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BANQUE DES MEMOIRES
Master Droit et Pratique des Relations de Travail Dirig par
Monsieur le Professeur Bernard Teyssi
2012
Le motif de licenciement dun reprsentant du personnel
Emilie de la Motte
Sous la direction de Monsieur le Professeur Bernard Teyssi
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Universit Panthon-Assas
(Paris II)
Laboratoire de droit socialInstitut dtudes europennes
et internationales du travail
Le motif de licenciement
dun reprsentant du personnel
Par Emilie de la Motte
Mmoire effectu en vue de lobtention du Master Droit et Pratique
des Relations de Travail
Promotion Actance
Anne universitaire 2011-2012
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REMERCIEMENTS
Je tiens exprimer ma profonde reconnaissance Monsieur le
Professeur Bernard Teyssi
pour sa direction, sa confiance et ses conseils.
Je remercie Matre Lionel Paraire et Matre Emmanuel Noirot pour
lexprience
professionnelle quils mont offerte.
Je remercie galement la promotion Actance pour cette excellente
anne, ainsi que lensemble
de lquipe pdagogique du Laboratoire de droit social de Paris II,
en particulier
Madame Catherine Lebret et Mademoiselle Lydie Dauxerre.
Enfin, je remercie mes proches pour le soutien quils mont
apport, et tout particulirement
mes parents et Guillaume.
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SOMMAIRE
INTRODUCTION
................................................................................................................................
7
TITRE 1 : LES DIFFERENTS MOTIFS DE LICENCIEMENT DUN REPRESENTANT
DU
PERSONNEL
......................................................................................................................................36
CHAPITRE 1 : LE MOTIF
PERSONNEL................................................................................................................38
CHAPITRE 2 : LE MOTIF
ECONOMIQUE..........................................................................................................130
TITRE 2 : LE CONTROLE DU MOTIF DE LICENCIEMENT DUN REPRESENTANT
DU
PERSONNEL
...................................................................................................................................
189
CHAPITRE 1 : LA CONSULTATION DU COMITE
DENTREPRISE........................................................................189
CHAPITRE 2 : LE CONTROLE PAR LINSPECTEUR DU TRAVAIL
........................................................................218
CONCLUSION
.................................................................................................................................
285
BIBLIOGRAPHIE...........................................................................................................................
287
INDEX
..............................................................................................................................................
297
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LISTE DES ABREVIATIONS
Abr. : Abrviation
ACAS : advisory conciliation and arbitration service
AGS : Association pour la gestion du rgime de garantie des
crances des salaris
Art. : Article
Bull. civ. : Bulletin civil de la Cour de cassation
Bull. crim. : Bulletin criminel de la Cour de cassation
C. com. : Code de commerce
C. lec. : Code lectoral
C. mut. : Code de la mutualit
C. pn. : Code pnal
C. rur. : Code rural
C. trav. : Code du travail
C.civ. : Code civil
CA : Cour dappel
Cah. dr. entr. : Cahier de droit de l'entreprise
Cah. dr. soc. : Cahier de droit social
Cah. DRH : Les cahiers du DRH
Cass. 1re civ. : Cour de cassation, premire chambre civile
Cass. 2e civ. : Cour de cassation, deuxime chambre civile
Cass. AP : Cour de cassation, assemble plnire
Cass. com. : Cour de cassation, chambre commerciale
Cass. crim. : Cour de cassation, chambre criminelle
Cass. req. : Cour de cassation, chambre des requtes
Cass. soc. : Cour de cassation, chambre sociale
CCE : Comit central dentreprise
CE : Conseil dEtat
CEE : Comit dentreprise europen
Cf. : Confer
Chap. : Chapitre
Chron. : Chronique
CHSCT : Comit d'hygine, de scurit et des conditions de
travail
Circ. min. : Circulaire ministrielle
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Circ. : Circulaire
CJCE : Cour de justice des communauts europennes
CJUE : Cour de justice de lUnion europenne
CNPF :Conseil National du Patronat Franais
Coll. : Collection
Comm. : Commentaire
Concl. : Conclusion
Cons. const. : Conseil constitutionnel
Conv. : Convention
CPH : Conseil de prudhommes
CPI : Code de la proprit intellectuelle
CSS : Code de la scurit sociale
D. aff. : Dalloz affaires 7
D. : Dcret
DGT : Direction gnrale du travail
Dir. com. : Directive communautaire
Dir. : Directive
DP : Dlgu du personnel
Dr. ouvrier : Droit ouvrier
Dr. Soc. : Droit social
DRT : Direction des relations du travail
DS : Dlgu syndical
Ed. : Edition
ERA : Employment Rights Act
Et s. : Et suivant(s)
Gaz. Pal. : Gazette du Palais
IRP : Instance reprsentative du personnel
J- Cl. fasc. : Juris-Classeur fascicule
JCI : Jurisclasseur
JCP E : Semaine juridique, dition Entreprise
JCP G : Semaine juridique, dition Gnrale
JCP S : Semaine juridique, dition Sociale
JCP : Juris-Classeur priodique (la Semaine juridique)
JO : Journal officiel
JO Snat : Journal officiel du Snat
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JOAN : Journal officiel de l'Assemble Nationale
JOCE : Journal officiel des communauts europennes
JOUE : Journal officiel de lUnion europenne
JP. soc. Lamy : Jurisprudence sociale Lamy
L. : Loi
Liais. sociales : Liaisons sociales
Obs. : Observations
OIT : Organisation internationale du travail
Ord. : Ordonnance
p. : Page
PSE : Plan de sauvegarde de lemploi
QPC : Question prioritaire de constitutionnalit
Rapp. : Rapport
RCDIP : Revue critique de droit international priv
RDT : Revue de droit du travail
Rec. : Recueil
Recomm. : Recommandation
Rgl. CE : Rglement communautaire
Rgl. : Rglement
Rep. civ. : Rpertoire civil Dalloz
Rep. min. : Rponse ministrielle
Rev. jur. com. : Revue de jurisprudence commerciale
RJS : Revue de jurisprudence sociale
RP : Reprsentant du personnel
RSS : Reprsentant de section syndicale
RTD Com. : Revue trimestrielle de droit commercial
Sem. soc. Lamy : Semaine sociale Lamy
T. com. : Tribunal de commerce
TFUE : Trait sur le fonctionnement de lUnion europenne
TGI : Tribunal de grande instance
Th. : Thse
TUE : Trait sur lUnion europenne
UE : Union Europenne
UIMM : Union des Industries et Mtiers de la Mtallurgie
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7INTRODUCTION
Un silence profond tomba du ciel toil.
La foule, qu'on ne voyait pas, se taisait dans la nuit,
sous cette parole qui lui touffait le cur ;
et l'on n'entendait que son souffle dsespr, au travers des
arbres 1.
1. Pendant des sicles, le peuple est rest institutionnellement
silencieux. Les
travailleurs ntaient ni considrs, ni reprsents. Peu peu, ils ont
pris conscience de leur
condition ainsi que de leur force, et lide dune justice sociale
a germ. Des
reprsentants de fait sont apparus dans les milieux ouvriers pour
porter les revendications
de cette classe et pour rclamer un respect de lhomme . Ces
reprsentants, considrs
comme des meneurs et des fauteurs de troubles, ne bnficiaient
daucune protection
particulire et se trouvaient dans une situation extrmement
prcaire. Progressivement, une
reprsentation de droit est apparue, compose de dlgus lus et
dsigns par les
travailleurs et bnficiant dun statut protecteur. Aujourdhui
encore, la finalit de ces
instances de reprsentation du personnel est trs ambige. Il est
difficile de dterminer si elles
servent amliorer la production et la scurit dans lentreprise ;
ou si au contraire, elles
servent contester le pouvoir patronal au nom des salaris.
* * *
2. Emile Zola a crit Germinal du 2 avril 1884 au 23 janvier
1885. Il y dcrit les
mouvements de grves qui ont clat cette poque dans le milieu
minier en raison,
notamment, des conditions de travail extrmes. Le personnage
principal de ce roman se
nomme Etienne Lantier. Cest un meneur et un rvolt. Toutefois,
lors de sa descente dans la
mine, cette rvolte nest qu ltat latent, contenue par les peurs
et les soumissions sociales.
Lorsquil sort de la mine, il incarne rellement le reprsentant de
fait des travailleurs,
plaidant pour le changement des conditions de travail et de vie.
A la fin du roman,
Etienne Lantier est licenci par la Compagnie minire qui invoque,
non seulement les
1 ZOLA E., Germinal, Ed. Le livre de poche, 2006, Livre 4,
Chapitre VII, p. 323
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8squelles que lui a laiss un rcent accident, mais galement, de
manire implicite, son rle
auprs des autres salaris.
Zola dcrit son Germinal comme un roman politique du peuple 2. Il
constitue une pierre
ldifice naturaliste Les Rougon-Macquart , histoire naturelle et
sociale dune famille sous
le Second Empire. Avec ce cycle, Zola dsire illustrer la
condition ouvrire3 et les grves,
mettant en opposition le capital et le travail, une poque o il y
a plus de 30.000 chmeurs
Paris. Cest de cette lutte que natront les syndicats et, plus
long terme, les reprsentants du
personnel auprs de lemployeur.
3. Origines. Les relations entre employeurs et employs
existaient dj sous le
mode de production fodal entre les matres et les compagnons.
Cependant, les conflits dus
des incompatibilits dhumeur ou aux conditions de rtribution et
de travail demeuraient des
conflits interpersonnels, sans retentissement global grave pour
la socit.
A partir du XIVe sicle, le paysage de travail change en raison
du dveloppement du capital,
des manufactures et du grand commerce. Le climat de travail rend
les relations entre
lemployeur et les travailleurs plus impersonnelles. Se dveloppe
alors toute une organisation
du travail faite dintermdiaires chargs dorganiser le travail. Un
foss se creuse entre les
employeurs, dtenteurs du capital, et les salaris, dtenteurs de
la force de travail. Ces deux
classes sont lessence mme dune ide capitaliste de la socit
puisque cest lexploitation du
travail par les proltaires4 qui permet la classe haute de dgager
une plus-value.
Cette approche renvoie celle de Karl Marx, et plus largement la
problmatique de la lutte
des classes sur la question du partage entre salaire et
profit.
Ce fut l'poque o Etienne entendit les ides qui bourdonnaient
dans son crne. Jusque-l,
il n'avait eu que la rvolte de l'instinct, au milieu de la
sourde fermentation des camarades 5.
2 ZOLA E., Dossier prparatoire lcriture de Germinal, fos 420-421
: Toutes les misres, toutes les fatalitsqui psent sur le houilleur.
Cela par des faits, sans plaidoyer. Il faut le montrer cras [] ; et
sansperscution pourtant, sans mchancet voulue des patrons,
uniquement cras par la situation sociale elle-mme. Au contraire,
faire les patrons humains jusqu leurs intrts ; ne pas tomber dans
la revendicationbte .
3 ZOLA E., LAssomoir, Ed. Le livre de poche, 20014 Les romains
appelaient proltaires ceux qui navaient pas de proprit. Cette
appellation est reste pour
dsigner les travailleurs qui ne sont pas propritaires des moyens
de productions quils mettent en uvre.5 ZOLA E., Germinal, Ed. Le
livre de poche, 2006, Livre 3, Chapitre III, p. 201
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94. Libert de runion. A partir des annes 1790, la classe
politique dcide de
revenir sur les droits acquis lpoque des Lumires. La fermeture
du Club des Jocobins le 12
novembre 1794 marque le dbut dune nouvelle re o toute runion
publique est soumise
autorisation pralable.
