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CHAPITRE XVI
LE CONTENTIEUX D’ASSIETTE DE L’IR
« Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition
des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. »
MONTESQUIEU
On entend par contentieux judiciaire le mode de règlement des
litiges devant les tribunaux, qu’ils soient de l’ordre administratif ou de
l’ordre judiciaire. Pour des raisons historiques, et contrairement à la plus
élémentaire logique, le contentieux de l’impôt au sens large se répartit
de manière subtile entre la juridiction administrative ( TA, CAA et CE)
et la juridiction judiciaire (TGI, CA, Cour de cassation). La Révolution
avait en effet confié le contentieux de l’impôt aux juridictions judi-
ciaires. Au moment de l’instauration de l’ordre administratif et de l’acte
de renaissance du CE le 22 frimaire an VIII (13 décembre 1799), les
tribunaux judiciaires – gardiens de la propriété et des libertés indivi-
duelles – sont restés compétents pour les impôts indirects, la juridiction
administrative récupérant le contentieux des seuls impôts directs. La loi
du 28 pluviose an VIII a consacré la division du contentieux de l’impôt
entre les deux ordres.
La répartition des compétences entre les deux ordres est donc
parfois très byzantine. Ainsi le juge administratif traite les contestations
y compris celles présentées sous forme d’inscription de faux, portant
sur les documents postaux relatifs à l’acheminement du courrier dans
le cadre d’une procédure administrative ou d’une procédure devant la
juridiction administrative car la loi du 2 juillet 1990 sur la Poste donne
compétence aux juridictions judiciaires pour les litiges avec la poste à
l’exception de ceux qui relèvent par leur nature de la juridiction admi-
nistrative (arrêt du CE PUCCI du 30 novembre 2007.
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On sait que, pour trancher lorsqu’aucune des deux juridictions ne
s’estime compétente (conflit négatif) ou lorsqu’elles s’estiment toutes
deux compétentes (conflit positif), a été instauré un tribunal des conflits
composé à parité de membres de la Cour de cassation et du Conseil
l’État qui décide laquelle des deux juridictions doit juger l’affaire (en
cas d’égalité parfaite pour l’une ou l’autre des juridictions, c’est le garde
des sceaux qui tranche). À titre indicatif, dans sa décision RADEISEN
du 22 octobre 2002, le Tribunal des conflits a estimé que l’action
d’un contribuable mettant en cause personnellement un comptable
du Trésor pour une faute détachable du service devait être tranchée
par la juridiction judiciaire. La jurisprudence du Tribunal des conflits
est parfois très byzantine, mais il faut préciser que la responsabilité en
revient au législateur : à titre indicatif dans son arrêt du 3 juillet 2000
(n° 3192 MAGNIES / DRI du Nord), le TC attribue le contentieux
relatif au « supplément de CSG sur le revenu du patrimoine assise sur la
réalisation de plus-values mobilières de l’article 160 du CGI et soumises
à l’IR au taux proportionnel » à la juridiction administrative, alors que le
CE dans sa décision MEGGLE du 28 avril 2000 (n° 216459) attribue
au juge judiciaire les litiges relatifs aux prélèvements opérés au titre de
la CSG sur les revenus d’activité et de remplacement et au juge adminis-
tratif ceux relatifs à la CSG sur les revenus du patrimoine »…
Ce chapitre ne traite que du contentieux judiciaire de l’IR à l’excep-
tion du contentieux du recouvrement, qui fait l’objet d’une analyse
détaillée à la fin du Chapitre XII. Le paiement de l’IR.
Outre qu’elle respecte les grands principes d’un État de droit (comme
le souci du contradictoire ou la collégialité, sauf modifications liées à la
loi du 8 février 1995 qui a prévu un juge unique dans certaines affaires),
la procédure devant les tribunaux administratifs présente certaines
spécificités : c’est une procédure écrite, elle a un caractère inquisitorial,
en outre elle privilégie le fond sur la forme. C’est un contentieux long
et par étapes qui nécessite de suivre régulièrement la vie de l’affaire, de
vérifier que les moyens soulevés devant un tribunal sont bien repris en
appel, etc. On conseillera au plaideur de mettre en avant les moyens
les plus forts. Le contribuable qui attaque le fisc devant la justice doit se
préparer à un marathon.
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1. LE CONTENTIEUX CIVIL.
Le contentieux de l’IR est confié à la juridiction administrative. Tous
contentieux confondus, le CE traite grosso modo 10 000 affaires par an
(9 000 en éliminant les séries et les affaires réglées par ordonnance du
Président de la section du contentieux), les TA 195 000 et les CAA
30 000. Le contentieux fiscal représente 20 800 affaires devant les TA
en 2014 (soit environ 10 %), et 4 000 devant le CAA le CE. Pour ce
qui est du contentieux fiscal devant la juridiction judiciaire, on compte
680 affaires devant les TGI, 200 devant les cours d’appels et 40 devant
la Cour de cassation. Une amélioration du délai de jugement reste un
objectif car le délai moyen constaté des contentieux fiscaux est, en
2007, de 2 ans 4 mois et 27 jours pour l’ensemble des affaires.
1.1. Les tribunaux français qui tranchent le contentieux civil de l’IR.
Une importante réforme du contentieux administratif est apparue
avec la loi du 31 décembre 1987 applicable à compter du 1er janvier 1989.
La principale nouveauté réside dans la création d’un nouvel échelon
juridictionnel : les Cours administratives d’appel.
Le Code des tribunaux administratifs a, à cette occasion, changé
de nom et s’intitule désormais « Code des tribunaux administratifs et
des cours administratives d’appel ». Enfin, cette loi a institué, en son
article 12, une nouvelle procédure d’avis (voir Chapitre II. Le cadre juri-
dique de l’IR). Le rapport public 2012 du Conseil d’État (activité juridic-
tionnelle et consultative des juridictions administratives) le contentieux
fiscal représente environ 12 % des affaires enregistrées soit un millier.
1.2. En première instance : les tribunaux administratifs.
On dénombre en France 42 tribunaux administratifs (31 en
Métropole et 11 dans les DOM-TOM).
Les TA situés en métropole sont : Amiens, Bastia, Besançon,
Bordeaux, Caen, Cergy-Pontoise, Châlons-en-Champagne, Clermont-
Ferrand, Dijon, Grenoble, Lille, Limoges, Lyon, Marseille, Melun,
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Montpellier, Montreuil, Nancy, Nantes, Nice, Nîmes, Orléans, Paris,
Pau, Poitiers, Rennes, Rouen, Strasbourg, Toulon, Toulouse, Versailles.
Les TA situés dans les DOM-TOM sont : Basse-Terre, Cayenne, Fort de
France, Mamoudzou (Mayotte), Mata-Utu (Wallis-et-Futuna), Nouméa,
Papeete, Saint-Barthélemy, Saint-Denis de la Réunion, Saint-Martin,
Saint-Pierre (Saint-Pierre-et-Miquelon), Schoelcher (Martinique).
Chaque TA métropolitain possède de deux à sept chambres.
La procédure y est gratuite et écrite (pas de plaidoirie et tout se fait
par échange de mémoires). Le contribuable n’est pas obligé de passer
par un avocat.
Ces tribunaux ont enregistré en 2012, 190 000 affaires nouvelles.
1.3. En appel : les cours administratives d’appel.
Les Cours administratives d’appel sont au nombre de 8 situées à
Bordeaux, Douai, Lyon, Nancy, Nantes, Marseille, Paris et Versailles.
En appel, comme devant le CE, il faut faire appel à un avocat.
Ces CAA ont traité environ 30 000 affaires en 2012.
1.4. En cassation : le Conseil l’État.
Le CE est le juge de cassation de la juridiction administrative, il
a le pouvoir de régler l’affaire au fond en application de l’article 11,
deuxième alinéa, de la loi du 31 décembre 1987. Dans ce cas, il reprend
les techniques du juge d’appel et examine les éléments de fait. On
compte environ 200 magistrats en activité au CE qui examine environ
11 000 affaires par an dont 1 500 de contentieux fiscal.
