1/ 74 Le management relationnel Note de synthèse en vue de l’obtention du diplôme d’Habilitation à diriger des recherches Catherine VOYNNET FOURBOUL L'ensemble de mes travaux de recherche s’articule autour des relations entre les personnes dans l'environnement de l'entreprise. Ce mémoire est conçu comme un navigateur autour de mes travaux de recherche. Le fil directeur est le management relationnel. Plusieurs champs ont été mobilisés, comme les relations industrielles, la communication organisationnelle, la gouvernance. Un autre volet constitue le support méthodologique qui constitue un appui fondamental pour une recherche en gestion mettant l'accent sur les relations entre les personnes. La figure suivante (les grandes dimensions du management relationnel) répertorie les disciplines, thèmes et champs de ce mémoire).
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Le management relationnel
Note de synthèse en vue de l’obtention du diplôme
d’Habilitation à diriger des recherches
Catherine VOYNNET FOURBOUL
L'ensemble de mes travaux de recherche s’articule autour des relations entre les personnes dans
l'environnement de l'entreprise. Ce mémoire est conçu comme un navigateur autour de mes
travaux de recherche. Le fil directeur est le management relationnel. Plusieurs champs ont été
mobilisés, comme les relations industrielles, la communication organisationnelle, la
gouvernance. Un autre volet constitue le support méthodologique qui constitue un appui
fondamental pour une recherche en gestion mettant l'accent sur les relations entre les personnes.
La figure suivante (les grandes dimensions du management relationnel) répertorie les disciplines,
thèmes et champs de ce mémoire).
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Figure 1 : cartographie des travaux de recherche illustrant le management relationnel
Ce mémoire propose de revisiter les différents apports de ma recherche en lien avec la
problématique du management relationnel. Il s’agit de voir comment chacun des travaux
contribue à la connaissance, et à l'éclairage de ce champ assez général que constitue le
management relationnel. L'ensemble de mes travaux est structuré de la façon suivante :
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CHAPITRE 1 : DEFINITION DU MANAGEMENT RELATIONNEL
Section 1 - Le management
Section 2 - Relationnel
CHAPITRE 2 : LES VOIES THEORIQUES DU MANAGEMENT RELATIONNEL
Section 1 - La communication organisationnelle
A - La communication dans une entreprise internationale
B - Les acteurs de la gouvernance
Section 2 - Les relations industrielles ou l’introduction d’un tiers dans le management relationnel
A - Les relations au sein du comité d’entreprise européen
B - Un cadre organisationnel pour déployer le management relationnel : La transvergence
C - Le dialogue social : PME, médiation et confiance
Section 3 - Prospective et thématiques RH
A - Les enjeux stratégiques du recrutement
B - Les thèmes du dialogue social : l'égalité hommes femmes, la diversité en matière de formation
C - Développement des personnes
CHAPITRE 3 : UNE METHODOLOGIE D'APPUI AU MANAGEMENT RELATIONNEL
Section 1 - L’analyse de données qualitatives assistée par ordinateur
Section 2 - Audit social et audit des ressources humaines
A - Construction d’un référentiel de processus : le cas de l’appui au dialogue social en PME
B - Un outil appliqué à l'audit des équipes de direction : la cartographie cognitive
Tableau 1 – Structure du mémoire
Chacune de ces parties a fait l’objet d’un travail de recherche soit un article soit un chapitre
d’ouvrage soit une communication lors d’un congrès. En Annexe N° 1 – la structure du mémoire
et les différentes contributions figure un tableau permettant de relier les différentes contributions
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à la structure qui vient d’être présentée. Le détail de chaque contribution figure dans les annexes
suivantes excepté certains travaux volumineux.
Historiquement ma recherche démarre lors de mes études en vue d’obtenir mon Diplôme
d’Etudes Approfondies en management international, commencé en 1995 avec un ancrage dans
le champ vaste de la communication organisationnelle, puis se focalise avec ma thèse sur une
instance nouvelle de dialogue à l’époque : le comité d’entreprise européen. Cette thèse me
permet d’amorcer plusieurs pistes de recherche : les relations industrielles, le management
international, la méthodologie. A la suite je fais figurer un schéma de mes travaux avec l’année
de démarrage de mes premières publications. Certains de ces thèmes sont encore travaillés
aujourd'hui.
Tableau 2 mes travaux dans une perspective temporelle
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CHAPITRE 1 : Définition du management relationnel
Avant d'aborder mes contributions proprement dites, il est utile d’explorer le sens et de donner
une définition du management relationnel.
Le champ dont il est fait référence comporte deux termes : le substantif management et l'adjectif
relationnel. Si j'ai choisi justement de faire référence au management, c'est parce que clairement
mes recherches s'inscrivent dans le champ de la gestion.
Section 1 - Le management
Cependant j'emploie le terme de management et non celui de gestion, car celui-ci est plus propice
à établir un lien direct avec le comportement. Pour reprendre la distinction entre le management
et gestion, reportant aux travaux de F. Bournois [1989].
PERSONNEL RESSOURCES HUMAINES GESTION Chef du Directeur des Personnel Ressources Humaines MANAGEMENT Supérieur Responsable hiérarchique de grands Direction départements générale
Figure 2- Le facteur humain et ceux qui s’en chargent
Source : F. Bournois P. Poirson, 1989
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Voici les définitions que donnent ces auteurs de la gestion :
« Ensemble de connaissances et de techniques établies où les caractéristiques
individuelles du gestionnaire n’ont pas à intervenir, utilisation optimale, à un
moment et dans une structure donnée, des ressources de l’entreprise
(humaines, financières, techniques,...) pour atteindre les objectifs que
l’entreprise s’est assignés ainsi que le bien-être de ses membres. »
[BOURNOIS, POIRSON 1989]
et celle du management :
« Ensemble des attitudes et des comportements d’un cadre vis-à-vis de ses
subordonnés la plupart du temps en support d’un acte de gestion. »
[BOURNOIS, POIRSON 1989]
La FNEGE (cf. document n°32) avait sollicité un groupe de chercheurs pour travailler sur la
formation, et le sens que la formation avait chez les dirigeants et les directeurs de ressources
humaines. Il était assez intéressant de constater combien parmi ces populations de praticiens de
la gestion, la compréhension du sens que revêt la gestion ou le management est foisonnante et
loin d'être fixée. Il est toujours intéressant, d'observer le décalage entre le sens admis au plan
académique par ceux qui enseignent, et produisent la recherche, et le sens compris par les
praticiens de la gestion. Pour la population de praticiens qui faisaient l'objet de cette étude (cf.
figure suivante) la relation entre management et gestion, était loin d'être homogène : pour les uns,
gestion et management étaient deux termes qui recouvraient le même sens, pour d'autres, c'était
l'inverse, pour d'autres la gestion faisait partie du management, pour d'autres la gestion venait
avant le management, certains concevaient la gestion comme une technique, un outil. Cette
compréhension si distinctive et étendue n'était d'ailleurs pas liée aux origines des répondants, et
on ne pouvait trouver de rattachement à leur statut (dirigeants, directeur des ressources
humaines), à l'entreprise pour laquelle ils travaillaient (grandes entreprises, PME). On peut noter
dans la figure suivante, les différents champs qui selon les praticiens font référence au
management : la gestion des ressources humaines, la communication, le développement
personnel, le leadership, la gestion des conflits, la négociation, l'animation équipe et le
Tableau 3: Les quatre types d’orientation des sièges à l’égard des filiales dans les entreprises multinationales
(Source : Adaptation à partir de Heenan D.A., Perlmutter H.W., Multinational Organization Development,
Addison Weysley Publishing, 1979, page 18-19)
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Cette tendance forte vers une évolution transnationale se traduit par la décentralisation des
décisions au niveau des filiales. L’un des enjeux de l’entreprise transnationale consiste donc à
coordonner les parties de l’entreprise (le siège social et les filiales étrangères mais encore les
filiales entre elles) qui fonctionnent selon des principes organisationnels locaux. Or, ces
impératifs structurels, cette nécessité de coordination, ont un effet sur le système de
communication des entreprises : l’entreprise transnationale requiert davantage de communication
qu’une structure classique [EGELHOFF 1991]. Le fait de se situer à un niveau international
complexifie la communication non seulement à cause du terrain multiculturel sur lequel elle se
joue, mais aussi à cause d’un contexte spatio-temporel évolutif. Ces trois variables, l’espace, le
temps, et le terrain multiculturel, paraissent déterminantes pour décrire la manière dont
l’information chemine au travers de la structure.
L’approche par les attitudes siège – filiales par la typologie de Perlmutter [1969 1979] est
particulièrement pertinente dans un environnement international afin de rendre compte de la
spécificité des modèles de communication.
(II) les résultats de terrain
(1) Modélisation
La recherche a permis d’esquisser 4 modèles de communication cf. Figure 4 qui éclairent le
management relationnel. Deux axes permettent de départager les quatre types de communication.
