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Normes et marginalités à l’épreuve Sous la direction de Naoum Abi-Rached Presses universitaires de Strasbourg 2010
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Le citoyen grec par excellence. Conception normative du citoyen grec par l’Etat-nation grec et cas de marginalité

Feb 08, 2023

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Matteo Martelli
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Page 1: Le citoyen grec par excellence. Conception normative du citoyen grec par l’Etat-nation grec et cas de marginalité

Normes et marginalités à l’épreuve

Sous la direction de Naoum Abi-Rached

P r e s s e s u n i v e r s i t a i r e s d e S t r a s b o u r g2 0 1 0

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Les Presses universitaires de Strasbourg remercient le Conseil scientifique de l’Université de Strasbourg

et la Société des Amis des Universités de l’Académie de Strasbourg pour le soutien accordé à cette publication.

ISBN : 978-2-86820-407-3

© 2010 Presses universitaires de StrasbourgPalais universitaire – 9 place de l’Université – BP 90020

F-67084 STRASBOURG CEDEX

Les auteurs remercient Jacqueline Jondot, profes-seur d’anglais à l’Université de Toulouse le-Mirail, pour avoir visé les abstracts insérés en fin de volume.

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À la mémoire de Toufic Fahd Pour tout ce qu’il a donné

à la recherche et au GEO

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Auteurs

Abi-Rached Naoum Maître de conférences -HDR-, UDS, (arabe)

Barta Peter I. Professeur des universités, University of Surrey, UK, (slave)

Bartolo Micheline Docteur ès lettres, UDS, (persan)

Bechler Antonin Doctorant, UDS, (japonais)

Bohas Georges Professeur des universités, ENS, Lyon, (arabe)

Breuillot Martine Maître de conférences -HDR-, UDS, (grec)

Diab-Duranton Salam Professeur certifié, doctorante, ENS, Lyon, (arabe)

Geoffroy Éric Maître de conférences -HDR-, UDS, (arabe)

Khoury Raif Georges Professeur des universités, Heidelberg, (arabe)

Nasiri Moghaddam Nader Maître de conférences, UDS, (persan)

Sakkal Aya Maître de conférences, UDS, (arabe)

Schaal Sandra Maître de conférences, UDS, (japonais)

Shahbaz Pegah Doctorante, UDS, (persan)

Tsamadou-Jacoberger Irini Professeur des universités, UDS, (grec)

Tsuzaki Yoshinori ATER, doctorant, UDS, (japonais)

Zerva Maria Doctorante, UDS, (grec)

Zimmer Christine Doctorante, UDS, (arabe)

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Le citoyen grec « par excellence »Conception normative du citoyen grec

par l’État-nation grec et cas de marginalité*

Introduction

Dans cet article, nous nous pencherons sur la question de l’identité nationale néo-hellénique ; plus précisément, il sera question de la conception normative du citoyen modèle par l’État-nation grec. Afin de l’aborder, nous examinerons la construction de l’identité néo-hellénique depuis la fondation du nouvel état en 1830 jusqu’à nos jours. Pour ce faire, nous étudierons brièvement la notion d’identité et nous aurons ensuite recours au cadre conceptuel du nationalisme en général, mais aussi dans le contexte grec. Enfin, nous confronterons cette conception modèle du citoyen en Grèce aux différents cas de marginalité, et notamment aux locuteurs de langues minoritaires ou aux membres des groupes qui se distinguent au moyen de la langue parlée (ou jadis parlée) même s’ils ne parlent pas la langue minoritaire (puisque les gens peuvent s’identifier au groupe en question même sans en parler la langue).

La notion d’identité

Malgré l’intérêt croissant que portent les sciences humaines et sociales aujourd’hui à l’identité, celle-ci reste insaisissable dans sa globalité, en raison de sa complexité accrue. L’identité ne doit pas être abordée en tant que trait substantiel ou statique, mais en tant qu’élément « changeant sans cesse, engagé dans un processus 1 » (Wodak et al., 1999 : 11), à savoir une construction essentiellement dynamique (Coulmas, 2005 : 178). Dans ce processus, l’individu comme le groupe forment des identités

* Je remercie Irini Tsamadou-Jacoberger d’avoir relu cet article et de l’avoir enrichi de ses remar-ques pertinentes. Je remercie également la Fondation Onassis pour la bourse doctorale qu’elle m’a attribuée.

1. « [An element] ever changing, something involved to a process ».

Maria Zerva(Université de Strasbourg)

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multiples ; ainsi, l’individu, appartenant en même temps à plusieurs groupes col-lectifs, a à sa disposition un large éventail d’identifications possibles, à partir des-quelles il choisit (plus ou moins volontairement) celle(s) qui lui convien(nen)t au mieux selon le contexte et la situation (Wodak et al., 1999 : 16-17).