Camarades, puisqu'on nous dfend de parler, puisqu'on nous envoie
les gendarmes,
comme si nous tions des brigands, c'est ici qu'il faut nous
entendre ! Ici, nous sommes libres,
nous sommes chez nous, personne ne viendra nous faire taire, pas
plus qu'on ne fait taire les
oiseaux et les btes ! 6.
En 1864, lEmpereur accorde le droit de coalition, sous rserve
que les runions naient pas
pour objet des questions politiques ou religieuses. Il a fallu
attendre la chute de Mac-Mahon et
linstauration de la Rpublique, pour que cette autorisation soit
remplace par une simple
dclaration aux autorits (loi du 30 juin 1881 sur la libert des
runions publiques). C'est la loi
sur la libert de runion du 28 mars 1907 qui lvera dfinitivement
cette injonction de
dclaration.
5. Prmices dun contrle ouvrier. A la fin du XIXe sicle, la
revendication dun
contrle ouvrier porte par les organisations syndicales prend une
vritable ampleur.
Lambition est de faire participer les travailleurs llaboration
des rgles dans lentreprise et
plus particulirement aux rgles relatives aux conditions de
travail.
Du coup, Etienne s'animait. Comment ! la rflexion serait dfendue
l'ouvrier ! Eh !
justement, les choses changeraient bientt, parce que l'ouvrier
rflchissait cette heure 7.
Un trs grand nombre de grves accompagne cette revendication. Le
lgislateur, par la loi du
27 dcembre 1892, a cherch trouver une issue ngocie ces conflits.
En effet, cette loi
porte sur la possibilit dune conciliation et dun arbitrage en
matire de diffrends collectifs
entre les patrons et les travailleurs. Cependant, cette loi
ninstitue aucun organe comptent
pour statuer sur la rsolution de tels conflits.
6. DEtienne Lantier Emile Lewy. A cette poque, les mouvements
ouvriers se
multiplient. Ils sont dirigs par des meneurs qui endossent,
tantt le rle de reprsentant des
travailleurs auprs des employeurs, tantt celui de conseil et de
chef au sein de la
communaut des travailleurs.
6 ZOLA E., Germinal, Ed. Le livre de poche, 2006, Livre 4,
Chapitre VII, p. 3227 ZOLA E., Germinal, Ed. Le livre de poche,
2006, Livre 3, Chapitre III, p. 204
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10
L'influence d'Etienne s'largissait, il rvolutionnait peu peu le
coron. C'tait une
propagande sourde, d'autant plus sre, qu'il grandissait dans
l'estime de tous. [] Il tait une
sorte d'homme d'affaires, charg des correspondances, consult par
les mnages sur les cas
dlicats. [] On venait de le nommer secrtaire de l'association,
et il touchait mme de petits
appointements, pour ses critures 8.
Pour endiguer ce phnomne et pour faciliter les relations avec
les employs, conformment
un schma paternaliste et productiviste, certains patrons
rformateurs prconisent la mise en
place de dlgus des travailleurs. La nomination dEmile Lewy comme
dlgu dans une
entreprise de charbonnage belge reste un des exemples les plus
clbres.
7. D Emile Lewy aux dlgus lgalement institus. Entre 1878 et
1884, un
conflit trs important est men dans le milieu minier en raison
des nombreux accidents du
travail. Suite ces mouvements, la Chambre des dputs fut
assaillie de propositions relatives
la lgislation des mines et la situation des mineurs. En 1883,
des brochures Cahiers de
dolances des mineurs franais listant les rformes, juges
indispensables, furent publies.
Peu peu, Etienne s'chauffait. [] Carrment, il aborda des
questions obscures de droit,
le dfil des lois spciales sur les mines, o il se perdait 9.
La loi du 8 juillet 1890 a finalement institu des dlgus du
personnel dans les mines. Ces
dlgus sont lus par les mineurs et sont rmunrs forfaitairement
par lemployeur. Ils sont
chargs de contrler lhygine et la scurit et de procder des
enqutes lorsque des
accidents interviennent. Plus tard, le lgislateur leur a accord
le droit de signaler aux
ingnieurs des mines toutes les infractions la lgislation du
travail (loi 12 mars 1910).
Malgr cette loi, un arbitrage du Prsident du Conseil
Waldeck-Rousseau (rendu le 7 octobre
1899) a impos le principe des dlgus du personnel Eugne
Schneider, le matre des
forges du Creusot. Ce dernier a profit de cette mesure pour
carter le syndicat que les
grvistes voulaient lui imposer comme interlocuteur, et pour se
venter plus tard davoir
inspir Albert Thomas pour ses ralisations de 1917.
8. Les dlgus datelier. Lide de conciliation et de rglement des
malentendus se
retrouve au cur des diffrents projets labors au tournant du
sicle. Par un dcret du 17
janvier 1917, Albert Thomas, alors ministre de lArmement, met en
place des dlgus
datelier dans les usines de guerre. Ils sont dsigns par ce dcret
comme des intermdiaires
8 ZOLA E., Germinal, Ed. Le livre de poche, 2006, Livre 3,
Chapitre III, p. 208 et s.9 ZOLA E., Germinal, Ed. Le livre de
poche, 2006, Livre 4, Chapitre VII, p. 324
-
11
entre leurs compagnons de travail et la direction . Cette mesure
est intervenue dans un but
pacificateur et productiviste suite au mcontentement social
croissant aprs des annes de
guerre. En 1917, la menace de la guerre inquite toujours et les
grves mettent en pril la
production vitale des munitions. Ces dlgus lus ne survivront pas
ces circonstances
exceptionnelles, mais le dcret de 1917 a dfinitivement ancr dans
les esprits lide dune
reprsentation du personnel.
9. Dsormais, linstauration de reprsentants du personnel dans
lentreprise dpend de
la comptabilisation des effectifs. Cette comptabilisation
conditionne la fois l'existence et le
nombre de reprsentants. La reprsentation du personnel est
caractrise par la multiplicit
des instances et des niveaux auxquels elles doivent tre mises en
place (entreprise,
tablissement, site, unit conomique et sociale, groupe...). Cette
multiplicit de niveaux
rsulte des possibilits juridiques d'organisation des entreprises
en tenant compte la fois du
droit des socits, mais galement des ralits sociales. Elle tient
galement la volont du
lgislateur de crer des instances ayant des fonctions diffrentes
au niveau le plus pertinent.
Dans le cadre de leurs fonctions, les reprsentants du personnel
dfendent les intrts des
salaris dans lentreprise, prsentent leurs revendications et
leurs rclamations lemployeur
et ngocient le statut collectif. Pour viter quils ne subissent
les consquences des positions
quils sont amens prendre dans lexercice de leur mandat, une
protection spciale a t
institue leur gard. La Cour de cassation considre que cette
protection exceptionnelle et
exorbitante du droit commun a t cre dans lintrt de lensemble des
salaris reprsents.
Le non-respect de cette protection expose lemployeur des
sanctions.
Il est intressant de noter que le statut protecteur offre deux
types de protection10 (I). Tout
d'abord, le reprsentant du personnel bnficie d'une protection
directe contre le risque
d'viction. Ensuite, il bnficie dune protection indirecte contre
le comportement de
l'employeur visant faire obstacle l'lection ou la nomination des
reprsentants, les
priver de moyens, les empcher d'exercer correctement leurs
fonctions. Cette protection
indirecte sert, en ralit, lutter contre un ventuel dlit
d'entrave commis par l'employeur.
Une fois que la question du statut protecteur aura t aborde, il
conviendra de prsenter les
diffrents bnficiaires de cette protection, c'est--dire les
reprsentants directs et indirects du
personnel (II). Enfin, il sera intressant dtudier les systmes de
reprsentation du personnel,
ainsi que lventuel bnfice dun statut protecteur, dans les autres
ordres juridiques (III).
10 TEYSSIE B., Droit du travail, les relations collectives, Ed.
LexisNexis, 2007
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12
I. La protection des reprsentants du personnel
A) Origines et sources
10. La naissance de mesures encadrant la procdure de
licenciement. Dans de
nombreux systmes juridiques, pendant longtemps, lemployeur
navait pas se soumettre
des contraintes normatives pour mettre fin au contrat de travail
dun salari. Pourtant, le
licenciement est lun des actes juridiques les plus violents qui
soit 11.
Etienne, longues enjambes, suivait le chemin de Vandame. Il
venait de passer six
semaines Montsou, dans un lit de l'hpital. Jaune encore et trs
maigre, il s'tait senti la
force de partir, et il partait. La Compagnie, tremblant toujours
pour ses fosses, procdant
des renvois successifs, l'avait averti qu'elle ne pourrait le
garder 12.
Peu peu, et notamment suite des volutions politiques et
conomiques, des mesures sont
venues encadrer une telle pratique discrtionnaire de lemployeur.
Des procdures formelles
ont t prvues afin de rgir le droit du licenciement.
11. La plus grande injustice est de traiter galement les choses
ingales 13. En raison de
ses fonctions, le reprsentant du personnel voit souvent sa
position menace dans l'entreprise.
En effet, l'employeur peut vouloir l'carter de la collectivit de
travail en lui notifiant son
licenciement. Le Professeur Verdier rsume trs justement le
statut des reprsentants du
personnel en parlant de salaris exposs 14. Cela explique
pourquoi les pouvoirs publics se
sont penchs sur le renforcement de leur protection. De cette
volont est n le statut
protecteur.
12. Le statut protecteur consacr par le droit supranational. La
ncessit dune
protection des reprsentants du personnel contre le licenciement
a t consacre par le droit
supranational. Cette ide se retrouve dans certaines Conventions
de lOIT15 : le fait de
solliciter, dexercer ou davoir exerc un mandat de reprsentation
des travailleurs ne peut pas
constituer un motif de licenciement.
11 DOCKES E., Droit du travail, 4e d., Dalloz, coll. HyperCours
, 2009, p. 366.12 ZOLA E., Germinal, Ed. Le livre de poche, 2006,
Livre 7, Chapitre VI13 ARISTOTE, Ethique Nicomaque, Ed. Flammarion,
200214 VERDIER J.-M., Les reprsentants des salaris : protgs ou
exposs ? Libert fondamentale et logique de
statut, Etudes offertes PELISSIER J., Analyse juridique et
valeurs en droit social, Dalloz, 2004, p. 57115 Conv. OIT n135,
1971, ratifi en France le 30 juin 1972 ; Conv. n158, ratifi en
France le 16 mars 1989
-
13
De nombreux textes en droit europen prvoient et encadrent le
statut protecteur des
reprsentants du personnel. Une directive du 12 juin 198916, dont
lobjet tait damliorer la
scurit et la sant des travailleurs dans lentreprise, est venue
prciser que les reprsentants
des travailleurs ne doivent pas subir de prjudice en raison de
leurs activits. De mme, une
directive du 12 mars 200117 est venue renforcer et uniformiser
le statut protecteur entre la
lgislation des diffrents Etats membres de la lUnion Europenne.