Le premier axe concerne le faire et l’être de la communication. La communication peut être ainsi
soit davantage tournée vers les médias et l’action : c'est à dire «le faire » ou davantage orientée
vers les salariés, l’ouverture, la transparence qui sont des qualités relevant de « l’être ». Cet axe
permet de mettre en relief la communication instrumentale et la communication humaniste. La
communication instrumentale est incarnée par BRITISH AIRWAYS, alors que la communication
humaniste est symbolisée par les entreprises HENKEL et UNILEVER.
La communication instrumentale au vu de l’étude empirique, est une communication tournée
vers le canal, le médium, la rapidité de circulation de l’information, la performance. Le modèle
instrumental correspond à une communication qui privilégie les médias : il peut s’agir d’insuffler
une politique par ce moyen. L’attitude siège-filiale correspondante relève de l’ethnocentrisme.
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La communication humaniste favorise la transparence de l’information, la justification des
décisions, le respect des personnes mais aussi leur transformation. Le modèle humaniste met
l’accent sur la confiance et l’ouverture. Il s’agit d’intégrer le plus possible les personnes de
cultures différentes et de construire ensemble la communication. L’attitude siège-filiale
correspondante relève du géocentrisme.
Le second axe symbolise la façon dont certaines entreprises orientent la communication de façon
à respecter à la fois les différences culturelles et les principes de décentralisation de la décision.
Certaines se déterminent par l’utilisation de la voie hiérarchique déterminant la communication
entrepreneuriale et d’autres par des combinaisons telle que technologie et communication face à
face déterminant la communication pluraliste.
BRITISH ERICSSON AIRWAYS
INSTRUMENTAL PLURALISTE
ENTREPRENEURIAL HUMANISTE HENKEL LVMH UNILEVER
Figure 4: les modèles de communication
Dans la communication entrepreneuriale, il s’agit de respecter les différences culturelles, les
individualités ; dans ce modèle, coexistent un principe directeur émanant de la Direction des
Ressources Humaines et des pratiques autonomes laissées à l’appréciation des niveaux inférieurs
quel que soit le pays, dans ce modèle, il n’y a pas de référentiel de compétences, pas de clonage
Orienté média
Orienté salariés
Ligne hiérarchique
Technologie et face à face
Tolérance culturelle
Le faire et l’être
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mais au contraire respect des individualités. L’attitude siège-filiale correspondante relève du
régiocentrisme.
Le modèle pluraliste, est un modèle qui concilie des formes de communication
complémentaires, telles que la technologie et la communication face à face. Une dominante
pluraliste peut être issue d’une tendance instrumentale qui tente d’intégrer les conceptions du
modèle humaniste. L’attitude siège-filiale correspondante relève du polycentrisme.
(2) la convergence siège – filiales
La production n°5 : Communiquer avec ses salariés en Europe : les clignotants de la convergence
siège – filiales, in AGRH actes du colloque, St Quentin en Yvelines, 11-1998 explore le lien
sensible entre siège et filiales de 3 entreprises européennes de l’enquête EAPM, en focalisant le
travail de comparaison sur la question de la convergence ou de la divergence de la
communication entre siège et filiales et permet d’établir une synthèse des positionnements divers
en matière de communication stratégique.
BRITISH AIRWAYS ERICSSON HENKEL Modèle Centralisation et
réactivité Autonomie et
décentralisation Autonomie locale et
initiative créative Dispersion / concentration des effectifs
• 86 % • concentré
• 49 % • équilibré
• 36 % • plutôt dispersé
Culture et contrôle des filiales
• Ethnocentrique • Et régiocentrique
• Polycentrique et géocentrique
De ethnocentrique à géocentrique
Système de GRH Centralisé excepté les relations industrielles
Décentralisé Faible centralisation
Politique de communication
Non écrite Ecrite Plutôt écrite
Information et communication
• Instrumentale : Plutôt rapide, insistant
sur les canaux
Pluraliste car à la fois ouverte, directe et
instrumentale (utilisation internet)
En réseau
• Humaniste : • Plus lente mais
insistant sur les processus
Divers
Besoin de rapidité, d’élargir les cibles
Besoin promptitude et sensibilité
Recherche d’harmonie, respect
des valeurs humaines, ciblée, internationale
Communication siège - filiales
Divergence Divergence Convergence
Tableau 4 comparaison pour 3 entreprises siège – filiales
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(3) Communication institutionnelle et discours
des acteurs sociaux
Dans la production N°655 le rapprochement entre communication institutionnelle (établi par S.
Point et le discours des acteurs sociaux du comité d’entreprise européen de Rhône Poulenc
(établi par moi) constitue une sorte de mini cas et permet de rendre compte de la communication
stratégique de Rhône-Poulenc. Cette communication avait pour but de montrer la richesse des
rapprochements entre deux jeunes chercheurs. Le groupe Rhône Poulenc bénéficiait d’une image
exemplaire pour ses relations sociales. Cependant il évoluait dans sa communication stratégique
en mettant de plus en plus l’accent sur les actionnaires tout en cherchant à ne pas abandonner son
image sociale ; cette évolution se traduisait par un discours éclectique et le désir de vouloir
s’adresser à de nombreuses parties prenantes par un même et unique discours. Les contradictions
entre discours institutionnel et discours des acteurs sociaux peuvent naturellement s’expliquer
par des décalages de perception entre les acteurs, mais en l’espèce, le décalage illustrait les
intentions stratégiques de décentralisation manifestée par le Président. Par ailleurs le style de
communication interne privilégiait les aspects informels, les efforts pour répondre aux attentes
des représentants en matière d’informations concrètes.
B - Les acteurs de la gouvernance
Les documents N°8, 9 et 10 sont les premiers articles portant sur mon sujet de thèse : le
management des comités d’entreprise européen. Les documents N°11 et 12 portent sur un jeu
d’acteur étroit : le Directeur Général (DG) et le Directeur des Ressources Humaines (DRH). Les
acteurs de la gouvernance ont été repérés au travers de ces différentes recherches. Ces acteurs
font partie d’un réseau, très circonscrit en l’espèce. Le premier type d’acteurs concerne le comité
d'entreprise européen. Cette partie a fait l’objet des publications suivantes :
55 Communication institutionnelle et discours des acteurs sociaux : Une approche de la communication stratégique de Rhône-Poulenc, IAS, Université d’été, Aix-en-Provence, 08-1999 (avec S. Point)
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8. Contrôle et autonomie dans les comités d'entreprise européens, AGRH Actes du colloque,
Lyon, 09-1999
9. Le rôle innovant des D.R.H. dans le management stratégique du comité d'entreprise
10. Le rôle innovant des D.R.H. dans le management stratégique du comité d'entreprise
européen, in Personnel, n° 416, janvier 2001, pp. 44-48
11. Les liaisons complexes du binôme DRH-DG, avec F. Bournois, 2004 in Bournois F.,
Leclair, P., Gestion des ressources humaines : Regards croisés en l'honneur de Bernard
Galambaud, 2004
12. Le binôme DRH DG avec Frank Bournois, in Bournois F. Duval Hamel J., Roussillon S.,
Scaringella J.L., Comités Exécutifs – voyage au cœur de la dirigeance, Eyrolles 2007
(I) Contrôle et autonomie dans les comités d'entreprise
européens
Dans cette recherche, cf. document 8, le repérage des acteurs, leur rôle dans le fonctionnement du
comité d'entreprise européen permet de donner un éclairage plus fin à la communication
organisationnelle. Le dispositif de cette recherche qualitative, est au moment de la recherche, très
inductif. De nombreux thèmes sont abordés avec les acteurs européens, et la focalisation se fait
sur le pouvoir, afin de rendre compte de la problématique de l’autonomie et du contrôle.
Les apports de la psychologie sociale et de la théorie des organisations permettent de mieux
comprendre le continuum entre contrôle et autonomie. La notion de contrôle occupe une place
importante dans le management relationnel et cette communication développe l’influence sociale
relative au champ relationnel, au pouvoir, et celle du système de contrôle reprise par Lawler
[1976] et la résistance au contrôle [ASHFORTH MAEL 1998], les formes d’influence des
personnes soumises Kelman56 [1958]. L'autonomie est considérée au travers de théorie de la
régulation conjointe de J.-D. Reynaud [1989] tout cela est replacé dans le contexte des relations
de pouvoir. La coordination internationale nécessite de parvenir à un équilibre des mécanismes
intégrateurs entre contrôle et autonomie [Blackwell et alii 1994].