Ainsi, ces identités multiples, dont on dispose simultanément, mais aussi suc-cessivement, résultent des négociations permanentes que nous opérons dans l’inte-raction avec autrui (Mendoza-Denton, 2002 : 480-491), négociations qui s’opèrent tant au niveau individuel qu’au niveau collectif 2. En effet, l’identité est co-cons-truite dans et par le discours, toujours en rapport avec le contexte 3, et, plus par-ticulièrement, la situation d’énonciation 4, le ou les interlocuteurs présents 5, leurs

2. Ce qui d’ailleurs nous pose des problèmes pour la compréhension du passé quand nous analy-sons des discours du présent. Nous devons cette remarque à Nikos Marantzidis (communica-tion personnelle).

3. Nous nous alignons sur la description du terme faite par (Wodak et al., 1999 : 9-10), selon qui le contexte tient compte de trois aspects :

a) « the immediate linguistic co-text, that is the semantic environment of an individual ut- « the immediate linguistic co-text, that is the semantic environment of an individual ut-« the immediate linguistic co-text, that is the semantic environment of an individual ut-terance […], and the local interactive processes of negotiation and conflict avoidance » ;

b) « [the] extra-linguistic social variables and institutional settings of the specific situation of an utterance » ;

c) « the intertextual or interdiscursive references in the text ». Même s’il est difficile – et dépasse largement les buts de cet article – de comparer deux cou-

rants scientifiques, qui viennent par ailleurs de mondes scientifiques différents, la linguistique de l’énonciation française et le Discourse Analysis, notamment le Critical Discourse Analysis du monde anglo-saxon, il serait nécessaire de dire deux mots sur les termes de contexte et de situa-tion d’énonciation (cf. note 2 infra). D’après les présentations respectives des deux termes, les points b et c du contexte se rapprochent de la définition de la situation d’énonciation de Kerbrat-Orecchioni (1999 : 34-35 ; cf. note 5 infra). Nous remarquerons tout de même que le contexte couvre une zone plus large et c’est cela que nous retiendrons pour notre recherche : ainsi, pour nous, le contexte s’étend du micro-contexte (univers linguistique environnant) au macro-con-texte (Discours dans le sens post-structuraliste évoqué par Kiesling, 2006 : 261-263 et entendu comme connaissance culturelle partagée). En revanche, la situation d’énonciation s’avère une no-tion plus restreinte, comprise dans le contexte (les aspects b et c, cités plus haut) et utilisée plutôt dans le paradigme de la linguistique de l’énonciation, développée majoritairement en France.

4. Dans la situation d’énonciation, nous incluons les paramètres suivants : les personnes, le temps et le lieu (Maingueneau, 1991 : 108), (nous répétons dans le texte de notre article le paramè-tre de personnes pour mettre l’accent sur ce facteur essentiel de co-construction de l’identité). Kerbrat-Orecchioni (1999 : 34-35) y inclut les « protagonistes du discours » et la « situation de communication », qui comprend les « circonstances spatio-temporelles » et les « conditions générales de la production/réception du message : nature du canal, contexte socio-historique, contraintes de l’univers de discours, etc. ».

5. Par rapport au contexte et à la situation d’énonciation, il est important de souligner que ce qui importe le plus est la façon dont les interlocuteurs interprètent et définissent le contexte et la situation dans lesquels ils communiquent (cf. Van Dijk, T. A., 2009, Society and Discourse. How Social Contexts Influence Text and Talk, Cambridge University Press). Au moment de la rédaction de cet article, cet ouvrage n’était pas encore publié. Aussi, son contenu ne pouvait-il pas être intégré dans la présente analyse.

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passés respectifs et leurs rôles dans la présente situation, ainsi que le sujet de l’in-teraction 6 (ce dont il est question dans l’interaction). Le rapport du discours avec la construction de l’identité est double : nous distinguerons d’un côté son apport au modelage de l’identité dans une perspective dialogique (Holland et al., 1998 : passim), et de l’autre, son apport au repérage des identités, puisque c’est souvent à partir de leur verbalisation, leur mise en discours, qu’on peut les étudier et dresser des conclusions sur les stratégies sous-jacentes (Wodak et al., 1999 : 32).

Par ailleurs, l’identité est une notion qui parle aussi de la différence, qui constitue l’identité. Ainsi, l’Autre est nécessaire afin que soi se rende compte de sa spécificité, qui résulte de la confrontation avec un autre, mais aussi parce que soi a besoin de la reconnaissance et de la validation de cet autre pour exister en tant que tel (Ferréol & Jucquois, 2003 : 156 ; Liakos, 2005 : 68-69). Ainsi, le groupe « se définit plus par ses frontières symboliques (donc par le rapport à l’Autre), que par des carac-téristiques internes spécifiques » (Blanchet, 2000 : 115). On s’aperçoit alors que l’identité repose pour une bonne part sur l’imaginaire, et que la réalité qui permet aux groupes de se différencier est élaborée (voir Blanchet, 2000 : 115 et Ferréol & Jucquois, 2003 : 157), « filtrée » pourrait-on dire. C’est justement pendant l’appro-priation et l’élaboration de la réalité par l’être humain en tant qu’individu et en tant que membre d’une collectivité sociale que le discours intervient et agit.

