-
Ann. Kinésithér., 1987, t. 14, n° 9, pp. 413-424© Masson, Paris,
1987
MÉMOIRE
'Le kinésithérapeute face au syndrome algodystrophiqueen
«période chaude».G. CRÉPIN (1), J. TRIP ON (2)(1) MCMK
Kinésithérapeute Chef, (2) Kinésithérapeute, Service réadaptation
fonctionnelle (D. L.L. Derreumaux),Centre Hospitalier
Saint-Philibert, 115, rue du Grand But, F59160 Lomme.
L'Algodystrophie, entité symptomatiquesomme toute bénigne de par
son évolutionfavorable, porte pourtant le lourd fardeau
desincertitudes physio-pathogéniques.
Les incertitudes se retrouvent à travers la
grande variété des traitements médicaux dontaucun - ce malgré
les espoirs portés sur lathyréo-calcitonine - n'a pu montré une
effica-cité totale.
De fait, la précocité du traitement influenceles résultats.
La kinésithérapie face à ce syndrome, porteun fardeau plus lourd
encore dans la mesureoù elle est incriminée, soit comme
facteurdéclenchant, soit comme épine irritative d'unsyndrome déjà
installé.
Un regard sur les concepts physio-pathogéni-ques semble
nécessaire pour situer la kinésithé-rapie en tant qu'adjuvant
thérapeutique utilevis à vis de ce syndrome et tirer dans
sonarsenal les techniques adaptées, notamment enphase aiguë.
L'Algodystrophie est un ensemble de 'mani-festations liées à des
perturbations histo-angéiques. Nombre d'arguments incitent à yvoir
une réaction en chaîne inéluctable tou-
chant un terrain susceptibilisé, et dont leprimum movens serait
un trouble liquidien« initial », soit un trouble de l'hydropexie,
soitun dérèglement des échanges dans l'interfaceinterstitium boucle
capillaire. La nature de cetrouble initial justifierait laforme
symptomati-que: une forme aigué: la plus caractéristique ,"une
forme subaigué' volontiers décrite surterrain diabétique," une
forme chronique tra-duisant de nombreuses formes frontières,
telleque la maladie de Dupuytren. La sensibilitéallergique de type
1 semble constituer unfacteur de risque essentiel.
Tirés à part: G. Crepin, à l'adresse ci-dessus.
Introduction
Décrite pour la première fois par Hunter, lesyndrome
algodystrophique dont le terme futproposé en 1951 par de Seze et
Rickewaert,constitue un ensemble de manifestations liées àdes
perturbations histo-angéiques, décrites sousdes formes
topographiques polytopiques etétiologiques très variées.
La diversité des tableaux cliniques est tellequ'elle peut
expliquer le nombre d'appellationsrencontrées dans la littérature,
depuis la causal-gie de Weir-Mitchell (1864), l'atrophie
osseuseinflammatoire aiguë de Sudeck (1900), l'ostéopo-rose algique
post-traumatique de Leriche (1923),le rhumatisme neurotrophique de
Ravault(1945), le syndrome épaule-mairi de Steinbroc-ker (1947), le
syndrome physiopathique deBabinski-Froment (1916), la capsulite
rétractile,la maladie de Dupuytren à laquelle on peutrattacher la
maladie de Ledderhose et la maladiede Lapeyronie pour former la
triade de Rueilet Touraine, le syndrome de Raynaud (1862),le
syndrome de Kummel-Verneuil, l'érythermal-gie. C'est dire que ce
syndrome se situe auxconfins de nombreuses disciplines.
C'est un tableau clinique dont la fréquenceest plus importante
qu'il n'y paraît, touchantégalement les deux sexes, dont l'âge de
survenues'étend sur une large fourchette avec prédomi-nance entre
40 et 65 ans. Quelques rares cas ontpu être décrits chez
l'enfant.
En règle générale, l'évolution en est favorabledans des délais
variables allant de quelquessemaines à deux ans au prix de
troublestrophiques résiduels à type d'hypotrophie mus-culaire,
d'ostéoporose, de pseudo-sc1érodermie.Un fond dystonique, voire
névrotique est fré-quemment évoqué pour lequel Forster
parlevolontiers d'« Hyperpathie ».
-
414 Ann. Kinésith ér., 1987, t. 14, nO 9
L'algodystrophie,une entité physio-pathologique
Lorsqu'au décours d'une série de soins kinési-thérapiques pour
séquelles de fracture. de Pou-teau-Colles ou de Dupuytren,
s'installe unprocessus algodystrophique, les seules manifes-tations
cliniques suffisent au kinésithérapeute àsuspecter le syndrome, en
l'absence de toutcritère biologique, isotopique ou
radiologique.
C'est le stade 1 de Ravault et Steinbrocker:il se traduit par un
œdème localisé, une douleurexacerbée, locale ou irradiante, une
érythrose ouune érythrocyanose, une hyperhydrose, parfoisune
hyperesthésie; c'est un stade « chaud» ou« pseudo-inflammatoire
».
L'examen médical confirme le syndrome.C'est donc bien une
entité, où l'arc nociceptifsympathique de Leriche culpabiliserait
le kinési-thérapeute comme facteur déclenchant ou
épineirritative.
A ce stade, la kinésithérapie est traditionnelle-ment contre
indiquée.
Les signes pseudo-inflammatoires disparais-sent; l'œdème et la
douleur cèdent la place auxtroubles trophiques: c'est le stade II
de Ravaultet Steinbrocker.
La kinésithérapie est indiquée sous réserve detechniques douces,
prudentes:- massothérapie à type d'effleurage ou de
glisséssuperficiels,- mobilisation essentiellement active,
trèsdouce.
