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Le monde très masculin des Bikers L’hypermasculinisation chez les Bikers et l’occultation des femmes dans le mouvement : une mauvaise prise de vue ou une réalité ? Travail de validation du cours Subculture et genre ENSEIGNANTE : MARION SCHULZE Snozzi Giulia 1
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Le monde très masculin des bikers

Apr 11, 2023

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Le monde très masculin desBikers

L’hypermasculinisation chez les Bikers etl’occultation des femmes dans le mouvement :une mauvaise prise de vue ou une réalité ?

Travail de validation du cours Subculture etgenre

ENSEIGNANTE : MARION SCHULZE

Snozzi Giulia

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Le monde très masculin desBikers

L’hypermasculinisation chez les Bikers etl’occultation des femmes dans le mouvement :une mauvaise prise de vue ou une réalité ?

INTRODUCTION 5

LA SUBCULTURE BIKERS 6

Etat des lieux de la recherche sur la subculture Bikers 6

Bikers : subculture ou gang criminel ? 7Bref traçage historique des Bikers 7Les différents éléments qui font des Bikers une subculture. 8La criminalité un élément de la subculture ? 10

LES RAPPORTS DE GENRES ÉTUDIÉS DANS CETTE SUBCULTURE 11

L’hypermasculinisation étudiée chez les Bikers 11

La subordination des femmes chez les Bikers criminels 13

Les limites de ces précédentes études 16

Vers une approche différente 18

CONCLUSION 19

BIBLIOGRAPHIE 21

Sources et sites web consultés  21

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Introduction

Les grandes plaines américaines, les grosses bécanes lestraversant sur un fond de « Motorhead » ; voilà une des imagesqui peut nous arriver en tête lorsqu’on nous parle de Bikers.Cette image est surtout une image de marque pour certainesmotos comme la Harley Davidson, mettant en avant la libertééprouvée sur ces bécanes. Dès les années septante, les Bikerss’étendent de plus en plus dans le monde, différents chapitresse forment au travers de tous les Etats Unis, le Canada, puisils commencent à s’implanter en Europe, en Irlande, enAngleterre, en Allemagne et en France. Une vrai guerre prendforme entre les différents MC (Motocrew) les plus puissantscomme les Outlaws, les Hell’s Angels ou les Bandidos. Pourtantplusieurs événements tragiques se réfèrent également aux Bikersnotamment les divers attentats et assassinats sévissant auxEtats Unis et au Canada dans les années quatre vingt dix. Petità petit, la violence et le crime entache la belle image de cesrebelles en moto. De plus en plus d’affaire de trafic dedrogues, de femmes et d’armes font surface. L’image du rebelleprotecteur de la population s’effrite de plus en plus.

Bon nombre de reportage, de documentaire ont essayé des’approcher de ces groupes violents et criminels mais ceux-citenaient à rester discret, afin de protéger et de ne diffuserque l’image du rebelle protecteur. Bien sûr, tous les Bikersn’étaient et ne sont pas des membres de ces MC se désignantcomme « one percentist » (la frange criminelle et ultraviolente), mais comme des MC se retrouvant juste pour leplaisir de faire des virées en moto. Dans ces divers reportagesou encore étude, il a été mis en avant la quasi absence desfemmes dans le mouvement, ou alors la place subordonnée qu’illeur était donnée. Pourtant, les femmes étaient et sont bienprésentes dans ces MC, de manière tout à fait différente deshommes, mais elles existent et d’une manière ou d’une autreparticipent aux MC. De plus, nous voyons apparaître, depuisquelques années maintenant de plus en plus de groupes de motoféminins (n’appartenant pas à la frange des « onepercentist » ) se créer. Signalons que depuis le début des

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clubs Bikers, les études et autres s’intéressaient aux membresactifs de ces gangs criminalisés qui étaient des hommes ultravirilisés. Alors je me demande dans quelle mesurel’hypermasculinisation des bikers empêche l’analyse desrapports de genre dans cette subculture ? Au travers de cetravail, je tenterai de démontrer comment l’androcentrisme nousa empêchés d’avoir accès à des aspects important de cettesubculture. Mon travail sera constitué de deux parties. Lapremière s’attachera surtout a expliqué la subculture Bikers,notamment en faisant un détour sur la littérature et les étudess’y rattachant. Puis nous nous attarderons sur la criminalitéfaisant partie de cette subculture. La deuxième partie de cetravail analysera les rapports de genres de cette subculture,en traitant de l’hypermasculinisation de cette subculture, puisen analysant la place des femmes dans cette subculture. Letroisième point traitera des limites de ces diverses études. Ledernier point se voudra surtout être une proposition de méthodede recherche pour analyser les rapports de genre dans cettesubculture.

La subculture Bikers Etat des lieux de la recherche sur la subculture BikersComme nous venons de l’apercevoir, durant les années quatre

vingt et quatre vingt dix, les Bikers ont beaucoup fait parlerd’eux. Cela a généré un intérêt de la part des journalistesmais aussi de quelques chercheurs universitaire comme J-W.Schouten1 ou d’autres experts comme Yves Lavigne2..Les guerresde gangs faisant leur publicité, tout le monde s’est intéresséaux divers groupements de bikers et de leurs différentschapitres3. Néanmoins l’intérêt porté par les journalistes sefocalisait essentiellement sur le côté criminel et violent de1 Voir J-W Schouten & J-H.McAlexander, Subcultures of Consumption : an Ethnography of the New Bikers. Article trouvé sur https://faculty.fuqua.duke.edu/~moorman/GeneralMills/Section1/Section1Documents/subcultures.pdf 2 Auteur de deux best sellers sur les Hell’s Angels : Hell’s Angels, taking care of business et Hell’s Angels at war. 3 Les chapitres sont des sortes de factions sur un territoire donné. Par exemple lesHell’s Angels avait des chapitres dans tous les Etats Unis, mais leur chapitre principal était

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ces gangs. D’ailleurs cela explique la difficulté qu’ilsavaient à entrer dans les MC et à enquêter, car les MC "1%" nevoulaient pas divulguer quoique ce soit sur leurs activitéscriminelles.

Ainsi les divers articles de presses et les divers reportagesont surtout chercher à comprendre leurs activités criminelleset à les décrire en faisant des portraits des clubs ou desmembres importants de ces clubs. Ils ont aussi chercher àcomprendre l’histoire de ce mouvement, les liens avec lesanciens combattants de l’armée américaine et encore decomprendre l’attachement à leur objet fétiche : la HarleyDavidson.

