LE CINÉMA MYTHIQUE DE TERENCI MOIX INTRODUCTION PHILIPPE MERLO Université Lumière-Lyon 2 Avec des titres comme Hollywood Stories I y Il, Mis inmortales del cine, Hollywood aos 30, Hollywood aos 40 1 , des articles publiés en 1993 par El Pals sous le titre de Conversaciones con el Hollywood dorado, une Gran historia del cine écrite tous les dimanches dans l' A.B.C., avec des titres de romans comme El dfa que muri6 Marilyn, El cine de los sabados 2 ; en 1989, animateur d'un proamme télévisé au nom révélateur de Mas estrellas que en el cielo qui a accueilli les plus grandes stars espagnoles et intemationales 3 . Quel est l'auteur espagnol qui peut se venter d'avoir fait et écrit autant pour et sur le cinéma, si ce n'est le mancier Terenci Moix. On peut alors légitimement se demander de quelle nature est le cinéma que nous propose Terenci Moix ? Quels sont les liens que le romancier enetient avec le septième art ? Nous tenterons de répondre à ces questions en montrant que le cinéma moixien se veut mythique au sens que les ethnologues, sociologues et mythologues comme Mircea Eliade, Roger Caillois, Edgar Morin, Je- Pierre Hamme!... attribuent à ce terme dont la définition peut être 1 Mais aussi des t itres comme Clasicos del cine, lntrodci6n a la historia del cine... 2 un autre roman intitulé Mujercfsimas, parodie du titre du film Mujercitas de Meyn Le-Roy de 1949 itre original Little Women). 3sara Montiel, Ursula Andress, Gina Lollobrigida, Esther Williams, Peter O'Tolle, Joan Collins, Joan Fontaine, Lauren Bacall, Kirk Douglas ... HISP. XX - 15 - 1997 311
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LE CINÉMA MYTHIQUE DE TERENCI MOIX PHILIPPE ...Le cinéma mythique de Terenci Moix beauté d'un Apollon ou d'un éphèbe, de la force herculéenne ou dionysiaque ou de la figure mythique
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LE CINÉMA MYTHIQUE DE TERENCI MOIX
INTRODUCTION
PHILIPPE MERLO
Université Lumière-Lyon 2
Avec des titres comme Hollywood Stories I y Il, Mis inmortales del
cine, Hollywood afzos 30, Hollywood afzos 40 1 , des articles publiés en 1993 par El Pals sous le titre de Conversaciones con el Hollywood
dorado, une Gran historia del cine écrite tous les dimanches dans l' A.B.C., avec des titres de romans comme El dfa que muri6 Marilyn, El cine de los
sabados2 ; en 1989, animateur d'un programme télévisé au nom révélateur de Mas estrellas que en el cielo qui a accueilli les plus grandes stars espagnoles et intemationales3 . Quel est l'auteur espagnol qui peut se venter d'avoir fait et écrit autant pour et sur le cinéma, si ce n'est le romancier Terenci Moix.
On peut alors légitimement se demander de quelle nature est le cinéma
que nous propose Terenci Moix ? Quels sont les liens que le romancier entretient avec le septième art ?
Nous tenterons de répondre à ces questions en montrant que le cinéma
moixien se veut mythique au sens que les ethnologues, sociologues et mythologues comme Mircea Eliade, Roger Caillois, Edgar Morin, JeanPierre Hamme!... attribuent à ce terme dont la définition peut être
1Mais aussi des t itres comme Clasicos del cine, lntroducci6n a la historia del cine ... 2un autre roman intitulé Mujercfsimas, parodie du titre du film Mujercitas de Mervyn Le-Roy de 1949 (fitre original Little Women).
3sara Montiel, Ursula Andress, Gina Lollobrigida, Esther Williams, Peter O'Tolle, Joan Collins, Joan Fontaine, Lauren Bacall, Kirk Douglas ...
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extrêmement fluctuante. Il sera intéressant de souligner que le monde
moixien fait tout d'abord appel à une multitude de divinités à la fois
antiques et cinématographiques pour lesquelles toute une liturgie est mise
en place Nous montrerons finalement que cette mythologie « antico
cinématographique » est à la fois le reflet et, en même temps, donne lieu
à une mythologie plus personnelle propre à l'auteur, comme nous pourrons nous en apercevoir, non seulement à travers les écrits
autobiographiques du romancier espagnol, mais aussi à travers les autres
veines de sa production (romans historiques, romans de formation, romans
sur les moeurs de la société contemporaine espagnole, etc.).