A ce stade, un réveil de la phase chaude restetoujours
possible.
Un troisième stade de blocage complet estéventuellement décrit.
C'est celui notamment dela capsulite rétractile. A ce stade,
l'importancede la kinésithérapie n'est pas à démontrer.
Les formes étiologiques
20 à 30 % des algodystrophies ont une originepost-traumatique.
C'est dire combien la kinési-thérapie a tout lieu d'être suspectée
de facteur dé-clenchant, lorsque le syndrome s'installe au
coursd'un traitement rééducatif post-traumatique.
Cependant, plus de 40 % des algodystrophiessont de nature
crypto-génétique. Pour le reste,les causes sont très variées.
Quelques unes sont, à retenir:- tuberculo-statiques (izoniazide)
et neuro-séda-tifs (Phéno-barbital) ;- grossesse, accouchement,
césarienne;- infarctus du myocarde, péricardite (notam-ment
syndrome de Dressler) ;- hémiplégie;- zona et plaies nerveuses;-
diabète, 'en tant que terrain et non facteurdéclenchant.
Le trouble vasculaire
Tout se passe au niveau de l'unité fonction-nelle capillaire
(fig. 1).
Bellenger décrit deux phases:- phase d'orage vaso-moteur': la
vasodilatationartériolaire et l'ouverture des sphincters
pré-capillaires induisent un tableau paroxystiqued'allure
inflammatoire (fig. 2);- phase d'inondation de stase: la
capillaro-scopie retrouve une fermeture des sphincters etune
ouverture des anastomoses artério-vei-neuses. A l'oscillométrie,
l'hypersphygmied'amont confirme la fermeture des sphincters.
Dans un premier temps, les anastomosesjouent pleinement leur
rôle; puis elles se« veinulisent» et ne régulent plus rien.
Lasurcharge capillaro-veinulaire provoque un re-flux confirmé à
l'oxymétrie.
La sérotonine majore la surcharge par sonaction
veinulo-constrictive. L'œdème s'installe.Les bradykinines
influencent le tableau doulou-reux (fig. 3).
A ces deux phases, fait suite la transformationfibreuse:- le
réseau lymphatique draine ce qu'il peut.L'inertie
musculo-articulaire freine son action;- les macrophages dégradent
une partie desprotéines en excès;- les fibroblastes jouent
pleinement leur rôle etfabriquent du. collagène. Le blocage
articulaires'installe.
La théorie, communément admise de l'arcsympathique de Leriche,
s'inscrit dans laphase II du trouble vasculaire décrit
parBellenger, et n'explique pas la première phasede vasodilatation
de courte durée.
-
Ann. Kinésithér., 1987, t. 14, n° 9 415
5
4
3 t
La perturbation histologique
FIG. 1. - Unité fonctionnelle capillaire(Mer/en). A : Unité 1, B
: Unité 2, 1 :Artériole 2 : Boucle capillaire, 3 : Veinule,4:
Anastomose artério-veineuse, 5:Forma-tion glomique. ,
5 A ~~2
FIG. 2. - Vasodilatation de courtedurée (Crépin). 1 : Artériole,
2 :Boucle capillaire, 3 : Veinule, 4 :Anastomose artério-veineuse,
5 : Ré-seau lymphatique.
6 r-rc
FIG. 3. - Inondation de stase(Crépin). 1 : Artériole, 2 :Boucle
capillaire, 3 : Veinule.
T r r rLE TISSU CONJONCTIF CAPSULa-SYNOVIAL
Certains aspects de l'inondation échappent àla compréhension.
C'est le cas de la capsuliterétractile.
La membrane capsulo-synoviale (fig. 4) est untissu conjonctif
lâche, riche en collagène danssa fraction externe. Le conjonctif
s'appauvritprogressivement en collagène dans sa fractioninterne
pour laisser place à de nombreusesenclaves graisseuses. Cette
fraction interne estparsemée de quelques cellules de mucine.
Lacouche superficielle est bordée de synoviocytesdu groupe A et B.
Il n'existe pas de séparationanatomique entre les deux fractions.
La vascula-risation est assurée par deux réseaux:- un réseau
profond, assez pauvre situé auxconfins de la fraction capsulaire;-
un réseau superficiel, dense, situé sous lacouche de synoviocytes,
anastomosé avec lecercle vasculaire de Hunter.
Comment, avec une telle densité circulatoire,un orage vasomoteur
peut-il escamoter à cepoint la fraction synoviale? Ficat retrouve
unehypervascularisation synoviale sans trace defiltration
séro-plasmatique dans la cavité.
Certes, l'algodystrophie incite peu à la ponc-tion-biopsie
capsulo-synoviale. Neviaser rappellela pauvreté histologique:- taux
de mucine normal;
B
A
FIG. 4. - Membrane capsula-synoviale (Crépin). A :
Fractioncapsulaire, B : Fraction synoviale, C : Cavité articulaire,
1 :Enclave graisseuse, 2 : Cellule de Mucine, 3 : Réseau profond,4
: Réseau superficiel, 5 : Couche de synoviocytes, 6 :
Cerclevasculaire épiphysaire.
absence de migration leucocytaire;absence d'hyperplasie de la
couche bordante ;absence de dégraissage des enclaves grais-
seuses.Le derme, tissu conjonctif de revêtement
extrêmement vascularisé subit, lui, les effets dusyndrome
vaso-moteur à la main. Mais il reste,histologiquement un tissu de
soutien avec uncollagène dense. A moins que cette
protectionprivilégiée de la synoviale ne s'explique
parl'ultrastructure des capillaires synoviaux queDryll apparente à
ceux de la plèvre et dupéritoine et qui font de cette synoviale
uneséreuse, un tissu conjonctif spécialisé ayantperdu sa vocation
de soutien ou de revêtement.