2. LES ÉTAPES DU PROCÈS ADMINISTRATIF.
Après l’échec de la procédure administrative (voir la fin du
Chapitre XIV. Les garanties des contribuables), le contribuable n’a plus qu’à
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CHAPITRE XVI : LE CONTENTIEUX D’ASSIETTE DE L’IR 465
porter son litige en matière d’IR devant les tribunaux administratifs. La
réclamation préalable est impérative avant le recours.
Toutefois, avant même la saisine du TA, le contribuable peut saisir la
Commission départementale des impôts pour avis (voir Chapitre XIV.
Les garanties des contribuables). Sur près de 5 millions de réclamations
adressées chaque année aux services fiscaux, on ne compte que
18 000 recours contentieux (soit 10 % des requêtes devant les TA). En
moyenne le juge donne raison à l’Administration dans 80 % des cas et
la procédure peut être longue : si la plupart des affaires sont traitées en
deux ans, la palme de la durée revient sans doute à l’affaire Consorts
LE COAT DE KERVEGUEN, puisque l’arrêt du CE qui l’a tranchée
définitivement, le 8 septembre 1999, a été rendu 40 ans après les faits
(le montant de la décharge d’impôt fut de plus de 5 millions €).
Concernant le contentieux fiscal, le délai moyen de jugement devant
un TA est de 3 ans (avec de fortes disparités, plus de 5 ans à Paris
et moins de 2 ans à Versailles), le délai moyen de jugement devant
une CAA est de 2 ans, sur 20 000 affaires traitées en 2007, 18 540
étaient susceptibles d’appel, le taux d’appel s’élève à 23 % et le taux de
pourvoi en cassation sur appel s’élève à 20 %, le CE traitant environ
1 300 affaires fiscales par an.
2.1. La saisine du tribunal.
2.1.1. Les délais de saisine.
La saisine du tribunal doit se faire dans les deux mois qui suivent
la notification par les services fiscaux du rejet total ou partiel de la
réclamation du contribuable. Sur ce point, le CE a jugé dans son arrêt
GUERIN du 8 février 1999 que le contribuable qui a reçu notification,
le 1er octobre 1988, du rejet par l’administration de sa réclamation, et
qui a produit devant le tribunal l’accusé de réception du pli recom-
mandé posté par lui le 29 novembre 1988 à destination de ce tribunal,
qui ne l’a reçu que le 13 décembre 1988, avait bien respecté le délai
prévu par l’article R.199-1 du LPF. En revanche, il a estimé qu’une CAA
qui avait rejeté une requête postée le vendredi 3 mars alors que le délai
d’appel expirait le lundi 6 mars à minuit, avait souverainement apprécié
les faits. Devant une CCA, la recevabilité de la requête s’apprécie au
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regard de la date de son enregistrement au greffe et non de celle de
sa remise à la Poste, selon l’arrêt CE du 1er mars 2000, JOLIVET. Dans
cette espèce, le délai de recours expirait le dimanche 2 octobre et donc
était automatiquement reporté au lendemain. Le délai normal d’ache-
minement d’un pli étant de 48 H, la requête a été postée à BOURGES
le 30 septembre et n’est parvenue que le 4 octobre, n’a pas fait l’objet
d’un retard anormal.
Morale de ces histoires : on n’attendra pas le dernier moment pour
déposer sa requête.
2.1.2. La forme de la saisine.
Elle se fait par une requête introductive d’instance (sur papier
timbré) au greffe du TA du siège du CDI, en quatre exemplaires, accom-
pagnée de l’avis de la décision de rejet de la réclamation émanant du
directeur des services fiscaux. Elle contient, outre la mention du nom et
de l’adresse du réclamant, un exposé – même sommaire – des faits et
moyens et des conclusions. Il est important de vérifier auprès du greffe
que le dossier est complet, sinon la requête serait rejetée.
Modèle de saisine :
M. le requérant,
Messieurs les Conseillers du Tribunal administratif de…
(On donne d’abord les références précises de l’impôt contesté)
J’ai l’honneur de demander au tribunal l’annulation de la décision de M.
le Directeur des impôts qui en date du… a rejeté ma réclamation relative à
l’imposition de 1 000 € mise à ma charge pour l’année 2002 au titre de
l’impôt sur le revenu.
(Expliquer votre situation)
En effet, ingénieur-conseil en génie thermique, j’ai déduit, au titre de mes
BNC, les frais de repas pris à plus de 50 km de mon domicile, ce qui, après
déduction du montant forfaitaire de 1,5 fois le montant minimum garanti défini
par l’article L.141-8 du Code du Travail, représentait 2 500 €.
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Comme vous le savez, les termes mêmes du 1 de l’article 93 du CGI
autorisent la déduction des frais qui peuvent être regardés comme des dépenses
« nécessitées par l’exercice de la profession ». Cette analyse a d’ailleurs été enté-
rinée par la CAA de Paris, dans son arrêt LUXEY du 28 juin 2000.
(Justifier)
Les pièces jointes attestent du montant des dépenses.
Par ces motifs, je vous demande donc d’annuler la décision par laquelle
le directeur des impôts a rejeté ma réclamation concernant l’imposition de
1 000 € mise à ma charge pour l’année 2002 au titre de l’impôt sur le revenu.
Signature
Pièces jointes : Réclamation
Décision du directeur des impôts
Justificatifs de dépenses
Concernant l’obligation de s’adresser au TA du lieu du service des
impôts, cette importante dérogation au principe selon lequel c’est le
tribunal du lieu du défendeur qui est systématiquement choisi (lorsque
l’administration est demanderesse) est justifiée par « un intérêt d’ordre
et de compatibilité ».
Il est désormais possible, depuis le décret n° 2012-1437 du
21 décembre 2012 de transmettre des écritures et des pièces de la
procédure contentieuse par voie électronique, par l’intermédiaire de
l’application informatique Télérecours, à tous les stades de la procédure
contentieuse administrative, cette possibilité n’étant toutefois ouverte
qu’aux avocats.
Enfin toute personne qui présente une requête au nom d’un contri-
buable et qui ne détient pas de ses fonctions ou de sa qualité le droit
d’agir au nom d’autrui doit, à peine d’irrecevabilité, justifier de sa qualité
pour agir en principe avant l’introduction de la requête. LE CE a toute-
fois jugé (arrêt 25 novembre 2015, n° 380456) qu’il est toujours possible
de justifier de son mandant jusqu’à la clôture de l’instruction.
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2.2. Le sursis de paiement.
Il est toujours possible à un contribuable qui conteste un rehaus-
sement d’imposition de demander à bénéficier du sursis de paiement,
dans l’attente de la fin de la procédure judiciaire. Toutefois, en matière
fiscale, la règle de base est l’absence d’effet suspensif des recours intentés
contre les décisions des autorités administratives. Ce qui signifie que le
contribuable doit payer d’abord et demander ensuite le remboursement
des sommes qu’il estime indûment réclamées par le fisc. S’il obtient gain
de cause, les sommes lui seront restituées avec des intérêts de retard
calculés sur la base du taux légal (0 % en 2014…).
2.2.1. Le sursis est un droit…
Toutefois, le contribuable peut être dispensé de verser immédiate-
ment les sommes qu’il conteste à la condition de demander un sursis
au paiement des impositions contestées. C’est un véritable droit du
contribuable et non pas une simple possibilité (article L.277 et R.277-1
du CGI). En effet, la loi de finances pour 1987 aménage, sur divers
points, le dispositif du sursis de paiement, dans un sens plus favorable
au redevable, notamment dans le souci de faciliter l’accès au juge du
référé. Le régime antérieur à cette loi était caractérisé par la possi-
bilité de donner des garanties, « dès lors que les garanties propres à
assurer le recouvrement de la créance sont acceptées par le comptable ».
Le grand principe du sursis de paiement est explicité dans les instruc-
tions fiscales BOI-REC-PREA-20-20-10 et BOI-REC-PREA-20-20-20 « Le
sursis de paiement ne peut être refusé au contribuable que s’il n’a pas
constitué auprès du comptable les garanties propres à assurer le recou-
vrement de la créance du Trésor ». Le sursis porte sur les sommes récla-
mées en principal, sur les indemnités de retard et les intérêts de retard
(prévus à l’article 1728 du CGI), selon le fameux principe du droit fiscal
qui veut que la bonne foi du contribuable soit toujours présumée.