1- UN MONDE DIVIN
A- LE PANTHÉON DES DIVINITÉS MYTHIQUES MOIXIENNES
Ce panthéon, sous forme de typologie, nous est proposé par Terenci
Moix lui-même dans les différentes publications qu'il a écrites sur le cinéma, et plus particulièrement Mis inmortales del cine, ailos 30 et Mis
inmortales del cine, ailos 40, Suspiros de Espaila, la copia y el cine de
nuestro recuerdo sans oublier ses nombreux articles thématiques sur le
septième art qu'A.B.C. a publiés tous les dimanches sous forme de
supplément : La gran historia del cine. Les sommaires sont déjà à eux
seuls un panthéon mythologique avec des chapitres dédiés aux « Diosas
del amor » 1, à la « Venus trianera »2 ou aux acteurs « De la estirpe de
Apoio3 ». En rapportant ainsi les personnages réels ou inventés du
panthéon du cinéma aux figures des divinités antiques, !'écrivain espagnol
réactualise des « images anciennes qui appartiennent au patrimoine
commun de l'humanité »4 et met donc en place la notion d'archétype, telle que l'a définie Carl Gustav J ung5 .
Nous nous trouvons en présence d'acteurs et d'actrices qui sont la
réincarnation des divinités de l'amour, comme Vénus-Aphrodite, de la
1Terenci Moix, Mis inmortales del cine, aiios 30, Barcelona, Planeta, 1996, p. 69, et Mis inmortales del cine. aiios 40. Barcelona. Planeta, 1996, p. l .2Terenci Moix, Suspiros d e Espaiia, Barcelona, Plaza & Janés, 1993, p . 160. 3Terenci Moix, Mis inmortales del cine, aiios 30, op. cit., p. 119. 4Jean-Pierre Hamme!, L'Homme et les mythes, Paris, Hatier, col. Héritages, 1994, p. 206-207.
5/bid, cité par Hamme!, p. 206-207.
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beauté d'un Apollon ou d'un éphèbe, de la force herculéenne ou dionysiaque ou de la figure mythique par dessus tout, la divine au divin mystère qui se situe entre la jeune vierge et la femme fatale. Aussi pure et promise à la souffrance que la première, aussi mystérieuse et souveraine que la seconde, elle prend souvent les traits de Jocaste ou de Pénélope. Les expressions utilisés par l'auteur sont sans équivoque. Yvonne de Carlo est « otra de las diosas oficiales del tecnicolor », Maria Montez est la
« indiscutible Diosa Madre » (El beso, 56). Le tableau ci-dessous nous présente le panthéon mythique moixien et met en évidence les figures mythiques tutélaires qui ont choisi de se réincarner dans plusieurs stars du cinéma que Moix mentionne à de nombreuses reprises dans plusieurs de ses ouvrages. D'autre part, nous choisissons de reproduire quelques photogrammes ou photos de plateau de certaines de ces stars qui ont incarné des personnages de l' Antiquité grecque ou romaine dans les
péplums des années 1940-1950 et le début des années 1960.