Ainsi, l’identité dépend des situations où l’on se trouve ; elle est situationnelle 7 (Liakos, 2005 : 69) et résulte de la combinaison de l’interaction de la personne, des ressources culturelles que celle-ci a en main et des situations précises qui deman-dent une réponse appropriée (dans une perspective dialogique –au sens bakhtinien– de l’identité) (Holland et al., 1998 : 40 et passim). De la sorte, nous envisagerons l’identité comme un processus d’appropriation des données réelles ou imaginaires, du passé ou du présent, dans la vie, le système conceptuel et les besoins concrets d’un groupe et d’un individu dans le présent. Nous adoptons ainsi d’une certaine manière la vision de l’histoire de Liakos (2005 : 69) : on s’éloigne aujourd’hui « d’une idée de l’histoire comme source objective et cause de la création des caractéristi-ques nationales », pour y voir (dans l’histoire) « une discussion synchronique, une entreprise (et un conflit) pour l’appropriation du passé 8 ».

6. Le « topic » selon (Wodak et al., 1999 : 4). 7. Cf. la notion de « positional identities » (Holland et al., 1998 ; Benwell & Stokoe, 2006). 8. Nous traduisons.

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L’identité dans le(s) discours nationaliste(s) 9

Par rapport au sujet qui nous intéresse ici, nous sommes obligée d’appréhender l’identité dans le cadre du nationalisme. Il est important de souligner que l’identité nationale n’est pas unique, uniforme et homogène, mais construite, tel un processus selon les contraintes que nous avons mentionnées plus haut (la situation d’énon-ciation, le public, etc.) (Wodak et al., 1999 : 4). L’identité nationale fait référence à la nation, cette communauté imaginaire selon Anderson (1983), qui est, en effet, une « construction mentale 10 » (ibid. : 22). Cela étant, le discours nationaliste n’ex-prime pas une communauté préexistante, mais c’est lui qui la constitue (Exertzo-glou, 1999 : 76 ; Lekkas, 1989 : 317 ; Hobsbawm, 1992 : 10 11), parfois sur la base des caractéristiques prénationales communes (Hobsbawm, 1992 : 10 et passim). Pour ce faire, ce qui compte « n’est pas l’expérience brute, mais son interprétation particulière, pas la réalité en tant que telle, mais la signification qui lui est attri-buée 12 » (Exertzoglou, 1999 : 76). Toute nation doit alors « construire son unité sur la base de disparité évidente12 » (Hobsbawm, 1992 : 91). Et c’est cette dispa-rité qui se manifeste à travers les multiples facettes de l’identité nationale. Dans ce processus, le jeu constant entre mémoire et oubli joue un rôle crucial (Liakos, 2007 : 97-98 et 183-184 ; Renan, 1992 : 41). Il est alors intéressant de voir la façon dont « le discours national[iste] organise ses silences12 » (Exertzoglou, 1995-1996 : 228), et dissimule les différences, notamment, dans le cas qui nous intéresse ici, par rapport à l’absence de maîtrise de la langue dominante.

Le pétrissage des différences se fait au moyen de la « configuration narrative » (Wodak et al., 1999 : 14), qui permet d’intégrer tous les aspects contradictoires dans un ensemble, un récit cohérent (ibid. : 14-15). Ainsi, « la nationalité est une narration, un récit que l’on donne sur soi-même afin de donner un sens à son monde social 13 » (cité in Wodak et al., 1999 : 23). Toutefois, « le fait que la natio-nalité est un récit ne défie pas sa réalité, car les mythes ne sont pas des mystifi-

9. Selon Exertzoglou, il faudrait analyser le discours nationaliste en tant que discours qui fonc-tionne non seulement en continuités, mais aussi en discontinuités, et c’est pour cela qu’il pré-fère utiliser le terme au pluriel (1999 : 77).

10. Dans l’original “mental construct”. Nous traduisons. 11. Hobsbawm (1992 : 10) souligne « the element of artefact, invention and social engineering

which enters into the making of nations. […] Nations do not make states and nationalisms but the other way round ».

12. Nous traduisons. 13. Nous traduisons : « Nationality is a narration, a story which people tell about themselves in or-

der to lend meaning to their social world » (Ram, U. (1994). “Narration, Erziehung und die Erfindung des jüdischen Nationalismus ». Österreiche Zeitschrift für Geschichtswissenschaft (ÖZG) 5 :2, p. 151-77 : 153, citant lui-même Geertz, C. (1973). Dichte Beschreibung. Frankfurt a. M.).