Un élément important apparaît avec ces articles. Cesrecherches sur les Bikers font naitre un paradoxe par rapportà l’image médiatique des Bikers et la réalité de ces MC "1%".D’un côté tout ce qui provient du divertissement (films,livres, séries)4 humanise les Bikers en leur donnant des rôlesde rebelles protecteurs des valeurs américaines, et pourtant laplupart des faits relayés par les médias, les peignent comme dedangereux criminels n’hésitant pas à user de violence pourpréserver leurs intérêts.

Pour conclure ce bref état des lieux, la subculture Bikers aété sous le feux de beaucoup de projecteurs, ce qui nous apermis de mieux comprendre certains de leurs codes, les réseauxd’actions, leurs actes criminels, la structure des MC etc.Néanmoins seule une partie de cette subculture a été passé aucrible de diverses analyses, la partie criminalisée àl’extrême, les « one percentist ». Presque tout a été vu parl’angle de la criminalité ou de la violence. Je pense qu’il estimportant de relevé ceci, car nous comprendrons mieux la placedes femmes dans cette subculture en sachant que lesconnaissances auxquelles nous avons eu accès se sont focaliséessur les groupes criminels et violents. Je tiens toutefois àpréciser que je n’ai qu’une liste non exhaustive de textes etd’études sur le sujet. Il existe peut être des études sur lesBikers non criminels, les « 99% », si tel est le cas je ne lesai pas trouvés.

4 Comme « The Wild One » ou la série « Son’s of Anarchy »

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Bikers : subculture ou gang criminel ?

Bref traçage historique des Bikers

Le mouvement Bikers est un mouvement très récent, commebeaucoup de subculture, ce qui le rend difficile à historiciserde manière précise. Nous sommes obligés de circonscrire sonhistoire au travers de mythe fondateurs et de faits avérés toutau long de ce siècle.

Selon Dulaney5 ou encore Y.Lavigne, tout aurait commencé àHollister en 1947, ville dans laquelle l’association de vétéranet un club de moto organisèrent une sorte de concours de moto.Ce concours attira beaucoup de passionnés et des jeunes enmanque d’adrénaline qui décidèrent de « foutre le bordel ». Lesseuls policiers présent arrêtèrent quelques uns de ces jeunes,et malgré les demandes de leurs amis, la police locale ne voulupas relâcher ces personnes. Ce qui donna suite à des émeutessans précédent. Ces événements de Hollister ont souvent été niépar les clubs de moto, ou alors décrié par l’AMA (AmericanMotorcycle Association) comme quoi la violence n’était pas unegénéralité dans les clubs de motards bien au contraire.

Des concours similaires auraient eu lieu les annéesprécédentes, et ont toujours créés des incidents du même ordre.Ces incidents font connaître ces bandes de motards etsimultanément l’AMA déclare que le 99% de ces membres ne sontpas ces dangereux criminels. Ce qui a donné naissance au fameux"1%" fièrement arboré par les membre de MC criminalisés(Lavigne 2000). A partir de là, les Bikers sont divisés en deuxbranches distinctes : la branche non criminelle (les "99%") etla branche criminelle violente (les "1%"). Une fois laséparation faite entre les "1%" et les autres, les premiers MCcriminels vont naitre. Le premier club Hell’s Angels a été bâtipar les mains d’Otto Friedli à San Bernardino en Californie.

Il est nécessaire de préciser que la grande apparition desclubs de motards a suivi de près la fin de la deuxième guerre

5 W.L. Dulaney, A Brief History of "Outlaw" Motorcycle Clubs, article trouvé sur : http://ijms.nova.edu/November2005/IJMS_Artcl.Dulaney.html

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mondiale aux Etats Unis. Selon la plupart des auteurs, lesjeunes démilitarisés ne se retrouvaient plus dans l’Amériquesurannée des années cinquante. Ils leur manquaient l’aventure,la vie dangereuse et la fraternité militaire connue pendant laguerre. La moto Harley Davidson est devenu leurs moyens des’évader de cette vie trop bien rangée. Ils se retrouvaientavec des « frères » et leurs engins dangereux et bruyants leursrappelant peut être le bruit de la guerre. Avant les événementsde Hollister, ces bandes de motards étaient surtout connuespour leur abus d’alcool et les débordements liés à ces abus(bagarre, débauche des jeunes filles etc). Il existe un lienfort entre les bandes de motards et l’armée américain. Eneffet, hormis le fait qu’ils partagent un fort esprit depatriotisme, la plupart des Bikers seraient d’anciensmilitaires et depuis toujours, les bandes de motards recrutentbeaucoup auprès des militaires démobilisés. Sonny Barger, legrand chef des Hell’s Angels estima en 1964 qu’au moins 90% deses membres étaient d’anciens militaires. 6

Au fil des années, les MC « one percentist » ontdéveloppèrent des réseaux de trafics criminels en développantleurs chapitres un peu partout dans le monde occidental. Pourle 99% restant les clubs de motards se sont également étendusdans le monde. La subculture Bikers s’est fait connaître aussigrâce à des événements non criminels, comme par exemple ens’occupant de la sécurité de plusieurs concerts des RollingStones (ou il y a tout de même eu un blessé grave) et surtouten faisant beaucoup d’actes de charité, comme des organisationsde dons de sang ou de collecte de jouets. Certains pensent quece n’étaient que des événements pour permettre le traficd’armes ou de drogue sous couvert des actions bienfaitrices,néanmoins cela leur donnait l’image de groupe charitable etgénéreux.

Les différents éléments qui font des Bikers une subculture. Si nous prenons les études des CCCS, les subcultures

permettaient aux jeunes de se regrouper contre un ordre établi.Les CCCS expliquaient les subcultures comme étant une réponse àune montée du sentiment d’injustice sociale. La plupart desjeunes faisant partie des subcultures à l’époque, provenait des

6 Sous la direction de F. Haut, Les gangs de motards criminalisés, Mémoire de l’institut de criminologie de Paris, 2002

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classes sociales populaires7. Ils voyaient dans les subculturesune forme de rébellion contre ce qu’ils appelaient la culture"parent". Cette idée de subordination de la subculture à laculture parent provient d’un héritage de la pensée marxiste.Pour ce travail, je trouve cet élément de la subcultureintéressant à relever, car les bikers partagent clairementcette propension à se rebeller contre les normes sociales envigueur. Si nous considérons que la subculture des Bikerss’inscrit dans la culture parent qui serait alors la sociétéaméricaine des années cinquante, nous pouvons constater nombred’actes démontrant une forme de rébellion à la vie "normale"imposée par la société, qui sous entendait avoir une famille,une voiture, avoir un travail honnête etc. Le premier actedémonstratif de ce rejet de la culture hégémonique, serait lefait de privilégier la moto à la grosse voiture américaine,mais également entreprendre une vie de débauche dans laquellel’homme n’aurait pas à jurer fidélité à une seule femme. Lebesoin de provoquer, d’être provocant provient de ce rejet decette société trop lisse. Beaucoup de Bikers dénonçaitl’hypocrisie existante de cette époque où tout devait êtreparfait en surface, mais derrière ce masque rien ne l’était.