-
416 Ann. Kinésithér., 1987, t. 14, n° 9
L'a1godystrophie serait propre au tissu desoutien; une des clés
de ce syndrome se situeraitau sein même de ce type de tissu. Il
faut noter,d'ailleurs, que la notion d'a1godystrophie «
réci-divante» n'est pas retrouvée comme si unepremière
a1godystrophie avait pouvoir « d'im-munisation » du tissu. Il est
permis de penser quela modification structurelle résiduelle d'une
a1go-dystrophie guérie, immunise le tissu; est-elle seuleen cause?
Quel rôle a le mastocyte musculaire?
LE TISSU OSSEUX
L'os est un conjonctif, constitué de fibrescollagènes (tissu
ostéoïde) sur lequel se fixe lecristal d'hydroxy-apatite. L'os est
aussi un« cristal liquide». L'a1godystrophie constitueun syndrome
radiologique dont la traduction estune ostéoporose différente dans
ses images del'ostéoporose d'immobilisation telle qu'elle
estdécrite par Albright (1940).
L'augmentation de l'hydroxypro1inurie et desphosphatases
alcalines urinaires traduisent l'ac-tivité ostéoclastique, mais ne
sont pas spécifi-ques. L'hyperfixation au Technetium 99 montrele
remaniement osseux.
Il est vraisemblable que la stase modifiel'image ostéoporotique
traditionnelle de ce cris-tal liquide. L'image ostéoporotique
constitue latraduction de certains des aspects physio-pathologiques
du syndrome a1godystrophique :- l'inertie muscu10-articu1aire :
absence de phé-nomènes piezo-é1ectriques au niveau de l'inter-face
collagène-cristal par abolition des tensionsmusculaires au niveau
de leurs insertions(Yasuda) ;- impotence fonctionnelle: la douleur
empêchela mise en charge. Yasuda rappelle que l'osdétient son
pouvoir ostéogénique à partir depotentiels é1ectro-négatifs induits
par compres-SIOn;- syndrome vasculaire: après l'orage vaso-moteur
l'on se trouve en présence d'un bas débitde perfusion avec hypoxie
et acidose régionale.La production d'ions H + est majorée par
ladissociation anaérobie 1aco-régiona1e d'acidelactique. Or, Basset
et Becker rappellent que l'osréagit au changement ionique du milieu
danslequel baigne le cristal et notamment en cas demodification de
la concentration d'ion H +. Le
remaniement osseux favorise d'avantage l'acti-vité
ostéoclastique que la reconstructionostéob1astique ;- enfin, au
cours de la régression du syndrome,le remaniement de la trame
organique peut gênerla minéralisation et expliquer les images
retrou-vées tardivement après la guérison.
LES TÉGUMENTS DE LA MAIN
Le stade II de Ravault est dominé parl'apparition des troubles
trophiques. A la main,le tableau clinique est le suivant:-
rétractions capsu10-ligamentaires et tendi-neuses ;-
pseudo-sclérodermie;- indurations nodulaires siégeant sur
l'aponé-vrose palmaire;- trouble des phanères.
C'est un tableau de « griffe neurotrophique »qui prend
volontiers l'allure d'une maladie deDupuytren (fig. 5).
La maladie de Dupuytren entre, à juste titre,dans le cadre des
formes frontières de l'a1godys-trophie. La différence essentielle
semble résiderdans le mode d'installation, un mode chroniquepour la
maladie, un mode aigu pour le syn-drome, et tient vraisemblablement
à la naturedu trouble initial.
FIG. 5. - Le .nodule rétractile (Crépin). 1 : Kératose, 2 :
Fibrosedermique, 3 : Dégraissage, 4 : Fibrose faciale, 5 : Traction
dudoigt, 6 : Épaississement fibreux.
-
La «griffe» de Dupuytren est retrouvéepour 40 à 50 % des cas
chez des comitiauxtraités par neuro-sédatifs.
Bénichou observe une maladie de Dupuytrendue à l'izoniazide.
La triade de Rueil et Touraine, polyfibroma-tose, prend l'allure
d'une forme extensive d'algo-dystrophie évoluant sur un mode
chronique.
Nous avons observé une maladie de Du-puytren homolatérale chez
une patiente présen-tant une hémiplégie; de même, une griffe
deDupuytren bilatérale chez une patiente de24 ans,
insulino-dépendante et suspectée dephéochromocytome en raison de
crises d'hyper-tension paroxystique. Le phéochromocytome n'apas été
retrouvé. Une symptomatologie trèsdiscrète des épaules évoquait un
syndromeépaule-main bilatéral. Il est possible qu'unehypertrophie
de la basale du capillaire « diabéti-que» modère le trouble
liquidien (Spiro). Lesyndrome est apparu après changement de lavoie
d'inoculation de l'insuline.
Si la maladie et le syndrome présentent unesymptomatologie
clinique analogue, la différen-ciation dans les modes
d'installation et d'évolu-tion semble résulter d'une perturbation
hydriqueinitiale différente, une anomalie de l'hydropexiepour
l'une, un orage vaso-moteur pour l'autre.
La reprise du génie évolutif de la maladie deDupuytren après
intervention peut corroborerle trouble hydropexique persistant.
Des études histo-pathologiques de Nezeloffportant sur la maladie
de Dupuytren montrent:- fibrose nodulaire;- kératose
superficielle;- dégraissage de la couche hypodermique.
Une adrénaline peut être mise en cause. D'unepart, les effets
bêta de l'adrénaline activent letriglycéride-lipase, lipolysant
l'adipocyte parfragmentation du triglycéride; d'autre
part,l'adrénaline diminue l'index mitométrique aucours du modelage
épidermique en exerçant sonaction sur les chalon es qui modifient
l'index dematuration des cellules malpighiennes, réalisantun
cartonnage du tissu épidermique.