56 in [MUGNY OBERLE BEAUVOIS 1995]
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Le management relationnel s'inscrit dans un contexte moins directif. Kerr et alii [1960]
dénombrent 7 forces qui dans la logique de l’industrialisation pousse le management à adopter
des approches moins autoritaires : l’influence des valeurs sociales, le meilleur niveau d’éducation
des travailleurs, la pression de l’Etat, celle des syndicats, l’influence des pairs, la pression
concurrentielle se combinant au principe qu’une meilleure relation direction-salariés est plus
motivante pour les salariés donc plus efficace économiquement, le rythme du développement
économique. Selon eux, le pouvoir de régulation assimilable à la règle d’en haut diminue et
s’inscrit dans un champ de plus en plus contraint obligeant les directions à s’accommoder à cette
évolution. Mais comme le rappellent Kerr et alii [1960], on observe un foisonnement sur ce
continuum autorité souveraine - participation, et bien des entreprises recherchent un équilibre au
moyen de gestions décentralisées combinées à un contrôle centralisé du fait de l’accroissement
de complexité. Le repérage d’acteurs jouant un rôle propre au sein des comités d'entreprise
européens a conduit à identifier quatre types d'acteurs :
Figure 5: repérage des catégories d’acteurs du comité d'entreprise européen
Pour chacun de ces acteurs en relation, j'ai observé les effets d'influence que comportait la
relation nouée par la simple appartenance au comité d'entreprise européen. En fait, de nombreux
exemples permettent d'identifier les marges d'autonomie dont disposent les représentants grâce à
l'effet des relations produites au sein du comité d'entreprise européen. En particulier, ce qui est
le Président
le directeur des relations sociales
les représentants
la direction locale ❺
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souligné est la force particulière dont disposent les représentants en capacité de connaître le
dirigeant de l'entreprise. Les différences de comportement du dirigeant envers les représentants
montrent combien l'expertise et le pouvoir jouent un rôle d'importance dans le management
relationnel. Les directions locales qui bien souvent ne participent pas au comité d'entreprise
européen se trouvent donc exclues du dispositif relationnel, ce qui les rend incertaines. Avec ce
travail on peut constater l'impact du jeu relationnel qui perturbe le fonctionnement ordonnancé
selon la structure hiérarchique traditionnelle.
Acteurs Influence du comité d'entreprise européen
Contrôle vs autonomie
Président Il reçoit de l’information, la vérifie ce qui accroît son pouvoir de contrôle par rapport aux directions locales et aussi par rapport à la D.R.H.
Président Direction locale D.R.H.
D.R.H. – D.R.S. - contrôle de l’institution, maîtriser soit sur le plan juridique, soit sur le plan de ses finalités. - contrôle des directions locales par coordination
D.R.H. – D.R.S. représentants directions et secrétaire locales
Directeurs locaux - peu de contrôle possible sauf à participer aux réunions - perte d’autonomie
Directeurs locaux représentants
Représentants - autonomie gagnée par rapport aux directions locales grâce à la relation directe avec la direction du siège - possibilité de compromis avec coopération provisoire
représentants Président Direction locale
Figure 6: les formes de contrôle au sein des comités d'entreprise européens
Ma poursuite de ce travail sur le terrain m’a conduite à repérer aussi un écartement grandissant
entre les gestionnaires porteurs de deux expertises fonctionnelles : les experts en relations
industrielles et les responsables Ressources Humaines. Ceci se produit avec une accentuation de
la hiérarchisation syndicale (la base versus l’élite syndicale).
contrôle communication de bas en
haut
coopération provisoire peu de contrôle, relative
légende
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(II) Rôle du directeur des ressources humaines
Les documents nº 9 et 10 concernent toujours le comité d'entreprise européen. Le premier
document est une recherche académique, le second est une publication dans une revue
professionnelle. Il s'agit ici de se focaliser sur le comportement du directeur des ressources
humaines, et son rôle dans le management stratégique du comité d'entreprise européen. Après
avoir montré combien le repérage d’acteurs était important dans le management relationnel, il est
question ici de travailler la notion de rôle. La psychologie sociale est mobilisée fortement avec
les travaux de [MEAD 1934], [LINTON57 1936], [MORENO58 [1934] qui permettent de
déboucher sur les rôles innovants parce que conquis par le Directeur des Ressources Humaines et
débordant du cadre de la mission confiée. Le Directeur des Ressources Humaines joue quatre
rôles principaux qui consistent à faire fonctionner le Comité d’Entreprise Européen, à observer
les contraintes légales, à agir sur le plan pratique et à valoriser l’instance. Parmi ces rôles se
trouvent des attributions classiques mais aussi des conquêtes innovantes. La nouveauté de
l’instance qui rassemble, non seulement des représentants français, mais aussi non français,
entraîne l’émergence de rôles nouveaux comme par exemple le fait de recentrer les débats sur des
sujets de nature européenne, de choisir une stratégie fondée sur l’argumentation cognitive
laissant de côté les aspects inhibants du registre affectif ainsi que la volonté d’ouverture au
dialogue social. Certains Directeurs des Ressources Humaines essayent de favoriser la cohérence
des représentants, de développer les activités relationnelles tant entre représentants qu’entre
Directeurs des Ressources Humaines européens en organisant des visites de sites et donc des
échanges multi-niveaux.
La valorisation du Comité d’Entreprise Européen est innovante dans la mesure où les
prérogatives du Comité d’Entreprise Européen sont moindres par rapport à celles des institutions
françaises, en particulier celles du comité de groupe. Certains Directeurs des Ressources
Humaines choisissent peu à peu d’accorder les « avantages » proprement français à l’instance
européenne (droit à l’expert comptable, à la consultation, attributions de moyens). Cette
valorisation peut comporter des risques de pressions de la part des représentants en cas de
57 Linton R., The study of man : An introduction, NY, Appleton century, 1936 in Rocheblave-Spenlé A.-M., La notion de rôle en psychologie sociale, PUF, 2ème éd., 1969 58 Moreno J.L., Fondement de la sociométrie, Paris, PUF 1934, in Rocheblave-Spenlé A.-M., La notion de rôle en psychologie sociale, PUF, 2ème éd., 1969
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restructuration mais elle s’inscrit dans la voie de la démocratie industrielle et permet de créer un
climat de confiance favorisant l’anticipation, donc la prévention ou les désamorçages de conflit,
par le choix d’une voie pro-active et peu à peu plus participative.
(III) Le comité de direction : le binôme directeur général -
directeur des ressources humaines
Après avoir constaté la nature des relations des acteurs d'un comité d'entreprise européen, il est
apparu intéressant d'approfondir la relation existante entre le directeur des ressources humaines et
le dirigeant de l'entreprise, ceci dans un cadre moins spécifique et plus ouvert cette fois-ci. Le
document 11 est un article académique, issu d'une coproduction avec le professeur Frank
Bournois, tandis que le document douze est une version synthétique à l'adresse d'un public
professionnel.
Cette relation spécifique apparaît d'emblée suffisamment forte pour qu'on la qualifie de binôme.
Comme elle concerne deux dirigeants, la littérature mobilisée est celle des équipes de directions
(les « top management teams ») [FINKELSTEIN HAMBRICK 1996], les « upper echelons ».
Parce que les caractéristiques et le fonctionnement de l'équipe de direction ont beaucoup plus de
chances de prédire les résultats organisationnels que les simples caractéristiques du Président
Directeur Général [HAMBRICK and MASON 1984] un nombre croissant de chercheurs a
cherché à comprendre le fonctionnement interne des équipes de direction, bien souvent dans le
sillage du courant démographique des équipes de directions et celle de la théorie de l'inner circle
[REDDING KAMM, 2000]. La question du niveau d'interdépendance de l'équipe de direction
remet en question le sens du concept même d’« équipe de direction ». Les comités de direction
constituent des agrégats de « top managers » [HAMBRICK 1994]. Le management relationnel au
sein d'un comité de direction va dépendre de l'interdépendance au sein de ce groupe. Les résultats
obtenus sont tantôt dus à un processus de groupe ou à des contributions beaucoup plus
individuelles [MICHEL et HAMBRICK 1992]. Pour Hambrick [1997], les équipes de direction
sont plutôt composées de fortes individualités, qui se rencontrent peu, qui ne partagent pas
toujours les mêmes visions. On aurait donc un management relationnel très édulcoré, marqué par
des comportements caractérisés par une orientation vers soi-même et un relatif isolement. En
revanche les dirigeants savent stimuler le travail en équipe aux niveaux plus opérationnels placés
sous leur responsabilité mais sont sceptiques quant à la valeur et aux possibilités de travail en
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équipe au sommet de l'entreprise. C. Longenecker [2001] a étudié pourquoi les membres d’un
comité exécutif ne fonctionnent pas véritablement en équipe :
-conflits de personnalités et surdimensionnement de leur ego,
- conflictualité des buts et des finalités,
-systèmes de récompense fondés sur la performance individuelle,
-leadership inefficace du grand chef.
Une recherche qualitative nous a permis une contribution dans ce domaine. Le binôme DG/DRH
connaît un fonctionnement singulier au sein du groupe de direction. Au-delà des apparences de
spécificité, la constitution et le fonctionnement du binôme DRH/DG relève d’une gestion subtile,
symbolique et sans cesse réarrangée par les acteurs concernés. À nouveau la théorie des rôles a
été mobilisée, particulier les attentes de rôle en ce qui concerne le directeur des ressources
humaines, mais également le rôle du binôme, la répartition des tâches, la vie quotidienne du
binôme
Le succès opératoire du binôme s’explique largement par les conséquences de la
complexification stratégique. Les membres du binôme développent des spécialisations croisées
afin d’assurer un niveau de compétences performant. La résolution des problèmes complexes fait
appel à une variété croissante de compétences, connaissances, capacités des équipes de direction.