Panthéon mythiQue moixien Figures mythiques
Starstutélaires
Vénus-Aphrodite -Joan Crawford - Rita Hayworth- Hedy Lamarr - A va Gardner- Paulette Goddard - Paquita Rico- Lanar Turner - Sara Montiel- Gene Tiemey - Maria Montez- Sophia Loren - Silvana Mangano- Marilvn
Apollon - Clark Gable - Luis Mariano- Robert Taylor - Antonio Molina- Tyrone Power - Marion Brando-James Dean
Jocaste-Pénélope - Imperio Argentina - Elizabeth Taylor- Claudette Colbert - Deborah Kerr- Greta Garbo - Merle Oberon- Bette Davis - Yvonne de Carlo
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B- LA DIVINISATION DES ACTEURS
Les stars subissent donc un processus de divinisation. Cela est favorisé tout d'abord par l'étymologie du terme qui leur est le plus
souvent appliqué : « héros ». Il ne faut pas oublier que le héros antique est mi-humain, mi-dieu et que tel, il oeuvre à mi-chemin entre les deux. Il
« ambitionne à la condition des dieux et il aspire à délivrer les mortels de
leur misère infinie. A l'avant-garde de l'homme, le héros est le mortel en processus de divinisation » 1. D'autre part, tout comme un dieu, la starcinématographique est synonyme de pureté et d'idéal. Par conséquent, la star est asexuée :
De manera que todas mis diosas iban sin sexo por la vida y, en revancha, mis héroes no tenfan pene, porque yo habfa visto el de mi padre y era tan repugnante que atribuirle una cosa igual a Errol Flynn equivaldrîa a liquidar para siempre su leyenda. (El cine, 277)
Tout chez la star est sincère : ses amours, ses passions. Tout est épuré des scories de la vie quotidienne. Cela parvient à constituer un monde à part, inaccessible, propre à la vedette. Comme le souligne Edgar Morin,
« Le star system est fermé, inaccessible »2. Tout est fait pour décourager le simple mortel qui aurait la prétention de vouloir se mêler aux dieux. L'acteur n'appartient pas au monde de tous les jours:
Bien que les personnages des mythes soient en général des Dieux et des Êtres Surnaturels, et ceux des contes des héros ou des animaux merveilleux, tous ces personnages ont ceci de commun ils n'appartiennent pas au monde de tous les jours3.
Les acteurs sont immortels, imprimés pour l'éternité sur des pellicules
de céluloïde. Le temps ne semble pas les affecter: ils n'ont pas d'âge (El
cine, 272). Cette éternité artificielle entretient le prestige mythique de la star. Cependant, tout aussi divine que soit la star, elle daigne tout de même revenir vivre dans le monde des vivants, comme le faisaient les dieux de l' Antiquité. L'acteur et l'actrice réapparaissent dans la rue, au
!Edgar Morin, Les stars, Paris, Seuil, col. Points, 1972, p. 38-39. 2Ibid., p. 49 3
Mircea Eliade, Aspects du mythe, Paris, Gallimard, col. Folio-Essais, 1963, p. 23.
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moment des festivals de cinéma, d'une promotion, d'un tournage en extérieur, etc. Si les stars sont des dieux, ce qu'ils représentent et leur comportement servent alors de modèle.
C- LES ST ARS COMME MODÈLES
La star va servir de modèle et cela en fonction d'un double processusde « projection-identification » 1 . Edgar Morin l'a très bien analysé en
faisant ressortir que :
Comme tout spectacle et plus vivement encore, le spectacle du
cinéma implique un processus d'identification psychique entre le
spectateur et l'action représentée. Le spectateur vit psychiquement
la vie imaginaire, intense, valeureuse, amoureuse des héros de
films, c'est-à-dire s'identifie à eux2 .
De la sorte, on peur dire que la star est informatrice et formatrice ; elle est aussi incitatrice et initiatrice. Elle se transforme en objet d'admiration. Ses actes sont répétés à l'infini. Comment pouvait-il en être autrement lorsque toute la famille de Ramôn n'a de cesse de vivre comme par procuration les vies de leurs acteurs et actrices mythiques : sa mère ne fait
que parler de Conchita Piquer, Maria Félix, Lana Turner (El cine, 58-61), Maria Montez (El cine, 78) et Juanita Reina (El cine, 129), sa grand-mère
ne sait jurer que par le pape Pie XII, son « Tyrone Power apostôlico »
(El cine, 106).
Le jeune Ramôn mime, copie sans cesse toutes ces stars
Tanto que, siendo todavfa muy niiio, copiaba los aspavientos
de Eleanor Parker en Sin Remisi6n ( ... ), sabfa anunciar histerias
incipientes segun la expresi6n de Bette, en cualquiera de sus
desaguisados ( ... ) y, si deseaba expresar preocupaci6n, me colaba
en actitud de jarras, parecfa a la de Errol Flynn cuando asistfa al concurso de tiro en Rob{n de los Bosques. (El cine, 94)
1Edgar Morin, op. cit., p. 18. 2Ibid., p. 87.
