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INSTITUT ART ET DROIT L'ART CONTEMPORAIN CONFRONTÉ AU DROIT ACTES du SEMINAIRE TENU LE JEUDI 8 JUIN 2006 A L’UNIVERSITE PANTHEON-ASSAS PARIS II sous le haut patronage de la Délégation aux Arts Plastiques Ministère de la Culture et de la Communication Septembre 2006 ________________________________________________________ INSTITUT ART ET DROIT Tél. + 33 (0)4.78.24.56.35 –Fax + 33 (0)4.78.52.12.43 – e-mail : [email protected] Site web : www.artdroit.org
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L'ART CONTEMPORAIN CONFRONTÉ AU DROIT

Apr 07, 2023

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Sophie Gallet
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Actes du colloqueA L’UNIVERSITE PANTHEON-ASSAS PARIS II
sous le haut patronage de la Délégation aux Arts Plastiques
Ministère de la Culture et de la Communication
Septembre 2006
________________________________________________________
INSTITUT ART ET DROIT Tél. + 33 (0)4.78.24.56.35 –Fax + 33 (0)4.78.52.12.43 – e-mail : [email protected]
Site web : www.artdroit.org
PREMIERE PARTIE
Le Droit face à l'exigence de l'art contemporain Collection d’entreprise et fiscalité .......................................................................................................................... 4 par Pierre PRADIE, Avocat, Cabinet Lardin Cabeli Pradié, Membre de l’Institut Art et Droit L’art contemporain et l'assurance : une mine de difficultés pratiques ............................................................... 8 par Jacques LEMOINE, Directeur du Département Fine Art, Gras Savoye Quels critères pour la remise en dation d’œuvres d’art contemporain ? .......................................................... 11 par Suzanne STCHERBATCHEFF, Secrétaire générale de la Commission des dations La remise en cause des notions traditionnelles d’auteur et d’œuvre de l’esprit .............................................. 13 par Nadia WALRAVENS, Docteur en Droit, Membre de l’Institut Art et Droit
DEUXIEME PARTIE
L’art contemporain face à la contrainte du Droit Le corps humain, œuvre d’art ? ............................................................................................................................. 17 par Sophie JOLY, Maître de Conférences à l'Université Montpellier I, Membre de l’Institut Art et Droit
La création contemporaine aux prises avec l’indécence et la religion .............................................................. 27 par Agnès TRICOIRE, Avocat au Barreau de Paris L’œuvre d’art revue et corrigée par le droit de l’urbanisme ................................................................................ 32 par Philippe BILLET, Professeur à l'Université de Bourgogne Le droit d’auteur, limite à la création contemporaine ? ....................................................................................... 36 par Edouard TREPPOZ, Maître de Conférences à l’Université Jean Moulin Lyon 3
INTRODUCTION L’art contemporain entre exigence de droits et contraintes du Droit
Gérard SOUSI
Président de l’Institut Art et Droit - Directeur de l’Institut de Droit de l’Art et de la Culture de l’Université Jean Moulin Lyon 3
L’art contemporain confronté au Droit : cet intitulé a de quoi interpeller le non-juriste. Déjà la dénomination de l’association « Art et Droit » suscite souvent l’étonnement et la question : les deux concepts sont-ils compatibles ?
En effet, le premier évoque plutôt l’absence de règles et l’émotion créatrice et le second plutôt la norme et la rigueur du raisonnement. Et pourtant, aucune œuvre d’art, aucun artiste et aucun professionnel du marché de l’art ne saurait échapper au Droit. Les membres d’Art et Droit le savent bien qui enseignent, pratiquent ou utilisent quotidiennement le droit de l’art et le Droit du marché de l’art.
L’art et le droit sont totalement compatibles : ils sont mêmes indissociables dès lors que l’œuvre d’art circule (achat, exportation, transmission par succession, remise en dation, vol, etc.) et que l’artiste sort de son atelier pour aller contracter (droit d’auteur, vente, relations avec une galerie, transport, etc.).
Cependant, l’intitulé du séminaire va plus loin : ici l’art n’est pas seulement associé au Droit, mais confronté au Droit ! Le terme de confrontation évoque certes l’échange, le débat mais aussi l’affrontement, voire le conflit.
