressources à mobiliser pour la mettre en place. Ces critères
de discrimination des pratiques semblent susciter un consensus avec les managers puisque ces
derniers considèreraient ces tâches comme étant chronophages et peu valorisantes. Étant
particulièrement spécialisées, elles ne correspondent pas au projet tel que l’imaginent les
managers. Ces résultats mettent en exergue l’importance de la représentation des managers de
la FRH et plus précisément, le rôle central de la cohérence entre cette représentation et la réalité
des pratiques. Améliorer cette cohérence permettrait alors de favoriser l’acceptation par les
managers des pratiques partagées (Whittaker et Marchington, 2003).
Les disparités quant à la diffusion des pratiques sont également étudiées par Davis et Luiz
(2015) qui réalisent une segmentation entre des items transactionnels et des items
transformationnels. Les items transactionnels correspondent aux pratiques caractérisées par la
répétition et qui impliquent des formes standardisées des tâches quotidiennes (développement
des employés, gestion des talents, l’équité au travail). Les items transformationnels relèvent des
pratiques qui sont mises en place pour transformer l’organisation (pilotage des compétences,
allocation des ressources, organisation globale du travail). Alors que les décideurs ont tendance
à déléguer plus facilement les items transactionnels, il y a une résistance à déléguer les items
transformationnels qui sont identifiés comme étant plus structurels et plus stratégiques. Ces
choix s’expliqueraient par les risques supplémentaires induits par la délégation de ces pratiques
et par les potentielles conséquences organisationnelles induites.
Dans une autre perspective, Bond et Wise (2003) montrent que certaines pratiques sont
particulièrement critiques, car elles favorisent un contexte favorable à la collaboration. Sans
dresser de liste exhaustive de pratiques, ils proposent deux critères d’identification. Ils évoquent
les pratiques permettant de favoriser les interactions entre les managers de proximité et les
services de la DRH, et celles pour lesquelles les responsables RH disposent d’une expertise et
Chapitre 1 - Section 2. Les déterminants du partage de la fonction ressources humaines
37
d’une maîtrise. Ces deux types de pratiques sont sensibles, car elles permettraient d’actionner
les mécanismes de collaboration d’une part, et d’autre part, elles favoriseraient les expériences
positives du partage.
12. Les effets de taille et d’expérience
Dans les développements précédents, il a été mis en évidence que les managers font l’objet de
certaines spécificités particulièrement inhérentes à leur niveau d’intervention stratégique. Mais
il ressort également que le niveau d’expérience est un facteur qui influence le résultat du PFRH.
Whittaker et Marchington (2003) concluent que le niveau d’expérience a une influence sur la
perception d’auto-efficacité des managers et que cette dernière influence positivement
l’acceptation des pratiques RH par ces derniers. Dans leurs travaux, les « seniors managers »,
c’est-à-dire ceux ayant une expérience significative dans le management, expriment une
moindre appréhension concernant leurs rôles RH. Ils seraient alors plus à même de prendre en
main les nouvelles responsabilités RH. Les managers se situent dans une position où ils sont
sollicités de manière croissante dans les différents services de l’organisation. Accompagnée de
contraintes matérielles (baisse des moyens financiers, augmentation des effectifs à gérer,
accroissement du volume d’activité), cette pression tend à rendre la fonction de manager
difficile à assurer. C’est dans ce cadre que l’effet expérience exercerait un effet modérateur sur
la pression perçue dans le management et faciliterait l’articulation des fonctions de supervision
d’équipe et celle de GRH. La complexité perçue de la GRH et celle de la gestion d’équipe se
combineraient et se renforceraient. Dans ce cadre, les managers plus expérimentés
parviendraient à réduire considérablement la perte de contrôle perçue en neutralisant
l’incertitude liée à leur fonction traditionnelle et en se reposant sur la connaissance de leur
métier et de leur équipe.
La taille des organisations est une autre contingence qui a particulièrement été mise en évidence
pour expliquer le succès de PFRH. Tout d’abord, cette caractéristique aurait un impact sur la
propension des managers à accepter l’orientation comme faisant partie de leurs responsabilités
(Hunter et Renwick, 2009). Ils auraient davantage tendance à les accepter dans les petites
organisations, car le volume de l’activité et le degré d’élaboration des pratiques RH restent
relativement faibles. Cet effet de la taille de l’effectif employé sur le degré d’élaboration des
pratiques est précisé dans l’étude de Loubes et al. (1998). Les auteurs soulignent que même s’il
ne s’agit pas de l’unique facteur, le niveau d’effectif influence le degré d’élaboration des
politiques RH. Dans les PME, le dirigeant occupe une place centrale et joue le rôle d’expert
Chapitre 1 - Section 2. Les déterminants du partage de la fonction ressources humaines
38
fonctionnel en matière de GRH. Pour cette raison, ce type organisations présente des
caractéristiques propres (politiques, procédures et pratiques de GRH plus formalisées, des
ressources matérielles et humaines limitées, une expertise de GRH moindre) influençant le
PFRH. Lorsqu’elle est partagée en interne, la FRH est assurée par le dirigeant pour sa partie
stratégique alors que les activités RH opérationnelles sont de facto intégrées dans les
responsabilités du manager. La prise en compte de cet effet taille permet d’intégrer l’aspect
contingent de la mise en place du partage de la FRH.
Ces éléments mettent donc en évidence le rôle de certaines contingences organisationnelles tant
dans la conception stratégique du PFRH que dans sa mise en œuvre. Certains auteurs se sont
intéressés à la place qu’occupaient les progrès technologiques dans le développement des
organisations transversales. Plus précisément, certains travaux soulignent le rôle
particulièrement important des systèmes d’information dans le phénomène de partage de la
FRH. Le recours à ces outils est justifié par les possibilités de traitement plus efficace de
l’information et les possibilités de mutations de la structure du travail.
Systèmes d’information ressources humaines : le rôle de l’usage dans
le partage de la fonction ressources humaines
21. Définition du système d’information ressources humaines
211. Les caractéristiques fonctionnelles
L’intérêt académique pour les SI a émergé de manière concomitante avec leur développement
dans les organisations à la fin des années 1990. C’est dans ce contexte que Tannenbaum (1990)
introduit la dimension d’utilisation et propose une contribution qui fera autorité dans le champ
des SI. Il conçoit le SIRH comme un « système utilisé pour acquérir, stocker, analyser, extraire
et distribuer une information pertinente à propos des ressources humaines de l’organisation
(p. 261). Cette définition sera reprise par tout un courant de chercheurs, car elle pose les finalités
de ces outils. Pour l’organisation, l’intérêt premier de la mise en place de tels systèmes réside
surtout dans leur capacité à mettre en lien les processus en coordonnant les flux d’information
au service de la stratégie.
En matière de GRH plus particulièrement, les SIRH permettent la décentralisation de la
structure décisionnelle (Besson, 1999). Ils participeraient finalement à la transformation des
processus de travail. Pour Grant et Newell (2013), ces systèmes aident les organisations à
« recueillir, stocker, et analyser des informations relatives aux forces de travail et à accroître
Chapitre 1 - Section 2. Les déterminants du partage de la fonction ressources humaines
39
la disponibilité et le flux de ces informations. Ils permettent aussi de mettre en place
l’automatisation et la délégation de nombreuses routines administratives et les fonctions de
conformité, traditionnellement assurées par les départements RH » (Grant et Newell, 2013,
p. 187). Cette manière d’appréhender les SIRH comporte un intérêt double : d’une part, elle
met en évidence la valeur ajoutée apportée par ces systèmes sur le traitement et la valorisation
de l’information ; et d’autre part, elle justifie leur pertinence dans le cadre du PFRH. Le « e-
HRM » acronyme anglais pour « Gestion des Ressources Humaines électronique » désigne le
vaste réseau de communications numériques intégrées à l’approche de la GRH. Il est défini
comme « l’application de la technologie de l’information mise en place, à la fois, pour la
création de réseau et le soutien d’au moins deux acteurs individuels ou collectifs dans la
réalisation partagée d’activités RH » (Strohmeier, 2007, p. 20). Ces technologies sont utilisées
dans un double objectif : l’intégration de l’information et la connexion des individus, mais aussi
le soutien des acteurs par l’assistance partielle ou totale dans la réalisation d’activités RH.
L’étude des projets SIRH nécessite deux précisions. La première tient à la compréhension des
termes « technique » et « technologie ». La confusion qui parait régner autour de ces termes
appelle un effort de définition. La technique est un ensemble de procédés méthodologiques
fondés sur des connaissances scientifiques et employés pour produire une œuvre ou un résultat
déterminé (Bachelet, 2004). Appliquant cette définition au champ de la communication, Breton
et Proulx (2002) font référence à l’origine grecque du mot « techné » qui signifie la
« connaissance de procédés utilisés ». Elles sont donc le résultat d’une démarche consistant à
condenser les savoirs actuels. Les supports de communication sont le fruit d’inventions
techniques sophistiquées et c’est, selon eux, l’usage des techniques qui différencie les
communications humaine et animale. Quant aux technologies de l’information et de la
communication, il s’agit des techniques modernes et complexes qui permettent de saisir, traiter,
stocker et communiquer l’information (Reix et Rowe, 2002). Basées sur des innovations
techniques, les TIC permettent à la fois une compression du temps et de l’espace et
l’accroissement de l’information stockée. Elles offrent enfin un très large potentiel d’utilisation
(communication asynchrone, collaboration à partir de sites différents, etc.) en autorisant des
usages flexibles (Bachelet, 2004).
Deuxièmement, il convient de faire la différence entre le management électronique des
ressources humaines « e-HRM » qui est un système global utilisé par tous les employés (Grant
et Newell, 2013) et l’ERP (Entreprise Resource Planning) également désigné comme progiciel
Chapitre 1 - Section 2. Les déterminants du partage de la fonction ressources humaines
40
de gestion. Ce dernier est un outil informatisé permettant de connecter en temps réel toutes les
informations et les fonctions d’une organisation et voit le jour dans le développement massif
du management électronique des RH. Il permet l’autonomisation de certaines procédures
manuelles et administratives et participe à leur simplification en régulant le flux de travail
(workflow). En matière de GRH, plus particulièrement, les SIRH reposent communément sur
le recours à des ERP et désignent des systèmes gérés par les experts RH eux-mêmes et dont les
utilisateurs sont principalement les acteurs de la FRH (Silva, Plazaola et Ekstedt, 2006).
L’intérêt porté à ce type de solutions est fondé sur la possibilité de mise en cohérence des
sphères technologique et organisationnelle. Ces objets constituent une alternative à des
systèmes et des applications juxtaposés dans l’organisation (Deltour et Mourrain, 2017).
L’intégration est le processus par lequel une application particulière est reliée et synchronisée
au cœur du système. Lorsque toutes les activités de l’entreprise sont gérées via les modules
d’un ERP, on peut dire que l’intégration est complète. D’une manière générale, ces outils
contribuent au renforcement de la transversalité dans l’entreprise entre les différents métiers
tels que la production, la vente, la finance, les ressources humaines, les achats, etc. (Deltour et
Mourrain, 2017). Ils permettent notamment d’éviter certaines contraintes telles que les saisies
multiples, les redondances, les incohérences d’informations ou le manque de données pour le
pilotage des affaires. Un projet ERP est donc un projet qui concerne un grand nombre de
services de l’entreprise, voire toute l’entreprise.
Le succès de l’ERP est vraisemblablement dû à ses caractéristiques fonctionnelles qui en font
un outil simple d’utilisation. Celui-ci est dépeint comme une « application paramétrable,
modulaire et intégrée, qui vise à intégrer et à optimiser les processus de gestion de l’entreprise
en proposant un référentiel unique et en s’appuyant sur des règles de gestion standards » (Reix
et al., 2016, p. 358).
L’ERP se compose d’une base de modules dont certains sont développés pour répondre aux
besoins de la GRH (e.g. gestion administrative, rémunération, gestion des résultats et de la
performance). Il se caractérise par son architecture modulaire, c’est-à-dire composée d’un
ensemble de modules de base, éventuellement complété par des éléments supplémentaires. La
performance de ces progiciels repose sur des principes de fonctionnement fondamentaux
(Valenduc, 2000) :
Chapitre 1 - Section 2. Les déterminants du partage de la fonction ressources humaines
41
- L’unicité de l’information : est un principe qui garantit que la saisie d’une information
permette l’intégration de cette dernière dans l’ensemble du système. La synchronisation
instantanée de la donnée permet d’en garantir l’unicité ;
- La rapidité et la réactivité : la mise à jour des informations saisies dans un module
s’effectue immédiatement, ce qui facilite la validité des informations en temps réel ;
- La saisie à la base et le traitement au sommet : le fonctionnement est basé sur un schéma
pyramidal dans lequel les niveaux d’autorisation et d’habilitation évoluent
concomitamment avec le niveau hiérarchique ;
- La sélectivité des prérogatives des utilisateurs : le niveau d’information accessible
évolue concomitamment avec le niveau hiérarchique. La configuration de l’outil permet
de filtrer les informations en fonction du niveau de l’utilisateur.
Ces principes de fonctionnement des ERP doivent être connus et intégrés lors du choix de mise
en place d’un ERP. Une prise en compte insuffisante de ces aspects a été mise en évidence
comme un facteur d’échec des changements impulsés par les organisations (Valenduc, 2000).
En effet, bien que les ERP soient plébiscités pour leur facilité d’utilisation et leur coût
relativement faible, ce sont des outils n’ayant pas vocation à être modifiés. L’intégration de
spécificités organisationnelles dans le cahier des charges doit se faire dans une faible ampleur
sans quoi l’efficacité du progiciel pourrait être sacrifiée. Cela a amené certains auteurs à leur
associer une rigidité fonctionnelle non négligeable (Deltour et Mourrain, 2017). Le manque de
considération de cette caractéristique et l’absence de réflexion concernant la compatibilité entre
l’outil et les infrastructures de l’organisation amènent parfois cette dernière à devoir adapter les
processus de travail à l’outil. Dans ce cadre, et à l’opposé d’autres solutions, les ERP peuvent
être considérés comme des outils structurants dans la mesure où leur architecture et leurs
processus peuvent orienter les choix de l’organisation.
212. Effet structurant et effet d’adaptation
La littérature sur les SI met en évidence deux principaux phénomènes qui peuvent avoir lieu
lors de la mise en place ou de l’évolution d’un SI. Le premier est un effet de structuration.
Inscrit dans le paradigme déterministe de la technologie, ce phénomène postule que
l’introduction de nouvelles technologies dans l’organisation aboutit à la mutation de la structure
et des processus de cette dernière. Le second est un effet d’adaptation proposant d’appréhender
l’organisation comme un système unitaire dans lequel sont introduites les nouvelles
technologies. Ces dernières peuvent être adaptées pour favoriser leur intégration. Cette
Chapitre 1 - Section 2. Les déterminants du partage de la fonction ressources humaines
42
approche holiste fait intervenir la recherche de la cohérence lors de la mise en place d’un SI
comme vectrice de performance de l’ensemble. L’objet de la présente recherche n’étant pas de
fournir une analyse sur les influences sociotechniques des TIC, il convient tout de même de
pointer les éléments cruciaux ayant guidé la réflexion sur ce sujet.
Le processus de structuration du système d’information
Le structurationnisme est une approche considérant l’existence d’influences mutuelles entre les
technologies et l’organisation. L’introduction des SI produirait des interactions entre individus
et systèmes. Ces phases successives de mutations s’inscrivent dans le courant sociologique
structurationniste de Giddens (1984). Appliquée au champ des nouvelles technologies, cette
perspective envisage les SI comme des outils capables de façonner les environnements dans
lesquels ils sont implémentés. Il s’agit alors d’une logique qui pourrait être qualifiée d’inversée
dans la mesure où les caractéristiques structurelles de l’organisation, ainsi que les rapports
sociaux en son sein, s’adaptent aux fonctionnalités technologiques. De Vaujany (2000) précise
que l’objet du strucurationnisme appliqué aux TIC consiste à « voir comment vont être
produites ou reproduites les structures sociales au contact de la technologie » (p. 5).
Inscrits dans cette perspective structurationniste, DeSanctis et Poole (1994) proposent une
théorie de la structuration adaptative dans laquelle les SI sont appréhendés selon deux
dimensions : leurs caractéristiques structurelles et leur esprit. Les caractéristiques
correspondent aux aspects techniques, procéduraux et fonctionnels offerts par la technologie.
L’esprit d’une technologie, quant à elle, correspond à l’intentionnalité et aux valeurs qui sous-
tendent les choix sous-jacents. Il s’agit de la dimension formelle ou conventionnelle,
fondamentalement liée à l’usage attendu. Les SI peuvent donc être utilisés dans l’optique
d’apporter du changement dans l’organisation. Mais dans ce contexte, une étude insuffisante de
leur compatibilité avec la structure amène cette dernière à s’adapter aux fonctionnalités
technologiques. La complexité qui en résulte pourrait alors expliquer l’apparition de conflits
horizontaux et verticaux et un phénomène de centralisation des processus. Les SI seraient donc
en mesure d’influencer, voire de déterminer, les environnements dans lesquels ils sont
implantés. Cette thèse a été désignée comme un déterminisme technologique (Valenduc, 2000).
En ce qui concerne le cas particulier de l’ERP, la flexibilité offerte par ce type de solution est
sommaire, se limitant à l’ajout de modules et de paramétrages marginaux. À la différence de
nombreuses autres technologiques innovantes qui offrent des produits sur mesure, l’ERP est
une solution potentiellement structurante basée sur l’intégration centralisée des données. Dans
Chapitre 1 - Section 2. Les déterminants du partage de la fonction ressources humaines
43
une série d’entretiens menés auprès de 32 responsables d’achat, suivis d’une étude quantitative
de 600 salariés, Guibert (1996) met en évidence la manière dont l’ERP, implanté dans un
service commercial, a modifié la relation entre le client et le fournisseur. Il montre que la
structure d’interface technologique induit une évolution des interactions entre les deux groupes
d’acteurs. La complexification des outils pousserait alors le service commercial à accentuer son
rôle de coordination pour faciliter la définition des besoins et le développement des échanges.
De plus, la formalisation croissante occasionnée par le progiciel favoriserait la mutation des
activités au profit de tâches d’administration et de contrôle. D’un point de vue global, cette
recherche de Guibert (1996) montre que l’organisation du département a muté de manière non
prévue vers une spécialisation des taches et une différenciation fonctionnelle accrues.
Mais l’effet structurant induit par le SIRH a également été identifié comme une caractéristique
possiblement recherchée lors du choix de SI. Dans une étude longitudinale menée sur plusieurs
cas, Laval et Guilloux (2010) montrent que l’implémentation du SIRH au sein d’une entreprise
a été un moyen d’impulser une transformation des fonctions administrative et stratégique. Dans
ce contexte, les usages des utilisateurs émergent sans contrôle de l’organisation et tendent à
devenir de nouvelles pratiques partagées. Associée à une formalisation réduite des processus,
le recours à cette approche inductive de la structuration du travail permet de laisser émerger
une réorganisation des processus de travail. Les dirigeants joueraient un rôle d’observateurs et
interviendraient pour réajuster a posteriori les processus réels. Par exemple, un outil qui serait
inutilisable pourrait modifier la relation d’emploi en augmentant la durée des périodes d’essai
(le temps de valider les fonctionnalités informatiques). Mais il ressort que, dans certains cas,
les processus organisationnels ne peuvent pas absorber à eux seuls l’ampleur des
dysfonctionnements des SI ou le manque d’adéquation de ces derniers avec la réalité du travail.
Ces frictions peuvent alors aboutir à la mise en place d’arrangements entre les spécialistes RH
et les managers. Les adaptations de leurs interactions leur permettent alors d’atteindre leurs
objectifs respectifs et de pallier leurs difficultés (Laval et Guilloux, 2010). D’autre part, la
surestimation de l’effet structurant des SI peut aboutir à l’échec d’utilisation. Ce biais peut
s’expliquer par la focalisation des décideurs sur des aspects techniques et par la négligence de
l’incidence des aspects organisationnels dans le processus d’adoption. À cet égard, Bertrand et
Geffroy-Maronnat (2005) montrent que la divergence de visions métier entre les spécialistes
chargés des projets informatiques et les utilisateurs finaux peut aboutir à la mise en place de
systèmes en décalage avec la réalité du terrain. Ce point de clivage sur un aspect substantiel du
Chapitre 1 - Section 2. Les déterminants du partage de la fonction ressources humaines
44
projet est suffisamment critique pour limiter la structuration du SI. Les auteurs soulignent alors
que cette dernière doit se limiter à des aspects non substantiels du projet.
Pour autant, le courant structurationniste fait l’objet de nombreuses critiques. Celles-ci mettent
principalement en cause une perspective déterministe de la technologie trop prégnante dans
l’analyse. Ces observations ont laissé place à des positionnements épistémiques plus modérés
consistant à accepter que si l’approche purement causaliste liant technologie et organisation est
critiquable, il n’en demeure pas moins que les TIC interfèrent sur la manière dont se comportent
et évoluent les individus dans l’organisation (De Vaujany, 2003). Vedel (1994) montre que les
caractéristiques techniques et technologiques intrinsèques des SI influenceraient même la
nature du savoir et la distribution du pouvoir dans les groupes sociaux. Cette particularité a
notamment été étudiée à travers du concept d’usage des systèmes d’information qui sera vu
dans un prochain point.
Le processus d’adaptation du système d’information
Sur la base des travaux de DeSanctis (1986), un courant de littérature des SI se positionne en
rupture avec le paradigme techniciste qui s’est alors imposé jusqu’à lors. Dans ce courant, les
systèmes d’information sont appréhendés comme « des systèmes spécialisés au sein d’un
domaine spécifique de l’organisation et façonnés pour soutenir les processus de planification,
d’administration, de prise de décisions et de contrôle de la gestion des ressources
humaines » (DeSanctis, 1986, p. 261)10. Cette perspective, complètement différente, propose
que les SI soient des outils choisis et mis en place pour soutenir les processus de l’organisation.
Le SIRH est alors considéré comme un outil non structurant qui, intégré aux autres
infrastructures de l’organisation, permet de servir les objectifs définis dans la stratégie. C’est
au sein de cette approche que l’urbanisation (ou urbanisme) est posée comme processus
d’élaboration et d’intégration des solutions dans une vision globale du SI. Il consiste à
considérer les solutions existantes comme un tout, imbriqué dans les infrastructures globales de
l’organisation. Sur la base d’une métaphore avec l’habitat humain, Noy et Ruiz (2007)
proposent de voir l’urbanisation comme « l’art d’organiser les SI pour les adapter aux besoins
de leurs utilisateurs et des bénéficiaires de leurs services » (p. 3). De manière pragmatique, il
est question d’un processus « d’assemblage de logiciels parfaitement interfacés, de réseaux
10Traduction personnelle : « Specialized information system within the traditional functional areas of the organization, designed to support the planning, administration, decision-making, and control activities of human resource management ».
Chapitre 1 - Section 2. Les déterminants du partage de la fonction ressources humaines
45
parfaitement sécurisés, de structuration de bases de données et de connaissances parfaitement
agencées » (p. 94).
L’urbanisation consiste à organiser la transformation progressive et continue du système
d’information visant à le simplifier, à optimiser sa valeur ajoutée et à le rendre plus réactif et
flexible vis-à-vis des évolutions stratégiques. Pour De Vaujany (2006), il convient de créer une
cohérence entre plusieurs vues :
- une vue métiers décrivant les processus métiers et leurs relations ;
- une vue fonctionnelle, décrivant les fonctions supportées par le système d’information ;
- une vue applicative décrivant les éléments relatifs aux logiciels du système
informatique ;
- une vue technique décrivant l’architecture technique du système informatique.
À travers l’impératif de mise en cohérence, l’urbanisation propose de concevoir l’alignement
de champs organisationnels comme une source d’efficacité des technologies de l’information.
Au-delà des aspects purement techniques, il s’agit de prendre en compte l’expression des
acteurs, de leur vie et de leur travail dans la réflexion d’adaptation des outils qu’ils utilisent au
quotidien. L’objectif de l’urbanisation est alors de favoriser une structuration de SI permettant
l’amélioration des performances et d’en faciliter son évolution. Cette approche contingente de
la technologie repose alors sur une analyse des systèmes existants et la proposition
d’innovations dans une perspective de cohérence et de performance.
Ces deux perspectives de la technologie soulignent l’importance de considérer les effets
d’interactions des SI avec l’environnement organisationnel. Les développements mettent alors
en évidence la centralité du questionnement sur la cohérence entre les objectifs des technologies
et ceux de l’organisation. Ces problématiques ont notamment été étudiées à travers la notion
d’usage.
22. L’usage des systèmes d’information : spécificités, caractéristiques et
déterminants
La mise en place des SI implique des investissements que les organisations entendent faire
fructifier par l’automatisation et le traitement facilité des tâches au travail. Une condition
préalable à l’atteinte de cet objectif repose sur l’usage effectif de ces systèmes par les
utilisateurs finaux.
Chapitre 1 - Section 2. Les déterminants du partage de la fonction ressources humaines
46
221. Spécificités et déterminants de l’usage des systèmes d’information
L’usage d’un SIRH peut être appréhendé comme l’utilisation adéquate de l’outil compte tenu
des finalités poursuivies par l’organisation. Il s’agit de « l’appropriation effective par les
utilisateurs en situation opérationnelle réelle qui se développe plus ou moins selon les
conditions dans lesquelles s’opère le processus de changement » (Noy et Ruiz, 2007, p. 91).
Cette définition propose l’usage comme un processus dépassant la simple validation de la
solution technique. Au-delà des aspects prescriptifs, il s’agit de ce que les individus font
effectivement des objets et dispositifs techniques. La finalité du SI dans l’organisation est
éminemment inhérente à l’évolution de l’environnement et des avancées technologiques, mais
aussi des objectifs poursuivis par l’entité.
Définition des usages
L’usage renvoie à ce que les individus font effectivement avec les objets et dispositifs
techniques (Breton et Proulx, 2002). Si de nombreux chercheurs en gestion s’intéressent à la
manière dont les TIC sont introduites dans l’entreprise et à leurs effets, on peut remarquer que
la définition de cette notion d’usage reste assez floue. Cette dernière fait essentiellement
référence aux variables qui servent à effectuer des mesures, notamment l’intensité d’utilisation
et la satisfaction des utilisateurs (Bachelet, 2004). L’usage n’est pas un objet naturel, mais un
construit social qui renvoie à un continuum (Chambat, 1994) allant de la simple adoption à
l’utilisation puis à l’appropriation (Breton et Proulx, 2002) (voir figure 1-3). L’adoption
consiste en l’achat et la consommation d’un objet stable. L’utilisation fait référence à l’emploi
fonctionnel d’une technique dans un face-à-face avec le dispositif, et conformément au mode
d’emploi. L’appropriation d’un objet technique correspond au stade le plus avancé de la
maîtrise de l’outil et nécessite la satisfaction de trois conditions (Breton et Proulx, 2002) :
- l’usager démontre un minimum de maîtrise technique et cognitive de l’objet ;
- cette maîtrise s’intègre de manière significative aux pratiques quotidiennes de l’usager ;
- l’appropriation ouvre vers des possibilités de détournement, contournement, réinvention
ou des possibilités d’accès à la conception d’innovations.
Chapitre 1 - Section 2. Les déterminants du partage de la fonction ressources humaines
47
Figure 1-3 : Les stades de l’usage des systèmes d’information
Source : auteur de la thèse
La notion d’usage dépasse les considérations et enjeux d’ordres technique et technologique.
Elle met en évidence l’incidence des rapports sociaux entre les individus dans le comportement.
À ce titre, Walsh et al. (2013) introduisent la culture usager comme dimension importante de
l’usage. Elle est définie comme « l’ensemble des valeurs épousées par les individus et les
groupes et qui peuvent être amenées à interférer dans la gouvernance et la gestion des systèmes
d’information » (p. 47)11.
Elle a également été proposée comme « l’aptitude des utilisateurs à s’approprier de nouveaux
outils et à accepter un nouveau rôle des technologies dans l’organisation, dans leur activité et
dans leur métier. Elle définit la capacité des utilisateurs à comprendre la nécessité du
changement et influence positivement, tant leur implication dans le projet, que la qualité de la
définition de leurs besoins contextuels » (Renaud, Walsh et Kalika, 2016, p. 17).
La culture des technologies de l’information est appréhendée comme un outil de gestion et
d’accompagnement des projets SI, mais aussi comme l’occasion de la transformation des rôles
et des contextes organisationnels. L’étude de cet outil montre la nécessité de s’intéresser aux
dimensions sociales qui fondent la notion d’usage. Certains auteurs ont ainsi opéré une
distinction entre technologies d’adhésion et technologies d’usage. Les technologies d’adhésion
sont celles qui sont achetées et installées dans les bureaux, c’est-à-dire les modules intégrés de
matériel et de logiciels comportant des caractéristiques prédéfinies. Les technologies d’usage
sont celles qui sont effectivement utilisées et correspondent aux caractéristiques spécifiques
auxquelles les acteurs font appel d’une manière particulière en fonction de leurs compétences,
de leurs activités, de leur attention et de leurs objectifs (Bachelet, 2004). Cette distinction
confirme l’intérêt d’une réflexion concernant la notion d’usage. Cette rupture entre les types
11 Traduction personnelle : « The set of IT values espoused by individuals and groups that may come into play and interfere with IS management and governance ».
Chapitre 1 - Section 2. Les déterminants du partage de la fonction ressources humaines
48
d’usages a une implication forte. Pour être efficace, un SI doit être utilisé d’une façon
particulière. Cette acception fait de l’usage une dimension centrale de la réussite des projets SI.
Elle explique notamment pourquoi il n’y a pas de lien automatique entre les investissements
dans les infrastructures technologiques et les résultats observés.
Les typologies d’usage
Dans une perspective organisationnelle, les usages peuvent être appréhendés comme les
objectifs poursuivis lors de la mise en place du SI. Les travaux pionniers de Zuboff (1988)
mettent en évidence trois usages généraux des SI : l’automatisation, l’information et la
transformation. À travers cette notion d’usage, il introduit une vision épistémique du rôle de la
technologie dans l’organisation : « aussi longtemps que la technologie sera traitée de manière
étroite dans sa fonction d’automatisation, elle perpétuera la logique de machine industrielle,
réduisant la dépendance aux compétences humaines. Cependant, quand la technologie informe
également le processus pour lequel elle est appliquée, elle accroît le contenu d’information
explicit des tâches et met en action une série de dynamiques qui, finalement, reconfigureront la
nature du travail » (pp. 10-11).
Zuboff (1988) identifie trois phases correspondant chacune à un usage particulier des systèmes
d’information par les organisations.
Dans la phase d’automatisation, les SI sont d’abord utilisés pour automatiser les systèmes
manuels et réduire les besoins de personnel pour effectuer les activités routinières. Ils
participeraient à réduire la quantité globale de travail routinier, permettant ainsi aux
collaborateurs d’utiliser pleinement leurs capacités intellectuelles. En matière de GRH, cela
favoriserait l’optimisation des ressources personnelles allouées aux activités de saisies, de
reporting et de production de données pour se focaliser davantage sur l’interprétation de
l’information.
La phase d’information correspond à une situation où les systèmes dépassent l’automatisation
et accroissent l’efficacité et les bénéfices de ceux qui les utilisent. Les SI fournissent alors un
plus grand niveau de transparence en générant une « information concernant les processus
administratifs et productifs sous-jacents à travers lesquels une organisation accomplit son
travail » (p. 9). Les individus connaissent davantage ce qui se passe dans l’organisation par
l’accès à une information plus globale. Cela peut se caractériser, par exemple, dans la cadre de
la GRH par l’intégration de cartographies des effectifs permettant de comprendre de manière
plus globale comment s’opèrent les recrutements et les mobilités au sein de la structure.
Chapitre 1 - Section 2. Les déterminants du partage de la fonction ressources humaines
49
La phase de transformation renvoie à la capacité des SI d’altérer les opérations et les pratiques
de l’organisation. La force d’innovation permet d’accroître la flexibilité et les capacités de
l’entité. En matière de GRH, les SI peuvent opérer des transformations par la mise en place de
nouvelles pratiques rendues possibles par le développement de la communication et des
échanges.
Une autre typologie des usages des SIRH est proposée par Noy et Ruiz (2007) et conçoit le SI
à travers sept finalités résumées dans le tableau 1-2.
Tableau 1-2 : Usages du SIRH et effets sur les processus organisationnels
Finalité du
SI
Effets organisationnels
Normalisant Normaliser des procédures, répertorier des flux physiques ou d’informations.
Structurant Réorganiser les flux et les processus de l’organisation. Les possibilités de
formalisation et de contrôle offertes par les applications de type ERP
permettent d’introduire, sous la forme d’un changement technologique, de
nouvelles règles et procédures.
Illustrant Utiliser pour véhiculer une image, une iconographie nouvelle. Le recours à
une nouveauté technologique permet ainsi d’altérer l’imager perçue par les
parties prenantes internes ou externes.
Virtualisant Mettre en place un SI dans une optique de créer un imaginaire partagé et d’y
tester des actions hors de la réalité pour réduire les risques liés à l’erreur.
Mutualisant Favoriser le développement d’échanges et d’interactions entre les acteurs de
l’organisation par la minimisation des contraintes matérielles (temps et
espace)
Gratifiant Mettre en place des espaces d’expression des utilisateurs. Ces derniers sont
alors amenés à développer des interactions de natures différentes (artistiques,
créatives, intellectuelles…).
Fertilisant Renforcer le développement des connaissances et des savoirs.
Source Noy et Ruiz, 2007
Chapitre 1 - Section 2. Les déterminants du partage de la fonction ressources humaines
50
Basée sur une revue de la littérature des usages et d’une étude empirique, cette grille met en
évidence des usages qui se situent au niveau des individus. Lors de la mise en place d’un SI, les
usages peuvent être définis par l’organisation comme un but recherché du système, tout comme
ils peuvent émerger de manière pragmatique sans intentionnalité préalable. Il advient également
que les usages ne sont pas exclusifs et qu’un SI peut être associé à plusieurs usages. Noy et
Ruiz (2007) montrent toutefois que du point de vue de l’organisation, l’identification des usages
recherchés et la focalisation sur un faible nombre d’entre eux permettraient de circonscrire plus
aisément les objectifs, mais aussi de déterminer les priorités et les actions à mettre en place. La
formulation de la marche à suivre facilite également l’émergence des moyens de contrôle des
projets et l’identification des déterminants de succès du projet SIRH. Du point de vue de
l’utilisateur, le ciblage des usages permet de développer des outils de communication, et
d’assurer la cohérence du projet à travers des éléments de formalisation.
Enfin, la contribution francophone majeure de De Vaujany (2003) propose trois archétypes
d’usages des SI. L’auteur propose que les SI façonnent des configurations sociotechniques
durables à travers trois types d’influence :
- l’archétype neutre concerne des systèmes peu utilisés et qui sont dissous dans les
routines organisationnelles. Ils viennent alors renforcer le fonctionnement de
l’organisation ;
- l’archétype régénéré engage des outils contribuant à redynamiser le système social. La
mise en place de ces dispositifs implique de nouveaux réseaux d’échanges et de
communication et contribue donc à la mutation des relations sociales ;
- l’archétype perturbé, enfin, implique des systèmes générant des conflits et une
restructuration des processus organisationnels. Ce dernier type peut se superposer aux
autres.
Alors que le type neutre alimente la confiance des utilisateurs qui sont plongés dans une
continuité sociale et technologique, le type perturbé tend à produire ou accentuer des situations
de stress et d’instabilité émotionnelle. Dans une perspective dynamique, De Vaujany (2003)
propose la notion de « trajectoire appropriative » qui constitue « un enchainement régulier
d’archétypes technologiques » (p. 4). Les SI évoluent du fait des interactions avec leur contexte
et les relations qu’ils entretiennent avec celui-ci sont également amenées à muter. L’archétype
alors observé, lors de la mise en place ou de l’évolution de ces systèmes, connait des
perturbations potentielles tout au long de son cycle de vie.
Chapitre 1 - Section 2. Les déterminants du partage de la fonction ressources humaines
51
L’effet des interactions entre technologies et groupes sociaux sur l’évolution des usages a
effectivement suscité l’intérêt de la communauté des usages. Vaast (2002) montre que le
développement de nouvelles technologies peut être propice à la mutation des usages. Il montre
comment l’intranet a joué un rôle dans le fonctionnement et le renforcement des usages. Ces
derniers transforment à leur tour, à la fois la technique et les relations au sein des groupes. Ces
dynamiques favorisent les ajustements entre nature des relations interprofessionnelles et usages
observés jusqu’à l’obtention de ce qui pourrait s’assimiler à une situation équilibre. Mais cette
configuration est difficile à caractériser a priori puisque les usages sont eux-mêmes instables
dans le temps et entre les individus. Dans un rapport de l’ANACT, Bérard et Rocher (2002)
montrent, par exemple, que les usages d’une même technologie en entreprise peuvent être très
différents selon les utilisateurs. Ils opèrent ainsi une distinction entre les utilisateurs qui font un
usage minimal des outils dont ils disposent, notamment lorsqu’ils les utilisent seulement en
remplacement d’un autre média (par exemple transmettre une pièce jointe par messagerie au
lieu de l’envoyer en papier) et ceux qui font un usage avancé en réinventant les pratiques
attendues. Bien que cette réflexion porte uniquement sur l’intensité d’utilisation et néglige les
aspects qualitatifs, elle permet de mettre en évidence que les particularismes d’usages sont liés
à des facteurs tant collectifs qu’individuels.