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Il- UNE LITURGIE MYTHICO-STELLAIRE
A· LES LIEUX DE CULTE
Comme le souligne Mircea Eliade, « vivre les mythes implique une
expérience vraiment « religieuse » puisqu'elle se distingue de l'expérience ordinaire, de la vie quotidienne » 1 • Toute religion se caractérise par une
liturgie et tout d'abord par ses lieux de culte. Comme pour mieux signifier aux adeptes le lien entre la religion et son lieu de culte, le cinéma comme art va procéder par métonymie et donner son nom au lieu qui l'héberge. Les ouvrages moixiens mentionnent une quantité innombrables de cinémas, des plus humbles et misérables - comme l' Astoria de son quartier (El cine, 136) ou le Hora où il a failli naître (El cine, 142) -aux plus belles, grandes et luxueuses de Barcelona comme le Coliseum, le Kursaal (El cine, 135), le Bagdad (El cine, 142), le Windsor, l' Alexandra dont les architectures avec les coupoles, les minarets, les façades gothiques, les vitraux nous font penser à une église ou une mosquée.
En outre, le cinéma est aussi pour Moix un véritable refuge où il se
précipite dès que la noirceur du quotidien l'envahit, comme lorsque son frère est sur le point de mourir, ou dès qu'il subit une déception amoureuse:
Regresé a mi refugio habituai, mi verdadero domicilio en el
mundo: las salas de cine. Estuve a punto de nacer en una de ellas y
conocf mi primer momento de placer en el gallinero de otra muy
parecida. Eran mi cuna y mi burdel al mismo tiempo. El unico lugar
donde no me sentirfa agredido por los ataques del mundo real. (El
beso, 114)
Moix ira même jusqu'à avouer que son bureau est une véritable
« Capilla Sixtina del cine » (El cine, 340).
De plus, comme toute religion qui se respecte, le cinéma a sa Jérusalem céleste plus connue sous le nom d'Hollywood. Moix y a consacré, dès ses premiers écrits, deux ouvrages qu'il a intitulés
Hollywood staries let Hollywood staries // (Lumen, 1971 et 1973). N'oublions pas que le sous-titre de Mis inmortales del cine est Hollywood, afzos 30-afzos 40.
1 Mircea Eliade, op. cit., p. 33.
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B- LES OBJETS ET LES ACTEURS DU CULTE
La liturgie cinématographique fait appel à une multitude d'objets quireprésente la panoplie du parfait« fan-atique ». Tout ce qui peut avoir un rapport de près ou de loin avec un film ou une star va être conservé, collectionné, vénéré. C'est ainsi que l'on voit le jeune Ramon accumuler les affiches originales de cinéma et les programmes en couleurs (El cine,
80), les pubs (El cine, 97), les cartes postales sur lesquelles figurent les acteurs (El cine, 111) ... Adolescent, les recherches se précisent et apparaissent les revues de cinéma - Camara, Primer Piano, Fotogramas
(El cine, 144) ou Cinérrwnde (El beso, 301) -, suivies des articles et des études dans des revues comme Les cahiers du cinéma (El beso, 335), et surtout les histoires du cinéma d' Angel Zûniga et celle de Maria Luz Morales (El cine, 287-288).
Au fur et à mesure que tous ces objets sont accumulés, c'est tout un rite qui se met peu à peu en place et qui nous renvoie au mythe puisque comme le remarque Roger Caillois« le mythe apparaît-il le plus souvent doublé d'un rite ( ... ), le rite réalise le mythe et permet de le vivre »1 . Le rite se manifeste sous deux aspects. Le premier étant celui de la visite répétée dans les différentes salles de culte, et le second l'apparition de prières quotidiennes. Deux gestes qui nous renvoient à la pratique du mythe, selon Mircea Eliade
Grâce à la répétition continuelle d'un geste paradigmatique,
quelque chose se révèle comme fixe et durable dans le flux
universel. Par la réitération périodique de ce qui a été fait in illo
tempore la certitude s'impose que quelque chose existe d'une
manière absolue2.
Si le premier acte du rituel est une pratique courante chez tous les fanatiques du cinématographe, la prière, quant à elle, revêt des aspects fort originaux chez Moix. En effet, Ram6n, tout comme s'il s'agissait d'un credo, apprend par coeur des passages entiers de répliques de ses acteurs préférés et les ressort aux moments opportuns, le plus souvent en présence d'autres fidèles (El cine, 84 et 137). En agissant ainsi, le jeune garçon renoue avec les pratiques des mythes antiques
1Roger Caillois, Le mythe et l'Homme, Paris, Gallimard, col. Folio-Essais, 1938, p. 28-29. 2Mircea Eliade, op. cit., p. 175.