On peut concevoir enfin son action sur lafibrose du conjonctif
par son influence directesur les sphincters pré-capillaires et donc
surl'inondation de stase.
Ann. Kinésithér., 1987, t. 14, n° 9 417
L'algodystrophie pourrait être aussi la consé-quence d'une
réponse «adrénalinique» parvoie sanguine à une action
«histaminique»,l'adrénaline étant une anti-histamine par
excel-lence. Notons que le mastocyte tissulaire ren-ferme de
l'histamine ainsi que d'autres média~teurs tels que l'héparine, des
bradykinines, dela sérotonine, chacun pouvant influencer, à
samanière, le tableau chimique du syndromealgodystrophique. La
théorie histaminique a étéévoquée en son temps par Sudeck, par
lesiondirecte du tissu. Cette théorie fut rejetée. Unethéorie
allergique de type 1 pourrait ré-actualiserle concept
histaminique.
Les grandes théories
Un grand nombre de théories ont été propo-sées. Il faut retenir
surtout :- théorie de l'inactivité (Trueta) : l'absence
detransmission des pressions au niveau de l'osprovoque son
atrophie. L'oedème serait lerésultat d'une interruption de la pompe
veino-lymphatique;- théorie de Sudeck : le tissu lésé libère
certainessubstances dont l'histamine. L'algodystrophieest la
conséquence d'un tableau post-traumati-que dont la réponse
physiologique persisterait ;- théorie de l'arc sympathique de
Leriche: uneépine irritative mettrait en jeu l'arc sympathiquequi
provoquerait la fermeture des sphincterspré-capillaires. Les
troubles obtenus seraient àleur tour perçus comme épine irritative,
expli-quant aussi la longue durée. de l'arc réflexe.Leriche
n'évoque pas la phase de vasodilatationde courte durée décrite par
Bellenger;- théorie de la sérotonine: son action fibrosanteet
veino-constrictive peut expliquer une partiedes troubles locaux.
Une action est évoquée parson influence sur le système central.
Discussion
Un grand nombre de traitements pharmaco-dynamiques ont pu
démontrer leur efficacité àdes degrés statistiquement variables,
allant dequelques % jusqu'à 50 et 60 % comme pourla
thyréo-calcitonine. Certains, comme les bêtabloquants, ont démontré
une action bienfaitrice
-
418 Ann. Kinésithér., 1987, t. 14, n° 9
à condition d'être prescrits très précocément.Cet effet des bêta
bloquants peut d'ailleurscorroborer la théorie de l'arc sympathique
deLeriche.
Parmi les autres médications, on peut citer :- la méthylsergide
(anti-sérotonique);- la griséofulvine;- la procaïnisation stellaire
(tombée en désué-tude en raison de certains risques);- le bloc à la
guanétidine.
Cette variation constatée dans les résultatsthérapeutiques
laisse à penser que ces différentesthérapeutiques agissent au
niveau de l'un desmaillons de la réaction en chaîne et non pas
surle primum movens. Quant à l'extrême prudenceimposée au
kinésithérapeute pendant la phase« chaude », elle rend suspecte
l'efficacité de lakinésithérapie. La phase séquellaire
d'impotencefonctionnelle tire, bien sûr, un réel bénéfice
dutraitement rééducatif.
La théorie la plus communément admise restecelle de l'arc
sympathique de Leriche.
Cette théorie cadre, cependant, assez mal aveccertaines
circonstances :- Schiano rapporte dans sa monographie des
casd'algodystrophie après sympathectomie lom-baire ou encore
accompagnée d'un syndrome deClaude Bernard-Homer;- la longue durée
de l'arc réflexe sympathique;- le mécanisme retard d'apparition du
syn-drome vis-à-vis de la cause déc1enchante; àmoins qu'il ne
faille considérer l'arc sympathi-que comme une bouée de sauvetage à
uneréaction physiologique qui ne se fait pas, maisil ne rend pas
compte de la première phase devasodilatation de courte durée
décrite parBellenger;- les algodystrophies crypto-génétiques ; sauf
sil'on admet qu'il puisse y avoir une lésion minimepassée
inaperçue;- l' « effet de sympathectomie» retrouvé àl'irrigraphie
dans le cadre d'une neuropathiediabétique;- la grande rareté chez
l'enfant.
A propos des formes métaboliques, il fautnoter que le sevrage
d'izoniazide ou de phéno-barbital favorise la régression des
symptômes.Ces substances dont la: toxicité est connue,ont-elles une
action directe irritative sur les
tissus concernés par l'algodystrophie? ou dansle cadre d'une
allergie de type I?
Chez la femme épileptique, prenant du phéno-barbital, on peut
rencontrer volontiers unphénomène de Dupuytren bilatéral. Mais
noussavons aussi que l'excitation de certaines régionsdu cerveau
augmente la polymérisation auniveau de la substance fondamentale.
On ne peutdans ce cas, mettre en cause systématiquementle
neuro-sédatif.
Nous avons, d'ailleurs, cité le cas d'unhémiplégique spastique
présentant un phéno-mène de Dupuytren homolatéral.