Comment expliquer cette confrontation ? Essentiellement par une différence de temps et de rythme. Le temps et le rythme de la création contemporaine ne sont pas le temps et le rythme du Droit. La création contemporaine s’exprime, voire explose, ici et maintenant ; elle peut jaillir en quelques instants et même dans l’instant. A l’opposé, le Droit ne connaît pas le « ready made », se construit laborieusement et n’intervient le plus souvent que tardivement après avoir pris la mesure des situations qui peuvent justifier son intervention. Le Droit ne fait que réguler ou régir un état de fait déjà constaté. Il convient donc de solliciter le Droit, parfois longtemps, et avec insistance, pour qu’il réponde par de nouvelles normes aux besoins exprimés : c’est en cela que l’art contemporain est confronté au Droit.
Parfois, il faut aussi savoir contester le Droit, celui des normes anciennes qui sont devenues inadaptées et sources de contraintes et de blocages au développement d’un art et de son marché. C’est encore en cela que l’art est confronté au Droit !
Ainsi l’art contemporain exige de nouvelles règles de Droit et conteste les contraintes légales qui lui paraissent liberticides. Et voici que surgit le paradoxe : l’art contemporain, dans le même temps, réclame et conteste des règles de Droit, sollicite et repousse le Droit !
Faut-il en déduire que l’art contemporain, appelant ainsi la règle qui le sert tout en rejetant celle qui le dessert, ne veut en réalité que des droits et aucune obligation ? Telle est l’une des grandes questions qui a été présente en filigrane tout au long des travaux de ce séminaire.
Une autre question, tout aussi importante, est celle de savoir par quel type d’instrument juridique il conviendrait d’apporter une réponse aux demandes exprimées par l’art contemporain. Par la Loi ? Ne sont-elles pas déjà trop nombreuses ? N’est-ce pas une solution de facilité pour un résultat d’efficacité non garanti ? La Loi est-elle l’instrument adéquat pour un domaine par définition en évolution rapide et constante ? Est-elle aujourd’hui toujours de bonne qualité ?
Faut-il alors plaider et produire de la jurisprudence pour faire avancer le droit de l’art contemporain ? Mais alors comment ne pas craindre la cristallisation et l’exacerbation de conflits pour un résultat obtenu après de longs mois ou d’années de procédure et qui, de toutes façons, ne satisfera que l’une des parties et encore pas toujours pleinement !
Finalement, le contrat, élaboré par l’échange et le rapprochement des points de vue et qui peut répondre rapidement et concrètement à la demande exprimée, voire empêcher l’éclosion d’un conflit en germe, ne serait-il pas un « ready made juridique » et donc l’instrument normatif le plus adapté à l’art contemporain ? Pourquoi ne pas avoir recours à la liberté contractuelle pour favoriser et protéger cette autre liberté qu’est la création artistique ? Chaque fois que la Loi est absente ou non impérative, pourquoi ne pas en profiter pour explorer toutes les ressources de l’ingénierie contractuelle et donner à l’œuvre d’art contemporain le Droit qui lui convient le mieux ?
Vœu pieu ? Utopie ? Il appartient aux artistes, aux professionnels du marché de l'art et à leurs conseils de répondre.
Que tous les intervenants et participants à ce séminaire soient ici grandement remerciés pour leur précieuse contribution aux débats et réflexions qui ont animé cette demi-journée consacrée au Droit de l’art contemporain.
PREMIERE PARTIE
Le Droit
COLLECTION D’ENTREPRISE ET FISCALITE
Pierre PRADIÉ Avocat, Cabinet Lardin Cabeli Pradié, Membre de l’Institut Art et Droit
De nombreuses sociétés ont entrepris de constituer une collection d'art contemporain. Dans ce cadre, que prévoit le droit fiscal ? L’acquisition d’œuvres au travers d'une fondation d'entreprise présente des avantages indéniables1.
L’art contemporain est devenu un sujet de réflexion dans le monde de l’entreprise. Au travers de cette recherche, souvent reliée au mécénat, les sociétés souhaitent :
- renforcer leur image et affirmer des valeurs, - établir une communication interne singulière, - et aussi, stimuler leur processus créatif2.
Cette attirance pour l’art contemporain conduit généralement les entreprises à acquérir des œuvres, soit de manière isolée, soit dans le but de constituer une collection.
D’un point de vue fiscal, l’achat d’une œuvre se traduit par l’inscription au bilan de l’entreprise d’une immobilisation incorporelle, qu’il n’est pas possible d’amortir faute de pouvoir démontrer l’existence de sa dépréciation irréversible du fait de l’usage, du temps ou des progrès techniques.