Les équipes sont alors plus innovantes et les décisions meilleures. De même les expériences
relationnelles multiples accroissent la diffusion des connaissances tacites et produisent des effets
de socialisation nécessaires à l’intégration des grands groupes.
En France, DG et DRH apparaissent plutôt comme complémentaires afin de préserver l’équilibre
des pouvoirs et le leadership du DG. Le DRH participe de façon accrue à la stratégie et on attend
de lui une excellente connaissance du terrain. Il joue ce double rôle propositionnel mais
également iconoclaste, sans aller toutefois jusqu’au conflit dysfonctionnel. L’aspect
iconoclaste de son intervention malgré les inégalités de statut, est à rapprocher des techniques en
vigueur dans les équipes performantes qui souhaitent éviter les méfaits d’une cohésion excessive
(« groupthink » au sens de JANIS [1982]).
La complémentarité DG / DRH constitue une caractéristique de « l’équipe de direction
conflictuelle » [EISENHARDT alii 1997], c'est-à-dire un groupe constitué de membres n’ayant
ni le même âge, ni le même sexe, ni les mêmes origines fonctionnelles et qui se trouvent en
situation d’interagir fréquemment dans une symphonie de rôles, permettant la démultiplication
des perspectives.
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Tout ne se passe pas non plus de la même manière dans tous les binômes DG/ DRH. Le contexte
spécifique est modulé par des facteurs de contingence tels que la culture nationale, les modes de
management (développement durable,…), l’environnement de l’entreprise, les grandes
orientations stratégiques (innovation, diminution des coûts, clientélisation…), les niveaux
d’interdépendance entre les différentes unités de l’entreprise…
Lorsque le binôme Directeur général et Directeur des ressources humaines constitue une relation
coopérative, marqué par des échanges d'informations, de ressources, la recherche commune de
solutions, c'est parce qu’ils se rendent compte tous les deux de l'importance de la contribution
coopérative au succès organisationnel.
Section 2 - Les relations industrielles ou l’introduction d’un tiers
dans le management relationnel
Le management relationnel possède avec le champ des relations industrielles une racine
commune. À ce titre, on peut se demander quelle est la nature du lien entre ces deux entités, leur
niveau de chevauchements. Les relations industrielles englobent de nombreux domaines : la
négociation collective, des conflits au travail, la régulation du travail, les relations d'emplois au
sens général. Finalement tous ces domaines s'inscrivent dans le champ de la relation dans le
monde du travail. Le management relationnel trouve donc un terrain d'application idéale dans les
relations industrielles. Il n'est simplement pas que cela, et va au-delà. Ces relations concernent
différents acteurs : la Direction de l’entreprise, plus particulièrement celle des Ressources
Humaines, l’Etat, les représentants du personnel. Au sein de l'entreprise, et dans une dimension
de management relationnel, les relations industrielles mettent en scène des dirigeants, le directeur
des relations sociales ou le directeur des ressources humaines, le représentant des salariés dans
un contexte régi par la loi. Le champ des relations industrielles fait apparaître clairement un tiers
dans la relation managériale : le représentant des salariés. L'inclusion de ce tiers, qui dispose de
certaines prérogatives accordées par la loi, donne à la fois de l'ampleur et de la spécificité au
management relationnel. Ceci se joue tant à des niveaux interpersonnels, qu'à des niveaux
organisationnels, qu'il s'agisse de la question du contrôle dans la relation managériale, ou de
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l'intervention d'un tiers pour le rétablissement des relations entre les acteurs de l'entreprise, qu'il
s'agisse de grandes entreprises ou de PME.
A - Les relations au sein du comité d’entreprise européen
Ces travaux dans le champ des relations industrielles portent en premier lieu sur les comités
d’entreprise européens objet de ma thèse. Ils peuvent être regroupés ainsi :
13. Thèse – sciences de gestion à Lyon III ; soutenue le 14/6/2000 à Lyon, « management du
comité d’entreprise européen »
14. Les comités d'entreprise européens : dix ans d’accord, in Personnel, n° 414, novembre
2000, pp. 32-37
15. Les comités d'entreprise européens : 10 ans d’accords, IAS, Université de printemps,
Marrakech, 05-2000
16. Le comité d'entreprise européen de France, in Revue Française de Gestion, vol 30, N°
150, mai juin 2004
17. What the European work’s council of France looks like?, Annals of the University of
Craiova, Roumanie, XXXIV,n° 34, V. 1, 2006 pp.272-283
18. European Collective Bargaining, new Prospects or much Ado about Little ?, in The
International Journal of Comparative Labour Law and Industrial Relations, Vol.17,
N°3, Autumn 2001 (avec J. Rojot et A. Le Flanchec)
Il n'est pas facile de rendre compte d'une thèse en quelques lignes, aussi je choisis de commencer
par les articles concentrés sur les accords et qui ont été d'ailleurs intégrés dans ma thèse. En
quelque sorte ils constituaient un travail préliminaire.
Les documents 14 et 15 constituent une approche sur la dynamique des accords et revêtent un
intérêt dans le management relationnel qu'il s'agit d'expliquer. L'émergence d'une institution
chargée de relations tel que l'est le comité d'entreprise européen, présente un intérêt évident dans
le management relationnel. En effet la question de l'histoire, les conditions qui président à la
naissance des relations, me semblent fondamentales ; cet exercice qui a consisté à passer en
revue, toutes les circonstances, qui ont mené à l'édification de cette obligation, a non seulement
27/ 74
été passionnant, mais aussi extrêmement éclairant ; on trouve tous les germes à la source des
évolutions possibles. Par rapport à l'exercice de prospective, l'attention portée à l'histoire, à
l'origine des relations, et à la structuration des relations nouvelles est tout à fait cruciale.
Ces documents présentent à la fois le processus des accords, et un panorama des comités
d'entreprise européens à travers le prisme des signatures des accords.
Il me semble intéressant de retenir que le management relationnel s'inscrit dans un monde en
évolution, et que de multiples influences façonnent cette évolution. Dans le cas décrit, la mise en
place des comités d'entreprise européens est l’un des aspects les plus marquants des relations
industrielles européennes [SCHULTEN 1996]. Au milieu des années quatre-vingts, des accords
sont conclus entre direction des groupes transnationaux et représentants du personnel à l’échelle
européenne dans le but d’organiser l’information et la communication des salariés. Cette
tendance à opter pour les accords correspond à un changement général de l’approche
communautaire en matière de politique sociale ce que Streeck appelle le néo-volontarisme
[STREEK & VITOLS 1993] : un engagement émergent vers un régime de régulation
décentralisée avec une préférence pour une loi «douce » et un ordre «privé », et opérant avec des
participants à géométrie variable protégés des interventions centrales, privilégiant l’aspect local à
la régulation normalisée universaliste. Il existe des facteurs favorables dans l'entreprise à ce genre
de démarche, en particulier la nécessité des restructurations sur fond de transnationalisation, et
du dialogue avec les représentants des salariés. Également, le gouvernement français, a joué un
rôle moteur dans cette mise en œuvre. Il est très intéressant de remarquer les acteurs qui
apparaissent sur la scène à cette époque, en particulier les secrétariats professionnels
internationaux, les dirigeants précurseurs…
Parce que le comité d'entreprise naît sur la base du volontariat, chaque accord est l'expression
d'une négociation originale extrêmement tributaire du management relationnel. Il s'agit donc
d’essayer de décrypter les éléments communs, et les évolutions probables de ces accords. Parce
que les organisations syndicales européennes ne sont pas homogènes et développent des
stratégies de négociation des accords différentes, des différences apparaissent lors des
comparaisons entre secteurs industriels. J'ai effectué une comparaison de 386 accords relatifs à
l’article 13 et remarqué qu'en 1999, la décomposition des entreprises selon le critère
d'appartenance nationale du siège, permettait de regrouper une centaine d'entreprises en
Allemagne, 71 aux États-Unis 78 au Royaume-Uni et 54 en France. Le cas du Royaume-Uni
attirait l'attention puisque alors que ce pays n’avait pas ratifié la Charte Sociale, et que par
28/ 74
conséquent ses entreprises n’étaient pas soumises à la directive, si ce n’est aux mêmes conditions
extraterritoriales [WELCH 1994].
La progression des accords selon une courbe logistique connaît un point d'inflexion en 1996, car
c’est l’année ultime durant laquelle des accords relevant de l’article 13 pouvaient encore être
signés. La répartition mensuelle est édifiante : 140 accords sont signés durant le seul mois de
septembre 1996. Les entreprises choisissaient d'anticiper afin de rester les plus libres possibles
dans la mise en œuvre de leur dialogue social européen. La répartition par secteur d’activité
montre jusqu'en 1996 la prépondérance des secteurs de la chimie (36%) et de la métallurgie
(34%) qui sont des secteurs bien organisés sur le plan syndical. Ensuite quelques variables sont
étudiées comme la qualité des signataires de l'accord, le nombre de représentants, la sélection des
représentants, leur participation, la représentation du personnel qui s’effectue par un double
canal soit électif soit syndical, la présidence du comité, la définition de l'ordre du jour.