Toutefois, selon Clarke et Hall les subcultures ne sont pasen rupture complète avec la société hégémonique mais négociedes espaces, des liens etc.

« They form the basis of what Parkin has called a "negotiatedversion" of the dominant system… dominant values are not somuch rejected or opposed as modified by the subordinate class as aresult of circumstances and restricted opportunities »8.

La subculture Bikers n’est pas en rupture totale avec lesidéaux et valeurs de la société. Ils sont très patriotiques.Souvent ils ont un foyer ressemblant à tous les autres avec unemère (leur régulière) et des enfants. Par contre, puisque poureux gagner de l’argent de manière honnête leur est impossiblepour la plupart - ne pas oublier que la plupart sont desanciens soldats et que souvent une fois démobilisé, ils leurest difficile d’obtenir un travail digne de ce nom – ilstrouvèrent alors de quoi nourrir leur famille ou eux même grâceaux divers trafic et business en dehors de la légalité. De7 J. Clarke & S. Hall, Subcultures, cultures and class, 1975, pp.100-102 8 ibid., pp.103

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plus, ils usent fréquemment de drogue. Bien que reproduisantcertains éléments de la société des années cinquante ousoixante, les bikers démontraient un rejet de certaines formesde vie.

En plus de cette forme de rébellion contre la sociétéhégémonique, les clubs de motards essaient surtout de reformerun esprit de fraternité avec les gens dont ils se sententpartager un passé commun. C’est ici que nous trouvonsl’explication de la présence importante d’anciens militaires.En rentrant de la guerre, les hommes ne se sentaient plusappartenir à cette société, personne ne comprenant vraiment cequ’ils avaient vécus. Beaucoup exprimaient le besoin de seretrouver entre frère d’armes. Donc si nous étions deschercheurs affiliés aux CCCS, nous verrions dans les pratiquesBikers une nouvelle forme de vie s’opposant radicalement àl’ordre social établi sans pour autant en renier certainesvaleurs.

Le problème avec cette vision du vieux modèle de lasubculture, est qu’il nous enferme et nous empêcheraitd’analyser plusieurs autres pans important de la subcultureBikers, notamment son étendue géographique. De plus si nousrestons dans cette focale, nous ne pourrons pas comprendre lesprocessus de définition des membres ou du club en soi. Ainsi,en plus de prendre le vieux modèle, nous devrions compléternotre regard avec le modèle postmoderne de la suculture.Autrement dit, nous devrions nous concentrer sur les entitéséparses de Bikers et voir les similitudes et différences entrechapitre. Ceci nous permettrait de comprendre la définition desfrontières de cette subculture. Néanmoins il reste important, àmon avis de rester attaché un tant soit peu à la vision desCCCS afin de comprendre le lien entre la culture dominante etla subculture, afin que la subculture ne soit pas totalementdéracinée et étudiée comme étant une entité unique.

Ainsi en s’appuyant sur le deuxième modèle, nous pouvonsaffirmer que les Bikers sont une subculture par le simple faitqu’ils ont créé et crée tout un univers de codes et d’usagespour les membres de cette subculture que ce soit à un niveaulocal que transnational.

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Effectivement les groupes de Bikers fonctionnent tous selonla même structure qui est d’ailleurs calqué par la rigiditémilitaire. Les MC fonctionnent avec une chambre directricecomposé d’une pyramide de participant : le président, le viceprésident, le sergent d’armes, le comptable, le brasinformateur. Toutes les décisions concernant le club sontvotées par ce comité. Bien entendu dans les clubs n’appartenantpas au "1%", le sergent d’armes est surtout vu commel’organisateur, "l’éxécutif" des décisions prises par lecomité. Hors de ce comité directeur, il existe nombre defonctions rempli par des sortes de "soldats". De pluss’ajoutant à tous ces rôles, il existe les candidats àl’adhésion qui sont appelés les prospects, c’est à euxd’effectuer toutes les tâches "ingrates" du club, commenettoyer les toilettes, garder les locaux etc. Pour être admis,il doit faire preuve de sa bonne volonté. La décision de cetteadhésion au club est alors soumise au vote du comité directeur.Une fois la décision positive prise, le prospect doit passerpar une épreuve de bizutage. Ce bizutage peut être trèsdégradant selon le type de MC. Les MC 1% demandent à leursprospects de commettre un crime, afin de s’assurer qu’il neserait pas un agent infiltré… En plus de toute cetteorganisation complexe et codifiée, les membres doivent tousavoir un blouson (jeans ou cuir) indiquant leurs couleurs c’està dire avec le nom du MC, le chapitre, leur rang dans lahiérarchie etc, nous reviendrons plus en détails sur cescouleurs dans le point traitant de l’hypermasculinisation desBikers.

La criminalité un élément de la subculture ? Pour beaucoup d’auteurs étudiant les subcultures et

appartenant à l’école de Chicago et par la suite au CCCS, ladéviance était un critère important des subcultures. Parexemple pour H.S Becker, la déviance est une étape logique, carla société (la culture parent) crée des normes et lessubcultures sont bien souvent en confrontation, en opposition àces normes. Alors en dépassant ces normes imposées par lasociété, les individus deviennent des "outsiders". Ce ne sontpas les actes criminels qui intéressent ces chercheurs, maisplutôt de comprendre ce qui les amène à ne pas respecter cesnormes. R.K Merton a tenté de conceptualiser ce recours à ladéviance par la déprivation relative. Selon lui, un groupe ou

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un individu passe à des activités criminelles, car il constateque ce que les autres possèdent lui ne peut pas l’obtenir pardes moyens "normaux" ou légaux. Alors pour quand même leposséder, l’individu ou le groupe met en place des stratégiesd’innovation afin d’obtenir ce qu’il souhaite et que les autresont. Plus tard le CCCS cherche à comprendre la constitutioninégale de la société qui amenait à des inégalités d’accès àl’éducation, à l’argent ou encore à la santé et expliquait lefait que les subcultures avait recours à des actes déviantspour contourner ces inégalités construites par la société.