222. Les variables individuelles de l’usage : les caractéristiques techniques
et sociales
La dimension technique de l’usage
La littérature traitant de l’effet des aspects techniques sur les variables explicatives en SI a
connu un développement important à la suite des travaux de DeLone et McLean (2003). Les
auteurs proposent que la qualité du système d’information ainsi que la qualité de l’information
soient deux variables explicatives de l’usage. La qualité du système réfère à sa performance et
a été décomposée en plusieurs éléments (facilité d’utilisation, fonctionnalité, fiabilité, la
flexibilité, qualité des données, portabilité, intégration et importance). Quant à la qualité de
l’information, elle recouvre les éléments relatifs à la précision, la traçabilité, la rapidité, la
pertinence et l’homogénéité de l’information. DeLone et McLean (2003) suggèrent alors deux
hypothèses concernant les effets de la qualité du SI et de la qualité de l’information sur l’usage
de ce dernier (voir figure 1-4).
Chapitre 1 - Section 2. Les déterminants du partage de la fonction ressources humaines
52
Figure 1-4 : Effet de la qualité du système et de l’information sur la satisfaction et
l’utilisation des systèmes d’information
Source : Delone et McLean, 2003
D’autres recherches basées sur ce modèle ont démontré que les qualités du système et de
l’information avaient un impact positif sur les variables individuelles et organisationnelles de
l’usage (Chien et Tsaur, 2007 ; Gorla, Somers et Wong, 2010 ; Rajan et Baral, 2015 ; Sternad
et Bobek, 2013).
L’importance de la qualité de l’information a été mise en évidence à travers un double effet.
D’une part, elle influencerait l’organisation par des effets directs sur son fonctionnement, et
d’autre part, elle jouerait un rôle modérateur dans la relation entre la qualité du système et les
impacts sur l’organisation (Gorla et al., 2010). À l’inverse, la qualité du système ne semble pas
impacter l’organisation. Une explication pourrait relever de la manière dont est appréhendée
cette variable. Les mesures proposées se basent sur des caractéristiques qui la lient de manière
indirecte à l’organisation (configuration, absence d’erreurs, facilité d’apprentissage, niveau de
documentation, flexibilité, etc.). Une autre explication repose sur la position médiatrice de la
qualité d’information qui annulerait les effets de la qualité du SI sur les variables dépendantes.
Autrement dit, la qualité de l’information pourrait avoir un effet annulant ou compensant les
effets de la qualité du SI. Ce résultat souligne donc le rôle crucial de la qualité de l’information
des SI.
Chapitre 1 - Section 2. Les déterminants du partage de la fonction ressources humaines
53
Par ailleurs, Gorla et al. (2010) s’intéressent à la qualité de service. Ils montrent que la fiabilité,
la réactivité, l’assurance et l’empathie sont des caractéristiques influençant positivement la
perception des utilisateurs à l’égard du SI et améliorent leur productivité lors de l’usage.
Dans une étude portant sur des enjeux similaires, Rodger et al. (1998) montrent que les attentes
des usagers (agréabilité des procédures et des formulaires, des transactions informatiques
simplifiées, contenu et fréquence des rapports du SIRH) contribuent à favoriser une expérience
positive d’usage. Par ailleurs, il apparait que la fiabilisation insuffisante des informations à
travers la consolidation des bases de données, des logiciels et des réseaux de travail génère une
méfiance des usagers à l’égard de la technologie. Ce phénomène est particulièrement sensible
puisqu’il provoque une attitude négative que l’organisation peine à neutraliser, et ce, même si
la qualité de service perçue est forte.
Ces résultats mettent en évidence une absence de compensation des qualités de système
d’information et de service dans l’usage des SI. Dans ce contexte, la fiabilisation et la
praticabilité insuffisante du système expliqueraient une diminution de la valeur ajoutée perçue
par les utilisateurs. Rodger et al. (1998) s’intéressent alors au reengineering du système
d’information qui permettrait, selon eux, de réajuster le développement de ses modules et son
aspect général en fonction de la perception des usagers.
La dimension sociale : de l’usage
Une restriction aux seuls éléments techniques dans l’analyse des problématiques d’utilisation
ne permettrait de saisir qu’une partie du phénomène. La focalisation des décideurs sur des
aspects techniques pour résoudre les problématiques d’usage conduirait même nombre de
projets de SIRH à l’échec (Bertrand et Geffroy-Maronnat, 2005). Une recherche menée par
Saint-Léger (2004) montre que les répondants s’expriment davantage lorsque sont évoquées les
thématiques organisationnelles. L’auteur note que les retours sur la dimension technique du SI
sont moins qualitatifs. Il attribue ces écarts de contenu du discours au fait que les
problématiques organisationnelles sont identifiées comme centrales dans le phénomène d’usage
(Saint-Léger, 2004).
C’est dans cette perspective que Reix et Rowe (2002) définissent le SIRH comme « un
ensemble d’acteurs sociaux qui mémorisent et transforment des représentations via des
technologies de l’information et des modes opératoires » (p. 11). Cette définition propose de
voir les SI comme des systèmes intégrant les acteurs et les espaces sociaux qu’ils produisent.
Chapitre 1 - Section 2. Les déterminants du partage de la fonction ressources humaines
54
Les éléments critiques du succès des projets SI se meuvent alors d’un champ technologique
vers un champ plus général incluant les aspects techniques, humains et organisationnels.
Une partie importante de la littérature traitant de la question de l’usage s’intéresse aux
interactions entre les acteurs. Dans une étude sur les comportements des individus lors de la
mise en place d’un SI, Markus et Keil (1994) évoquent les conséquences des approches
technicistes qui guident de manière disproportionnée les projets. Le manque de communication
entre les utilisateurs finaux et les experts informatiques expliquerait que les systèmes résultants
intègrent peu ou pas les réalités opérationnelles. Lors de la définition du cahier des charges, les
organisations privilégieraient le déploiement de systèmes jugés performants sur le plan
technique tout en négligeant leur capacité à s’inscrire dans l’écosystème professionnel.
L’approche dans laquelle ils sont conçus et mis en place laisse apparaitre une intégration
insuffisante des contraintes de l’activité dans la conception des outils. Cette déconnexion entre
les réalités techniques et métiers créent des dysfonctionnements et incohérences qui mènent les
utilisateurs au constat que les SI ne sont pas utiles. Markus et Keil (1994) suggèrent que la
composition des équipes projet intègre les managers de proximité en les dotant d’une autorité
sur les concepteurs. Cette collaboration permettrait l’alignement des intérêts des deux corps et
favoriserait la détermination d’objectifs et outils de mesure de performance en lien avec les
finalités productives. L’implication des utilisateurs finaux dans les phases de réflexion et de
mise en place des projets a alors été proposée comme un moyen de favoriser l’attitude positive
de ces derniers à l’égard des nouvelles applications technologiques (Bondarouk et al., 2009 ;
Swanson, 1974 ; Tait et Vessey, 1988).
D’autres travaux ont mis en exergue l’effet des choix organisationnels sur l’attitude des
managers. L’étude de Hartwick et Barki (1994), par exemple, souligne le rôle de la pression
sociale et des attentes de l’organisation dans le phénomène d’usage des utilisateurs finaux. Il
apparait de cette recherche que les attentes des collaborateurs et de la hiérarchie influenceraient
la manière dont ces derniers se comportent. Plus précisément, sur la base de ses interactions
avec l’environnement, les individus évalueraient l’utilité et la mesurabilité de leurs usages.
Cette appréciation affecterait alors leur attitude.
Dans une autre perspective, Haines et Petit (1998) s’intéressent à l’accompagnement proposé
par l’organisation. Les auteurs mettent avant le rôle positif du développement des compétences
sur la satisfaction des utilisateurs. Les efforts mis en place par l’organisation agiraient comme
un signal envoyé aux utilisateurs et influenceraient leur propension à utiliser le SI. Ces travaux
Chapitre 1 - Section 2. Les déterminants du partage de la fonction ressources humaines
55
suggèrent que l’appréhension des problématiques d’usage, assujettie à une approche
techniciste, limiterait la qualité du diagnostic. Alors qu’il s’intéresse à la problématique des
saisies erronées, Saint-Léger (2005) montre que la formation technique débouche rarement sur
la correction des erreurs. Ces dernières seraient plutôt traitées par une démarche de refonte des
processus. Indépendamment de l’outil, les dysfonctionnements observés sont le résultat d’une
communication rompue entre les services, mais aussi d’un contrôle insuffisant des saisies, a
posteriori. La redéfinition du processus physique permettrait alors de réduire les erreurs.
Dans une autre mesure, Besson (1999) met en évidence le rôle des conflits qui peuvent émerger
lors de la mise en place d’un projet de SIRH. Ses travaux soulignent que les difficultés que
rencontrent les utilisateurs finaux sont essentiellement liées aux conflits verticaux et
horizontaux qui accompagnent ces mutations organisationnelles. Les périodes de changements
sont enclines à l’apparition de zones d’incertitude ou certains acteurs tentent de conserver, voire
d’accroître, leur part de pouvoir. Alors que les systèmes d’information sont destinés à rendre le
travail plus collaboratif, il résulte paradoxalement de leur mise en place une centralisation des
processus et d’une fragmentation des équipes et des services. Pour Besson (1999), la prise en
compte insuffisante de cette dimension par les organisations participerait à occulter les
difficultés profondes auxquelles elles sont confrontées et mène finalement à une prise en charge
approximative des problématiques d’usage.
223. Les déterminants de l’usage : utilité perçue et facilité d’usage perçue
Les travaux réalisés dans le champ des SI mettent en évidence deux types de déterminants de
l’usage : l’utilité perçue et la facilité d’usage perçue.
Dans une série de travaux portant sur l’attitude des utilisateurs finaux, Davis (1989) définit
l’acceptation des SI comme un préalable à leur utilisation. Il identifie la facilité d’usage et
l’utilité perçues comme les deux déterminants principaux de l’usage des SI. Ces travaux
donneront par la suite naissance au modèle de l’acceptation des systèmes d’information (Theory
of Acceptance Model, Davis et al., 1989) et repris dans de nombreuses recherches s’intéressant
aux questions d’usage. D’une part, ce cadre théorique est fondé sur la théorie de l’auto-efficacité
de Bandura (1982)12 qui pose la facilité d’usage et la perception d’utilité comme des
déterminants basiques du comportement de l’utilisateur. D’autre part, il s’inscrit dans la théorie
12 Bandura, A. (1982). Self-efficacy mechanism in human agency, cité dans Davis, F. D. (1989). Perceived Usefulness, Perceived Ease of Use, and User Acceptance of Information Technology. MIS Quarterly, 13(3), 319-340.
Chapitre 1 - Section 2. Les déterminants du partage de la fonction ressources humaines
56
des coûts-bénéfices (Beach et Michell, 1978)13 qui établit que, face à un système d’information,
l’utilisateur évalue le ratio coûts/bénéfices afin de décider si le comportement doit être engagé.
L’utilité perçue
L’utilité perçue (Perceived Usefulness) est définie comme « le degré avec lequel une personne
croit qu’utiliser un système particulier améliorera sa performance au travail » (Davis, 1989,
p. 320)14. L’utilité perçue est une variable permettant de réguler la résistance aux changements
technologiques. La mise en place ou l’évolution d’un SIRH constitue un changement de
l’environnement organisationnel et peut être soumise à un phénomène de rejet des acteurs. Plus
précisément, les utilisateurs mettent en perspective les coûts induits par son appropriation et les
avantages retirés par son usage. Cette évaluation se fait à plusieurs moments lors du projet. Une
première analyse est effectuée lors de la présentation du projet par l’organisation et une
évaluation postérieure se fait une fois le projet mis en place. Cette double évaluation permettrait
de limiter les biais liés aux effets d’annonce. Dans une étude menée auprès de 4073 managers,
Bertrand et Geffroy-Maronnat (2005) montrent que l’utilité perçue de l’outil est mise en avant
par les utilisateurs pour expliquer leur attitude face à une nouvelle application de gestion des
processus transactionnels. Lorsqu’ils sont convaincus que le SIRH vise à apporter des bénéfices
sur la situation de travail, les utilisateurs développent une attitude positive. Deux résultats
apparaissent alors comme particulièrement intéressants.
Le premier consiste à souligner l’importance de l’accompagnement et de la communication mis
en place lors de la phase préalable à l’implémentation du projet SIRH. En effet, ils permettraient
de favoriser les prédispositions des utilisateurs à accueillir favorablement le nouvel outil. Plus
étonnamment encore, l’accompagnement en amont contribuerait à développer une perception
positive de l’utilisateur quant à la valeur ajoutée de l’outil, et ce, même si ce dernier est
finalement défaillant.
Le second résultat mis en évidence par le travail de Bertrand et Geffroy-Maronnat (2005)
consiste à souligner l’importance de la prise en compte de la position de travail des utilisateurs
finaux lors de la conception de l’outil. L’association de ces derniers lors de la phase de
conception et de mise en place permettrait de réduire l’évaluation négative à l’égard de
13 Beach, L. R. et Mitchell, T. R. (1978). A contingency model for the selection of decision strategies, cité dans Davis, F. D. (1989). Perceived Usefulness, Perceived Ease of Use, and User Acceptance of Information Technology. MIS Quarterly, 13(3), 319-340. 14 Traduction personnelle : « The degree to which a person believes that using a particular system would enhance his or her job performance ».
Chapitre 1 - Section 2. Les déterminants du partage de la fonction ressources humaines
57
l’efficacité du SIRH. Dans le cas où ces outils seraient implémentés sans l’appui des managers,
une communication axée sur les liens entre l’outil et la situation de travail pourrait modérer
l’attitude négative de ces derniers. Il apparait de ces travaux que la perception de l’utilisateur
concernant l’utilité du SIRH se construirait davantage sur la base d’interactions avec
l’organisation que d’une évaluation directe de l’outil.
La facilité d’usage perçue
La facilité d’usage perçue (perceived ease of use) est le « degré avec lequel une personne croit
que l’utilisation d’un système particulier peut se faire sans effort » 15 (Davis, 1989, p. 320). Ici,
la définition s’appuie sur le postulat que l’effort est une ressource finie qu’un individu alloue
dans ses différentes activités. Dans cette optique, il est supputé l’existence d’une relation
positive entre la facilité d’usage perçue et l’usage effectif d’un SIRH. Le travail de Rajan et
Baral (2015) aborde les caractéristiques techniques d’un SI pour expliquer les problématiques
d’usages. Les auteurs concluent à l’effet combiné des caractéristiques individuelles et
technologiques sur la facilité d’utilisation et l’utilité perçues. Ils montrent que le soutien
organisationnel ressenti par les usagers et la formation des utilisateurs influencent positivement
la facilité d’usage perçue. La formation favoriserait les interactions avec le SI et stimulerait une
attitude positive à l’égard du système.
Ces développements montrent que la prise en compte des facilités d’usage et de l’utilité perçues
permettrait d’expliquer le phénomène d’utilisation des SI. Ils mettent également en évidence
que cette dernière comporte à la fois une dimension technique, liée aux fonctionnalités et
caractéristiques technologiques et une dimension organisationnelle liée aux choix
d’accompagnement et de pilotage des projets.
Section 3 - Le succès de partage de la fonction ressources humaines : des
essais de mesure quantitative à une approche basée sur le gap
Le PFRH représente une orientation stratégique comportant des investissements matériels et
immatériels non négligeables. Pour ces raisons, des chercheurs se sont affairés à proposer des
définitions et mesures de son succès. Dans une réflexion sur le concept de performance, Bos-
Nehles et al. (2013) s’inscrivent dans la théorie de la performance au travail (Cummings et
15 Traduction personnelle : « Perceived ease of use, refers to the degree to which a person believes that using a particular system would be free of effort ».
Chapitre 1 - Section 3 : le succès de partage de la FRH : essais de mesure et approche par le gap
58
Schwab, 1973) qu’ils appréhendent comme le comportement associé à l’accomplissement de
rôles spécifiques et formels attendus. S’intéressant au PFRH, ils définissent la performance
comme l’efficacité des managers dans la mise en place des pratiques RH. Tout en concédant
que cette approche est sujette à de nombreux biais, ils mesurent la performance par le niveau
de satisfaction des collaborateurs subordonnés concernant ces nouveaux rôles RH. Cette
proposition se base donc essentiellement sur un ressenti qui peut être altéré par de nombreux
biais (relation à l’organisation et au manager, satisfaction à l’égard d’autres dispositifs). Il
apparait alors que la mise en place d’un indicateur de mesure est rendue difficile. De manière
concomitante avec les réalités plurielles que recouvre le partage de la fonction et qui ont été
présentées précédemment, il existe différentes manières de mesurer le phénomène. Dans une
première section, les développements ont permis de mettre en évidence que le PFRH peut être
appréhendé comme l’association des managers dans les activités RH uniquement, comme
l’implication de ces derniers dans les prises de décisions, ou bien les deux. Dans une perspective
évaluative, certains travaux ont tenté de proposer des définitions du succès de partage et d’en
fournir des outils de mesure en découlant. La littérature propose ainsi deux principales
approches. La première tente de définir des outils de mesure quantitatifs du succès à travers
l’évaluation métrique de l’atteinte des objectifs posés dans le PFRH. La seconde approche se
base sur un procédé comparatif et caractérise le succès de partage en fonction de l’écart entre
pratiques prévues et pratiques mises en place.
Des essais de mesure métrique du succès de partage
Des essais de mesure du succès de PFRH ont été proposés sur la base d’une évaluation
quantitative de la concrétisation du processus. La mise en place de ces outils d’évaluation ne
s’est pas faite sans difficulté, loin s’en faut. Sur le plan empirique, le manque d’informations
disponibles concernant le phénomène est pointé comme une difficulté majeure. L’implication
des managers en matière de GRH se faisant souvent dans un contexte de tensions et de
méfiance, les tentatives mises en place pour évaluer le travail RH des managers ont tendance à
être interprétées comme des pratiques de surveillance et de contrôle (Fenton-O’Creevy, 2001).
Sur le plan conceptuel, mesurer la participation où l’association des managers à travers des
outils quantitatifs d’évaluation mènerait à occulter une partie importante du phénomène. La
dimension qualitative de l’association, que ce soit en matière de participation aux activités ou
à la prise de décisions RH, apparait difficile à capturer à l’extérieur du ressenti des sujets. Il
n’en demeure pas moins que certains auteurs ont tenté de mesurer le phénomène.
Chapitre 1 - Section 3 : le succès de partage de la FRH : essais de mesure et approche par le gap
59
Boselie et al. (2005) proposent d’évaluer l’association d’un manager à une pratique RH en
analysant l’exposition des membres de son équipe à cette pratique. Ils retiennent trois niveaux
de partage :
- La présence : échelle qui permet d’évaluer si la pratique est présente ou absente dans
les interactions entre le collaborateur et son manager.
- La couverture : échelle continue de la proportion des collaborateurs couverts par la
pratique.
- L’intensité : échelle continue du degré avec lequel un employé est exposé à la
pratique ou à la politique. Elle représente une intensité d’exposition.
L’indicateur se focalisant sur une approche binaire présence/absence est celui qui est le plus
couramment utilisé dans la littérature du fait de la simplicité de mesure (Boselie et al., 2005).
Toutefois, le recueil d’informations portant sur la confrontation de points de vue parfois
divergents entre les spécialistes RH et les managers rendent les conclusions difficiles à établir.
La méthodologie fournie par les auteurs comporte l’intérêt de proposer trois niveaux d’analyse
permettant une mesure quantitative fine des pratiques partagées. Cependant, ceux-ci ne
précisent pas comment mesurer les niveaux. Le seul sondage des collaborateurs pourrait
constituer une limite à cette approche. Dans une précédente section, il a été effectivement
montré que selon le niveau stratégique, les collaborateurs n’avaient pas le même niveau de
connaissances concernant les pratiques et les orientations de l’organisation. Cette hétérogénéité
pourrait alors constituer un biais dans les réponses collectées.
Dans une autre recherche, Harris et al. (2002) étudient l’association des managers dans un
ensemble d’activités : recrutement et sélection, développement des compétences, processus de
promotion, champ disciplinaire. Des entretiens menés auprès de managers de proximité et de
spécialistes RH ont permis de recenser des points de vue complémentaires. Cette étude met en
évidence trois situations obtenues sur la base d’une analyse des niveaux de décentralisation et
de PFRH :
- Une structure centralisée avec un niveau minimal de partage ;
- Une décentralisation partielle et un partage avec les managers ;
- Une décentralisation significative et un partage avec les managers.
Chapitre 1 - Section 3 : le succès de partage de la FRH : essais de mesure et approche par le gap
60
Dans cette proposition de mesure, l’analyse intègre la participation des managers dans les
activités RH et leur association dans les décisions RH. Cette dernière est étudiée à travers le
concept de décentralisation. L’approche présentée aboutit alors à une typologie composée de
trois catégories. Malheureusement, aucun élément méthodologique n’est présenté dans cette
recherche. Cela ne permet donc pas de connaitre la manière dont les auteurs ont réalisé leur
typologie, ni comment le classement des organisations est fait à travers cette matrice. D’ailleurs,
la grille qui est proposée semble davantage être le résultat d’une analyse ex post de cas
d’entreprises. L’absence de références méthodologiques rend cette contribution difficilement
exploitable.
Enfin, dans leurs travaux, Sikora et Ferris (2014) soumettent un projet de mesure. Cette
évaluation se base sur une enquête auprès des collaborateurs ayant effectivement expérimenté
des pratiques RH dans leur contexte de travail. Par la suite, l’agrégation des réponses permettrait
une mesure globale du PFRH à travers le pourcentage des pratiques RH de l’organisation
effectivement implémentées par les managers. Cette proposition comporte au moins deux
limites. La première relève du postulat qui est de considérer les salariés suffisamment experts
en la matière pour identifier les pratiques RH dans leur contexte de travail. La seconde limite
tient à l’absence de dimension qualitative dans l’évaluation proposée. Il se pourrait, par
exemple, qu’un manager participant à un recrutement sur une période donnée soit identifié
comme concerné au même titre qu’un homologue réalisant tous les recrutements. Sikora et
Ferris (2014) établissent alors une typologie globale de l’état du PFRH dans l’organisation :
- un fort niveau d’implémentation : situation où les managers choisissent de mettre en
place de manière cohérente de nombreuses pratiques ;
- un faible niveau d’implémentation : situation où les pratiques mises en place par les
managers sont peu nombreuses et/ou manque de cohérence.
La proposition de typologie fait alors implicitement référence à un continuum de situations
caractérisées par deux dimensions : nombre de pratiques partagées et degré de cohérence. En
ajoutant ce dernier dans l’analyse, les auteurs introduisent une dimension qualitative dans
l’évaluation proposée. Pour autant, et une fois de plus, cette approche comporte comme
principale difficulté de définir les modalités de mesure de la cohérence entre les pratiques. Cette
problématique a largement été abordée dans le courant s’intéressant aux systèmes de pratiques.
Il en résulte davantage de questionnements que de réponses sur la manière de définir les
conditions permettant d’optimiser cette harmonie et sur les moyens de la mesurer. Malgré ces
Chapitre 1 - Section 3 : le succès de partage de la FRH : essais de mesure et approche par le gap
61
quelques points discutables, la grille proposée par Sikora et Ferris (2014) permet, une fois le
cadre méthodologique posé, de mettre en place une cartographie du partage dans une entité
donnée et de comparer spatialement ou temporellement des mesures du PFRH.
Il apparait de ces travaux que la définition d’outils d’évaluation est une entreprise rendue
périlleuse pour au moins deux raisons. Une première problématique qui semble insoluble,
relève de la capacité à mettre en place des instruments permettant de capter les dimensions
quantitatives et qualitatives du partage. Cette difficulté a mené certains auteurs à se limiter à la
proposition de typologies tout en restant prudents sur la question de la mesure. Une deuxième
problématique consiste à trouver un consensus sur la configuration optimale d’une pratique,
voire d’un ensemble de pratiques. Alors qu’un parti pris consisterait à se limiter à la
comparaison spatiale ou chronologique pour conclure sur le succès de partage, une autre
approche consiste à mesurer les écarts de résultats entre pratiques prévues et pratiques
effectivement mises en place. Ainsi, la mesure du partage peut se faire de manières statique et
idiosyncrasique.
Une étude du succès de partage par le gap
En matière de GRH, il apparait que les pratiques qui sont mises en place ne sont pas
systématiquement celles qui sont définies initialement. À ce titre, Purcell et Hutchinson (2007)
introduisent une particularité sémantique pour souligner ce phénomène. Les auteurs font la
différence entre politiques et pratiques. Les politiques relèvent du domaine stratégique
puisqu’elles contribuent directement à l’atteinte d’une stratégie et sont affectées par les valeurs
sociales et les objectifs opérationnels déterminant les compétences et les exigences de l’emploi.
Quant aux pratiques, elles représentent l’ensemble de comportements, règles et procédures qui
sont effectivement mis en place. L’étude des écarts obtenus entre la conception initiale des
pratiques et les résultats obtenus suscitent d’autant plus d’intérêt qu’ils sont identifiés comme
générateurs de sous-performance (Brandl, Madsen et Madsen, 2009 ; Khilji et Wang, 2006).
Les pratiques prévues ou envisagées (intended practices) peuvent être définies comme celles
qui sont « formulées par les responsables RH ou directeurs », alors que les pratiques
implémentées (implemented practices) sont des « pratiques opérationnalisées dans les
organisations et déployées par les employés » (Khilji et Wang, 2006, p. 1172). Brandl et al.
(2009) montrent que le degré de réalisation des objectifs définis est un signal donné par
l’organisation sur son niveau de contrôle de certains processus. Dans le prolongement de ces
éléments, la performance des pratiques RH a été définie comme un construit à trois dimensions :
Chapitre 1 - Section 3 : le succès de partage de la FRH : essais de mesure et approche par le gap
62
un alignement horizontal, un alignement vertical et le degré d’opérationnalité des pratiques
(Gratton et Truss, 2003 ; Purcell et Hutchinson, 2007). Ainsi, en plus de vérifier une cohérence
stratégique et une cohérence systémique, les pratiques mises en place conformément à leur
projet initial participeraient à renforcer l’appréciation des salariés. Cette dimension liée à
l’alignement trouve ses fondements dans l’existence de différents niveaux de mise en place
possibles lors de leur conception. L’évaluation proposée par Gratton et Truss (2003) est basée
sur une approche binaire déterminant deux niveaux d’implémentation : pratique
implémentée/pratique non implémentée. Dans leurs travaux, Khilji et Wang (2006) tentent de
rendre cette mesure plus précise en intégrant une mesure continue de l’implémentation. Ils
mettent en évidence l’intérêt d’étudier l’écart entre les pratiques de GRH prévues et leur mise
en place opérationnelle, notamment en soulignant l’effet de cet écart sur la satisfaction des
employés. Ils recourent à des entretiens semi-directifs et des questionnaires administrés auprès
de managers, non-managers et spécialistes RH. Un ensemble de pratiques jugées critiques sur
la base d’un état de l’art a d’abord été identifié : l’évaluation, la rémunération, la formation, le
recrutement et la définition du poste. Par la suite, les spécialistes RH ont été sollicités pour
s’exprimer sur les caractéristiques spécifiques de ces pratiques et les managers se sont
prononcés pour donner une description de leur mise en place opérationnelle. La valence de la
comparaison des points de vue se base sur le postulat que le niveau d’intégration stratégique
diffère selon les répondants. Les spécialistes sont considérés comme des représentants de la
direction et fournissent la dimension stratégique des pratiques. Les managers, eux permettraient
d’en obtenir le versant opérationnel. Il apparait finalement que des écarts importants existent
entre les croyances des spécialistes RH concernant l’état de la FRH et ce qui est effectivement
mis en place dans les organisations. Il en résulte alors que les pratiques RH proposées
initialement ne sont pas vraiment mises en place. Khilji et Wang (2006) définissent alors trois
niveaux de pratiques :
- Une implémentation élevée concerne les entreprises ayant un faible écart entre les
objectifs lors de la conception des pratiques et les résultats observés lors de leur mise
en place. Ce faible écart se traduit par une convergence dans le discours des
répondants concernant les pratiques. Les organisations intègrent cette catégorie
lorsque 80 % des spécialistes RH et managers définissent les pratiques RH de
manière similaire.
Chapitre 1 - Section 3 : le succès de partage de la FRH : essais de mesure et approche par le gap
63
- Une faible implémentation a lieu lorsque moins de 20 % des répondants présentent
des similitudes dans la description des pratiques. Les organisations sont alors
considérées comme ayant un faible niveau de mise en place.
- Une implémentation moyenne a lieu lorsque les discours convergents sur l’état des
pratiques RH représentent 20 % à 80 % du corpus. Le niveau de mise en place est
défini comme moyen.
Ces résultats montrent que les employés qui perçoivent une implémentation insuffisante des
pratiques annoncées montrent une satisfaction plus faible à l’égard de la GRH. Par ailleurs, il
apparait que les moyens mis en place par l’organisation pour rendre visible l’implémentation
des pratiques influencent également leur motivation. La capacité de l’organisation à développer
une culture et une structure en lien avec ces nouvelles configurations est avancée comme
facteurs clivants entre les entités à fort niveau d’implémentation et les autres. L’adoption, à
l’identique, de pratiques RH au sein de différents services ou de différentes organisations est
qualifiée d’« isomorphisme mimétique » et montre des résultats moins satisfaisants (Khilji et
Wang, 2006, p. 1185). Ce processus de déploiement qui ne tient pas compte des contingences
et des environnements spécifiques dans lesquels sont déployées les nouvelles pratiques limite
la satisfaction et la motivation des collaborateurs à l’égard de ces dernières.
Cette méthode de mesure par le gap a l’avantage de proposer une évaluation basée sur un
procédé clair de comparaison et de quantification de similitudes. Pour autant, la manière
d’appréhender ces dernières interroge. Les auteurs donnent peu d’indications sur la façon dont
le corpus est étudié, et plus précisément sur les modalités de choix de l’unité de sens. La notion
de « similitude » telle qu’acceptée par les auteurs n’est probablement pas restrictive à la
correspondance des verbatim, mais ce rapprochement doit vraisemblablement être croisé avec
l’observation des individus en contexte de travail. Malgré ces questionnements, cette recherche
basée sur le gap permet d’introduire une approche intéressante du succès de PFRH.
Pour Trullen et al. (2016) la correspondance entre pratiques initiales et pratiques effectivement
implémentées est fondamentalement un élément permettant de caractériser le succès de PFRH :
« HRM is effectively implemented when there is an ideal overlap between intended and actual
practices. Conversely, ineffective implementation occurs when the HRPs are only partially
implemented, implemented in ways that are inconsistent with their initial intent or not
implemented at all » (p. 451). Cette approche fournit alors une évaluation du succès à travers le
degré d’adéquation entre projet initial et projet final du partage (figure 1-5).
Chapitre 1 - Section 3 : le succès de partage de la FRH : essais de mesure et approche par le gap
64
Figure 1-5 : Évaluation du succès de partage de la FRH par le GAP
Source : auteur de la thèse
Cette réflexion comporte l’intérêt notable de proposer une mesure de l’efficacité de facto
introduite dans la définition. En effet, le partage consiste ici en la mise en œuvre de pratiques
selon des modalités conformes à celles initialement pensées. La manière de l’appréhender
permet de libérer l’analyse des contraintes méthodologiques évoquées dans les approches
présentées dans le point précédent. Dès lors que l’organisation est en mesure de dresser un
cahier des charges précis de ce qu’elle entend à travers son projet de fonction partagée, il
apparait aisé de faire une analyse postérieure de la concrétisation des objectifs. La réflexion
proposée ici ne vise pas à définir les caractéristiques d’une organisation cible, mais plutôt une
étude de l’efficacité du point de vue des situations particulières des entités. Il s’agit alors d’une
approche idiosyncrasique de l’organisation lui permettant de faire un auto-diagnostic de sa
capacité à assurer le lien entre le domaine stratégique et le domaine opérationnel. Le processus
de mise en adéquation des deux domaines a particulièrement été étudié dans le courant
théorique de l’alignement stratégique (Henderson et Venkatraman, 1989) pour expliquer la
performance. Les principes et mécanismes de ce cadre théorique seront développés dans un
prochain chapitre.
Ce premier chapitre a permis de mettre en évidence le PFRH comme une orientation qui s’est
imposée aux organisations. Elle s’est établie dans leur agenda comme un enjeu vital leur
permettant, d’une part, de voir la GRH se repositionner à un niveau plus stratégique, et d’autre
part de solliciter les managers de proximité comme des leviers de mobilisation des salariés par
le renforcement de leurs relations. Dans cette optique, la transition des rôles des spécialistes
RH a été identifiée comme un déterminant de la réussite du partage. Les organisations dont les
Chapitre 1 - Section 3 : le succès de partage de la FRH : essais de mesure et approche par le gap
65
spécialistes sont parvenus à se positionner en agents du changement et en soutien des managers
seraient celles mettant en place cette orientation le plus efficacement. Mais le rôle des acteurs
n’est pas le seul facteur déterminant du PFRH. Il est apparu que les pratiques ne sont pas
partagées identiquement selon leur nature. Il ressort de la littérature que celles qui comportent
un enjeu stratégique affairant à leur potentiel de création de valeur ou des risques qu’elles
comportent ont tendance à être plus difficilement partagées. Les décideurs feraient donc des
arbitrages sur les pratiques incluses dans le processus. Ces premières réflexions ont également
été l’occasion de mettre en évidence le rôle des SIRH dans cette nouvelle orientation
stratégique. À la fois objet et facteur du développement du PFRH, les SI ont été conçus et
implémentés pour différents usages. Ainsi, le centrage des projets sur leur rôle
transformationnel s’est accompagné par la mise en place des infrastructures en lien avec
l’objectif de partage. Du point de vue des usages de ces systèmes, la littérature pointe les
dimensions technique et organisationnelle comme facteurs explicatifs de l’usage du SI.
Pour rappel, l’objectif de cette recherche est de comprendre les éléments pouvant être mobilisés
pour expliquer le succès de PFRH. Les développements exposés en amont soulignent le
caractère hétéroclite de ses définitions et les différentes perspectives proposées pour en
permettre l’étude. Ce premier chapitre a mis en évidence les éléments de la littérature dressant
les traits du paysage du PFRH. Dans un second chapitre, il conviendra de montrer comment la
mobilisation d’une grille d’analyse mixte permettrait de comprendre le phénomène étudié.
La littérature fait état d’approches théoriques variées pour comprendre le PFRH. La théorie des
ressources (Wernerfelt 1984 ; Barney 1991)16, par exemple, est mobilisée pour démontrer que
les choix en matière de partage se font dans une logique d’économie des ressources. Elle est
mobilisée par Dany et al. (2008), en particulier, pour mettre en évidence que la recherche
d’économies de ressources peut aboutir à des situations de partage limitant les effets positifs de
l’intégration stratégique de la GRH sur la performance. Cette grille théorique accorde une
importance particulière à la gestion stratégique des ressources au détriment d’autres facteurs
organisationnels et individuels dans l’explication du partage. Pour cette raison, elle n’a pas été
retenue dans le cadre de notre réflexion. Par ailleurs, la théorie de l’échange social (Blau, 1968)
a également été mobilisée dans certains travaux. Elle permet d’établir la norme de réciprocité
16 Wernerfelt, B. (1984), A Resource-Based View of the Firm, cité dans Dany et al. (2008), New insights into the link between HRM integration and organizational performance: the moderating role of influence distribution between HRM specialists and line managers. The International Journal of Human Resource Management, 19(11), 2095-2112.
Chapitre 1 - Section 3 : le succès de partage de la FRH : essais de mesure et approche par le gap
66
comme explication des attitudes individuelles. L’utilisation de cette lecture a permis à
Hutchinson et Purcell (2010), notamment, de montrer que l’engagement des salariés dépendrait
de leur perception concernant le comportement de leurs managers et plus globalement de leur
organisation. Malgré l’intérêt a priori de ce canevas théorique, il apparait qu’il place les
comportements individuels comme des pierres angulaires du phénomène de partage et laisse la
dimension organisationnelle en recul de l’analyse. Une autre grille théorique a particulièrement
été utilisée dans le cadre de travaux sur le PFRH et prend les managers de proximité comme
sujets de recherche. Elle présente l’intérêt particulier de fournir une analyse de l’effet des choix
organisationnels sur la situation globale des managers. La théorie de l’AMO (Ability,
Motivation, Opportunity) met en évidence l’incidence des choix des décideurs sur les capacités,
la motivation et l’opportunité des individus d’adopter un comportement particulier. En matière
de GRH, des travaux récents ont mobilisé cette approche théorique pour expliquer l’incidence
des choix organisationnels sur le succès de PFRH (Bos-Nehles et al., 2013 ; Gilbert et al., 2015 ;
Trullen et al., 2016). Pour autant, la force analytique de cette grille théorique semble, à elle
seule, limitée du fait qu’elle incite à aborder l’effet direct des choix individuels sur les variables
attitudinales. Or, l’intégration de la cohérence des choix organisationnels pourrait s’avérer
pertinente. Dans un second chapitre, nous abordons les cadres théoriques de l’alignement
stratégique et de l’AMO et nous évoquons la pertinence de les mobiliser tous deux au vu de
notre question de recherche.
Chapitre 2 - Section 1. La théorie de l’AMO : un cadre analytique du partage de la FRH
67
Le partage de la fonction ressources humaines : effets de
l’alignement stratégique des choix organisationnels sur l’AMO
Enraciné dans le champ disciplinaire de la psychosociologie, le cadre théorique de l’AMO a été
proposé pour expliquer les effets des choix organisationnels. Dans son esprit initial, il est
proposé par Appelbaum et al. (2000) afin d’expliquer la performance d’une entité. Par la suite,
divers développements ont finalement mis en relation les choix de l’entité et les variables
attitudinales des salariés d’une organisation. La littérature s’est focalisée sur l’explication des
déterminants de l’AMO et leur opérationnalisation pour ensuite tenter de mettre en évidence
les facteurs expliquant le succès de PFRH. Par ailleurs, le modèle de l’alignement stratégique
(Henderson et Venkatraman, 1989a) a été proposé pour montrer comment la cohérence des
choix d’une organisation pouvait en expliquer la performance. Initialement conçu pour étudier
les entités spécialisées dans les nouvelles technologies, il a par la suite été développé dans
différents champs de la gestion. Dans le cadre de la présente recherche, il est envisagé
d’explorer l’articulation de ces deux approches théoriques. Dans une première section, nous
évoquerons la pertinence du recours à l’AMO en présentant ce corpus. Ensuite, nous
introduirons la théorie de l’alignement stratégique et le bien-fondé de sa mobilisation dans
l’objet de la présente recherche.
