0 2006/ED/EFA/MRT/PI/67 Background paper prepared for the Education for All Global Monitoring Report 2006 Literacy for Life L’alphabétisation: Les options réelles sur les politiques et les pratiques du Burkina NAPON Abou SANOU/ZERBO Salimata 2005 This paper was commissioned by the Education for All Global Monitoring Report as background information to assist in drafting the 2006 report. It has not been edited by the team. The views and opinions expressed in this paper are those of the author(s) and should not be attributed to the EFA Global Monitoring Report or to UNESCO. The papers can be cited with the following reference: “Paper commissioned for the EFA Global Monitoring Report 2006, Literacy for Life”. For further information, please contact [email protected]
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Background paper prepared for
Education for All Global Monitoring R
Literacy for Life
L’alphabétisation: Les optionles politiques et les pratiques
NAPON Abou SANOU/ZERBO Salimata
2005
This paper was commissioned by the Education for All Global Moinformation to assist in drafting the 2006 report. It has not been ediopinions expressed in this paper are those of the author(s) and shouGlobal Monitoring Report or to UNESCO. The papers can be cite“Paper commissioned for the EFA Global Monitoring Report 2006information, please contact [email protected]
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NAPON Abou - Maître de Conférences de sociolinguistique / Université de Ouagadougou
SANOU/ZERBO Salimata - chargée d’Etudes à la DEP/MEBA) - Planificateur de l’Education
SOMMAIRE
Sigles et abréviations ………………………………………………………………… 3
0. Méthodologie ……………………………………………………………………….. 4
Introduction ………………………………………………………………………… 6
I. La définition des concepts d’alphabétisation (alphabétisme)
d’analphabétisme ………………………………………………………….. 7
II. Les relations entre l’alphabétisation et le développement …………….. 12
2.1. Les enjeux et les défis ………………………………………………. 12
2.2. Les méthodologies de mesure et de suivi de l’alphabétisation …… 13
2.3. Les caractéristiques et les tendances de l’alphabétisation ……….. 15
2.4. La question de l’offre d’alphabétisation …………………………….. 17
2.5. Les résultats de l’alphabétisation ……………………………………. 19
2.5.1. Les résultats sur le plan quantitatif ………………………………. 19
2.5.2. Les résultats sur le plan qualitatif ………………………………… 21
III. Les acteurs/trices et les sources de financement de l’alphabétisation. 21
3.1. Le public cible ………………………………………………………… 21
3.2. Les acteurs/trices impliqué(e)s dans l’alphabétisation ………….. 21
3.3. Les sources de financement ……………………………………….. 22
3.4. La question de l’utilisation des langues nationales dans
l’alphabétisation ……………………………………………………… 22
2
IV. Les engagements de l’Etat vis-à-vis de l’éducation formelle et non
formelle …………………………………………………………………… 23
4.1. Le cadre stratégique de lutte contre la pauvreté CSLP …………. 23
4.2. Le Plan Décennal de Développement de l’Education de Base
(PDDEB) ……………………………………………………………….. 24
V. Les programmes, campagnes et politiques novateurs mis en œuvre au
Burkina Faso ……………………………………………………………… 26
5.1. Les innovations éducatives et pédagogiques ……………………… 26
5.1.1. Au niveau de l’éducation formelle ………..……………………. 27
5.1.1.1. L’école satellite …………………………………………… 27
5.1.1.2. L’école bilingue …………………………………………… 27
5.1.2. Au niveau de l’éducation non formelle …………………………. 28
5.1.2.1. Les Centres d’Education de Base Non Formelle ……… 28
5.1.2.2. Les centres Banma nuara ………………………………. 29
5.1.2.3. Les écoles communautaires de la Fondation pour le
Développement Communautaire …………………. 30
5.1.2.4. Les approches éducatives ……………………………… 31
5.1.2.4.1. L’approche Reflect ………………………………….. 31
5.1.2.4.2. L’approche pédagogie du texte ……………………. 31
5.2. Les politiques et pratiques novatrices …………………………….. 33
Conclusion …………………………………………………………………………… 35
Bibliographie ………………………………………………………………………… 36