Enfin, en 2002, une
directive a tabli un cadre gnral relatif linformation et la
consultation des travailleurs
dans la Communaut europenne18. Cette directive a galement prvu
des mesures de
protection des reprsentants du personnel qui ont t renforces,
par la suite, par une dcision
de la CJUE19.
La Charte des droits fondamentaux de lUnion Europenne, adopte le
7 dcembre 2000, dans
son article 30, prvoit que tout travailleur a droit une
protection contre tout licenciement
injustifi, conformment au droit communautaire et aux lgislations
et pratiques nationales .
De mme, larticle 28 de la Charte sociale europenne du 3 mai 1996
prvoit une obligation
dinstaurer une protection des reprsentants du personnel,
notamment contre les mesures de
licenciement.
13. Le statut protecteur consacr par le lgislateur franais. En
France, ds 1938,
la ncessit de protger les reprsentants du personnel contre le
pouvoir de lemployeur
commence rellement apparatre. A cette poque, est ne lide que les
questions relatives
aux droits du dlgu du personnel sont dintrt collectif. Les lois
du 4 septembre 1942 et du
2 mars 1944 votes sous le rgime de Vichy, font progresser le
droit en ce sens.
Lordonnance du 22 fvrier 1945 et la loi du 16 avril 1946
instituent une procdure spciale
de licenciement pour les reprsentants du personnel et des
sanctions pnales si lemployeur
entrave le fonctionnement rgulier de ces instances. Le bnfice de
cette protection nest pas
limit aux seuls dlgus du personnel. Le champ du statut
protecteur a t tendu
progressivement dautres salaris de lentreprise (anciens
reprsentants, les membres du
comit dhygine et de scurit).
16 Dir. n89/391/CEE, 12 juin 1989, art. 11.17 Dir. 2001/23/CE,
12 mars 2001, art. 6 2.18 Dir. 2002/14/CE, 11 mars 2002, art. 7.19
CJUE, 11 fvr. 2010, aff. 405/08, Holst c./ Babcock & Wilcox
Volund ApS ; RJS 2010 p. 427, obs. SCHMITT
B. ; Dr. ouvrier 2010, p. 456, note BONNECHERE M.
-
14
La loi du 28 octobre 198220 est fondamentale pour le dispositif
lgal de protection des salaris
protgs. Le statut protecteur est tendu aux salaris ayant demand
des lections dans
lentreprise et aux reprsentants conventionnels. On voit
apparatre la ncessit pour
lemployeur de demander lautorisation de linspecteur du travail
lorsquil souhaite licencier
un salari protg. Cette loi reconnait galement le droit
rintgration et indemnisation du
reprsentant du personnel dont lautorisation de licenciement,
initialement donne par
linspecteur du travail, a t annule. En 1996, le lgislateur tend
le bnfice du statut
protecteur aux salaris mandats21.
14. Le statut protecteur consacr par le juge franais. La Cour de
cassation et le
Conseil dEtat ont jou un rle trs important pour linstauration et
la dtermination dun
statut protecteur au bnfice des reprsentants du personnel.
Ds la fin de la seconde guerre mondiale, le Conseil dEtat a
consacr le principe dune
protection particulire pour les reprsentants du personnel en
soumettant leur licenciement
lautorisation pralable de linspecteur du travail. Jusquen 1974,
avec les arrts Perrier22, la
jurisprudence judiciaire divergeait sur ce point. La Cour de
cassation considrait, en effet, que
lemployeur avait la possibilit de saisir directement le juge
dune action en rsolution du
contrat de travail.
La jurisprudence administrative a galement permis de dfinir le
champ et ltendue du
contrle des juges sur le motif de licenciement invoqu par
lemployeur, ainsi que sur les
dcisions rendues par ladministration. Larrt Safer dAuvergne,
rendu par le Conseil dEtat
le 5 mai 197623, est venu dfinir ltendue et la nature du contrle
juridictionnel sur les
dcisions administratives en matire de licenciement pour motif
disciplinaire des
reprsentants du personnel. Avec larrt Abellan du 18 fvrier
197724, le Conseil dEtat a
rendu la mme dcision en matire de motif conomique de
licenciement. Dsormais, les
juges administratifs exercent un contrle renforc sur les
dcisions de ladministration.
20 L. n82-915, 28 oct. 198221 L. n96-985, 12 nov. 1996
Les dtails de la protection pour ces salaris doivent tre prvus
par un accord de branche, conclu dans le cadrede laccord national
du 31 octobre 1995. Le Conseil constitutionnel valide ce processus
de dfinition duneprotection conventionnelle particulire pour les
salaris mandats par les organisations syndicalesreprsentatives
(dcision n96-383 DC du 6 nov. 1996).
22 Cass. Ch. Mixte 21 juin 1974, n71-91.225, Bull. crim. n236,
Perrier ; Dr. soc., 1974, p. 454, concl.TOUFFAIT
23 CE, Assemble, n98.647 et 98.820, 5 mai 1976, Safer dAuvergne,
Dr. Soc 1976 p.34624 CE, 18 fvr. 1977, Abellan : Rec. CE 1977, p.
97.
-
15
15. Le statut protecteur consacr par la Constitution franaise et
le Conseil
Constitutionnel. Le prambule de la Constitution du 27 octobre
1946 (repris par la
Constitution du 4 octobre 1958) prvoit que :
Tout homme peut dfendre ses droits et ses intrts par l'action
syndicale et adhrer au
syndicat de son choix (6e al.).
Tout travailleur participe, par l'intermdiaire de ses dlgus, la
dtermination collective
des conditions de travail ainsi qu' la gestion des entreprises
(8e al.).
Le Conseil Constitutionnel sest fond sur ce texte pour consacrer
la notion de communaut
de travail . Il est impratif que cette communaut dispose de
dlgus aptes la reprsenter
et dfendre ses intrts : le droit de participer par lintermdiaire
de leurs dlgus la
dtermination collective des conditions de travail ainsi qu la
gestion des entreprises a
pour bnficiaires, sinon la totalit des travailleurs employs un
moment donn dans une
entreprise, du moins tous ceux qui sont intgrs de faon troite et
permanente la
communaut de travail quelle constitue, mme sils nen sont pas les
salaris 25.
La difficult rsulte de lambigit du statut des dlgus du
personnel, la fois reprsentants
de la communaut de travail, mais galement salaris se trouvant
dans une position de
subordination. Ce lien de subordination est double. Tout dabord,
elle est juridique puisque le
salari doit respecter les consignes donnes par son employeur26.
Ensuite, elle est
conomique, puisque lemployeur dispose de larme suprme, savoir la
rupture du contrat de
travail. Ainsi, les termes de dlgu ou de reprsentant et le terme
de salari
semblent constituer un oxymore.
Cest pour cette raison que le contrat de travail du salari,
reprsentant de la communaut de
travail, sest vu coupler dun statut protecteur. Le Conseil
Constitutionnel considre que
lexistence dun tel statut dcoule dexigences constitutionnelles
27.
25 Cons. const., Dcision 2006-545 DC du 28 dc. 2006 ; Cons.
const., Dcision 2008-568 DC du 7 aot 200826 Dans le contrat civil,
la volont sengage ; dans le contrat de travail, elle se soumet
Lengagement manifeste la libert, la soumission la nie SUPIOT A.,
Critique du droit du travail, Ed. PUF, 2e, 2007
27 Cons. Const., Dcision n88-244 DC, 20 juill. 1988 ; Cons.
Const., Dcision n96-383, 6 nov. 1996
-
16
B) La protection contre le licenciement, clef de voute du statut
protecteur
16. Les situations couvertes par le statut protecteur. En cas de
modification du
contrat de travail ou de changement des conditions de travail,
laccord du salari est
obligatoire. Sil refuse, lemployeur devra alors engager une
procdure spciale de
licenciement. Une autorisation administrative doit galement tre
demande en cas de
transfert partiel dentreprise. Toute rupture du contrat de
travail dun salari protg est
soumise la procdure spciale (licenciement pour motif personnel,
pour motif conomique,
mise la retraite). Seules certaines ruptures non imputables
lemployeur (dmission,
force majeure, dpart volontaire la retraite) peuvent intervenir
sans ncessiter au pralable
une autorisation administrative. La procdure sapplique galement
en cas de cessation des
contrats de travail prcaires, sous certaines conditions.
Que le licenciement soit personnel ou conomique, les
reprsentants du personnel bnficient
dune protection directe. Cette procdure de protection spciale se
cumule avec la procdure
de droit commun.
17. Dfinition du licenciement. Il est ncessaire de dfinir ici la
notion de
licenciement. L'article L. 1231-1 du Code du travail prvoit que
l'employeur et le salari
peuvent prendre l'initiative de la rupture du contrat de
travail. Lorsque cette rupture rsulte de
la volont claire et non quivoque du salari, il s'agit d'une
dmission. En revanche, la rupture
du contrat de travail rsultant de l'initiative de l'employeur
constitue un licenciement28. Ces
dfinitions sont simples et claires en thorie mais peuvent poser
de nombreuses difficults en
pratique. En effet, la qualification de licenciement peut tre
retenue alors mme que
l'employeur n'a pas exprim formellement la volont de mettre fin
au contrat de travail du
salari29.
Le droit europen retient, lui aussi, une dfinition du
licenciement. La Cour de Justice de
lUnion Europenne considre que la rfrence au licenciement renvoie
la rupture, sur
28 CORNU G., Vocabulaire juridique, Ed. PUF 2007 :Licenciement :
Acte par lequel lemployeur rompt unilatralement le contrat de
travail et congdie un ouplusieurs salaris.Licenciement collectif :
Mesure de licenciement intressant plusieurs salaris, prise pour des
motifsconomiques, soumise au respect de certaines formalits et de
certaines rgles.Licenciement individuel : Exercice par lemployeur
de son droit de rsiliation unilatrale du contrat de travail dure
indtermine.
29 Si la rupture est conscutive un manquement de l'employeur,
elle s'analyse en un licenciement (Cass. soc., 3oct. 1995,
n94-40.172 ; Cass. soc., 29 janv. 2002, n99-46.318 ; Cass. soc., 8
janv. 2003, n01-40.666 ; Cass.soc., 16 nov. 2005, n03-43.326, Bull.
civ. V, n325). Exemple : La modification unilatrale du contrat de
travail par l'employeur constitue un de ces manquements(Cass. soc.,
4 janv. 1996, n92-40.440 ; Cass. soc., 22 mai 1996,
n94-43.287).
-
17
l'initiative de l'employeur (quel qu'en soit, en principe, le
statut30), d'un contrat de travail
dure indtermine. La manifestation de la volont de lemployeur de
rsilier le contrat de
travail vaut licenciement31. La directive du 20 juillet 199832
reprend cette dfinition mais cest
la Cour de Justice qui en a dfini les contours. Ainsi, la CJUE
considre que le licenciement
vise toute cessation du contrat de travail non voulue par le
travailleur, et donc sans son
consentement 33. La Cour relve quil nest pas ncessaire de
prendre en considration les
circonstances extrieures la volont de l'employeur 34.
18. Lexistence dune protection contre le licenciement nempche
pas les
reprsentants du personnel dtre concerns par une telle procdure.