Si nous étudions les Bikers avec ces théories en tête, nouscomprenons pour quoi ces clubs avaient ou auraient recoursaux crimes et à la violence. Comme nous l’avons soulevéprécédemment, les Bikers étaient recrutés aux moments desdémobilisations de soldats, et pour la plupart provenaient desclasses populaires. Leurs situations n’étant pas des plusfavorables pour trouver un emploi honnête et gagner assezd’argent pour vivre selon les clichés de l’époque (bellevoiture, famille et maison), ils trouvaient refuge dans ceschemins de traverses offert par les subcultures. Les traficscriminels était leurs moyens de gagner de l’argent. Au delà decela, je pense que le besoin d’argent et les stratégiesd’innovation, comme les appelaient Merton, ne suffisent pas àexpliquer le recours à la criminalité violente. De plus cela nepermet pas non plus d’expliquer l’existence de MC pas forcémentraccordé au réseau criminel. Je pense que le facteur temporelait aussi un rapport dans la continuation des pratiquescriminelles dans la subculture. Effectivement nous pouvonsimaginer que le fait que certain club ne connaissent que lemoyen criminel pour exister, le pousse à rester dans cestravers là. De plus, le fait de partager des crimes crée peutêtre des liens extrêmement forts basé non seulement sur uneamitié ou une fraternité mais de plus attache les "frères"entre eux. Ces deux éléments ne sont que des suppositions néessuites aux diverses lectures et visionnage de reportage et desérie sur ces Bikers criminels. Il faudrait pouvoir analyserces liens créés par la criminalité de manière directe pourinfirmer ou affirmer ces suppositions. Toutefois je trouveintéressant de sortir de la simple explication pécuniaire et derébellion contre la société pour expliquer ce recours à lacriminalité dans cette subculture.

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Les explications avancées par cet ancien modèle ne sont passuffisante pour comprendre pourquoi il existe deux branchesbien distinctes de ces mouvements, se différenciant par lerecours, ou non à la criminalité. Rien n’explique comment lesMC se réclamant faire partie des 99%, partagent énormément desimilitudes avec les MC "one percentist", comme par exemple lastructuration du club, le port de blouson, le fait de roulersur des Harley, la volonté de choquer ou encore la propension àune sexualité dite "hard".

Pour conclure ce point, la criminalité n’est pas la clé devoute de cette subculture. Elle le devient pour les personness’intéressant à analyser uniquement ce pan là de cettesubculture. Il est pourtant vrai qu’elle devient un facteurexplicatif important pour comprendre certains éléments de cettesubculture, comme les rituels d’entrée, les liens très fortsentre les membres et j’en passe. Seulement cette criminalitén’est pas le seul facteur explicatif à tous ces éléments. Cebiais de la criminalité a selon moi permis la compréhension dufonctionnement des MC criminels, mais n’explique pas lesrésurgences du mode de vie dans les MC non criminels.

Les rapports de genres étudiés dans cette subculture L’hypermasculinisation étudiée chez les BikersToutes les études ou articles sur les Bikers ne nous parle

pratiquement que des hommes dans cette subculture. Lorsque nousparlons des Bikers, nous parlons d’hommes. Le Bikers est unhomme, et il doit bien le montrer. Les attributs physiques leplus souvent rattaché aux Bikers sont : la barbe, les têtes demorts, le cuir, le jeans, les chaines etc. Bien sûr cesattributs ne sont pas uniquement masculins, des femmespourraient les porter également, mais ces attributs sontrattachés à une image de virilité.

Les éléments machistes ou s’accolant à une image très virile représentés dans la série Son’s of AnarchyDe plus, les Bikers adoptent des comportements machistes

assumés. Ils doivent faire preuve qu’ils sont des "vrais mecs".

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De préférence, ils doivent adopter des caractères durs, êtreinsensible et surtout être compétiteurs. Bien sûr ces élémentsne sont pas tirés de la réalité, mais de représentations de laréalité. Quoiqu’il en soit, ces représentations de la réalitéau travers d’une série télévisée démontrent bien les valeursprônées par la subculture Bikers. Evidement je ne pars pas dupostulat que les éléments avancés dans cette série sont réels.Par contre, je pense qu’ils sont fortement inspirés de laréalité. Dès lors, en lisant la suite de ce point, il fautgarder à l’esprit que nous nous basons sur une représentationde la réalité de ces bandes de motards.

Les prospects, pour être acceptés doivent démontrer qu’ils"en ont dans le froc". Leurs candidatures sont acceptées àcondition d’avoir fait, à plusieurs reprises, preuve decourage en commettant un délit ou quelque chose de "fou" ou detrès viril pour défendre l’honneur club, comme par exemple descombats de boxe à mains nues etc. Dans la série « Son’s ofAnarchy » ceci y est maintes fois représentés. Dans la premièresaison le prospect démontre plusieurs fois qu’il est assezcourageux en représentant le club dans un combat de boxe. Oualors dans la saison trois, le nouveau prospect ne rempli passa mission de protection d’un vieil entraîneur de boxe, car ilprend peur face à un ennemi armé. Alors il le sait, sa lâchetésera punie et il préfère s’enfuir. La fierté est un élémentcentral du caractère d’un membre. Elle est d’ailleurs motivée.Dans la même série, plusieurs fois des bagarres entre lesmembres éclatent et à la place d’être évitées, elles sontplébiscitées, car elles sont vues comme un moyen d’apaisementdes tensions puisque le gagnant de la bagarre sera le gagnantdu conflit les opposants.

Les Bikers forment en général leur club selon une hiérarchietrès rigide. Nous l’avons vu précédemment, cette hiérarchie secompose d’un président et d’un vice président et de diverschefs ayant moins de pouvoir. Toutefois, la hiérarchie se basesur un point très important, la fonction représente le degréd’implications et de prises de risque pour le club. Celarejoint ce qu’écrit Nancy Mc Donald à propos des graffeurs. Lerang le plus élévé de la bande revient au graffeur qui aura leplus bravé de dangers, une attitude très machiste qui selonelle s’exerce dans cet esprit de compétition très élévé.