Enfin, l'algodystrophie trouve ses anomaliessur le terrain :- la
grande rareté des tableaux décrits chezl'enfant. Ceci nous
inciterait à faire appel à unenotion de susceptibilité acquise et
non pasconstitutionnelle au sein du tissu mésenchyma-teux ; en
somme, une maladie de l'idiosyncrasiepar désorganisation dans le
temps de l'anatomieou de la physiologie du tissu conjonctif. A
moinsqu'il ne faille mettre cela sur le compte de lagrande activité
de croissance de tissus (cartilagede croissance, etc.), à cette
période;- le terrain des neurotoniqùes, hyper-émotifs,anxieux,
voire névrosés, est propice à l'algodys-rophie. Cependant, tous les
dysneurotoniques nefont pas une algodystrophie, peut-être en
raisond'une susceptibilité qui n'est pas acquise.
Enfin,l'algodystrophie est réputée avoisinant la dys-neurotonie
pour 40 à 50 % des cas seulement.Notons que le tissu concerné par
le syndromealgodystrophique appartient au mésoderme;qu'il est en
contact avec le système réticulo-endothélial dont font partie les
ganglions lympa-thiques et certaines cellules hépatiques. Cesystème
constitue le canal d'afférences deshémohistioblastes, et joue un
rôle dansl'immuno-allergie.- la notion de récidive : en effet, la
notion derécidive n'est pas reconnue. Cette particularitése
présente comme si une algodystrophie « dé-sensibiliserait» le
terrain. Il est tout à faitpermis de penser qu'une modification à
longterme du tissu conjonctif concerné, à type defibrose
résiduelle, puisse entraver une nouvelleinondation liquidienne au
sein de la substancefondamentale, en raison de sa modification
de
-
structure, mais peut-être aussi en raison d'unemodification dans
sa relation avec le systèmeréticulo-endothélial.
Dans notre série, nous avons pu extraire deuxparamètres rarement
invoqués dans la littérature:- l'augmentation constante dans notre
série, desGamma GT; le bilan médical ne retrouve pasd'imprégnation
exogène, ni autre trouble du foie.Si le squelette appendiculaire
constitue 1'« or-gane de choc » algodystrophique, il semble
qu'ilpuisse exister une réaction à minima jusqu'auréservoir
hépato-splanchnique. Le stress exerceune action par l'intermédiaire
des voies neurové-gétatives sur le réseau vasculaire, mais aussi
uneaction indirecte sur la médullo-surrénale et surla
cortico-surrénale mettant en jeu d'autresfacteurs hormonaux comme
l'aldostérone ouencore l'androstérone, pour laquelle on peutmettre
en parallèle la période d'activité gonadi-que parfois évoquée dans
la littérature.
Ce stress, par l'intermédiaire de l'hypophysepeut aussi mettre
en jeu d'autres fonctionshormonales (thyroïde, etc.). On peut
compren-dre que de petits désordres hormonaux passésinaperçus
puissent majorer à la faveur d'unemultiplicité de circonstances, un
trouble liqui-dien « initial » favorisant le processus;- la grande
fréquence de terrains allergisés, lesallergènes invoqués étant très
variés (iode,pénicilline, etc.);- les sujets migraineux.
Ces circonstances inciteraient volontiers àremettre à l'honneur
l'hypothèse «histamini-que» de Sudeck, où l'algodystrophie
seraitperçue comme une réaction en chaîne, à pointde départ
histaminique, sur des terrains, soitsensibilisés à réagir à
l'histamine, soit hyper-émotifs et usant communément des
déchargesd'adrénaline dans la voie sanguine à partir destissus
chromaffines (tissus aberrants ou médullo-surrénale), cette
histamine étant libérée sur unmode allergique de type 1.
Au TOTAL
Une première phase de vasodilatation decourte durée, de « type
histaminique».
Une deuxième phase d'inondation par ferme-ture des sphincters,
de type « adrénalinique ».
Ann. Kinésithér., 1987, t. 14, nO 9 419
Conclusion
Ne fait pas une algodystrophie qui veut.L'algodystrophie
pourrait être perçue comme
la résultante inévitable d'un ensemble de facteurstissulaires,
métaboliques, hormonaux, nerveuxdéclenchant une « réaction en
chaîne » outre-passant les défenses physiologiques simples chezdes
sujets sensibilisés à réagir violemment,syndrome de l'idiosyncrasie
par susceptibilitéacquise, mais aussi un syndrome
hyperpathique.
Un syndrome dont le primum movens seraitl'allergie de type 1,
trouvant prédilection sur desterrains perturbés dans leur rapport
des pres-sions hydriques au sein de l'interface intersti-tium-unité
capillaire. La nature de cette pertur-bation influencerait le
tableau clinique :- une forme aiguë telle syndrome épaule-main;-
une forme sub-aiguë rencontrée volontierschez le diabétique;- une
forme sourde, de longue durée, tel quele phénomène de Dupuytren,
révoquant du pointde vue nosologique, le terme d'algodystrophie.Ces
perturbations du rapport de pressionspeuvent se rencontrer dans de
nombreusescirconstances :
1. extra-vasation traumatique,2. immobilisation prolongée,3.
oedème post-traumatique (surtout en phase
d'irréversibilité de nuit),4. hypertension artérielle
paroxystique,5. insuffisance veineuse fonctionnelle parié-
tale dans le cadre de grossesse,6. troubles de l'hydropexie :
hydrolyse en-
zymatique excessive (hyaluronidase), anomaliedu métabolisme des
protéines (l'izoniazide estune anti-vitamine B6) majorant la
pressiononchotique,
7. oedème de revascularisation après chirurgierestauratrice ou
hyperhémiante,
8. effet de sympathectomie au décours d'uneneuropathie,
9. phase nerveuse.
La liste n'est pas limitative.Au sein de la substance
fondamentale,
l'hyperpression pourrait favoriser l'extrusion dumastocyte
tissulaire, libérant aussi de l'héparine,des bradykinines (majorant
le tableau doulou-reux), des sérotonines dont l'action veinulo-
-
420 Ann. Kin ésithér., 1987, t. 14, nO 9
constrictive favoriserait le sludge par hémo-retournement.