Dailleurs, en 2004,
12.145 salaris protgs ont fait lobjet dune demande dautorisation
de licenciement (65%
dautorisation par linspecteur du travail). Cependant, le
licenciement dun reprsentant du
personnel ne doit pas tre abusif ou injustifi. Il faut quun
certain ordre public social soit
maintenu au sein de lentreprise. Pour cela, une autorit publique
est charge dencadrer la
procdure de licenciement des reprsentants du personnel dans
lintrt de lensemble des
travailleurs .
Aujourdhui, le champ de cette protection dont bnficient les
reprsentants du personnel a
t trs largement tendu par la jurisprudence. En effet, lemployeur
doit mettre en uvre la
procdure spciale quel que soit le motif de licenciement. La Cour
de cassation considre, en
effet, que sauf dispositions lgales contraires, la protection
exorbitante du droit commun,
confre un salari investi de mandats reprsentatifs ou lectifs
instaure par les
dispositions dordre public () du Code du travail, oblige
lemployeur soumettre la
procdure administrative dautorisation toute rupture, son
initiative, du contrat de travail
dun tel salari quel quen soit le motif et quel que soit le
statut de lentreprise qui
lemploi 35. De plus, tous les reprsentants du personnel, lus ou
dsigns, bnficient du
statut protecteur.
30 CJCE, 16 oct. 2003, aff. C-32/02 : Rec. CJCE 2003, I, p.
12063 ; D. 2004, somm. p. 381, obs. S. Vernac31 CJCE, 25 janv.
2005, aff. C-188/03 : Rec. 2005, I, p. 885 ; RJS 2005, n 79232 Dir.
n 98/59/CE, 20 juill. 199833 CJCE, 12 oct. 2004, aff. C-55/02 :
Rec. CJCE 2004, I, p. 938734 CJCE, 12 oct. 2004, aff. C-55/02,
prc.).35 Cass. soc., 12 juill. 2006, n04-48.351, Bull. Civ. V n248,
RJS 2006 n1089
-
18
II. Les reprsentants du personnel bnficiaires de la
protection
19. Le Code du travail, notamment larticle L. 2411-1 fixe une
liste des bnficiaires
dune protection particulire en cas de licenciement. Le
lgislateur dfinit les reprsentants du
personnel comme tant les salaris exerant des fonctions lectives
de reprsentation des
intrts du personnel dans lentreprise, soit en qualit de dlgu du
personnel, soit comme
membre de la dlgation du personnel du comit dentreprise, du
CHSCT ou du comit de
groupe36. Le statut protecteur est tendu aux anciens
reprsentants lus et dsigns37, aux
candidats aux lections38, aux salaris qui ont demand
lorganisation dlections39 aux
dlgus syndicaux, aux dlgus du personnel, aux membres du comit
d'entreprise, aux
reprsentants du personnel au CHSCT, institus par convention ou
accord collectif de
travail40.
Les dlgus syndicaux, qui sont juridiquement les reprsentants des
syndicats dans
lentreprise, sont parfois qualifis abusivement de reprsentants
du personnel. Toutefois, en
pratique, ces salaris sont concerns par toutes les mesures
relatives aux reprsentants du
personnel. Ainsi, le Professeur Teyssi parle de reprsentation
indirecte du personnel de
lentreprise (B). Il oppose cette notion la reprsentation directe
du personnel compose des
dlgus du personnel, des membres du comit dentreprise et des
membres du CHSCT (A).
A) La reprsentation directe du personnel
Les dlgus du personnel, les membres du comit dentreprise et du
CHSCT
20. Les volutions de linstitution des dlgus du personnel. Suite
la victoire
lectorale du Front Populaire, des mouvements de grves trs
importants clatent la fin du
printemps 1936. La dlgation patronale demande linstitution des
dlgus du personnel en
1936. Les accords de Matignon du 7 juin 1936 vont faire droit
leur demande et vont
galement reconnaitre dune manire gnrale le droit des salaris une
reprsentation
collective dans lentreprise. Cette institution est issue dun
compromis entre la CGT, plutt
mfiante, mais voyant l un premier pas vers linstauration dun
contrle ouvrier dans les
ateliers, et les patrons, soucieux dinstaurer la paix sociale et
de faire contrepoids aux
syndicats, alors tout-puissants, au moyen de dlgus lus.
36 C. trav., art. L. 2311-1 ; L. 2312-1 L. 2312-5 ; L2321-1 ; L
2322-1 L 2322-4; R 2312-137 C. trav., art. L.2411-3 et s.38 C.
trav., art L.2411-7 et s.39 C. trav., art. L.2411-6 et s.40 C.
trav., art L.2411-2
-
19
Ainsi, entre 1936 et 1939, les dlgus du personnel sont lus.
Lexprience est ngative car
ils se substituent frquemment aux dlgus syndicaux auxquels ils
ne rendent aucun compte,
de mme quaux salaris de lentreprise. Avec le dbut de la seconde
guerre mondiale, le
dcret-loi du 10 novembre 1939, llection des dlgus du personnel
est abandonne au
profit de la dsignation par les syndicats.
Le gouvernement de Vichy supprime linstitution des dlgus du
personnel en mme temps
que la libert syndicale et leur substitue les comits sociaux
dentreprise. Les dlgus du
personnel lus seront finalement rtablis par la loi du 16 avril
1946. Cette loi fixe galement
leur rle savoir, prsenter lemployeur les rclamations
individuelles et collectives des
salaris, saisir linspecteur du travail, exercer certaines
fonctions du comit dentreprise ou du
CHSCT (dans les entreprises de moins de 50 salaris). Leurs
attributions nont pas cess
dtre renforces depuis les annes 1980.
21. Les volutions du comit dentreprise et du CHSCT. Le
dveloppement des
comits dentreprise a connu plusieurs priodes. On peut en trouver
une des origines dans la
Charte du travail du rgime de Vichy avec les comits sociaux.
Cette ide a t
contrebalance par linstitution des comits de gestion institus la
Libration par lesquels le
pouvoir ouvrier se substituait de fait au patronat. Cest
dailleurs dans une perspective de
remise en ordre, suite ces nombreux changements doptiques et
desseins du comit
dentreprise, quintervient lordonnance du 22 fvrier 1945
(Gouvernement provisoire du
Gnral de Gaulle), puis la loi du 16 mai 1946.
J.-P. Le Crom considre alors, qu lpoque, le comit dentreprise
forme lun des trois
piliers du triptyque rformateur , avec les nationalisations et
la cration de la Scurit
sociale. Jusquen 1947, le dveloppement du comit dentreprise
connait un trs grand lan.
La mme anne, un dcret du 1er aot cre le comit dhygine et de
scurit qui deviendra
plus tard le comit dhygine, de scurit et des conditions de
travail par la loi du 23
dcembre 1982.
En 1947, en raison du contexte gopolitique (viction des
communistes du gouvernement,
cration de FO, Guerre Froide), cet lan se brise sur lpret des
conflits sociaux et les
changements de stratgies en matire de dialogue social dans les
entreprises. La loi de 1966 a
d intervenir pour enrayer le dclin du rle des comits
dentreprises en amliorant leur
fonctionnement et en tendant leurs droits. Depuis cette date, la
position et le rle du comit
dentreprise nont fait que crotre. On peut prendre comme exemple
la loi du 28 octobre 1982
qui a institu des mesures facilitant sa mise en place et
lexercice de sa mission.
-
20
22. Le candidat aux lections de dlgus du personnel ou de membres
du comit
dentreprise. Le Code du travail prvoit une protection
particulire pour les candidats aux
fonctions de dlgu du personnel et de membre du comit
dentreprise41. Cette protection
joue, peu important que le salari se prsente au premier ou au
second tour de scrutin, et quil
vise un poste de titulaire ou de supplant42.
La dure de protection est de six mois43. Ce dlai ne peut tre, en
principe, ni prorog, ni
suspendu. A lissue de ce dlai, soit le candidat est lu et dans
ce cas il est protg au titre de
son mandat ; soit il ne lest pas et donc ne bnficie pas de
protection spciale.
La protection du candidat aux lections des dlgus du personnel et
de membres du comit
dentreprise court compter de la date denvoi lemployeur des
listes de candidatures44.
Pour les dlgus du personnel, le Code du travail impose lenvoi
dune lettre
recommande45. Cette formalit nest prvue que pour faciliter la
preuve de la candidature du
salari et non pour la valider46. Si lemployeur contester le
bnfice de la protection, il doit
tablir que la convocation lentretien pralable au licenciement a
t notifie avant la
rception de la candidature47.
La candidature du salari ne peut pas intervenir nimporte quel
moment. En effet, pour tre
valable48, il faut quelle ait t adresse aprs la signature dun
protocole daccord
prlectoral tablissant la rpartition des siges et du personnel
dans les collges. Dans
lhypothse de candidatures prmatures confirmes ultrieurement par
le protocole, seul
lenvoi lemployeur de la liste des candidatures postrieurement la
signature du protocole
daccord prlectoral ouvre la priode de protection de six mois des
candidats concerns49.
Il arrive parfois en pratique que la lettre de candidature
croise celle de la convocation
lentretien pralable de licenciement. Dans le Code du travail, ce
qui compte cest la date de
41 C. trav., art. L.2411-7 et L.2411-1042 C. trav., art L.2411-5
et L.2411-843 C. trav., art. L.2411-7 et L.2411-10 ; Circt. DRT
n94-9, 21 juin 199444 C. trav., art. L.2411-1045 C. trav., art.
L.2411-7 : La dure de six mois court partir de l'envoi par lettre
recommande de la
candidature l'employeur .46 Cass. soc., 4 mars 1998, n95-42.040
; Bull. 1998 V n 119 p. 8847 Cass. soc., 12 juill. 2006,
n04-47.72448 Cass. crim., 4 nov. 1982, n82-90.962 : Le salari qui
prsente sa candidature avant la signature dun protocole
daccord prlectoral ne bnficie pas de la protection lgale. Il y a
des exceptions ce principe, notamment silemployeur a retard les
lections par une opposition injustifie (Cass. soc., 3 dc. 1987,
n86-60.476). Lesalari sera galement protg sil tablit quil tait dans
limpossibilit de prsenter valablement sacandidature (Cass. soc., 27
oct. 2004, n02-60.631).
49 Cass. soc., 24 mars 1988, n86-40.624 ; Cass. soc., 22 mars
1995, n93-41.678
-
21
rception de la lettre de candidature par lemployeur50. A
linverse, la Cour de cassation et
ladministration considrent que cest la date denvoi de la lettre
de convocation qui
dtermine lapplication ou non du rgime protecteur51. La
candidature postrieure la date
denvoi de la convocation lentretien pralable est valable mais
elle ne confre pas au salari
le bnfice du statut protecteur52. La candidature antrieure la
date denvoi de la
convocation lentretien pralable permet, en principe, au salari
dtre protg, mais ce nest
pas toujours le cas. Par exemple, lorsquun syndicat dsigne un
salari comme candidat aux
lections avant tout dpt de liste, cette candidature ne fait pas
bnficier le salari de la
protection lgale53.