Mais pour contourner cet inconvénient, la location d’œuvres est souvent proposée comme alternative à l’achat, dans la mesure où elle engendre à la charge de l’entreprise des loyers déductibles de ses résultats. Cependant, lorsqu’à l’expiration du contrat de location, la société dispose de la faculté d’acquérir l’œuvre moyennant une valeur résiduelle, inférieure à la valeur vénale, cette convention s’expose au danger d’être requalifiée en vente à tempérament, ce qui n’est pas satisfaisant. Une telle prise de risque est d’autant plus regrettable que la loi sur le mécénat offre désormais la faculté de déduire du résultat imposable, sur cinq ans, une somme correspondant au prix d’acquisition des œuvres, et pour les collections les plus importantes, de constituer une fondation d’entreprise afin de bénéficier de la réduction de 60 % d’impôt sur les sociétés.
L’acquisition d’œuvres originales d’artistes vivants L’article 238 bis A B du Code général des impôts (CGI) prévoit une déduction spéciale en faveur des entreprises qui achètent notamment des œuvres originales d’artistes vivants au moment de l’achat pour les exposer au public.
L’entreprise doit acquérir une « œuvre originale » Dans sa doctrine administrative1, l’Administration précise que cette mesure s’applique aux œuvres susceptibles de bénéficier du taux réduit de TVA, lesquelles sont définies à l’article 98 A II de l’annexe III au CGI. Cette
1 Minutes d'une intervention de l'auteur au cours du colloque « L’art contemporain confronté au Droit », organisé par Art et Droit, le 8 juin 2006, à l’Université Panthéon-Assas Paris II. 2 Lire à ce propos Art & Cie, l’art est indispensable à l’entreprise, sous la direction de José Freches, Dunod, 2005.
définition est complétée par l’annexe I à la 6e directive, dont les termes sont similaires à ceux du décret précité, mais se réfèrent, en outre, à la nomenclature des produits du tarif douanier commun.
En général, un objet est qualifié d’œuvre d’art s’il a été entièrement exécuté à la main par l’artiste, ce qui exclut l’emploi de tout procédé, quel qu’il soit, permettant de suppléer en tout ou partie à cette intervention humaine.
Cette définition est notamment étendue aux gravures, estampes, lithographies, si l’œuvre est éditée en un nombre limité de tirages, apprécié par rapport aux usages normaux de la profession et aux fontes de sculpture à tirage limité à huit exemplaires et contrôlé par l’artiste.
La photographie d’art est celle prise par l’artiste, tirée par lui ou sous son contrôle, signée et numérotée dans la limite de trente exemplaires, tous formats et supports confondus. En outre, seules les photographies qui portent témoignages d’une intention créatrice manifeste de la part de leur auteur peuvent être considérées comme des œuvres d’art2.
Le fiscaliste, amoureux de l’art contemporain, sera déçu de ne pas trouver la vidéo dans cette liste d’œuvres. Toutefois, par tolérance administrative, il est désormais admis que le régime de la TVA des œuvres d’art est applicable aux créations réalisées sur un support audiovisuel ou numérique sous diverses conditions, notamment de tirage limité à douze exemplaires3.
L’artiste doit être vivant au moment de l’achat de l’œuvre Elle peut être achetée directement à l’artiste ou par l’intermédiaire d’un tiers : galerie, courtier ou société de vente volontaire. En outre, il peut ne pas s’agir d’une première acquisition de l’objet.
L’œuvre doit être exposée au public Jusqu’à l’intervention de la loi de finances rectificative pour 2005, la déduction était réservée aux œuvres exposées dans un lieu accessible au public, pour la période correspondant à l’exercice d’acquisition et aux quatre années suivantes.
En pratique, une telle condition excluait de très nombreuses entreprises (en particulier les PME) du bénéfice de la mesure. Après avoir été maintes fois sollicité, Bercy a fini par étendre le champ de la mesure et a consacré l’intérêt des entreprises pour l’art contemporain, en inscrivant dans la Loi que l’œuvre doit être accessible au public ou aux salariés, à l’exception de leurs bureaux.
Cette modification est essentielle car elle offre la possibilité d’exposer les œuvres dans les locaux privés de l’entreprise (salles de réunions, restaurants d’entreprise, couloirs, cafétérias…) tout au long de la période de cinq ans requise par le texte.
En outre, il est admis que l’œuvre puisse être placée en dépôt auprès d’une région, d’un département, d’une commune ou de leurs établissements publics.