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( ... ) en récitant ou en célébrant le mythe de l'origine, on se laisse imprégner de l'atmosphère sacrée dans laquelle se sont déroulés ces événements miraculeux. ( ... ) En récitant les mythes, on réintègre ce temps fabuleux et, par conséquent, on devient en quelque sorte « contemporain » des événements évoqués, on partage la présence des Dieux ou des Héros 1.
La vénération, par ces pratiques incantatoires, s'adresse alors non seulement aux dieux mais aussi à leurs actions filmiques qu'ils divinisent par leur simple présence. Ne parle-t-on pas d'ailleurs de « films cultes » ?
Les fanatiques vont alors créer de véritables sectes en se regroupant par affinités, par «chapelles» comme les appellent Edgar Morin2. C'est alors l'éclosion des clubs de vedette dont a fait partie Moix. Il ne reste plus qu'à mettre en place le cérémonial, la communion avec le dieu.
C- UN CULTE THÉOPHAGIQUE
Comme toute grande religion, celle du cinéma repose sur un acte decommunion entre les fidèles et le ou les dieux. La théophagie repose alors
sur un processus complexe qui allie identification, mimétisme et enfin possession. Il s'agit donc, dans un premier temps, de parvenir à posséder l'image de l'idole, cette pin-up que l'on accroche au mur - comme son nom l'indique - telle une icône religieuse (est-il nécessaire de rappeler qu '« iconos » en grec signifie « l'image » ?) En agissant de la sorte, « le fan veut tout savoir, c'est-à-dire posséder, manipuler et digérer
mentalement l'image totale de l'idole. La connaissance est ici moyen d'appropriation magique »3 • Le meilleur moyen pour parvenir à cette véritable eucharistie passe par la possession de l'image du dieu - sa photographie - et la marque unique de son sceau - sa signature par le biais de l'autographe. Moix s'y risque à plusieurs reprises lors des passages de Sophia Loren ou Gloria Lasso à Barcelone (El cine, 342) ou
bien:
Escribfa a los grandes estudios de Hollywood, solicitando las fotos dedicadas de mis {<lolos de siempre. Tan pronto como llegaba algun sobre con el membrete de la « Metro », lo abrfa râpidamente
1/bid. p. 31-32. 2Edgar Morin, op. cit., p. 66. 3 tbid., p. 82.
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y, con sumo cuidado, sacaba la preciosa foto de Eleanor Parker,
Glenn Ford o Debbie Reynods. ( ... ) jÜh, dios del cine! (El cine, 34)
Le tout débouche sur un véritable fétichisme que l'on peut qualifier de
mimétisme pratique atrophié ou partiel puisque le « mimétisme onirique
total», tel que le nomme Edgar Morin l , ne peut se réaliser. La schizophrénie est alors proche car le mimétisme est parfois si fort que le fan parvient à s'approprier la totale personnalité de l'artiste. Ramon va
tout d'abord passer par l'identification-mimétisme avec Rock Hudson, ce
que l'adolescent lui-même résumait en ces termes « 0 Rock Hudson o
nada » (El beso, 192). Puis viendront les mythes de Marion Brando, son
blouson de cuir noir et surtout celui de James Dean. Ramon est si
imprégné des films et de la personnalité de l'acteur qu'il en arrive à se prendre totalement pour lui. Sa mère décide même de l'amener chez un
médecin pour le guérir de cette maladie. Face à ce dernier, plutôt charlatan, Ramon se comporte en véritable rebelle. Sa mère n'a d'autre solution que
de s'excuser en disant :
-No le haga caso, doctor. Esto le viene de imitar a James Dean.
(El beso, 140)
Une fois de plus la pratique cinéphilique nous renvoie à l'acte
mythique selon lequel l'homme a toujours projeté sur les images divines
non seulement ses désirs et ses craintes mais aussi et surtout sa propre image, créant ainsi une sorte de double, soit hermaphrodite, soit narcissique. Le thème du miroir et du reflet mimétique de l'artiste est omniprésent dans toutes les oeuvres de Moix. En voici un exemple
l Ibid., p. 89.