Les influences nationales liées à la prégnance du système de relations industrielles national
font que les comités d'entreprise européens sont à cette époque avant tout des comités
d'entreprise nationaux étendus à l'Europe. Cela signifie que la fondation du management
relationnel dans une instance comme le comité d'entreprise européen est déterminé au départ
dans les lieux d'exercice de la décision.
Le document 16 constitue une tentative de synthèse de la thèse et son objet principal est de
montrer quels sont les modèles de comités d'entreprise européens. Le facteur de la nationalité et
de la proportion des effectifs travaillant dans le pays du siège et par voie de conséquence la
répartition des représentants au CEE selon leur nationalité, sert de fil directeur à la modélisation.
Les entreprises à forte concentration de personnel dans le pays du siège produisent des CEE qui
sont des extensions du système national sans caractéristique supranationale : des comités à
emprise nationale. A l’opposé se situent les entreprises fortement internationalisées à l’échelle
mondiale qui produisent des accords internationaux, et des comités à tendance mondiale.
Certaines entreprises, dont la zone d’action est essentiellement européenne développent en
conséquence des C.E.E. de type comité européen. La répartition des représentants en termes de
nationalité y est plus équilibrée.
29/ 74
Enfin certains groupes ont produit un effort d’internationalisation non centré de façon
prédominante sur la zone Europe, mais beaucoup plus dispersée sur la zone monde. Ce sont des
comités supraeuropéens.
Comité à emprise nationale
Comité européen Comités supra-européens
Comités à tendance mondiale
Entreprises de notre échantillon
USINOR RENAULT
BULL RHONE POULENC ELF
ACCOR
Définition Modèle national étendu
Structure de représentation
équilibrée
Extension internationale possible avec
domination française
Base de développement internationale
Tableau 5 : Les modèles de comité d'entreprise européen, selon l’influence nationale
Comités supra-européens
RHONE POULENC ELF
Comités
européens
BULL
ACCOR
Comités à tendance mondiale
USINOR
RENAULT
Comités à emprise nationale
Figure 7 : L’impact possible des évolutions structurelles sur les comités d'entreprise européens
Les évolutions du périmètre des groupes remettent en cause l’équilibre relationnel de chaque
entité selon les modèles identifiés. Chaque fusion nécessite une renégociation de l’accord et
donne naissance à un nouvel équilibre relationnel. AVENTIS évolua par rapport à la
configuration de RHONE POULENC en se dotant d’un comité restreint. Cette nouvelle
prérogative est une avancée considérable, et qui tend à prouver que les fusions entraînent une
remise à plat du système et la prolongation d’avantages accordés à l’une des entreprises (en
l’occurrence l’entreprise allemande HOECHST bénéficiait du comité restreint jusque là refusé
chez RHONE POULENC). Ceci implique l’improbabilité d’un retour en arrière au profit d’une
30/ 74
progression des prérogatives du CEE. Les fusions entraînent un cortège de concessions et
d’arbitrages délicats pour les gestionnaires.
L’information transmise lors des réunions de C.E.E. permet de différencier les CEE : les
dirigeants qui font des efforts pour déployer l’information continue et concrète sont ceux qui
souhaitent valoriser l’instance. La relation qui prend de l’importance est celle qui se noue entre
les représentants français et non français. Mais la confiance n’est pas toujours au rendez-vous car
les représentants connaissent mal le système de relations industrielles de leurs collègues des
autres pays, et qu’ils sont là pour défendre leur site, leur pays. La faiblesse de l’idéal européen
syndical minore le pouvoir des représentants comme force homogène.
Les représentants investissent le jeu relationnel pour infléchir les décisions affectant les
personnes lors des restructurations. Ils tirent parti du registre émotionnel plus percutant lors
d’une mise en présence physique entre les acteurs. Le président parfois enfermé dans le
narcissisme que provoque le surinvestissement autour de son œuvre, a besoin d’ouvrir les yeux
sur des réalités accessibles grâce à la critique des représentants des salariés pouvant s’exprimer
librement. Les directions vivent alors une prise de conscience et s’efforcent plus activement de
trouver des solutions. La production de cette structure relationnelle est de 3 ordres : en attribution
(de la consultation à la française, à l’européenne à la négociation douce et à la formulation d’avis
communs, en intensité (coquille vide à travail utile) et en évolution dans le temps.
. Le document 18, recontextualise le CEE par rapport à la négociation collective en Europe. Le
niveau relationnel qui est abordé insiste sur le pouvoir des dirigeants à façonner le dialogue
social européen. Jacques Rojot en est l’auteur principal dans la droite ligne de ses travaux
initiaux [1978] et se livre à un exercice de prospective intégrant de multiples travaux.
Le document 13 qui est la thèse proprement dite regroupe un bon nombre de contributions déjà
développées, je voudrais simplement en faire un résumé dans le contexte de ce qui est dit par
ailleurs. Tout d’abord sur le plan théorique, cette thèse active de nombreux champs théoriques, la
communication organisationnelle dont il vient d’être question, le management international qui
sera évoqué avec le concept de transvergence, les relations industrielles. Au plan de la théorie des
organisations, il m’a semblé que les théories institutionnalistes et les théories de la structuration
servaient de base pour articuler institutions, rôles, activités et comportement des acteurs. La
31/ 74
méthodologie employée est une tentative d’application et de réponse à ces théories
malheureusement un peu éloignées des dispositifs de traitement du terrain.
Le terrain des comités d’entreprise européens appelle de nombreuses possibilités de recherche,
car il peut devenir un lieu de négociation douce, qu’il s’agisse de médiation, d’alerte éthique, de
codes de conduite [IGALENS DEHERMANN-ROY 2004]…
B - Un cadre organisationnel pour déployer le management
relationnel : La transvergence
En poursuivant un approfondissement de mes travaux sur les comités d’entreprise européen, j’ai
cherché à faire le lien avec le management international. Le management relationnel s’inscrit
également dans cette perspective. Il m’a semblé que le concept de transvergence permet d’établir
un cadre adéquat pour situer son déploiement.
19. European Work’s Council and crossvergence, European Group for Organizational
Studies, 17th Colloquium, Lyon, July 5-7, 2001
20. Transvergence des relations industrielles européennes et fonctionnement d’un comité
d'entreprise européen : le cas ELF, AGRH, Paris, 11-2000
Les documents 19 et 20 sont à l’origine de ce travail, que je me propose d’approfondir quelque
peu en allant un peu plus loin que ce que j’ai publié sur le sujet jusqu’alors. Parmi les concepts
du management relationnel, il est celui de la transvergence institutionnelle qui peut servir de
cadre d’analyse des relations industrielles en Europe. Pendant longtemps, l’examen des systèmes
de relations industrielles comparés de pays à pays a été difficile à établir autrement qu’au moyen
d’études approfondies des différents systèmes nationaux. En effet chaque pays par son histoire,
sa culture, son système éducatif, judiciaire produit un système de relations industrielles
32/ 74
complexe. Les concepts dans le champ des relations industrielles prennent une définition qui se
décline selon chaque pays. On utilise alors pour mieux saisir la complexité au sein de chaque
pays, par exemple, les approches sociétales qui permettent de resituer les acteurs dans leur
relation à la société. C’est la cohérence globale de ce lien social, qui permet de comparer une
société à une autre. Ainsi on cherche à déterminer comment les acteurs construisent les
organisations, et comment ce processus est influencé par le cadre sociétal à l’intérieur duquel les
acteurs agissent. Pour cela, il s’agit de prendre en compte les facteurs historiques et écologiques
[MUELLER 1994]. L’effet sociétal permet de considérer les organisations comme des entités
sociales intégrées dans les structures institutionnelles constituant la culture d’une société. Les
organisations et la société tendent à se refléter structurellement.
Egalement R. WHITLEY [1994] en traitant des systèmes d’affaires nationaux (« national
business systems »), avance que les agents économiques dans des pays différents sont influencés
par le cadre institutionnel national déterminant les institutions financières, le système de
propriété, la structure et la politique de l’Etat, la régulation des marchés, la représentation des
salariés etc..
L’idée sous-jacente est que les valeurs, habitudes et comportements se règlent dans un système
d’attentes réciproques partagées au sein d’un même pays. La complexité intra-pays étant forte,
les courants de recherche ont légitimement investi les dimensions sociétales et apporté de la
lisibilité aux fondements et pratiques de chaque système de relations industrielles par pays.
Cependant, si le niveau intra-pays reste complexe, et fait de l’ensemble européen un système à
forte variété, force est de constater que chaque pays développe un sous-système de relations
industrielles faisant partie du système global européen. Ce système supranational incite les sous-
systèmes nationaux à se mouvoir ;
Le processus affectant les relations industrielles européennes est caractérisé par une poussée
mondialiste (de nature environnementale et stratégique) et européenne (de nature
gouvernementale). La conséquence est que le management relationnel est également ancré dans
une dynamique organisationnelle internationale complexe. Avec le concept de la transvergence,
il devient possible de réfléchir à un cadre conceptuel permettant de relier organisation et
management relationnel.