Les modalités de déduction et de dépréciation de l’œuvre Pour les œuvres acquises à compter du 1er janvier 2002, la déduction est opérée par cinquièmes sur les résultats de l’exercice d’acquisition et des quatre années suivantes. Elle ne peut pas excéder la limite de 5 ‰ du chiffre d’affaires hors taxes de la société, minorée des versements effectués pour le mécénat.
Cette limite est susceptible de poser une difficulté si la collection est constituée par la holding d’un groupe. Il serait donc souhaitable qu’une mesure législative permette d’apprécier la limite de 5 ‰ au niveau du chiffre d’affaires hors taxes consolidé des sociétés membres d’un groupe d’intégration fiscale.
La base de la déduction correspond au prix de revient de l’œuvre, c'est-à-dire à son prix d’achat augmenté des frais accessoires et diminué, le cas échéant, de la TVA récupérable4.
Les frais d’acquisition de l’œuvre (notamment les commissions), qui ne sont pas inclus dans son prix de revient, sont inscrits sur option en charges ou comptabilisés dans le coût d’entrée du bien5.
La déduction ainsi opérée est extracomptable et doit être distraite du résultat comptable pour être affectée à un compte de réserve spéciale, figurant au passif du bilan de la société. Cette obligation d’inscription en réserves a
1 Instruction du 24 octobre 2002, 4C-6-02, n° 80. 2 Instruction du 25 juin 2003 – 3C-3-03. 3 Lettre au Comité des galeries. 4 Souvent, les galeries appliquent un régime d’imposition à la TVA sur la marge, auquel cas la TVA n’est pas récupérable. 5 Article 5.2 du règlement CRC n° 2004.06.
pour effet de restreindre le champ de la mesure aux seules sociétés soumises, de plein droit ou sur option, à l’impôt sur les sociétés, ainsi qu’à celles qui relèvent du régime fiscal des sociétés de personnes.
En pratique, cette restriction exclut de la mesure les professions libérales et les entreprises individuelles. L’œuvre sera inscrite au bilan, comme une immobilisation incorporelle et sera donc exonérée de taxe professionnelle.
Sa possible dépréciation sera régie par l’article 39-1-5e, 2e alinéa du CGI, dans les conditions habituelles de déductibilité des provisions, si le coût d’acquisition de l’œuvre d’art est inférieur à 7.600 euros ou sur la base d’un rapport d’un expert judiciaire pour un montant supérieur.
L’éventuelle provision pour dépréciation ne peut être déductible que pour une fraction excédant le montant des déductions déjà pratiquées sur le fondement de l’article 238 bis A-B du CGI.
Cession de l’œuvre Le montant des déductions doit être réintégré au résultat imposable de la société si l’œuvre n’est plus exposée au public, s’il s’opère une cession de l’œuvre à la suite de sa vente ou de tout autre cause (fusion, apport en société, etc.) et, enfin, en cas de prélèvement sur le compte de réserve spéciale.
Si l’artiste est toujours vivant, le cessionnaire peut alors bénéficier des dispositions de l’article 238 A-B du CGI sur la base de son prix de revient déterminé lors de sa propre acquisition.
Il est regrettable qu’une restructuration puisse être pénalisante, aussi serait-il souhaitable qu’une modification législative intervienne, afin d’écarter la réintégration lorsque la cession est le résultat d’une fusion, scission ou apport partiel d’actif placé sous le régime spécial de faveur des fusions de sociétés ou opérations assimilées.
À l’expiration du délai de cinq ans, l’entreprise collectionneuse peut envisager de céder, à titre gratuit, tout ou partie des œuvres collectionnées, au profit d’une fondation d’entreprise, créée à son initiative.
Cette donation constitue une cession entraînant la réintégration, dans le résultat imposable, des sommes inscrites en réserves. Mais, en contrepartie, le donateur bénéficie d‘une réduction d’impôt égale à 60 % du prix de revient d’origine de l’œuvre.
La création d’une fondation d’entreprise En mars 2005, il existait en France 153 fondations créées par des entreprises, dont 91 fondations d’entreprise, 48 constituées sous l’égide de la Fondation de France, 5 sous l’égide de l’Institut de France et 7 reconnues d’utilité publique.
Pour sa part, la Fondation Cartier1 a été constituée en 1992, sous l’égide de la Fondation de France.
Les fondations d’entreprise tendent à se développer, en raison de la faculté offerte par l’article 238 bis du CGI, d’accorder le régime fiscal du mécénat aux versements opérés au profit d’une fondation d’entreprise, même si cette dernière porte le nom de l’entreprise fondatrice.