Section 1 - La théorie de l’AMO, un cadre analytique du succès de partage
de la fonction ressources humaines
Le cadre théorique de l’AMO a été initialement développé pour mettre en évidence les facteurs
explicatifs de la performance de production. Les nombreux travaux utilisant ce cadre trouvent
leur principal fondement dans les réflexions d’Appelbaum et al. (2000) qui interrogent la
manière dont les entreprises américaines se sont adaptées pour être plus performantes dans
l’après-guerre. Dans cette approche, l’analyse porte sur des pratiques mises en place de manière
systémique plutôt qu’individuelle. Initialement, la théorie est développée dans l’objectif
d’améliorer les processus productifs, mais les auteurs mettent en avant la pertinence de
s’intéresser aux pratiques de GRH, car elles permettent d’acquérir les connaissances et les
compétences requises.
Ce cadre se fonde sur la théorie des attentes (Vroom, 1964) qui révèle que la performance au
travail serait le résultat de la combinaison de la capacité (ability) et de la motivation
Chapitre 2 - Section 1. La théorie de l’AMO : un cadre analytique du partage de la FRH
68
(motivation). La capacité est alors une notion fondamentalement inhérente aux connaissances
individuelles en lien avec les tâches à réaliser. Les organisations mettant en place des processus
et des pratiques favorisant ces deux variables montreraient alors une plus grande efficacité
productive. Mais cette approche semble montrer une limite dans son pouvoir prédictif et
notamment du fait de l’absence d’une dimension dans sa modélisation. De nombreuses
observations focalisées sur les seules motivations et capacités individuelles mettent
effectivement en évidence des résultats équivoques. C’est en 1982 que l’influence de
l’environnement est intégrée pour pallier l’insuffisance prédictive de l’approche initiale. Un
modèle amélioré introduit alors une nouvelle variable, « opportunity », afin d’expliquer les
effets de l’environnement et plus particulièrement le rôle direct des choix organisationnels dans
l’intention d’action des collaborateurs (Blumberg et Pringle, 1982).
En 2000, Appelbaum et ses collaborateurs mettent en place un modèle générique qui sera à la
base de nombreux travaux mettant en lien les choix de GRH avec leurs conséquences sur les
variables attitudinales. Cette approche s’inscrit à cheval entre un courant de psychologie
industrielle qui considère le recrutement et le développement des individus (Capacités) comme
de solides prédicteurs de la performance et un courant de sociologie industrielle s’intéressant
davantage à la motivation (Motivation) comme source de performance. Les auteurs proposent
alors que les individus sont plus performants dans leur travail lorsqu’ils disposent des capacités
en lien avec la tâche à réaliser (Capacités), les incitations alimentant le désir d’effectuer cette
dernière (Motivation) et que leur environnement leur offre les possibilités matérielles de la
réaliser (Opportunité).
Appelbaum et al. (2000) s’intéressent particulièrement à un type de pratiques porteuses de
valeur ajoutée et identifient les effets de synergie lorsqu’elles sont déployées ensemble. Ils
définissent alors les systèmes de pratiques de haute performance (High Performance Work
Systems) comme des systèmes permettant, davantage que les autres, « d’inclure les employés
dans les décisions substantives, de les doter de compétences et de mettre en place un système
Chapitre 2 - Section 1. La théorie de l’AMO : un cadre analytique du partage de la FRH
69
d’incitation » (p. 8). La nature de ces pratiques influencerait indirectement la performance
productive par le biais d’un effet sur les comportements individuels (figure 2-1).
Figure 2-1 : L’effet indirect des pratiques de GRH sur la performance productive
Source : Appelbaum et al. (2000)
L’efficacité de ces systèmes de pratiques dépendrait à la fois du choix des pratiques prises
individuellement, mais aussi de la cohérence de ces pratiques entre elles et avec
l’environnement organisationnel. Cette hypothèse posée par Appelbaum et al. (2000) donnera
lieu, par la suite, au développement d’un courant académique portant sur les systèmes de
pratiques RH. Mais cette approche fondée sur les systèmes de pratiques tend à effacer le rôle
des variables individuelles en se focalisant sur une analyse au niveau organisationnel. Pour cette
raison, certaines recherches écartent ce construit de l’analyse (voir Bos-Nehles et al., 2013).
Ces premières réflexions ont permis d’introduire la manière dont les capacités, la motivation et
les opportunités affectent la réussite de nouveaux projets organisationnels. Il convient
dorénavant de voir comment la littérature en GRH conçoit ces variables et d’identifier ensuite,
leurs effets sur le PFRH.
Capacités, Motivation et Opportunités : détermination des
antécédents
Dans les travaux portant sur le PFRH, plusieurs recherches proposent l’étude du rôle de l’AMO
dans l’attitude des managers (e.g. Bos-Nehles et al., 2013 ; Gilbert et al., 2015 ; Trullen et al.,
2016). Certains soulignent que les capacités, la motivation et les opportunités sont trois
concepts perceptuels qui constituent un « empowerment » psychologique (Gilbert et al., 2015,
p. 603). En effet, le développement suffisant de ces trois éléments permettrait de renforcer la
propension des acteurs à agir dans une situation donnée. À l’inverse, un niveau insuffisant
d’AMO pourrait entrainer les individus dans un état de « réticence » (Bos-Nehles et al., 2013,
Chapitre 2 - Section 1. La théorie de l’AMO : un cadre analytique du partage de la FRH
70
p. 862). L’intérêt relatif de ce cadre d’étude se situe dans le déplacement du champ d’analyse.
Alors que les recherches antérieures visaient à expliquer comment la GRH pouvait améliorer
l’AMO des salariés, les variables sont ici abordées comme antécédents explicatifs d’une
variable d’action de GRH. Pour cette raison, ce travail constitue un véritable contrepied au
courant mobilisant l’AMO comme cadre théorique. Les points suivants présenteront les
variables et la manière dont elles ont été étudiées dans la littérature du PFRH.
Afin de préserver la richesse du terme « ability » et des réalités qu’il représente dans les travaux
étudiés, il sera repris dans la suite des développements tel quel ou traduit par la notion générique
de « capacités ». Aussi, contrairement aux variables « capacités » et « opportunités » qui
désignent toutes deux des ensembles pluriels, la variable « motivation » sera systématiquement
désignée au singulier. En effet, il s’agit de s’intéresser au désir qu’ont les managers
d’enclencher un comportement et non aux différents éléments idiosyncrasiques qui les
pousseraient à agir. Pour cette raison, il nous semble que l’usage du singulier est plus approprié
pour son étude dans le cadre de cette recherche.
11. Ability : les capacités individuelles comme variables d’action
Le concept de « ability » peut être appréhendé comme la capacité naturelle ou acquise
permettant à un individu de développer une tâche convenablement (Rothschild, 1999). Elle
recouvre des attributs humains tels que les compétences, l’expérience, les attitudes et le savoir
initial cohérents avec l’accomplissement de ces tâches. Bos-Nehles et al. (2013) précisent cette
définition en l’appliquant au champ de la GRH. Les capacités sont les « compétences en lien
avec la GRH et nécessaires pour mettre en place des pratiques de GRH de manière satisfaisante
sur le champ opérationnel » (p. 864). L’approche présentée ici est plus restrictive puisqu’elle
prend pour objet l’étude les connaissances en action à travers le concept de compétences. Dans
leurs travaux, les auteurs étudient leur impact sur la performance au travail. Cette dernière est
alors appréhendée comme le degré avec lequel les managers produisent les actions attendues
dans le cadre de leurs attributions RH et sont satisfaits de ces actions produites.
Bos-Nehles et al. (2013) retiennent deux types de capacités fondamentalement en lien avec la
mise en place du PFRH avec les managers :
- les connaissances et compétences relatives aux aspects légaux et pratiques de GRH ;
- et les compétences concernant le management du personnel
Chapitre 2 - Section 1. La théorie de l’AMO : un cadre analytique du partage de la FRH
71
Les différentes approches du concept de capacités font donc intervenir deux caractéristiques
principales. La première relève du fait qu’il s’agit d’éléments intangibles directement liés au
capital de savoirs détenus par l’individu et dont la mise en action lui permettrait d’agir en faveur
d’un comportement visé. Les capacités sont donc envisagées comme des ressources permettant
l’action. Le deuxième élément qu’il convient de retenir porte sur la nature des capacités qui
peuvent être différentes et concerner des aspects spécifiques de la GRH, mais également du
management d’équipe. Il semblerait effectivement que le partage de responsabilités RH avec
les managers affecterait leur position en tant que responsables d’équipe et nécessiterait de
réquisitionner les compétences en matière d’encadrement (Bos-Nehles et al., 2013).
Le développement de compétences en matière de GRH est rendu possible par différents moyens
complémentaires. Deux d’entre eux sont particulièrement mis en évidence dans les travaux
relatifs au PFRH. Le premier relève du processus de formation permettant l’acquisition de
connaissances cibles et leur mise en action dans l’organisation du travail définie. Le second
repose sur l’apprentissage par l’expérience et notamment par « l’approche partenariale » dans
laquelle managers et spécialistes déploient conjointement certaines pratiques (Whittaker et
Marchington, 2003, p. 255).
111. L’acquisition des capacités par la formation
D’un point de vue organisationnel, la formation constitue un facteur central de succès de PFRH.
D’une part, les investissements réalisés par les organisations dans l’effort de formation seraient
un indicateur de volonté de partage (Loubes, 1998). D’autre part, il apparait que les difficultés
relatives au déploiement de la formation constitueraient le principal frein au PFRH dans ces
entités (McGovern et al., 1997). Pour cause, les nouvelles attributions RH induisent un
changement dans l’organisation du travail des managers et nécessitent un questionnement sur
l’état des connaissances et des compétences à développer pour mener à bien leur nouveau
mandat. Pour autant, ces nouvelles attributions seraient considérées par les responsables
d’équipe comme tout à fait naturelles puisqu’elles constitueraient un prolongement logique de
la fonction managériale (Cunningham et Hyman, 1999). Cette perception serait alors d’autant
plus prégnante que ces derniers ont l’impression d’être de bons managers. L’auto-efficacité
perçue dans le champ managérial et l’association mentale des attributions RH à ce dernier
permettraient de neutraliser le sentiment de complexité des pratiques RH. La prise en main des
nouvelles attributions serait alors facilitée par le fait que les compétences requises sont
communes avec celles développées dans le cadre de la fonction d’encadrement. Dans une étude
Chapitre 2 - Section 1. La théorie de l’AMO : un cadre analytique du partage de la FRH
72
de cas mobilisant le ressenti de 13 managers, Whittaker et Marchington (2003) confirment que
les managers ont tendance à accepter facilement leurs nouvelles attributions RH et ne se sentent
pas particulièrement en difficulté en ce qui concerne leur niveau de maîtrise des connaissances
nécessaires.
Mais ce résultat doit toutefois être nuancé en deux points. Premièrement, il n’est pas valable
pour l’ensemble des champs de GRH. Ceux qui demandent une expertise importante du fait de
la prédominance d’aspects réglementaires ou d’une complexité formelle (e.g. la sécurité au
travail, l’évaluation au travail, la gestion des contrats) ne sont pas maîtrisés. Pour cette raison,
les managers refusent d’emblée de les accepter dans leur périmètre fonctionnel. En effet, dans
une analyse coûts-bénéfices, ces deniers conçoivent leurs nouvelles attributions comme le
moyen d’enrichir leur travail et de renforcer le lien avec leurs collaborateurs. Parallèlement, ils
opèrent un choix sur les activités qui ne sont pas trop consommatrices de temps et d’efforts
d’apprentissage. Il semblerait également que ces arbitrages en fonction du niveau d’expertise
requis soient également fondés sur des éléments davantage politiques. Les managers ne veulent
pas voir leur métier comportant une dimension technique et opérationnelle importante se diluer
et faire d’eux des « consultants internes » (Whittaker et Marchington, 2003, p. 254). Ce résultat
semble converger avec les développements précédents mettant en évidence les choix
organisationnels comme facteur segmentant des pratiques selon leur nature. Ici, la segmentation
semble davantage relever de perceptions individuelles sur la capacité à maîtriser certains types
de pratiques.
Un deuxième point de vigilance à porter concernant ces observations tient aux caractéristiques
structurelles de la population étudiée. Effectivement, la recherche de Whittaker et Marchington
(2003) porte sur des managers expérimentés (senior managers) dont le temps passé au sein de
l’organisation est une ressource leur permettant plus facilement d’accepter de nouveaux
changements et leur a même permis de développer antérieurement ces compétences de GRH de
manière informelle.
Mais la formation des individus constitue un enjeu stratégique tant sur le plan organisationnel
qu’individuel. Ceci pourrait expliquer qu’elle soit abordée d’une manière contreproductive.
L’impératif d’optimisation des ressources au niveau de l’organisation et la logique coûts-
bénéfices intégrée par les managers amènent les parties à faire des arbitrages potentiellement
décalés avec l’objectif de PFRH.
Chapitre 2 - Section 1. La théorie de l’AMO : un cadre analytique du partage de la FRH
73
Au niveau des acteurs, McGovern et al. (1997) montrent que les différentes restructurations et
la perception de changements continus poussent les managers à adopter des attitudes de
résistance face au développement de nouvelles compétences. Celle-ci s’inscrit plus globalement
dans un comportement de rejet de leurs nouvelles responsabilités. Dans ce cadre, les
responsables d’équipe mettent en place des initiatives pour rediriger le contenu des formations
en faveur de compétences qu’ils maîtrisent déjà, ou du moins qui en sont proches. Sur le plan
organisationnel, les auteurs soulignent également l’existence de contraintes qui empêchent, de
manière consciente ou involontaire, le processus de développement des compétences en faveur
d’un PFRH. Deux sources de pressions sont alors identifiées. Premièrement, le renforcement
institutionnel mène les organisations à être centrées sur l’objectif de performance productive.
Les efforts de formations pour soutenir cette finalité pourraient alors être surreprésentés dans
les choix de développement des compétences effectués. Deuxièmement, les auteurs évoquent
les logiques temporelles concurrentes. Ils montrent que la focalisation sur des projets de court
terme implique une faible incitation de l’organisation au développement RH. Cet effet structurel
pourrait alors influencer le développement des compétences RH qui ne font pas partie des
priorités. Cette concurrence des orientations a également été soulignée par Loubes (1998). Dans
ses travaux, l’auteur montre que la formation constitue un véritable enjeu basé sur la gestion de
la divergence entre les besoins stratégiques de l’organisation et les attentes opérationnelles des
collaborateurs. La concurrence de fait qui existe entre les logiques stratégique et opérationnelle
crée des configurations où le développement des compétences RH est rendu difficile. Cette
observation est d’autant plus prégnante que les contenus et les modalités des formations sont
intégrés dans des plans de formation. Ces documents centralisés au niveau des sommets
décisionnels intègrent l’ensemble des besoins organisationnels et réalisent une hiérarchie des
priorités.
112. L’acquisition des capacités par la relation partenariale
Le rôle des spécialistes RH a été mis en évidence comme un facteur central du partage effectif
de la FRH (Whittaker et Marchington, 2003). La disponibilité et le support de ces derniers
permettraient de rendre les responsables d’équipe autonomes sur les activités où ils agissent
seuls. La définition des modalités d’intervention des spécialistes semble alors être un élément
critique du PFRH puisqu’il réduirait le risque de dépendance de certains managers à l’appui de
la DRH. L’incidence du soutien des gestionnaires RH a également été soulignée dans des
travaux mettant en évidence le manque de confiance en soi ressenti les par managers concernant
leur propension à agir. Dans ce cadre, consulter un expert lorsqu’une situation est jugée
Chapitre 2 - Section 1. La théorie de l’AMO : un cadre analytique du partage de la FRH
74
problématique est un moyen de se protéger et de limiter les risques psychologiques liés aux
erreurs potentielles. Ce constat est particulièrement saillant dans certains champs de la GRH
tels que la gestion disciplinaire où le recours aux spécialistes RH permet à la fois de protéger la
relation du manager avec son équipe, mais aussi de réduire les risques liés à de mauvaises prises
de décisions (Hunter et Renwick, 2009). Cette façon d’agir aboutirait à transformer les
managers en de véritables « clients internes » (p. 457). De cette manière, les managers se
sentent plus confiants pour mettre en place les pratiques RH. Ils recourent alors massivement à
la disponibilité et la flexibilité des spécialistes, profitant de ce que Trullen et al. (2016)
désignent comme une « une politique de la porte ouverte » (p. 457). Plus particulièrement, la
présence physique des spécialistes RH sur les sites de production permettrait aux managers de
se former par les échanges et les questionnements, mais elle est aussi l’occasion de déployer,
de manière plus sécuritaire, des pratiques qu’ils n’avaient pas pu ou voulu aborder auparavant.
Le soutien des experts dans le processus de formation peut prendre d’autres formes dont la
manière la plus basique est de fournir des supports matériels comme des manuels ou des boites
à outils (Trullen et al., 2016). En général, ces supports fournissent une documentation technique
et des indications sur la manière d’opérer. Il est également commun de mettre en place une
formation avant le lancement d’une nouvelle pratique. La transmission des supports permettrait
de constituer un élément tangible sur les enseignements techniques qui ont été dispensés, mais
aussi, et surtout, ils permettent de matérialiser les interventions physiques et plus globalement
le soutien apporté par les spécialistes. En ce sens, ces documents constitueraient un élément de
preuve en cas de remise en cause de l’accompagnement proposé par le passé. Il convient
toutefois de souligner que la mise à disposition de supports peut aboutir à des résultats
contreproductifs dès lors qu’ils sont perçus comme inutilement complexes ou trop exhaustifs.
La complexité perçue du support peut effectivement aboutir à l’idée que les documents sont
distribués de manière instrumentale dans une optique de justification par les RH de leur
intervention (Trullen et al., 2016). Cette perception, potentiellement néfaste sur l’attitude des
managers en situation de PFRH, est d’autant plus forte que les échanges physiques avec les
spécialistes RH sont limités. La mise en place des documents devrait également s’accompagner
d’une intervention réelle par la DRH pour montrer que ces supports s’inscrivent dans une
véritable politique de soutien aux agents du réseau opérationnel.
Chapitre 2 - Section 1. La théorie de l’AMO : un cadre analytique du partage de la FRH
75
Les travaux présentés dans ces deux premiers points suggèrent finalement que la formation et
la relation partenariale sont deux composantes intervenant dans le développement des capacités
(figure 2-2).
Figure 2-2 : Synthèse des déterminants des capacités de partage de la FRH
Source : auteur de la thèse
12. Motivation : la motivation externe comme antécédent du partage de la
fonction
Dans le cadre de la théorie de l’AMO, la motivation est exprimée par le désir d’agir. Appliquée
au phénomène de PFRH, elle est définie comme « le désir et la volonté des managers de
proximité de déployer des tâches RH » (Bos-Nehles et al., 2013, p. 865). Elle comporte une
dimension interne et externe (Marin-Garcia et Tomas, 2016). Les dimensions externes sont liées
à des incitations telles que des gains économiques, souvent associés à un horizon de court terme
alors que les facteurs internes émanent plutôt de valeurs et intérêts individuels. En situation de
PFRH, les managers porteraient peu d’intérêt aux incitations internes et seraient plus sensibles
à celles mises en place par l’organisation (Brewster et Larsen, 2000). Certains travaux ont alors
porté sur l’identification des facteurs de motivation et leurs impacts sur l’attitude du manager
dans ce contexte de partage. Ils mettent en évidence deux principaux facteurs : le rôle de la
valorisation par l’organisation des nouvelles responsabilités (Brandl et al., 2009 ; Harris et al.,
2002 ; McGovern et al., 1997 ; Whittaker et Marchington, 2003) et le développement
d’interactions sociales valorisantes avec les spécialistes RH (Currie et Procter, 2001 ; Heraty et
Morley, 1995 ; Renwick, 2003 ; Watson et al., 2006 ; Whittaker et Marchington, 2003).
121. Le rôle de la valorisation des nouvelles attributions
La valorisation des nouvelles attributions des managers constitue un moyen d’en reconnaitre
l’importance. Les travaux de Renwick (2003) montrent que lorsque le climat organisationnel
est orienté vers des objectifs du PFRH, la mise en place des pratiques serait plus efficace. La
Chapitre 2 - Section 1. La théorie de l’AMO : un cadre analytique du partage de la FRH
76
définition d’incitations fondées sur la réalisation de ces objectifs favoriserait les efforts des
managers dans leur implication en matière de GRH. De la même manière, lorsque les pratiques
RH sont pleinement intégrées dans le management et que des comptes sont demandés aux
managers, ces derniers seraient davantage investis (Watson et al., 2006). Pourtant, McGovern
et al. (1997) montrent que les nouveaux rôles RH des managers ne sont que rarement inclus
dans les critères de performance. Ces derniers seraient davantage évalués sur l’atteinte de leurs
résultats de production. Or, dans des configurations où les managers ont l’impression que leurs
responsabilités dépassent les ressources à disposition, ces lacunes dans la reconnaissance des
contributions en matière de GRH sont identifiées comme affectant la motivation externe. Ce
décalage les amènerait à mettre en place des priorités dans leurs missions et à négliger leurs
attributions RH étant donné leur non-intégration dans les éléments de valorisation (Harris et al.,
2002 ; McGovern et al., 1997). Cette compétition des priorités amènerait les managers à
relativiser l’importance de leurs responsabilités RH et cela d’autant plus que la valorisation de
la GRH est insuffisante. Par ailleurs, le manque de formalisation les empêcherait de voir les
effets de leur implication en matière RH sur leur contexte professionnel, et ce, même si des
rétributions sont mises en place par l’organisation (Whittaker et Marchington, 2003). Ce
résultat souligne donc l’importance de la formalisation sur le contenu de leur implication en
matière de GRH et des rétributions qui sont proposées en retour. Plus précisément, les actions
de valorisation par la communication auprès des managers ont été mises en avant par Brandl et
al. (2009) comme un élément impactant la désirabilité des tâches par ces derniers. La mise en
place effective des tâches par les managers passerait nécessairement par le développement de
leur intérêt à l’égard de celles-ci. Ils montrent que dans un contexte de division entre les
spécialistes RH et les managers, un travail insuffisant sur les perceptions qu’ont ces derniers de
certaines tâches RH favoriserait l’émergence de tâches populaires (celles qui seraient orientées
sur le développement du bien-être du personnel, par exemple) et impopulaires (celles axées sur
le règlement des conflits, par exemple). La communication auprès des managers constituerait
donc un activateur du PFRH, mais aussi un indicateur du niveau de ce dernier (Loubes, 1998).
Les modalités de partage de l’information sont effectivement perçues par les managers comme
un signal envoyé par l’organisation sur la volonté de collaborer avec eux et de les impliquer
réellement dans le champ.
Chapitre 2 - Section 1. La théorie de l’AMO : un cadre analytique du partage de la FRH
77
122. Les effets de la qualité et de la réciprocité relationnelles sur la
motivation
La question de la relation a été soulevée dans une étude de Purcell et Hutchinson (2007) qui
mettent en évidence son rôle modérateur dans le PFRH. Ils montrent que la mise en place de
pratiques RH de mauvaise qualité entraine un effet négatif sur la volonté des managers de
s’impliquer en matière de GRH. Cependant, la perception d’un comportement de leadership
participerait à compenser la mauvaise qualité du système de pratique et favoriserait
l’implication des managers dans la FRH. Ce dernier est défini comme « l’ensemble des
comportements visant à influencer et donner la direction » (p. 3). Les auteurs concluent alors
que les managers perçoivent les pratiques et l’accompagnement comme un engagement de
l’organisation. Lorsque cette dernière introduit des pratiques inefficaces, mais les compense par
des comportements jugés favorables, les managers perçoivent cette situation comme un signal
positif et développent une attitude à l’encontre de ces pratiques. De manière réciproque, les
effets de pratiques RH de qualité peuvent être annulés par une relation jugée médiocre. Dans
ces cas, les managers refuseraient d’adopter leurs nouvelles responsabilités de manière
volontaire. Ces résultats mettent alors en évidence l’alignement entre la qualité des pratiques et
RH et l’accompagnement apporté par l’organisation comme un prédicteur de l’attitude des
managers à l’égard de la FRH.
Dans un autre contexte, l’étude des interactions entre managers et spécialistes RH mène
Renwick (2003) à conclure à l’existence d’un partenariat. Ce dernier reposerait sur un principe
de réciprocité de nature asymétrique et souvent informel. Le partenariat reposerait sur les
attentes des managers qui, lorsqu’ils s’investissent dans la FRH, attendent des spécialistes qu’ils
s’investissent également dans les problématiques que rencontrent les responsables d’équipes
dans le cadre plus général de leur métier. Il s’agirait d’un contrat psychologique informel qui
permettrait d’expliquer l’attitude de ces derniers lors de leurs interactions avec les membres de
la DRH. Mais Renwick (2003) montre que l’exigence de réciprocité s’applique à des champs
plus précis de la relation entre les deux parties. Il y a une tendance à ce que les spécialistes RH
soient positionnés à des niveaux hiérarchiques plus élevés que les managers de proximité et
définissent les objectifs en matière de GRH qui doivent être atteints par ces derniers. Dans
certains cas, l’atteinte de ces réalisations est évaluée et intégrée dans des systèmes de
rétribution. L’auteur montre alors que les managers formulent en retour des attentes en matière
de qualité de service rendu par les spécialistes. Ces attentes peuvent être de nature et d’ampleurs
variées (e.g. transparence dans les processus, disponibilité en cas de besoin, rapidité de
Chapitre 2 - Section 1. La théorie de l’AMO : un cadre analytique du partage de la FRH
78
réponse), mais constituent une dimension de la qualité de la relation entre les deux parties. La
mise en place d’une investigation sur les attentes permettrait ainsi au département RH
d’intervenir sur la motivation des managers, et ce à deux niveaux. Un premier niveau tient à
l’intérêt de l’organisation perçu par les responsables d’équipe. Un second niveau a trait à la
satisfaction directe de ces attentes.
Ces développements montrent donc les effets potentiels des incitations positives et de la qualité
de la relation sur la motivation à partager la FRH (figure 2-3).
Figure 2-3 : Synthèse des déterminants de la motivation de partage de la FRH
Source : auteur de la thèse
13. Opportunity : la définition des conditions de partage de la fonction
La manière dont est considérée l’opportunité dans la littérature de l’AMO et pour le peu
équivoque. Certains auteurs la considèrent comme le design de la position de travail et
l’empowerment des acteurs (Lepak et al., 2006). Elle représenterait les possibilités offertes aux
acteurs d’agir. D’autres soulignent des activateurs environnementaux ou contextuels de
comportement productifs comme la quantité nécessaire de ressources pour réaliser une tâche,
les distractions physiques des collaborateurs en milieu de travail ou encore le niveau de menace
présent dans l’environnement (Stajkovic et Luthans, 1998). En contexte de PFRH, l’opportunité
peut être appréhendée comme « l’ensemble des circonstances qui rendent possible la
réalisation de quelque chose » (Bos-Nehles et al., 2013, p. 865). Elle représente non seulement
les « avenues » laissées par l’organisation pour permettre aux managers d’agir, mais aussi la
mise en place d’un soutien de l’organisation favorisant le déploiement des activités RH (p. 862).
La volonté de l’organisation de développer la participation devrait s’accompagner par la mise
en place de moyens tout en réduisant la distance entre les managers et les spécialistes RH. Pour
Bos-Nehles et al. (2013), l’opportunité doit être considérée comme un ensemble de contraintes
opérationnelles et situationnelles. Dans cette optique, plusieurs facteurs permettraient de la
Chapitre 2 - Section 1. La théorie de l’AMO : un cadre analytique du partage de la FRH
79
développer : des conditions matérielles favorables, la formalisation en tant que moyen de
clarification des rôles, le soutien organisationnel et les choix d’articulations des processus de
travail.
131. L’effet de la définition des conditions matérielles
La capacité de l’organisation à concevoir le PFRH comme une pratique intégrant les contraintes
et les besoins de l’ensemble des acteurs a été identifiée comme un élément crucial de sa réussite.
L’intégration de responsabilités RH dans le périmètre fonctionnel des managers a été identifiée
par ces derniers comme une évolution naturelle de leur métier (Renwick, 2003). Bien que ces
nouvelles prérogatives semblent compatibles avec celles liées aux champs de la production et
du management, elles seraient consommatrices de temps et entreraient en concurrence avec les
autres activités des managers. Par conséquent, l’intégration des responsabilités RH sans regard
de l’ensemble de l’activité des managers pourrait les amener à l’incapacité d’accomplir leurs
tâches fonctionnelles (Whittaker et Marchington, 2003). Dans de nombreux cas, l’intégration
de la GRH dans l’activité des managers ne s’est pas faite avec la mobilisation de moyens, de la
formation, et de l’allocation de temps supplémentaire. En l’absence d’une véritable réallocation
des ressources en contexte de PFRH, les managers se sentant démunis opèrent un arbitrage dans
leurs attributions fonctionnelles en défaveur des activités liées à la GRH (Hunter et Renwick,
2009).
Pour Whittaker et Marchington, (2003) l’évolution de la fonction managériale doit s’inscrire
dans une réflexion plus globale articulée autour de la recherche de nouveaux équilibres. Dans
le cas contraire, le déploiement de trop nombreuses responsabilités RH sur le plan managérial
alimente le risque que les problématiques RH ne soient pas prises en main correctement. Cela
pourrait également freiner l’intégration dans les priorités opérationnelles ou qu’elles génèrent
des hétérogénéités dans leur déploiement. Inversement, une rétention trop importante de ces
responsabilités au sein des spécialistes RH présente un risque d’appropriation insuffisante par
les managers et finalement une application insuffisante dans les actions de l’organisation.
132. La formalisation des règles et procédures
La formalisation peut être définie comme « la mesure avec laquelle les procédures écrites
communiquant avec les résultats et les comportements désirés existent et sont
utilisées » (Bodewes, 2002, p. 219). À travers la notion de mesure, cette définition établit la
formalisation comme un processus graduel. En matière de GRH, le concept a été défini par « le
nombre de politiques et pratiques de GRH existantes en lien avec ces dernières, et par
Chapitre 2 - Section 1. La théorie de l’AMO : un cadre analytique du partage de la FRH
80
l’utilisation similaire, mais différente de listes de politiques de GRH qui identifient les différents
niveaux de formalité (à la fois en nombre et en qualité), qui sont originaires de différentes
sources » (Hunter et Renwick, 2009, pp. 399-400).
Ainsi, il s’agit dans un premier temps de la production matérielle d’un ensemble de procédures
supposées alignées avec les objectifs de l’organisation. Dans un second temps, la formalisation
a trait à la mise en place effective des processus visés par ces dernières. Les disparités pouvant
naitre entre le stade du discours et celui de la réalité ont toute leur importance. Dans certains
cas, bien que l’implémentation du PFRH puisse être qualifiée de formelle par l’existence de
règles et de procédures nombreuses, le recours limité à ces dernières et leur contournement
mènent à la conclusion que l’orientation est en réalité non formalisée (Hunter et Renwick,
2009). La formalisation est un objet qui a suscité d’importantes discussions dans les travaux sur
le PFRH. Alors que certains défendent le point de vue de l’effet structurant et homogénéisant
de la formalisation sur les comportements des managers, d’autres mettent en avant les limites
posées par ce processus rigidifiant. Finalement, la formalisation pourrait intervenir sur les
opportunités PFRH à travers un effet de complémentarité des structures formelles et
informelles.
L’effet structurant de la formalisation
Le caractère structurant de la formalisation a particulièrement été mis en avant dans une étude
de Payre (2017) qui met en évidence le rôle de la production d’un cadre dans la prise en main
des responsabilités RH par les managers d’une PME. Tout d’abord, l’absence de formalisation
pourrait être justifiée par l’organisation par le manque d’intégration de la GRH dans les
préoccupations prioritaires des dirigeants. Cette absence de formalisation agirait ensuite à deux
niveaux.
Du point de vue de l’organisation, il apparait que les dirigeants ont tendance à considérer la
FRH comme secondaire par comparaison aux activités dites productives. De ce fait, ils vont en
relativiser son importance. Cette posture limite l’intégration stratégique de la fonction et relègue
au second plan les pratiques d’accompagnement des managers dans leurs responsabilités RH.
Elle réduirait la propension des organisations à mener des actions de développement de
compétences.
Du point de vue des managers, ceux qui sont exposés à un tel contexte laisseraient apparaitre
des difficultés de positionnement par rapport à leur style de management et à la manière dont
ils doivent mettre en place les pratiques. La formalisation du « mandat hiérarchique du
Chapitre 2 - Section 1. La théorie de l’AMO : un cadre analytique du partage de la FRH
81
manager » contribuerait à fixer son périmètre d’activité et lui permettrait la représentation de
son positionnement dans l’organigramme, de son champ d’action et de son degré d’autonomie
(Payre, 2017, p. 67). La formalisation agirait également en réduisant les écarts entre les
pratiques mises en place et participerait à l’homogénéisation de l’état de la FRH dans les
différentes unités ou services. Ces mécanismes seraient encore plus prégnants en période de
changements organisationnels. En effet, dans un contexte d’incertitudes et de dilution des
repères, la matérialisation des règles et des procédures écrites permettrait au personnel
d’identifier les priorités de l’organisation (Ramus, Vaccaro et Brusoni, 2017). La formalisation
serait alors un processus dynamique permettant l’accompagnement en période de mutation
organisationnelle.
L’effet limitant de la formalisation
Les travaux sur la formalisation mettent également en évidence un effet contraignant du
processus. L’étude menée par Hutchinson et Purcell (2010) montre que les rôles qui sont
effectivement mis en place dans les organisations n’émanent que très rarement des règles et des
procédures écrites. Les rôles adoptés sont identifiés comme le résultat de comportements
discrétionnaires dont la nature dépend du design et de la variété des pratiques qui sont
implémentées dans l’organisation. Lorsque leur fonction est peu encadrée, les managers sont
laissés libres de développer leurs propres dispositifs. A contrario, la mise en place d’outils, de
techniques et de procédures imposés limite leur capacité à improviser dans la gestion du
personnel et à faire émerger des pratiques qui peuvent être potentiellement bénéfiques pour
l’organisation.
Par ailleurs, Hunter et Renwick (2009) montrent que les choix en matière de formalisation ne
sont pas sans conséquence sur le rapport des managers avec leur équipe. Les contraintes
exercées sur les choix de management peuvent effectivement aboutir à la réduction des marges
de manœuvre et à la détérioration des relations interpersonnelles. En effet, le manque de
flexibilité génèrerait une incapacité à développer des pratiques et à résoudre les problématiques
de manière adaptée aux spécificités de la situation. Ces rigidités sont mises en avant pour
expliquer la dégradation de la relation que les collaborateurs ont avec leurs managers et
contribueraient à l’insatisfaction de ces derniers à l’égard de la FRH. Dans certains cas, la
formalisation est identifiée comme une contrainte à l’efficacité managériale des managers
(Hunter et Renwick, 2009). La complexité qu’implique le respect de règles et de procédures
peut expliquer la difficulté qu’éprouvent les managers à développer un rôle significatif dans
Chapitre 2 - Section 1. La théorie de l’AMO : un cadre analytique du partage de la FRH
82
leur nouveau mandat de gestionnaire RH. Pour contourner les problématiques liées à la
sophistication intensive des procédures, les managers recourent à l’entre-aide avec leurs pairs.
La complémentarité des processus formels et informels
En situation particulière de PFRH, il se pourrait que les aspects formels et informels de la mise
en place des pratiques se couplent pour constituer un système de production de règles plus
efficace. Dans une recherche menée auprès de PME, Hunter et Renwick (2009) montrent que
ces deux dimensions constituent des sources complémentaires d’information des managers. Ils
qualifient cet aspect combinatoire comme un « couple ». Il s’agit effectivement de systèmes
constituant deux « routes alternatives » et contribuant à la même finalité : la mise en place de
la GRH (Hunter et Renwick, 2009, p. 407). Cette complémentarité est d’autant plus forte qu’il
s’agit combiner des savoirs codifiés permettant de se conformer à la GRH (source formelle) et
à une source de savoirs tacites émanant de comportements observés (source informelle). Cette
dernière forme fait référence à l’apprentissage par l’expérience que Brewtser et al. (1992) ont
évoqué pour souligner le caractère informel de la formation des managers en GRH.
L’apprentissage formel, quant à lui, est mis en place à travers des programmes de
développement du management, axé sur le développement personnel, la prise de décisions et
l’endossement de responsabilités. Cet aspect de l’information est particulièrement important
pour l’organisation, car il permet de développer et de renforcer son rôle d’accompagnement
auprès du personnel. Dans ce contexte, les entités qui mettent en place une structure formelle
suffisante seraient celles qui bénéficient de plus grande légitimité et d’une confiance plus
importante auprès de leur personnel. Pourtant, Hunter et Renwick (2009) insistent sur le fait
que le développement disproportionné d’une structure formelle aboutirait à une rigidification
de l’organisation avec une intégration insuffisante de l’information par les destinataires. En
revanche, une structure trop informelle aboutirait à la production incontrôlée d’informations et
à la perception que l’organisation est absente. Ils proposent alors le développement d’une
formalisation équilibrée intégrant les structures formelle et informelle selon les besoins de
l’organisation. La prise en compte de l’environnement et la mise en place d’une structure
adaptée permettraient d’offrir à la gestion opérationnelle souplesse et efficacité dans la mise en
place des pratiques RH.