3
SIGLES ET ABREVIATIONS
AI : Alphabétisation Initiale APENF : Association pour la Promotion de l’Education Non Formelle BEPC : Brevet d’Etudes du Premier Cycle CFJA : Centre de Formation des Jeunes Agriculteurs CPAF : Centre Permanent d’Alphabétisation et de Formation CE1 : Cours Elémentaire première année CE2 : Cours Elémentaire deuxième année CNR : Conseil National de la Révolution CSLP : Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté CST : Culture Scientifique et Technique DAFS : Direction de l’Alphabétisation Fonctionnelle et Sélective DGAENF : Direction Générale de l’Alphabétisation et de l’Education Non
Formelle DPEBA : Direction Provinciale de l’Enseignement de Base DREBA : Direction Régionale de l’Enseignement de Base DRINA : Direction de la Recherche des Innovations en Education Non
Formelle et en Alphabétisation ECOM : Ecoles Communautaires EPT : Education Pour Tous ES : Ecole Satellite FCB : Formation Complémentaire de Base FJA : Formation des Jeunes Agriculteurs FDC : Fondation pour le Développement Communautaire FONAENF : Fonds National de l’Alphabétisation et de l’Education Non Formelle FTS : Formation Technique Spécifique MEBA : Ministère de l’Enseignement de Base ONG : Organisation Non Gouvernementale ONEPAFS : Office National de l’Education Permanente et l’Alphabétisation
Fonctionnelle et Sélective ORD : Organisme Régional de Développement OSEO : Œuvre Suisse d’Entraide Ouvrière OVEA : Organisation Voltaïque pour l’Education des Adultes PDDEB : Plan Décennal de Développement de l’Education de Base PEMA : Programme Expérimental Mondial d’Alphabétisation
4
0. Méthodologie
L’objet de la présente étude est de présenter l’expérience du Burkina
Faso en matière d’alphabétisation. Pour ce faire elle doit répondre à un certain
nombre de questions qui sont :
1. Comment l’alphabétisme et l’analphabétisme sont-ils définis au
Burkina Faso (par différents acteurs) et comment ces définitions
ont-elles évolué au cours des dernières décennies ? Comment
l’alphabétisme est-il mesuré lors des enquêtes / recensements et
comment le rendement de l’alphabétisme est-il évalué ?
d’amélioration) dans l’offre d’alphabétisation au Burkina Faso
avant et après 1990 ? Comment situer ces évolutions par rapport
à celles qu’a connues l’acquisition de l’alphabétisme ? Présenter
un aperçu rapide des structures et des tendances de
l’alphabétisme et de l’analphabétisme. Quels sont les groupes qui
restent exclus ?
3. Quels sont les objectifs et engagements à long terme définis par
le gouvernement au niveau central et à d’autres niveaux ?
Comment visent-ils les secteurs formel et non-formel de
l’éducation et quelle priorité relative leur accordent-ils ? Dans
quelle mesure les politiques d’alphabétisation sont-‘elles
intégrées dans a) les plans d’EPT ou les stratégies sectorielles
de l’éducation et b) les stratégies de réduction de la pauvreté ?
4. Comment l’alphabétisation est-elle gérée et financée – en
d’autres termes : comment les politiques sont-elles réparties
entre différents ministères et d’autres acteurs non-
gouvernementaux ? Quelle est l’interaction entre le
gouvernement et la société civile ? L’aide extérieure est-elle
importante dans les efforts réalisés au Burkina Faso pour
5
améliorer les niveaux d’alphabétisme et, si tel est le cas, de
quelle manière ?
5. Présenter brièvement les programmes, campagnes et politiques
particulièrement novateurs mis en œuvre au Burkina, en
décrivant tant les succès que les échecs. Dans quelle mesure
ces activités s’inscrivent-elles dans la durée ?
6. Comment les questions de la langue et du genre sont-elles
traitées dans les politiques et dans les pratiques d’alphabétisation
au Burkina Faso ?
La méthodologie élaborée pour la conduite de cette étude a combiné
deux techniques : recherche documentaire, rencontre avec quelques membres de
l’APENF pour un échange critique sur le document produit.