Cuando estuve seguro de mis recién adquiridas armas, empecé a
ensayarlas ante el espejo. El del enorme armario ropero de la tfa
Florencia se convirti6 en maestro de arte dramâtico. Ensayaba todas las posturas, gestos y muecas que asociaba con la seducci6n,
el aplomo o la seguridad. Me revestfa con los peores tics de mis
fdolos de la pantalla y, cuando hube incorporado a los mas expertos
en el arte de amar, inicié una segunda persecuci6n de Alberto. (El
beso, 106)
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Nous voyons alors que tout est intimement lié, que tout est dans tout, que le mythe est non seulement cinématographique mais aussi qu'il existe
une véritable mythologie qui émane de la personnalité et de !'oeuvre
moixiennes.
Ill- D'UNE MYTHOLOGIE CINÉMATOGRAPHIQUE À
UNE MYTHOLOGIE PERSONNELLE
A- LES DIEUX PÈRES ET LES DIEUX FILS : ULYSSE,
MENTOR ET TÉLÉMAQUE
Le jeune Ram6n se modèle peu à peu une personnalité à l'image de
ses idoles et toujours selon le même « processus imaginaire
d'identification et de projection d'où naissent les dieux »1. De cettepratique naissent alors deux grands types de divinités : les « dieux pères »
et/ou les « dieux fils», comme les appellent Edgar Morin2. Pour Moix, c'est toute une relation maître-élève qui s'instaure sur le modèle de Mentor
et Télémaque.
Toutes les oeuvres moixiennes, qu'ils s'agissent de ses romans
historiques (No digas que fue un suefzo, El suefzo de Alejandr{a, El amargo
don de la belleza ... 3) ou autobiographiques, ses oeuvres sur la sociétécontemporaine espagnole (Carras de astracan, Mujercfsimas ... ), et à plus
forte raison ses romans de formation (El d{a que muri6 Marilyn, Otas
sobre una roca desierta, El sexo de los ange/es ... ) présentent un couple « maître-élève », expression clairement exprimé dans El beso (263) : « una relaci6n maestro-discfpulo ». Les liens que créent ces deux
personnages sont si forts qu'ils paraissent indestructibles. L'élève est si
proche du maître qu'il en devient sa proche création. Il s'agit en fait d'une
sorte de couple idéal qui nous renvoie presque aux origines du couple
platonicien dans son Banquet, dont l'un des partenaires est en perpétuelle
quête de son autre moitié à travers le monde.
1 Ibid., p. 92. 2Jbid., p. 92. 3Philippe Merlo, Le roman historique de Terenci Moix: de /'Histoire au mythe, Thèse de doctorat sous la direction du professeur Jacques Soubeyroux, Université Jean-Monnet de Saint-Étienne, 28 novembre 1997.
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Dans les deux tomes de son autobiographie, l'élève Ram6n prend
modèle sur son parrain Cornelio et son ami Alberto, personnes qui lui font automatiquement penser à des acteurs qu'il vénère comme Henri Vidal, Carnel Wilde, Rossano Brazzi (El cine, 157), Errol Flynn (El cine,
270), Stewart Granger (El beso, 48). L'assimilation au couple mythique du cinéma est totale lorsque Moix souhaite ardemment ressembler à Boy et être le fils de Tarzan (El beso, 72). Le jeune garçon cherche donc un adulte qui puisse l'aider et remplacer la figure du père, du guide que son propre père ne lui offre pas
( ... ) los hombres continuaban tratandome como a un niiio y yo
buscaba en ellos al padre ideal que seguia necesi tando desesperadamente. Buscaba siempre a un Odiseo que habfa partido
hacia tierras muy, muy lejanas. (El beso, 159)
La référence à l'Odyssée, à travers la mention de son héros UlysseOdiseo, nous renvoie automatiquement à la figure du fils Télémaque et de son guide Mentor. Le mythe est omniprésent et se réincarne dans Ramon des dizaines de siècles plus tard.
Pour résumer tout cela, nous pouvons dire que l'élève suit et se fond dans l'image que lui donne son maître et le maître, à son tour, se fond dans l'image que lui renvoie son élève : le jeu de miroirs est parfait, la gémellité surprenante. Le but consiste en quelque sorte à retrouver l'altérité, l'autre moi, cette « mêmeté »1, comme la nomme Pierre Tap, et qui est nécessaire à la formation de l'individu.