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En plus de tous ces traits de caractère ultra masculins, lesBikers assument et revendique un coté très militarisé. Nousl’avons vu précédemment, la plupart des MC sont organisé selonune structure très rigide avec des places et des fonctionsprécises pour chaque membre. En plus de cela, ils portent unesorte d’uniforme indiquant à quel club ils appartiennent, etsous quels chapitres ils se déploient. Comme les uniformesmilitaires, ils indiquent également leurs rangs et leursfonctions dans le club. De plus pour les clubs criminalisés,ils indiquent souvent le nombre de leurs victimes, maiségalement dans quels genre de trafic ils se trouvent. Selondivers blogs ou forum sur le sujet, l’écusson "13" serait censéindiqué que le membre le portant serait impliqué dans le traficde drogue10. Voici un exemple de ces blousons "uniformes".

9 N. McDonald, The Graffiti Subculture : Youth, masculinity and identity in London and New York, Palgrave Macmillan, 2001, p.10510 http://d3michigan.forumsactifs.com/t401-la-culture-bikers-et-les-codes

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Les blousons ne sont pas portés uniquement par les bandescriminalisées. Les clubs faisant partie des 99% ne portent parcontre, que le nom du club auquel ils sont affiliés et pourcertains leur fonction. Pour résumer, et afin d’éviter lesredondances, l’organisation militaire et la « culture »12

militaire est une base de la subculture Bikers, non seulementdans la structure mais aussi dans les codes et les rituels depassage.

La compétition ne s’arrête pas entre les membres, aucontraire la compétition est partout et à tous les niveaux, àl’intérieur du club comme à l’extérieur du club. L’esprit decompétitivité assure au club la protection de son territoire.Effectivement, si le club perd son esprit de compétitivité, ilperd son territoire, car il n’aurait plus autant de ferveur àprotéger ses intérêts. Ces guerres de territoires se rattacheévidemment qu’aux MC criminalisés. Dans la série, ces guerresde territoires sont très bien mis en exergue. Le MC de"SAMCRO » (Son’s of Anarchy Motorcycle Crew Redwood Originals)doit non seulement protéger leur ville des bandes de motardsrivales (les mexicains : Mayans) mais aussi des autres gangs.D’ailleurs presque toute la série ne repose que sur ces guerresde territoires. Bien que nous parlons ici d’une sérietélévisée, dans les années quatre vingt et quatre vingt dix,les Etats Unis et le Canada ont été le théâtre de plusieurs deces guerres de gangs. D’ailleurs ces guerres avaient fait desvictimes innocentes comme lors de l’attentat à la bombe en août1995 à Montréal dans lequel Daniel Desrochers un enfant de 11ans est décédé13. La violence était apparemment une des

11 Image trouvé sur le même site : http://d3michigan.forumsactifs.com/t401-la-culture-bikers-et-les-codes

12 J’entends par là, tout ce qui à trait aux valeurs et aux codes…13 http://fr.wikipedia.org/wiki/Hells_Angels et http://www.arrondissement.com/tout-get-document/u2919-apres-mort-jeune-daniel-desrochers

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conditions pour qu’un MC se fasse respecté et puisse agrandirson territoire et prospérer.

La subordination des femmes chez les Bikers criminels

Nous parlerons ici que des clubs reconnus pour être des " onepercentist", puisque je n’ai pas trouvé des études sur lesclubs non criminalisés.

La place des femmes dans les clubs est vite étudiée, car lafemme ne représente rien d’autre qu’une source de revenus oud’intérêts particuliers pour ces MC. Elles peuvent être parexemple : des serveuses seins nus, des amies du club, desprostituées appartenant à un membre, ou encore être larégulière d’un membre. Elles n’ont que des rôles desubordonnées et ne font jamais partie des votations et desdécisions. Elles ne seront jamais présentes dans le corpscentral du club.

« With Bikers they (girls) never penetrated the centralmasculine core, riding or owning a bike : they were always apillion rider. »14

Certains auteurs font état de sorte de catégories des femmesdans le mouvement. En fait, il existerait deux catégories : lestouchables qui appartiendraient à tout le club et lesintouchables les régulières. Ces deux sortes de catégories sontsurtout proposées par des chercheurs ou journaliste de lacriminalité. Je pense néanmoins que ces catégories ne sont passi homogènes et si imperméables. Sur le forum d’un MC il étaitécrit les divers moyens pour les femmes de devenir membre de lafaction. Il faut soit se mettre avec un membre du club, àcondition d’être avec lui depuis un petit bout de temps et luiêtre fidèle. Un autre moyen est de devenir proche du MC endevenant serveuse et en faisant ami-ami avec les membres duclub15. Nous voyons bien que les deux catégories ne sont pas si14 Brake & Mike, The sociology of Youth Culture and Youth Subculture : sex and drugsand Rock’n Roll, London, 1980, p.14415 Informations obtenues sur un forum, je pense qu’il faut rester vigilant sur la véracité de ces dires, mais il résume assez bien les moyens d’entrée dans le club pour les femmes. Sur : http://rvmc-ls.forumperso.com/t10-rvmc-les-femmes-dans-les-factions-biker-quel-rp-adopter

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distinctes que cela et peuvent se mélanger. Les divers rôlesdes femmes changent en fonction de la place occupée par leurhomme pour ce qui est des régulières. Dans la catégorie desrégulières il existe une hiérarchie, celle-ci se basant sur laplace du membre qu’elle côtoie. La patronne est souvent lafemme du président et est la seule à pouvoir émettre desréflexions sur les activités ou les votes, mais toujours par lebiais de son homme de manière indirecte. Puis vient la petitesœur qui au lieu d’avoir des liens de cœur ou de fesses a desliens de sang avec le club, elle est soit la fille d’un membre,soit la sœur d’un membre. La catégorie la plus basse dans lahiérarchie ce sont les brebis : les nouvelles venues quidoivent abdiquer aux ordres de la patronne et des autresrégulières…

Les femmes ont souvent l’interdiction de pratiquer des actescriminels. Elles peuvent commettre des petits délits mais enaucun cas un acte criminel pouvant être jugé pénalement. Parcontre, si une régulière est victime d’un acte violent d’unautre club, tout le club peut exiger des réparations toujoursselon le forum sur la présence des femmes dans les factions. Lachose essentielle a retenir est la place subordonnée des femmesdans ces clubs. Ces places subordonnées à un homme ne sont passeulement un fait. En plus d’être assignée à ces places,quelquefois elles doivent le montrer en portant un blousonportant non pas les couleurs du club, mais les couleurs du clubde son homme avec la mention « Property of :… nom ou surnom dumembre du MC »

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Mais les femmes ne sont pas seulement des prostituées ou desrégulières pour les MC, elles ont d’autres fonctions comme parexemple servir de mulet pour le trafic de drogue. Ou alors deservir de couverture légale pour le club. Ou encore d’être encharge de l’organisation des picnics lors des sorties, ou del’organisation des diners etc. De plus, les MC criminaliséssont souvent à la tête de réseau de prostitués ou de clubs destrip-tease.