0.1. La recherche documentaire
Elle s’est effectuée auprès des structures impliquées dans
l’éducation de base : Direction des Etudes et de la Planification (DEP) du
Ministère de l’Enseignement de Base et de l’Alphabétisation (MEBA), Direction
Générale de l’Alphabétisation et de l’Education Non Formelle (DGAENF),
Programme Alpha de la Coopération Suisse, Direction de la Recherche des
Innovations en Education Non Formelle et en Alphabétisation (DRINA), Fonds
National de l’Alphabétisation et de l’Education Non Formelle (FONAENF). Elle
s’est intéressée à certaines personnes ressources. Il s’est agi de recueillir un
certain nombre de documents réalisés sur l’Alphabétisation et l’Education Non
Formelle au Burkina Faso :
- Rapports d’études ;
- Rapports d’évaluation ;
- Documents de politiques de développement ;
- Rapports des bilans provinciaux, régionaux et nationaux.
6
Introduction
A la suite de la conférence mondiale sur l’Education Pour Tous
(EPT) de Jomtien en 1990, au cours de laquelle la communauté internationale
s’est engagée à répondre aux besoins éducatifs fondamentaux de tous les
citoyens (enfants, adolescents et adultes) s’est tenu à Dakar (Sénégal) en avril
2000, le forum mondial sur l’éducation.
Le forum visait les objectifs suivants :
- Faire une évaluation des progrès réalisés dans l’atteinte des
objectifs de l’EPT depuis la conférence de Jomtien en 1990 ;
- Amender et adopter un cadre d’action dit de Dakar qui devrait
œuvrer à la mise en place effective de l’EPT.
De l’évaluation des progrès réalisés, il est ressorti que pour bon
nombre de pays d’Afrique subsaharienne et d’Asie du Sud, très peu de progrès
ont été faits depuis Jomtien aussi bien dans l’éducation des enfants que dans
l’alphabétisation des adultes.
A la suite de ce forum, divers rapports de suivi ont été publiés pour
rendre compte des progrès accomplis vers la réalisation des six objectifs de l’EPT.
En 2002 : Le monde est-il sur la bonne voie ? En 2003-2004 : Le pari de l’égalité
et en 2005 : L’exigence de qualité. Outre sa fonction générale de suivi des
objectifs, chaque rapport est consacré à un thème majeur lié à l’EPT. Pour le
rapport 2006, ce thème est celui de l’alphabétisme. A cet effet, ce rapport aura
donc pour objet :
- De définir et de conceptualiser l’alphabétisme ;
- D’étudier les relations entre l’alphabétisme et les dimensions
multiples du développement ;
- D’examiner les diverses méthodologies de mesure et de suivi de
l’alphabétisme ;
- De décrire dans leurs grandes lignes les caractéristiques et les
tendances de l’alphabétisme ;
7
- D’expliquer les facteurs qui déterminent le niveau, élevé ou
faible, de l’alphabétisme ;
- De débattre des stratégies politiques qui font la différence ;
- D’examiner les engagements pris à l’échelle nationale et
internationale en faveur de l’alphabétisation.
C’est pour arriver à réunir ces données qu’a été commanditée la
présente étude de cas. Une telle étude a pour objet de comprendre la complexité
propre à l’alphabétisme dans chaque pays.
En effet, chaque pays a également un environnement de
l’alphabétisme qui lui est spécifique, lequel environnement influe de manière
significative sur son caractère durable et fonctionnel, ainsi que sur le processus
d’enseignement et d’apprentissage lui-même.
En somme, l’objectif du présent document est de donner un aperçu
descriptif sur la compréhension conceptuelle de l’alphabétisation, sur les politiques
et les pratiques d’alphabétisation au Burkina Faso.
I. La définition des concepts d’alphabétisation (alphabétisme), d’analphabétisme
Pendant longtemps, le concept d’alphabétisation a été toujours
associé à celui d’analphabétisme. Mais l’on a tendance aujourd’hui à le remplacer
par le terme « alphabétisme ». Pour notre part, nous utiliserons le terme
alphabétisation en lieu et place « d’alphabétisme », car c’est ce concept qui est
utilisé au Burkina Faso.