Au total, un trouble local de la répartitionliquidienne
contrôlée par une défense excessiveet majorant le tableau
histo-angéique.
Un système en circuit fermé
facteurs de risque connus doit inciter à uncomportement de
prévention.
Prévenir le risque
La kinésithérapie face au syndrome
Majoration du trouble liquidien
L'algodystrophie est une entité symptomati-que.
Les nombreuses étiologies possibles d'untrouble liquidien
initial pourraient corroborer lagrande difficulté à définir un mode
physio-pathogénique commun dont l'unité pourrait êtrel'allergie de
type I. Les différentes formessymptomatiques, les différents modes
d'évolu-tion, la variabilité des effets thérapeutiquesseraient le
reflet du modus vivendi de ce troubleinitial.
Notre propos n'est pas de sérier les différentestechniques
propres à lever une impotencefonctionnelle consécutive aux
séquelles trophi-ques d'une algodystrophie «guérie»' ou enpériode
de régression. Elles sont classiques etont prouvé leur efficacité:
techniques de Kabat,Mennell, Niederhoffer, Codman, etc.
Le stade « chaud» du syndrome est tradi-tionnellement
contre-indiqué. La masso-kinési-thérapie doit pouvoir constituer un
adjuvantthérapeutique utile et légitimisé par sa vocationd'aborder
des téguments, dans la mesure où lechoix de nos techniques est
fondé exclusivementsur le trouble liquidien «initial» et sur
laperturbation histo-angéique.
Enfin, l'expérience en traumatologie notam-ment, laisse à penser
qu'une kinésithérapie maladaptée ou insuffisamment contrôlée peut
consti-tuer l'épine irritative d'un syndrome qui n'estpas forcément
inéluctable. Une meilleureconnaissance du terrain, une recherche
des
Même si le syndrome apparaît encore enraison des incertitudes
physiopathologiquescomme une complication fataliste, les
différentesthéories proposées doivent nous inciter à uncomportement
de prévention.
Ceci nécessite, avant chaque traitement kinési-thérapique, une
compréhension élargie du ter-rain où la multiplicité de certains
paramètrespeut constituer un haut risque, sans
caractèreinéluctable, mais qu'il est inutile de défier :- passé
algodystrophique;- diabète;- épilepsie;- dysneurotonie,
hyper-émotivité, anxiété, étatnévrotique;- terrain allergisé et
migraineux chronique;- médications à risque (izoniazide,
phénobarbi-tal, etc.);- hypertensions paroxystiques;- insuffisances
veineuses fonctionnelles, consti-tutionnelles ou secondaires;- les
œdèmes, leur étiologie;- les formes frontières : maladie de
Raynaud,maladie de Dupuytren.
Il semble que le risque soit minimisé, dansla mesure où ces
états constituent déjà une forme« chronique» de l'algodystrophie.
Une kinési-thérapie intempestive à ce niveau peut, cepen-dant,
stimuler l'évolutivité de ces maladies. C'estle cas, notamment,
d'une maladie de Dupuytrenopérée dont le génie malin peut
volontiersreprendre son cours, en démontrant par là, cetaspect
d'algodystrophie chronique.
Il reste aussi vrai qu'il. faille contrôler lesperturbations
circulatoires secondaires :- masso-kinésithérapie des stases
circulatoires,résultant des immobilisations prolongées;- traiter
les œdèmes post-traumatiques dansleur phase de réversibilité avant
de rééduquerles fonctions musculo-articulaires;- user des
contentions élastiques ou mixtes.
Enfin, nous pensons que des gestes précipités,en raison de leur
caractère routinier doivent faire
perturbationshisto-angéiques
Trouble
liquidieninitial __ réponse --
-
l'objet d'attention toute particulière quelque soitla
susceptibilité du terrain :- le premier lever: il peut déclencher
tradition-nellement des phénomènes orthostatiques ac-compagnés
d'acouphènes. Cependant, ils peu-vent introduire en distal des
hyperhémiesréactionnelles ou encore des surcharges
capil-laro-veinulaires par incontinence valvulaire surhypotonie
pariétale veineuse;- préparations aux renforcements
musculaires:chez l'animal, l'appareil vasculaire est assujettià la
régulation du tonus vasoconstricteur, maisaussi à des voies
para-sympathiques tout à faitefficaces afin de répondre
spontanément à dessituations d'« alerte biologique» propres
àl'animal.
Chez l'homme, les blocs endartériolairesmusculaires sont surtout
assujettis aux métabo-lites locaux. Au début de l'effort
musculaire,l'apport sanguin supplémentaire est assuré parla
métacinésie.
Les manœuvres de massage provoquent surle tissu de revêtement
une vaso-dilatation dontl'origine est encore mal connue (réflexe
anti-dromique d'axone, libération d'histamine, trans-duction
d'énergie, etc.) et favorisent la métaciné-sie. Au cours du
renforcement musculaire, lesmétabolites ainsi créés vont ouvrir les
blocsendartériolaires et augmenter la circulationlocale. Il paraît,
en outre, nécessaire de respecterles séries d'échauffements
spécifiques au proto-cole du renforcement;- le réseau lymphatique
naît de l'interstitium.Son hydrodynamique est assujettie aux
pressionslocales. Le réseau lymphatique est très sensibleaux trop
fortes pressions. Au cours du traite-ment des œdèmes, il est
préférable de réserverles manœuvres de friction-fragmentation et
demassé-roulé aux œdèmes organisés, dits en phased'«
irréversibilité de nuit ».