133. Le soutien des spécialistes ressources humaines
Dans une section précédente, des développements ont été mis en évidence pour souligner le
rôle du soutien des spécialistes RH dans le développement des capacités des managers. Ce
Chapitre 2 - Section 1. La théorie de l’AMO : un cadre analytique du partage de la FRH
83
dernier permettrait alors aux managers d’acquérir des capacités en lien avec le PFRH. Ce
soutien n’intervient pas uniquement dans la phase de formation des managers, mais aussi à
travers l’expérience plus générale des managers en contexte de gestionnaires RH.
Heraty et Morley (1995) montrent à ce sujet que la manière dont le département RH met en
place une configuration où les managers peuvent agir de manière autonome constitue un
message positif envoyé à ces derniers. La façon dont sont distribués les responsabilités et les
protocoles de décision favorise la confiance perçue. Ainsi, les auteurs montrent que les champs
ne sont pas identiquement partagés avec les managers. Le champ de la formation, par exemple,
dont les aspects de développement ou bien de formulation des politiques ont tendance à être
saisis par les spécialistes seuls. Ces éléments, considérés comme particulièrement stratégiques,
ont tendance à être exclus du périmètre d’action des managers. Or, ces derniers considèrent que
leur niveau d’intervention en matière de GRH doit se situer à la fois sur le plan stratégique et
opérationnel. D’ailleurs, Watson et al. (2006) montrent que le niveau d’action stratégique des
managers influence leur perception quant à leur niveau de responsabilité dans le management
des hommes et dans la GRH. Plus ils interviendraient dans des décisions stratégiques et plus ils
auraient l’impression d’être associés dans la gestion des hommes.
Mais le soutien apporté par les spécialistes RH ne se limite pas à la seule confiance dans le
processus de partage de responsabilités. Il prend une forme différente en aval de la prise en
main des pratiques RH par les managers. L’attribution de responsabilités RH a effectivement
tendance à renforcer le lien entre ces derniers et leurs collaborateurs. Mais cette proximité
comporte également le risque de rendre la résolution des conflits plus difficile (Watson et al.,
2006). C’est dans ce contexte qu’émergent de nouvelles attentes relatives au soutien
organisationnel dans les décisions prises auprès des collaborateurs. Lorsque des décisions font
l’objet de contestations, l’absence de soutien formel tend à susciter un sentiment de trahison.
Cette posture, interprétée comme un désaveu, favorise alors l’impression d’être « pris en
sandwich » et modifie négativement l’attitude des managers à l’égard d’une collaboration
future (McConville et Holden, 1999). Dans les réflexions portant sur l’incidence du soutien
perçu, Watson et al. (2006) livrent une observation particulièrement intéressante. Ils suggèrent
que cette perception pourrait être influencée par le niveau hiérarchique du responsable d’équipe.
Les managers stratégiques seraient davantage convaincus que les spécialistes RH leur apportent
un soutien dans leur GRH. Cette perception relèverait alors à la fois de l’auto-efficacité perçue,
mais aussi du sentiment d’être appuyé par la direction dans les décisions. Ces résultats présentés
Chapitre 2 - Section 1. La théorie de l’AMO : un cadre analytique du partage de la FRH
84
par Watson et al. (2006) comportent l’intérêt de souligner le rôle du niveau stratégique sur la
perception des managers concernant leurs relations avec les spécialistes RH. Or, rien ne permet
de conclure si cette divergence de perceptions est liée à leur position dans la ligne managériale
où s’il s’agit réellement d’un traitement différencié de la part des experts RH.
Du point de vue des spécialistes RH, l’étude du soutien apporté au manager laisse également
apparaitre des résultats intéressants. La difficulté à mobiliser ces experts sur les enjeux du
PFRH a été mise en évidence comme une cause centrale de leur soutien insuffisant. Certains
travaux montrent que le manque de préparation des spécialistes aux mutations induites par le
partage débouche sur le développement de mécanismes de résistance de ces derniers (Hall et
Torrington, 1998 ; Harris et al., 2002 ; Manz et al., 1990). Le transfert de responsabilités et de
pouvoirs décisionnels serait perçu comme une dépossession. Les spécialistes RH seraient alors
dans la crainte de se voir retirer une partie enrichissante de leur activité. Mais le phénomène de
résistance pourrait trouver une autre explication. Kulik et Brainbridge (2006) montrent que les
responsables RH estiment que leur fonction nécessite une expertise dont les managers ne
peuvent pas se prévaloir. Dans ces conditions, ils considèrent que transférer les activités et
centres de décisions aux responsables d’équipe comporterait un risque de dilution de la fonction
et en favoriserait l’éclatement. Dans cette configuration, les spécialistes RH seraient amenés à
entraver le partage de la fonction en réduisant l’autonomie des managers. Les modalités de
communication de l’information et de définition des procédures viseraient alors à maintenir la
dépendance des managers et à les empêcher de s’emparer de leurs nouvelles attributions.
134. Les choix d’articulation des processus de travail
Partant du postulat que les rôles des acteurs pouvaient avoir un impact sur le succès du PFRH,
certains auteurs se sont intéressés à la manière dont les modalités de partage pouvaient impacter
la mise en place effective des pratiques RH.
Dans leurs travaux, Thronhill et Saunders (1998) mettent en évidence une configuration bien
particulière. Ils se sont demandé ce que seraient les résultats si les managers étaient les seuls
gestionnaires RH. Ils ont donc mené une étude de cas dans laquelle les spécialistes RH
s’effacent pour donner l’entière responsabilité de la GRH aux managers. Leurs résultats sont
pour le moins surprenants. Ils montrent que l’absence de désignation d’un rôle de spécialiste
RH a un impact négatif sur la capacité de la DRH à atteindre une dimension stratégique. Qui
plus est, elle entrainerait des effets négatifs sur la flexibilité et la qualité de l’organisation de la
FRH. Dans cette configuration, l’absence de ligne directrice RH amène les managers à agir
Chapitre 2 - Section 1. La théorie de l’AMO : un cadre analytique du partage de la FRH
85
selon des schémas qu’ils jugent appropriés, mais qui sont finalement contreproductifs.
L’absence de spécialistes RH empêcherait la mise en place d’une structuration des actions et
aboutirait à une configuration sclérosée. Les managers, ne sachant pas où trouver de références
sur la manière de déployer les pratiques, se fient à des structures informelles d’information et
de formation et montrent une prudence qui les empêche d’agir efficacement. Pour ces raisons,
les auteurs de la recherche concluent que ce type de configurations conduit à un risque
manifeste d’échec de PGRH. Ces résultats soulignent alors l’aspect crucial d’identifier un
département ou un individu ayant une fonction d’expertise RH. Même s’il se base sur une
situation extrême (délégation totale de la FRH), ce travail souligne que la définition des
responsabilités est un déterminant du succès de partage. Les résultats de cette recherche
suggèrent alors un questionnement : existerait-il une configuration qui permettrait d’optimiser
les résultats du PFRH ?
Cette question a été soulevée par Dany et al. (2008) dans une recherche quantitative menée
auprès de 742 entreprises européennes de plus de 200 salariés. Les auteurs étudient l’impact de
l’intégration de la GRH sur la performance organisationnelle. Ils proposent de voir si la manière
dont sont distribués les pouvoirs de décisions entre les managers et les spécialistes joue un effet
modérateur sur la performance. Leur recherche met en évidence l’existence d’une répartition
idéale des responsabilités RH dans l’organisation (figure 2-4). Plus particulièrement, ils
montrent que l’intégration stratégique des RH contribue plus faiblement à la performance
organisationnelle lorsque les spécialistes RH ont une influence trop faible ou trop forte dans les
décisions concernant de pratiques RH centrales. La distribution de l’influence sur le pouvoir de
décisions entre spécialistes managers aurait des effets positifs sur la performance uniquement
lorsque la FRH est partagée entre les deux parties. Dans ce contexte, ils identifient quatre
situations possibles : les managers décident seuls (1), les managers décident en consultation des
spécialistes (2), les spécialistes décident en consultation des managers (3), les spécialistes
agissent seuls (4). L’étude débouche sur la détermination d’une configuration optimale
correspondant à une prise de décisions par les spécialistes RH en consultation avec les
managers. Conformément aux résultats des travaux de Thronhill et Saunders (1998), la situation
où les managers décident seuls est la plus défavorable, et ce, pour des raisons similaires aux
travaux cités précédemment. Dany et al. (2008) montrent à travers cette recherche que laisser
les experts comme seuls décisionnaires aboutirait à une situation également défavorable du
point de vue de la performance. Cela s’explique par le fait que les managers acceptent
difficilement des pratiques et décisions qui leur paraissent imposées. Les configurations
Chapitre 2 - Section 1. La théorie de l’AMO : un cadre analytique du partage de la FRH
86
fondées sur le partenariat, quant à elles, aboutissent à des résultats plus satisfaisants. En cela,
cette recherche constitue un nouveau fondement du PFRH comme une priorité de la GRH.
Figure 2-4 : Effet de la distribution de l’influence sur le lien intégration-performance
Source : Dany et al. (2008, p. 2108)
Contrairement aux principaux travaux de la littérature sur la répartition des rôles en matière de
GRH, il se détache de ces résultats que le PFRH doit nécessairement impliquer un rôle
prédominant des spécialistes dans la définition de la stratégie et dans la mise en place des
pratiques. Ce résultat s’explique par le caractère particulièrement complexe de certaines
activités telles que la gestion culturelle des équipes ou la législation du travail, mais aussi par
l’effet structurant du rôle des spécialistes qui définissent les pratiques dans une perspective
stratégique. Ces activités requièrent des compétences et une expertise que les managers ne
peuvent développer dans le cadre des contraintes qui leur sont imposées (temps, charge de
travail).
Pour conclure, les travaux abordés dans ce point mettent en évidence quatre principales
composantes des opportunités (figure 2-5).
Chapitre 2 - Section 1. La théorie de l’AMO : un cadre analytique du partage de la FRH
87
Figure 2-5 : Synthèse des déterminants de l’opportunité de partage de la FRH
Source : auteur de la thèse
Effets de l’AMO sur le partage de la fonction ressources humaines
Le modèle de l’AMO a connu de nombreux développements pour expliquer la causalité entre
choix organisationnels et variables dépendantes. En matière de GRH, il apparait que ces
causalités ont abouti à des résultats variés concernant les interactions entre les variables. Ces
résultats montrent d’une part que l’AMO a été appréhendé comme un modèle aux effets
compensatoires ou non compensatoires dont chaque variable opère à travers des effets directs
ou indirects sur le PFRH.
21. Les modèles compensatoires et non compensatoires
Inscrite dans la théorie de la performance au travail (Cummings et Schwab, 1973), la théorie de
l’AMO postule que chacune de ses variables influence le succès de mise en place du PFRH.
Deux modèles théoriques proposent alors de modéliser les interactions : un modèle
compensatoire et un modèle non compensatoire.
Le modèle non compensatoire est issu des travaux de Vroom (1964). Il pose le développement
des trois antécédents comme une condition sine qua non à la réalisation de l’action. Dans cette
perspective, les capacités, la motivation, et les opportunités agissent sur le comportement. Ce
Chapitre 2 - Section 1. La théorie de l’AMO : un cadre analytique du partage de la FRH
88
postulat implique que la performance ne peut pas être assurée en négligeant une des trois
variables de l’AMO. Toutes trois opèrent de manière complémentaire.
Quant au modèle compensatoire, il a été développé plus tard, dans les travaux de Boxall et
Purcell (2015). Dans cette perspective, chaque antécédent de la performance a un effet direct et
indépendant de la contribution des autres antécédents. Le développement d’un d’entre eux
aboutirait à renforcer la performance au travail et pourrait combler les lacunes des autres
variables. Partant de ces éléments, différents points de vue se sont opposés et montrent que la
question de la supériorité d’un modèle par rapport à l’autre ne peut être facilement tranchée du
fait de la difficulté de mesurer les contributions distinctes de chacun des antécédents à la
performance. Bos-Nehles et al. (2013) proposent une approche « combinatoire » faisant
l’hypothèse que seules les capacités ne peuvent être compensées dans la mise en place du PFRH
(p. 864). Peu de temps après, Gilbert et al. (2015) souscriront à ce point de vue en établissant
que le développement des capacités est le seul élément fondamental dans le processus de
partage. Les opportunités et les capacités, pourraient quant à elles, faire l’objet de
compensations par des pratiques mises en place par les managers eux-mêmes. En ce sens, il ne
s’agit donc ni d’un modèle où toutes les composantes peuvent être compensées ni d’un modèle
ou chacune est indispensable. Seules les capacités influenceraient directement la performance
et joueraient, à ce titre, un rôle central dans le PFRH.
22. Effets directs et indirects des de l’AMO sur le partage de la fonction
ressources humaines
Dans une recherche menée auprès de 174 managers, Bos-Nehles et al. (2013) s’intéressent à
l’effet des choix organisationnels sur les capacités, la motivation et des opportunités des
managers et la manière dont celles-ci influencent la performance au travail. Cette dernière est
mesurée par le niveau de satisfaction des subordonnés par rapport aux pratiques mises en place
par les managers. Le postulat sur lequel repose le choix de cette variable pour mesurer la
performance consiste à accepter que le niveau de satisfaction des collaborateurs reflète la
manière dont les managers mettent en place les pratiques RH, que ce soit d’un point de vue
quantitatif ou qualitatif.
Ces résultats, qui seront confirmés par la recherche de Gilbert et al. (2015), montrent que seules
les capacités ont un effet positif sur la performance. La motivation et l’opportunité quant à elles,
n’auraient pas d’effets significatifs directs. Cela impliquerait alors que les modalités de
formation des managers auraient un effet sur la façon dont ces derniers mettent en place les
Chapitre 2 - Section 1. La théorie de l’AMO : un cadre analytique du partage de la FRH
89
pratiques. En revanche, ni les incitations proposées par l’organisation, ni les politiques et le
soutien mis en place n’affecteraient la mise en œuvre effective des pratiques. Plus encore, Bos-
Nehles et al. (2013), particulièrement, soulignent le rôle intrigant de la motivation qui serait
négativement liée à la performance. Les managers les plus motivés seraient les moins
performants de l’échantillon. Cette observation s’expliquerait par la volonté de conformisme
de ces derniers qui chercheraient obstinément à faire « selon les règles »17 (p. 873). Cet état
d’esprit les amènerait alors à évoluer à l’intérieur de contraintes et aurait deux conséquences
contre-intuitives. La première relève de l’incapacité d’adapter les pratiques selon les besoins
du contexte. La seconde tient à leur comportement, puisqu’ils seraient tentés d’agir comme des
bureaucrates fermant la porte aux possibles arrangements avec leurs collaborateurs. Pour ces
raisons, Bos-Nehles et al. (2013) défendent la mise en place d’une démarche idiosyncrasique
et contingente et dénoncent la recherche du « bien-faire » (p. 873).
Les résultats proposés par Bos-Nehles et al. (2013) doivent toutefois être acceptés avec
prudence pour au moins deux raisons. Premièrement, la performance est acceptée comme étant
le niveau de satisfaction des collaborateurs à l’égard des pratiques. Elle est donc mesurée à
travers le filtre des perceptions des subordonnés. Les résultats seraient probablement différents
si les perceptions des managers eux-mêmes ou de leurs hiérarchiques avaient été étudiées.
Deuxièmement, les auteurs reconnaissent eux-mêmes les biais potentiels dus au choix de
l’échantillon. Effectivement, les managers retenus dans le cadre de cette étude étaient tous, a
priori, volontaires pour développer les nouvelles activités RH. Cela pourrait expliquer les effets
peu probants des incitations mises en place sur leur comportement.
Pour autant, la prise en compte de l’impact des capacités sur l’implémentation des pratiques a
mené Trullen et al. (2016) à souligner l’importance de la proactivité de la DRH. Favoriser la
mise en place de rôles politiques et techniques permettrait d’intervenir plus sereinement auprès
des managers. Le développement des compétences est alors souligné comme un facteur
déterminant de la proximité entre pratiques initialement conçues et pratiques déployées.
Concernant l’opportunité, Bos-Nehles et al. (2013) montrent qu’elle n’a pas d’impact direct sur
l’implémentation effective des pratiques, mais qu’elle joue un rôle d’amplification à travers un
effet modérateur sur le lien entre les capacités et la performance. À travers le soutien apporté et
la clarté des politiques et des procédures, l’organisation facilite l’intégration des connaissances
17 Traduction personnnelle : « by the book ».
Chapitre 2 - Section 1. La théorie de l’AMO : un cadre analytique du partage de la FRH
90
et des compétences nécessaires à leurs missions RH. Ainsi, les managers qui bénéficieraient
d’une définition claire de leurs rôles et qui savent donc, de ce fait, quelles sont leurs
responsabilités seront plus aptes à déployer les pratiques RH pour lesquelles ils auront été
préalablement formés. Les travaux de Gilbert et al. (2015) se situent dans le prolongement de
ceux de Bos-Nehles et al. (2013), à l’exception près qu’ils mettent en évidence un impact direct
des opportunités sur la mise en place de pratiques RH. Construisant leur étude sur un échantillon
de 125 managers de proximité, ils montrent que la définition des règles et des procédures a un
effet direct sur la clarté des rôles et limite la fatigue émotionnelle liée à la gestion de cette
dernière. Ainsi, la définition précise des conditions de travail et des processus permettrait de
faciliter les arbitrages entre les sollicitations, parfois concurrentes, des parties prenantes. La
nécessité de changer de « casquette » et de devoir concilier des attentes contradictoires
constituerait effectivement un effort émotionnel rendant leurs rôles confus et ambigus (p. 612).
L’intervention de l’organisation permettrait alors aux managers d’être plus disponibles
émotionnellement pour prendre en main leurs responsabilités RH.
Cette première section a permis de présenter l’AMO comme une cadre d’étude pertinent des
facteurs explicatifs du PFRH. Ces développements ont permis de montrer que les capacités, la
motivation et les opportunités peuvent être influencées par la mise en place de pratiques
organisationnelles. Dans un deuxième temps, l’étude plus précise des impacts de l’AMO sur le
comportement des managers souligne l’existence de plusieurs modèles proposant des effets
d’interactions pluriels. Dans leurs travaux, Gilbert et al. (2015) mettent en évidence un résultat
intéressant. La clarté du signal envoyé par l’organisation aux managers permettrait d’influencer
positivement l’AMO. Une des manières d’appréhender cette clarté relèverait de la cohérence
dans l’approche globale lors de la mise en place de nouvelles pratiques RH. Or, cette notion de
cohérence des choix organisationnels a également été étudiée dans un autre contexte théorique.
En 1993, Henderson et Venkatraman définissent le modèle de l’alignement stratégique qui pose
la cohérence ou l’harmonie de choix organisationnels comme un prédicteur de la performance.
La section suivante a donc pour objet l’étude des fondements et des principes de ce cadre
théorique.
Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH
91
Section 2 - L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la
fonction ressources humaines
Proposé par Henderson et Venkatraman en 1989, l’alignement stratégique aborde la cohérence
des choix organisationnels comme un prédicteur de la performance. Initialement produite pour
étudier l’efficacité productive d’entités liées aux nouvelles technologies, cette analyse a été
reprise dans de nombreux domaines des sciences de gestion. Le choix de ce cadre conceptuel a
été motivé par deux principaux constats. Dans un premier temps, la revue de littérature montre
sa mobilisation dans les travaux prenant pour objet les systèmes d’information. Deuxièmement,
il propose de s’intéresser la cohérence des choix davantage qu’aux choix eux-mêmes et pourrait
comporter, à ce titre, une force analytique supérieure. Il convient donc de s’intéresser à la
manière dont cette approche s’est imposée comme un outil de prédiction de la performance des
choix stratégiques organisationnels pour ensuite voir en quoi sa mobilisation pourrait être
pertinente pour étudier le partage de la FRH.
Contexte de développement, principes et mesures de l’alignement
stratégique
11. Proposition d’un cadre d’analyse de la cohérence des choix
organisationnels
Le modèle de l’alignement stratégique proposé par Henderson et Venkatraman (1993) voit le
jour dans le contexte d’une gestion stratégique croissante des nouvelles technologies dans les
organisations. Dans sa conception initiale, le modèle vise à expliquer la manière dont les
entreprises peuvent atteindre un avantage compétitif dans le marché concurrentiel des systèmes
d’information. La propension de ces dernières à capter de nouvelles technologies sur le marché
et leur capacité à les intégrer dans leurs processus organisationnels seraient deux éléments
permettant de générer et conserver un avantage économique. Les réflexions sur l’alignement
stratégique naissent de la constatation d’observations empiriques. Les auteurs identifient une
rupture problématique entre le rôle croissant des technologies de l’information et l’absence de
productivité à l’échelle globale. Ceci constitue à ce titre un paradoxe de la productivité des
systèmes d’information. L’absence de lien entre les sommes investies dans la mise en place de
nouvelles technologies et leur capacité à générer de la valeur intrigue. L’hypothèse posée est
celle d’un manque de valorisation de ces dernières lors de leur intégration. Cette problématique
Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH
92
relèverait alors d’un manque d’alignement à deux niveaux. D’une part, les choix opérés sur le
plan stratégique entre les domaines de l’entreprise ne seraient pas suffisamment en accord.
D’autre part, la manière de définir et de déployer les infrastructures ne serait pas cohérente du
point de vue des objectifs que ces dernières sont supposées soutenir.
Henderson et Venkatraman (1993) prennent comme fondement du modèle l’axiome établissant
comme nécessaire la cohérence entre les choix de l’organisation. Pour produire des résultats
optimaux, les orientations stratégiques des différents domaines fonctionnels doivent être en
harmonie avec la stratégie générique. L’alignement a été étudié à travers une terminologie
variée : fit (Henderson, John C. et Venkatraman, 1989), integration (Broadbent et Weill, 1993),
bridge (Ciborra, 1997), harmony (Luftman, Lewis et Oldach, 1993), fusion
(Smaczny, 2001). Chacune de ces acceptions vise à faire transparaitre un mode opératoire
particulier de l’alignement des choix.
L’intérêt de ce cadre réside dans la mobilisation de la cohérence des choix pour expliquer
l’efficacité organisationnelle des SI. Au vu des travaux réalisés par Henderson et Venkatraman
(1993), l’alignement stratégique apparait comme une condition nécessaire à l’exploitation totale
du potentiel des choix opérés par les décideurs. Silva et al. (2006) remarquent que l’absence ou
le manque d’alignement induiraient une incapacité des organisations à profiter pleinement de
la valeur de leurs investissements. Or, il y a une faible représentation de la problématique de
l’alignement au niveau de la direction des entreprises. Ce constat, qui dénote avec le potentiel
analytique du modèle, en fonde son intérêt. Initialement, ce cadre théorique visait uniquement
à analyser la performance des entreprises s’établissant sur les marchés des produits ou services
liés aux nouvelles technologies. Dans ce sens, la dimension stratégique des technologies de
l’information concerne l’ensemble des décisions relatives au positionnement de l’organisation
sur ce type de marché. Ce modèle sera ensuite repris par toute une communauté de chercheurs
pour tenter d’expliquer comment les investissements réalisés par les organisations dans les
nouvelles technologies créent de la valeur, et ce, quel que soit le domaine d’activité de
l’organisation.
Malgré une utilisation accrue dans la littérature des SI, le cadre théorique de l’alignement
stratégique souffre de quelques faiblesses, et notamment, du fait d’un décalage entre sa
robustesse analytique et la difficulté de transposition des résultats dans le champ empirique.
Les travaux dans la littérature peinent à expliquer la manière dont le phénomène opère dans la
réalité. C’est ce que met en évidence Ciborra (1997) dans un travail de réflexion où il
Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH
93
déconstruit le concept d’alignement stratégique pour tenter d’en proposer une compréhension
accrue. L’auteur montre que différents outils méthodologiques ont permis de cartographier les
stratégies d’une organisation et de dresser des relations entre les niveaux d’alignement de ces
stratégies. Ces derniers débouchent sur la conception d’indicateurs à plusieurs niveaux de
l’organisation, mais ne précisent pas les modalités d’opérationnalisation de leurs contributions.
Par ailleurs, Ciborra (1997) assène à l’alignement stratégique une critique de taille en soulignant
les difficultés que comporte la mesure du phénomène. Il précise que la mise en place d’un outil
de mesure mathématique ou économétrique est rendue difficile, du fait, notamment, d’une
compréhension limitée de la manière dont il opère. D’autres critiques reposent sur le postulat
visant à établir que les organisations mettent en place des stratégies de manière structurée,
visible et consciente à travers un processus de formalisation suffisant. Dans les faits, il s’avère
que les contraintes et l’incertitude auxquelles sont confrontées les organisations forcent bon
nombre d’entre elles à mettre en place des structures flexibles et des choix stratégiques volatiles.
Ce caractère d’instabilité est renforcé par la variabilité des comportements humains et leur
décalage par rapport aux modèles préétablis. Ces deux observations font de la stratégie un
concept flou (Chan et al., 1997) et participent à renforcer les écarts entre la stratégie formulée
et celle mise en œuvre (Avison et al., 2004). L’ensemble des critiques mènent alors certains
travaux à relativiser la valence de l’alignement stratégique dans l’analyse de la performance de
l’organisation (Ciborra, 1997) et même à le caractériser le phénomène « d’illusoire » (Maes,
1999, p. 5). Un point de vue plus mesuré consisterait à considérer que ce cadre est soumis aux
contingences de l’organisation et de son environnement, ce qui le rendrait pertinent pour
expliquer la performance d’une proportion limitée d’entités (Smaczny, 2001). En dépit de ces
constats, ce cadre théorique reste largement utilisé, précisément pour sa force analytique, mais
aussi pour ces questionnements restés en suspens et qui en font un objet de recherche
particulièrement intéressant pour la « communauté de l’alignement » (Silva et al., 2006, p. 3).
Basées sur leurs réflexions initiées en 1989, les recherches d’Henderson et Venkatraman (1999)
constituent le fondement de nombreuses recherches. Elles ont été reprises plus de 5000 fois
dans des travaux académiques inscrits dans une diversité de champs tels que le management
stratégique, le champ des systèmes d’information ou encore la gestion des ressources
humaines18.
18 Éléments issus d’une recherche sur le moteur Google Scholar avec les termes « strategic alignment model » le 18 juin 2018.
Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH
94
12. Les domaines stratégiques et les processus d’alignement
121. Les deux domaines stratégiques
Dans leur modèle, Henderson et Venkatraman (1993) stipulent que les dirigeants peuvent
effectuer des choix stratégiques dans quatre domaines différents : la stratégie générique, la
stratégie SI, les infrastructures organisationnelles et les infrastructures SI. Les auteurs
identifient alors deux dimensions d’analyse de ces choix : une analyse relevant de leur nature
interne/externe ; et une analyse relevant de leur nature générique/technologique (voir figure
2-6).
Figure 2-6 : Les domaines stratégiques de l’organisation
Source : Henderson et Venkatraman, 1989
Le domaine externe : l’étude des stratégies
Henderson et Venkatraman (1989) définissent la stratégie comme une formulation des décisions
relatives au choix de compétitivité de marché. Le domaine externe est un champ décisionnel
Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH
95
dans lequel l’organisation met en place des choix de stratégie générique et de stratégie des
systèmes d’information pour acquérir ou maintenir un avantage sur son marché concurrentiel.
Ils proposent de définir la stratégie générique « en termes de choix de l’entreprise relatifs à
son positionnement sur la scène du marché. La stratégie reflète la série d’objectifs (finalités),
de moyens (actions) et d’hypothèses sous-jacentes relatives à ces choix » (p.9)19.
Ce construit recouvre un large spectre puisqu’il intègre les choix d’objectifs, les moyens et les
modes opératoires pour atteindre ces finalités. Les auteurs retiennent deux composantes de la
stratégie générique :
- Les compétences distinctives représentent l’ensemble des attributs de l’organisation
lui permettant de maintenir un avantage sur ses concurrents (la tarification, les services
à valeur ajoutée, les canaux de distribution, l’image) ;
- Les structures de gouvernance représentent l’articulation des mécanismes de
gouvernance permettant d’obtenir un avantage sur les concurrents (partenariats
stratégiques, alliances).
Le domaine de la stratégie des technologies et systèmes d’information est défini « en termes
de choix relatifs au positionnement de l’activité dans la place de marché des technologies de
l’information. Elle reflète la série d’objectifs (fins), de moyens (actions) et d’hypothèses sous-
jacentes qui se rapportent à ces choix » (p.10)20.
Ce domaine se compose de trois champs.
- Le champ des technologies de l’information intègre des éléments supportant ou
définissant la stratégie globale de l’organisation. Il se réfère à l’ensemble des champs et
des fonctionnalités TI mis à disposition de l’organisation. Cet ensemble inclut les voies
électroniques, les réseaux locaux et étendus, les experts système et robotique.
- Les compétences distinctives sont les décisions qui influencent la capacité de la firme
à différencier son infrastructure. Elles incluent les compétences permettant la cohérence
du système, la rentabilité, l’interconnectivité et la flexibilité des technologies.
19 Traduction personnelle : « The Business Strategy domain is defined in terms of the firm’s choices pertaining to its positioning
in the product-market arena. Strategy reflects the set of goals (ends), means (actions), and underlying assumptions pertaining
to these choices ». 20 Traduction personnelle : « IT strategy is defined in terms of the choices pertaining to the positioning of the business in the
information technology marketplace. It reflects the set of goals (ends), means (actions and underlying assumptions that relate
to these choices ».
Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH
96
Ces éléments qui façonnent également la stratégie globale sont directement liés aux
compétences distinctives de la stratégie globale.
- La gouvernance des technologies de l’information inclut le choix et l’utilisation des
mécanismes permettant d’obtenir les compétences technologie de l’information
(alliances stratégiques, fusions, acquisitions). Les décisions prises en matière de
gouvernance ont des implications sur les choix de gouvernance d’infrastructures
émergentes.
La composition des domaines du champ externe est proposée dans la figure 2-7.
Figure 2-7 : Composition des domaines stratégiques externes
Source : Henderson et Venkatraman (1989)
Le domaine interne : études des infrastructures
Dans leurs travaux, Henderson et Venkatraman (1989) conçoivent les infrastructures comme
une série de choix et d’actions visant à soutenir les décisions formulées sur le plan stratégique.
Ils définissent alors celles relatives à l’organisation et celles propres aux systèmes
d’information.
Les infrastructures et processus organisationnels sont définis « en termes de choix relatifs
aux arrangements internes particuliers qui supportent la position choisie par l’organisation
sur le marché. Ils reflètent la série d’objectifs (choix), de moyens (actions) et d’hypothèses
sous-jacentes soulignant le design de la structure de management et des processus de
travail »21 (p.10).
21 Traduction personnelle : « Organizational Infrastructure and Processes is defined in terms of the choices pertaining to the particular internal arrangements that support the organization’s chosen position in the product-market arena. It reflects the goals (ends), means (actions) and underlying assumptions pertaining to the design of management structure and work processes ».
Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH
97
Les auteurs choisissent trois composantes dans le cadre de l’étude de ces infrastructures
organisationnelles. Ce choix a été guidé par la volonté de retenir des éléments qui favorisent
directement l’étude des stratégies globales et TI.
- Les infrastructures administratives se composent de la structure, des rôles et des
responsabilités organisationnels nécessaires pour exécuter la stratégie générique.
- Les processus de travail intègrent l’articulation du flux de travail et son flux
d’informations associées qui sont nécessaires pour exécuter les stratégies.
- Les compétences et savoirs reflètent la capacité de l’organisation à mettre en place une
stratégie. Les choix faits dans ce domaine affectent la capacité à exécuter la stratégie
business et établissent les besoins critiques pour les architectures et processus IS.
Les infrastructures des systèmes d’information quant à elles, sont définies « en termes de
choix relatifs aux arrangements et processus qui déterminent la gamme et le type de produits
et services IS qui sont fournis à l’organisation. Elles reflètent les buts (fins), moyens (actions)
et hypothèses sous-jacentes soulignant ces choix »22 ( p. 12).
Le champ des infrastructures et processus SI se compose de l’architecture, des processus et des
compétences SI.
- L’architecture des systèmes d’information regroupe les définitions, politiques et
règles qui permettent de fixer le cadre de la gouvernance dans trois domaines clés :
applications, données et configurations technologiques. L’architecture des données se
constitue d’un ensemble de liens mutuels entre les différents produits qui composent le
système et en permettent le fonctionnement. L’infrastructure SI comporte les choix
relatifs au portefeuille des applications, à la configuration des matériels, des logiciels,
de la communication et à l’architecture des données qui définissent l’infrastructure
technique.
- Les processus SI sont les choix critiques qui guident le développement et la mise en
place des infrastructures SI. Ils incluent le développement des systèmes, leur
maintenance, le pilotage et contrôle et demandent des procédures de sécurisation et
sauvegarde, de contrôle, de centralisation des données.
22Traduction personnelle : « Information systems infrastructures and processes are defined in terms of choices pertaining to internal arrangements and the processes that determine the range and types of I/S products and services delivered to the organization. It reflects goals (ends), means (action) and underlying assumptions that relate to these choices ».
Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH
98
- Les compétences SI sont les choix relatifs à l’acquisition, la formation et le
développement des connaissances et des capacités nécessaires pour gérer et mettre en
place efficacement les infrastructures. Il s’agit de la dimension humaine relative à la
gestion de projets SI.
Les composantes des éléments du domaine interne sont synthétisées dans la figure 2-8
Figure 2-8 : Composition des domaines stratégiques internes
Source : auteur de la thèse
Les composantes des domaines étant précisées, Henderson et Venkatraman (1989) conçoivent
l’alignement stratégique à travers deux processus. Le fit stratégique, d’une part, représente
l’alignement entre les stratégies et leurs infrastructures et processus respectifs. L’intégration
fonctionnelle, d’autre part, représente l’adéquation entre les stratégies et la cohérence entre les
infrastructures et processus.
122. Les deux processus de l’alignement stratégique : fit stratégique et
l’intégration fonctionnelle
Pour Henderson et Venkatraman (1993), la mise en place d’une gestion efficace des SI requiert
une conception stratégique et opérationnelle coordonnée et en concordance avec les gestions
stratégique et opérationnelle globales de l’entreprise.
« Par essence, nous posons que le défi de gérer les systèmes d’information doit être mené
parallèlement avec celui du management stratégique de l’entreprise. Un management des
technologies de l’information efficace requiert une large panoplie de choix reflétant à la fois
une perspective fonctionnelle et stratégique » (p. 3).
Dans ce cadre, le modèle est développé en utilisant deux dimensions : le fit stratégique,
correspondant à l’alignement vertical entre les stratégies et leurs infrastructures et l’intégration
fonctionnelle correspondant à l’alignement mutuel des stratégies et des infrastructures (figure
2-9).
Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH
99
Figure 2-9 : Modèle de l’alignement stratégique d’Henderson et Venkatraman (1993)
Source : Modèle adapté d’Henderson et Venkatraman (1993)
Le fit stratégique (strategic fit) est un alignement vertical. Il est défini comme les
« interrelations entre les domaines internes et externes » (p. 472). L’alignement externe
consiste à articuler les infrastructures organisationnelles et celles spécifiques aux systèmes
d’information avec les stratégies globales de sorte à en assurer la cohérence. Dans leur réflexion
initiale, les auteurs insistent sur l’importance de l’alignement externe, le considérant comme
porteur d’un enjeu de réussite sur le marché de l’entreprise.
L’intégration fonctionnelle (functional integration) est un alignement horizontal. Elle est
définie comme le « processus d’intégration entre les domaines business et fonctionnel »
(p. 472). Elle consiste à analyser l’impact des choix du champ des SI sur celui de l’organisation
et vice versa. Le processus peut s’opérer en matière stratégique et représenter la manière dont
la stratégie TI définit et supporte la stratégie organisationnelle (strategic integration). Ce
processus peut également s’opérer au niveau infrastructurel et représente le lien existant entre
les infrastructures organisationnelles et celles des SI (operational integration).
L’alignement stratégique est un processus d’adaptation et de changement continu. Le
dynamisme de l’organisation réside davantage dans sa capacité à opérer des changements et à
Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH
100
s’adapter que par la sophistication de ses solutions. Dans leurs travaux, Henderson et
Venkatraman (1993) se basent sur une analyse bivariée. Ils se focalisent sur l’étude des
domaines deux à deux. Toutefois, ils admettent que, même si l’organisation peut décider de
focaliser ses efforts sur l’intégration fonctionnelle ou le fit stratégique selon son environnement,
il est central de considérer les changements dans le domaine business conjointement à ceux du
domaine SI, de même que les changements dans les choix externes doivent aboutir à une remise
en question de ceux du domaine interne. Partant de ces considérations, les deux auteurs
établissent que l’alignement stratégique peut intervenir selon quatre principales perspectives.
123. Les perspectives d’alignement
Henderson et Venkatraman (1993) identifient quatre principales perspectives d’alignement :
« strategy execution », « technology transformation », « competitive potential » et « service
level ». Chacune correspond à des configurations initiales différentes et à une opération
particulière de l’alignement (voir figure 2-10). Pour chaque perspective, les auteurs identifient
un domaine d’ancrage à partir duquel est impulsé le changement, un domaine pivot par lequel
agit l’alignement et finalement un domaine d’impact sur lequel les effets opèrent.
Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH
101
Figure 2-10 : Les perspectives d’alignement stratégique
Source : Henderson et Venkatraman (1993)
Les deux premières perspectives présentées (strategy execution ; technology transformation)
proposent de définir la stratégie business comme pilote. Il s’agit alors de montrer que la stratégie
business peut guider les changements dans les infrastructures TI.
L’exécution stratégique consiste à considérer la stratégie générique comme ancre des
changements organisationnels. Dans ce cas, les choix du champ générique vont entrainer la
modification des infrastructures et processus organisationnels et vont enfin aboutir à un
alignement des infrastructures et processus de TI. Ici, la dynamique se compose d’un fit
stratégique suivi d’une intégration fonctionnelle. La direction organisationnelle tient une
Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH
102
fonction de formulation de la stratégie et les responsables des SI ont une mission
d’implémentation.