En principe, la candidature postrieure au dclenchement de la
procdure de licenciement ne
permet pas au salari de bnficier du statut protecteur, sauf si
lemployeur avait connaissance
de limminence de sa candidature54. Cette solution vaut alors mme
quaucun accord
prlectoral na t conclu55 et quaucune lettre de candidature
officielle na t reue par
lemployeur. Des conditions doivent tout de mme tre remplies pour
que le salari puisse
bnficier du statut protecteur. Il ne faut pas que la liste
officieuse notifie lemployeur ait
uniquement pour but de protger certains salaris dans un intrt
personnel (candidature
frauduleuse)56 et il faut que le salari prsente effectivement sa
candidature57. Dans tous les
cas, la charge de la preuve incombe au salari58, mais si cette
preuve nest pas rapporte son
licenciement ne sera pas soumis aux formalits de
protection59.
Lorsquune procdure est engage lencontre dun salari, rien ne
lempche de figurer sur
une liste de candidats60. Llection doit tre antrieure la date
dexpiration du pravis61 et
50 C. trav., art. L.2411-7 et L.2411-1051 Circ. min. DRT n83-13,
25 oct. 1983 ; Cass. soc., 28 janv. 2009, n08-41.63352 Cass. soc.,
17 mars 1983, n82-60.22253 Cass. soc., 3 mars 1999, n98-42.82454 C.
trav., art. L.2411-7 et L.2411-10 ; Cass. soc., 26 oct. 2005,
n04-40.737 ; Cass. soc., 14 fvr. 2007, n05-
43.407 ; Cass. soc., 6 dc. 2011, n10-18.44055 Cass. crim., 18
nov. 1997, n96-80.942 : Bull. crim.l 1997 n391 p.1313 ; Cass. soc.,
15 mai 2002, n00-
42.37156 Cass. soc., 12 juill. 1994, n92-41.411 : Bull. 1994 V n
234 p.16057 Cass. soc., 21 dc. 2006, n04-47.426 : Bull. 2006 V n411
p.398 ; Cass. soc., 13 mai 2009, n07-44.67158 Cass. soc., 23 juin
1999, n98-60.358 ; CE, 5 juill. 2006, n282.033
Exemples : La Cour de cassation considre que la preuve est
rapporte lorsque des documents syndicauxannonaient publiquement le
nom du salari intress (Cass. crim., 21 juin 1988, n87-80.738 :
Bull. crim.1988 n283 p.756). Il en est de mme lorsque le salari est
licenci quelques jours aprs un entretien au coursduquel il a mis au
point avec lemployeur les modalits des lections des dlgus du
personnel et fait part deson intention de se porter candidat (Cass.
soc., 4 juill. 1990, n87-44.840 : Bull. 1990 V n 348 p.208).
59 Cass. soc., 4 mars 1998, n95-41.838 ; Cass. soc., 28 janv.
2009, n08-41.633 : Bull.2009, V, n 2560 Cass. soc., 13 fvr. 1974,
n73-60.142 : Bull. n109 p. 10261 Cass. soc., 14 mai 1975,
n75-60.006 : Bull. n259 p.228
-
22
sil est lu, le candidat ne pourra exercer son mandat que jusqu
cette date62. En effet, la
candidature du salari ne peut pas avoir dincidence sur la
procdure de licenciement dj
engage63.
23. Le dlgu du personnel et le membre du comit dentreprise en
cours de
mandat. Les dlgus du personnel64, les membres du comit
dentreprise65 et les membres
de la dlgation unique bnficient de la protection lgale attache
la qualit de reprsentant
du personnel66. Dans toutes ces situations, le supplant est
protg au mme titre que le
titulaire mme sil na jamais eu loccasion dexercer sa fonction67.
Pour bnficier de la
protection, il faut que ces reprsentants du personnel soient
rgulirement lus68.
La protection sapplique pendant toute la dure du mandat des
dlgus du personnel et des
membres du comit dentreprise, c'est--dire quatre ans (y compris
pendant les priodes de
suspension du contrat de travail). En ralit, la dure de la
protection est beaucoup plus
longue que la dure effective du mandat puisquelle sapplique aux
candidats et aux anciens
lus. De plus, lannulation des lections na pas beaucoup de
consquences en pratique. En
effet, elle na pas deffet rtroactif et donc la perte de qualit
de salari protg nintervient
qu la date du jugement dannulation69. Aprs ce jugement, le
salari concern bnficiera de
la protection propre aux anciens reprsentants du personnel.
24. Les anciens dlgus du personnel et membres du comit
dentreprise. Les
anciens reprsentants du personnel bnficient dune protection
lgale de six mois au cours
desquels ils ne peuvent pas tre licencis sans le respect de
formalits lgales spciales70.
Cette protection spciale est mise en uvre compter de la date
dexpiration du mandat71 ou
62 Cass. soc., 3 avr. 2011, n99-40.190 : Bull. 2001 V n122
p.9663 Cass. soc., 8 juill. 1998, n96-42.09964 C. trav., art. L
2411-565 C. trav., art. L 2411-866 Circ. DRT n94-9, 21 juin 199467
Cass. soc., 23 mai 1960, n1.95968 Exceptions : Un reprsentant du
personnel irrgulirement lu peut bnficier de la procdure protectrice
de
licenciement lorsque lemployeur na pas contest les lections dans
le dlai lgal (Cass. crim., 9 mars 1982,n81-92.086 : Bull. crim.
n74). La solution est identique lorsque le salari a exerc
rgulirement sesfonctions avec laccord de tous les intresss, y
compris de lemployeur (Cass. crim., 11 mai 1966, n65-92.640 : Bull.
crim. n 142).
69 Cass. soc., 17 mars 1998, n95-42.885 : Bull. 1998 V n 156 p.
11570 C. trav., art. 2411-5 et L 2411-871 Expiration du mandat : Le
mandat des reprsentants lus prend normalement fin, sauf rlection,
au bout de
quatre ans. Cependant, le mandat peut parfaitement cesser en
cours de fonction. Les causes de cette cessationsont nombreuses et
diverses : rupture du contrat de travail, dmission des fonctions
reprsentatives (CE, 27janv. 1982, n36.582), dpart volontaire la
retraite (Cass. soc., 11 fvr. 2009, n07-44.909), perte
desconditions requises pour lligibilit (C. trav., art. L 2314-26 ;
C. trav., art. L 2324-24)
-
23
de la disparition de linstitution72, et donc la date effective
des fonctions reprsentatives. Il
arrive galement que le mandat du reprsentant du personnel soit
prorog
conventionnellement jusqu lentre en fonction des nouveaux
reprsentants lus73.
25. Les membres du CHSCT. - Le Code du travail assimile les
reprsentants du
personnel au CHSCT aux membres du comit dentreprise74. A ce
titre, et condition que leur
dsignation ait t rgulire75, ils bnficient de la mme protection
(candidat76, reprsentant,
ancien reprsentant)77.
Le Code du travail fixe la dure de lexercice du mandat dun
membre du CHSCT deux ans.
Pendant cette priode, il bnficie dune protection spciale. Comme
pour les dlgus du
personnel et les membres du comit dentreprise, la dure de la
protection est en ralit plus
longue puisque le candidat et lancien membre du CHSCT sont
protgs. Le mandat du
reprsentant du personnel au CHSCT peut galement expirer suite la
dmission du salari.
En revanche, la Cour de cassation est venue prciser quaucune
disposition du Code du travail
ne donne le pouvoir au comit dentreprise pour prononcer la
rvocation du mandat dun
membre du CHSCT78. Lorsque la dsignation dun salari comme membre
du CHSCT
intervient postrieurement la convocation lentretien pralable de
licenciement, il ne
pourra exercer son mandat que jusquau terme de son contrat de
travail. Il ne bnficiera donc
pas du statut protecteur79.
72 Disparition de linstitution : Linstitution de reprsentation
du personnel peut disparatre si elle na pas trenouvele du fait de
labsence totale de candidat et si un procs-verbal de carence a t
dress (C. trav., art. L2314-5 ; C. trav., art. L 2314-8). La
disparition de linstitution peut galement provenir de la perte de
la qualitdtablissement distinct reconnue par dcision administrative
et si aucun accord na t conclu entrelemployeur et les organisations
syndicales permettant aux reprsentants lus dachever leur mandat (C.
trav.,art. L 2314-31 ; C. trav., art. L 2322-5). La rduction
durable de leffectif de lentreprise (passant en dessousdu seuil
lgal) et lannulation dun jugement reconnaissance lexistence dune
UES (Cass. soc., 2 dc. 2008,n07-41.832 : Bull. 2008, V, n 238).
73 Cass. soc., 26 juin 1959, n57-40.80974 C. trav., art. L
2411-13 ; C. trav., art. L 2381-275 Cass. soc., 25 janv. 1994,
n92-40.139 : Bull. 1994 V n 23 p. 16 ; Seule la dsignation des
membres rsultant
dun vote du collge dsignatif (C. trav., art. L 4613-1) constitu
par les membres lus du comit dentrepriseet des dlgus du personnel,
ouvre droit au statut protecteur des reprsentants du personnel
(Cass. soc., 28nov. 2006, n04-45.548 : Bull. 2006 V n 356 p. 343 ;
Cass. soc., 12 fvr. 2008, n06-44.121 : Bulletin 2008,V, n35).
76 Cass. soc., 4 mai 2011, n09-67.335 : Aucun protocole
prlectoral nest ngoci. La candidature aux lectionsdu CSHCT est donc
considre comme valablement dclare ds lors quelle intervient aprs un
appel candidature dcid par le comit dentreprise.
77 Cass. soc., 30 avr. 2003, n00-46.787 : Bull. 2003 V n154 p.
15178 Cass. soc., 14 janv. 2004, n02-60.056 : Bull. 2004 V n15 p.
1379 Cass. soc., 3 avr. 2001, n99-40.190 : Bull. 2001 V n 122 p.
96
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24
Assimilations
26. Lorsquon aborde la question de la reprsentation directe du
personnel de
lentreprise, il convient de sinterroger sur le statut des
reprsentants conventionnellement
dsigns ou lus, ainsi que sur celui des salaris ayant demand
lorganisation dlection.
27. Les reprsentants conventionnels. Toutes les rgles
applicables aux
reprsentants directs du personnel sont applicables aux
reprsentants conventionnels. Cette
extension du champ dapplication lgal de la protection des
reprsentants du personnel peut
rsulter dune convention collective de branche, nationale,
rgionale ou locale, mais le plus
souvent, dun accord dentreprise. Cette extension est effective
mme si laccord ou la
convention collective qui institue les reprsentants du personnel
ne le stipule pas
expressment. En revanche, il est tabli que le statut protecteur
nest pas tendu aux
reprsentants du personnel institus par usage ou dcision
unilatrale de lemployeur.
Les reprsentants conventionnels bnficient du statut de salari
protg, quils soient lus ou
dsigns, condition que leur mandat soit de mme nature que ceux
prvus par la loi80.
Larticle L. 2411-2 du Code du travail relve, en effet, que
bnficient galement de la
protection contre le licenciement prvue par le prsent chapitre,
le dlgu syndical, le
dlgu du personnel, le membre du comit d'entreprise, le
reprsentant du personnel au
comit d'hygine, de scurit et des conditions de travail, institus
par convention ou accord
collectif de travail . Le lgislateur ne le prcise pas, mais en
raisonnant par analogie par
rapport aux reprsentants lgalement institus, on peut considrer
que cette protection
sapplique galement aux candidats et aux anciens reprsentants
conventionnels.