Pour revenir à la seule représentation de l’intérieur de cesclubs que nous avons (Son’s of Anarchy), ces rôles sontparfaitement démontré avec le personnage de Gemma Teller quiest la "patronne". Elle représente une mère, ayant et sedonnant comme rôle principale de protéger et de garder unie safamille et son club. Tous les membres masculins la respectent,et ceux en conflit avec le président (qui est son homme) vontla voir. Bien qu’elle soit écoutée et respectée, la patronnen’est pas considérée comme membre du club. Les autres femmesprésentes sont soit des régulières qui doivent gagner le cœurde la patronne soit des actrices de films pornographiques quiappartiennent au club en quelques sortes, puisque le MC a desparts dans le business des films pornographiques. De plus, siune des filles de ce business veut devenir plus qu’une simplefille du club, elle doit devenir la régulière d’un membre. Lemembre en question demandera alors l’approbation de la

16 image trouvée sur http://www.google.ch/search?q=property+of+hells+angels&client=safari&rls=en&source=lnms&tbm=isch&sa=X&ei=YkHQUsLBJYbbswbr5oDgBg&sqi=2&ved=0CAcQ_AUoAQ&biw=1275&bih=668#q=property+of+hells+angels+women&rls=en&tbm=isch&imgdii=_

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patronne. Ce passage d’un statut à l’autre est imagé dans lasérie par le personnage de Lyla. Ce passage est intéressant,car avant de devenir respecté par les autres régulières, elleest très méprisée par ces dernières (Gemma et Tara). Ellecommencera à être considérée des leurs une fois qu’elle auragiflé une autre actrice. Cela ressemble un peu au schéma desmembres masculins. Ils doivent prouver leur loyauté et leurattachement au club, par des preuves de courage et de dévotionau club, mais également en prouvant leur supériorité sur lesautres membres ayant une place moins prestigieuse. Cettereprésentation de la place de la femme dans les MC est surementédulcorée et glamourisé, mais nous pouvons quand même constaterla subordination de ces femmes et de plus nous pouvonsentrevoir des jeux de pouvoir et de hiérarchies parallèles àceux des membres masculins.

Mc Robbie et Garber nous explique très bien cette divisionbinaire des femmes de Bikers, et les hiérarchies existantesentre ces femmes selon leur relation avec le et/ou les membresdu club.

« Only the few women who could be as hard as one of the boyscould gain entry – and the only if she were the leader’s woman or asort of ‘Mama’ to the chapter as a whole. Hunter Thompsonsuggests, in Hell’s Angels (1967), that Angels frequently treatedmost women as sexual objects : they were either ‘Mamas’ or objectsof the gang-bang. The content and images of relationships in thissub-culture may have been new and highly deviant : but the wayHell’s Angels tended to divide the female world, into women-with-hearts-of-gold-who-looked-after-them and prostitutes, is a binaryopposition as old and traditional as the hills. »17

Dans ces diverses études ou ces reportages, nous pouvons voirque les femmes sont considérées par les Bikers comme desattributs ou des possessions. Et comme aux siècles passés,elles occupent le même rang que l’homme avec qui elles sontmais cela seulement si elles sont reconnues comme régulièresofficielles et les autres sont les filles de joie du club.

Toutes les études ou les reportages faits jusqu’à maintenantsur les Bikers, ont focalisé leur sujet et objet de recherchesur les actes criminels de ces groupes de motards. Nous le

17 A. Mc Robbie & J. Garber, Girls and subcutltures, pp.217

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verrons dans les deux prochains points de ce petit travail, quecette focalisation à évincer des pans peut être important de larecherche sur les rapports de genre dans la subculture Biker.

Les limites de ces précédentes études

Tout au long de notre cours, nous avons pu constater que lesrecherches sur les subcultures et le genre subissaient desbiais assez importants, notamment le male bias ou en françaisl’androcentrisme. Au début, des recherches sur les subculturesle rôle des femmes n’étaient simplement pas relevé, ou alorsseulement en tant qu’absentes. Les subcultures étaient vuescomme étant de fait, des lieux dans lesquels se formaient ets’exerçaient la masculinité. Mais petit à petit, le féminisme ainfluencé une forme de prise de conscience et au tournant desannées soixante suite aux recherches féministes, certainsauteurs ce sont intéressé à comprendre la marginalité et/ou lapassivité des filles dans les subcultures. Toutes lesrecherches (auxquelles j’ai eu accès) sur les Bikerss’inscrivent dans cette phase là. Peut être existe-t-il desrecherches se focalisant sur les relations entre les genresdans la subculture Biker. Cela serait intéressant, car au lieude rester dans une focale de passivité des femmes, peut êtrepourrions nous analyser la construction relative des rapportsde genre dans la subculture Biker. Effectivement, en pensant lasubculture comme étant des espaces structurés uniquement parles hommes, nous ne pouvons voir les femmes que dans uneposition de subordonnée. Tandis que si nous pensions que lasubculture se construit non seulement par les hommes et leursexercices de masculinités mais aussi par la réponse ou mêmel’approbation des femmes à cela, nous aurions de nouvellesentrées pour analyser les rapports de genre dans la subcultureBiker.

En plus de ce biais androcentrique, le problème de ces étudesou autres est la focalisation sur les activités criminelles etdonc sur les MC criminels. Cette focalisation sur lacriminalité et les évenements criminels auxquels sont liés cesMC, ne fait que renforcer ce male bias. La violence étantsouvent une "qualité" attribué au domaine du masculin, cesétudes ne se sont penchés que sur eux, et ceci en mettant de

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coté les femmes ou alors en les voyant que comme objets de cesactes criminels (réseaux de prostitution etc). Les clubs demotards non criminalisés sont tout simplement oubliés de cesanalyses, et donc les femmes de ces motards "clean" également.Je pense que s’intéresser plus à la criminalité liée à certainsde ces clubs, nous empêche peut être de constater et de voirdes éléments important de cette subculture. Dans les analysesbasées sur la criminalité des clubs de motards, rien n’expliquel’entrée volontaire des femmes dans ces MC, le seul élément quej’aie pu trouver expliquant cela est le rapt de ces filles oualors que c’est des filles complètement paumées qui n’ont nullepart où aller. Pour ma part cette explication ne me suffit pas,car j’aimerais comprendre non seulement l’entrée mais aussi la« carrière » de ces femmes dans les clubs. La présence de cesfemmes dans ces clubs n’est pas ou très peu expliquée, ellessont souvent réduites aux maigres observation faites etapparaissent alors uniquement comme des objets sexuels ou des‘Mamas’. Aucune de ces recherches ne s’est entichée d’uneapproche compréhensive pour expliquer la présence et ces rôlesde subordonnées. Il n’y a eu que des constats visuels de cesformes de présence féminines dans les MC criminalisés.