On notera que la demande de sursis de paiement suspend l’exigi-
bilité de l’impôt au moins jusqu’à la notification d’un éventuel refus
par le comptable des garanties offertes et cela sans qu’il soit nécessaire
de se prononcer sur la validité des garanties proposées (arrêt du CE
BERGERAULT du 29 janvier 2003 au visa des articles L.277, R.277-1
et R.277-3 du LPF).
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Modèle de sursis :
« Je sollicite le bénéfice de l’article L.277 du LPF relatif au sursis de paiement
à hauteur de… € (montant qui fait l’objet de la réclamation), assorti de… €
(montant des intérêts de retard et autres pénalités éventuelles) ».
2.2.2. … Sous réserve de déposer des garanties.
Si le sursis est un droit, la loi a prévu, à l’article 277 du LPF, d’ac-
corder des garanties au Trésor afin d’éviter que le contribuable « n’orga-
nise son insolvabilité ». Il n’existe pas de liste limitative de ces garanties.
Elles doivent être sûres et disponibles, selon le CE 11 mars 1992.
La loi de finances pour 2002 a toutefois dispensé de garanties
les demandes de sursis sur des petits montants : en deçà de 4 500 €
( décret n° 2007-1 584 du 7 novembre 2007).
Les plus fréquentes sont le dépôt à un compte d’attente du Trésor
(en € ou en devises), un cautionnement (d’une banque par exemple),
des créances sur le Trésor. Elles doivent alors être certaines, liquides, et
exigibles (CE 20 décembre 1968). Parmi les garanties admises, on peut
mentionner les valeurs mobilières (en général valorisées à hauteur de
80 %), ou une hypothèque sur un bien immobilier, la valeur du bien
prise en compte étant celle du marché au jour de la demande. Un fonds
de commerce peut être nanti, ou un warrant (dans son sens premier
d’effet de commerce garanti par un gage sur une marchandise déposée
dans un magasin). Bref, tout est possible en matière de gage, du livret A
aux redevances sur les droits d’auteur d’un écrivain.
On notera toutefois que les valeurs mobilières non cotées ne peuvent
être acceptées comme garanties que si elles sont accompagnées d’une
caution bancaire en garantissant le paiement : c’est le sens de l’arrêt SA
NOVAILLANCE rendu par le CE le 8 septembre 1999. Un gage sur
un véhicule automobile peut être proposé en garantie du recouvre-
ment de l’impôt, l’arrêt du CE 10 octobre 2003 CAYROU précisant
utilement que rien ne l’interdit. Un autre arrêt du CE ( BERTHEAU du
31 mai 2000) interdit au comptable du Trésor d’exiger une garantie
pour la pénalité de 10 % liée à un paiement tardif.
En cas de refus du gage par le fisc, le redevable peut saisir le juge
du référé fiscal, conformément aux dispositions de l’article 279 alinéa
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3 du LPF, en déposant 10 % des sommes exigées. Le référé fiscal est
possible surtout en matière de contentieux de recouvrement. Le Juge
statue alors dans un délai maximal d’un mois. On appelle cette procé-
dure le « mini-sursis ».
Trois solutions sont possibles : le juge estime les garanties proposées
suffisantes et accepte la demande du requérant ; il les estime insuffi-
santes et rejette la demande ; ou il les juge insuffisantes, mais dispense le
contribuable de garanties (dans ce cas le redevable dépose simplement
10 % du montant des impositions en litige). En cas de refus, le contri-
buable peut encore demander un sursis à exécution (du rôle ou de l’avis
de mise en recouvrement). Sur ce contentieux du sursis de paiement,
on relèvera l’intéressante affaire COURT (CE du 11 mars 1992). Les
requérants avaient proposé au fisc une créance sur le Trésor sous la
forme d’un certificat d’indemnisation des rapatriés qui constitue une
créance sur l’État au sens de l’article 5277-1 du LPF. Elle devait donc
être acceptée comme garantie. Or, le comptable du Trésor avait refusé
cette garantie au motif qu’elle n’était pas réalisable immédiatement
(en effet, la créance était payable en plusieurs annuités, incessibles et
seulement transmissibles). Le juge du référé fiscal avait confirmé cette
analyse en première instance. Le CE saisi en appel de l’ordonnance du
juge du référé fiscal a examiné la garantie au regard de son degré de
sécurité et de sa valeur et a suivi les conclusions de la rapporteur public
HAGELSTEEN qui a estimé que son degré de sécurité était parfait
(puisqu’il s’agissait d’une créance sur l’État), mais que sa valeur devait
être la valeur de réescompte, compte tenu du mode de rembourse-
ment échelonné prévu pour ce titre. En l’espèce, la somme actualisée
ne couvrant pas la totalité des sommes exigées, le comptable a pu
demander au contribuable de la compléter à concurrence du montant
à recouvrer.
Si le contribuable perd son procès, il devra, dans le cas du sursis de
paiement, payer les intérêts moratoires. En revanche et assez curieu-
sement, il ne paiera pas d’intérêts moratoires dans le cas d’un sursis à
exécution (rien n’est prévu par les textes).
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CHAPITRE XVI : LE CONTENTIEUX D’ASSIETTE DE L’IR 471
2.3. L’instruction.
« Toute idée n’est bonne qu’écrite. »
BONAPARTE
Un revirement de jurisprudence survenu en 2015 (CE
23 octobre 2015, n° 370251) autorise désormais le juge à opérer la
jonction d’affaires en contentieux fiscal, et ce dans l’intérêt d’une bonne
administration de la justice. Il s’agit toutefois une possibilité offerte au
juge (y compris lorsque les dossiers concernent des contribuables ou des
impositions distincts) mais sans qu’il y soit tenu.
2.3.1. Les échanges de mémoires.
L’instruction se fait par échanges de mémoires entre les parties
(le redevable et le directeur des services fiscaux). On distingue les
mémoires en défense (rédigés par l’administration), des mémoires en
réplique (les suivants). À tout moment avant la clôture de l’instruc-
tion, le contribuable peut se désister ou l’administration lui donner
satisfaction.
2.3.2. Le rôle de l’avocat ou du mandataire.
L’assistance d’un avocat n’est nullement obligatoire devant le TA et la
CAA, toutefois pour les affaires délicates ou celles qui concernent des
montants importants, il est vivement conseillé de se faire assister par un
avocat, car la procédure écrite est complexe et insidieuse.
Les avocats sont dispensés de présentation d’un mandat exprès
selon l’article R.197-4, alinéa 2 du LPF. Le CE l’a rappelé avec force
dans son arrêt BRANDEAU et son avis TOUATI du 5 juin 2002. Dans
ses conclusions, le rapporteur public BACHELIER indique d’ailleurs :
« compte tenu de l’honorabilité qui s’attache à leurs fonctions et de la
jurisprudence du juge judiciaire relative à la théorie du mandat appa-
rent, l’avocat doit être cru sur parole lorsqu’il assure cette mission de
représentation devant les administrations publiques tout comme il doit
être cru sur sa robe lorsqu’il représente son client devant les juridic-
tions ». Cet arrêt censurait la doctrine administrative qui a été rapportée
par une instruction en date du 22 juillet 2002.
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Un mandataire peut introduire une requête sans que son mandat ait
été enregistré avant : il peut l’enregistrer tant que l’instruction n’est pas
close (arrêt du CE SEVESTRE, 29 juillet 2002).
Selon le CE (avis Imprimerie RICCOBONO du 23 mai 2003),
lorsqu’un contribuable est représenté par un mandataire, les actes de
la procédure d’imposition doivent être aussi notifiés à ce dernier, tout
en étant valablement notifiés au contribuable lui-même à son domicile.
Toutefois, un tiers qui n’a pas la qualité d’avocat ne peut présenter des
observations à l’audience de la Cour administrative (article R.731-3 du
Code de justice administrative, arrêt du CE JAUBERT du 30 septembre
2005).
2.3.3. La nomination d’un ou plusieurs experts.
Elle est régie par l’article R.200-9 du LPF. Si le juge décide de
recourir à trois experts, il doit inviter les parties à désigner chacun le
sien.