A l’origine, le terme de transvergence a été emprunté à des anthropologues pour décrire un
processus d’acculturation, un mélange de deux cultures qui peut résulter en des formes croisées
de valeurs situées à mi-chemin des deux cultures d’origine [BEALS 1953] et employé dans le
33/ 74
champ du management cross-culturel [RALSTON, GUSTAFSON, CHEUNG, & TERPSTRA
1993]. Utilisé dans le cadre des relations industrielles, la transvergence dépasse la fusion des
valeurs, en effet tout d’abord :
• il s’agit d’un processus, en cela le caractère dynamique met l’accent sur l’évolution
tributaire des interactions,
• ensuite la transvergence se produit dans un champ où concourent des forces multiples (les
pressions de l’environnement et de la construction européenne) agissant au niveau macro
(dialogue social européen, rôle de la commission et des partenaires européens UNICE
CES CEEP) ou méso dans les EMN59 (en renforçant la culture d’entreprise),
• également ce processus affecte les pratiques de gestion des ressources humaines, leur
diffusion et aussi les valeurs,
• enfin l’effet produit est variable selon les EMN et selon l’horizon temporel ; il pourrait
conduire à la convergence des relations industrielles.
Figure 8 : la transvergence comme champ d’efforts
La transvergence, en conséquence, nous semble être un cadre utile pour recueillir des
observations de pratiques comparées en Europe et pour rapporter les influences réciproques et
l’adoption de pratiques d’un pays à l’autre. En outre, le double questionnement paradoxal de la
divergence versus de la convergence posé en terme de sous-systèmes de relations industrielles
trouve un cadre intégrateur en la « transvergence ». Celle-ci se manifeste par le constat d’une
combinaison dynamique entre des forces multiples agissant au sein des systèmes de relations
59 EMN : Entreprises Multinationales
Effort de modification, d’influence
Résistance à la modification, à l’influ ence
Diffusion des pratiques
Comportements
Valeurs
Effet pays du siège
Besoin d’intégration
Trans-nationalisation
Poids du pays d’accueil (gouvernement, marché, syndicat)
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industrielles. Nous illustrerons ce cadre en faisant référence à quelques recherches intégrant
l’aspect dynamique de la transvergence.
Deux voies d’accès sont d’emblée possibles ; d’une part l’approche anthropologique, qui est à
l’origine du terme et qui va occasionner une réflexion sur le rapprochement des valeurs au sein
des EMN, d’autre part, le management stratégique international qui pousse à se concentrer sur les
diffusions de pratiques et leur impact sur la nature des relations industrielles.
La mécanique de la transvergence est particulièrement sensible au phénomène de
transnationalisation, et aux effets sur les structures des EMN au degré d’intégration de la
production [KOBRIN 1991] à la centralisation de la décision au niveau des relations industrielles
[HAMILL 1994].
La pertinence accordée aux frontières nationales comme thème de recherche en GRH est
soulignée par [ROSENZWEIG SINGH 1991] qui remarquent combien les facteurs légaux et
culturels sont souvent spécifiques aux nations, et soulignent la congruence entre les pays et
l’environnement institutionnel.
UK
SP Degré syndicalisation : 15%
Structure : syndicat général ou confédéral
Idéologie : culture de combat, de contestation, syndicats forts au plan politique, faibles au niveau de l’entreprise
Système de représentation : représentants élus des salariés (délégués du personnel, comités d’entreprise), négociation collective partagée entre CE et syndicat, peu d’influence dans les petites entreprises paternalistes, les représentants siègent au CA mais avec une fonction décorative
Degré syndicalisation : 9%
Structure : syndicat général ou confédéral
Idéologie : pluralisme syndical, culture de combat, de contestation, difficulté à s’orienter vers la participation, syndicats divisés et politisés
Système de représentation : représentants élus des salariés (délégués du personnel, comités d’entreprise, comités centraux, comités de groupe), des représentants désignés par les syndicats et titulaires du droit de négocier (délégués syndicaux) avec des représentants désignés au sein des organes de direction, conseil d’administration ou de surveillance.
Degré syndicalisation : 29 %
Structure : syndicat de métier et autres
Idéologie : refus d’intervention des syndicats dans la gestion des entreprises. L’activité syndicale se manifeste par les contrats au niveau de la branche ou de l’entreprise
Système de représentation : pas de représentation légale des travailleurs qui sont défendus par un syndicat présent dans l’entreprise
Degré syndicalisation : 30%
Structure : syndicat d’industrie
Idéologie : participation, coopération de syndicats puissants
Système de représentation : représentation du personnel dans l’entreprise et au sein des organes dirigeants
35/ 74
Figure 9 : les particularismes des systèmes nationaux de relations industrielles
Nous faisons figurer ici un extrait des relations industrielles comparées en concentrant la comparaison sur quatre pays (France, Espagne, Allemagne, Royaume-Uni). Chaque couleur dénote le particularisme des relations industrielles au niveau national.
La mondialisation modifie les relations industrielles. La question de fond est de savoir comment
et dans quelle mesure le processus de mondialisation en particulier les changements
technologiques et la libéralisation des échanges peuvent modifier les systèmes de relations
industrielles. La pratique des relations du travail et de la gestion des ressources humaines sont
essentiellement liées à l’ensemble des dispositions institutionnelles d’ordre juridique,
économique et social à l’intérieur desquelles le système de relations industrielles s’articule.
Même dans une économie mondialisée, les institutions et les arrangements institutionnels
comptent. Les systèmes de relations industrielles continuent d’être différents à travers les pays.
Marginson60 et al. [1995] ont montré que le rassemblement des informations n’est pas universel
dans les EMN, et qu’il est répandu seulement dans les EMN globales c’est à dire celles, qui sont
largement intégrées sur le plan international. Ces entreprises rassemblent des informations sur les
relations industrielles et les problèmes de personnel comme les rémunérations, le coût du travail,
le turnover, la productivité et les rémunérations des cadres. Elles le font parfois explicitement
pour conduire la dissémination des bonnes pratiques [FERNER EDWARDS 1995] ou parfois
pour récompenser ou punir les sites soumis à des comparaisons coercitives, ceci afin d’orienter le
choix des localisations d’investissement [COLLER, MARGINSON 1998].
Les initiatives managériales telles que la diffusion des bonnes pratiques dans le réseau européen
des groupes peuvent, selon le rapport de L’UNCTAD [1994], favoriser la convergence trans-
60 Marginson P., Armstrong P., Edwards P., Purcell J., (1995) Extending Beyond Borders : Multinational Companies and the International Management of Labour, Paper for International Industrial Relations Association, 10th World Congress, Washington, 31 May-4 June in [FERNER EDWARDS 1995]
36/ 74
frontalière de l’organisation et des conditions de travail. Mais comment se manifeste la diffusion
des pratiques d’emploi dans les EMN ?
Tout d’abord l’effet pays d’origine peut être moteur dans cette diffusion. L’ethnocentrisme
accentue l’effet pays d’origine. De même, les EMN des pays à succès économique ont tendance à
exporter leurs pratiques performantes dans leurs filiales. Par exemple les EMN américaines ont
exporté en leur temps le taylorisme, les structures formalisées hiérarchisées, la rémunération à la
performance ; les EMN japonaises, de leur côté, ont diffusé la production maigre et des pratiques
qui encouragent l’implication des salariés, quant aux EMN allemandes, elles ont exporté
l’approche long terme de la formation et des décisions d’investissement [FERNER
QUINTANILLA 1998].
Par exemple [EDWARDS REES COLLER 1999] relèvent des exemples dans différents EMN
opérant en Europe ; une EMN du secteur agroalimentaire employant 170 000 salariés développe
la mobilité des cadres à travers les sites pour faciliter la diffusion des meilleures pratiques ; pour
cela elle mobilise 1600 expatriés ; ceux-ci suivent des cours et participent à des conférences
internationales et ateliers sur des problèmes spécifiques pour enseigner le style de l’entreprise et
structurer la culture d’entreprise ce qui a pour conséquence d’accroître l’identification des cadres
à l’entreprise. Les procédures d’évaluation favorisent les cadres qui s’engagent activement dans
le réseau et les positions intéressantes sont accessibles à ceux qui jouent le jeu de l’entreprise.
(i) Rejet de la thèse de conformation au
pays d’accueil
La thèse [Enderwick 1986] de la conformation avance que dans les pays à faible développement
de relations industrielles, les EMN étrangères ont tendance à se conformer aux pratiques locales.