Depuis la modification instaurée par les Musées de France2, le programme d’action pluriannuelle d’une fondation d’entreprise a été simplifié d’un point de vue administratif.
En outre, depuis la loi du 1er août 2003, une fondation d’entreprise peut recevoir des dons effectués par les salariés de l’entreprise fondatrice ou ceux des entreprises du groupe auquel appartient cette société.
Dans le domaine de l’art contemporain, la Fondation Colas, l’Espace Paul Ricard3 ou la Fondation Neuflize Vie pour la photographie contemporaine sont constitués sous la forme de fondations d’entreprise.
L’acquisition d’œuvres d’art au travers d’une fondation d’entreprise comporte des avantages indéniables par rapport à une acquisition opérée directement par l’entreprise.
En effet, dès l’année des versements opérés en faveur de la fondation, ses fondateurs bénéficient de la réduction d’impôt sur les sociétés de 60 % dans la limite de 5 ‰ du chiffre d’affaires prévue à l’article 238 Bis du Code général des impôts.
1 NDLR : lire à ce propos l’interview d'Alain-Dominique Perrin en p. XX. 2 Loi n° 2002-5 du 4 janvier 2002. 3 NDLR : lire à ce propos l’interview de Colette Barbier, p. XX.
Cette réduction d’impôt doit être comparée à l’économie d’impôt sur les sociétés suscitée par le régime d’acquisition des œuvres d’artistes vivants qui offre une économie d’impôt sur les sociétés de 33,33 %, étalée sur cinq ans.
En outre, la réduction d’impôt de 60 % est définitive. Aussi, la restructuration de la société fondatrice par fusion ou par apport partiel d’actif sera neutre alors que la cession d’œuvres par leur propriétaire, dans les mêmes circonstances, conduira à la réintégration des sommes inscrites à la réserve spéciale.
Toujours dans l’hypothèse d’une fusion entre le fondateur et une autre entreprise, la fondation d’entreprise peut adopter un autre nom, changer la composition de son conseil d’administration voire modifier sa vocation initiale.
En revanche, en cas de dissolution d’une fondation d’entreprise, les œuvres devront revenir à un ou plusieurs établissements publics ou reconnus d’utilité publique et une autre fondation d’entreprise ne pourra pas être attributive de l’actif de la fondation d’entreprise dissoute.
Afin que les fondateurs bénéficient de la réduction d’impôt de 60 %, la fondation d’entreprise devra avoir un but culturel avéré, mais également satisfaire à la condition d’intérêt général considérée remplie si l’activité de la fondation n’est pas lucrative, si sa gestion est désintéressée et si aucun avantage n’est procuré à ses membres. Par ailleurs, la fondation ne doit pas fonctionner au profit d’un cercle restreint de personnes.
En général, les fondations d’entreprise existantes et dédiées à l’art contemporain disposent d’un personnel propre, touchent un public, organisent des prix ou des événements largement médiatisés et acquièrent une notoriété significative.
Les artistes, dont les œuvres sont acquises par une fondation d’entreprise, bénéficient de cette promotion et seront rassurés par la relative stabilité de la propriété des œuvres acquises par une fondation d’entreprise.
En 1983, à la fin de sa vie, le peintre Jean Hélion écrivait dans Mémoire de la chambre jaune : « L’art est un espoir d’éternité, s’il n’en est la preuve ».
L’objectif d’une collection dédiée à l’art contemporain n’est-il pas de placer l’entreprise dans une recherche de développement durable et d’innovation ?
L’ART CONTEMPORAIN ET L’ASSURANCE : UNE MINE DE DIFFICULTES PRATIQUES
Jacques LEMOINE
Directeur du Département Fine Art – Gras Savoye
avec la collaboration de Marie-Sophie ARONICA et de Marion SONIER étudiantes du master 2 Droit et Fiscalité du Marché de l’Art – Institut de Droit de l’Art et de la Culture de l’Université Lyon 3
Il est difficile d’appréhender l’art contemporain de nos jours par rapport au Droit en général et au droit des assurances en particulier.
En effet, il s’agit d’un art conceptuel reflétant la réflexion intellectuelle de l’artiste à la différence de l’art classique, plus facilement appréhendable par les amateurs d’art, le marché étant institutionnalisé.
L’art contemporain, quant à lui, pose un certain nombre de difficultés au niveau de l’assurance qui va se heurter aux problèmes de la valorisation des œuvres et à leur indemnisation.
Il y a lieu…