2.3.4. La clôture de l’instruction.
Après la clôture de l’instruction par le tribunal, le dossier est soumis
à un rapporteur qui écrit un projet de jugement. Le dossier passe ensuite
au rapporteur public qui rédige ses conclusions. La date de l’audience
est communiquée au requérant au moins sept jours à l’avance. Le plai-
deur n’oubliera pas qu’il peut, à tout moment de la procédure, jusqu’à
la clôture de l’instruction, et sur le fondement de l’article L. 199 C du
LPF, faire état de moyens nouveaux.
Le CE a jugé, dans son arrêt MOREL du 8 novembre 2000, que
lorsque la solution paraît certaine, le Président de la Cour peut dispenser
l’affaire d’instruction.
Il a estimé également, dans son arrêt SARL SEGELEIS du 27 mai
2002 que, lorsqu’il ne s’estime pas suffisamment éclairé par les
mémoires des parties, le juge doit demander la production d’un docu-
ment critiqué par le requérant.
En outre, le juge saisi, après la clôture de l’instruction, d’un mémoire
émanant d’une partie à l’instance, doit en prendre connaissance avant
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de rendre sa décision, et le viser (article R.613-1 à R.613-3 du Code de
justice administrative).
2.3.5. Le désistement des parties.
Il faut distinguer le désistement d’instance (désistement devant le
tribunal saisi) du désistement d’action (désistement de la contestation
de l’imposition). Par un important arrêt RIGAT du 1er octobre 2010, le
Conseil d’État a modifié sa jurisprudence précédente en estimant qu’en
principe un désistement est un désistement d’instance (qui ne concerne
donc que le litige devant le tribunal concerné) et non un désistement
d’action (la volonté d’une partie à un procès à renoncer irrévocablement
à toute action contre l’autre partie devant ce tribunal et tous autres).
Selon l’article R.189 du Code des Tribunaux Administratifs et des Cours
Administratives d’Appel, « le désistement peut être fait et accepté par
des actes signés des parties ou de leurs mandataires et déposés au
greffe ». Attention, le désistement est un acte irrévocable. En consé-
quence, le Conseil l’État a estimé le 18 septembre 1998 dans l’affaire
PANTALEO qu’un contribuable qui avait demandé au président du TA
« de bien vouloir radier cette instance du rôle du tribunal » n’avait plus
aucun recours contre l’administration fiscale, une fois que celle-ci avait
demandé au tribunal d’en prendre acte. Dans cette affaire édifiante, le
contribuable s’était laissé convaincre qu’un accord était imminent avec
le fisc. Moralité : ne jamais demander la radiation d’une affaire avant
de disposer d’un écrit engageant formellement le fisc sur la résolution
d’un contentieux.
Dans un genre différent, un requérant qui annonce la production
d’un mémoire et ne l’a toujours pas remis un mois après la mise en
demeure de le produire est considéré comme se désistant d’office (CE
arrêt Société Le noroit du 19 novembre 1993).
2.3.6. La transaction.
La transaction est une convention définitive, précisée par l’ar-
ticle L.251 du LPF. Pour être valable, elle doit avoir été approuvée par
l’autorité compétente et exécutée par le contribuable. Dès lors, elle a
l’autorité de la chose jugée et ne peut être contestée que devant la juri-
diction judiciaire. La transaction clôt définitivement le litige entre l’Ad-
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ministration et le contribuable. Ce dernier ne peut donc plus intenter
un nouveau procès et le fisc ne peut plus non plus réclamer quelque
somme que ce soit (arrêt du CE, 15 mai 1991).
2.4. L’audience.
Pour les litiges relatifs à l’IR l’audience n’est pas publique. Elle
commence par la lecture du rapport d’un conseiller du tribunal qui
expose l’affaire. D’après la loi du 31 juillet 1945, « après le rapport, les
avocats des parties présentent leurs observations orales, les conclusions
sont données dans chaque affaire par l’un des maîtres de requête,
rapporteur public, ou par un auditeur, Commissaire adjoint ».
2.4.1. Le rapporteur public.
C’est le personnage central du procès administratif, en quelque sorte
la star du tribunal (à la différence de l’ordre judiciaire où le président
est sous les feux de la rampe). C’est un magistrat dont la dénomination
de la fonction est à la fois désuète et inadaptée (car elle suscite souvent
un contresens, le rapporteur public étant un personnage totalement
indépendant). Reprenons la définition donnée par le CE dans son arrêt
Gervaise du 10 juillet 1957 : « Le rapporteur public a pour mission d’ex-
poser… les questions que présente à juger chaque recours contentieux,
et de faire connaître, en formulant en toute indépendance ses conclu-
sions, son appréciation, qui doit être impartiale, sur les circonstances de
fait de l’espèce et les règles de droit applicables, ainsi que son opinion
sur les solutions qu’appelle, suivant sa conscience, le litige soumis à la
juridiction ».
Le rapporteur public rédige ses conclusions, puis expose devant le
tribunal une réponse aux moyens présentés, mais n’en présente pas de
lui-même : ses conclusions ne sont ni ultra petita ni infra petita. Seules les
sommes demandées sont étudiées.
La loi du 6 janvier 1989 stipule que « le rapporteur public expose en
toute indépendance à la formation de jugement ses conclusions sur les
circonstances de fait et les règles de droit applicables. Ses conclusions
sont publiques, elles sont prononcées sur chaque affaire, le tribunal reste
totalement libre de le suivre ou non ». Le CG ne vote pas. Il doit dire
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le droit et assure en fait une double lecture de chaque dossier, après
celle du rapporteur. Il est très utile, car il éclaire les débats (surtout en
première instance). Le redevable pourra affiner son dossier en appel s’il
tient compte de l’analyse du rapporteur public.
Dans un arrêt passé à la postérité, la CEDH a pris position sur le
rôle du rapporteur public (arrêt KRESS/France du 7 juin 2001). Réunie
en grande chambre (la formation la plus solennelle), la CEDH n’a pas
constaté de manquement au procès équitable (article 6-1 de la CEDH),
mais elle a estimé que l’égalité des armes avait été méconnue du fait
même de la participation du rapporteur public au délibéré, selon la
théorie des apparences qui veut que non seulement la justice doit être
impartiale, mais elle doit toujours donner l’impression qu’elle est impar-
tiale. La CEDH a enfoncé le clou en rappelant sa condamnation de la
France par un arrêt en grande chambre MARTINIE/France (12 avril
2006).
2.4.2. Le régime des notes en délibéré.
Une note en délibéré est un écrit remis au tribunal après le prononcé
du rapporteur public.
Le CE, dans un arrêt d’importance du 29 novembre 2002
( DOMERGUE), a précisé que lorsqu’il est saisi, postérieurement à la
clôture de l’instruction et au prononcé des conclusions du rapporteur
public, d’une note en délibéré émanant d’une des parties à l’instance, il
appartient dans tous les cas au Juge administratif d’en prendre connais-
sance avant la séance au cours de laquelle sera rendue la décision. Il
est toujours loisible au Juge de rouvrir l’instruction et de soumettre au
débat contradictoire les éléments contenus dans la note ; mais le fait de
ne pas la mentionner ne méconnaît pas, selon le CE, l’article 6.1 de la
CEDH.
2.4.3. Les juges.
C’est alors au juge que revient le redoutable honneur de « s’ap-
procher de ce qui ressemble à une vérité » selon une formule de
CAUBET-HILLOUTOU.
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476 CINQUIÈME PARTIE : LE CONTENTIEUX JUDICIAIRE DE L’IR
2.5. Le jugement et les procédures d’appel.
Le jugement est prononcé en audience publique et notifié aux
parties (par LRAR).
2.5.1. Le jugement du TA.
Si le jugement du TA n’est pas favorable au requérant, celui-ci peut
faire appel devant la cour d’appel compétente (indiquée sur le juge-
ment) dans un délai de 2 mois à compter de la date de réception du
jugement. Il n’est pas nécessaire de passer par un avocat. La procédure
est alors identique à celle suivie en première instance. L’appel n’est pas
suspensif, le bénéfice du sursis reste acquis.
On notera utilement que bien que retournée avec la mention « n’ha-
bite pas à l’adresse indiquée », la première notification d’un jugement
régulièrement envoyée à l’adresse indiquée par la société fait courir le
délai d’appel (CE du 26 mars 2003, Société ELYO).