Kinésithérapie du trouble histo-angéique
Au cours de la phase «chaude», notreaction porte exclusivement
sur le trouble histo-angéique. Il semble que vouloir agir sur
l'impo-tence fonctionnelle constitue un leurre, sinon
Ann. Kinésithér., 1987, t. 14, n° 9 421
une épine irritative supplémentaire pouvantmajorer le « trouble
liquidien initial ».
Notre protocole présente 3 directions- drainage lymphatique;-
action vasomotrice spécifique;- stimulation ostéogénique.
DRAINAGE LYMPHATIQUE
Le drainage lymphatique peut être réalisé soitau moyen de
techniques manuelles, soit aumoyen d'appareils de
physiothérapie.
Le drainage lymphatique manuel (DLM)selon la méthode de Leduc
constitue la techni-que de choix de par son absence
d'agressivitévis-à-vis des tissus concernés.
Les manœuvres d'effleurage décrites par Mer-len et Joseph ont
une action bienfaitrice analo-gue. La notion d'effleurage doit être
parfaite-ment distinguée de la notion de glissé superficiel.
La pressothérapie pneumatique intermittentepermet le drainage
lymphatique. Les pressionsutilisées ne doivent pas dépasser 60
mmHg.Selon Leduc son efficacité est assujettie à untemps
d'application suffisamment long.
Nous avons pu utiliser la stimulation élec-trique de la pompe
veinolymphatique au moyendu Rythmalgim (groupe delta). En fin
d'applica-tion (vingt minutes), la résorption est visible.
Ces différentes techniques sont réalisées enposition déclive. La
position déclive de nuit estd'ailleurs conseillée au patient; de
même quele port d'un bas de contention lorsque l'algodys-trop hie
siège au membre inférieur.
ACTION VASOMOTRICE
Différentes modalités sont offertes
Au niveau du membre supérieur, nous utili-sons essentiellement
le massage vibratoire duganglion stellaire (fig. 6).
La vibration est réalisée au moyen du vibreurDétéctherapic
(Bersac) (fig. 7), la fréquence estde 60 Herz; l'efficacité est
contrôlée paroscillométrie au niveau du bras; l'effet maximalest
obtenu au bout de 15minutes. En raison d'uncertain statisme imposé
au patient, la posologieest de deux fois 10 minutes entre-coupées
d'une
-
422 Ann. Kinésithér., 1987, t. 14, n° 9
A
C7
01
c
FIG. 6. - Situation anatomique du ganglion stellaire
(Profil).
détente de 5 minutes. Le rythme des séances estjournalier. La
projection cutanée du ganglionstellaire est repérée à deux travers
de doigt surle côté de l'épineuse C7 en direction du
dômepleural.
L'abord du ganglion est donc postérieur. Levibreur est appliqué
sur la projection cutanéesans aucune pression manuelle.
Une contre-indication ou plutôt une non-indication de cette
méthode est la transversomé-galie de C7 qui fait obstacle à la
dispersion del'onde vibratoire. Dans notre expérience dumassage
vibratoire du ganglion stellaire, uneradiographie ancienne a
confirmé l'existenced'une transversomégalie ; le cas était unique.
Cemassage nous a rendu de grands services dansdes cas de capsulite
au stade aigu, avec desrésultats exceptionnels.
Les résultats ont été tout aussi spectaculaireslorsque nous
avons appliqué cette méthode surdes P.S.H., des fractures du
poignet ou du coude.
L'ultrasonothérapie exerce une action identi-que sur le ganglion
stellaire. De Bischop proposeune puissance de 1 W/cm2• La voie
d'abord estantérieure.
L'ultrasonothérapie peut être appliquée loca-lement en mode
continu sur le foyer algodystro-phique. De par ses effets
vaso-moteurs, antalgi-ques et «anti-inflammatoires», elle
peutconstituer un excellent adjuvant.
r-<5mm
FIG.7. - Vibreur ponctiforme. Modèle Détecthérapic (J.
Bersac).
En matière de iontophorèse, l'ionisation localed'iodure de
potassium exerce une action vas-culaire et fibrolytique.
La réflexothérapie invoque une action directesur l'équilibre
neurovégétatif. Nous n'en avonspas l'expérience. La littérature
reste pauvrequant à ses effets objectifs.
STIMULATION OSTÉOGÉNIQUE
Le troisième volet de notre démarche vis-à-visdu syndrome en
phase « aiguë» porte sur letissu osseux.
La stase des courants ioniques locaux etl'absence de contraintes
résultant de l'inertiemusculo-articulaire modifient l'image
osseuse.
Nous utilisons les tensions isométriques. Lebut est d'obtenir
des phénomènes piézo-élec-triques sur l'interface tissu
ostéoïde/cristald'Hydroxy-apatite ainsi qu'un effet de
pompeveino-Iymphatique afin d'accélérer les courants.Du point de
vue méthodologique, nous respec-tQns quelques principes :-
recherche de stimulation et non pas derenforcement;- résistances
manuelles;- prises larges: en effet, l'algodystrophie est
plussensible aux pressions au niveau des métaphysesplutôt qu'aux
articulations;- application des résistances en charge progres-sive,
en décharge progressive;- rythme lent, de type veino-Iymphatique;-
réalisés dans la position antalgique, sponta-née;- respect de la
non douleur.
-
A ces tensions isométriques, nous associonsvolontiers des
manœuvres rythmiques encompression dans l'axe osseux, notamment
pourles algodystrophies de la main. Ces manœuvresont pour but
d'induire des potentiels d'ostéogé-nèse, mais aussi de favoriser
l'imbibition cartila-gineuse par effet de pompe sur des
articulationssouvent inertes. Il nous est difficile de
quantifierles compressions qui permettent d'induire réelle-ment ces
potentiels; l'utilisation de ce geste estmotivée par le concept
physiologique de l'ostéo-génèse, mais reste assujettie au facteur
douleur.