Bergeron et al. (2004) concluent que lorsque la stratégie générique est pilote, l’alignement
opère en réponse à la refonte de sa structure en adaptant les niveaux appropriés de formalisation
et de différenciation professionnelle. Ces évolutions de la structure de l’entité seraient ensuite
traduites dans les infrastructures technologiques par l’adaptation des processus informatiques
et des réseaux d’habilitations.
La transformation technologique (technology transformation) est la deuxième perspective
proposée dans le modèle et repose sur un alignement des infrastructures des TI par
l’intermédiaire de la stratégie TI. Dans cette dynamique, les changements au niveau de la
stratégie business vont être intégrés dans la stratégie TI. Les infrastructures TI seront ensuite
réorganisées pour s’adapter à ces choix. L’enchainement est donc une intégration puis un fit.
Le rôle de la direction organisationnelle est de fournir la vision technologique permettant de
supporter les changements. Les responsables SI ont une mission de développement et de mise
en place des infrastructures cohérentes avec la stratégie TI.
Les deux perspectives suivantes proposent que la stratégie SI redessine les infrastructures
organisationnelles. Les alternatives alors envisagées sont le potentiel compétitif et le niveau de
service.
Le potentiel compétitif (competitive potential) est une perspective mettant en action
l’influence de la stratégie SI sur les infrastructures organisationnelles via la stratégie business.
Dans ce cas, les technologies émergentes apportent de nouvelles capacités organisationnelles.
Ces évolutions vont entrainer une modification de la stratégie business et ensuite des
infrastructures organisationnelles. Dans cette configuration, la direction d’entreprise joue un
rôle de visionnaire ayant pour mission l’intégration des changements technologiques et le
développement des infrastructures pour les porter. Les responsables SI ont une mission
d’accompagnement de la direction dans la mise en place des changements.
Le niveau de service (service level) est une alternative proposant l’adaptation des
infrastructures organisationnelles à la stratégie TI via les infrastructures TI. Dans ce cas, les
réorientations stratégiques TI sont directement déployées dans les infrastructures TI. Par la
suite, ces dernières sont intégrées au niveau organisationnel. La direction organisationnelle joue
un rôle indirect en allouant les ressources aux projets prioritaires.
Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH
103
13. Le concept d’alignement dans la littérature : approches et principes
131. Les approches de l’alignement stratégique
Le concept d’alignement stratégique a fait couler beaucoup d’encre. En effet, si certains ont
cherché à comprendre comment il opérait, d’autres se sont plutôt axés sur l’étude épistémique
de ses modalités de mise en œuvre.
Les travaux mobilisant ce cadre théorique ont rapidement cherché à comprendre comment
opérait l’alignement. Ce courant a favorisé la mobilisation de particularités terminologiques
censées traduire la spécificité des approches. Pour Chan et al. (1997), la notion de fit peut être
acceptée comme le degré de cohérence entre deux domaines du modèle. Les auteurs l’étudient
pour évaluer le degré d’harmonie entre les stratégies. Dans cette approche, l’alignement
représente une correspondance entre les domaines d’une organisation. La réalité présentée par
la notion de fit est également étudiée comme un « lien » (linkage), un pont (bridge), une
harmonie (harmony) ou encore une fusion (fusion). Chan et al. (1997) précisent que bien que
des différences subtiles existent entre ces termes, ils sont utilisés de manière interchangeable
dans la littérature pour étudier le même phénomène. Initialement proposée dans les travaux
d’Henderson et Venkatraman (1989), le fit est considéré comme un processus d’adaptation
unilatéral d’un domaine à un autre. Dans cette optique, les auteurs définissent plusieurs
perspectives en identifiant des domaines d’ancrage et l’enchainement permettant l’adaptation
jusqu’au domaine d’impact. D’une part, cette approche considère que l’alignement se fait de
manière unilatérale d’un domaine à un autre et, d’autre part, elle met en avant l’étude des
domaines pris deux à deux. L’alignement serait donc un enchainement par étapes successives
de processus d’adaptation d’un domaine par rapport à un autre.
Mais cette approche n’a pas fait l’unanimité puisque certains considèrent que l’adaptation entre
les domaines pourrait se faire de manière synchronique, réactive et multivariée. Il s’agirait alors
de considérer le processus dans une perspective de co-alignement. Bergeron et al. (2004) sont
de cet avis. La notion de co-alignement apparait pertinente pour comprendre les incidences de
la mise en place d’un SI. Elle est surtout plus riche que d’autres approches qui étudient des
alignements par paires, ce qui ne permet pas une analyse globale des interactions entre les
domaines étudiés.
Inscrit dans une perspective de contingence, le travail de Bergeron et al. (2004) repose sur la
considération que les quatre domaines étudiés (stratégie générique, stratégie SI, infrastructures
Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH
104
business et infrastructures SI) évoluent de manière synchrone. Cette approche rompt alors avec
la perspective bivariée et permet de neutraliser le postulat de domination de certains domaines
par rapport à d’autres. En effet, leur travail montre que l’alignement des domaines se fait à la
fois de manière descendante et remontante. La performance de l’organisation pourrait alors être
prédite par la capacité de cette dernière à mettre en place des ajustements mutuels entre les
quatre domaines stratégiques. L’insuffisante conformité de ces derniers a alors été
naturellement définie comme une situation de désalignement. Elle est désignée comme un
« missfit » (Walsh et al., 2013) et « misalignment » (Bergeron et al., 2004 ; Chan et al., 1997 ;
Velcu, 2010). Le désalignement représente alors une configuration dans laquelle les domaines
ne sont pas totalement harmonieux. Mais ces réflexions soulèvent la question de la mesure qui
sera abordée dans un prochain point et constitue un élément problématique dans les recherches
en la matière. Pour autant, il a été proposé que le désalignement entre les choix d’infrastructures
d’un ERP et les objectifs initiaux pourraient être la cause des échecs de mise en place des ERP
(Velcu, 2010) et une baisse de la performance organisationnelle (Chan et al. 1998 ; Bergeron
et al. 2004). En dépit des difficultés de mesure, ces résultats semblent proposer une définition
du désalignement par les impacts négatifs observés sur des variables dépendantes.
Par ailleurs, une frange de la littérature porte sur des questionnements concernant la nature
dynamique ou statique à privilégier lors de l’étude de ce phénomène. L’environnement étant de
nature changeante, les réflexions sur l’état de cette congruence pourraient s’opérer
régulièrement et en continu. Cette proposition établie par Sabherwal et al. (2001) guide un
corpus de recherche qui étudie l’alignement stratégique comme un processus dynamique et non
statique comme l’avaient envisagé Henderson et Venkatraman (1993). L’alignement
stratégique n’est donc plus une configuration optimale figée, mais devient une « cible
mouvante » (Thompson, 2003, p. 234).
Dans cette perspective, Walsh et al. (2013) soulignent la nécessité de mise en cohérence
continuelle des domaines de l’entreprise dans la conquête de performance. Dans ce cadre, une
veille sur les choix de l’organisation et de leurs impacts concrets constituerait un outil
indispensable. Ainsi, les décisions prises dans un domaine spécifique de l’entreprise pourraient
se faire en cohérence avec celles des autres domaines de la firme. Analysé dynamiquement, cet
alignement des SI passe par des phases cycliques de stabilité et d’instabilité, engendrant des
situations d’alignements et de désalignements (Sabherwal et al., 2001).
Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH
105
Toutefois, certains auteurs tendent à attirer les difficultés épistémologiques inhérentes à cette
vision dynamique. C’est le cas de Bergeron et al. (2004) qui soulignent le caractère
fondamentalement inertiel du champ stratégique. Pour observer les réels impacts des choix sur
la performance, il conviendrait de laisser opérer les effets sur des temporalités suffisantes.
Même si dans les faits, les mutations s’opèrent en continu, définir des unités de temps
suffisantes permettrait de garantir une validité analytique. Dans cette perspective, le principal
enjeu relève de l’identification des délais nécessaires à observer pour accepter que l’ensemble
des effets ait opéré. D’un point de vue pragmatique, l’observation en continu, sinon régulière,
des effets des choix stratégiques est une démarche nécessitant une étude longitudinale et la
mobilisation de moyens importants. Par ailleurs, la nécessité d’observer les différentes
interactions entre les choix stratégiques et de reconstituer les chainages causaux rend cette
approche complexe à mettre en œuvre (Bergeron et al., 2004). Pour ces raisons, et au vu de la
question de recherche et du positionnement épistémique proposé plus en aval, nous
appréhenderons l’alignement stratégique à travers une approche statique.
132. Modalités d’alignement stratégique : le rôle des usages des systèmes
d’information et de l’ingénierie des processus
La place des usages dans l’étude de l’alignement stratégique
Les développements proposés en amont mettent en évidence la place des usages dans les
recherches prenant pour objet les systèmes d’information. Une partie d’entre eux s’intéresse à
l’alignement stratégique et à la manière dont il affecte ces usages. En (2005), Fernandes
critiquait déjà une vision mécaniste de l’alignement. Celle-ci postule que l’usage du SI est
mécaniquement conforme aux attentes des décideurs. Sur cette base, Fimbel (2007) propose
une conception plus opérationnelle de l’alignement stratégique qui recouvrerait des manœuvres
et des efforts permanents. Ces derniers viseraient à renforcer et à rétablir la convergence des
capacités et des usages avec les exigences évolutives formulées par les parties prenantes
managériales. L’auteur met ainsi en exergue une deuxième cible de l’alignement qui est l’usage.
En 2013, Walsh, Renaud et Kalika proposent un modèle d’alignement stratégique amélioré
(Translated Strategic Alignment Model) basé sur une approche par les pratiques et mobilisant
la théorie de l’acteur en réseau. Cet apport ambitionne alors de fournir un complément au
modèle initial d’Henderson et Venkatraman (1993) en y intégrant une dimension sociale. Les
notions d’usages et d’interprétation des buts par les acteurs visent alors à expliquer les
comportements individuels et les résultats en matière d’alignement. Approfondissant davantage
Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH
106
leur étude critique du modèle initial, ils soulignent une problématique méthodologie stylistique
qui aboutit à concevoir les stratégies de manière descendante. La prise en compte des acteurs
et de leur incidence sur les capacités d’alignement doit mener les organisations à concevoir des
ajustements dans une logique remontante. Par conséquent, il propose que la conception et la
mise en place des projets SI aboutissent à l’implication des acteurs visés par les changements.
L’introduction de l’intermédiation via le ressenti des acteurs permettrait alors d’intégrer des
perceptions différentes, mais également la culture individuelle dans le pilotage des projets. Cet
enjeu de gestion des usages a amené Fimbel (2007) à préconiser la mise en place d’une maîtrise
d’alignement stratégique en complément des traditionnelles maîtrises d’œuvre et d’ouvrage
présentes dans les projets SI. Le rôle de cet intermédiaire serait d’assurer que les conditions
internes sont mises en œuvre pour favoriser l’alignement des choix stratégiques, lui-même
porteur de cohérence entre les usages des SI.
L’ingénierie des processus : un outil d’alignement stratégique
L’ingénierie des processus ou « business project reengineering » (BPR) est introduite en 1990
dans les travaux d’Hammer (1990), Davenport et Short (1990). Ces derniers, lors de réflexions
sur les origines et le fondement du reengineering, proposent que « dans le cœur du
reengineering réside la notion de réflexion discontinue, de la reconnaissance et de la rupture
avec des règles et des hypothèses fondamentales désuètes sous-tendant les opérations »
(p. 107)23. La performance est donc assujettie à la remise en cause de ces règles et postulats. La
redéfinition des processus devient une priorité, d’autant que les innovations technologiques
prolifèrent. L’ingénierie est une démarche d’analyse de la composition et de l’articulation des
infrastructures et des processus de l’organisation. Elle porte plus précisément sur l’étude de la
structure organisationnelle (forme visible de l’organisation) et des processus de coordination et
de contrôle (permettant de mettre en relation les différents composants de la structure)
(Kefi, 2011).
Cette démarche est abordée dans la littérature sous une terminologie diverse : « business
process improvement », « business process redesign », « core process redesign », « business
restructuring », « business process reengineering ». Bien que différentes, ces notions renvoient
toutes à un continuum d’activités allant de l’amélioration continue de processus à la
restructuration complète des organisations (Zairi et Sinclair, 1995).
23 Trad. Personnelle : « At the heart of reengineering is the notion of discontinuous thinking-of recognizing and breaking away from the outdated rules and fundamental assumptions that undelie opérations ».
Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH
107
Grover et al. (1995) définissent la mise en place de l’ingénierie des processus comme
« l’implémentation d’un changement fondamental délibéré pour atteindre des améliorations de
rupture dans la performance »24 (p. 111). Dans leur réflexion, les auteurs insistent sur la nature
consciente de la démarche qui permettrait de prévoir une planification et un accompagnement
au changement. Ils précisent tout de même que la démarche se doit d’être contingente afin de
s’adapter aux éléments non planifiés. En effet, les auteurs montrent que les problématiques de
mise en place des SI intègrent à la fois des éléments de changement planifiés, mais aussi
émergents. L’approche du BPR partage des ancrages communs avec le paradigme
sociotechnique vu précédemment. En effet, lorsqu’ils sont en contact, les individus, les
processus et les tâches sont amenés à s’influencer et à altérer leurs sphères respectives.
Concernant les modalités de mise en œuvre du BPR, Hammer (1990) proposait déjà quelques
pistes dans son travail fondateur. Alors qu’il semble anticiper les critiques de ses potentiels
détracteurs, il souligne que la plupart des organisations sont capables d’enclencher ces
processus de transformation, car une grande partie de la population qu’elles emploient est
instruite et capable d’assumer des responsabilités. Par cet aspect, il souligne que le
développement du capital humain est un atout clé du BPR puisqu’il permettrait une plus grande
flexibilité des ressources humaines. Par ailleurs, Hammer (1990) suggère aux décideurs de
mettre en place des contextes de travail permettant et incitant les collaborateurs à agir de
manière autonome. Ainsi, l’observation des comportements résultants pourrait indiquer aux
décideurs les pratiques appropriées et les réajustements structurels à mettre en place. Dans un
second temps, l’organisation est invitée à définir de nouvelles règles et de nouveaux processus
sur la base des diagnostics réalisés. À ce titre, Hammer (1990) préconise la mise en place d’un
système de contrôle des pratiques. Ce dispositif constitue la base de l’évaluation des projets
d’ingénierie et permet de réitérer les boucles de reengineering en y apportant de nouveaux
ajustements.
La démarche de BPR a également été mobilisée comme outil de l’alignement stratégique. Basée
sur l’étude d’un cas, la recherche de Lockamy et Smith (1997) explore les relations entre
l’alignement stratégique et le BPR. Les auteurs s’interrogent sur la manière dont le BPR
permettrait de favoriser l’alignement entre les processus organisationnels et la stratégie
générique. Ils émettent un ensemble de recommandations proposé sous forme de principes et
24 Traduction Personnelle : « business reengineering implementation can be characterized as the implementation of deliberate and fundamental change in business processes to achieve breakthrough improvements in performance ».
Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH
108
soulignent l’importance d’intégrer le BPR dans les indicateurs de performance. Cette démarche
favoriserait une plus grande flexibilité et un positionnement permettant à l’organisation de
répondre aux attentes en interne et en externe.
Plus récemment, Kefi (2011) s’intéressait au cas particulier de l’alignement entre les SI et les
processus organisationnels. L’auteure investigue les effets de l’intégration fonctionnelle sur la
performance organisationnelle. Sa recherche est ancrée dans la théorie de la contingence qui
stipule que pour être efficace, l’organisation doit s’adapter à son environnement. Pour ce faire,
Burns et Stalker (1961)25 conçoivent deux archétypes organisationnels. Le modèle mécanique
basé sur un contrôle et une division du travail important et le modèle organique, fondé sur une
décentralisation de l’autorité et sur une collaboration interfonctionnelle plus fortes. Kefi (2011)
mène une réflexion sur la manière dont le développement de certains usages des SI contribue à
la performance de l’organisation. Ses résultats, basés sur une étude quantitative menée auprès
de 321 PME, montrent que l’alignement stratégique se compose d’une partie mécanique et
d’une partie organique. De manière non surprenante, il apparait alors que les SI de coordination
sont davantage en phase avec les processus de coordination (alignement organique), alors que
les SI de contrôle montrent une plus grande cohérence avec les processus de contrôle
(alignement mécanique). De plus, Kefi (2011) suggère que les organisations qui sont les plus
performantes sont celles où s’opère un co-alignement. L’adaptation des SI n’est donc pas
suffisante pour espérer tirer profit de ses ressources productives, il convient également de veiller
à ce que la structure s’ajuste. Les résultats vont alors dans le sens d’une réflexion stratégique
sur la définition et la redéfinition des processus au regard des caractéristiques technologiques
en place.
14. L’alignement stratégique : mesures et typologies
141. Les perspectives d’évaluation de l’alignement stratégique
La mesure de l’alignement est un sujet entier qui a créé des discussions denses depuis l’origine
du modèle. Dans leurs travaux, Henderson et Venkatraman (1989) proposent six configurations
permettant l’analyse pratique de l’alignement : la modération, la médiation, le matching, la
gestalt, la déviation de profil et la co-variation.
25Burns, T., G. M. Stalker (1961). The Management of Innovation, dans Kefi, H. (2011). Processus organisationnels et systèmes d’information et de communication : alignement et performance. La Revue des Sciences de Gestion, 5, 189-200.
Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH
109
La modération : Il s’agit de l’interaction entre le fit et le lien des variables (dépendantes et
indépendantes) d’un modèle. Dans une approche bivariée, une régression linéaire permettrait
de déterminer si les deux facteurs évoluent ensemble (voir Chan et al., 1997)
La médiation : dans cette perspective, le fit est une variable intermédiaire entre deux variables.
L’alignement renforce ou annule l’existence d’un effet entre les éléments à l’étude. Par
exemple, l’augmentation du niveau de formation professionnelle de salariés peut ne pas aboutir
à l’augmentation de leur efficacité si les compétences visées ne sont pas en accord avec leurs
tâches réelles. Cette approche a été mobilisée dans les travaux de Chan et al. (1997)
Le matching consiste à étudiée le score obtenu par deux variables et à mesurer par la
comparaison de l’évolution des deux scores leur propension à varier ensemble. Cette approche
est consubstantiellement liée à la problématique de la manière de mesurer l’alignement
stratégique.
La déviation de profil : le fit est mesuré à partir du degré de congruence d’une configuration
avec un profil idéal défini préalablement de manière théorique ou empirique. Cette approche
suppose de pouvoir être en mesure de définir une organisation cible.
La co-variation : le fit représente la cohérence entre un ensemble de variables. Cette cohérence
influence le niveau d’une variable dépendante. La co-variation est mesurée par une analyse
factorielle qui permet de voir la contribution de chacune des variables au fit (Croteau et al.,
2001).
La gestalt consiste à analyser la congruence entre plusieurs variables et à les classer en fonction
de la force de leurs liens. Il s’agit alors d’une approche systémique permettant de définir
l’alignement comme le résultat de plusieurs sous-alignements.
142. La mesure par la typologie
Depuis les travaux pionniers d’Henderson et Venkatraman (1989), certains auteurs se sont
essayés à mettre en place des propositions de mesure quantitative de l’alignement stratégique
en se basant notamment sur les perspectives vues précédemment (e.g. Henderson et
Venkatraman, 1993 ; Luftman, 2003). Ciborra affirmait en 1997 qu’il était possible pour la
direction d’une entité de représenter les stratégies dans des « cases » et de définir des « relations
linéaires » qui pourraient ensuite être évaluées. Mais de manière opérationnelle, les
propositions de mesures restent peu satisfaisantes. Cette problématique de mesure semble
essentiellement relevée d’une grande inconnue dans ce champ académique : l’incapacité à
établir précisément comment s’opère l’alignement des domaines. Ciborra (1997) propose alors
Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH
110
que la mesure des intentions de l’entreprise et des objectifs clés de leurs départements respectifs
pourrait permettre d’évaluer l’alignement stratégique. Mais l’auteur ne donne pas vraiment
d’indications sur la manière de mettre en place ces mesures.
Ces difficultés à mettre en place une mesure quantitative de l’alignement entre les domaines
ont poussé certains chercheurs à se concentrer sur des approches de nature typologique. L’une
d’entre elles est proposée par Bergeron et al. (2004). Elle s’inscrit dans une perspective de
modération et de gestalt du fit et repose sur une méthodologie quantitative. Les auteurs tentent
alors de déterminer comment la performance de l’organisation est impactée par les quatre
domaines stratégiques étudiés (Buisiness strategy, IT strategy ; Business infrastructures, IT
infrastructures). Un questionnaire a été administré aux responsables de 1000 entreprises afin
d’évaluer le niveau de développement de chaque domaine stratégique via des échelles de
mesure (faible, moyen, fort). Par la suite, les auteurs forment des paires de domaines et évaluent
le niveau de cohérence entre les degrés de développement de chaque domaine constituant la
paire. Ils établissent alors qu’une situation de cohérence a lieu lorsque les niveaux de
développement des deux domaines étudiés sont similaires. Conformément à l’approche de la
gestalt, la dernière étape consiste à étudier la représentation numérique d’alignements faibles,
moyens et forts sur l’ensemble des huit paires constituées.
Sur la base de ce travail, les auteurs identifient deux situations possibles :
- Une situation conflictuelle (missalignment) caractérisée par une surreprésentation
d’alignements faibles.
- Une situation non conflictuelle (alignment) caractérisée par une surreprésentation
d’alignements forts.
Les situations de désalignements sont alors considérées comme ayant un impact négatif sur la
performance de l’organisation. Il s’agit ici d’une approche holiste où la fréquence d’un type
d’alignement est censée prédire la performance. Malgré l’intérêt de cette approche qui propose
une évaluation typologique, il convient de souligner deux éléments importants. La première
repose sur la modalité de mesure des construits qui reposent sur l’administration de
questionnaires. Or, cela pourrait introduire certains biais notamment liés à la mémoire et aux
perceptions individuelles. Le second point relève de la démarche additive qui consiste à
considérer qu’un nombre d’alignements forts supérieurs permettrait de conclure à une situation
favorable. Cette approche se base sur le postulat fort que l’alignement est un processus linéaire
dans lequel chaque sous-alignement a la même contribution dans l’alignement global. Dans les
faits, supposer qu’il existe des asymétries concernant le poids de certains domaines dans la
Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH
111
performance ne serait pas incongru. Cela remettrait en question le caractère linéaire des
contributions à l’alignement.
Dans une première partie, la présentation du cadre théorique de l’alignement stratégique a pu
mettre en évidence ses principaux déterminants et modes opératoires. Dans un second temps, il
convient de montrer l’intérêt de mobiliser ce modèle dans l’étude du PFRH.
Un cadre d’analyse du partage de la fonction ressources humaines
21. La mobilisation de l’alignement stratégique dans le champ de la gestion
des ressources humaines
De nombreux travaux dans le champ de la GRH mobilisent l’alignement comme un prédicteur
de la performance à travers notamment, l’étude de la cohérence des choix. Sur le plan vertical,
le PFRH a principalement été étudié à travers la cohérence des choix organisationnels et des
objectifs stratégiques. Des travaux montrent en effet que le décalage entre les objectifs posés
dans la cadre du PFRH et les moyens mis en œuvre pourraient expliquer les barrières à la prise
en main effective des rôles RH par les managers (Conway et Monks, 2010). McConville (2006)
s’est intéressé spécifiquement aux ressources financières mises à disposition dans le cadre de
la GRH. Il montre que les responsables d’équipe n’estiment pas être suffisamment dotés pour
pouvoir atteindre les objectifs qui leur sont fixés. En matière de rétribution particulièrement, il
semblerait que les enjeux qui sous-tendent les champs (récompense et motivation des
collaborateurs) ne peuvent être correctement abordés par les managers du fait de l’insuffisance
de ces dotations.
Ces écarts observés sur le plan opérationnel pourraient s’expliquer par la difficulté de
l’organisation à développer une vision commune des acteurs pour servir les objectifs du PFRH.
La divergence de points de vue des managers et des spécialistes RH pourrait être une source
majeure d’échec. Alors que ces deniers s’inscrivent dans des logiques gestionnaires et sur une
dimension stratégique de la fonction, les responsables d’équipe seraient eux, davantage
focalisés sur des aspects opérationnels. Cela entrainerait une confrontation de logiques de long
terme et de court terme et expliquerait les positions différentes sur l’attribution des moyens
nécessaires (Cunningham et Hyman, 1995 ; Kulik, 2006). Ces résultats mettent alors en
évidence la problématique de la convergence des objectifs des managers et de ceux du
département RH en contexte de partage. Cette convergence est d’ailleurs avancée comme une
condition permettant à la fonction de s’opérer de manière efficace (Townsend et al., 2012). Or,
dans les faits, il semblerait que la nécessité de faire des arbitrages, dans un contexte de
Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH
112
ressources limitées, pousserait les managers à agir de manière opportuniste. Ils agiraient pour
atteindre les résultats fixés dans le cadre de leur nouveau mandat de gestionnaire RH et non
pour favoriser la performance de GRH (McGovern et al., 1997). Ce constat amène alors au
questionnement sur la manière dont l’organisation développe l’orientation du PFRH en lien
avec la dimension qualitative de la GRH. Cette mise en cohérence serait tributaire de la façon
dont les décideurs définissent les objectifs, mais aussi les actions opérationnelles.
L’alignement stratégique a également été étudié dans une perspective horizontale pour
expliquer la performance du PFRH. Barrette (2005) propose effectivement d’étudier l’efficacité
du département RH à travers le concept d’architecture RH qu’il définit comme un concept
reposant sur un alignement vertical et un alignement horizontal. Le premier opère entre les
pratiques RH et les aspects organisationnels dominants comme la stratégie. Il implique que les
systèmes de GRH soient alignés sur la stratégie de l’entreprise et que les éléments de cette
dernière soient intégrés dans les processus de GRH. Le second alignement a trait à la cohérence
des pratiques que Barrette (2005) étudie à travers le concept de système de pratiques. La
définition des pratiques dans une approche systémique permettrait le développement d’une
cohérence et en développerait la facilité de mise en place. Cette notion d’alignement horizontal
a également été étudiée par Purcell et Hutchinson (2007) qui se sont intéressés aux effets de
compensation entre la qualité perçue des pratiques et le comportement de leadership
organisationnel observé. Leurs travaux, abordés en amont, abordent l’alignement comme un
processus de compensation entre la qualité des pratiques RH et le soutien organisationnel.
Ces observations mènent alors à se questionner sur les possibilités d’adapter l’alignement
stratégique à l’étude du partage de la FRH.
22. Le partage de la fonction ressources humaines : un objet de recherche de
l’alignement stratégique
Les différentes définitions de la FRH et les travaux présentés précédemment ont permis
d’établir que ce phénomène comporte à la fois une dimension stratégique relevant des finalités
poursuivies, mais aussi une dimension opérationnelle ayant trait aux actions et processus mis
en place. Tout d’abord, il convient de rappeler, d’un point de vue stratégique, que les travaux
de Hall, Torrington (1998), Hoogendoorn et Brewster (1992) ont permis de définir le partage
de la FRH comme « le processus de redistribution de tâches, activités et influences
initialement à la charge des spécialistes RH vers les managers opérationnels ». Cette
acception est essentiellement fondée sur les contributions théoriques qui définissent cet objet à
Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH
113
la fois comme reposant sur la participation effective des managers dans les processus et activités
de GRH, mais aussi sur leur intervention dans les prises de décisions. La littérature montre
également que le PFRH repose sur un double enjeu organisationnel. Il permettrait au
département RH de se saisir de problématiques plus profondes de GRH en se positionnant à un
niveau plus stratégique tout en transférant une partie du champ sur le plan opérationnel. De
plus, il impacterait positivement la fonction managériale par le renforcement de leviers
managériaux et l’enrichissement des tâches. Le PFRH comporterait donc un enjeu stratégique
dans la mesure où il permettrait à l’organisation d’être plus efficace en servant les objectifs plus
généraux qu’elle s’est fixée. Par ailleurs, il ressort des travaux évoqués que certaines pratiques
s’avèrent particulièrement cruciales dans le succès de PFRH. Ainsi, la capacité d’une
organisation à assurer une transition des rôles des acteurs ou à favoriser un usage cohérent des
SI, par exemple, serait un facteur impactant la mise en place de cette orientation. Henderson et
Venkatraman (1989) définissent le domaine stratégique comme la « série d’objectifs (finalités),
de moyens (actions) et d‘hypothèses sous-jacentes relatives à ces choix » (p. 9). Partant de ces
éléments, le PFRH peut être étudié comme une orientation comportant une dimension
stratégique à travers deux objectifs : la participation des managers dans les activités RH et la
participation de ces derniers dans les prises de décisions (figure 2-11).
Figure 2-11 : Représentation des objectifs stratégiques du partage de la FRH
Source : auteur de la thèse
Sur le plan opérationnel, nous avons pu mettre en évidence que le PFRH nécessitait la mise en
place d’un ensemble d’infrastructures. À travers la lecture théorique de l’AMO, il apparait que
les moyens déployés par l’organisation pour développer les capacités, la motivation et les
opportunités des managers pourraient impacter les résultats en matière d’implémentation
effective du PFRH. Le déploiement de ces moyens devrait s’opérer dans des aspects liés au
développement des compétences, du soutien organisationnel, des conditions matérielles, mais
aussi par le développement d’une relation partenariale entre les managers et les spécialistes RH.
Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH
114
Dans la littérature relative au PFRH, l’étude des SI a été justifiée par des implications à la fois
stratégiques et opérationnelles. D’une part, leur mise en place permettrait de rationaliser un
ensemble de processus de travail par le traitement intégré et systématisé des données RH.
D’autre part, y recourir serait un moyen permettant de faciliter la mise en place d’une fonction
partagée. Les problématiques d’usage et d’utilisation rencontrées par les organisations mettent
en évidence le développement des infrastructures des SI comme un élément incontournable aux
succès des projets. Dans une précédente section, les travaux d’Henderson et Venkatraman
(1989) proposent de définir les infrastructures comme les « choix relatifs aux arrangements
internes particuliers qui supportent la position choisie par l’organisation sur le marché. Elles
reflètent la série d’objectifs (choix), de moyens (actions) et d’hypothèses sous-jacentes
soulignant le design de la structure de management et des processus de travail » (p. 10).
Dans ce cadre, il s’avère plausible de considérer que le PFRH relèverait de la mise en place
d’infrastructures et processus organisationnels. Celles-ci se composeraient des infrastructures
administratives (structure, rôles et responsabilités), des processus de travail (articulation entre
flux de travail et flux d’informations) et des compétences et savoirs nécessaires pour
l’accomplissement des objectifs stratégiques permettant de soutenir le PFRH. L’aspect central
des SIRH dans le PFRH pourrait également justifier que le succès de ce dernier soit affecté par
la mise en place d’infrastructures et processus propres aux SI. Ceux-ci se composeraient de
l’architecture de systèmes d’information (politiques et règles de gouvernance), des processus
SI (choix guidant le développement et la mise en place des SI) et des compétences SI (choix
relatifs à l’acquisition, la formation et le développement des compétences nécessaires) (figure
2-12).
Figure 2-12 : Composition des infrastructures et processus organisationnels
Source : auteur de la thèse
Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH
115
Dans une section précédente, nous avons montré que l’intérêt principal de cette grille théorique
réside dans sa capacité à inclure des dimensions organisationnelles et techniques pour expliquer
le phénomène d’usage des SI. En matière de GRH, les travaux y recourant montrent comment
l’alignement stratégique peut expliquer la performance de la FRH. D’une part, l’alignement
vertical entre le domaine stratégique des RH et les infrastructures mises en place, et d’autre
part, l’alignement horizontal entre les infrastructures entre elles sont une source d’efficacité des
organisations mises en place. De ce point de vue, s’intéresser aux processus d’alignement entre
les domaines stratégiques et opérationnels du PFRH s’avère intéressant. Une transposition
schématique du modèle d’alignement stratégique à l’objet de la recherche est proposée dans la
Figure 2-13.
Figure 2-13 : Proposition d’étude de l’alignement des domaines du partage de la FRH
Source : auteur de la thèse
Pour conclure, cette première partie a permis de voir comment les modèles de l’AMO et de
l’alignement stratégique ont été mobilisés pour expliquer le PFRH. Il ressort des travaux
académiques que l’AMO est également un cadre d’analyse approprié pour appréhender le
phénomène (Appelbaum et al., 2000 ; Bos-Nehles et al., 2013 ; Gibb, 2003 ; Trullen et al.,
2016). Ces travaux expliquent que les choix organisationnels influenceraient les capacités, la
Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH
116
motivation et les opportunités des managers à agir et ces dernières détermineraient la mise en
place effective du PFRH (voir figure 2-14).
Figure 2-14 : Impact des choix organisationnels sur l’implémentation des pratiques RH
Source : auteur de la thèse
Pour autant, limiter l’explication de la mise en place des pratiques RH aux effets individuels
induits par les choix organisationnels sur l’AMO semble effacer une partie de la complexité du
phénomène. En effet, à travers le modèle de l’alignement stratégique (Henderson et
Venkatraman, 1989), il ne serait pas incongru de s’attendre à un effet de la cohérence des choix
organisationnels sur le succès de partage. Ainsi, en s’adossant à des observations empiriques,
l’objectif de cette recherche est de proposer une articulation entre l’alignement stratégique des
choix organisationnels et l’AMO comme une explication du PFRH. Par conséquent, il ne
s’agirait plus de s’intéresser à l’effet des choix pris séparément sur l’AMO, mais bien de
l’impact de leur cohérence sur ces variables (figure 2-15).
Figure 2-15 : Impact de l’alignement des choix organisationnels sur le PFRH
Source : auteur de la thèse
L’objectif de cette recherche est d’explorer les facteurs explicatifs du PFRH. Une première
partie consacrée à la présentation de l’état de l’art a permis de mettre en évidence les travaux
majeurs en la matière. Plus précisément, les discussions académiques font intervenir le rôle des
acteurs, mais aussi des infrastructures technologiques comme déterminants du phénomène. Le
Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH
117
partage de la FRH est alors appréhendé comme une orientation stratégique, mais également
comme un ensemble de choix d’infrastructures dont le succès de mise en place pourrait être
mesuré à travers l’étude des écarts entre intentionnalité et réalité organisationnelles.
Par la suite, nous nous sommes intéressés à la manière dont les travaux académiques
appréhendaient le phénomène sur un plan conceptuel. Deux cadres d’analyse sont apparus
comme particulièrement adaptés pour capter l’ensemble des dimensions de notre objet. D’une
part, l’AMO propose que les capacités, la motivation et les opportunités constituent trois
déterminants principaux au succès de PFRH. Les choix organisationnels portés sur le
développement de l’AMO permettraient d’en assurer le succès. D’autre part, le modèle de
l’alignement stratégique souligne le rôle de la cohérence des choix organisationnels sur la
capacité d’une organisation à atteindre ses objectifs. Utilisé dans de nombreux champs de la
gestion des organisations, ce cadre théorique de l’alignement stratégique pourrait constituer une
grille d’analyse intéressante du point de vue de notre objet de recherche. En effet, nous avons
montré que le partage de la FRH comporte à la fois une dimension stratégique et une dimension
opérationnelle. En ce sens, s’intéresser à la cohérence des choix organisationnels en la matière
pourrait étendre la portée explicative de l’analyse proposée dans le cadre de cette étude.
Dans une deuxième partie, il est proposé de présenter les résultats obtenus de la collecte de
données empiriques. Nous proposerons également de préciser la méthodologie utilisée en
expliquant les tenants et les aboutissants des choix effectués. Ainsi, le chapitre 3 permettra de
développer les principes méthodologiques et les réflexions épistémologiques qui sous-tendent
cette recherche. Plus particulièrement, il s’agira de mettre en évidence le rôle que joue l’étude
de cas dans la production de la recherche scientifique dans le champ de la gestion. Le chapitre
4 sera l’occasion de présenter les résultats obtenus de l’étude de cas et d’engager une discussion
de ces derniers à la lumière des travaux de la littérature exposés précédemment.
Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche
118
Deuxième partie
LA PHASE EMPIRIQUE DE LA RECHERCHE :
ÉTUDE DU CAS ABC ET PROPOSITION D’UN
CADRE EXPLICATIF DU SUCCÈS DE PARTAGE
DE LA FONCTION RESSOURCES HUMAINES
Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche
119
Notre recherche a pour objectif de mettre en évidence et d’appréhender les facteurs explicatifs
du succès de PFRH. Dans une première partie, une étude de la littérature a permis de
circonscrire l’objet de l’étude. Nous avons pu mettre en évidence les travaux analysant l’objet
du PFRH et plus particulièrement en contexte d’usage du SIRH. Ce premier temps de la
recherche a également été l’occasion de montrer comment les ancrages de l’AMO et de
l’alignement stratégique ont été mobilisés en matière académique pour expliquer le succès de
projets organisationnels. Dans cette seconde partie, nous proposons d’aborder la dimension
empirique de la recherche. Le chapitre 3 sera dédié à la discussion des aspects méthodologiques
et épistémologiques de notre travail ainsi qu’à la présentation du cas ABC qui a constitué le
support principal de notre analyse. Enfin, le chapitre quatre sera le lieu de présentation des
résultats de la recherche et de leur discussion au vu de l’étude de la littérature réalisée en amont.
Le cadre opératoire : l’étude de cas unique en recherche
qualitative
La présente recherche s’inscrit dans une démarche de production de connaissances par la
fertilisation croisée des champs théoriques et empiriques. Dans un premier temps, ce chapitre
pose les réflexions méthodologiques et épistémologiques qui ont guidé notre recherche. Par la
suite, il fera l’objet d’une présentation du cas qui a permis la collecte du matériau d’analyse.