Devant la cour administrative d’appel, le contribuable peut, confor-
mément à l’article L.199 C du LPF soulever tous moyens nouveaux
jusqu’à la clôture de l’instance d’appel.
2.5.2. L’arrêt de la cour administrative d’appel.
La CAA est saisie de l’effet dévolutif de l’appel et doit trancher elle-
même le règlement complet de l’affaire, sans se contenter de renvoyer
pour les calculs au TA (CE, SARL OCASSES, 19 novembre 1999).
La CAA doit répondre aux moyens d’appel et ne peut pas se borner
à reprendre la motivation du TA, sous peine d’entacher son arrêt d’une
insuffisance de motivation (CE, 12 octobre 94, arrêt PLOTEAU). Une
CAA peut accorder le sursis à exécution d’un jugement en faveur de
l’État, si l’exécution de celui-ci risque d’exposer l’État à la perte défini-
tive d’une somme (CE, arrêt Moulin du Roc du 17 mai 2000).
Si le jugement de la CAA n’est pas favorable au requérant, celui-ci
peut saisir le CE via un recours en cassation. Dans cette hypothèse, il
doit prendre un avocat. Le recours fait l’objet d’une procédure préalable
d’admission. Il ne sera recevable que s’il soulève l’incompétence du juge,
un vice de forme ou la violation d’une règle de droit.
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Si un avocat au Conseil l’État est négligent et laisse passer les délais
stricts de la procédure, le requérant peut se retourner contre lui, mais
pas devant les juridictions ordinaires. En effet, le litige qui oppose un
client à un avocat aux conseils relève d’une procédure très spécifique
qui date (excusez du peu) de 1817 (ordonnance de Louis XVIII du
10 septembre 1817). Procédure peu ordinaire (ce qui tendrait à prouver
que les avocats aux conseils sont gens sérieux…) puisqu’on ne compte
qu’une dizaine d’arrêts sur près de 200 ans…
En cas de perte de chance de gagner un procès contre le fisc du fait
de la négligence de l’avocat, le client doit saisir le Conseil de l’ordre des
avocats au Conseil l’État et à la Cour de cassation. Le Conseil rend un
avis qui est ensuite soumis au CE (si le litige initial est dans son champ
de compétence), sinon à la Cour de cassation qui va alors censurer ou
modifier l’avis.
Dans l’affaire LAHTERMAN (CE, 6 juin 2001), le redevable avait
donné instruction à son avocat de déposer un recours, mais le fax était
arrivé dans le bureau d’un des associés, bureau fermé pour cause de
vacances…
Pour espérer obtenir gain de cause, le client doit être en mesure de
prouver à la fois que la faute incombe à l’avocat et que ses chances de
victoire étaient sérieuses. Il lui faudra en outre évaluer le montant de
son préjudice.
2.5.3. La décision du Conseil l’État.
Le CE est saisi d’environ 1 500 affaires par an en contentieux fiscal.
Pour les jugements en dernier recours (pour les autres aussi d’ail-
leurs), il arrive que le juge condamne l’État à verser une somme (en
général de 1 000 € à 2 000 €) au contribuable qui a obtenu gain de
cause au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
Encore faut-il que le redevable l’ait demandé, car le juge administratif
ne peut le faire ultra petita.
Si aucun moyen nouveau ne peut être présenté devant le CE
dans son rôle de juge de cassation, il est en revanche possible de lui
en soumettre un lorsqu’il juge l’affaire au fond (CE, 29 juin 2001,
ROSSETTO), car il est alors saisi comme juge d’appel.
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478 CINQUIÈME PARTIE : LE CONTENTIEUX JUDICIAIRE DE L’IR
Dernière évolution jurisprudentielle importante : en cas d’erreurs
graves dans les procédures de contrôle ayant entraîné un préjudice
pour le contrôle, le juge de l’impôt sanctionne les fautes et indemnise
la victime. C’est le résultat de la très importante affaire TRIPOT du
CE en date du 16 juin 1999. Le CE n’y est pas allé de main morte,
dans la mesure où les sociétés du redevable ont reçu une indemnité
de 53,50 MF et le dirigeant personne physique 4 MF. Il est vrai que la
succession d’erreurs grossières et d’irrégularités de l’administration avait
abouti à un naufrage patrimonial des sociétés (en liquidation judiciaire)
et du dirigeant. De plus en plus fréquemment, le CE condamne l’État,
lorsque ce dernier « succombe » pour reprendre la délicieuse expression
consacrée, à verser une somme censée représenter les frais irrépétibles.
La formule cabalistique est alors la suivante : « Considérant qu’il y a lieu,
dans les circonstances de l’espèce, de faire application les dispositions
de l’article 75-1 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner
l’État à payer à X une somme de 1 500 € au titre des frais exposés, et
non compris dans les dépens… »
Concrètement, les frais irrépétibles regroupent les honoraires
d’avocat, les frais d’huissier, l’ensemble des dépenses matérielles, les frais
de photocopies et dactylo…
L’article L. 313-2 du Code monétaire et financier prévoit que le
taux d’intérêt légal, fixé par décret par semestre est fixé par arrêté du
ministre chargé de l’économie. Il comprend un taux applicable lorsque
le créancier est une personne physique n’agissant pas pour des besoins
professionnels et un taux applicable dans tous les autres cas. Il est
calculé en fonction du taux directeur de la Banque centrale européenne
sur les opérations principales de refinancement et des taux pratiqués
par les établissements de crédit et les sociétés de financement. Les
sommes représentatives des intérêts ne se composent pas, au premier
semestre 2016, le taux est fixé (dès le début de l’année) à 1.01 %,
contre 0,99 % au second semestre 2015 et 0,93 % au premier semestre
2015. Auparavant le mode de calcul était différent et les taux de 2014
(0,04 %) et 2013 (0,04 %) étaient très bas.
Exemple, une action en justice est lancée le 1er juillet 2013. La
CAA rend un arrêt définitif le 1er avril 2016 en octroyant 2 000 €
au contribuable. Le montant des intérêts que l’État lui versera sera de
2000*0,04/100*2, soit 0,40 € pour 2013, 2 000*0,04/100, soit 0,80 €
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CHAPITRE XVI : LE CONTENTIEUX D’ASSIETTE DE L’IR 479
pour 2014, 2 000*0,93/100*2, soit 9,30 € au premier semestre 2015
puis 2 000*0,99/100*2, soit 9,90 € au second semestre 2015 puis
2000*1,01/100*4 € du 1er janvier au 1er avril 2016 soit 5,05 €, soit au
total 25,45 € d’intérêt.
2.5.4. Le renvoi devant une CAA.
À la différence de la Cour de cassation, le CE règle l’affaire au fond
en cas de cassation. En effet, l’article L821-2 alinéa 1 stipule que : « S’il
prononce l’annulation d’une décision d’une juridiction administrative
statuant en dernier ressort, le Conseil d’État peut soit renvoyer l’affaire
devant la même juridiction statuant, sauf impossibilité tenant à la nature
de la juridiction, dans une autre formation, soit renvoyer l’affaire devant
une autre juridiction de même nature, soit régler l’affaire au fond si
l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie ». S’il la
renvoie à la CAA qui a rendu le premier arrêt, elle ne peut statuer dans
une formation comprenant un magistrat ayant siégé lors de la séance où
l’arrêt annulé avait été rendu.
2.5.5. Le second pourvoi en cassation devant le CE.
L’article 11 de la loi du 31 décembre 1987 codifié à l’article L.821-2
du Code de justice administrative stipule : « lorsque l’affaire fait l’objet
d’un second pourvoi en cassation, le CE statue définitivement sur cette
affaire ».
2.6. Les motifs d’irrégularité de la procédure.
Il est assez fréquent que les droits réclamés par le fisc au contribuable
soient annulés par le juge (on parle alors de la décharge des droits) pour
des raisons uniquement de forme, liées à l’irrégularité de la procédure.