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cations 14 » (cité in Wodak et al., 1999 : 23). En revanche, le mythe est nécessaire à toute nation en tant que communauté imaginaire (Anderson, 1983), puisque les nations elles-mêmes sont des mythes (Fulbrook, 1997 : 72). Son rôle dans le discours nationaliste est crucial, puisqu’il assure la stabilité et la solidarité de la nation en proposant un ancrage identitaire solide et unifiant (Smith, 1986 : 201 ; Schöpflin, 1997 : 22-23).

À part la cohérence, la continuité est une autre caractéristique essentielle dont l’histoire nationale, élaborée en tant que narration, doit faire preuve (Liakos, 2007 : 201 ; Tsoukalas, 1994 : 287). Dans l’histoire nationale grecque, le schéma de l’histoire de 3 000 ans est apparu au cours du xixe siècle afin d’établir la continuité tant dési-rée et afin d’assurer à la narration nationale la cohérence nécessaire. Ainsi, toutes les communautés que les élites voulaient intégrer dans la « nation grecque » ou qui vou-laient d’elles-mêmes s’y intégrer devaient se conformer à ce schéma, quitte à se servir de mythes riches en inventions (Skopetea, 1994 ; Tsoukalas, 1994 ; Smith, 1986).

Le(s) discours nationaliste(s) grec(s)

Les arguments dont le discours nationaliste se sert sont majoritairement cultu-rels (Lekkas, 1989 : 314). Parmi les critères utilisés pour « démontrer » l’identité nationale des populations données, les plus importants, mais aussi les plus pro-blématiques, sont la langue et la religion, qui englobent le plus souvent les autres traits culturels (ibid. : 323-324). La prééminence du critère de la langue parlée se comprend si l’on songe au fait que la langue est le seul élément de nationalité qui peut être objectivement attesté (Hobsbawm, 1992 : 98 ; Lekkas, 1989 : 324), et si l’on se remémore l’influence que le romantisme allemand a exercée sur l’évolution des idéologies nationalistes (Lekkas, 1989 : 324-325 ; Hobsbawm, 1992 : 57). Il va sans dire que la langue peut jouer un rôle dans la différenciation des groupes, mais elle ne peut ni être le seul et unique trait culturel ni être prise en compte isolément d’un réseau de traits différenciateurs 15 (Lekkas, 1989 : 326 ; Hobsbawm, 1992 : 58). Toutefois, il serait erroné de la considérer comme une condition sine qua non pour l’apparition d’un nationalisme ou comme figurant nécessairement parmi ses

14. Nous traduisons : « The fact that nationality is a story does not challenge its reality, because myths are not mystifications » (Ram op. cit.: 154).

15. Selon Anderson (2006 : 133), il est erroné de considérer que la langue est un emblème d’ap-partenance à une nation (nation-ness), puisque « l’important avec la langue est sa capacité de générer des communautés imaginaires, en bâtissant des solidarités particulières » (« much the most important thing about language is its capacity for generating imagined communities, building in effect particular solidarities ») (nous traduisons) (sur ces solidarités cf. ibid. : 44-45 et chapitre 5). L’instrumentalisation de la langue dans les projets nationalistes permet à Ander-L’instrumentalisation de la langue dans les projets nationalistes permet à Ander-son d’affirmer : « The nation was concieved in language, not in blood, and […] one could be ‘invited into’ the imagined community » (ibid.: 145).

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arguments (Lekkas, 1989 : 325-326), d’autant plus que l’argument de la langue est créé, inventé rétroactivement (Lekkas, 1989 : 327 ; Hobsbawm, 1992 : 54). Ainsi la langue nationale peut être élaborée ou « épurée » dans le but de souligner la « pureté » du code national (Lekkas, 1989 : 329 ; Hobsbawm, 1992 : 55-56), tou-jours dans le souci de démontrer la continuité nationale.

Dans le cas grec, il est intéressant de suivre la construction progressive de la concep-tion dominante de l’identité nationale grecque, qui se résume notamment en deux traits culturels : la langue grecque et le christianisme orthodoxe (Exertzoglou, 1999 : 77 ; voir aussi Lekkas, 1989 : 332 et passim ; Skopetea, 1988 : 93-135). Le nationalisme grec, centré initialement sur la langue grecque, a dû modifier sa définition et atténuer le critère linguistique, afin de pouvoir inclure dans son sein aussi des populations non grécophones auxquelles il aspirait, installées notamment en dehors des frontières du premier état hellénique (Exertzoglou, 1999 : 77-79 et 84-85). Cette restructura-tion de l’identité grecque a alors amené à l’extension des frontières imaginaires de la nation (ibid. : 85). Néanmoins, ce raisonnement (l’atténuation du critère de langue) n’a pas été poussé jusqu’au bout (ibid. : 84) : l’usage du grec était toujours considéré comme preuve de la nationalité grecque (ibid. : 85), tandis que le fait de ne pas parler grec était toujours considéré comme un état « anormal » (« un défaut à corriger », ou une « source de honte » selon (Marantzidis, 2006 : 235 et Marantzidis, 2001 : 93), respectivement), ce qui a créé des complexes d’infériorité et d’autodépréciation chez les Grecs non grécophones et a suscité des stratégies afin d’y remédier.