Section 1 - Fondements épistémologiques et méthodologiques de la
recherche
Positionnement épistémologique et méthodologie de recherche pour
l’étude de cas
11. Une recherche qualitative abductive
111. La recherche qualitative comme outil de production scientifique
Les travaux mis en place dans le cadre de la présente thèse s’inscrivent dans une démarche
qualitative. Ce type de recherche se distingue par sa finalité moins portée sur la généralisation
des résultats que sur l’explication d’un phénomène étudié. Elle mobilise une richesse des
éléments de contenu étudiés et le processus de contextualisation consécutif. La démarche
Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche
120
qualitative permet de fournir des « explications riches et solidement fondées de processus
ancrés dans un contexte local. Avec les données qualitatives, on peut respecter la dimension
temporelle, évaluer la causalité locale et formuler des explications fécondes » (Miles et
Huberman, 2003, p. 11). La richesse des informations issues du contexte est donc valorisée
alors que la quantification joue un rôle secondaire. La recherche qualitative repose davantage
sur l’analyse des contextes d’apparition du phénomène, avec des modes de collecte de données
différents, dont l’observation et les entretiens semi-directifs, essentiellement de manière non
structurée et avec comme finalité la création de sens (Perret et Séville, 2014). L’objectif fixé
dans la présente thèse consiste à décrire et analyser les modalités de mise en place d’une
orientation stratégique pour identifier les facteurs explicatifs de son succès. Au vu de la
définition proposée précédemment, il apparait que la dimension qualitative de notre recherche
permettra de répondre à cet objectif.
Dans ce type de démarche, la position du chercheur doit être animée par un double objectif :
l’activation des connaissances de l’auteur et la construction d’un cheminement rigoureux et
intéressant les acteurs du terrain (Giordano, 2003). Il apparait toutefois que le processus
d’investigation et les résultats obtenus ne peuvent être déconnectés de l’influence du chercheur
(Miles et Huberman, 2003). Ainsi, la communication par le chercheur de l’ensemble des
informations permettant la discussion des modalités de son travail est nécessaire. Cette rigueur
procédurale est un moyen permettant l’expression des contradictions et constitue un critère de
validité de la production scientifique.
Dans cette démarche, le chercheur est expert, du point de vue de ses lectures et de ses
expériences passées, mais il reste cependant ouvert à la découverte. La connaissance du
contexte dans lequel il évolue doit se conjuguer à l’ouverture intellectuelle nécessaire à la
naissance de l’étonnement et de l’interrogation (Hlady-Rispal, 2002). En effet, la connaissance
de l’environnement d’étude et des dimensions théoriques est essentielle. Elle permet un ancrage
intellectuel nécessaire à la progression de la réflexion scientifique et au développement d’un
esprit critique au sujet des observations. Toutefois, il apparait que l’observation sous l’unique
prisme théorique réduirait potentiellement la faculté du chercheur à être critique vis-à-vis de ce
qu’il observe. En effet, la richesse des résultats obtenus dépend également de la capacité du
chercheur à s’étonner de ce qu’il observe.
Ainsi, la nature des connaissances produites et la place du chercheur dans ce processus doivent
nécessairement faire l’objet d’une réflexion. Perret et Séville (2014) soulignent que ce dernier
Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche
121
doit être en mesure d’appréhender les présupposés et hypothèses implicites et participer aux
débats épistémologiques structurant son champ de recherche. Il doit également être en mesure
d’expliciter sa démarche et de construire son projet scientifique dans un souci de cohérence et
de pertinence par la mise en pratique des outils de la réflexion épistémologique. Dans la section
suivante, nous nous proposons d’entamer cette réflexion en évoquant les modalités de l’étude
et les potentielles conséquences des choix méthodologiques sur la production des résultats.
112. Les positionnements du chercheur en recherche qualitative
L’épistémologie est l’étude visant à porter une analyse critique sur ce qu’est la connaissance,
les conditions de sa production et celles permettant d’en apprécier sa validité. Elle est définie
comme « l’étude philosophique critique de la connaissance, de ses fondements, de ses
principes, de ses méthodes, de ses conclusions et des conditions d’admissibilité de ses
propositions » (Legendre, 2005, p. 606). Le questionnement sur la nature de la réalité et des
conditions de production de la science au sens général apparait comme un devoir du chercheur
à chaque stade de son travail (Hlady-Rispal, 2002). Cette réflexion s’affine au fur et à mesure
que se forge l’expérience. Ainsi, à défaut de proposer de manière exhaustive un avis sur la
complexe question de l’interaction du chercheur avec son contexte et ses implications en
matière de production de la science, les développements suivants visent à produire quelques
considérations issues de nos réflexions et des lectures faites en la matière. La discussion
épistémologique relève de deux dimensions : elle peut porter sur la seule relation entre le
chercheur et son objet, mais aussi sur la nature de la réalité observée. L’enjeu d’opérer les
questionnements de l’articulation entre méthodologie, ontologie et épistémologie réside
essentiellement dans la capacité de la recherche à être évaluée (Giordano, 2003).
Les réflexions menées sur la relation du chercheur à son objet ont abouti à l’émergence de trois
principaux courants épistémologiques dans la littérature : le courant positiviste, le courant
subjectiviste et le courant constructiviste (Giordano, 2003).
La posture positiviste
Le courant positiviste considère la réalité comme un phénomène qui est et se manifeste
indépendamment de l’action du chercheur. Celui-ci a pour principale finalité de comprendre
comment s’opèrent les mécanismes qui structurent cette réalité sans pouvoir y exercer une
quelconque influence. Les organisations sont considérées comme des entités objectives et le
chercheur parviendrait à se maintenir distant de son objet de recherche. La posture positiviste
repose alors indéniablement sur le postulat de l’insolubilité de l’action du chercheur et de son
Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche
122
contexte. En d’autres termes, cela revient à accepter que l’un et l’autre ne peuvent pas avoir
d’influence réciproque sur les trajectoires prises initialement. Dans ce cadre, le recours à la
démarche hypothético-déductive permettrait de répondre aux questionnements posés. Cette
démarche consiste à définir une série d’hypothèses ou de propositions issues principalement
d’une revue de littérature préalable et de fonder les travaux de recherche sur la validation ou
l’invalidation des éléments théoriques proposés.
La posture constructiviste
Le constructivisme est un courant épistémologique considérant l’imbrication entre les
phénomènes sociaux et postule que les effets d’interactions entre eux les amènent à des
évolutions conjointes (Mucchieli, Mesure et Savidan, 2006). En contexte de recherche, cette
posture revient à accepter que la réalité observée par le chercheur est elle-même influencée par
ce dernier. Ces effets d’altération de l’objet observé doivent mener le chercheur à intégrer son
rôle et son influence dans la production de la science. Les différentes acceptions de ce que
représente la posture constructiviste en font une posture complexe. Il en résulte que les outils
méthodologiques intégrés dans cette démarche sont également difficiles à identifier.
La posture interprétativiste
Dans ce courant, la réalité observée ne peut être objective du fait qu’elle est ancrée à sa propre
histoire et à celle du chercheur. L’analyse de celui-ci résulte des interprétations qu’il fait de ses
observations. Par ailleurs, les acteurs composant l’objet étudié sont eux-mêmes producteurs
d’une vision subjective de ce qu’est la réalité puisqu’ils la décrivent de manière interprétative
(Giordano, 2003). Ces deux niveaux de subjectivité ou « double subjectivité » concourent au
postulat qu’il est impossible d’appréhender la réalité dans son essence (p. 21). Pour évoluer
dans cet environnement, le chercheur doit comprendre le vécu des acteurs, mais également
analyser par ses interprétations les éléments préalablement décodés. Le fait d’être partie
intégrante de la réalité observée produit des processus d’influences réciproques entre le
chercheur et l’objet étudié. Le chercheur influence l’objet qui lui-même, influence le chercheur
et en change la manière d’interpréter. Toutefois, à la différence de l’approche constructiviste,
la posture distanciée du chercheur par rapport à son objet ne permet pas de considérer que la
réalité est co-construite.
Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche
123
Une grille d’analyse permet de synthétiser les clivages entre ces trois courants selon la nature
de l’objet d’étude, la place du chercheur, la démarche méthodologique privilégiée et la finalité
du projet de recherche (voir tableau 3-1).
Tableau 3-1 : Synthèse des courants épistémologiques majeurs
Réalité observée Chercheur Démarche
privilégiée Projet
Positivisme Existe
indépendamment
de l’action du
chercheur
- Distant
- Non intrusif
- Cherche à
comprendre
Hypothético-
déductive
- Décrire
- Expliquer
- Confirmer
Interprétativsime
La réalité est le
résultat
d’interprétations
des sujets et du
chercheur
- Intègre l’objet
de recherche
- Analyse selon
ses
interprétations
Comprendre
Constructiviste Est co-construite
entre le chercheur
et le sujet
Intègre le projet
de recherche
Multiples
- Ingiénérique
- Interventionniste
- Participative
Construire
Synthèse de Giordano (2003)
À l’instar des réflexions proposées par Miles et Huberman (2003), il apparait difficile
d’accepter l’idée que tout chercheur est en mesure de s’émanciper de son histoire, ses
connaissances et ses préjugés. Le présent travail propose d’identifier les facteurs explicatifs du
résultat de mise en place d’une pratique organisationnelle. Au vu des éléments avancés
précédemment, il apparait que les choix méthodologiques du chercheur et sa vision de la réalité
sont empreints à une subjectivité incompressible. Cette subjectivité est d’autant moins
négligeable que les observations portent sur des sujets mouvants, s’exprimant selon des canevas
et des sensibilités qui leur sont propres. La réalité sociale est une construction « contingente des
représentations que les acteurs s’en font et du langage par lequel ils expriment et partagent ces
représentations » (Perret et Séville, 2014). Les éléments composant la réalité observée sont à la
Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche
124
fois le résultat d’interprétations des sujets, mais aussi l’objet de l’analyse du chercheur. Ainsi,
il apparait dans ce travail que le positionnement interprétativiste est le plus adéquat pour
caractériser la relation entre le chercheur et l’objet d’étude.
113. Une recherche abductive
Par ailleurs, cette recherche s’inscrit dans une démarche abductive. Elle se caractérise par un
processus itératif entre la théorie et le réel permettant de renforcer la compréhension de la réalité
observée et de construire un cadre théorique pouvant expliquer celle-ci. Pour Kœnig (1993)
l’abduction permet de s’extraire des schémas logiques intellectuels et ainsi d’envisager un
ensemble de conjectures sur les phénomènes observés qu’il convient par la suite de tester et
discuter. En procédant de la sorte, le chercheur laisse place à l’inattendu et favorise l’émergence
de nouvelles connaissances en dehors du cadre théorique prescrit. Ce positionnement est
cohérent avec notre recherche tant du point de vue de la littérature que des questionnements
posés.
Cette démarche peut paraitre laborieuse au sens premier du terme, tant elle nécessite de
multiples consultations alternées des éléments théoriques et empiriques. Il convient de
souligner, à ce titre, l’importance de disposer d’un référentiel théorique maîtrisé qui, sans se
vouloir limitatif, permet de circonscrire l’objet de l’étude et de donner une ligne directrice aux
investigations pratiques (Hlady-Rispal, 2002). Pour reconnaitre et s’étonner des faits observés,
il convient d’avoir préalablement un ensemble de référence constitué de connaissances
existantes.
Le présent travail a pour objet de recherche initial d’explorer les conditions explicatives du
partage de la FRH à travers, notamment, la lecture théorique de l’alignement stratégique. La
littérature à ce sujet faisait émerger les choix des organisations en matière de ressources
humaines comme éléments explicatifs de la volonté, de la capacité, de la possibilité des
managers de mettre en place les activités RH. Une partie des travaux a d’ailleurs montré que
les choix des organisations pris séparément pouvaient impacter la position des managers en
situation de travail (Bos-Nehles et al., 2013 ; Gilbert et al., 2015 ; Trullen et al., 2016). Par
contre, il semblerait que peu de recherches aient porté sur l’impact de la cohérence des choix
(entre eux et avec la stratégie) sur l’implémentation du partage de la FRH. En effet, la littérature
mobilisant le cadre théorique de l’alignement stratégique prend essentiellement comme objet
d’étude la mise en place d’une innovation productive ou d’un système d’information.
Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche
125
Aucune recherche ne s’était intéressée à la manière dont ces désalignements stratégiques
pouvaient expliquer l’attitude des managers face au déploiement de responsabilités RH dans
leur fonction. Dans cette perspective, la démarche abductive a permis d’identifier les principaux
processus proposés dans les corpus théoriques de l’alignement stratégique et de l’AMO. Par la
suite, les observations ont pu être catégorisées et comparées à la théorie. Ces confrontations des
éléments empiriques avec les concepts théoriques ont suscité des questionnements qui, eux-
mêmes, ont impliqué de nouvelles recherches conceptuelles. L’objectif de cette approche était
de construire une grille d’analyse enrichie des observations théoriques et empiriques. La
production de cette grille n’est pas considérée comme un processus de formulation d’assertions
à vérifier ou de résultats à approfondir. Son objet n’est que la limitation du sujet et permet
ensuite de laisser s’exprimer librement le terrain afin de saisir le plus profondément possible
ses spécificités. Elle permet de préciser les concepts qui sont au cœur de l’étude afin de les
déceler dans les différentes étapes de l’observation. Une représentation du design de la
recherche est proposée dans le point suivant.
À ce titre, il faut rappeler que la démarche abductive n’est ni une théorie enracinée (« grounded
theory ») (Glaser et Strauss, 1967) dont l’objectif est de faire émerger un cadre théorique à
partir d’un matériau empirique ni un test d’hypothèses (Eisenhardt, 1989) propre à la démarche
hypothético-déductive. Il s’agit d’une entreprise hybride empruntant à l’une et l’autre de ces
approches pour créer un processus itératif de production de la connaissance.
Il faut enfin préciser que le choix de la méthodologie abductive trouve ses fondements dans les
différentes étapes qui ont structuré la recherche. Dans un premier temps, la rencontre avec les
acteurs de terrain a permis d’identifier les modalités d’implication des managers dans la FRH
et de repérer les dispositifs d’accompagnement mis en place. Ces premiers entretiens avec des
acteurs stratégiques de la DRH et de la stratégie générale ont rapidement fait émerger des
incohérences entre les choix stratégiques et l’état des processus et des infrastructures dans
l’organisation. En outre, il apparaissait que ces derniers n’avaient pas été repensés pour
répondre à la nouvelle organisation du travail induite par les choix récents. C’est dans ce
contexte que l’alignement stratégique a été choisi comme grille d’analyse théorique. Elle
permet effectivement d’analyser les effets de l’incohérence des choix organisationnels.
Par la suite, les entretiens alternés entre experts RH et managers de proximité ont permis
d’identifier plus précisément la manière dont les choix de l’organisation s’étaient répercutés sur
la position de ces derniers en contexte de travail. Ces observations laissaient émerger des
Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche
126
problématiques liées à leurs capacités, leur désir et la possibilité matérielle d’intégrer les
responsabilités RH dans leurs fonctions. C’est donc sur la base de ces résultats que la littérature
a été de nouveau explorée et que le corpus de l’AMO s’est avéré particulièrement intéressant
pour constituer un enrichissement de la grille d’analyse initiale. Enfin, les entretiens ont été
menés jusqu’à « saturation théorique », stade à partir duquel aucun élément nouveau n’émerge
du terrain (Glaser et Strauss, 1967, pp. 61‑62). Tout au long de ces allers-retours entre théorie
et terrain, une attention particulière a été portée à l’identification des différences de points de
vue entre spécialistes RH et managers, car nous avions identifié dans la littérature que cela
pourrait être un indicateur important des écarts entre pratiques envisagées et pratiques mises en
place.
Enfin, l’analyse des données, qui sera présentée dans un prochain point, a permis la construction
et l’affinement d’un cadre d’analyse combinant les deux approches théoriques initiales. Ce
procédé a finalement abouti à la réalisation d’une proposition de recherche principale et d’un
cadre théorique intégrateur des résultats de la recherche.
Afin de garantir la fiabilité de notre démarche, nous nous sommes attachés à poursuivre les
quatre finalités proposées par Deslauriers (1991) : la crédibilité, la fiabilité, la validation et la
transférabilité.
- Crédibilité de la recherche : rigueur observée par le chercheur lors des phases de collecte
et d’analyse des données ;
- Fiabilité : s’assurer que les résultats obtenus lors de l’observation auraient été les mêmes
avec des conditions d’analyse différentes ;
- Validation : faire valider les éléments du cas par un interlocuteur expert du contexte et
les éléments d’analyse par d’autres chercheurs ;
- Transférabilité : s’assurer que les caractéristiques du cas permettent une possibilité de
généralisation des résultats à d’autres cas.
Dans le cadre de nos recherches, nous nous sommes attaché à suivre les fondements
méthodologiques retenus et reconnus dans la recherche abductive présentés précédemment.
Par ailleurs, nous avons entretenu des échanges avec d’autres chercheurs sensibilisés à la
problématique de nos travaux afin de valider la conformité des processus de collecte et
d’analyse. Cette action permet d’interroger les faits pour produire une analyse purifiée des
jugements personnels, d’ancrages théoriques précipités et d’éviter les erreurs
d’interprétation triangulation (Stake, 2005 ; Yin, 2003). Concernant la triangulation,
Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche
127
Piekkari et al., (2009) s’interrogent sur la nécessité de prendre en compte comme critère de
rigueur de la recherche la convergence ou la diversité des données. Il n’en demeure pas
moins que la combinaison de différentes sources de données permettrait d’augmenter la
validité du construit de l’étude en faisant émerger différentes réalités (Stake, 2005) et en
créant une convergence dans les analyses (Yin, 2003).
12. L’étude de cas et le choix du cas unique
121. Le choix de l’étude de cas comme méthode d’analyse
Les choix méthodologiques de toute recherche sont primordiaux, car ils déterminent la capacité
du chercheur à répondre aux questionnements posés et plus globalement d’atteindre les
objectifs de la recherche. Les méthodes ne sont ni vraies ni fausses, elles sont plus ou moins
utiles. Pour Hlady-Rispal (2002), ce n’est pas la méthode d’investigation qui guide le problème,
mais bien ce dernier qui détermine la méthodologie à utiliser. L’approche qualitative,
essentiellement focalisée sur le « pourquoi » ou le « comment » permet la compréhension de
l’opération de certains phénomènes. Parmi les outils à disposition en recherche qualitative,
l’étude de cas fait autorité. Le terme « étude de cas » est appliqué à des réalités plurielles. Étant
donné les différents types d’étude de cas, il est difficile d’en donner une définition unique et
synthétisant l’ensemble de ses dimensions (Piekkari et al., 2009). Elle peut représenter une
courte description d’une entreprise qui vise à illustrer de manière simplifiée une problématique
de gestion dans le cadre d’une situation d’enseignement. Dans ce cas, elle est dite pédagogique
(Hlady-Rispal, 2002). Son utilisation peut être également justifiée par l’existence de frontières
insuffisamment apparentes entre le phénomène et le contexte et lorsque de multiples sources de
données sont utilisées (Yin, 2003). Dans une approche plus instrumentale, l’étude de cas a
également vocation à pouvoir confronter des notions théoriques avec des réalités empiriques
(Piekkari et al., 2009). La prise en compte de la temporalité du phénomène est une dimension
importante, car elle permet d’en saisir les dimensions « historiques, contextuelles et
circonstancielles » (Giroux, 2003, p. 46). L’ensemble de ces dimensions sont présentées dans
le tableau 3-2 ci-après.
Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche
128
Tableau 3-2 : Justification de l’étude de cas
Auteurs
Hlady-Rispal
(2002)
Yin
(2003)
Piekkari et al.
(2009)
Giordano
(2003)
Justification
de l’étude de
cas
Illustrer une
situation dans le
but d’enseigner
Frontières entre
phénomène et
contexte floues
Confrontation
entre théorie et
pratique
Étude d’un
phénomène dans
une perspective
historique
Source : auteur de la thèse
L’objectif de cet outil de recherche est de créer du sens en utilisant des informations riches
obtenues suite à des observations ayant eu lieu à différents moments. Les cas analysés sont
construits sur la base d’une documentation importante dont la variété des données (documents
internes ou externes, verbatim, observations) permet d’accroître la précision de la description
du contexte. Les données utilisées sont de nature qualitative et/ou quantitative puisqu’il ne
s’agit que de la matière première à partir de laquelle le chercheur va construire son analyse.
Hlady-Rispal (2002) précise à ce sujet que l’on peut faire une recherche qualitative en utilisant
des données quantitatives puisque c’est davantage la manière dont le chercheur collecte et traite
ses données qui déterminent le statut de sa recherche que la nature des données utilisées.
Dans une réflexion autour de la finalité de la démarche, il apparait que l’étude de cas n’est pas
la méthode la plus adaptée pour tester une théorie dans le cadre d’une approche hypothético-
déductive. Elle conserve tout de même un intérêt pour la mise à l’épreuve de propositions
débouchant sur la génération de pistes de généralisation théorique. Toutefois, son intérêt
premier réside dans la possibilité qu’elle offre au chercheur de décrire des phénomènes
complexes en ayant une posture « compréhensive » (Giordano, 2003, p. 27). Les critiques
formulées sur cette méthode d’analyse portent essentiellement le caractère non généralisable
des résultats. En d’autres termes sa validité externe est remise en cause du fait que les résultats
seraient spécifiques au contexte particulier de la recherche (Hlady-Rispal, 2002). De plus, les
résultats obtenus seraient propres aux interprétations et analyses du chercheur. Une relation
Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche
129
insuffisamment contrôlée entre chercheur et objet comporterait un risque de « contamination »
de ce dernier (Giordano, 2003, p. 15). Pour ces principales raisons, l’étude de cas est parfois
utilisée comme une « pré-recherche » ou une « post-recherche », c’est-à-dire à une étape
périphérique à un procédé de recherche plus global (Giroux, 2003, p. 43). Il n’en demeure pas
moins que cette méthode d’analyse a montré de nombreux avantages et notamment une validité
interne importante du fait de la proximité du chercheur avec son objet de recherche. Par ailleurs,
il s’agit d’un outil d’analyse flexible qui s’adapte aisément aux particularités du terrain. Sur la
base de ces éléments et du constat que cet outil est utilisé depuis des années en sciences de
gestion, elle est définie comme une « démarche scientifique légitime en sciences humaines »
inscrite dans « une tradition de recherche qualitative » (Giroux, 2003, p. 44).
L’objectif de notre travail de comprendre comment les mécanismes d’alignement décrits par
Henderson et Venkatraman (1993) s’opèrent dans le cas particulier d’une réorganisation de la
FRH. Il apparait de ce point de vue que l’étude de cas est un outil pertinent pour atteindre cette
finalité. Concernant les paradigmes de recherches adoptés dans les travaux utilisant l’étude de
cas, il s’avère que les recherches scientifiques utilisent des positions épistémologiques variées
(Giordano, 2003).
122. L’utilisation du cas unique
En matière de recherche qualitative, il serait très certainement risqué de prétendre à la capacité
de généralisation des résultats obtenus. Cependant, les organisations ont tendance à copier leurs
décisions. Les phénomènes et processus se répliquent donc entre les différentes organisations
(Hlady-Rispal, 2002). Ainsi, les conclusions issues des observations dans un cas donné ont
potentiellement une portée générale. Il convient toutefois de rester raisonnable dans la volonté
d’extrapolation des résultats tant il est difficile d’établir précisément la portée des résultats. Un
point précédent a permis de mettre en évidence l’intérêt de l’étude de cas comme méthode
d’analyse. Des discussions académiques ont porté sur les modalités de mise en place de cet outil
et de la validité de la connaissance produite. Le choix de la nature et du nombre de cas a fait
couler beaucoup d’encre. Ces deniers devraient être effectués en fonction de la question de
recherche et des informations intrinsèques contenues dans le ou les cas (Hlady-Rispal, 2002).
Concernant le nombre de cas, Yin (2003) et Eisenhardt (1989) privilégient le choix de plusieurs
cas puisque cela permettrait de renforcer la validité analytique grâce à la comparaison possible
entre les différentes situations. Toutefois, le cas unique ne pourrait être justifié que s’il est
suffisamment riche en informations et si les sources documentaires et d’analyse sont variées.
Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche
130
Dans ce cadre, la manière dont le cas est choisi et documenté comporte un aspect
particulièrement critique.
Intérêts et choix du cas unique
Le recours au cas unique a largement été argumenté par Stake (2005) qui pose le principal
objectif de cette méthode qui n’est ni nouvelle ni essentiellement qualitative. L’étude de cas est
un outil dont la finalité est pédagogique avant tout. Dans une métaphore avec l’enfant malade,
il montre l’utilité de recourir à un des procédés qui permettent de pallier les insuffisances des
observations quantitatives. Ils résument ces dernières par une principale faiblesse : négliger une
partie considérable de la réalité. La force prédictive de l’étude de cas repose sur plusieurs
éléments : le choix d’une problématique pertinente, une triangulation rigoureuse, un savoir
expérientiel, une prise en compte des contextes (sociaux, politiques et autres) et une étude
précise des activités.
Stake (2005) affirme que le cas peut être un objet de forme, de taille ou de nature diverse, mais
dont l’essence première est sa spécificité. L’auteur met en avant un débat sur l’identification de
l’objet et de l’utilité du cas. Plusieurs types d’études de cas sont alors identifiés :
- Le cas intrinsèque : bien que de nombreux arguments militent en faveur de la fonction
utilitariste du cas en suggérant sa capacité à être comparé aux méthodes d’analyse
utilisées, l’intérêt du cas intrinsèque réside essentiellement dans la problématique qu’il
pose et les enseignements qu’il peut potentiellement apporter. Dans cette perspective,
l’étude de cas est « à la fois une méthode d’investigation d’un cas et le produit de cette
investigation » (p. 444).
- L’étude de cas instrumentale : constitution d’un cas dont l’objectif est de donner un
aperçu sur une problématique ou de renforcer une généralisation de résultats. Le cas est
secondaire et permet de comprendre quelque chose d’autre que ce qui est directement
présenté.
- L’étude de cas multiples : lorsqu’un cas ne comporte pas d’intérêt particulier et que
ses possibilités d’exploitations instrumentales sont limitées, le recours à l’utilisation de
l’étude de cas multiple peut s’avérer judicieux puisqu’il permettra d’obtenir des
explications à un phénomène donné.
Stake (2005) ajoute que certains travaux de recherche ayant recours à l’étude de cas l’utilisent
avec une ou plusieurs de ces finalités. Quoi qu’il en soit, il apparait que la généralisation des
Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche
131
résultats ne doit pas être un objectif poursuivi au détriment de la nature première de l’étude de
cas : produire de la connaissance à partir d’un phénomène observé. C’est pour cette raison que
le choix de cas multiples peut être justifié lorsque ceux-ci, pris individuellement, comportent
peu d’informations. Inversement, le choix d’un unique cas s’avère judicieux lorsque celui-ci a
un contenu informationnel suffisant et varié pour répondre aux questionnements centraux
préalablement établis.
Dans le cadre de la présente recherche, nous étudions le cas ABC, un établissement public à
caractère administratif qui est né de la fusion de deux entités autonomes. Ce cas est marqué par
des particularités notables : le rôle de la fusion dans son histoire et dans son fonctionnement, la
particularité du secteur d’activité, le statut hétérogène du personnel, la stratégie globale et les
objectifs RH poursuivis, la particularité de mise en place d’une fonction partagée par
l’utilisation d’un SI. Ces caractéristiques tendent à rendre l’environnement organisationnel
complexe et les choix stratégiques difficiles à opérationnaliser. C’est dans ce cadre que nous
avons été amené à étudier le PFRH en tant que choix stratégique et la mise en place des
infrastructures organisationnelles et informatiques permettant d’en assurer le déploiement
opérationnel. L’ensemble de ces éléments a favorisé la constitution d’un contexte riche et
contribue à rendre le cas particulièrement spécifique.
Les étapes de l’analyse à partir du cas unique
L’analyse à partir d’un cas peut s’opérer en trois principaux temps (Hlady-Rispal, 2002).
La rédaction du cas
Lors de cette étape, la présentation des éléments du cas s’est faite le plus fidèlement possible
au contexte de la recherche. L’ensemble des éléments permettant l’analyse de la situation a été
clairement exposé de sorte que le lecteur soit en mesure d’opposer une analyse comparative et
possiblement contradictoire à celle proposée (Hlady-Rispal, 2002). Ainsi, cette description doit
présenter les différents points de vue des acteurs en mentionnant les données manquantes et
ambigües (Giroux, 2003). Une description détaillée du contexte permettra de susciter
l’empathie du lecteur et de faciliter la mémorisation des éléments. Le cas a été construit sur la
base de l’analyse des données primaires et secondaires collectées et dont une présentation sera
faite dans le point. Il convient de souligner l’importance de la structure du cas qui doit permettre
l’émergence de questionnements secondaires à l’origine de réflexions sur les causes profondes
des problématiques (Stake, 2005).
Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche
132
La validation du cas
Afin de vérifier le degré de compréhension des éléments observés. Une rédaction complète du
cas a été opérée et soumise à un interlocuteur expert dans l’organisation. Ce document visait à
exposer de manière descriptive les processus, les faits marquants et les dates qui ont jalonné ces
événements. Cette étape est importante puisqu’elle permet, préalablement à l’interprétation, de
vérifier la compréhension de terminologie technique et de s’assurer de la prise en compte de
l’ensemble des données en lien avec le sujet d’étude (Hlady-Rispal, 2002). Concernant le
calendrier de la rédaction du cas, Giroux (2003) met en évidence des divergences de points de
vue et identifie deux traditions : celle axée sur l’importance de rédiger le cas avant le traitement
des résultats pour éviter toute influence de ceux-ci sur la description du contexte ; et celle que
nous avons adoptée en rédigeant le cas après le traitement des données. En ayant pris soin de
distinguer les aspects descriptifs et analytiques obtenus jusqu’à lors, nous avons privilégié la
rédaction du cas a posteriori de sorte à avoir une vision et une compréhension du contexte
organisationnel plus affinées.
L’analyse à partir du cas
L’étude de cas est une méthode d’analyse qualitative couramment utilisée dans le cadre de la
« théorie enracinée » (Hlady-Rispal, 2002). Dans une démarche abductive, elle permet, à partir
de l’analyse et le décryptage profonds d’un phénomène, de produire tout ou partie d’une théorie.
Nos travaux s’inscrivent dans une démarche abductive au sein de laquelle nous tâchons de
comprendre dans quelle mesure une théorie existante, affinée par des interactions empiriques
permettrait d’expliquer un phénomène observé. L’objectif de l’analyse du cas est la théorisation
qui constitue une production de connaissances (Giroux, 2003). Cela consiste à trouver des
explications à des phénomènes observés et à les formuler le plus clairement possible. Ce
processus s’appuie également sur la mise en évidence de schèmes, de similitudes et de
différences entre les situations observées. Cette contrainte que s’impose le chercheur permet
alors d’augmenter la validité interne du cas. Stake (2005) souligne l’importance de mettre en
place un processus d’analyse réflectif et qui intègre à chaque étape un croisement entre les
observations du contexte et l’expérience du chercheur.
Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche
133
Les étapes de collectes et d’analyse des données
21. La procédure de collecte des données primaires et secondaires
Il convient de rappeler que la distinction doit être faite entre la nature des données et celle de la
recherche. Ni le caractère prétendu qualitatif des données ni celui des outils de traitement n’est
suffisant pour donner une dimension qualitative au travail mené. La recherche qualitative peut
s’emparer d’outils quantitatifs dans la mesure où ceux-ci ne concourent pas à la généralisation,
mais plutôt à la compréhension et la signification dans des contextes d’étude uniques (Miles et
Huberman, 2003). Dans le cadre de notre travail, les données proviennent de deux sources : les
données primaires directement disponibles et collectées par le chercheur sur le lieu
d’observation et les données secondaires. Par ailleurs, notre analyse se base à la fois sur des
éléments quantitatifs (e.g. études, enquêtes et rapports sociaux, effectifs représentés dans les
unités, nombre de pratiques déployées, taux d’encadrement) et qualitatifs (e.g. participation à
des réunions, séminaires, conférences, observations en contexte de travail, analyse de
document, entretiens formels et informels). Pour mettre en œuvre cette collecte, Yin (2003)
identifie plusieurs sources d’informations dont la documentation interne des archives, le
discours des acteurs, l’observation directe et l’observation participante. Dans le cadre de nos
travaux, la collecte d’informations s’est opérée par la mise en place d’une immersion du
chercheur pendant une durée de six mois dans l’organisation. Cette phase de collecte garantit
une « puissance explicative » et une qualité d’analyse (Miles et Huberman, 2003, p. 27). Le
caractère flexible de la recherche qualitative permet au chercheur de s’assurer une plus grande
complétude de son étude et des données collectées.
211. La collecte des données primaires
Les entretiens semi-directifs : principal outil de collecte de données primaires
L’entretien permet la compréhension de la manière dont s’opère le phénomène. En partie
exploratoires, ils permettent d’identifier les phénomènes en présence du contexte étudié. Ce
mode de collecte de données se caractérise par des interactions entre le répondant et le
chercheur avec une volonté de ce dernier de guider la conversation par des questions ouvertes.
Il se distingue de l’entretien non directif au cours duquel le chercheur évoque des thèmes et
laisse son interlocuteur s’exprimer de façon totalement libre. Lors de ces échanges, les
questionnements sont effectués de manière non contrainte et en fonction de l’évolution du
discours du répondant (Demers, 2003). Les entretiens semi-directifs ont été menés avec les
acteurs identifiés comme centraux au vu des questionnements posés.
Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche
134
L’entretien est défini comme un outil incontournable de l’étude de cas tant il permet de cerner
la réalité observée (Eisenhardt, 1989). Ce type de recueil de données est central puisqu’il éclaire
la compréhension du phénomène par le croisement de la subjectivité des acteurs sur des
organisations du travail a priori semblables. C’est donc après une première phase d’observation
et d’entretiens non directifs qu’il a été entrepris d’investiguer plus en profondeur
l’environnement d’étude avec l’expression du vécu des acteurs. L’enjeu était de comprendre
les représentations, la motivation et les freins à l’action. Les entretiens ont été menés de
préférence sur le lieu de travail des répondants ou à défaut dans un lieu choisi par eux. Guelfand
(2013) soutient que cette connexion du sujet à son objet est le meilleur moyen d’obtenir une
parole riche en informations.
La phase des entretiens s’est tenue après la validation du guide et l’analyse du contexte
professionnel. Effectivement, l’observation des acteurs dans leur environnement de travail et
leurs interactions avec l’outil ont été un prérequis fondamental afin de développer une expertise
en la matière et de pouvoir échanger avec les répondants.
Les entretiens se sont par la suite tenus avec les membres de la direction des ressources
humaines et les managers de manière alternative de sorte à pouvoir croiser les réponses et
enrichir les questionnements relatifs à chaque population. Les rencontres avec les acteurs ont
été effectuées, pour la plupart, dans le cadre de rendez-vous formels et d’échanges improvisés
lors de la visite de site. Afin de faciliter la retranscription, les entretiens ont été enregistrés.
Dans de rares cas et à la demande des répondants, le contenu des échanges a été collecté par
voie de notes écrites. Pour ces échanges précis, il a été décidé de sacrifier l’exhaustivité pour
une plus grande authenticité de la parole.
a. Le choix des répondants
Pour Hlady-Rispal, (2002), le choix des répondants n’est nullement guidé par un impératif de
représentativité numérique de l’échantillon, mais davantage par la recherche de la variété du
contenu informationnel. Il est alors apparu fondamental de pouvoir identifier les experts du
point de vue des thématiques abordées afin d’obtenir l’information la plus riche possible.
L’étude portait sur la compréhension de l’utilisation du SIRH par les managers à travers le
prisme théorique de l’alignement stratégique. Sur l’ensemble de la région, ABC compte environ
2500 salariés, dont 192 managers, et 43 salariés de la DRH. L’objectif de la présente recherche
était d’identifier les éventuels désalignements au sein des processus et des pratiques RH et d’en
fournir les explications. À l’instar des travaux de Khilji et Wang (2006) portant sur
Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche
135
l’identification des écarts entre pratiques envisagées et pratiques mises en place, nous avons
utilisé plusieurs points de vue. Par ce biais, nous cherchions à mettre en évidence des
incohérences et des écarts entre les pratiques et les processus envisagés et ceux qui ont été mis
en place. Le choix des répondants s’est fait de manière totalement libre et indépendante d’une
quelconque influence institutionnelle. Les entretiens ont été réalisés jusqu’au moment où
l’apport incrémental d’informations est devenu résiduel. Glaser et Strauss (1967) évoquent la
« saturation théorique ». Cette saturation est la résultante de trois critères bien spécifiques : la
contrainte empirique informationnelle qui se caractérise par la quantité limitée de données
disponibles dans un environnement particulier, l’intégration de la théorie qui délimite le
périmètre des données exploitables et la sensibilité théorique de l’analyste.
La population finale interrogée se constitue de 55 individus, dont 12 spécialistes RH (chef de
services RH et responsables RH), et 43 managers. Dans un souci d’équilibre entre la nécessité
de garantir l’anonymat des personnes et le besoin de précision quant à leur profil, les répondants
ont été désignés comme suit :
- Manager de proximité : désigne un ou une responsable d’équipe de conseillers.
Directement visés par le PFRH, ils constituent les principaux sujets de notre étude ;
- Direction d’agence : désigne un ou une responsable d’agence qui encadre une équipe
de managers de proximité. Il s’agit des managers intermédiaires ayant le statut de
directeur ou directrice et leurs adjoints ;
- Direction territoriale : désigne un ou une directeur ou directrice du territoire. Ils
opèrent à un niveau de management stratégique supervisant l’évolution des membres
des directions d’agence ;
- DRH : désigne un membre des services de la DRH (paie, formation, relations et études
sociales, DRH et adjoints) ;
- Responsable DSI : membre de l’équipe de pilotage et/ou de réflexion du projet SIRH.