Il faut toutefois distinguer les erreurs substantielles (celles qui
peuvent avoir une influence sur le sens de la décision à prendre ou
si elle constitue une garantie pour le contribuable), qui aboutissent
toujours à la décharge de l’ensemble des montants exigés (droits en
principal, intérêts de retard, majorations et amendes) et les erreurs non
substantielles pour lesquelles le juge ne peut prononcer que la décharge
des majorations et pénalités, pas les droits en principal et les intérêts de
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480 CINQUIÈME PARTIE : LE CONTENTIEUX JUDICIAIRE DE L’IR
retards. L’administration peut toujours adresser une nouvelle notifica-
tion, mais à condition de respecter le délai de reprise : si une notifica-
tion irrégulière a été envoyée en novembre 2002 au titre des revenus
1 999 et que la procédure a été annulée en 2004, le fisc ne pourra pas
redresser au titre de 1999, la prescription jouant au 1er janvier 2003,
c’est pourquoi, compte tenu des délais habituels du contentieux judi-
ciaire de l’IR, la plupart des procédures annulées pour vice de forme
aboutissent à la décharge pure et simple des sommes réclamées par le
fisc au contribuable.
La jurisprudence en la matière est très fournie. Il existe deux types
de motifs d’irrégularité : les irrégularités commises par l’administra-
tion fiscale dans ses pouvoirs de contrôle et les irrégularités dans les
jugements.
2.6.1. Les irrégularités de l’administration.
Le contribuable vérifiera soigneusement la forme de la notifica-
tion. L’absence d’une formalité substantielle peut en effet entraîner
l’irrégularité de la procédure et donc la décharge des droits. L’absence
de signature manuscrite de l’agent des impôts est une formalité substan-
tielle reconnue par la jurisprudence. Depuis l’arrêt SA BOURCYCHAM
du CE du 15 février 1999, la procédure est donc irrégulière si le
document par lequel l’administration répond aux observations du
contribuable n’est pas signé. La mention dactylographiée du nom de
l’agent n’est pas valable. Les conclusions du rapporteur public Bachelier
ne laissaient planer aucun doute sur la règle de droit : « pour que l’effi-
cacité de la garantie d’un véritable débat contradictoire soit pleinement
assurée, il est dans l’ordre des choses que, dès lors que la notification
de redressement ne peut être adressée que par un agent d’un certain
grade territorialement compétent (en l’occurrence de catégorie A et B),
la réponse aux observations du contribuable soit examinée soit par le
même agent soit par un fonctionnaire d’un rang au moins égal. Dès lors,
le contribuable doit être en mesure de s’assurer de l’identité de l’auteur
de la réponse. À cette fin, la signature manuscrite de l’agent doit figurer
sur la réponse. La seule mention dactylographiée de son nom et de
son titre ne suffit pas à garantir l’examen des observations par un agent
compétent. »
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CHAPITRE XVI : LE CONTENTIEUX D’ASSIETTE DE L’IR 481
Autre exemple : le cachet du service. La procédure d’établissement
des pénalités est irrégulière si sa motivation n’a pas été visée par un
inspecteur principal. Aux termes de l’article L.80e du LPF, ce n’est pas
une simple formalité, mais bien une garantie donnée par la loi au contri-
buable ( CAA Bordeaux, 3 novembre 1998, affaire Lotte).
La jurisprudence est constante et rappelle systématiquement que
c’est à l’administration fiscale d’apporter la preuve de la régularité de
la notification des plis recommandés envoyés au contribuable. Il faut
lire à ce sujet les conclusions du rapporteur public PEANO, qui dans
l’affaire Pierre ( CAA Bordeaux, 13 avril 1999) a sondé en profondeur
(mais clairement) les subtilités de la distribution des LRAR. Le problème
portait sur la preuve qu’apportait l’administration relativement au dépôt
de l’avis de passage au domicile du redevable. On sait qu’elle peut être
faite par tout moyen et notamment par des mentions claires, précises
et concordantes portées sur le pli recommandé. La nouvelle réglemen-
tation postale, précisée par une instruction publiée au Bulletin officiel de
la Poste le 11 mai 1990, a instauré un seul avis d’instance. Une seconde
instruction du 6 septembre 1990 a institué une procédure de traitement
des objets recommandés selon laquelle l’objet recommandé avec avis
de réception se voit apposer un imprimé n° 516-2 composé de quatre
feuillets détachables : le feuillet 1 qui est la preuve de la distribution, le
2 l’avis de passage, le 3 la preuve de dépôt (qui retourne à l’expéditeur)
et le 4 l’avis de réception. En cas d’absence du destinataire, le facteur
porte la date sur la preuve de distribution, complète l’avis de passage (le
feuillet 2), indique le motif de non-distribution et le bureau d’instance et
dépose l’avis dans la boîte aux lettres du destinataire. Trois documents
de cette liasse comportent donc normalement l’indication de la date de
présentation par duplication, le 1 (qui est conservé par la Poste pendant
2 ans), le 2 et le 4 (collé au pli et qui retourne à l’expéditeur). En ne
fournissant que le 3, le fisc n’apportait pas la preuve du dépôt…
L’obligation de motiver une réponse aux observations du contri-
buable est édictée par le dernier alinéa de l’article L.57 du LPF et
constitue une formalité substantielle qui, si elle n’est pas respectée,
entraîne la décharge de l’imposition (arrêt CE, SA carrosserie Aubin,
16 mars 2001).
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482 CINQUIÈME PARTIE : LE CONTENTIEUX JUDICIAIRE DE L’IR
Un cas intéressant : le recours pour excès de pouvoir.
Si un contribuable estime qu’une instruction est contraire à la loi,
il peut déposer un recours pour excès de pouvoir contre la disposition
qu’il pense illégale. Pour cela, il doit attendre la notification de l’imposi-
tion réclamée par le fisc, puis faire une réclamation contentieuse.
L’affaire Martin (CE du 11 février 1999) est particulièrement instruc-
tive quant aux possibilités ouvertes au contribuable face aux excès de
pouvoir de l’administration fiscale, et la morale de cette affaire est bien
qu’il faut parfois oser contester une instruction fiscale qui vous est
défavorable.
Pour ses revenus de 1995, Mme Martin a eu droit à une part et demie
au titre de parent élevant seul son enfant, et non à deux parts comme
précédemment. Elle a donc saisi le CE, en date du 27 février 1997,
pour excès de pouvoir tendant à l’annulation de l’instruction 5 B-10-96
du 22 avril 1996 signée par le directeur, chef de service du Service de
la législation fiscale. À noter qu’il n’y avait pas dans l’affaire de délai,
puisque cette instruction n’a pas été publiée au JO. Pour la requérante,
l’instruction restreint illégalement la portée de l’article 3 de la loi du
30 décembre 1995 (projet de loi de finances pour 1996). En subs-
tance, cet article supprimait la demi- part supplémentaire aux concubins
élevant un enfant, sauf pour les personnes vivant seules et supportant
effectivement la charge de l’enfant. Dans son instruction, l’administra-
tion avait estimé que le versement de toute pension spontanée entraî-
nait automatiquement la perte du droit à la demi- part supplémentaire.
Pour conclure sur les irrégularités que pourrait commettre le fisc
dans le cadre de son pouvoir de contrôle, on retiendra que l’article L.80
ca du LPF distingue trois types d’erreurs possibles, les erreurs qui
portent atteinte aux droits de la défense (erreurs substantielles), les
nullités légales et les erreurs non substantielles ; les deux premières
entraînent la décharge des impôts réclamés.
2.6.2. Les irrégularités du jugement contesté.
La procédure est irrégulière dès lors que le rapporteur de l’affaire a
été le supérieur hiérarchique du requérant (tous deux anciens fonction-
naires des impôts) : c’est ce qu’a estimé le CE, dans son singulier arrêt
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CHAPITRE XVI : LE CONTENTIEUX D’ASSIETTE DE L’IR 483
Boucher du 3 septembre 1997, contrairement aux conclusions de son
rapporteur public GOULARD.
De même, la jurisprudence sanctionne les jugements qui prennent
en compte des éléments figurant pour la première fois dans un
mémoire de l’administration produit la veille de l’audience, et ce même
si le contribuable a présenté des observations sur ce mémoire, pour
cause de délai insuffisant (voir à ce sujet l’arrêt de la CAA Bordeaux
du 7 juillet 1998).
La procédure est irrégulière si le contribuable n’a pas été avisé du
jour de l’audience, même en l’absence de faute du greffe (CE, arrêt
SARL ESPACE LOISIRS du 26 septembre 2001).