Le réajustement des critères de nationalité est survenu après la « découverte » des communautés chrétiennes non grécophones et le désir de les incorporer dans la nation hellénique (Exertzoglou, 1999 : 78 et 84-85). Ce réajustement n’a pas été facile et des intellectuels grecs ont été sollicités pour mener à bien cette tâche (ibid. : 79). Parmi les arguments utilisés, celui qui expliquait la deshellénisation ( αφελληνισμός) linguistique en termes de déclin politique nous semble le plus inté-ressant (ibid. : 79). Le manque d’infrastructure scolaire, les persécutions que les Ottomans ont fait subir aux Grecs et la peur qu’ils leur infligeaient figuraient par ailleurs parmi les arguments récurrents (ibid. : 80-81).

Cette mutation de la conception de l’identité grecque doit être envisagée dans le cadre conceptuel que créait la « question de la langue » (γλωσσικό ζήτημα) (ibid. : 85-86). Ainsi, la démotique, en tant que langue éloignée de la langue savante, (καθα-ρεύουσα), était considérée comme indice de déclin politique, dû à l’esclavage, tout comme le fait de ne pas parler grec du tout. Les non grécophones étaient mainte-nant sur un pied d’égalité avec les grécophones qui n’employaient pas pour autant la langue « pure », celle qui rapprochait les Grecs de leur passé glorieux. De la sorte, les non grécophones étaient incorporés dans le discours nationaliste, nourri à l’épo-que par la Grande Idée (Μεγάλη Ιδέα) (ibid. : 86-87). De plus, c’est justement ce déplacement d’argumentation qui a renforcé le rôle de la religion dans l’identité grecque (ibid. : 85-86).

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Ainsi, l’« oubli » de la langue grecque a-t-il été considéré comme un accident historique, qui n’a pas néanmoins affecté la « conscience nationale » des populations considérées, laquelle demeurait bel et bien grecque (ibid. : 81). Cette conscience, concept-clé dorénavant, n’était alors saisissable qu’à travers la loyauté aux institutions suprêmes de l’Église orthodoxe, notamment au Patriarcat de Constantinople 16. De telle manière, “le discours nationaliste a déplacé l’argument de la surface glissante de la langue parlée vers un terrain plus solide. Des critères alternatifs d’identité ont établi des critères alternatifs de communauté, même aux dépens des versions d’identité nationale dominantes, axées sur la langue 17” (ibid. : 83).

Pour compléter ce tableau retraçant le(s) discours nationaliste(s) grec(s), il est indispensable de se pencher sur un autre point essentiel qui le(s) caractérise. Dans le but de préserver la cohérence et la continuité de la narration nationale, le concept de « ελληνοχριστιανισμός » (« helléno-christianisme ») est apparu (Tsoukalas, 1994 : 296 et 296-303). En effet, le discours nationaliste grec, depuis les Lumières grecques, a insisté sur les liens de la civilisation grecque avec l’Occident 18, puisqu’il aspirait à sa connexion avec ce lieu privilégié de culture et de progrès (moyennant la Grèce antique) 19 (Exertzoglou, 1999 : 83-84 ; Tsoukalas, 1994 : 296-303 ; Hirschon, 1998 : 10-11). Néanmoins, la Grèce antique semblait être trop loin, et pour remédier au vide entre celle-ci et la Grèce moderne, il fallait se réapproprier le passé chrétien (byzantin), qui lie pour autant la Grèce au monde oriental. Ainsi, en intégrant la période byzantine dans l’histoire nationale, la narration a acquis une unité et une continuité sans interruptions majeures ; le schéma de l’histoire de 3 000 ans a été éla-boré dans une optique essentialiste, en intégrant, toutefois, des éléments contradic-toires. Cette vision a été à nouveau introduite de façon brutale. Elle est à l’origine d’une antinomie et d’une tension, inhérentes à l’identité grecque, entre l’élément « grec » et « chrétien », laïc et religieux, orienté vers l’ouest ou vers l’est (Tsoukalas, 1994 : 297), qui demeurent jusqu’à aujourd’hui en suspens.