- Correspondant RH : acteur déployé en agence par la DRH en soutien du réseau pour
constituer un relai entre ce dernier et les services RH.
L’ensemble des spécialistes RH a été interrogé afin de faciliter la compréhension du
fonctionnement du département. Concernant les managers, 43 d’entre eux ont été interrogés,
quels que soient leur niveau de responsabilité (manager de proximité, intermédiaire ou
stratégique) et leur situation géographique. Cette variance des statuts, des départements et des
agences avait pour objectif de mettre en évidence d’éventuelles spécificités et donc d’accroître
Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche
136
le contenu de l’information. Il convient de préciser toutefois qu’un interlocuteur de la DRH a
systématiquement été consulté concernant le choix d’un répondant. Cette action a permis
d’évaluer a priori la qualité potentielle des informations recueillies, mais surtout d’obtenir
indirectement des informations concernant les rapports professionnels de la direction avec les
structures et les salariés observés. Il convient de préciser que le recours à cet expert n’était en
rien une directive et que le chercheur s’est laissé la possibilité de sélectionner les répondants de
manière libre, y compris ceux qui n’étaient pas identifiés par la DRH comme des interlocuteurs
à privilégier. Bien évidemment, l’ensemble des salariés de la région n’a pas été interrogé et la
mise en œuvre de choix de répondants laisse entrevoir la possibilité de biais de sélection et
l’éventualité que les résultats aient pu être différents avec d’autres réponses. Cependant, la
sélection aléatoire et l’existence de la saturation de l’information contribuent à limiter l’ampleur
de ces biais. Afin de faciliter le repérage des répondants dans la section des résultats, un numéro
d’anonymat ainsi que le service de rattachement ont été précisés pour chaque verbatim.
b. Le déroulement de l’entretien semi-directif
Le déroulement de l’entretien s’est articulé autour de quatre phases (Giannelloni et
Vernette, 2012).
La phase d’introduction permet au répondant d’évacuer les problématiques en lien avec
le sujet, mais qui n’en font pas réellement partie. Cette phase permet de mettre le sujet en
confiance et d’évoquer des thématiques plébiscitées afin d’éviter un cantonnement en
territoires refuges lors de questions embarrassantes. Elle permet également le recueil du
discours rationnel, les clichés pouvant constituer des motivations ou des freins (Giannelloni et
Vernette, 2012). Lors de cette phase, une présentation brève de la problématique est abordée.
À ce stade, si le répondant use de la langue de bois, il sera nécessaire de revenir en arrière et de
changer les conditions de l’échange (Piekkari et al., 2009).
La phase de centrage du sujet (Giannelloni et Vernette, 2012) ou de transition (Piekkari
et al., 2009) permet d’établir le lien entre l’intérêt du chercheur et celui du répondant. Il est
également question de clarifier les enjeux de la recherche et la position du chercheur dans
l’environnement de l’enquête. Il convient ainsi de rappeler la neutralité du chercheur du point
de vue des relations internes à l’organisation, mais également l’intérêt et l’utilité des entretiens
qui sont entrepris. Considérer le répondant comme partenaire du travail permet de dépasser le
stade déclaratif et de détecter les intentions à la base des comportements (Guelfand, 2013). Il
apparait effectivement évident que l’un des critères de réussite de la recherche est l’adhésion
Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche
137
du sujet à celle-ci. La conviction des répondants de l’intérêt réciproque de l’étude est
indispensable. La complexité de la tâche relève dans les attentes et perceptions divergentes de
la manière dont les acteurs voient l’étude (Hlady-Rispal, 2002). L’information et la
communication préalables par la direction ainsi que la sensibilité des répondants à la
problématique abordée ont facilité le recueil d’informations.
L’approfondissement est une phase dans laquelle le répondant est pleinement immergé
dans le thème et les mécanismes d’autocensure de la pensée sont réduits au minimum
(Giannelloni et Vernette, 2012). Il importe alors d’entrer dans le cœur du sujet pour comprendre
les freins ou les motivations expliquant son comportement. Si la confiance a bien été instaurée,
le répondant approfondit sans grande difficulté (Giannelloni et Vernette, 2012). Lors de cette
étape, des relances instantanées et différées ont permis de revenir sur des éléments essentiels
pour susciter des approfondissements et améliorer la compréhension de certains phénomènes.
La conclusion est un moment collectif où chacun des partenaires de l’entretien peut
revenir sur des éléments pour lesquels il subsiste des questionnements (Piekkari et al., 2009).
Nous avons été amené à synthétiser les thèmes abordés et particulièrement ceux qui ont fait
l’objet d’approfondissements. Cette phase de conclusion s’est parfois avérée cruciale tant elle
a permis d’aborder des éléments non évoqués dans le corps de l’entretien. La mise en place
d’une discussion dans un cadre moins formel permet effectivement une libération de la parole
et des idées potentiellement bridées.
c. Le guide d’entretien comme canevas de recherche
Pour orienter le répondant vers des thèmes particuliers, un guide d’entretien a été élaboré. Celui-
ci vise à comprendre précisément comment se déployaient les pratiques définies dans la
nouvelle organisation du travail. L’utilisation du guide d’entretien répondait à la volonté d’avoir
un fil conducteur structurant de manière générale la discussion avec les répondants. La mise en
place d’un canevas semblable, mais non unique pour tous les entretiens s’est appuyée sur le
principe de flexibilité des données énoncé par Giannelloni et Vernette (2012) et selon lequel le
processus de questionnement doit s’adapter le plus possible à la personne interrogée tout en
laissant des marges de manœuvre au pilotage de la discussion. Il s’agit là d’un élément clivant
entre le guide d’entretien et le questionnaire. Ainsi, compte tenu du niveau de connaissance
variable concernant les thématiques abordées, il a été décidé de laisser les répondants
s’exprimer sur les parties pour lesquelles ils avaient le plus d’expertise. L’évocation de
l’ensemble des parties du guide a toutefois été jugée pertinente, et ce, même si le niveau de
Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche
138
connaissance était réduit. Ces situations de silences relatifs ont effectivement permis de mettre
en lumière des résultats potentiellement intéressants en matière d’hétérogénéité de niveaux de
connaissances. Dans cette perspective, il a également été laissé à l’initiative du répondant
d’aborder les thèmes dans l’ordre souhaité.
La construction de deux modèles de guide conformément aux deux statuts identifiés : managers
et personnels des fonctions support. Le guide destiné à ces derniers avait pour objectif
l’approfondissement de la connaissance du contexte et des enjeux stratégiques et
organisationnels (voir Annexe 1). Les fonctions visées étaient : la DSI, la DRH et les RRH sur
site. Le guide destiné aux managers avait pour finalité d’éclairer les processus en contexte
opérationnel (voir Annexe 2). Elles ont été ensuite déclinées en questions ayant pour objectif
de préciser le contenu de la rubrique. La première thématique abordée est la description du
métier du répondant. Par la suite, ont été évoqués l’expérience du PFRH et le rapport du
répondant au SIRH. Ce canevas a été construit de telle sorte que le contact et la relation avec le
répondant soient privilégiés. Nous avons décidé d’entamer les échanges par des
questionnements portant sur le métier et le contexte de travail afin de connaitre le profil du
répondant, mais surtout pour lui permettre de s’exprimer librement et d’éviter les situations de
blocage (Hlady-Rispal, 2002). La thématique du SIRH a été abordée en fin d’entretien, car
présumée complexe pour les individus interrogés. Lors de la rédaction du guide, une attention
particulière a été portée aux termes utilisés avec un enjeu double : d’une part, formuler les
questions avec un langage concret et donc compréhensible de tous les répondants, et d’autre
part, ne pas influencer les réponses de ces derniers (Demers, 2003).
La principale difficulté rencontrée lors de la mise en place des entretiens a consisté à définir le
type de questions à poser aux interlocuteurs. En effet, dès les premiers entretiens, nous avons
constaté que le niveau d’information des répondants était hétérogène. Une partie de cette
variance informationnelle était prévisible. Sur le plan vertical, nous nous attendions
effectivement à obtenir des niveaux d’informations hétérogènes selon l’implication stratégique
des répondants. En effet, Dietrich (2009) montre que le niveau stratégique tend à influencer la
maîtrise de l’environnement et le champ de l’organisation. Cependant, il faut noter que sur le
plan horizontal, nous nous attendions à obtenir un niveau d’information homogène selon les
répondants. Il en résulte finalement que le niveau d’expertise et d’information stratégique était
variable entre les unités, mais aussi au sein des unités. Cette particularité a été prise en compte
dès les premiers entretiens afin d’adapter les échanges en fonction de ce niveau de
Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche
139
connaissance. L’objectif était à la fois d’obtenir une information riche selon l’expert sondé,
mais aussi de dissiper les éventuels malaises dus à l’incapacité de répondre.
Les deux versions du guide ont ensuite été testées auprès d’un professeur des universités expert
de la méthodologie qualitative ; une consultante RH ayant une expérience significative dans les
secteurs privé et public en tant que responsable de mise en place d’un SIRH ; et enfin le DRH
d’une PME spécialisée dans la production d’énergies renouvelables et coordinateur principal
dans le projet SIRH de son entreprise. Cette phase de test avait pour finalité la validation de la
fluidité des questions par le répondant et la valence des questions compte tenu des thématiques
abordées. Comme ces répondants ont été sélectionnés selon leur champ de compétence, il leur
a été demandé de se référer à l’expérience la plus significative en lien avec le sujet de l’étude.
À la suite aux premiers entretiens, des affinements du guide ont été réalisés. Les discussions se
sont tenues avec une responsable RH chargée du développement des conseillers, mais aussi
avec des managers de proximité. De nouvelles thématiques spécifiques à l’organisation et non
identifiées jusqu’à lors sont apparues comme centrales dans le phénomène étudié.
Les premiers entretiens ont été réalisés en collaboration avec un chercheur expert en méthode
qualitative avec l’objectif de valider et développer les pratiques nécessaires au recueil des
données lors d’entretiens semi-directifs. Par la suite, les entretiens ont été menés avec des
salariés de manière individuelle pour la plupart et en binômes dans de rares cas. Nous avons
pris la précaution d’organiser les rencontres dans des espaces clos et isolés de façon à minimiser
l’autocensure des répondants.
Observation non participante : une source d’information complémentaire
L’observation comme méthode de collecte de données peut être justifiée par la volonté de
comprendre un phénomène peu connu jusqu’à lors. Dans ce cas, elle a une visée exploratoire et
permet de créer des connaissances nouvelles (Groleau, 2003). Ce type de recueil de données
peut également être utilisé en complément des informations obtenues à l’issue d’entretiens. Le
postulat de départ est que les répondants ne sont pas en mesure d’exprimer leurs expériences et
leurs sentiments de manière précise et objective. Observer les individus dans leur situation de
travail permettrait ainsi de capter le phénomène dans son ensemble.
La position du chercheur vis-à-vis de son objet de recherche prend différentes formes. Junker
(1960) identifie quatre types de positions :
Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche
140
- participant complet : le chercheur participe au même titre que les autres acteurs à
l’activité de l’organisation en masquant son statut de chercheur et potentiellement son
identité. Il mène son observation sous complète discrétion et sans donner d’information
sur sa qualité de chercheur.
- le participant observateur : le chercheur participe à l’activité de l’organisation, mais en
informant les salariés de son statut.
- l’observateur qui participe : le chercheur est un observateur qui participe, mais de
manière informelle à l’activité de l’organisation.
- l’observateur complet : le chercheur observe sans avoir de contact direct avec les sujets.
Dans le cadre de notre recherche, nous avons davantage occupé une fonction d’observateur
participant. Bien qu’un soin particulier ait été apporté au développement de l’expertise en
matière de GRH et des SI, notre rôle s’est exclusivement limité à l’observation des acteurs dans
leur environnement de travail et à des échanges dans le cadre d’entretiens formels et informels.
L’enjeu dans la position du chercheur vis-à-vis de son terrain réside essentiellement dans la
gestion de la distance. Si une participation pleine permet d’être immergé et de capter les
interactions d’un point de vue interne, il demeure que cette proximité limite la prise de recul et
l’objectivation du point de vue du chercheur. À l’inverse, l’observateur participant tente
d’appréhender le phénomène à l’étude sans pouvoir entrer pleinement dans la réalité des
acteurs. Il se prive donc potentiellement d’un niveau d’information de qualité. Sur la base de
ces éléments de réflexion, nous avons entrepris nos recherches en prenant part aux échanges,
rencontres et réunions tout en gardant une prise de recul quant aux interactions entre les acteurs.
L’observation, quel que soit le degré de participation du chercheur, vise à « appréhender le
point de vue des sujets étudiés dans la situation dans laquelle ils évoluent » (Groleau, 2003, p.
220). Cette réalité peut se définir comme « la manière dont les membres de la collectivité créent
du sens de leur expérience au sein de cette communauté » (p. 220). Bien que la compréhension
de cette réalité puisse revêtir un aspect quantitatif en se basant, par exemple, sur le nombre de
rencontres avec les acteurs, nous avons préféré privilégier une lecture qualitative des échanges
en caractérisant la qualité des interactions (Hlady-Rispal, 2002). L’ensemble des réflexions
survenues à l’issue de nos observations ont fait l’objet de rédactions de notes. Ces dernières ont
permis de consigner des éléments de description concernant le contexte organisationnel, des
réflexions méthodologiques relatives à l’incidence du chercheur et de ses choix d’investigation
sur son objet de recherche et enfin, des notes comportant une analyse des données sous la
perspective de la problématique posée (Giordano, 2003).
Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche
141
212. La collecte des données secondaires
Les données secondaires sont des informations et documents ayant un caractère formel et qui
sont communiqués par des tiers. Alors que les données primaires sont directement issues de
l’observation et de l’interprétation du chercheur, les données secondaires viennent apporter un
complément d’information aux éléments directement observés.
Ce type d’informations peut être obtenu par la consultation des éléments communiqués par
l’organisation elle-même ou en s’intéressant aux éléments mis à dispositions par des entités
tierces.
Dans l’étude du cas présent, la collecte des données secondaires a été effectuée tout au long du
processus de réflexion. La consultation de ces éléments a permis une définition plus précise du
contexte durant la phase exploratoire. Elle a également contribué à la production d’informations
supplémentaires, utiles dans le croisement des sources en phase d’analyse.
Les données ont été retranscrites immédiatement pour éviter une déperdition de l’information
due aux limites de la mémoire humaine, mais aussi pour intégrer un maximum d’éléments qui
ne sont pas contenus dans les verbatim (Allard-Poesi, 2003). Un journal de bord et des comptes
rendus d’analyse ont également été rédigés directement après observation de sorte à pouvoir
obtenir une analyse précise. De plus, dans le cadre de la démarche itérative induite par la
recherche qualitative, la comparaison de ces comptes rendus rédigés au moment de
l’observation avec l’analyse produite lors de l’étape empirique constitue un moyen de créer de
nouvelles connaissances.
22. L’analyse des données
221. Le choix de l’unité d’analyse
Avant d’expliquer les modalités d’opération de l’analyse heuristique et de définir les catégories,
il convient de préciser la nature des unités d’analyse. Hlady-Rispal, (2002) identifie deux
catégories d’unités d’analyse. Celle qui va proposer un découpage sémantique du discours en
prenant comme matériau le mot, la ligne ou les ancrages spatiaux ou temporels. Mais dans le
cadre de nos travaux, nous avons décidé de nous attacher à celle reposant sur l’unité de sens. Il
a effectivement été pris le parti d’accorder davantage d’importance au contenu et au sens du
discours des répondants qu’à la manière dont celui-ci est formulé. Concernant les entretiens, il
convient de préciser que les répondants organisent leur argumentation de manière plus ou moins
structurée. Il a donc été décidé de recomposer la construction des idées pour leur donner une
Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche
142
unité de sens et d’en faciliter l’analyse. Toutefois, la structuration des idées des répondants a
été prise en compte dans le processus afin de dégager des centralités des éléments énoncés.
Allard-Poesi (2003) évoque un passage de « l’unité naturelle » à « l’unité de sens » (p. 254).
Ce découpage et cette réorganisation s’inscrivent dans la nécessité d’heuristique, c’est-à-dire
de création de sens. Aussi, nous considérons que la recomposition des verbatim n’altère pas le
contenu du sens et n’affecte donc pas la production de connaissances.
222. Le codage : un processus en deux niveaux
Pour l’ensemble des données, un codage a été réalisé avec le support du logiciel NVivo. Allard-
Poesi (2003) définit le codage comme le processus consistant à « découper les données en
unités d’analyse, à définir les catégories qui vont les accueillir puis à placer ces unités dans
les catégories » (p. 246). Selon l’auteure, l’objectif de ce type de traitement est de faire
apparaitre des catégories au sein du discours des répondants, car la seule lecture des données
ne permet pas de faire émerger les éléments profonds qui expliquent le phénomène. La validité
du processus de codage est soumise à deux exigences (Allard-Poesi, 2003). La première
concerne la scientificité des codes. Elle repose sur la définition précise des unités d’analyse et
des catégories. La seconde a trait à l’élaboration du sens, une heuristique qui repose sur la
capacité du chercheur à prendre du recul et créer du lien entre les éléments observés.
Les discours et documents ont été analysés et des catégories ont été créées selon le thème central
évoqué dans le fragment de matériau. Une catégorie est un ensemble regroupant plusieurs
éléments, en l’occurrence des unités d’analyse ayant une signification proche, des
caractéristiques formelles ou des propriétés similaires. L’objectif du regroupement par
catégorie est de pouvoir analyser un corpus d’unités d’analyse répondant à ces critères de
proximité et provenant de sources différentes. Les catégories ont été déterminées par
l’identification d’idées ou de mots centraux dans les observations pour le premier niveau
d’analyse et le recours à des concepts pour le niveau d’analyse théorique.
Le codage des données a donc été opéré à deux niveaux :
Un premier niveau de codage (codage ouvert) a permis la création de codes et catégories
formulés à l’issue d’une lecture proche du texte et donc non théorique. Ce codage élémentaire
permet de faire émerger les perceptions des répondants en interrogeant leur ressenti, leur façon
de penser. Une attention a été portée à l’identification du discours particulier utilisé par les
répondants. Durant cette phase, la connaissance du contexte permet d’éclairer la compréhension
des processus et donc d’ajuster l’analyse. Ce premier niveau de codage nous a permis dans un
Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche
143
premier temps de mettre en évidence des thèmes présents dans la littérature et ceux qui en
étaient absents. Dans un second temps, ces premiers codes ont permis d’apporter un éclairage
au phénomène observé grâce au croisement avec le codage axial.
Ce codage, basé sur les corpus théoriques de l’alignement stratégique et de l’AMO, a permis
de faire émerger les relations entre ces deux approches conceptuelles. Ce processus
d’articulation a permis de produire une analyse globale de ce que Miles et Huberman (2003)
nomment les « méta catégories » (p.117). Lors de cette étape, nous nous sommes attachés à
identifier les récurrences, les causes et explications des comportements et interactions dans
l’organisation. Le croisement de cette nouvelle grille théorique avec l’analyse du codage ouvert
a permis de développer une grille d’analyse mixte (figure 3-1) et de mettre en perspective les
causes de désalignement et leurs incidences sur l’AMO.
Figure 3-1 : Processus de codage et de production d’une grille d’analyse mixte
Source : auteur de la thèse
La catégorisation est un processus qui se construit selon le niveau d’inférence que le chercheur
attribue aux unités d’analyse. En effet, la lecture du contexte dans lequel l’information est
captée, mais également le cadre théorique et la question de recherche vont influencer le niveau
d’analyse et donc la catégorisation. Selon Allard-Poesi (2003), l’étude des données peut
s’opérer à des niveaux allant de la description à l’interprétation. Lorsqu’elles relevaient de
plusieurs thèmes, les unités d’analyse ont été attribuées à la catégorie la plus proche
sémantiquement de l’idée centrale évoquée.
Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche
144
Concernant la construction de notre grille catégorielle, nous nous sommes d’abord attachés à la
création de sous-catégories pour ensuite former, de manière agrégative, des ensembles
comportant plusieurs de ces sous-catégories en fonction de leur degré de congruence. Le
processus de création de thèmes s’est caractérisé par plusieurs allers-retours entre ces derniers
et les unités d’analyse. Il a pris fin lorsque les possibilités de création ou de modification de
thèmes ont été rendues marginales, ce que Miles et Huberman (2003) définissent comme la
« saturation de la production catégorielle » (p. 121). Afin de minimiser le risque de subjectivité
en phase de codage, plusieurs sources de données ont été soumises à chercheurs différents pour
analyse. Pour ne pas influencer leur démarche, peu d’informations sur le contexte de l’étude et
sur le cadre théorique utilisé ont été données. Cet exercice a permis d’identifier des éléments
qui pouvaient apparaitre centraux et ont donc participé à la création de nouvelles catégories du
codage ouvert.
Par la suite, nous avons procédé à un réseau des thèmes pour identifier ceux qui occupaient une
place centrale et pour établir des connexions entre eux.
223. Les procédés d’analyse de l’alignement stratégique
Cette recherche poursuit le principal objectif d’identifier et expliquer les désalignements des
choix organisationnels et leur impact sur le PFRH. En ce sens, la mesure du niveau
d’alignement constitue un enjeu fort du présent travail. Nous avons fait le choix de nous inspirer
des travaux de Deltour et Mourrain (2017), mais aussi, et surtout, de la démarche de Bergeron
et al. (2004) présentée dans l’état de l’art en chapitre 2. Dans le cadre de leur recherche, ces
auteurs mesurent les dimensions des différents domaines stratégiques et les comparent deux à
deux pour conclure si le niveau d’alignement est faible, modéré ou fort. Considérant
l’alignement comme une forme de cohérence, ils identifient trois niveaux d’alignement :
- Un alignement fort lorsque les niveaux de développement des deux domaines sont
Shepherd et Fine, 1994). Ces tensions se manifestent par la nécessité de gérer des postures
différentes, parfois contradictoires résultant de leur appartenance fonctionnelle multiple.
122. L’effet structurant et protecteur de la formalisation
Dans ses travaux, Ramus et al. (2017) montrent que le niveau de formalisation de la FRH serait
lié à l’importance accordée à cette dernière. Les orientations les plus formalisées seraient les
plus prioritaires dans les projets de l’organisation. Par la production de procédures écrites, la
formalisation permettrait de fournir un cadre structurant les processus de travail. Elle
déboucherait alors sur la constitution d’un espace délimitant les prérogatives des acteurs et
constituerait également un moyen de communication supplémentaire de ce qui est important.
Toutefois, les résultats de cette recherche montrent que le niveau de formalisation observé n’est
pas directement lié à l’importance accordée par l’organisation à l’orientation du PFRH. Le
retrait de l’organisation en la matière serait davantage justifié par la volonté de laisser les
pratiques se développer et se déployer de manière ancrée. Afin de créer une cohérence entre
les finalités du partage et la modalité de mise en place, les acteurs locaux sont appelés à
s’approprier eux-mêmes les objectifs de l’orientation pour implémenter par la suite les
pratiques. Réduire le niveau de formalisation permettrait de laisser émerger les rôles
directement des contextes de travail et d’en favoriser l’acceptation par les acteurs (Hunter et
Renwick, 2009). Il apparait alors que lorsque les destinataires de ces règles ne sont pas la
principale cible, le niveau de formalisation n’agirait pas de la même manière. Nos résultats
montrent effectivement que lorsque la définition des règles est insuffisante, les responsables
hiérarchiques des managers peuvent être amenés à jouer le rôle de médiateurs dans le processus
de partage. Les marges d’autonomie laissées par l’organisation permettent à ces derniers d’agir
de manière discrétionnaire et de limiter potentiellement l’accès des responsables d’équipe à
certains champs de la GRH. Ce phénomène est encore plus prégnant concernant l’association
à la prise de décisions. Pour Hunter et Renwick (2009), limiter la formalisation favoriserait une
plus grande flexibilité et stimulerait finalement la performance marginale organisationnelle.
Mais il découle des résultats de la recherche que ces avantages seraient circonscrits au contexte
Chapitre 4 - Section 2. Discussion des résultats
266
où la production de règles s’applique directement aux managers. Lorsque la configuration
intègre des intermédiaires (managers intermédiaires et stratégiques), il semblerait que cet effet
ne soit pas vérifié particulièrement lorsque les comportements opportunistes sont stimulés.
Dans le cas précis de cette recherche, il convient de noter que les rivalités interpersonnelles et
la volonté d’enrichir le poste par un contenu en lien avec la FRH mènent certains acteurs à
interférer sur la distribution des responsabilités et surtout des pouvoirs décisionnels.
Par ailleurs, il semblerait également que la formalisation impacte le comportement des
managers de proximité à travers un effet direct. Dans ses travaux, Payre (2017) montrait que
cette dernière intervenait en définissant le « périmètre du mandat hiérarchique » (p. 67). La
constitution des règles permettrait à chaque acteur de se positionner par rapport aux autres
acteurs dans la chaine de commandement et d’intervention. La formalisation jouerait alors un
rôle structurant facilitant la délimitation des fonctions de chacun dans les processus de travail.
Nos résultats montrent qu’elle interviendrait également sur un plan psychologique en favorisant
un phénomène de sécurisation des prises de décisions. En effet, il découle de nos observations
que la production de règles et de procédures permettrait au manager d’opérer des choix en
limitant la perception de risque de sanction en cas d’erreur. Ce constat semble alors
particulièrement lié au contexte organisationnel dans lequel la prise de risque est déconseillée
et où les managers ont tendance à ne pas être appuyés dans leurs décisions.
Mais la formalisation semble également constituer des contraintes limitant l’opportunité
d’action. En matière de gestion de promotion, par exemple, la nécessité de se plier aux
différentes procédures administratives décourage la prise de décisions, la rendant même parfois
illusoire. Ces effets négatifs de la formalisation ont été évoqués par Perry et Kulik (2008) qui
montrent que la surabondance de règles contribue à rendre les managers peu attentifs aux
problématiques RH et à s’abstenir de participer à certaines tâches. Ces derniers finissent alors
par réallouer leur temps de travail en faveur des activités pour lesquelles ils peuvent agir de
façon plus effective. Nos résultats montrent cependant que ces mécanismes relèvent davantage
de l’exception. Les managers semblent, au contraire, vouloir montrer leur volonté de participer
aux activités, même si leur intervention peut paraitre illusoire. La participation aux activités
RH leur permettrait d’être intégrés dans les processus décisionnels et de s’informer sur les
politiques RH et les orientations globales de l’organisation. La FRH est une clé d’entrée dans
le management stratégique de leurs unités.
Chapitre 4 - Section 2. Discussion des résultats
267
De manière synthétique, la présente recherche montre que les attentes en matière de
formalisation des règles et des procédures sont hétérogènes. Une friction s’oppose entre le
besoin d’opérer librement et de se sentir en confiance managériale et la nécessité d’encadrer
les comportements déviants et de sécuriser la prise de décisions. La non-prise en compte de ces
spécificités mène les décideurs à mettre en place des niveaux de formalisation homogènes et
donc potentiellement inadaptés aux situations réelles. Compte tenu de ces observations, nous
avons intégré la formalisation comme une infrastructure essentielle du PFRH.
Les effets directs et indirects de l’AMO sur le succès de partage de
la fonction ressources humaines
21. Les effets directs de l’AMO et le rôle amplificateur de la motivation
La présente recherche a mobilisé l’AMO comme cadre d’analyse des facteurs explicatifs du
PFRH. Elle s’inscrit dans la lignée des travaux de Bos-Nehles et al. (2013), Gilbert et al. (2015)
et Trullen et al. (2016) qui considèrent que le niveau de développement des capacités, des
opportunités et des motivations est un prédicteur du partage effectif de FRH. Dans leurs travaux
Bos-Nehles (2013) puis Gilbert et al. (2015) montrent que seules les capacités ont un effet
direct sur le PFRH. Elles joueraient un rôle central dans le processus. Par conséquent, leurs
recommandations vont dans le sens du développement des compétences RH des managers pour
une prise en main effective de leurs responsabilités. Parallèlement à cela, les auteurs
aboutissent au constat que ni le niveau des opportunités ni celui des motivations n’auraient
d’influence significative dans l’implication des managers dans la FRH. La présente recherche
remet en question ces résultats en proposant que les trois variables semblent agir sur le
phénomène. Elle souligne également l’effet amplificateur du rôle de la motivation. Nous
montrons effectivement que le développement insuffisant de l’AMO aboutirait à réduire la
propension et la qualité du partage.
Ces résultats rompent avec ceux proposés jusqu’à lors et pourraient s’expliquer de deux
manières. Un premier élément relève de la sélection des individus composant les sujets de la
recherche. Dans l’étude quantitative de Bos-Nehles et al. (2013), l’échantillon est constitué
d’individus particulièrement « motivés », puisque volontaires dans le projet pilote de PFRH.
Ces prérogatives suscitaient, a priori, un intérêt intrinsèque des sujets étudiés pour la fonction.
Cela a d’ailleurs été souligné par les auteurs eux-mêmes qui admettent que l’absence de lien
entre motivation et PFRH pourrait être expliquée par ce biais. Dans la présente recherche, les
individus ont été sélectionnés de manière aléatoire. Cela pourrait, en partie, expliquer pourquoi
Chapitre 4 - Section 2. Discussion des résultats
268
les éléments de motivation jouent un rôle particulièrement important. Plus précisément, cette
recherche montre que la prise en compte de la cohérence des choix organisationnels constitue
un éclairage supplémentaire à l’explication de l’effet de l’AMO sur le PFRH. En effet, les
désalignements entre les choix stratégiques, et notamment entre les objectifs et les
infrastructures, participeraient à expliquer les frustrations et les déceptions managériales nées.
Le deuxième élément expliquant que toutes les variables de l’AMO pourraient prédire le
PFRH tient du rôle particulier de l’alignement stratégique des pratiques organisationnelles.
Nous avons effectivement évoqué précédemment des effets de compensation qui pourraient
expliquer que des défaillances organisationnelles dans un champ puissent être compensées dans
un autre. Dans la présente recherche, nous montrons particulièrement que les spécialistes RH
ont su se positionner en soutien des managers pour mettre en œuvre les transitions. Cet
accompagnement s’est traduit par la mise en place d’une disponibilité accrue. Dans une
précédente section, nous avons souligné en quoi ce type de pratiques permettait de répondre à
des besoins ponctuels de compétences, mais constituent à long terme une solution freinant
l’autonomisation des managers. Il n’en demeure pas moins que sur le plan des perceptions, les
managers se sentent totalement investis des capacités cognitives leur permettant d’agir. Nos
résultats mettent alors en exergue que les limites sont autant de l’ordre des opportunités d’agir
que des incitations à le faire. Pour ces raisons, nous proposerons dans le modèle présenté dans
la section suivante de garder l’ensemble des variables de l’AMO en tant que déterminants du
PFRH (voir figure 4-9 dans le point suivant).
22. Effet de la rhétorique managériale sur la motivation
Dans leurs travaux, Whittaker et Marchington (2003) évoquent une focalisation sélective des
organisations sur certaines tâches lors du PFRH. Ce centrage les amènerait à orienter les efforts
de communication et de formalisation vers des pratiques qui sont jugées prioritaires. Par
ailleurs, cette sélectivité s’exercerait également par la mise en place de barrières au partage
concernant certaines pratiques qui sont jugées particulièrement sensibles. Notre recherche
montre que le phénomène de rétention est particulièrement à l’œuvre concernant des champs
comportant des aspects légaux ou politiques critiques. C’est le cas, par exemple, de la gestion
administrative et de la gestion des relations syndicales. Les résultats font état d’une
segmentation dans les choix et modalités de partage du point de vue organisationnel. Certaines
pratiques, telles que le dialogue social, ne sont pas du tout partagées. Elles semblent renvoyer
l’organisation face à ses difficultés à gérer un contexte social difficile. Les risques perçus
Chapitre 4 - Section 2. Discussion des résultats
269
concernant les possibles erreurs des managers dans le processus neutralisent toute éventualité
de partage. Mais les résultats montrent que ces restrictions peuvent s’expliquer autrement.
C’est le cas, par exemple, de la gestion des temps dont les spécificités techniques en font, a
priori, un champ dont la complexité justifierait qu’il soit géré par des acteurs stratégiques.
Whittaker et Marchington (2003) identifient que la volonté d’épargner les managers de
processus de formation laborieux pour des retours managériaux limités pourrait alors orienter
les décisions de partage de ce type. Mais il apparait ici que bien que cette volonté de
« protéger » les managers soit avancée, l’explication réelle des barrières mises en œuvre
localement relèverait davantage du contexte social défavorable et de la faible tolérance à
l’erreur. Ainsi, les résultats montrent que l’utilisation du motif de la sauvegarde de l’intérêt du
manager pourrait en réalité être une façade. Ce recours à des motifs fictifs serait alors un moyen
rhétorique de préserver la confiance perçue par les managers.
Cette rhétorique est également mobilisée localement par les responsables hiérarchiques des
managers (directeurs d’agence). Elle viserait alors à dissimuler les raisons premières de
l’absence d’association des managers dans certains champs de la GRH. Alors que ces
responsables d’unités avancent une démarche motivée par la volonté de protéger les managers
de pratiques complexes ou qui les exposeraient à une altération de la relation avec leurs
collaborateurs, il semblerait que la mise en place de barrières s’expliquerait autrement.
L’intérêt personnel porté à ces pratiques ou la volonté de garder une influence dans
l’organisation pourraient en être des éléments d’explication. Il en débouche alors que l’usage
de prétextes pour justifier des pratiques managériales en décalage avec l’objectif cible semble
modérer la volonté des responsables d’équipes de s’impliquer dans les responsabilités RH.
Qu’il s’agisse de procédés infantilisants visant à leur cacher la vérité ou de comportements
opportunistes de leurs responsables, les managers considèrent ces détournements comme une
remise en cause de la confiance qui leur est accordée.
Proposition de recherche
Dans le cadre de cette thèse, nous avons abordé la question de l’alignement stratégique en
cherchant à savoir si la cohérence des choix organisationnels pouvait impacter le PFRH. Une
étude de la littérature a permis d’identifier l’alignement stratégique et l’AMO comme des
modèles d’analyse particulièrement prégnants pour étudier le succès de partage. La mise en
place d’une étude de cas a pu confirmer la pertinence d’articuler ces corpus théoriques pour
notre objet d’étude. Les résultats soulignent effectivement le rôle de la cohérence des choix
Chapitre 4 - Section 2. Discussion des résultats
270
stratégiques sur le développement des capacités, des motivations et des opportunités des
managers à développer le PFRH. La discussion de nos résultats et des travaux issus de la
littérature nous permettent finalement de formuler les propositions suivantes :
Proposition centrale : Le désalignement stratégique des choix stratégiques d’une
organisation influencerait les capacités, motivations et opportunités des managers à partager
la fonction ressources humaines.
Proposition 1 : Le désalignement stratégique entre les objectifs du partage de la fonction RH
et les infrastructures déployées influencerait les capacités, motivations et opportunités des
managers à mettre en place le partage de la fonction RH.
Proposition 2 : Le désalignement stratégique entre les infrastructures du partage de la
fonction RH et celles du SIRH influencerait les capacités, motivations et opportunités des
managers à mettre en place le partage de la fonction RH.
Proposition 3 : Le désalignement stratégique entre les infrastructures du partage de la
fonction RH et celles du SIRH influencerait les usages du SIRH développés dans
l’organisation.
Proposition 4 : L’alignement des usages attendus et observés influencerait les capacités,
motivations et opportunités des managers à mettre en place le partage de la FRH.
Proposition 5 : Les capacités, motivations et opportunités des managers à mettre en place le
partage de la fonction ressources humaines influenceraient l’implémentation effective du
partage de la fonction RH.
Ces propositions se composent d’une proposition centrale et de cinq sous-propositions qui
constituent le fondement du modèle de la recherche présenté dans le schéma ci-dessous
(figure 4-9). Ce dernier constitue une représentation synthétique de l’analyse réalisée dans la
présente thèse et schématise des propositions susceptibles d’être examinées dans de futures
recherches.
Chapitre 4 - Section 2. Discussion des résultats
271
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4-9
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Conclusion Générale
272
CONCLUSION GÉNÉRALE
Le PFRH est un sujet éminemment actuel qui suscite l’intérêt des chercheurs et des praticiens.
Cette pratique a connu un intérêt croissant depuis les années 1990 du fait, principalement, de
l’intégration des SIRH dans les organisations. Ces outils, utilisés pour permettre un ensemble
d’opérations de traitement et d’analyse de l’information, ont participé à la mise en place d’une
transversalité du travail et à l’interconnexion de services initialement cloisonnés. Les travaux
s’intéressant au phénomène montrent que la cohérence entre les objectifs organisationnels et
l’usage envisagé du SI permet d’en renforcer le succès de mise en place. Dans le contexte
particulier du PFRH, le centrage sur les usages transformationnels et informationnels semble
favoriser l’intégration des infrastructures organisationnelles et technologiques. Par ailleurs,
l’étude du SIRH sous l’angle de l’usager met en évidence les dimensions technique et
organisationnelle comme facteurs explicatifs de l’utilisation des outils. Le recours à ces
systèmes informatisés revêt un enjeu important, puisqu’il permettrait de rentabiliser les
investissements initiaux.
Mais ces changements, appliqués au domaine de l’organisation et à celui des comportements
individuels, ont parfois abouti à des difficultés de mise en place. Certains travaux en particulier,
soulignent l’incidence des choix organisationnels sur les capacités, les opportunités et la
motivation individuelles à adopter un comportement favorable. Basées sur les réflexions
d’Appelbaum et al. (2000), ces recherches donnent naissance au cadre théorique de l’AMO.
Dans l’étude du PFRH, la mobilisation de ce cadre a permis de mettre en exergue l’incidence
des choix des décideurs sur la propension des managers à être associés dans les activités de
GRH. Pour autant, il semblait que la force prédictive de cette grille d’analyse pouvait être
renforcée en y intégrant la cohérence des choix organisationnels. Cette dernière a été proposée
à travers le concept d’alignement stratégique (Henderson, John C. et Venkatraman, 1989).