Le Burkina Faso comme la plupart des pays sous développés a très
vite perçu la relation qui existe entre l’éducation et le développement et plus
singulièrement celle qui existe entre l’alphabétisation et le développement. En
effet, ce pays mène depuis les indépendances en 1960 une lutte acharnée contre
l’analphabétisme afin de sortir sa population de la pauvreté et de la misère. Dans
cette optique l’homme est placé au centre du développement comme fin et agent.
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Dans cet ordre d’idées, comment peut-on imaginer sa participation sans lui
assurer le minimum de connaissances de base et de savoir nécessaires à cette
participation ?
C’est conscient de cette réalité que le Burkina Faso a entrepris dès
1960, l’alphabétisation de sa population active en s’appuyant sur les différents
concepts élaborés à travers le monde.
Le concept d’alphabétisation a subi une évolution au cours du temps
dans le pays. Au début des indépendances, on a pratiqué au Burkina Faso, une
alphabétisation de type traditionnelle qui visait à apprendre à lire et à écrire aux
adultes et ce en vue d’augmenter leur productivité. Cette alphabétisation ne
prenait pas en compte les besoins réels des apprenants/tes. Elle visait à former
des hommes compétents pour promouvoir le développement en assurant un
enseignement comparable à celui dispensé dans les écoles classiques. C’est ce
qu’on appelle le rattrapage scolaire.
Le rattrapage scolaire se donne pour objectif de permettre aux
jeunes et aux adultes de rattraper la scolarité obligatoire. Il constitue donc une
filière parallèle à cette scolarité et conduit au certificat d’études primaires.
Cependant, les méthodes de l’alphabétisation ne se distinguent pas des
programmes de l’école traditionnelle. Dans le cadre du rattrapage scolaire, des
cours du soir ont été organisés au Burkina Faso par des initiatives privées à
l’endroit des adultes analphabètes pour d’une part, leur permettre de
s’alphabétiser et d’autre part, pour amener les plus courageux à aller jusqu’au
certificat d’études primaires (CEP) et même au delà.
En plus de l’école, il y avait les centres de formations de jeunes
agriculteurs dans lesquels on apprenait aux jeunes à lire et à écrire en français
mais également les nouvelles techniques culturales. Très vite cette structure a
montré ses insuffisances, car les jeunes une fois alphabétisés abandonnaient la
campagne pour la ville à la recherche d’un emploi rémunéré délaissant le travail
de la terre.
9
Avec cette méthode, les populations sont alphabétisées dans la
langue officielle (le français), langue qu’elles ne parlent pas. La conséquence
d’une telle situation est que l’on enregistrait des abandons massifs des classes
par les apprenants/tes, une fois que s’est émoussé l’attrait de la nouveauté. Au
regard de cette réalité, on s’est aperçu qu’une alphabétisation ne peut être
efficace que si elle se fait avec la participation des intéressés eux-mêmes ;
chaque adulte devenant le sujet de sa propre alphabétisation et ayant conscience
de la nécessité de cet engagement personnel.
C’est la prise en compte de cet ensemble de faits qui a conduit le
Burkina Faso à s’orienter vers une alphabétisation de type fonctionnel pour
prendre en compte les recommandations de l’UNESCO de 1965 à la suite du
congrès de Téhéran.
Le concept d’alphabétisation fonctionnelle est né au congrès mondial
des Ministres de l’Education organisé par l’UNESCO à Téhéran en 1965.
L’alphabétisation ne doit plus être une fin en soi menée isolément. Elle doit
chercher à s’articuler dans une dynamique de développement. L’alphabétisation
doit offrir aux apprenants/tes des avantages du point de vue économique, social et
civique débordant les limites d’une alphabétisation réduite à l’enseignement de la
lecture et de l’écriture.