A mon sens il est très important de faire la différence entreces clubs criminels et les autres, car je pense que laconstruction de la masculinité diffère un peu, et que le cotécriminel et violent en moins, permettrait peut être uneimplication différente des femmes dans les bandes de motards.Bien sûr, la plupart sont toutes les femmes d’un des membres,et ne possèdent pas leur Harley, mais toute la deuxièmecatégorie de femmes "les putes" n’existe pas dans les clubs noncriminels. Or tout la hiérarchie entre les femmes devientdifférente et c’est dans ces clubs qu’il serait trèsintéressant d’analyser les rapports de genres, car ils neseraient pas biaisé par les actes criminels, et la femme seraitpeut être vu autrement qu’un simple objet de revenus et deplaisir.

De plus toutes ces études ne relèvent pas un fait importantet très intéressant : l’apparition de MC uniquement féminin.Peut être que cela est dû à l’époque à laquelle ont été menéces recherches. Néanmoins aujourd’hui nous pouvons constater enSuisse ou plus largement en Europe, des groupes féminins se

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réclamant être des Bikers apparaissent18. Ce phénomène n’estpas une explosion, mais du moins il existe et seraitintéressant à creuser.

Vers une approche différente

Tout au long de ce travail, nous avons relevé l’indéniablefait que le monde des Bikers, est un monde hypermasculinisé,non seulement par sa structure et son histoire mais égalementpar son mode de fonctionnement (recrutement, organisation,passage rituels). Toutefois le fait que ce soit un mondehypermasculinisé n’empêche pas la présence de femmes. Bien quela position des femmes dans les clubs de motards soit dictéepar la domination masculine, il n’empêche pas qu’elles jouentaussi un rôle dans la construction de cette subculture bien quece soit dans des rôles subordonnés. Malgré tout, les diversesétudes, reportages, livre de fictions ne s’intéresse pas àcette composante du mouvement. Ils privilégient tout ce qui àtrait à la masculinité comme la violence, la militarisation ouencore le crime. Comme le relèverait surement Daniel Welzer-Lang, le problème dans cette vision des choses se pose dans lefait que ces diverses études ou autres ne se penchent que surles cotés masculins teinté de négatif. Jusqu’à présent lesBikers n’ont été analysé que sur leur propension au machisme età la domination masculine. Bien que le machisme imprègneénormément la culture Biker, les hommes partagent surement dessentiments les uns envers les autres. Cet élément dessentiments est représenté de manière très concise dans lafiction "Son’s of Anarchy". Les divers personnages masculins setémoignent souvent leur amour en utilisant ces « Je t’aime, monfrère ». D’autres scènes, nous pouvons les voir s’enlacer, setaper dans le dos, s’embrasser soit d’un baiser furtif sur lescommissures des lèvres, soit sur la joue. Tous ces témoignagesd’affections dans cette série, m’interpelle sur le fait que lesBikers sont souvent représentés ou se représentent comme deshommes très virils, partageant les caractéristiques sociales del’homme macho, et pourtant ils se témoignent beaucoupd’affections, ont des gestes tendres qui seraient plutôtl’apanage féminin. Je pense qu’il serait très intéressant decreuser dans ce sens, afin de comprendre comment les hommes

18 voir notamment : http://moto-securite.fr/au-feminin/ ou encore : http://www.magmotardes.com/amazone-team-club-moto-100-feminin/

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partageraient des caractéristiques sexualisés appartenant soi-disant au genre féminin, et vice-versa de comprendrel’appropriation de caractéristiques masculines voire machistespar les femmes, comme par exemple la "mère, la patronne" GemmaTeller dans la série, qui souvent traîte les jeunes filles ouautres femmes du MC comme un homme, en l’insultant ou en luimontrant sa domination.

Welzer-Lang est un professeur en étude genre et s’intéressebeaucoup à la construction de la masculinité et en ne sefocalisant pas uniquement sur tout ce qui à trait aux cotésnégatifs de l’homme. Au contraire il tente des approchescompréhensive des hommes en allant les chercher où ne nous nousy attendrions pas, comme l’éducation, les relations amoureuses,la paternité, la vie quotidienne du ménage ou encore les liensamicaux. Selon lui, pour comprendre les constructions de lamasculinité il est nécessaire de « devenir le confident,d’échanger du sensible »19. Cela signifie de ne pascirconscrire la recherche sur les masculinités uniquement auxhommes violents et à leurs actes, mais de les aborder dansleur totalité, en s’intéressant à leurs système decompréhension et de représentation de leur vie d’homme, de leurvie de père, de leur vie de travailleur etc. Il serait alorsintéressant d’imaginer une recherche focalisant sur les liensd’affections entre les Bikers dans le MC. De voir comment larelation d’amour fraternel les lie, de comprendre l’importancedes sentiments entre les membres du club, car même si souventl’égo prend la place des sentiment entre le président et levice président dans la série, les autres membres entre eux sonttrès lié du point de vue sentimental.

Les études sur le monde des Bikers se sont focalisés sur lesactes criminels de ces MC, et ainsi ont circonscrits leursrecherches à la violence et à la domination de ces bikers surles femmes. Or si nous suivons la pensée de Welzer-Lang, noustrouverions plus intéressant de s’intéresser à la constructionde la masculinité dans ces groupes de motards, qu’ils soientcriminels ou non, en adoptant une démarche compréhensive. Cecin’enlèverait surement rien au coté dominateur et quelque peuoppressif de ces hommes sur les femmes, mais permettrait

19 D. Welzer-Lang, Débattre des hommes, étudier les hommes et intervenir auprès des hommes dans une perspective de genre, in Masculinités : état des lieux, sous la direction de D. Welzer-Lang, Eres,Toulouse,2011, pp.44

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d’éviter de réduire la compréhension de cette domination, à laviolence et de faire surgir des éléments de transformation, denégociation et de recomposition de cette domination masculinedans les MC.