16. Ce qui a été particulièrement saillant dans le cas du conflit gréco-bulgare sur la Macédoine et la catégorisation de ses habitants en fonction de leur attachement au Patriarcat œcuménique ou à l’Exarchat bulgare.

17. Nous soulignons et traduisons de l’anglais : « [By insisting on ecclesiastic allegiance and school choice,] nationalist discourse shifted the argument from the slippery surface of spoken language to a more stable ground. Alternative criteria of identity established alternative versions of com-munity even at the expense of the dominant, language-oriented versions of national identity ».

18. Il a élaboré ainsi l’argument de la supériorité des Grecs, qui se distinguaient de leurs voisins (et rivaux) (Exertzoglou, 1999 : 83-84) et, partant, avaient une priorité en ce qui concerne leurs revendications (de populations ou territoires).

19. Ce qui a d’ailleurs créé tous les complexes et syndromes d’infériorité des Grecs vis-à-vis de l’Europe occidentale ; cependant, les Grecs d’Asie Mineure n’ont pas été affectés par ce syndrome, à cause de leur isolement relatif et, surtout, leur sentiment de supériorité culturelle dans l’Empire ottoman qui s’appuyait, pour une bonne part, sur leurs liens avec Byzance et sur la certitude de la supériorité de la tradition chrétienne (Hirschon, 1998 : 10-14). Cependant, c’est le même discours qui a créé le sentiment de supériorité des Grecs vis-à-vis des autres peuples voisins (cf. Exertzoglou, 1999 : 83).

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Les cas de marginalité

Le modèle du citoyen grec, construit autour des deux axes centraux : la langue grecque et l’orthodoxie, fait preuve d’une rigidité prononcée et d’une intolérance vis-à-vis de l’altérité (Baltsiotis, 2002 : 344, 353 et passim) et influence inévitable-ment les conduites et choix des communautés qui n’y entrent pas à part entière. Ainsi, celles-ci ont adopté le discours hégémonique assimilationniste, qui leur a infligé l’idée de leur « imperfection » (autodépréciation) (Tsitsipis, 1998 : 3, 11-12 et passim) et les a conduites, en règle générale, à l’abandon et la non-transmission de la langue minoritaire.

La Grèce contemporaine passe sous silence 20 toute différence linguistique ou culturelle et la considère comme un accident historique (voir supra) ; ainsi, les popu-lations « déviantes » ont inventé, avec le recours des élites locales ou centrales, des narrations mythiques qui justifient cette « déviation » et les incorporent en même temps à la nation (Baltsiotis, 2006 ; Baltsiotis, 2002 ; Marantzidis, 2001 ; Exertzo-glou, 1999). Le pays se vante alors aujourd’hui de son homogénéité nationale. Il a d’ailleurs le droit de le faire, parce que cette homogénéité est le fruit d’un travail laborieux afin d’helléniser toutes les populations alloglottes qui habitaient sur son territoire, jadis inclus dans l’Empire ottoman polyglotte et multiethnique. Le nouvel état, fondé en 1830, dans une perspective irrédentiste nourrie de la Grande Idée, a choisi d’incorporer dans son sein les populations orthodoxes indépendamment de la langue qu’elles parlaient. Ces populations appartenaient jusqu’alors (dans l’Em-pire ottoman) au rum millet, qui se définissait sur la base de la religion – et on voit alors encore une fois que c’était la confession orthodoxe l’élément crucial afin d’in-clure un groupe au large monde hellénique.

Malgré le fait qu’il existe 6 langues minoritaires en Grèce, il n’y a qu’une mino-rité qui est officiellement reconnue, la minorité musulmane turcophone, qui a été exemptée de l’échange obligatoire des populations et dont les droits et la reconnais-sance sont préservés par le Traité de Lausanne. À part elle, l’état grec ne reconnaît aucune autre minorité ou langue minoritaire et a toujours manifesté une volonté politique à dissimuler et assimiler les différences quelconques afin de les rappro-cher du modèle du citoyen grec « grécophone et orthodoxe ».

Nous n’allons pas entrer dans une discussion théorique du concept de minorité, longue et malaisée 21, puisqu’il s’agit d’un concept « toujours politique » (Allardt, 1992 : 53) ; pour notre thématique ici, nous aurons besoin de la condition sine qua non de l’existence d’une minorité linguistique, à savoir l’auto-catégorisation, la

20. Malgré le fait que durant le xixe et au début du xxe siècle l’altérité linguistique était présente dans le discours publique (Baltsiotis, 2002 : 363).

21. Pour plus de détails sur la question des minorités et les problèmes théoriques qui l’accompa-gnent voir Sella-Mazi (2001 : 153-162), Tsitselikis (1996 : 31-39) et sur la question des mino-rités en Grèce Clogg (2002).