Ainsi, les reprsentants conventionnels lus ou dsigns en nombre
suprieur celui prvu
par les dispositions lgales, ou selon des conditions dge et
danciennet infrieures celles
80 Principe : Lextension de la protection nest possible qu
condition que linstitution reprsentative dupersonnel, mise en place
par accord collectif soit de mme nature que celle prvue par la loi
(Cass. soc., 12juill. 2006, n04-45.893 : Bull. 2006 V n258, p. 243
; Cass. soc., 23 oct. 2007, n06-44.438 : Bull. 2007, V,n174 ; CE,
15 dc. 2010, n333.646).
Impossibilit dextension du statut protecteur : Le reprsentant
syndical au CHSCT dont lexistence nest pasprvue par le Code du
travail na pas la qualit de salari protg (Cass. soc., 20 fv. 1991,
n89-42.288 :JurisData n 1991-000653 ; Bull. civ. 1991, V, n 85. ;
Cass. soc., 29 janv. 2003, n00.45.961). La solution estidentique
pour le secrtaire du CHSCT non dsign parmi les membres de la
dlgation du personnel auCHSCT (Cass. soc., 25 janv. 1994,
n92-40.139 : Bull. 1994 V n23 p. 16) ou un membre dun conseil
dediscipline (Cass. soc., 19 juin 1991, n90-43.411 : JurisData n
1991-002272 ; Bull. civ. 1991, V, n 306.).Enfin, la Cour de
cassation ne considre pas comme tant un salari protg le salari se
dclarant membre ludun comit du personnel, alors mme quil nexerait
pas les fonctions de dlgu du personnel au sens delarticle L. 2411-5
du Code du travail (Cass. soc., 29 nov. 1989, n87-45.162 : Bull.
1989 V n688 p. 413).
-
25
prvues par la loi81, bnficient du statut protecteur. Sont
galement protgs les reprsentants
conventionnels lus ou dsigns dans les entreprises dont leffectif
est infrieur au seuil
lgalement requis82 ; et dans des entreprises de moins de onze ou
de moins de cinquante
salaris regroupes par voie daccord au plan local, dpartemental
ou rgional, professionnel
ou interprofessionnel, ds lors que les accords prvoient des
modalits particulires de
reprsentations du personnel dans ces entreprises.
28. Les salaris demandant lorganisation dlections. Dans
certaines entreprises,
il arrive que les institutions de reprsentation du personnel
prvues par la loi naient pas t
mises en place. Un salari de lentreprise pourra alors demander
lorganisation dlections
professionnelles. A ce titre, ce salari bnficiera dun statut
protecteur, mme sil nest pas
lui-mme ensuite candidat ces lections, ou si son mandat est
annul83. Le Code du travail
limite le bnfice de cette protection un seul salari par
organisation syndicale, ainsi quau
premier salari, non mandat par une organisation syndicale, qui a
demand lorganisation des
lections84.
Cette protection est acquise par le salari mme si les conditions
ne sont pas runies pour que
llection soit organise. Cependant, la Cour de cassation est
venue temprer ce principe en
prcisant que la demande du salari ne doit pas tre dpourvue de
tout caractre srieux85. Le
salari ne doit pas demander lorganisation dlections uniquement
pour pouvoir bnficier du
statut protecteur86. Sa demande doit tre formule en vue de
faciliter la mise en place de
linstitution de dlgus ou des comits dentreprise.
Le salari qui demande les lections est protg durant six mois. La
dure de cette protection
est calque sur la priode de protection dont bnficient les
candidats aux lections
professionnelles87. Ce dlai de protection de six mois commence
courir compter de lenvoi
81 C. trav., art. L. 2143-1 ; C. trav., art. L. 2314-16 ; C.
trav., art. L. 2324-1582 Les dlgus syndicaux et les membres du
comit dentreprise dsigns ou lus dans les entreprises de moins
de 50 salaris sont protgs (C. trav., art. L. 2322-3). De mme,
bnficient du statut protecteur, les dlgusdu personnel lus dans les
entreprises de moins de 11 salaris (C. trav., art. 2312-4).
83 Cass. soc., 24 mai 2006, n04-43.947 : Bull. 2006 V n192 p.
185 : La protection est acquise mme si lesalari qui a demand
lorganisation dlections en sa qualit de dlgu syndical voit sa
dsignation commedlgu syndical annule.
84 C. trav., art. L. 2411-6 ; C. trav., art. L. 2411-985 Cass.
soc., 13 oct. 2010, n09-41.916 : Bull. 2010, V, n22886 CE, 19
juill. 1991, n84-259 : Un salari a appris quil allait tre licenci.
Il a alors adress une lettre en vue de
lorganisation dlection son employeur. Il est tabli que ce
dernier avait organis quelques semaines plus ttune consultation en
vue de la dsignation de dlgus du personnel, mais que celle-ci
navait pas pu aboutir,faute de candidats. Le Conseil dEtat considre
que la demande du salari est dpourvue de caractre srieux.
87 C. trav., art L. 2411-6 ; Circ. DRT n94-9, 21 juin 1994 ; C.
trav., art L 2411-9
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26
lemployeur de la lettre recommande par laquelle une organisation
syndicale a demand
quil soit procd des lections88. Ce nest pas la demande du salari
qui marque le point de
dpart de la priode de protection89. Ainsi, le salari non mandat
nest protg qu compter
de la demande aux mmes fins dune organisation syndicale90. Le
salari ne bnficie pas de
la protection si sa demande dorganisation des lections est
formule aprs lintervention dun
syndicat91.
Si un litige intervient sur le bnfice du statut protecteur par
le salari demandant
lorganisation des lections professionnelles, cest le Conseil de
prudhommes qui est
comptent92. Le Tribunal dinstance nest comptent que pour statuer
sur une contestation
relative une demande dorganisation des lections des dlgus du
personnel.
B) La reprsentation indirecte du personnel
Les dlgus syndicaux et les reprsentants syndicaux au comit
dentreprise
29. Les volutions de linstitution des dlgus syndicaux. Le rgime
de Vichy a
supprim les liberts syndicales. Elles seront rtablies aprs la
seconde guerre mondiale par
lordonnance 27 juillet 1944. Ds 1946, une relle revendication
sur la prsence syndicale
dans lentreprise se dveloppe, notamment en matire de
participation aux ngociations
collectives. Cette volont se heurte au refus formul par lUIMM et
par le CNPF qui
dfendent, notamment, lide de la neutralit du lieu de
travail.
La reconnaissance du fait syndical dans lentreprise est considre
comme un des principaux
acquis de mai 1968. Longtemps revendique par la CGT et la CFDT,
elle fit lobjet de
longues discussions lors des ngociations de Grenelle93 avant
daboutir la loi du 27
dcembre 1968. Depuis cette date, les reprsentants lus et les
reprsentants dsigns
coexistent dans lentreprise.
88 C. trav., art L 2411-6 ; C. trav., art L 2411-989 Cass. soc.,
16 sept. 2003, n01-41.243 ; Cass. soc., 10 janv. 2006, n04-41.736,
indit. ; CE, 5 nov. 1993,
n100.13290 Cass. soc., 10 janv. 2006, n04-41.736 , indit. ;
Cass. soc., 15 fvr. 2006, n05-41.166 : Bull. 2006 V n73 p.
65 ; Cass. crim., 30 mars 1993, n 91-84.239 : JurisData n
1993-704782. ; CE, 5 nov. 1993, n 100132 :JurisData n
1993-045563
91 Cass. soc., 28 oct. 1996, n94-45.426 : JurisData
n1996-004006. ; Bull. 1996 V n351 p. 249 ; Cass. soc., 11oct. 2000,
n98-43.930
92 Cass. soc., 25 oct. 2006, n05-41.86393 Protocole de Grenelle,
juin 1968, art. 7 et annexe 2 : La protection des dlgus syndicaux
sera assure
dans des conditions analogues celle des dlgus du personnel et
des membres du comit dentreprise .
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27
30. Les dlgus syndicaux et les reprsentants syndicaux au comit
dentreprise
en cours de mandat. Le Code du travail fixe une liste de salaris
bnficiant de la
protection spciale. Sont ainsi protgs les dlgus syndicaux94, les
dlgus syndicaux
supplmentaires95, les dlgus syndicaux centraux96, les
reprsentants syndicaux au comit
dentreprise97 et les reprsentants de la section syndicale98.
Les salaris doivent avoir t rgulirement dsigns pour pouvoir tre
protgs. Il appartient
au tribunal dinstance dapprcier la rgularit dune telle
dsignation99. Pour quelle soit
rgulire, certaines conditions doivent tre remplies : le seuil
deffectif pour la mise en place
de linstitution, la reprsentativit du syndicat dans lentreprise,
lobtention dau moins 10%
des suffrages exprims au premier tour des lections100, lge,
lanciennet et la capacit
lectorale.
Les salaris sont protgs pendant toute la dure de leur mandant, y
compris pendant les
priodes de suspension de leur contrat de travail. En principe,
ils vont donc tre protgs
jusqu leur remplacement ou leur rvocation par lorganisation
syndicale qui les a dsigns.
Il est intressant de noter quencore une fois, la protection du
salari est totalement
indpendante de lexercice de ses fonctions. En effet, le salari
continue bnficier de la
protection lgale alors mme quil nexerce plus sa mission101. De
mme, la division dune
entreprise en tablissements distincts par accord avec les
organisations syndicales ne met pas
94 C. trav., art. L 2411-395 C. trav., art. L 2143-496 C. trav.,
art. L 2143-597 C. trav., art. L 2411-898 C. trav., art. L
2142-1
La protection du reprsentant de la section syndical (RSS), Le
RSS bnficie dune protection quivalente celle dun dlgu syndical (C.
trav., art. L 2142-1-2). Ce rgime de protection dcoule sans doute
du fait quele RSS a vocation devenir dlgu syndical si le nombre de
voix obtenues lors des lections professionnellesle permet.
Le RSS est protg pendant toute la dure de son mandat. Le rgime
de protection est mis en uvre partir dumoment o lemployeur reoit la
lettre du syndicat notifiant la dsignation du RSS. A la fin de son
mandat, leRSS est protg pendant douze mois sil a exerc ses
fonctions pendant au moins un an. Son mandat prend finds lors que
le syndicat, qui la dsign, nest plus reconnu comme reprsentatif
dans lentreprise lissue despremires lections professionnelles
suivant la dsignation du RSS (C. trav., art. L 2142-1-1).
99 Lapprciation de la rgularit de la dsignation : Il nappartient
pas lemployeur dapprcier la rgularitdune dsignation. Ainsi, il ne
peut pas priver un salari dsign (mme si sa dsignation est
irrgulire) dustatut protecteur. Il faut, au pralable, quil ait
obtenu lannulation de sa dsignation devant le juge saisi dansles
quinze jours suivants cette dsignation. Au-del de ce dlai, le
lgislateur considre que la dsignation estpurge de tout vice (C.
trav., art. L 2143-8 ; C. trav., art. L 2327-8 ; C. trav., art. L
2143-5 ; Cass. soc., 4 mars2009, n08-40.500).
100 L. n2008-789, 20 aot 2008101 Cass. soc., 18 juill. 2000,
n98-42.625
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28
fin au mandat dun dlgu syndical dsign antrieurement. La Cour de
cassation considre
que lemployeur, qui souhaite le licencier, doit respecter la
procdure spcifique102.