Au niveau du membre inférieur, la balnéothé-rapie chaude exerce
des effets analogues grâceà une mise en charge et une
déambulationfacilitées par le principe d'Archimède. Sonaction porte
donc autant dans la prévention quedans le traitement, permettant
une mise encharge précoce sur des ostéosynthèses nécessi-tant un
alitement de longue durée.
En outre, la pression hydrostatique exerce uneffet de contention
veino-Iymphatique et d'auto-massage lors de la déambulation.
Le principe hydro-cinétique permet un renfor-cement des
différents groupes musculaires.
Enfin, la balnéothérapie chaude permet unevaso-dilatation
locorégionale par son actionthermogénique. Une eau trop chaude
risque,cependant, d'aboutir à une vaso-dilatation tropimportante
dans le système artériolaire, unehypotonie veineuse et de majorer
ainsi lasurcharge liquidienne.
Une eau très (trop?) chaude pourra, néan-moins, être utilisée
sous forme de doucheslocales.
Les bains écossais sont généralement rap-portés dans la
littérature. Dans notre expérience,leurs effets se sont toujours
révélés néfastes voiredésastreux. Il semble, pour notre part, que
desphénomènes vaso-moteurs « à bascule» provo-qués de manière
répétitive, cadrent mal avec lesconcepts physio-pathogéniques
connus de l'algo-dystrophie ainsi qu'avec leur caractère
hyper-pathique. Nous les avons donc contre-indiqués.
Toute notre action au cours de ce stade 1 apour effet
d'influencer le drainage des liquidessans aucune autre forme
d'action, notammentportant sur un éventuel gain
d'amplitudesarticulaires. Les limitations du stade II résultent
Ann. Kinésithér., 1987, t. 14, n° 9 423
plus de l'épaississement fibreux des tissus desoutien ou de
revêtement, consécutif à latransformation des protéines en excès
que derétractions musculo-tendineuses vraies. Notreaction
privilégie donc le drainage de ces molé-cules. Nous laissons au
patient le rôle d'assurerspontanément le gain d'amplitude
articulaire (ouson entretien) dans les limites de sa
non-douleur.Dans le cas d'une balnéothérapie associée,
nousaccordons au patient une déambulation libre detoute contrainte
kinésithérapique.
Lors de la phase de « refroidissement », nouspoursuivons les
tensions isométriques des diffé-rents appareils musculaires. Alors
qu'au stadechaud, elles étaient réalisées en position antalgi-que
spontanée, ici, elles sont e.ffectuées dansdifférents secteurs
d'amplitude articulaire. Notreaction de drainage est poursuivie
intensivementen couverture : c'est notamment le cas dumassage
vibratoire du ganglion stellaire quenous utilisons dans les cas de
capsulite, mêmeau stade rétractile, ou le syndrome épaule-main.
Les positions déclives de nuit restentconseillées.
Conclusion
Dans notre conception du trouble liquidieninitial, le protocole
que nous appliquons ne faitpas de miracle. Cependant, nous pensons
qu'ilpermet d'influencer l'évolution du syndrome,quant à
l'importance des troubles trophiques quivont suivre.
Il ne peut modifier la longueur dans le tempsdu stade chaud dans
la mesure où il dépend dela nature du trouble liquidien initial qui
vadéclencher la réaction en chaîne.
Notre conclusion sera celle d'une patienteayant présenté une
algodystrophie du pied aprèsfracture diaphysaire fémorale basse
traitée parplaque-vis, il y a deux ans. Actuellement,
lasymptomatologie clinique est toujours celle d'unstade 1 que nous
traitons par drainage etbalnéothérapie déambulatoire.
Les amplitudes articulaires sont conservées.Chez cette patiente,
le moindre choc d'originedomestique entretient le processus.
-
Il
424 Ann. Kinésithér., 1987, t. 14, n° 9
Le terrain général est complexediabète traité par sulfamides
hypoglycé-
miants ;migraines quasi-permanentes;
- un choc allergique à l'iode;- œdème de Quincke et urticaire à
lapénicilline;- une réaction allergique à
l'anesthésiquedentaire;
sensibilisation au nylon;- thyroïdectomie, il y a dix ans.
Actuellement, il existe une symptomatologieà type de
dysesthésies sur la face externe de lacuisse, témoignant le rejet
du matérielostéosynthétique.
Un tableau d'algodystrophie, donc, «traî-nante » et presque
caricaturale dans lequel untrouble liquidien initial mettrait en
jeu toutes
les connections avec le système réticulo-endothé-liaI, le
facteur étiologique étant l'ostéosynthèse.
Références
1. EISENGER, SCHIANO, ACQUAVlV A. - Les
algodystrophies,Laboratoire Amour-Montagu, 1982.
2. MERLEN J.-F. - Circulation veineuse périphérique.
Sandoz,Édition, pp. 47-48.
3. CRÉPIN G. - La maladie de Dupuytren, une algodystro-phie?
Cah. Kinésithér., 1984, 107, pp. 59-67.
4. RYCKEWAERT A. - Maladies des os et des articulations.Éditions
Baillère, 1970, pp. 489-502, pp. 872-877.
5. MASSET, BECKER. - Generation of electric potentiels inbone in
report to mcchanical stress. Sciences, 1962, 137,1064-1069.
6. LEDUC A., THEYS S. - Traitement physique de l'œdème dumembre
inférieur. Imprimeries Gilles, pp. 44-48.
7. DE BISCHOP, DUMOULIN J. - Applications des ultra-sons enpoint
fixe. FMT médical, nO 8, septembre 1983, p. 60.