De plus, toutes les études sur les Bikers ont analysé lesBikers en situation de Bikers. Ils ne se sont intéressé qu’auxactions commises au sein de ces MC, ils ont uniquement observédes Bikers et pas des hommes. Bien que le groupe soitimportant, le Biker a souvent une vie à coté du club en toutcas pour les bikers non criminalisés. Mais même le bikercriminel a une vie privée à coté du club et souvent il a unefamille, ou un emploi légal. La démarche méthodologiqueproposer par Welzer-Lang serait (dans ce cas de figure : unerecherche sur l’hypermasculinisation des bikers) de ne pasavoir comme sujets d’études des Bikers, mais des hommesappartenant à des clubs de motard. Autrement dit, ce ne seraitpas seulement s’intéresser aux activités des Bikers, mais dechercher à comprendre comment ces hommes, pères, travailleursconcilie leur vie quotidienne avec le monde Biker. En faisantcela nous pourrions peut être voir que la masculinisation desBikers ne s’arrêterait pas seulement à la violence, à l’aspectmilitaire et à la domination masculine, mais irait bien plusloin comme par exemple à la paternité, et donc à laconstruction des rapports de genre hors du club, mais dans lavie privée. En étudiant tout ce qui constitue la vie privéeet/ou familiale du Biker comme la part prise dans l’éducationdes enfants, dans leurs relations avec leurs femmes ou mêmedans les relations amicales voire fraternelles avec les membresdu club, nous pourrions peut être dévoiler des masculinitésdifférentes que celles analysées se focalisant uniquement surle MC criminel. De plus en adoptant, cette démarche nouspourrions mettre en exergue, la construction des rapports degenres en s’intéressant au point de vue des deux sexes.

Conclusion Evidement toutes ces propositions d’approches, ne relève

que de suppositions. Toutefois, cela nous permet de poser uncadre théorique et réflexif sur l’étude des rapports de genredans le monde des Bikers. Dorénavant avec nos nouvelles clés deréflexions, nous pourrions peut être répondre à notre

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problématique de base: comment l’hypermasculinisation desbikers empêche l’analyse des rapports de genre dans cettesubculture ? Nous l’avons relevé tout au long de ce travail,les études faites jusqu’à maintenant se sont principalementfocalisées sur l’aspect criminel de cette subculture. Or celanous a conduit à ne prendre en compte que la violence, l’aspectmilitaire et la domination masculine dans cette subculture. Sinous nous détachons de cette vision archaïque de lamasculinité, nous aurions surement accès à d’autres éléments dela construction des rapports de genre dans cette subculture.Cela ne signifie pas que je renie la position subordonnée deces femmes Bikers, mais je veux attirer l’attention sur lesdivers biais de ces précédentes recherches et peut être aborderles choses sous un angle nouveau.

Effectivement, les études sur les rapports de genre creusentbeaucoup du côté des femmes, cherchent à comprendre leur place,leur rôle, les négociations, mais cependant peu de recherchetentent de comprendre la même chose pour les hommes. Notreregard est bien souvent hétérocentré et androcentré, et celanous pousse à considérer la domination masculine commegénéralité et la met au centre des recherches sur le genre. Enne niant pas la domination masculine mais en tentant de lacomprendre et de comprendre la construction de celle-ci par lamasculinisation peut être que nous ouvrons de nouvelles voiesde compréhension des rapports de genre. Ainsi il seraitintéressant de faire une recherche sur la combinaison de la vieordinaire d’un homme biker avec la vie du club, comment sa viequotidienne et la vie du club s’auto-influencerait. Toutefoisil ne faudrait pas oublier d’intégrer les femmes dans cesrecherches en leur accordant la même importance. En adoptantune approche compréhensive des rapports de genre dans lasubculture Biker et en confrontant un genre à lui même. Nouspourrions éventuellement relever la complexité du social etcomprendrions comment, en-dehors des affirmations péremptoireset dogmatiques, les hommes et les femmes ne sont pas des sortesde blocs séparés, mais plutôt des catégories sociales seconstruisant en rapport mutuel et intramutuel (les hommes secréant des codes de masculinités et les femmes se créant descodes de féminités).

Pour conclure, je tiens à préciser que ce travail n’avait paspour but d’analyser dans les moindres détails la subculture

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Biker, mais plutôt de tenter de voir s’il était possibled’aborder les choses sous un angle différent. Je ne prétendspas non plus détenir la vérité, mais ce travail m’a permis decomprendre l’importance de l’approche adoptée et de l’aspecttemporel. Effectivement, toutes les recherches ont opté pourune approche de la criminalité des clubs de motards et de plusont été réalisées il y à quelques années. Les études genresévoluent constamment dans le temps, il y a quarante ans nousnous demandions pourquoi les femmes étaient marginales dans lessubcultures et aujourd’hui nous tentons d’expliquer comment lesrapports de genre se construisent dans ces subcultures. C’estpourquoi, si demain je me lançais dans une recherche sur lesrapports de genre dans la subculture Biker, je prendrais leparti de comprendre la construction des masculinités dans cesclubs et à la fois de comprendre la construction de la féminitéet de voir si ces constructions s’entrechoquent et crée lesrapports de genre existants. Pour ce faire je m’inspireraisbeaucoup des études de Leblanc ou de Mullaney, car nonseulement ils adoptent une démarche compréhensive mais à laplace de vouloir comprendre l’absence ou la marginalité desfemmes dans certaines subcultures, ils s’attachent à tenter decomprendre comment les genres sont reproduits dans cessubcultures en allant interroger les acteurs de cettesubculture.

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Bibliographie

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Sous la direction de D. Welzer-Lang, Masculinités : état des lieux, ,Eres, Toulouse,2011

Sous la direction de J-M Deslauriers, G. Tremblay, S. GenestDufault, D. Blanchette & J-Y Desgagnés, Regards sur les Hommes et lesMasculinités : comprendre et intervenir, Presses de l ‘Université deLaval, Canada, 2010

Sources et sites web consultés : La série télévisée Son’s of Anarchy de la saison 1 à la saison3

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http://moto-securite.fr/au-feminin/

http://www.magmotardes.com/amazone-team-club-moto-100-feminin/¨

http://rvmc-ls.forumperso.com/t10-rvmc-les-femmes-dans-les-factions-biker-quel-rp-adopter

http://fr.wikipedia.org/wiki/Hells_Angels

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http://d3michigan.forumsactifs.com/t401-la-culture-bikers-et-les-codes

http://ijms.nova.edu/November2005/IJMS_Artcl.Dulaney.html

https://faculty.fuqua.duke.edu/~moorman/GeneralMills/Section1/Section1Documents/subcultures.pdf

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