La protection des dlgus syndicaux et des reprsentants syndicaux
au comit dentreprise
est mise en uvre ds la rception par lemployeur de la lettre du
syndicat notifiant leur
dsignation103. La chambre sociale de la Cour de cassation a
tempr ce principe en admettant
que la preuve de la connaissance de la dsignation de faon
certaine par lemployeur peut
suffire104. A linverse, la chambre criminelle de la Cour de
cassation considre que lorsque
lemployeur conteste avoir reu la lettre de dsignation, il
appartient au salari ou
lorganisation syndicale dtablir que la notification a t faite
selon les modalits lgalement
prvues larticle L. 2143-4 du Code du travail. Si cette preuve ne
peut pas tre apporte, la
dsignation nest pas opposable lemployeur105 et donc le salari ne
bnficie pas de la
protection spciale.
31. La candidature imminente du salari. Le Code du travail et la
Cour de
cassation considrent que le statut protecteur sapplique si la
lettre de dsignation comme
dlgu syndical ou comme reprsentant syndical au comit dentreprise
a t reue par
lemployeur avant que le salari soit convoqu lentretien pralable
de licenciement106. La
date prendre en compte est la date de lenvoi de la lettre de
convocation lentretien
pralable : lemployeur doit avoir connaissance de la dsignation
avant cette date107.
Toutefois, si lannulation de la dsignation par les juges
intervient entre lentretien et la
notification de licenciement, le salari concern nest pas
protg108.
En cas de concomitance (ou presque) entre la dsignation du
salari et la convocation
lentretien pralable de licenciement, la jurisprudence doit
apprcier au cas par cas si lune ou
lautre des parties a commis une manuvre frauduleuse109. Il ne
faut pas que la dsignation ait
102 Cass. crim., 17 dc. 1996, n94-85.783 : Bull. crim. 1996 n471
p. 1368103 C. trav., art. L 2411-3 ; C. trav., art. L 2411-10
Prcision sur le point de dpart de la protection : Larticle D.
2143-4 du Code du travail dispose que Les nomet prnoms du ou des
dlgus syndicaux, du dlgu syndical central et du reprsentant
syndical au comitd'entreprise sont ports la connaissance de
l'employeur soit par lettre recommande avec avis de rception,soit
par lettre remise contre rcpiss . Cest donc la date porte sur lavis
de rception ou sur le rcpiss dela lettre remise lemployeur qui
marque le point de dpart de la protection.
104 Cass. soc., 9 juill. 1996, n95-60.777 : Bull. 1996 V 274 p.
193105 Cass. crim., 5 mars 1991, n90-82.113 : Bull. crim.l 1991 n
112 p. 287106 C. trav., art. L 2411-3 ; C. trav., art. L 2411-10 ;
Cass. soc., 25 fvr. 1982, n81-60.889 : Bull. n 131107 Cass. soc.,
19 juin 1985, n83-45.227 : Bull. 1985 V n 353 p. 255108 Cass. soc.,
3 dc. 2002, n99-44.583 : Bull. 2002 V n 363 p. 359109 Exemple :
Cass. soc., 3 juill. 1985, n84-60.865 : Bull.1985 V n 402 p. 290.
La chambre sociale de la Cour
de cassation considre que la dsignation dun salari reprsentant
syndical au comit dentreprise, ayant tlanne prcdente candidat aux
lections des dlgus du personnel, nest pas frauduleuse.
-
29
pour but exclusif dassurer la protection individuelle du salari
dsign. Cest pour cette
raison que le juge va examiner notamment si la dsignation est
conscutive une activit
syndicale ou revendicative110.
Lorsque la dsignation est postrieure la convocation du salari
lentretien pralable de
licenciement, le statut protecteur ne sapplique pas111. Cette
solution sapplique mme lorsque
la date de lentretien a t reporte112, et donc quil y a eu une
seconde convocation.
Il faut garder lesprit que la dsignation, mme si elle ne permet
pas au salari de bnficier
du statut protecteur, reste valable si certaines conditions sont
remplies. Elle ne doit pas tre
frauduleuse et il faut que le salari ait effectu son pravis.
Cette dernire condition nest pas
remplie lorsque le salari est dispens de pravis par son
employeur113.
La dsignation qui intervient alors quune procdure de
licenciement a dj t rgulirement
engage produit des effets jusquau terme du contrat de
travail114. Cependant, cette
dsignation nentrave pas le cours de la procdure115.
Si cette imminence est connue de lemployeur avant que le salari
ne soit convoqu
lentretien pralable au licenciement, alors le Code du travail
tend le bnfice du statut
protecteur au salari qui est sur le point dtre dsign116.
Afin de bnficier de la protection spciale, le salari doit
prouver que lemployeur avait
connaissance de limminence de la dsignation117. Sil ne le fait
pas, le licenciement du salari
nest pas soumis aux rgles protectrices118.
32. Les anciens dlgus syndicaux et reprsentants syndicaux au
comit
dentreprise. Lancien dlgu syndical est protg pendant douze mois
aprs la cessation
de ses fonctions, la condition quil ait exerc ses fonctions
pendant au moins un an119.
110 Cass. soc., 6 janv. 1983, n82-60.321 : Bull. n10 ; Cass.
soc., 14 mai 1997, n96-60.213 : Bull.1997, V,n178, p. 128
Prcision : Lactivit syndicale ou revendicative antrieure nest
quun lment prendre en compte pourcarter la fraude. La Cour de
cassation considre que labsence dactivit syndicale ne suffit pas en
elle-mme tablir le caractre frauduleux de la dsignation dun dlgu
syndical.
111 Cass. soc., 18 nov. 1998, n96-42.810 : Bull. 1998 V n508 p.
379 ; Cass. soc., 1er mars 2005, n03-40.048 :Bull. 2005 V N 75 p.
66 ; Cass. soc., 6 dc. 2011, n10-18.071
112 Cass. soc., 2 dc. 2008, n07-45.540 : Bull. 2008, V, n240113
Cass. soc., 1er juin 1976, n75-60.205 : Bull. n342 p. 282114 Cass.
soc., 3 avr. 2001, n99-40.190 : Bull. 2001 V n122 p. 96115 Cass.
crim., 9 mars 1982, n81-92.086 : Bull. crim. n74116 C. trav., art.
L 2411-3 et L 2411-10117 CE, 23 dc. 2011, n33_.607118 Cass. soc., 4
mars 1998, n95-41.838 ; Cass. soc., 18 nov. 1998, n96-42.810 :
Bull. 1998 V n508 p. 379119 C. trav., art.L 2411-3 ; Cass. soc., 25
oct. 2005, n02-45.158 : Bull. 2005 V n 301 p. 262
-
30
Lancien reprsentant syndical au comit dentreprise est, quant
lui, protg pendant six
mois aprs lexpiration de son mandat120 ou la disparition de
linstitution. Cette protection
joue lorsque le salari est dsign depuis deux ans121 et nest pas
reconduit dans ses fonctions
lors du renouvellement du comit dentreprise122.
Le salari sera protg au titre de son statut dancien reprsentant
compter de la date de
lexpiration de son mandat. Cette dernire peut provenir de sa
rvocation ou de son
remplacement par lorganisation syndicale auteur de sa dsignation
; de sa dmission de ses
fonctions reprsentatives ; de la perte des conditions
individuellement requises pour dtenir ce
mandat et enfin de la perte de la reprsentativit de son
syndicat.
La priode de protection commence galement courir lorsque
linstitution auprs de laquelle
le salari exerce son mandat, en lespce le comit dentreprise,
disparait. Cette disparition
peut avoir deux origines. La premire est la rduction importante
et durable de leffectif de
lentreprise au-dessous du seuil lgal (50 salaris en lespce).
Dans ce cas, un accord doit
intervenir entre lemployeur et lensemble des organisations
syndicales. A dfaut, la
suppression du comit dentreprise ou du mandant de dlgu syndical
peut intervenir sur
dcision de la Direccte123. La seconde cause, origine de la
disparition de linstitution, est la
perte de la qualit dtablissement distinct, de la carence de
candidats lors du renouvellement
du comit dentreprise ou du renouvellement du comit
dentreprise.
Assimilations
33. Certains salaris protgs sont assimils des dlgus syndicaux
concernant leur
statut protecteur. Cest ce que dcide le Code du travail en son
article L. 2421-2.
34. Le conseiller prudhomal. Durant toute la dure de son mandat
(cinq ans), le
conseiller prudhomal bnficie du statut protecteur. Cette
protection est mise en uvre ds la
proclamation des rsultats des lections (le lendemain du jour du
scrutin)124. La difficult pour
lemployeur va tre de connatre lexistence du mandat du salari. Si
ce dernier na pas eu un
120 Cass. soc., 10 mars 2010, n09-60.347 : Bull.2010, V, n 58 :
Le mandat dun reprsentant syndical au comitdentreprise prend fin
lors du renouvellement des membres de cette institution.
121 Cass. soc., 9 nov. 2004, n02-46.312 : Si le mandat na pas t
exerc pendant deux ans, la protection ne jouepas.
122 C. trav., art L 2411-8123 C. trav., art. L 2143-11 ; C.
trav., art. L 2322-7124 Cass. soc., 22 sept. 2010, n09-40.968 :
Bull. 2010, V, n 191 ; JCP S n44, 3 nov. 2010, note
BOULMIER D.; JCP S n45, 9 nov. 2010, note LAHALLE T. ; JCP S
n46, 16 nov. 2010, note.KERBOURCH J.-Y: Il faut prendre en compte
la date de la proclamation des rsultats des lections et non pasla
date de la publication de la liste des conseillers au Recueil des
actes administratifs.
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31
comportement frauduleux125, lignorance de lemployeur est sans
incidence sur le point de
dpart du dlai de protection.
Comme les autres reprsentants du personnel, le candidat aux
fonctions de conseiller
prudhomal est protg pendant une dure de six mois aprs la
publication des candidatures
par lautorit administrative. Cette protection est mise en uvre
ds que lemployeur a reu
notification de la candidature du salari126. De mme, le salari
bnficie du statut protecteur
lorsquil prouve que son employeur a eu connaissance de
limminence de sa candidature127.
Lancien conseiller prudhomal ayant cess dexercer ses fonctions
depuis moins de six mois
est galement protg128.Cette protection sapplique alors mme que
llection a t invalide
par le juge129 ou que le salari a dmissionn de son mandat. Dans
cette dernire hypothse, le
dlai de protection commence courir le jour o la dmission du
salari a acquis un caractre
dfinitif, soit un mois aprs lexpdition de la lettre de dmission
au prsident du Conseil de
prudhommes130.
35. Le conseiller du salari131. Le Code du travail prvoit, quen
labsence
dinstances reprsentatives du personnel dans lentreprise, le
salari convoqu un entretien
pralable de licenciement peut se faire assister par un
conseiller choisi sur une liste dresse
par lautorit administrative132. Ce conseiller bnficie dune
protection particulire durant
toute la dure de sa fonction, ainsi que douze mois aprs la fin
de son mandat si le conseiller
la exerc pendant plus dun an133.
Cette protection est mise en uvre ds lors que cette liste est
arrte (indpendamment des
formalits de publicit134) ou ds lors que lemployeur a eu
connaissance de limminence de
125 Le fait dempcher volontairement son employeur davoir
connaissance de son statut de conseillerprudhomal constitue un
manquement du salari son obligation de loyaut. Ce simple manquement
ne peutpas avoir de consquences sur le bnfice du statut protecteur.