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conscience commune des locuteurs de la particularité de leur langue et leur volonté de la préserver, la revendication de leur différence (Tsitselikis & Christopoulos, 1997 : 423 ; Allardt, 1992 : 51). Ce critère semble être absent dans le cas de la plu-part des Grecs issus des communautés bilingues. En revanche, une langue mino-ritaire peut être objectivement définie, par la simple observation de l’usage d’une langue par un groupe restreint (Tsitselikis, 2001 : 144), par sa place minoritaire au sein de la société, ainsi que par l’attitude de l’état envers la langue et ses locuteurs (Tsitselikis, 1996 : 37) et c’est la typologie sur la base de ce concept (langue mino-ritaire) que nous retiendrons.

Ainsi, en Grèce il y a six langues minoritaires 22 : le turc (parlé par la minorité musulmane), le pomaque, le slavomacédonien, le valaque, l’arvanite et le tsigane (Sella-Mazi, 2001 ; Adamou, 2008). Le turc parlé par les populations grecques ortho-doxes n’est jamais traité comme une langue minoritaire, ni même mentionné ; si la question des minorités et/ou des langues minoritaires en Grèce reste un sujet tabou, l’inclusion des orthodoxes turcophones parmi les locuteurs des langues minoritaires s’avère un sujet particulièrement sensible, en raison aussi du positionnement de ces populations et de leur revendication de l’identité hellénique.

Toutes ces populations ont été confrontées au refus et à l’ignorance de leurs spécificités par l’état et à sa politique assimilationniste, pas toujours douce, accom-pagnée d’une idéologie puissante de monolinguisme grec comme la seule situation linguistique acceptable pour les citoyens. Cette idéologie s’est inscrite dans l’atti-tude générale de l’état grec qui envisage l’altérité comme une menace de la sécurité nationale. Ainsi, les populations en question se sont-elles trouvées dépourvues de tout soutien à l’égard du maintien et de la promotion de la langue minoritaire ; et les quelques efforts émanant des communautés étaient voués à l’hostilité de la part des services étatiques (Baltsiotis, 2002 : 354 et 362-363).

La seule langue minoritaire qui jouit d’une reconnaissance officielle et du sou-tien étatique (selon les périodes, les choix politiques et les relations avec la Tur-quie) et ne se trouve pas en voie de disparition est le turc parlé par la communauté musulmane. Les autres communautés, jadis bilingues ou monolingues, ont choisi majoritairement d’abandonner leur langue et ont opté pour le grec, même en ce qui concerne la communication familiale et intracommunautaire. Par conséquent, il se trouve qu’aujourd’hui les locuteurs sont d’un nombre très réduit et souvent plutôt âgés. Le cas du slavomacédonien mis à part, où la répression de son usage était très marquée en raison des questions historiques et politiques (notamment le

22. Nous ne nous occupons pas ici du judéo-espagnol (4e langue la plus parlée au début du xxe siè-cle, cf. Adamou, 2008 : 16) et de l’arménien, langues parlées de nos jours par un nombre réduit de personnes, qui avaient toutefois un nombre de locuteurs considérable jusqu’en 1950, ni des langues des migrants. Le statut du gréco-pontique pose aussi des problèmes que nous ne traite-rons pas ici ; quoi qu’il en soit, le gréco-pontique n’est pas inclus dans les langues minoritaires de Grèce par les chercheurs.

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soutien qu’une grande partie des Grecs slavophones a fourni au parti communiste pendant la guerre civile), les communautés ont, de façon générale, choisi de leur propre gré – mais sous l’influence déterminante de l’idéologie ambiante même si elles n’ont pas subi de violence – de ne pas transmettre leur langue à leur progé-niture et d’adopter le grec, dans un mouvement social ascendant, afin de démon-trer leur loyauté à la Grèce, et souligner ainsi leur grécité. Dans cette procédure de démonstration identitaire, les différentes communautés ont également cherché d’autres arguments, plus ou moins fictifs, afin de se montrer « plus grecques que les grecques » (Marantzidis, 2003 ; Baltsiotis, 2002 : 348, 353). Et leur construction identitaire s’est basée sur un effort de surcompensation du défaut de l’absence de maîtrise du grec (Voutira, 1997 : 123 ; Marantzidis, 2001 : 43-45 et 2006 : 236 23), en mettant en même temps l’accent sur d’autres traits culturels qu’elles jugeaient avantageux pour elles (ex. religion, passé glorieux, directement lié aux Grecs anciens, origines « pures », etc.).