B· DE LA GÉMELLITÉ: CASTOR ET POLLUX
Le thème de la gémellité et le type de personnage qui l'incarne sont présents dès les premiers écrits de Moix, notamment dans ses tout premiers contes regroupés sous le titre de La torre de los vicias capitales
et plus particulièrement dans le récit intitulé « La gala». Des jumeaux, Nils et Oleg, profitent de leur ressemblance pour aimer, à eux deux, l'héroïne qui ne découvrira la supercherie qu'à la fin de l'aventure. L'histoire se déroule lors d'un festival de cinéma dans une cité maritime: Venise, Cannes, Saint Sébastien? D'autre part, il est à souligner que cette
1 Pierre Tap, « Identité » in Encyclopedia V niversa/is, Tome IX, Paris, Encyclopedia Universalis, 1985, p. 756.
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figure mythique de Castor et Pollux est mentionnée à plusieurs reprises dans les oeuvres de Moix, et tout particulièrement dans ses romans
historiques comme Nuestra virgen de los martires qui présente le couple
mythique sous leur relation la plus intime
- Castor y P6Jux. Es Jeyenda que corre en Jas fiestas del goce.Que viéndose los dos tan apuestos y en edad de recibir gozada, se hicieron el amor treinta veces treinta bajo el olivo de Atenea, alla en la Acr6polis; y nev6 tanta esperma sobre el Atica, que de allf nacieron siete rfos. (Nuestro virgen, 86)
Le fait est que la volonté du personnage moixien est de prendre les
traits d'un autre, d'un alter ego, d'une altérité qui se résume le plus souvent au personnage lui-même. Le personnage moixien ne peut
finalement aimer que lui-même, que s'aimer. Il est à la fois hermaphrodite
et individualiste. En agissant ainsi, et comme le fait remarquer justement
Jacques Beyrie:
( ... ) confronté au silence et mis en question dans son identité, Je su jet cherche dans l'Autre « un support à [ cette même] identité qui se dérobe » 1. L'expression, en un mot, veut obtenir la reconnaissance d'autrui, attendue par Je sujet en tant que nécessaire confirmation du soi2.
C'est ce qui va arriver au jeune Ramon dans les oeuvres
autobiographiques, ainsi qu'à la plupart des jeunes héros moixiens dans les autres récits. Ils souhaitent tous rencontrer l'âme soeur, mais cette
quête est vaine. Il ne reste plus au héros qu'à se replier sur lui-même et à faire appel à une sorte d'onanisme narcissique.
C- LE CINÉMA OU DES PLAISIRS DE NARCISSE
Finalement, le cinéma devient la cause essentielle d'une névrose. Il
favorise dans un premier temps un dédoublement de la personnalité qui
l Pierre Kaufmann, Psychanalyse et théorie de la culture, Paris, Denoël, 2èmeéd., 1985, p. 136. 2Jacqucs Beyrie, Qu'est-ce qu'une lirrérature nationale ? Écriture, identité, pouvoir en Espagne,
Université de Toulouse-Le Mirail, Presses Universitaires du Mirail, Collection Hespérides, 1994, p. 212.
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évolue, le plus souvent, sous la fonne d'un repli sur soi. Edgar Morin est très clair à ce sujet :
Parallèlement déjà apparaissent les influences psychologiques
des stars, qui peuvent aboutir au repli sur soi et à la névrose
bovaryste ; dans ce sens les stars contribuent à approfondir les
solitudes individuelles ! .
Or, c'est bien ce qui va se produire avec les personnages moixiens,
mais aussi et surtout avec Moix lui-même, comme nous pouvons nous en
rendre compte dans son autobiographie. Le cinéma accentue une fonne très
spéciale et surtout très aiguë de solitude
Pienso si aquella voracidad recién descubierta no era una nueva
manifestaci6n de una soledad agresiva y cada vez mas acentuada. La
cultura no evitaba los largos y tediosos paseos del adolescente
triste ni las patéticas conversaciones unilaterales, caminando a
solas por los bulevares ( ... ), mientras esperaba que empezase la
sesi6n de algun cine de estreno para olvidarme del mundo, inmerso
en la magia de las peliculas, cualesquiera que fuesen. (El beso, 54-
55)
Pour le jeune homme qu'est Ram6n, le monde du cinéma est si
présent chez lui, en lui, qu'il ne parvient plus à le dissocier clairement de la réalité quotidienne. Il faut dire que la vie des années d'après guerre à Barcelone n'était guerre attrayante pour un enfant et un adolescent. Par contre, le monde du grand écran pennettait d'oublier ses malheurs (El cine,
84), fomentait la sublimation par une grande place accordée à l'imagination (El cine, 91). Les expressions qui traduisent cette idée sont
nombreuses et extrêmement claires. Le cinéma est « un derivado del mundo de los suei'l.os » (El beso, 64), mot fétiche moixien par excellence. Le cinéma est de l'ordre du« sublime» (El beso, 65).