L’étude du cas ABC a permis de mettre en évidence la pertinence de l’articulation de l’AMO
et de l’alignement stratégique pour comprendre les facteurs de PFRH. En effet, le manque
d’intégration fonctionnelle et de fit stratégique pourrait expliquer un développement
insatisfaisant des capacités, des opportunités et des motivations des managers. Plus
précisément, les résultats montrent que le développement incohérent des infrastructures
Conclusion Générale
273
organisationnelles et technologiques entre elles, mais aussi avec les objectifs stratégiques
génère des situations sous-optimales. Ces résultats ayant été confrontés aux travaux réalisés
par le passé, il convient dorénavant de préciser les implications théoriques et managériales qui
découlent de cette recherche.
Contributions de la recherche
La présente recherche comporte des implications théoriques et managériales qu’il convient de
mettre en exergue.
11. Contributions théoriques
111. L’alignement stratégique et ses effets sur l’AMO : une cadre
d’analyse
Sur le plan théorique, cette recherche propose une grille conceptuelle novatrice permettant de
fournir une explication au partage effectif de la FRH. Basée sur l’articulation des théories de
l’alignement stratégique et de l’AMO, la présente recherche met en évidence le rôle de la
cohérence des choix organisationnels sur la position des managers. Ainsi, ce travail montre que
la mobilisation conjointe de ces deux approches forme une matrice théorique particulièrement
intéressante pour l’étude des facteurs du succès d’implémentation d’une orientation
stratégique. Ce cadre hybride est un outil pertinent pour expliquer l’attitude des individus
concernant un processus organisationnel.
Par ailleurs, le caractère novateur de la présente approche est également fondé par la
combinaison de deux champs de la littérature qui n’avaient jamais été mobilisés conjointement
jusqu’à lors. Notre recherche a effectivement été l’occasion de croiser les objets du PFRH et
du SIRH pour proposer un modèle explicatif du succès de partage en considérant le système
d’information comme une infrastructure à part entière de l’organisation. Alors que la littérature
des systèmes d’information tend à aborder les capacités, la motivation et les opportunités
individuelles comme des variables expliquant les attitudes et les comportements d’usage des
SI, notre recherche propose une relation inversée. En effet, les résultats du présent travail
mettent en évidence que l’alignement des usages participe au PFRH. La mise en cohérence des
attentes d’usage par rapport à ceux développés participerait effectivement à affecter la
motivation des managers de partager la FRH.
Conclusion Générale
274
112. La compensation des alignements : un mécanisme complexe
Sans pour autant apporter de solution à l’épineuse problématique de l’explication des modalités
d’alignement stratégique, cette recherche met en exergue des résultats qui permettent de
comprendre plus en profondeur le phénomène. Le premier consiste à souligner un effet de
compensation des contingences. Dans cette perspective, nous avons proposé que le
désalignement entre deux composantes puisse être compensé par ailleurs. Il est question,
notamment, de certaines pratiques pour lesquelles les managers se sentent incompétents. Cette
recherche montre alors que le soutien organisationnel participe à développer une attitude
positive concernant ladite pratique. De manière inverse, certains désalignements n’ont pas pu
être compensés malgré des efforts soutenus de la DRH. C’est le cas, par exemple, du SIRH
dont les trous fonctionnels et les informations erronées ont généré un détachement des usagers,
et ce, malgré la mise en place de changements ergonomiques, de mise à jours fonctionnels et
d’un accompagnement renforcé par l’organisation. Ces éléments tendent à définir l’alignement
stratégique comme un processus non linéaire, dans lequel une dimension qualitative des
alignements doit être prise en compte. Effectivement, il convient d’intégrer le poids relatif des
éléments qui composent le processus pour une plus grande prédiction. Nos résultats nous
amènent à suggérer que cette caractéristique non compensatoire des alignements tienne pour
partie, de l’effet amplification de la motivation.
113. Phénomène d’amplification de la motivation
L’articulation des théories de l’alignement stratégique et de l’AMO permet d’expliquer
l’impact de la cohérence des choix organisationnels sur des variables prédisant les
comportements individuels. Certains auteurs ayant traité du PFRH ont souligné les effets
directs des choix de l’organisation sur l’AMO. Ces derniers permettraient de prédire le niveau
et les modalités d’association des managers à la GRH (Bos-Nehles et al., 2013 ; Gilbert et al.,
2015 ; Trullen et al., 2016). Cette recherche montre que s’intéresser à la cohérence des choix
permettrait d’identifier le phénomène en y intégrant une dimension supplémentaire.
L’incapacité de la DRH à mettre en place des moyens en accord avec les objectifs
communiqués participerait effectivement à réduire la motivation des managers en contexte de
PFRH. La définition et la communication des objectifs du partage fonctionnel et de l’usage du
SIRH affectent les attentes des managers. Par la suite, les décalages entre les attentes et les
réalités participent, d’une part, à créer chez ces derniers des frustrations nées de l’impossibilité
de réaliser les tâches et missions attendues, et d’autre part, à entacher la crédibilité et la
confiance qu’ont les responsables d’équipes concernant leurs homologues. Ces observations
Conclusion Générale
275
constituent un fondement à la démarche de reengineering des processus et/ou des objectifs
pour créer une harmonie entre les deux domaines. Il en découle alors que l’organisation
incapable d’adapter ses infrastructures et processus doit réévaluer ses objectifs et ses attentes.
Alors que la motivation joue un rôle direct sur la volonté de partager la FRH, par le biais des
incitations par exemple, les résultats montrent qu’en plus de cet effet direct, elle renforce l’effet
négatif de l’opportunité et des capacités sur la volonté de partage. Ce résultat pointe l’incidence
de l’alignement stratégique sur la dimension psychologique du comportement individuel des
managers.
12. Contributions managériales
121. L’usage transformationnel du système d’information au service
d’une fonction partagée
Le partage de la FRH et l’usage des SIRH sont deux objets qui n’ont pas été abordés ensemble
dans la littérature académique. Pourtant, dans le champ pratique, de nombreuses
problématiques et questionnements rendent leur étude conjointe justifiée. Les résultats
montrent l’importance de questionner la cohérence des choix stratégiques lors de la mise en
place d’une nouvelle orientation stratégique. Dans le cas particulier des ERP, tant la littérature
que les résultats de ce travail mettent en évidence la rigidité fonctionnelle et architecturale des
progiciels de gestion. Dans le cas présent, le progiciel étudié était particulièrement peu flexible,
ce qui rendait difficiles ses possibilités d’adaptation aux infrastructures organisationnelles. Par
conséquent, le processus d’alignement entre les deux domaines a largement reposé sur le
mécanisme de reconception des processus organisationnels (Business Process Reengineering).
Cette ingénierie infrastructurelle entraine des changements lourds et difficiles à mettre en
œuvre dans l’organisation. Les observations mettent alors en évidence des choix
organisationnels sclérosés par deux facteurs : la rigidité du progiciel et la résistance des
collaborateurs aux changements. Dans les observations effectuées, il apparait que l’objectif est
de permettre une structuration des infrastructures grâce à l’outil. Il est alors attendu que ce SI
participe à la redéfinition des activités. Pour autant, si l’usage informationnel de l’outil a pu
être développé malgré certains dysfonctionnements, les problématiques récurrentes et
profondes auxquelles font face les utilisateurs remettent en cause leur confiance vis-à-vis du
système, et, de manière plus dommageable, celle attribuée au département RH. Dans ce cadre,
la mise en place de la vocation transformationnelle du progiciel est rendue difficile. Or, cette
dimension du SI apparait comme centrale dans le changement désiré des pratiques. Cette
Conclusion Générale
276
observation mène alors au constat que l’incapacité du progiciel à soutenir les mutations qu’il
accompagne doit amener une réflexion sur les solutions à apporter par ailleurs. Ces solutions
peuvent relever d’un changement de l’outil incompatible ou une réorientation des
infrastructures organisationnelles pour compenser les failles technologiques.
122. La cohérence des choix dans une approche globale de la réflexion
stratégique
L’entité productive est une structure en mouvement continu de sorte que l’état réel des effectifs,
des compétences et des ressources au sens général peut varier et se trouver en décalage avec la
configuration prévue. Dans le cas d’un groupe de taille importante, il apparait que malgré les
efforts de contrôle mis en place, les unités qui forment le groupe évoluent de manière différente
pour aboutir, à un instant t, à des niveaux de compétences, de ressources et des besoins
hétérogènes. Dans le cadre de la mise en place du PFRH, les décideurs doivent considérer
l’ensemble des processus et des infrastructures de manière globale. Un des postulats forts sur
lesquels s’appuie cette réflexion consiste à accepter que les organisations connaissent et
intègrent les objectifs visés et les infrastructures à dispositions dans la perspective des
changements entrepris. Par la suite, l’alignement stratégique opère par la mise en cohérence
des choix stratégiques. Les résultats de cette recherche montrent, par exemple, que la prise en
compte de l’hétérogénéité des sites géographiques permettrait de rendre les actions locales plus
cohérentes avec le contexte réel de travail des managers. Cela permettrait de développer des
pratiques et des routines plus en accord avec les objectifs poursuivis dans le cadre du PFRH.
On voit ainsi que le niveau de formalisation, le niveau d’accompagnement, le service
d’expertise requis ne sont pas identiques dans les différentes unités. En outre, le développement
homogène d’infrastructures pour répondre à des besoins hétérogènes aboutit à un décalage
entre les attentes et les ressources et provoque des situations de désalignements. Mener une
étude des besoins précis de chaque unité et mettre en place les moyens de manière
proportionnée participeraient ainsi à rendre l’approche plus cohérente. Dans une perspective
de co-alignement, il convient de souligner que le processus d’ajustement des domaines peut se
faire de plusieurs manières. C’est pourquoi un décalage entre les infrastructures et les objectifs
initiaux peut être résorbé en revoyant les infrastructures, en opérant une réévaluation des buts,
mais également en opérant les deux adaptations de manière mutuelle.
Enfin, la présente recherche montre que l’alignement stratégique est un véritable outil
permettant de mettre en évidence la cohérence stratégique comme explication de succès du
Conclusion Générale
277
PFRH. Basé sur une approche où l’alignement n’est pas une fin recherchée, mais un processus
latent, il est mobilisé ex post pour donner des éléments d’analyse a posteriori du succès de
partage. Toutefois, les résultats de la présente recherche suggèrent que l’alignement stratégique
pourrait être appréhendé comme un outil de pilotage structurant la démarche stratégique. Dans
une perspective dynamique, Deltour et Mourrain (2017) proposent le concept de
« trajectoires d’alignement » pour révéler le processus de mutation des profils
organisationnels. La recherche d’une cohérence inscrite à l’agenda stratégique pourrait alors
servir de guide-fil des orientations prises au sein de l’organisation. Nous proposons alors la
mise en place d’un outil permettant l’évaluation de la cohérence entre les choix stratégiques,
mais également de l’alignement entre les usages (attendus et réels) des SI et/ou des résultats
(attendus et réels) du PFRH (voir figure 4-10).
Figure 4-10 : Outil de diagnostic et de rétroaction de l’alignement stratégique
organisationnel
Source : auteur de la thèse
À défaut de fournir une évaluation métrique de l’alignement stratégique, cet outil permettrait
d’intégrer un double niveau de vérification de la cohérence et donc de pouvoir ajuster les
pratiques organisationnelles pour favoriser cette cohérence en amont et en aval. Produit sur la
base des résultats de cette recherche, il intègre la double incidence de la motivation des
managers dans le phénomène de PFRH. L’ajustement des pratiques et des attentes est proposé
à travers un processus dynamique et réactif de boucles de rétroactions. Les désalignements des
domaines stratégiques et des usages seraient vérifiés par le biais de leurs conséquences sur la
perception des acteurs, mais également des observations directes. Par la suite, nous proposons
une évaluation de ces désalignements afin d’identifier ceux qui sont les plus problématiques
Conclusion Générale
278
dans l’atteinte de l’organisation cible. Enfin, il s’agira par la suite de procéder à des
réajustements, tant au niveau des objectifs, que des infrastructures (du PFRH et des usages des
SI) afin de développer un contexte favorable au partage.
La préconisation de cet outil va dans le sens de la réflexion de Fimbel (2007) qui propose, en
complément des maîtrises d’œuvre et d’ouvrage, la constitution d’une maîtrise d’alignement
stratégique ayant pour but de veiller à l’alignement des choix substantiels du projet. Notre
proposition s’inscrit plus spécifiquement dans la méthodologie de business project
reengineering puisqu’elle se base sur la redéfinition des infrastructures organisationnelles. Plus
précisément, cette démarche propose d’intégrer l’ajustement des objectifs, des attentes, mais
aussi des structures et processus génériques et ceux des SI afin de faciliter l’atteinte des finalités
poursuivies par l’entité.
123. La mobilisation des acteurs dans les changements qui les visent
Cette recherche souligne l’importance de rendre les acteurs sujets des changements qui les
concernent. Les conditions psychologiques et matérielles auxquelles ils sont confrontés les
amènent à agir différemment dans une situation de PFRH. Cette observation transparait à
travers deux principaux éléments. Dans un premier temps, les résultats mettent en évidence
l’importance de l’implication des managers dans les phases de réflexions et de mise en place
des nouveaux projets. Cela est particulièrement avéré en ce qui concerne le PFRH puisque
l’intégration d’un grand nombre d’acteurs permet de donner une dimension partagée du
processus et réduit cette perception que l’orientation stratégique imposée. Cela participe à
renforcer l’acceptation et l’appropriation par l’ensemble des destinataires des enjeux et
modalités des changements qui s’opèrent. Les résultats ont mis en évidence une incidence
significative du facteur culturel dans le résultat d’alignement stratégique. La prise en compte
insuffisante des spécificités contextuelles entraine des difficultés sur le plan managérial, mais
aussi au niveau des usages. Walsh et al. (2013) montrent que l’alignement stratégique est alors
renforcé par la prise en compte de ces dimensions dans les processus d’adaptation, mais
également par l’implication des acteurs dans les processus de formulation et de mise en place
stratégique. Dans leur modèle d’alignement stratégique revisité, ils proposent des ajustements
au modèle initial. La stratégie doit être planifiée, désignée et émergente et suivre une logique
remontante (bottum up). Ils suggèrent également que la perspective d’alignement est
managériale, technique et sociale et que les besoins technologiques soient exprimés par les
analystes, les techniciens, les experts et les managers. Nos résultats nous poussent à abonder
Conclusion Générale
279
dans ce sens. L’intégration des managers dans la réflexion et le pilotage permettrait d’inclure,
dans les projets SI, la vision métiers portée par les acteurs terrain. Cela pourrait
vraisemblablement impacter l’alignement des choix stratégiques en amont, mais aussi, et
surtout, celui des usages en aval. En effet, nous supposons que cela favoriserait l’acceptation
et l’appropriation par les parties prenantes des changements qu’ils ont eux-mêmes impulsés.
Cette conjecture fait d’autant plus sens dans le contexte de projets liés au PFRH qui sont fondés
par la volonté de faire collaborer les équipes.
Dans un second temps, il apparait particulièrement prégnant que la manière dont tous les
acteurs prennent leurs rôles en main influence la propension des activités à être partagées. En
se positionnant en tant qu’experts au service des managers, les spécialistes RH leur permettent
d’évoluer librement dans le cadre prescrit. Pour autant, lorsqu’elles sont insuffisamment
formalisées, les interactions interindividuelles aboutissent à la mise en place délibérée ou
involontaire de pratiques extérieures aux objectifs initiaux. Dans ce contexte, il semble que
l’organisation doit jouer un rôle particulièrement central : celui de réguler par la production de
règles et de procédures, mais aussi par la proposition d’incitations positives. Effectivement, ce
dernier point est apparu comme particulièrement névralgique du point de vue des managers.
Dans un contexte de surcharge de travail perçu, la reconnaissance de l’ampleur des réalisations
en matière de GRH dans l’ensemble des attributions managériales permet d’en accroître la
valence et constituerait un moteur à l’action. Cette observation va dans le sens de la prise en
compte du contexte social et de la réalité des acteurs dans la conception des choix stratégiques.
Nos résultats font alors écho à la préconisation principale du rapport de l’Observatoire de
l’Engagement produit en 2019 et qui pointe d’inévitables problématiques d’engagement des
managers et de perte de temps dans les projets qui les visent lorsqu’ils ne sont pas associés à la
réflexion stratégique dès le départ. Cette démarche permettrait alors d’intégrer plus facilement
la complexité de la fonction managériale et d’en réduire les tensions26.
Limites et perspectives de recherche
21. Limites de la recherche
Cette recherche avait pour objectif de mettre en évidence les facteurs permettant d’expliquer
le succès de PFRH. Sur le plan théorique, elle a mobilisé, notamment, la lecture de l’alignement
26 L’observatoire de l’engagement (2019), Managers de proximité et dynamiques d’engagement : discours et réalité des pratiques, Université Paris Dauphine, (http://observatoire-engagement.org/wp-content/uploads/2019/07/Etude-Managers-de-proximit%C3%A9-2019.pdf)
Conclusion Générale
280
stratégique qui permet d’expliquer la performance par le niveau de cohérence entre quatre
domaines stratégiques de l’organisation (stratégie générique, stratégie SI, infrastructures
génériques et infrastructures SI). Dans leurs travaux pionniers, Henderson et Venkatraman
(1989) intègrent dans leur analyse le domaine l’entreprise et le domaine des systèmes
d’information. D’autres recherches reprennent ces domaines en les abordant de différentes
manières (e.g.Bergeron et al., 2004 ; Chan et al., 1997). Dans le cadre de la présente recherche,
le matériau empirique ne permettait pas d’accéder au champ de la stratégie SI. Les choix faits
en la matière n’étaient pas accessibles et ne pouvaient, de facto, pas être pris en compte dans
le cadre de l’analyse. Par conséquent, le modèle de recherche résultant propose d’expliquer le
PFRH sur la base de l’alignement de trois domaines et non quatre. Pour autant, cette limite n’a
que peu des impacts sur les résultats de la recherche, et ce pour deux raisons. Premièrement,
une partie des décisions qui ont été prises en matière de SIRH ont été intégrées dans les
observations puisque des membres de la DRH ont pris part, de manière significative, à l’équipe
projet chargée de la définition des besoins et de la mise en place du progiciel. Deuxièmement,
lorsqu’ils abordent les moyens dont l’alignement s’opère à travers la notion de « perspectives
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Annexes
298
ANNEXES
Annexes
299
Annexe 1 : Guide d’entretien fonctions support
Caractéristiques des répondants
Quel est l’intitulé de votre poste ?
Quel est votre pôle de rattachement ?
Quelle est votre ancienneté :
• Dans la vie professionnelle
• Au sein d’ABC
• Dans votre poste
• Au sein de la fonction SIRH
Éléments de contexte à demander en personne aux interlocuteurs concernés
Quel est l’effectif :
- du ABC Aquitaine (répartition droit privé, droit public) ?
- de la DRH ?
- de l’équipe SIRH ?
Y-at-il des domaines RH qui sont externalisés ? Lesquels ?
Quelle est la date de mise en place du SIRH pour ABC Aquitaine ? Pour ABC national ?
Quelles ont été les grandes étapes de ce projet ?
Demander un compte rendu des réunions des sessions de travail SIRH avec les managers.
Y-a-t-il des modules qui sont externalisés ?
Existe-t-il une charte (ou une procédure) qui définit la répartition des rôles RH entre la DRH
et les managers de proximité (la demander) ?
La stratégie Ressources Humaines
Quels sont les acteurs de la gestion des ressources humaines chez ABC Aquitaine ?
Quels sont les rôles de la DRH au sein d’ABC Aquitaine ?
Quels sont les objectifs de la DRH d’ABC Aquitaine ?
Quelles sont les spécificités de ces objectifs par rapport à ceux d’ABC national ?
En matière :
• de recrutement
• de mobilité
• de compétences/gestion des carrières
• de formation
• de communication interne
Annexes
300
• etc…
Quelle est la marge de manœuvre dont dispose de la direction territoriale pour prendre les
décisions ?
De quelle manière ces objectifs ont-ils été communiqués aux managers de proximité ?
Quels moyens ont-été mis en place pour s’assurer que les managers intègrent les objectifs
RH Diriez-vous qu’ils sont tous partagés par ces derniers (est-ce qu’ils y adhérent) ?
Quelles sont les compétences que les managers ont dû développer pour accomplir ces rôles ?
Avez-vous vu vos responsabilités et rôles changer après la mise en place du SIRH ? Dans
quel sens ?
- Quelles sont les compétences que vous avez dû développer pour assurer ces rôles ?
- Ces nouvelles responsabilités sont-elles compatibles avec votre métier ?
Partage de la fonction RH
Quels sont les principaux processus RH auxquels participent les managers de proximité
(recrutement, mobilité, compétences/gestion des carrières, formation, communication
interne…) ?
➢ Quels sont les processus RH auxquels ils participent le plus et ceux auxquels ils
participent le moins ?
➢ Quelle explication pourriez-vous en donner ?
En tant que DRH/DG/correspondants SIRH, quels sont les dispositifs (formation, journées
de sensibilisation…) que vous aviez mis en place pour sensibiliser/accompagner les
managers de proximité dans leurs nouveaux rôles RH ? Comment ces dispositifs sont-ils
perçus par les managers ?
Parlez-nous des rôles des managers dans la mise en place de la politique/ ou stratégie RH ?
Existe-il un système de mesure (indicateurs, tableau de bord, reporting) pour évaluer la
contribution des managers à la fonction RH ?
Diriez-vous que la mise en place d’un système de mesure à modifié/modifierait l’attitude des
managers concernant la fonction RH ?
Comment le partage de responsabilités a-t-il été accueilli par l’ensemble des RRH ? (lors des
réunions, par leur implication dans le projet, par l’accompagnement des managers) ?
Comment les correspondants RH ont-ils-été formés aux métiers RH ?
L’outil SIRH
Annexes
301
Quelles ont été les raisons/objectifs de la mise en place du SIRH ? Comment ces objectifs
ont-ils été communiqués auprès des managers et salariés ?
Pourriez-vous citer quelques incidents qui ont marqué cette mise en place ? Si c’était à
refaire qu’auriez-vous changé dans la/votre démarche ?
En tant que DRH/ ou correspondant SIRH (selon les cas) quel est/était votre rôle dans ce
projet ?
Dans quelle mesure les managers ont-ils été impliqués dans le projet SIRH ?
➢ Quels étaient leurs rôles ?
Avez-vous déjà organisé des sessions de travail avec les managers/chefs d’équipes au sujet
de SIRH ?
➢ Quels en étaient les objectifs (Conseil, Harmonisation) ?
➢ À quelle fréquence ?
Les managers/chefs d’équipes sont-ils informés des évolutions des lois (juridiques ou
règles) dans le domaine RH ?
➢ Comment ?
Quelles sont les fonctionnalités couvertes ou présentes dans le SIRH ? À votre avis cette
couverture fonctionnelle est-elle satisfaisante ?
Quelles sont les fonctionnalités qui sont ouvertes aux managers ?
Est-ce que le recours au SIRH permet au manager d’agir plus efficacement (rapidité, atteinte
des objectifs…) ?
L’utilisation du SIRH
Parlez-nous de l’usage que vous faites du SIRH ? Existe-t-il d’autres outils que vous utilisez
dans le cadre de votre activité RH à part le SIRH ?
Quels sont les services ou les personnes qui utilisent le SIRH ?
Quels sont les moyens qui ont été mis en place pour encourager les managers à utiliser le
SIRH ?
Comment les SIRH vous aident pour prendre les décisions en matière RH (recrutement, la
formation, la gestion des rémunérations, la gestion des carrières, le dialogue social, le
reporting, la gestion administrative ?
Quels sont les problèmes les plus récurrents que vous rencontrez avec l’utilisation du SIRH ?
Selon vous, quels seraient les points à améliorer dans le SIRH actuel :
➢ Ergonomie
➢ Convivialité
Annexes
302
➢ Les fonctionnalités
➢ Interfaces
➢ Etat/ Extraction
➢ …
Quel temps passez-vous quotidiennement sur le SIRH ?
Des indicateurs de performance ont-ils été mis en place pour évaluer le niveau d’utilisation
SIRH ?
➢ Lesquels ?
Est-ce que certains services/managers utilisent davantage le SIRH que d’autres ?
Si à l’avenir, vous étiez chargé de mettre en place un SIRH, comment procéderiez-vous (du
début à la fin) ?
➢ l’outil en lui-même
➢ l’implication des managers dans le projet,
➢ l’accompagnement durant/après la mise en place ?
Les impacts du SIRH
En définitive, qu’est-ce que le SIRH a changé dans le fonctionnement de votre service ou
équipe ? Quel est l’impact du SIRH sur les objectifs RH (GPEC, Recrutement….) ?
Pouvez-vous nous parler des impacts de SIRH sur la fonction RH ?
• Organisation du travail
• Connaissance des équipes
• Rapports des pouvoirs
• Partage de responsabilités
• Fiabilité des données
• Gains économiques
• …
Comment le SIRH contribue-t-il à repositionner la FRH ?
• DRH plus stratégique
• Managers plus RH
Annexes
303
Annexe 2 : Guide d’entretien manager
Caractéristiques des répondants
Quel est l’intitulé de votre poste ?
Quel est votre site de rattachement ?
Quel est l’effectif de votre service ?
Quel est votre parcours ?
➢ Quelle est votre ancienneté (relance) :
• Dans la vie professionnelle
• Au sein d’ABC
• Dans votre poste
• En tant que manager
La stratégie Ressources Humaines
Quelles sont les grandes orientations RH d’ABC ?
Parlez-moi des différentes politiques RH (recrutement, formation, mobilité, GPEC…)
Quels sont les objectifs RH (recrutement, formation, EAP,…) de votre service ?
➢ Comment ont-ils été définis ?
➢ Sont-ils réalisables ?
De quelle manière les objectifs RH vous ont-ils été communiqués ?
Partage de la fonction RH
Selon vous, quels sont les enjeux de l’association des managers aux tâches RH ?
Avez-vous vu vos responsabilités et rôles changer suite au partage de la fonction RH ?
➢ Dans quel sens ?
➢ Quelles sont alors vos nouvelles responsabilités RH ? (relance)
Quels sont les processus RH auxquels vous participez le plus et ceux auxquels vous participez
le moins
➢ (recrutement, mobilité, compétences/gestion des carrières, formation, communication
interne…) ?
➢ Quelle explication pourriez-vous en donner ?
Comment s’est opéré le partage des rôles RH entre la DRH et vous-même ? Existe-il une
charte qui définit vos rôles respectifs ?
Comment les managers ont-ils accueilli ces nouvelles responsabilités ?
➢ Sont –elles pertinentes ?
➢ Quel est leur impact sur l’organisation du travail ?
Annexes
304
Ces nouvelles responsabilités sont-elles compatibles avec votre métier ?
Quelles sont les compétences que vous aviez dû développer pour assurer ces
rôles/responsabilités ?
De quelle manière ce passage de responsabilités a-t-il été accueilli par l’ensemble des parties
prenantes (RRH, collaborateurs…) ?
Comment percevez-vous les dispositifs mis en place pour vous accompagner dans vos
nouveaux rôles RH : i.e. Formations, journées de sensibilisation, atelier… ?
Quels types d’échanges avez-vous avec la DRH ? (proximité, support/assistance)
Quels sont les retombées du travail collaboratif entre managers et RRH ?
➢ Un système de mesure du travail collaboratif serait-il pertinent ?
Si vous aviez dû mettre en place ce partage de responsabilités RH, comment auriez-vous
procédé ?
➢ Comment seraient-elles partagées ?
➢ Quelles responsabilités seraient partagées et quelles sont celles qui ne le seraient pas ?
L’outil SIRH
Quelles ont été les raisons/objectifs de la mise en place du SIRH ? Comment ces objectifs
vous ont-ils été communiqués ?
Quels ont été les moments forts lors de la mise en place de l’outil SIRH au sein de votre
équipe ?
➢ incidents, difficultés ?
Que dites-vous des moyens mis en place par la DRH pour aider à vous approprier l’outil ?
➢ Quels-sont-ils ?
➢ Sont-ils satisfaisants ?
Avez-vous déjà participé à des sessions de travail avec la DRH / correspondant SIRH au sujet
de SIRH ?
➢ Quels en étaient les objectifs (Conseil, Harmonisation) ?
➢ À quelle fréquence ?
Êtes-vous informés des évolutions des lois (juridiques ou règles) dans le domaine RH ?
➢ Comment ?
L’utilisation du SIRH
Parlez-nous de l’usage que vous faites du SIRH ? Quelles sont les fonctionnalités du SIRH
que vous utilisez dans le cadre de votre activité ?
Existe –il d’autres outils que vous utilisez dans le cadre de votre activité RH (à part le SIRH) ?
Annexes
305
Est-ce que le SIRH vous aide à prendre les décisions en matière RH (recrutement, la
formation, la gestion des rémunérations, la gestion des carrières, le dialogue social, le
reporting, la gestion administrative) ?
Comment le SIRH a-t-il changé votre quotidien ? (en termes de fonctionnement de votre
service par exemple, charge de travail) ?
➢ Selon vous, le recours au SIRH vous permet-il d’agir plus efficacement (rapidité,
atteinte des objectifs…) ? (relance)
Quels sont les problèmes les plus récurrents que vous rencontrez avec l’utilisation du SIRH ?
Selon vous, quels seraient les points à améliorer dans le SIRH actuel :
➢ Ergonomie
➢ Convivialité
➢ Les fonctionnalités
➢ Etat/ Extraction
➢ Interfaces
➢ …
Quel temps passez-vous quotidiennement sur le SIRH ?
Des indicateurs de performance ont-ils été mis en place pour évaluer le niveau d’utilisation
SIRH ?
Serait-il pertinent de les mettre en place ?
Si à l’avenir, vous étiez chargé de mettre en place un SIRH, comment procéderiez-vous (du
début à la fin) ?
➢ l’outil en lui-même
➢ l’implication des acteurs dans le projet,
➢ l’accompagnement durant/après la mise en place ?
Les impacts du SIRH
Comment le SIRH contribue-t-il à repositionner la FRH ?
• DRH plus stratégique
• Managers plus RH
Annexes
306
Annexe 3 : Liaisons fonctionnelles du système d’information global
Annexes
307
Annexe 4 : Extrait du plan stratégique abordant le processus de déconcentration
Table des matières
308
Table des matières
SOMMAIRE ............................................................................................................................................................ I
LISTE DES ABRÉVIATIONS, DES SIGLES ET DES ACRONYMES ................................................................ II
LISTE DES TABLEAUX ...................................................................................................................................... III
LISTE DES FIGURES ............................................................................................................................................ V
LISTE DES ANNEXES ........................................................................................................................................ VII
11. Le partage de la fonction ressources humaines : une orientation en lien avec des traditions de gestion .......... 20
12. Une approche axée sur la participation aux activités de gestion des ressources humaines .............................. 22
13. Une approche basée sur la participation au pouvoir de décision ...................................................................... 24
21. Le manager de proximité : définition et réalités .............................................................................................. 26
22. Les rôles des spécialistes ressources humaines : des essais de classification ................................................... 29
221. Une typologie de rôles basée sur les traditions managériales .................................................................. 29
222. Une typologie basée sur le degré d’intervention opérationnelle et stratégique ........................................ 32
223. Une typologie basée sur la distinction des dimensions stratégique et individuelle .................................. 33
11. La nature des pratiques de la fonction ressources humaines ............................................................................ 35
12. Les effets de taille et d’expérience ................................................................................................................... 37
21. Définition du système d’information ressources humaines ............................................................................. 38
211. Les caractéristiques fonctionnelles .......................................................................................................... 38
212. Effet structurant et effet d’adaptation ...................................................................................................... 41
Le processus de structuration du système d’information .............................................................. 42
Le processus d’adaptation du système d’information ................................................................... 44
22. L’usage des systèmes d’information : spécificités, caractéristiques et déterminants ....................................... 45
221. Spécificités et déterminants de l’usage des systèmes d’information........................................................ 46
Définition des usages ................................................................................................................... 46
Table des matières
309
Les typologies d’usage ................................................................................................................. 48
222. Les variables individuelles de l’usage : les caractéristiques techniques et sociales ................................. 51
La dimension technique de l’usage .............................................................................................. 51
La dimension sociale : de l’usage ................................................................................................. 53
223. Les déterminants de l’usage : utilité perçue et facilité d’usage perçue .................................................... 55
La place des usages dans l’étude de l’alignement stratégique .................................................... 105
L’ingénierie des processus : un outil d’alignement stratégique .................................................. 106
14. L’alignement stratégique : mesures et typologies .......................................................................................... 108
141. Les perspectives d’évaluation de l’alignement stratégique .................................................................... 108
142. La mesure par la typologie .................................................................................................................... 109
21. La mobilisation de l’alignement stratégique dans le champ de la gestion des ressources humaines .............. 111
22. Le partage de la fonction ressources humaines : un objet de recherche de l’alignement stratégique ............. 112
11. Une recherche qualitative abductive .............................................................................................................. 119
111. La recherche qualitative comme outil de production scientifique ......................................................... 119
112. Les positionnements du chercheur en recherche qualitative .................................................................. 121
113. Une recherche abductive ....................................................................................................................... 124
12. L’étude de cas et le choix du cas unique ........................................................................................................ 127
121. Le choix de l’étude de cas comme méthode d’analyse .......................................................................... 127
122. L’utilisation du cas unique .................................................................................................................... 129
Intérêts et choix du cas unique ................................................................................................... 130
Les étapes de l’analyse à partir du cas unique ............................................................................ 131
21. La procédure de collecte des données primaires et secondaires ..................................................................... 133
211. La collecte des données primaires ......................................................................................................... 133
Les entretiens semi-directifs : principal outil de collecte de données primaires ......................... 133
a. Le choix des répondants .......................................................................................................... 134
b. Le déroulement de l’entretien semi-directif ............................................................................ 136
c. Le guide d’entretien comme canevas de recherche ................................................................. 137
Observation non participante : une source d’information complémentaire ................................ 139
212. La collecte des données secondaires ...................................................................................................... 141
22. L’analyse des données ................................................................................................................................... 141
221. Le choix de l’unité d’analyse ................................................................................................................. 141
222. Le codage : un processus en deux niveaux ............................................................................................ 142
223. Les procédés d’analyse de l’alignement stratégique .............................................................................. 144
Table des matières
311
11. Les objectifs de l’organisation et leur déclinaison dans le département des ressources humaines ................. 153
12. Le partage de la fonction ressources humaines : une orientation implémentée dans un contexte de
21. Le choix d’un outil fonctionnellement rigide pour une organisation en mutation ......................................... 159
211. Le choix du progiciel ............................................................................................................................. 159
212. L’organisation de l’équipe projet et le choix de l’ERP .......................................................................... 160
213. Le déploiement de People Soft .............................................................................................................. 161
214. La définition du cahier des charges ....................................................................................................... 163
215. La composition du SIRH ....................................................................................................................... 164
22. La contribution du système d’information aux champs de la gestion des ressources humaines .................... 167
221. La gestion administrative, des temps et de la paie ................................................................................. 168
222. La formation .......................................................................................................................................... 170
223. Les entretiens professionnels annuels et les entretiens professionnels .................................................. 173
224. La gratification du personnel ................................................................................................................. 175
225. Le recrutement ....................................................................................................................................... 176
226. Les relations sociales ............................................................................................................................. 178
23. Le recours au SIRH ....................................................................................................................................... 179
11. L’alignement entre objectifs stratégiques et compétences développées ......................................................... 182
12. L’alignement stratégique entre objectifs stratégiques et infrastructures mises en place ................................ 188
121. L’alignement des objectifs stratégiques et des conditions matérielles ................................................... 191
122. L’alignement des objectifs stratégiques et du processus de valorisation du partage de la fonction
211. L’alignement entre choix de structure organisationnelle et choix d’ERP .............................................. 216
212. L’alignement entre besoins informationnels et qualité des données informatiques ............................... 218
L’accès à l’information utile : le rôle du choix des habilitations ................................................ 218
La qualité de l’information : une fiabilisation insuffisante ......................................................... 221
213. L’alignement des comportements et pratiques : une mesure compensatoire des dysfonctionnements .. 225
Table des matières
312
22. L’alignement stratégique entre infrastructures organisationnelles et processus des systèmes d’information 229
221. L’alignement entre les infrastructures organisationnelles et les processus de valorisation de l’usage ... 230
222. L’effet des désalignements sur le phénomène de centralisation ............................................................ 233
23. L’alignement entre infrastructures organisationnelles et compétences en systèmes d’information ............... 237
231. L’alignement entre les besoins d’accompagnement et la structure décisionnelle .................................. 237
232. L’alignement entre besoins de maîtrise technique et développement des compétences ........................ 239
31. Alignement stratégique : mise en œuvre asymétrique du fit stratégique et de l’intégration fonctionnelle ..... 243
311. Évaluation du fit stratégique .................................................................................................................. 243
312. Évaluation de l’intégration fonctionnelle............................................................................................... 245
32. Le succès de partage de la fonction ressources humaines : une atteinte asymétrique des objectifs ............... 248
321. Une évaluation par l’observation : un succès hétérogène de partage selon les champs ......................... 249
322. Une évaluation par le contenu du discours : une hétérogénéité du niveau d’information ...................... 254
11. L’alignement stratégique : l’incidence de la cohérence des choix organisationnels sur le partage de la fonction
121. L’usage transformationnel du système d’information au service d’une fonction partagée .................... 275
122. La cohérence des choix dans une approche globale de la réflexion stratégique .................................... 276
123. La mobilisation des acteurs dans les changements qui les visent .......................................................... 278
21. Limites de la recherche .................................................................................................................................. 279
22. Perspectives de recherche .............................................................................................................................. 281
TABLE DES MATIERES ........................................................................................................................................ 308