En revanche, il peut avoir une incidence sur lemontant de
lindemnisation due au titre de la violation de son statut
protecteur (Cass. soc., 16 fvr. 2011, n10-10.592 : Bull. 2011, V, n
51).
126 C. trav., art. L. 1441-27127 C. trav., art L. 2411-22 : Le
bnfice de cette protection ne peut tre invoqu que par les candidats
dont le
nom figure sur la liste dpose.128 C. trav., art. L. 2411-22129
Cass. soc., 16 mars 2010, n08-44.094 : Bull. 2010, V, n 66130 Cass.
crim., 6 mai 2008, n07-80.530 : Bull. crim.l 2008, n 106131 Cass.
soc., 5 mai 2009, n08-40.540 ; JCP S, n1310, obs. BOULMIER D. : A
propos de la protection
accorde au conseiller du salari ; Dr. soc. n2, fvr. 2010, note
VERDIER J.-M. :Une ingalit paradoxalede protection : dlgu dsign ou
lu et conseiller du salari.
132 C. trav., art L. 1234-4133 Cass. soc., 27 janv. 2010,
n08-44.376 : Bull. 2010, V, n 22134 Cass. soc., 22 sept. 2010,
n08-45.227 : Bull. 2010, V, n 190
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32
linscription du salari sur la liste135. Enfin, il est intressant
de noter que le bnfice de la
protection est indpendant de laccomplissement effectif par le
salari de sa mission de
conseil136.
36. Le salari mandat. Le Code du travail tend le champ de la
protection contre le
licenciement au salari mandat par une ou plusieurs organisations
syndicales pour ngocier
et conclure des accords dentreprise en labsence de dlgus
syndicaux ou dlus du
personnel137. Cette protection est mise en uvre ds que
lemployeur a connaissance de
limminence de la dsignation. Elle sachve douze mois aprs la
signature de laccord, la fin
du mandat ou lchec de la ngociation (procs-verbal de
dsaccord)138. La Cour de cassation
considre que le salari bnficie de la protection alors mme
quaucune ngociation na eu
lieu et tant que le syndicat na pas rvoqu son mandat ou que
lemployeur na pas demand
la constatation de sa caducit139.
37. Les autres salaris bnficiant de la protection par
assimilation. Larticle
L. 2421-2 du Code du travail tend la protection contre le
licenciement dautres salaris
quil assimile des dlgus syndicaux. Cest le cas des membres du
conseil ou
administrateurs dune caisse de scurit sociale140, des membres du
conseil ou administrateur
135 Circ. DRT n91-16, 5 sept. 1991 ; Cass. soc., 19 janv. 2011,
n10-13.972136 Cass. soc., 14 janv. 2003, n00-45.883 : Bull. 2003 V
n 4 p. 3 ; Cass. soc., 25oct. 2006, n04-48.776137 C. trav., art. L.
2232-24 ; C. trav., art. L. 2411-1138 C. trav., art L. 2411-4139
Cass. soc., 11 mai 2004, n02-41.755 : Bull. 2004 V n129 p. 118 ;
Cass. soc., 30 nov. 2004, n02-40.437 :
Bull. 2004 V n 312 p. 281140 CSS, art. L. 231-11 ; C. trav., art
L. 2411-1 18.
Voir Annexe n 1 : Cons. Const. Dcision n 2012-242 QPC du 14 mai
2012, Licenciement des salarisprotgs au titre dun mandat extrieur
lentreprise :
http://www.conseil-constitutionnel.fr : Le Conseil
constitutionnel a t saisi le 7 mars 2012 par la Cour decassation
d'une question prioritaire de constitutionnalit. Cette question
tait relative la conformit auxdroits et liberts que la Constitution
garantit des dispositions du 13 de l'article L. 2411-1 et des
articles L.2411-3 et L. 2411-18 du code du travail. Ces
dispositions du code du travail prvoient que les salarisexerant un
mandat de membre du conseil ou d'administrateur
d'uhttp://www.conseil-constitutionnel.frnecaisse de scurit sociale
ne peuvent tre licencis qu'aprs autorisation de l'inspecteur du
travail.
Le Conseil constitutionnel a relev qu'en accordant une telle
protection ces salaris, le lgislateur aentendu prserver leur
indpendance dans l'exercice de leur mandat et a ainsi poursuivi un
but d'intrtgnral. En subordonnant la validit du licenciement de ces
salaris l'autorisation de l'inspecteur dutravail, les dispositions
contestes n'ont port une atteinte disproportionne ni la libert
d'entreprendre ni la libert contractuelle. En revanche, pour ne pas
porter une telle atteinte ces liberts, ces dispositions ducode du
travail, qui bnficient un salari pour un mandat extrieur
l'entreprise, ne sauraient luipermettre de se prvaloir de cette
protection s'il n'en a pas inform son employeur au plus tard lors
del'entretien pralable au licenciement. Sous cette rserve, le
Conseil constitutionnel a dclar conformes laConstitution le 13 de
l'article L. 2411-1 du code du travail et les articles L. 2411-3 et
L. 2411-18 du mmecode .
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33
dune mutuelle, union ou fdration141, et enfin, des reprsentants
des salaris dans une
chambre dagriculture142.
III. Les autres ordres juridiques
38. Le Royaume-Uni. En Grande-Bretagne, il ny a pas clairement
de mode de
reprsentation des salaris dans lentreprise. Les syndicats
doivent tablir eux-mmes le mode
daccs aux fonctions de reprsentants. Plusieurs types de mandats
peuvent tre cumuls : les
shop steward (dlgus comptence gnrale, quivalent aux dlgus du
personnel) ; union
health and safety representatives (dlgus chargs de lhygine et de
la scurit) ; union
learning representatives (dlgus chargs de la formation
professionnelle).
Le licenciement dun reprsentant syndical ou dun reprsentant du
personnel est
automatiquement considr comme abusif ds lors sil repose sur
lexercice de sa fonction
reprsentative ou dans la nature de son statut. Il ne doit pas
subir de discrimination en cours
de mandat.
39. Allemagne. La reprsentation du personnel est assure par le
Betriebsrat143
(comit dtablissement144) qui a t mis en place et organis par une
loi de 1972. Le nombre
de ses membres dpend des effectifs de lentreprise145. Il est
intressant de noter quen
Allemagne, un mode de reprsentation du personnel est institu ds
que cinq salaris (et non
pas onze comme en France) sont comptabiliss dans les effectifs
de lentreprise.
Le comit participe lorganisation du travail. Pour se faire, il
prend part aux dcisions
portant sur les conditions et le droulement du travail. Le comit
a galement un rle de
141 C. mut., art. L. 114-24142 C. rur., art. L. 515-1143 Le
betriebsrat ne doit pas tre confondu avec la mitbestimmung (systme
de cogestion), qui implique la
participation des salaris aux organes directionnels de
lentreprise.144 Le pendant franais du Betriebsrat allemand semble
tre le comit dentreprise franais. Cependant, il ne
parait pas opportun dutiliser le terme de comit dentreprise. En
effet, si les deux institutions se voientattribuer, de par la loi,
des tches comparables, leur composition respective dmontre la ralit
d'unestructure et un mode de fonctionnement diffrents. Cest pour
cette raison que le Betriebsrat est souventdsign en franais comme
tant un conseil dtablissement C'est, il est vrai, la traduction
littrale, le Betriebtant d'abord assimil un tablissement, avant
d'tre tendu l'entreprise. Nanmoins, le Betrieb peut seconfondre
avec l'entreprise (Unternehmen).
145 Entreprise de 5 20 salaris = 1 membreEntreprise de 21 50
salaris = 3 membresEntreprise de 51 150 salaris = 5
membresEntreprise de 151 300 salaris = 7 membresEntreprise de plus
de 1000 salaris = 31 membres et 2 membres de plus par tranche de
3000 salaris
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34
gestion du personnel. Enfin, le comit a des attributions en
matire de gestion conomique de
lentreprise.
Lemployeur est tenu de consulter le comit avant une opration de
rduction ou de cessation
de lactivit dune partie de lentreprise, de transfert
dentreprise, de fusion, de scission, de
modification de lorganisation de lentreprise ou encore
dintroduction de nouvelles mthodes
de production. Lemployeur doit fournir au comit toutes les
informations ncessaires pour
quil puisse rendre un avis motiv. Les deux parties doivent ainsi
parvenir un accord, qui
devra tre consign par crit. En cas de dsaccord, le
landersarbeitsamt interviendra (les
services du travail du Land concern, la Direction dpartementale
du travail allemande
locale). Le prsident des services du travail du Land va faire
office de mdiateur. Si un accord
nest toujours pas trouv, il faut faire intervenir la
einigungstelle, c'est--dire une commission
paritaire qui doit rendre une dcision.
En Allemagne, les licenciements des reprsentants du personnel ne
peuvent tre envisags
que dans certains cas : la faute grave (dont les conditions sont
strictement apprcies) ; la
fermeture de ltablissement ; un licenciement conomique si
lemployeur a recueilli le
consentement du conseil dentreprise ou, dfaut, sil a saisi le
tribunal du travail. De plus, le
statut protecteur est tendu aprs la perte du mandat un an pour
les titulaires et six mois
pour les supplants. En revanche, les vertrauensleute (dlgus
syndicaux) ne disposent pas
dune protection particulire contre le licenciement puisque ce
nest pas une instance prvue
par la loi. Toutefois, les conventions collectives peuvent
prvoir une extension du bnfice du
statut protecteur pour ces salaris. Si les dlgus syndicaux ne
sont pas protgs par les
dispositions dune ngociation collective, ils peuvent invoquer la
Constitution garantissant la
libert dopinion, et la convention de lOIT n135.
40. Italie. Le lgislateur italien prohibe le licenciement dun
salari en raison de son
appartenance une organisation syndicale. Una tutela speciale
(une protection spciale) est
ainsi prvue pour certaines catgories de salaris146. Ainsi, les
dirigeants syndicaux
dentreprise, les membres de la rapprezentanze sindacali unitarie
et les membres des
commissions internes bnficient dun statut protecteur en matire
de licenciement. Le
bnfice de ce statut est prolong pendant une dure dun an compter
de la cessation de
leurs fonctions. De mme, les candidats ces mandats sont protgs
pendant trois mois
compter de la date des lections. Si un salari protg est licenci
et, qu premire vue,
cette mesure nest pas motive, le salari pourra demander sa
rintgration provisoire dans
146 L. n108, 1990
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35
son emploi. Pour ce faire, il doit obtenir une ordonnance prise
par lautorit judiciaire. Cette
procdure peut tre compare au rfr prudhomal franais. Si
lemployeur ne rintgre pas
son salari, il peut tre condamn lui verser son salaire. Il peut
galement tre oblig de
payer, pour chaque jour de retard, une somme gale celle due au
salari au fonds de gestion
des retraites.
* * *
La prsence des reprsentants du personnel dans lentreprise pose
de nombreux problmes en
pratique. Des difficults apparaissent lors de lexercice de leur
mandat et lors de la rupture de
leur contrat de travail. Dans le cadre de cette tude, il
conviendra dexaminer les diffrents
motifs de licenciement dun reprsentant du personnel (Titre 1) et
leurs modalits de
contrle (Titre 2).
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TITRE 1 : LES DIFFERENTS MOT