Turner et al. [1997] proposent une nouvelle thèse de conformation de l’EMN selon laquelle, il
existe peu de différences en Irlande (pays à faible développement des relations industrielles) au
niveau des pratiques de gestion des ressources humaines et de relations industrielles entre les
EMN autochtones et les EMN étrangères. Il semble cependant que les travaux de Geary J.F. et
Roche W.K. [2001] montrent au contraire que les EMN étrangères s’orientent même dans les
pays à faible développement de relations industrielles, vers des systèmes de relation d’emploi
orienté entreprise [MARGINSON SISSON 1994]. Selon Ferner et Hyman [1998], on assiste à un
isomorphisme d’entreprise transnational. Les pratiques d’emploi par exemple de Ford en
Allemagne, en Belgique et au Royaume-Uni tendent à se ressembler ; ce qui signifie que les
37/ 74
modèles de relation d’emploi au sein des pays et même des secteurs tendent à devenir plus
hétérogènes.
Egalement Ferner & Quintanilla [1998] observent que les mêmes pressions des années 90 sur les
EMN européennes ont eu pour effet de déclencher des stratégies de contrôle utilisant un grand
nombre d’éléments du système d’origine de l’EMN ; cela signifie que les EMN continuent à être
fortement caractérisées par les caractéristiques de leur pays d’origine en dépit de la globalisation
et de la thèse défendue par Perlmutter ; selon lui, la globalisation aurait pour effet de gommer les
effets pays d’origine. On peut cependant remarquer que ces thèses ne sont pas inconciliables et
faire l’hypothèse que la transvergence se développe à des degrés variables. Ainsi, les entreprises
qui insistent surtout sur l’imposition des pratiques dont l’origine est le siège, le font sans doute
parce que le poids du pays du siège, la composition de l’équipe dirigeante sont encore dominants
et qu’ils ne se situent pas véritablement dans des modèles purement géocentriques. Ces variables
positionnent l’EMN à un moindre degré sur l’échelle de la transvergence.
Il serait intéressant de repérer toutes les variables qui déterminent le sens des influences entre
siège et filiales et qui permettent de définir le processus de transvergence.
L’accélération de la transnationalisation signifie [EDWARDS REES 2000] un certain nombre de
conséquences affectant les EMN. Tout d’abord la part nationale recule car les fusions
acquisitions ont permis de rapprocher des EMN aux origines nationales différentes.
L’actionnariat s’en trouve bouleversé et l’emprise nationale (par le biais des organismes
bancaires détenteur d’actions, des Etats) recule. Les comités de direction prennent une allure
nouvelle et se composent d’un mélange de nationalités ; ces membres influents aux origines
diverses facilitent le transfert de pratiques au travers de compromis et favorisent les politiques
d’intégration. La fusion Daimler Chrysler donne par exemple naissance à un comité de direction
de style américain et à un conseil de surveillance à l’allemande avec participation des
représentants des salariés.
UK
38/ 74
Figure 10 : Vers des systèmes de relations industrielles orientés siège des entreprises
La transvergence européenne est marquée dans un premier temps par les particularismes des
sous-systèmes de relations industrielles par pays dans le contexte toutefois harmonisateur de la
construction européenne supranationale. La complexification au niveau de l’entreprise, le choix
de l’intégration poussent certaines EMN à quitter le modèle du polycentrisme. Les forces de la
transvergence se distinguent selon la structure des entreprises : les entreprises ethnocentriques et
globales ont tendance à activer un effet pays du siège et à diffuser les pratiques dans leurs filiales.
Les entreprises transnationales et géocentriques pourraient s’orienter vers un modèle
hologrammatique de transfert des pratiques multimodales et de fusion des valeurs. C’est ce que
nous avons essayé de reproduire avec la figure précédente. L’EMN introduit une distance par
rapport aux pays d’accueil en mettant en avant les choix de l’entreprise accompagnés de la
montée de la culture d’entreprise parfois au détriment de la culture pays. Cependant cette
convergence par entreprise peut entraîner en retour une fragmentation des relations industrielles
par pays. On peut imaginer que la fragmentation n’est qu’une phase de la transvergence et qu’une
évolution pourrait mener à terme à des influences réciproques entre EMN les menant à une
intégration d’un système de relations industrielles convergent, global et supranational.
Les gouvernements des pays d’accueil sont affaiblis devant ce risque de fragmentation ; ils
peuvent redouter qu’une intégration trop forte des EMN leur procure une connaissance détaillée
de leurs capacités réparties dans les différents pays, et donc leur permettent de déplacer leurs
opérations d’un pays à l’autre. L’intégration de l’EMN constitue pour le gouvernement du pays
d’accueil une limite de son pouvoir et du contrôle qu’il peut exercer sur la filiale. Les marges de
négociation des syndicats nationaux au niveau local s’établissent plus difficilement dans les
entreprises intégrées qui privilégieront les accords internationaux. La transvergence nécessite
aussi un effort des syndicats pour apporter une réponse supranationale.
D
39/ 74
Toutes ces considérations à propos d’un phénomène émergent doivent cependant être observées
avec circonspection. Si les tenants de la convergence mettent l’accent sur le niveau macro des
variables organisationnelles (la structure, la technologie), les tenants de la divergence insistent
sur le caractère micro (les comportements) [ADLER & alii 1986]. L’environnement, la
concurrence jouent sur des macro variables telles que les structures et la technologie qui
contribuent également à la convergence. Cependant les défis imposés soit par l’environnement
concurrentiel, soit par le système européen n’impliquent pas automatiquement une convergence
des systèmes pays : les mêmes influences ne provoquent pas nécessairement la convergence
puisque chaque contexte réinterprète et trouve des solutions originales en fonction de son
identité. Des phénomènes de résistance peuvent aussi apparaître.
Dans ces conditions, il serait intéressant de mesurer les progressions et la dynamique du système
identifié. De nombreuses pistes de recherche sont ouvertes avec ce cadre :
La transvergence a-t-elle des effets conséquents, durables, intenses ou ponctuels ? Quels sont les
événements qui peuvent limiter le processus ? Comment se déroule la transvergence dans les
entreprises hybrides sur le plan des nationalités en particulier celles qui sont nées des opérations
de fusions / acquisitions ? Le phénomène évolue-t-il de façon similaire dans ces entreprises ?
Existe-t-il une politique globale et cohérente de la transvergence, quelles sont les limites et
l’intérêt ? Le phénomène est-il contrôlé ? Quel est le lien entre transvergence et efficacité ?
Le cadre de la transvergence implique une réflexion sur la méthodologie et l’emploi de
techniques un peu différentes des traditionnelles approches comparées utilisées dans les
méthodologies internationales. A propos des méthodologies internationales, Nancy J. Adler
[1983] distingue au sein du champ international les recherches cross culturelles, qui comprennent
les approches uni culturelle, comparée et interculturelle. L’approche uni culturelle se concentre
sur la gestion organisationnelle dans un pays, l’approche comparée se concentre sur la
comparaison des organisations d’au moins deux pays différents, l’approche interculturelle se
concentre sur les interactions entre membres d’au moins deux pays ou cultures différentes.
Joseph L.C. Cheng [1989] distingue trois approches transnationales : l’approche comparée
centrée sur la nation, l’approche culturelle centrée sur la culture et l’approche contextuelle
centrée sur l’organisation. Une approche trans-relations industrielles emprunte à la fois à
l’approche contextuelle [CHENG 1989] et à l’interactionnisme de l’approche interculturelle
[ADLER 1983].
40/ 74
Par ailleurs, l’évolution potentielle des valeurs proposée par la convergence ou la transvergence
due à l’interaction de la culture nationale et de l’idéologie économique, peut prendre dix ou vingt
ans ou même des générations. Il est probable que seule la génération des futurs cadres et
dirigeants verra ses valeurs de travail affectées réellement [THOMPSON & THOMPSON 1990].
Des analyses longitudinales permettraient de répondre à la question finale de la convergence.
A la suite figure un modèle illustrant le champ de forces du processus de transvergence. Ce
processus agit aux différents niveaux micro, méso et macro et selon les contextes en favorisant
l’éclosion des différentes forces, avec les passerelles entre les différents niveaux.
Figure 11 : le champ de forces du processus de transvergence des relations industrielles
Micro
Comité d’entreprise
européen
Meso Macro
Processus de
transvergence
Régulation
Européenne, Europe
sociale Convergence
Relations industrielles
nationales, Effet
sociétal
Transnationalisation
Culture d’entreprise
Divergence
Impact sur les relations
industrielles : émergence
d’une fragmentation ?
Interaction Contexte
EMN Europe, Nations
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C - Le dialogue social : PME, médiation et confiance
Après avoir travaillé les relations industrielles dans les grandes entreprises et à un niveau
international, je me suis intéressée au niveau national et aux petites et moyennes entreprises. Et
le sujet de management relationnel pertinent à ces deux niveaux porte sur le dialogue social. 3
documents publiés portent sur ce sujet et un devrait paraître prochainement.
21. Le dispositif expérimental d’appui au dialogue social dans les PME, revue Personnel, N°
460, juin 2005
22. Rétablir la confiance dans l’entreprise par le recours à la médiation, revue Relations
Industrielles, (avec A. Le Flanchec et J. Rojot), 2006
23. La médiation en PME : dispositif d’appui au dialogue social, in Bournois F. Duval Hamel
J., Roussillon S., Scaringella J.L., Comités Exécutifs – voyage au cœur de la dirigeance,
Eyrolles 2007
24. Le dialogue social en PME et l'intervention d'un tiers facilitateur, in GRH en PME,
coordonné par Vilette M.-A. et Louart P.