Mais, tout cela conduit inévitablement à un déphasage entre la réalité
et la fiction, une véritable schizophrénie qui est entretenue par la volonté affichée de vivre en permanence la fiction cinématographique et de gommer tout ce qui pourrait ramener à la quotidienneté sordide. La
1Edgar Morin, op. cit., p. 133.
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sexualité du personnage moixien, voire de Ram6n, s'en trouve totalement déviée, voire déformée, à tel point que Pier Paolo Pasolini dira à Moix, qu'il connaissait fort bien:
-Tu no tienes sexo. Entre las piernas solo te cuelga una
filmoteca. (El cine, 37)
Moix, tout comme ses personnages, semble donc condamné, et cela à cause du cinéma, à des pratiques onanistes. Narcisse semble enfin avoir retrouvé son Écho lointain, dans notre fin de second millénaire, en la personne de Moix. Tout comme le dieu, le romancier fasciné par l'image - cinématographique - qui lui a été présentée, en est tombé amoureuxau point d'en oublier qu'il vivait dans le monde.
CONCLUSION
A travers cette étude du monde cinématographique moixien, nous avons pu nous rendre compte non seulement de la place qu'occupait cet art dans la production du romancier, mais aussi et surtout de la nature que le cinéma prenait chez Moix. Il s'agit d'un cinéma mythique qui renvoie aux figures divines antiques qui parviennent à se réincarner plusieurs siècles plus tard dans les stars du grand écran. Celles-ci vont alors servir de modèles à une grande part des personnages moixiens et à l'auteur luimême. De plus, le parallèle est renforcé lorsqu'on se rend compte que le culte rendu à ces stars est identique, sous plusieurs aspects, à celui que les Grecs ou les Romains pouvaient rendre à leurs divinités.
Ce premier passage du témoin facilite alors celui d'un second. En fait, toute la mythologie cinématographique moixienne que nous avons pu mettre en évidence renvoie à une mythologie plus profonde propre à Moix en tant qu'écrivain, et qui s'est progressivement installée chez le romancier dès sa plus tendre enfance. C'est ainsi que nous avons pu établir un second panthéon mythique moixien plus personnel qui va du mythe des dieux pères et des dieux fils avec Ulysse, Mentor et Télémaque à celui des plaisirs narcissiques en passant par la quête identitaire et la figure de l'altérité sous les traits de Castor et Pollux.
Ces nombreuses présences mythiques sont l'illustration la plus parfaite de tout l'univers à la fois romanesque et intime de Moix, ce sont
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elles qui nous permettent de saisir au mieux toute une oeuvre. La
remarque de Roger Caillois s'applique alors à merveille à notre auteur :
C'est en effet dans le mythe que l'on saisit le mieux, à vif, la collusion des postulations les plus secrètes, les plus virulentes du psychisme individuel et des passions les plus impératives et les
plus troublantes de l'existence sociale1 .
Finalement, le cinéma pour Moix est une véritable boite noire, au
sens Lumièrien du terme, mais une boite noire de Pandore :
Mi memoria cinéfila es la caja de cuyo fondo surgen todos los
miedos, el cofre que guarda todos los terrores, el frasco hechizado que contiene, gota a gota, todas las aversiones hacia la vida. Ahora ya sé. Y buscando el origen, descubro que mis deformaciones son de
celuloide. (El cine, 196)
Le cmema est synonyme de « miedos », « terrores »,
« hechiz[os] », « aversiones », mais aussi, il nous renvoie à nos
origines ( « busc an do el origen » ), aux débuts de tous les temps, à
l'origine des temps, de !'Histoire, une démarche cosmogonique qui est
celle même du mythe.
1 Roger Caillois, op. cit., p. 12.
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