En guise de conclusion

L’abandon des langues minoritaires au profit du grec était alors considéré comme un « retour à l’état naturel » (Baltsiotis, 2002 : 351) et s’est fait volontairement ; les communautés l’ont choisi afin d’affirmer leur grécité (Zerva, 2008). Ce choix doit être envisagé dans le contexte intellectuel que créait le nationalisme grec. Celui-ci, centré initialement sur la langue, a dû se réorienter et modifier son argumentaire afin d’inclure dans la nation également des populations orthodoxes, mais allopho-nes. Ainsi, le critère de l’orthodoxie, bien que déjà présent, a prévalu, au point de devenir même le plus important pour l’identité grecque. Toutefois, le critère lin-guistique n’a pas disparu, mais a persisté. L’hellénisation finale de toute population qui se veut grecque est essentielle. Même si l’ignorance du grec n’a pas été prohi-bitive pour inclure des populations allophones dans la nation grecque, l’abandon ultérieur de la langue d’origine était obligé afin de rentrer à part entière dans le modèle dominant du citoyen grec.

**

*

23. Ici Marantzidis parle de la tendance générale des populations déracinées à reproduire de façon plus saillante des éléments importants de leur culture antérieure, ainsi que du zèle dont font preuve des groupes qui éprouvent de l’insécurité par rapport à leur identité à mettre l’accent sur ces traits qui, à leur avis, leur seront plus favorables.

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Table des matières

Auteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6Système de translittération . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

PréfaceNaoum Abi-Rached . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

Domaine social

La modan gâru, figure de la transgression dans le Japon moderneSandra Schaal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

Marginaux au cœur des villes saintes : les chanteurs efféminés de La Mecque et de Médine d’après Le livre des ChantsAya Sakkal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29

Modalités et espace de l’exclusion des Mélingues dans le Péloponnèse médiévalMartine Breuillot . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39

Le citoyen grec « par excellence ». Conception normative du citoyen grec par l’État-nation grec et cas de marginalitéMaria Zerva . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49

La pratique du zâr en Iran : guérison ou superstitionNader Nasiri-Moghaddam . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63

Le haschich dans les sociétés musulmanes du Proche-Orient médiéval, et en particulier chez les soufis : usages et contre-usagesEric Geoffroy . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69

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Normes et marginalités à l’épreuve244

Domaine littéraire

Pages, parages, passages : entre Histoire et histoire(s) dans Amrîkânlî de Sun‘allah IbrâhîmChristine Zimmer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77

L’« ancien » et le « nouveau » Pouchkine : créativité et marginalité dans la littérature russePeter I. Barta . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89

Un jeune retardataire. La marginalité fantasmée de Kenzaburô ÔéAntonin Bechler . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101

La vision prismatique sociale de Mayy ZiyÁda (1886-1941). L’unité dans la complémentaritéRaif Georges Khoury . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111

Le soufisme dans la poésie persane classique : de la marginalité à la normalisation de la dimension mystiqueMicheline Bartolo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 131

Naguib Mahfouz et les « gueux »Naoum Abi-Rached . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145

Domaine linguistique

La perception de la variation linguistique en grec moderneIrini Tsamadou-Jacoberger . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 165

Norme et violation de la norme. L’accord du verbe avec son sujet en arabe standardGeorges Bohas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 179

Les romanciers contemporains face à la norme linguistique arabe. L’exemple de Alawiyya Sobh, Hassan Daoud et Rachid al-DaïfSalam Diab-Duranton . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 189

Domaine philosophique

La critique de l’École de Kyôto par Jun Tosaka : norme et marginalité autour de sa pensée Yoshinori Tsuzaki . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 203

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Table des matières 245

Domaine artistique

L’illustration des manuscrits persans : occupation subtile de l’espace central et périphériquePegah Shahbaz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 219

Résumés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 227Abstracts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 235

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« Études orientales, slaves et néo-helléniques »collection publiée par le GEO – EA 1340,

Université de Strasbourg

•Directeur : Edgard Weber

Responsables de la publication : Rodolphe Baudin, Irini Tsamadou-Jacoberger

Comité scientifique :Barta Peter, Université du Surrey, UK / SlaveBoustani Sobhi, INALCO / ArabeBreuillard Jean, Paris Sorbonne / SlaveDebaisieux-Zemour Renée-Paule, Bordeaux III / Néo-helléniqueHosokawa Shûhei, Nichibunken, IRCJS / JaponaisInaga Shiguemi, Nichibunken, IRCJS / JaponaisVassilak Sophie, INALCO / Néo-helléniqueVauthier Elisabeth, Rennes / Arabe

Comité de lecture :Abi-Rached Naoum, UDS / ArabeBanon David, UDS / HébreuBaudin Rodolphe, UDS / SlaveBreuillot Martine, UDS / Néo-helléniqueEnderlein Evelyne, UDS / SlaveEsmaili Hossein, UDS / PersanGeoffroy Eric, UDS / ArabeGiroux Sakaé, UDS / JaponaisNasiri-Moghaddam Nader, UDS / PersanSchenhav Mordechaï, UDS / HébreuSeguy Christiane, UDS / JaponaisTsamadou-Jacoberger Irini, UDS / Néo-hellénique