Une cour dénature les pièces d’un dossier si elle estime motivée
une réponse du contribuable qui ne répond pas aux observations (arrêt
COHEN du CE du 22 février 2002).
Enfin, l’omission de réponse à un moyen s’analyse comme un défaut
de motivation du jugement ou de l’arrêt, ce qui aboutit à l’annulation de
la décision (arrêt du CE ANDRE du 14 février 1996), sauf si le moyen
est inopérant.
2.6.3. La modification du fondement juridique d’un jugement.
Si les notifications de redressements doivent, à peine de nullité,
être motivées en fait et en droit pour permettre au contribuable de se
défendre en toute connaissance de cause (selon l’article 55 du LPF), le
fisc peut modifier le fondement juridique des redressements dès lors
qu’il agit dans le délai de reprise. C’est entre autres l’esprit de l’arrêt
TALFOURNIER de la Cour de cassation du 24 octobre 2000. Il s‘agit
de la technique dite de « substitution de base légale » ou le droit dont
dispose l’administration fiscale de substituer au fondement initial du
redressement (ou plutôt de la rectification qui est désormais le terme
en vigueur) qu’elle a opéré un nouveau fondement légal, ce qu’elle peut
faire à tout moment de la procédure, donc dès le rejet de la réclama-
tion et jusqu’en cour d’appel. Cette substitution de base légale propre
au contentieux fiscal est différente de celle du contentieux administratif
général (qui est un droit ouvert au juge). Elle est également différente
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484 CINQUIÈME PARTIE : LE CONTENTIEUX JUDICIAIRE DE L’IR
de la substitution de motifs qui fonde l’imposition sur un texte différent
de celui retenu initialement mais relevant de la même base légale et qui
est également un droit du contribuable.
La substitution de base légale exige quatre conditions : l’identité de
l’impôt, une demande de l’administration (le juge ne peut y procéder
d’office), elle ne peut être invoquée pour la première fois en cassa-
tion devant le CE et enfin elle ne peut avoir pour effet de priver le
contribuable d’aucune des garanties de procédure attaché au nouveau
fondement légal. C’est ainsi qu’une substitution de base légale qui prive
le contribuable de la saisine de la commission départementale des
impôts est impossible (CE du 1er décembre 2004 n° 259104).
2.6.4. L’autorité de la chose jugée au pénal.
L’autorité de la chose jugée des juges répressifs devenue défini-
tive porte sur la constatation des faits mentionnés dans les jugements
mais ne porte pas sur l’appréciation des mêmes faits au regard de
la loi fiscale. En revanche elle s’impose au juge fiscal s’agissant non
seulement du bien-fondé de l’Impôt mais également de la procédure
d’imposition. C’est l’enseignement de la décision du CE du 14 octobre
2015 (n° 360426).
2.6.5. Les moyens d’ordre public.
Les moyens d’ordre public, qui s’imposent dans tous les cas et
auxquels il est impossible de déroger contractuellement, peuvent être
levés à tout moment par le Juge.
La substitution de base légale.
Il s’agit du droit reconnu au fisc de substituer au fondement initial
de la rectification opéré un nouveau fondement légal, et ce à tout
moment de la procédure depuis le rejet de la réclamation par le contri-
buable jusqu’en appel. Il ne faut la confondre ni avec la substitution
de base légale reconnue dans le contentieux administratif général au
juge de l’excès de pouvoir de se fonder sur un texte autre que celui
dont la méconnaissance est invoquée ni avec la substitution de motifs
qui permet à l’administration fiscale et au contribuable d’invoquer des
motifs différents mais relevant de la même base légale.
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À tout moment de la procédure, l’administration fiscale peut procéder
à une substitution de base légale qui consiste par exemple à modifier
la catégorie d’imposition applicable à certains revenus du contribuable
(demander que tels types de revenus ne soient plus considérés comme
des BIC mais des BNC, etc.). Le CE a ainsi confirmé, dans son arrêt
SAIANVET du 29 octobre 2001 la possibilité pour le fisc d’imposer une
somme initialement taxée d’office dans la catégorie des RCM dès lors
que le contribuable n’a été privé d’aucune des garanties de la procédure
contradictoire de redressement. Dans l’arrêt KRAFT FOODS FRANCE
du 23 avril 2008, le CE précise que lorsque l’Administration demande
une substitution de base légale sur la base de documents obtenus de
tiers, elle doit informer le contribuable avec une précision suffisante, sur
l’origine et la teneur de ces documents dans des délais qui permette au
contribuable de présenter utilement ses observations.
La substitution de base légale n’est toutefois possible que si elle
n’a pas pour effet de priver le contribuable des garanties attachées au
nouveau fondement légal.
2.7. Après le jugement.
2.7.1. Les frais irrépétibles.
En contentieux fiscal a intégré depuis la loi du 10 juillet 1991 la
notion de frais irrépétibles. Il s’agit de tous les frais qu’a subi le requérant
qui a gagné le procès et qui sont mis à la charge de la partie perdante.
Ils englobent les honoraires d’avocat, les frais d’huissier, l’ensemble des
dépenses matérielles comme les frais de photocopie, etc.
Ils sont souvent fixés autour de 1 500 €.
L’exécution des décisions de justice.
Le problème principal porte sur les délais de paiement anormaux
par l’État des indemnités auxquelles il a été condamné.
En vertu de l’article L-911-9 du Code de justice administrative,
lorsqu’une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée a
fixé le montant de la somme à laquelle l’État est condamné, à défaut
d’ordonnancement dans un délai de deux mois, ou, le cas échéant, de
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486 CINQUIÈME PARTIE : LE CONTENTIEUX JUDICIAIRE DE L’IR
quatre mois, le comptable assignataire de la dépense doit, à la demande
du créancier et sur présentation de la décision de justice, procéder au
paiement.
2.7.2. Les dommages fiscaux.
Les contribuables victimes d’un rappel d’impôt indu ont la possi-
bilité de demander réparation du préjudice subi. Mais attention, la
demande en réparation doit être engagée dans les dix ans qui suivent
la notification de redressements car parfois les délais de procédure
sont tels qu’il faut penser à interrompre cette prescription décennale
avant le jugement définitif d’une affaire. Le CA a jugé, dans son arrêt
du 21 mars 2011 KRUPA que la responsabilité de l’État pouvait être
engagée en cas de recouvrement indu. Il suffit désormais au contri-
buable de démontrer la faute de l’État et non plus seulement la faute
lourde. Toutefois, le contribuable doit prouver que le préjudice subi par
lui est la cause directe de la faute de l’Administration. La faute simple de
l’Administration ne pourra toutefois pas être retenue dans 3 situations
courantes : si l’Administration avait pris la même décision d’imposition
si elle avait respecté les formalités prescrites ; si elle avait pu valablement
fonder sa décision sur d’autres éléments qu’elle avait omis de prendre en
compte et si elle avait pu justifier la décision d’imposer en la fondant sur
une autre base légale. Concernant cette affaire, on lira avec délices et
intérêt les conclusions de Claire LEGRAS, rapporteur public, qui dresse
un tableau diachronique très complet de l’évolution de la notion de
faute de l’administration fiscale.
2.7.3. L’action contre l’État pour durée excessive de la procédure.
En application de l’article R.311-7 du Code de justice administrative,
le CE est compétent pour connaître en premier et dernier ressort des
actions en responsabilité dirigées contre l’État excessive de la procédure
devant la juridiction administrative. Il ne s’agit pas d’une hypothèse
d’école puisque le CE a condamné l’État à verser 5 000 € à un contri-
buable dans son arrêt CHOUKROUN du 20 décembre 2006 au motif
que la durée de 5 ans mise à régler d’affaire dans le cadre de l’action
précontentieuse puis de l’instance juridictionnelle qui s’est déroulée
devant le TA était manifestement excessive en l’absence de difficulté
particulière du litige.
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3. LES TRIBUNAUX EUROPÉENS.
3.1. La Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg.
La CEDH a enregistré 500 requêtes en 1983, 6 000 en 1998
et 14 000 en 2001 et 97 000 en 2008 : il est vrai que cette juridic-
tion concerne théoriquement 800 millions de citoyens. Quatre pays
concentrent l’essentiel des requêtes, la Russie (28 %), la Turquie (11 %),
la Roumanie (9 %) et l’Ukraine (9 %). La Turquie reste le pays le plus
condamné devant la Russie et la Roumanie.