Dans le domaine des relations industrielles, il est une pratique qui vise à intervenir au niveau
interpersonnel et intra groupe : la médiation. Elle est justement employée parmi les nombreux
dispositifs de résolution alternative des conflits en particulier aux Etats-Unis et au Québec. Elle
se diffuse en France et se concrétise sous la forme d’un dispositif structuré d’appui au dialogue
social. Ce dispositif proposé dès 1996 par l’ANACT et la DRT, s’inscrit dans le modèle de la
médiation orientée relations. Je me suis intéressée à ce domaine éminemment relationnel, dans
un contexte très circonscrit : l'univers de la PME, des pratiques d’interventions expérimentales
ciblées en lien avec des situations de conflits.
(I) Le dialogue social en PME
Cette partie fait référence au document 24 consacré au dialogue social en PME et à l'intervention
d'un tiers facilitateur.
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Le dialogue social par ces deux termes « dialogue » et « social », fait référence à la
communication organisationnelle et aux aspects institutionnels, d’une littérature d'origine
psychosociologique et organisationnelle. Une définition est donnée au croisement de ces champs
disciplinaires. Egalement est introduite la dirigeance comme élément clé du dialogue social en
PME alors que déjà lors du travail sur les CEE il était constaté combien la dirigeance jouait un
rôle prééminent dans la façon de modeler l’institution. La situation du dirigeant entrepreneur,
créateur d'entreprise, membre de la famille, héritier en cas de transmission implique un contrat
psychologique très particulier entre les salariés et la dirigeance et a un retentissement sur le
dialogue social. Egalement le pouvoir et la question de temps consacré au dialogue social sont
abordés, les enjeux du dialogue social font l’objet d’une catégorisation selon les niveaux
individuels, entreprise ou méta entreprise et selon la volonté pro active ou réactive des dirigeants.
Les aspects communicationnels reprennent le cadre de réflexion de [GALLOIS & alii 2003] avec
la distinction entre logique d’investissement et logique de reconnaissance des dirigeants. Nul
doute que la typologie de [DUVAL HAMEL 2002] pourrait être adaptée au contexte de la PME.
Lorsque les parties tentent de résoudre le conflit qui les oppose par la recherche d'un accord, elles
entrent en négociation. Le dialogue intègre donc la négociation. La question du conflit et de son
articulation à la négociation permet de situer les caractéristiques du dialogue social. Cette
articulation est extrêmement variable selon les entreprises et selon les situations. Le temps de la
négociation se distingue souvent de celui du conflit, les périodes de négociations et de conflits
pouvant alterner dans un sens comme dans l'autre. La logique voudrait que la négociation
intervienne pour résoudre un conflit ; dans certains cas, c'est le processus même de la négociation
et son échec qui sont producteurs de conflit.
Les composants d’attitude dans le modèle de relations d’après R.E. Walton et R.B. McKersie [1965]
permettent de distinguer la négociation distributive dont la fonction est de résoudre des conflits
d’intérêts de la négociation intégrative dont la fonction est de trouver des intérêts communs et
complémentaires, et de résoudre les problèmes confrontant les parties.
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(II) Intérêt de la médiation en PME
La médiation peut se révéler une voie de recours intéressante pour les dirigeants des PME qui
cherchent à résoudre leurs problèmes de tensions sociales et de conflits collectifs. Elle fait partie
des processus alternatifs de résolution des conflits qui ont considérablement évolué aux Etats-
Unis et au Québec. La PME bien souvent ne dispose ni des ressources ni de temps nécessaire
pour mettre en œuvre de façon interne, une gestion des conflits comme peut le faire une grande
entreprise. Une expérimentation tendant à transposer le processus de médiation préventive selon
le modèle québécois, et à l’adapter à la spécificité française est en œuvre depuis 1996 et a fait
l’objet d’une évaluation que j’ai menée avec l’aide d’autres chercheurs. Parmi les grands repères
théoriques de la médiation je retiens la distinction entre Médiation orientée résultat et Médiation
orientée relations. Selon Thibaut & Walker [1975], la médiation comprend un fort contrôle sur le
processus de résolution des conflits, mais un faible contrôle sur les résultats. Par définition, les
médiateurs emploient une variété de stratégies et de tactiques pour initier et faciliter les
interactions entre les parties en conflit. L’objectif premier consiste à faciliter la négociation entre
les parties. Le parallèle avec le rôle du médiateur est établi : selon qu’il se concentre sur les
problèmes c’est-à-dire obtient des concessions de la part des parties, navigue d’une partie à
l’autre ou au contraire, selon qu’il met l’accent sur le processus, c’est-à-dire laisse la résolution
des problèmes sous le contrôle des parties, travaille à développer un dialogue, encourage la
communication directe et la rencontre des parties lors des séances plénières. Le rôle évolue de
questionneur à celui de gardien de la communication.
Le dispositif mis en place, repose sur une série d'expérimentations en entreprise, l'observation
d'expériences québécoises et la capitalisation de l'ensemble de ces acquis. Sur la base d'un
volontariat, trois régions se sont engagées dans le dispositif : Rhône-Alpes en 1996, la Lorraine
en 2001 et la Haute-Normandie en 2002. Une quarantaine d'interventions, dont une quinzaine ont
été conduites jusqu'à la phase de suivi en 2004 [MAURIN XIRAU 1993].
Par rapport à la catégorisation de la médiation faite plus haut, il s’agit d’une médiation orientée
relation qui vise à aider les parties à améliorer leurs relations de travail, à réamorcer un dialogue
continu et positif entre les parties, à favoriser une plus grande compréhension de leurs rôles et
contraintes réciproques, à rétablir un climat de confiance et de crédibilité en vue de les aider à
résoudre leurs problèmes.
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Les résultats de ce système de médiation sont globalement positifs, car productifs d’un sentiment
de satisfaction auprès des acteurs des entreprises, qui sont reconnaissants de l'aide apportée ; le
processus les a mis en situation de s'exprimer, de rétablir des relations, voire de changer leurs
comportements. L’intervention favorise l'émergence d'un « dialogue constructif », qui se
déclenche par une libération, par une expression libre, ce qui est peu commun en PME, par le fait
de tirer un trait sur le passé pour démarrer les relations dans un nouveau contexte. On peut noter
que l'intervention permet aux acteurs de réfléchir, de prendre du recul. L’intervention a permis
aux acteurs de se dévoiler, de se découvrir par exemple entre organisations syndicales, d’établir
un cadre de référence, à partir duquel ils peuvent, seuls, ensuite construire leurs échanges.
On observe aussi que les acteurs s’engagent dans la voie du respect des formes légales. Côté
direction, on cherche alors à professionnaliser davantage cette mission, on adopte des réflexes
nouveaux de dialogue, on respecte davantage le fait syndical.
(III) Médiation et confiance
Les résultats généraux de cette recherche ont fait suite à un examen plus approfondi touchant aux
effets de la médiation sur la confiance entre les partenaires sociaux cf. document N°22. Cette
contribution a consisté à catégoriser la confiance médiée et à rapprocher les éléments recueillis
lors d’enquêtes de terrain de la catégorisation théorique de Lewicki et Bunker (1996) qui
distinguent, la confiance basée sur le calcul (Calculus Based Trust), la confiance basée sur la
connaissance (Knowledge Based Trust) et la confiance identitaire (Identification Based trust).
La confiance basée sur le calcul correspond à un processus calculatoire, qui se construit dans le
temps, et qui permet d’estimer le fait qu’un individu soit digne, ou non, de confiance. La
confiance liée à la connaissance s’appuie sur la communication et la recherche d’informations
qui permet à un individu de porter un jugement sur le comportement à venir d’une autre
personne. Enfin, la confiance identitaire s’appuie sur une identification avec l’autre partie et des
valeurs partagées. La Figure 12 fait état du codage sélectif opéré sur la catégorie de la confiance
et des 12 catégories liées au phénomène de confiance dans l’appui au dialogue social et à la
médiation : l’échange, la protection, les tests, l’équilibrage, le respect, le cadre structurant, la
catharsis, l’approfondissement, l’ouverture, la volonté, l’action et la réserve.
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Garantissent les non
conséquences négatives sur
les salariés
La règle : pas de règlement
de compte Etalé dans le temps
Calmes, posés, sereins Règle du jeu
Mise en confiance
Changement
d'attitude (ton
moins fort)
Ne pas s'arrêter à
une personne
Non intrusif,ni jugement, ni
manipulation
Apaisement
paisiblement Respect Méthode de travail
Intimité Coaching direction
Croire la vérité /
être cru par les
autres Fermeté
Ecoute active Référent extérieur Mise à l'épreuve Impartialité Politesse
Structuration du
dialogue
Convivialité
Confiance pour oser
dialoguer Jeu de rôle
Habileté au
dialogue
Moins
d'agressivité Recentre le débat
Echange Protection Test Equilibrage Respect Cadre structuré