3.1.1. La procédure.
Instituée par la convention du 4 novembre 1950, la CEDH peut
être saisie par toute personne physique citoyenne d’un État signataire
de la Convention. Toutefois, le contribuable ne peut saisir la Cour de
Strasbourg qu’après avoir épuisé les procédures internes. Pour cela, il
doit avoir un intérêt personnel à agir, et être fondé à s’estimer victime
d’un État qui le prive d’une liberté ou d’un droit figurant dans la
Convention ou dans l’un de ses additifs appelés « protocoles ».
3.1.2. L’autorité des arrêts de la CEDH.
Il faut distinguer deux types d’arrêts de la Cour de Strasbourg : les
arrêts qui ont un caractère déclaratoire (qui tranchent seulement la
question de savoir si la Convention européenne des droits de l’homme
a été violée) et les arrêts de prestation qui décident de la satisfaction à
accorder au demandeur.
À la différence de la Cour européenne de Luxembourg, la Cour de
Strasbourg ne statue pas à titre préjudiciel.
3.1.3. La jurisprudence de la Cour de Strasbourg.
Elle est très protectrice des droits des individus, et notamment de
ceux des contribuables, et elle exerce une influence grandissante sur le
CE qui l’intègre, lentement mais sûrement, dans le droit interne français.
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La Cour examine la qualification en droit interne de la sanction, à
savoir la nature de l’infraction et le degré de gravité de la sanction.
À titre d’exemple de l’influence de la Cour, citons l’affaire
Bendemoun, courtier numismate de son état. Sur dénonciation, il
fait l’objet d’un contrôle des douanes. Une transaction s’opère avec
les douanes qui transmettent néanmoins le dossier à l’administration
fiscale et au Parquet. L’administration effectue des redressements
assortis de pénalités pour manœuvres frauduleuses. Pour la Cour de
Strasbourg, les sanctions infligées au titre de l’article 1729 du CGI sont
« à coloration pénale », car elles visent tous les citoyens en leur qualité
de contribuables et non un groupe déterminé. D’autant plus qu’au cas
d’espèce les sommes en cause étaient considérables : 422 534 francs
à titre personnel et 570 398 F pour la société. Les majorations visent
donc à punir alors que pour le gouvernement de l’époque les majora-
tions étaient seulement une sanction administrative. Cette importante
distinction entre sanctions pénales et sanctions administratives a été
depuis prise en compte par le CE. Pour l’anecdote, relevons le style
inimitable de la Cour : « Il échet de constater [en français dans le texte]
que cette carence se révèle d’autant plus dirimante… ». Étonnant, non ?
Par un arrêt TRAGHETTI DEL MEDITERRANEO de grande
chambre rendu le 13 juin 2006 la Cour de Luxembourg a rappelé son
opposition à toute législation nationale qui exclut la responsabilité de
l’État membre pour les dommages causés aux particuliers du fait d’une
violation du droit communautaire.
3.2. La Cour européenne de Luxembourg.
Selon l’article F-2 du Traité de Maastricht (signé le 7 février 1992),
« l’Union respecte les droits fondamentaux tels qu’ils sont garantis par
la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fonda-
mentales signée à Rome le 4 novembre 1950 et tels qu’ils résultent des
traditions constitutionnelles communes aux États membres, en tant que
principes généraux du droit communautaire. »
Une simplification de la Cour de Luxembourg est en cours avec un
doublement du nombre de juges en 2019 et une réduction du nombre
de juridictions actuellement de trois (avec le tribunal de la fonction
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CHAPITRE XVI : LE CONTENTIEUX D’ASSIETTE DE L’IR 489
publique). Le tribunal jugera en premier et dernier ressort comme une
cour d’appel française sur ce dernier point et les pourvois seront jugés
devant la Cour qui ne se prononcera que sur les questions de droit
comme la Cour de cassation en France. Le nombre d’affaires introduites
est d’environ 1 000 par an dont 500 questions préjudicielles. La philoso-
phie de la Cour de Luxembourg n’est pas d’uniformiser le droit des États
membres mais de faire en sorte que les textes législatifs de l’UE soient
interprétés et appliqués uniformément dans toute l’Union.
La saisine de la Cour de Luxembourg peut se faire par voie de
recours préjudiciel des tribunaux, sans attendre l’épuisement des
recours offerts par le droit interne français. Dans ce cas le tribunal
sursoit à statuer et attend l’orientation de la Cour.
4. LES PROCÉDURES EXCEPTIONNELLES.
4.2. La procédure de l’agrément ou rescrit.
Pour éviter de subir les foudres de l’article L.64 du LPF, le contri-
buable peut toujours, avant de mettre en place un montage qu’il soup-
çonne un peu trop habile, demander un agrément à l’administration
fiscale, appelé rescrit. Cette procédure très ancienne a été reprise assez
récemment en droit fiscal. Elle est codifiée à l’article L.80 B du LPF
et avalisée par le CC dans sa décision du 30 décembre 1987, permet
au contribuable de s’assurer de la validité de son montage a priori, si la
situation dans laquelle il se trouve et les conditions légales qui l’accom-
pagnent justifie l’octroi de l’agrément. De plus, en cas de refus, l’admi-
nistration doit motiver celui-ci et le juge, saisi par le contribuable, peut
le sanctionner.
Trois conditions sont à remplir pour obtenir un rescrit : la consulta-
tion de l’administration doit être préalable à la conclusion des contrats ;
elle doit être écrite et être adressée à l’administration centrale. En
l’absence de réponse dans un délai de 6 mois, le contribuable pourra
arguer de l’accord tacite de l’administration.
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Il existe trois grands types de procédures destinés au particulier,
professionnel ou association :
• Le « rescrit général » : concerne toutes les demandes liées aux
impôts, droits et taxes relevant du cgi par exemple les mutations
à titre gratuit (successions, donations), la fiscalité des personnes
ou des entreprises, les droits d’enregistrement et de timbre, l’ISF,
la fiscalité immobilière, les droits dus par les sociétés, les impôts
locaux ou la tva.
• Le « rescrit pour abus de droit » : il est requis avant de conclure
une opération juridique ou un contrat afin de mieux en
appréhender sa portée fiscale. Il permet d’échapper à tout
soupçon de fraude et à la répression des abus de droit.
• Le « rescrit valeur » : il est utilisé pour estimer la valeur d’un bien
professionnel avant sa transmission ou sa donation. Une valeur
vénale de l’entreprise est ainsi dégagée avec la garantie de la
transmission sur une base de calcul de l’impôt sûre.
Avant de faire une demande de rescrit, le contribuable dispose
sur le site internet de la DGI de nombreuses réponses formulées par
l’administration.
Depuis le 1er juillet 2009, l’article L.80 B, 1° du LPF prévoit que
l’Administration doit se prononcer dans un délai de 3 mois lorsqu’elle
est saisie d’une demande écrite, précise et complète par un redevable
de bonne foi. S’agissant des procédures d’accord tacites, le délai au-delà
duquel l’absence de réponse vaut approbation tacite par l’Administra-
tion est fixé uniformément à 3 mois.
Il existe désormais un site des rescrits fiscaux sur le site impots.
gouv. fr car si la réponse à une question de fait intéresse au premier
chef le demandeur, il peut s’avérer utile aux autres contribuables. En
2010, 23 600 demandes de rescrits ont été reçues par les services de
la DGFIP qui en a traité 21 500 (95 % d’entre eux ont été traités au
niveau territorial et 2 500 positions formelles sur l’interprétation d’un
texte fiscal ont été rendues).
Enfin, la DGFIP a lancé, en 2010, son projet PERGAM, qui a pour
objectif d’actualiser et de refondre en totalité la documentation fiscale,
juridique et pratique afin de la rendre plus accessible et plus lisible.
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CONCLUSION.
Aux États-Unis, l’Internal Revenue Service (IRS) dispose de moyens
considérables pour lutter contre la f raude fiscale qui représenterait pour
l’État fédéral un manque à gagner de 127 milliards de dollars (soit plus
du double des recettes de l’IR en France). L’IRS peut en outre se faire
assister d’experts du privé (juristes, experts-comptables).
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