C’est donc dans cette ambiance que le Programme Expérimental
Mondial (PEMA) a vu le jour. Sa mise en œuvre par les institutions nationales
chargées de l’alphabétisation s’est faite à partir de l’alphabétisation fonctionnelle
et sélective. Ce type d’alphabétisation a été utilisé par le projet UNESCO Haute-
Volta d’accès de la femme et de la jeune fille à l’éducation mis en place après la
conférence des Ministres de Téhéran. Ce projet en langues nationales s’est
implanté dans trois zones du pays (Kongoussi, Banfora, Pô).
D’autres structures vont par la suite l’expérimenter. Il s’agit :
- Des Organismes Régionaux de Développement (ORD) ;
- Des Missions Religieuses ;
- Des structures étatiques en charge de l’alphabétisation.
10
Cette alphabétisation se voulait fonctionnelle dans la mesure où le
contenu de la formation porte sur les vécus, les habitudes et les besoins des
apprenants. Elle se veut sélective parce qu’elle cible un ou des groupes
spécifiques qui seront le moteur du développement comme le cas des pêcheurs et
riziculteurs à Mogtédo avec l’Association « Frères des Hommes ». Mogtédo a
ciblé des groupes spécifiques. Les autres projets ciblaient les personnes
dynamiques de la communauté.
Mais très vite, on s’est rendu compte que l’alphabétisation
fonctionnelle mondialement adoptée, s’est trouvée aussitôt chargée d’un sens
beaucoup plus restreint. La fonctionnalité devint synonyme de productivité, les
visées humanistes étant reléguées à l’arrière plan.
Les multiples controverses soulevées à propos des finalités de
l’alphabétisation fonctionnelle, ont amené l’UNESCO à élargir ce terme lors du
symposium international de Persépolis en 1975. Désormais l’alphabétisation
fonctionnelle ne doit plus viser uniquement la croissance économique mais
également le bien être social et culturel de l’individu. Avec l’évolution du concept
d’alphabétisation, on parle de plus en plus d’alphabétisation intégrée. Un tel
processus est conçu pour favoriser l’accroissement de la productivité des
travailleurs tout en sauvegardant leurs intérêts, faciliter l’intégration dans une
société en voie de modernisation rapide et accélérer le développement.
Cependant le caractère sélectif de ce type d’alphabétisation ne permet pas de
toucher le maximum d’analphabètes.
A partir de 1983, le Burkina Faso va s’orienter vers une
alphabétisation fonctionnelle et massive :
- Fonctionnelle parce qu’elle intègre les activités d’alphabétisation au
processus de développement en prolongeant l’alphabétisation par
les formations complémentaires de base (FCB) et les formations
techniques spécifiques. L’alphabétisation est organisée en deux
cycles. Le premier niveau (l’alphabétisation initiale (AI) amène
l’apprenant/te à maîtriser l’alphabet, à lire et écrire, à acquérir les
11
trois techniques opératoires : l’addition, la soustraction et la
multiplication. Le deuxième niveau, la Formation Complémentaire
de Base (FCB) permet de consolider les acquis du premier niveau.
Ce n’est qu’après cette étape que des Formations Techniques
Spécifiques sont proposées aux apprenants/tes.
- Massive parce qu’elle vise à moyen terme l’élimination de
l’analphabétisme en touchant de façon sélective et progressive
toutes les couches sociales.
Et depuis lors, c’est ce type d’alphabétisation fonctionnelle qui est en
vigueur dans le pays à travers les Centres Permanents d’Alphabétisation et de
Formation (CPAF).
L’alphabétisation fonctionnelle menée actuellement par Direction
Générale de l’Alphabétisation et de l’Education Non Formelle (DGAENF)
s’apparente à celle de l’UNESCO en ce sens qu’elle tient compte des besoins des
apprenants / tes, mais elle s’en écarte, car elle cherche à toucher toutes les
couches sociales. Ce qui n’est pas le cas de l’alphabétisation de l’UNESCO qui,
elle, s’intéresse à des groupes spécifiques de producteurs. L’alphabétisation
fonctionnelle telle que pratiquée par l’Institut National d’Alphabétisation offre aux
alphabétisés différents types de formations en fonction de leurs besoins (gestion
des unités économiques, initiations aux activités génératrices de revenus, etc.), à
la différence de l’alphabétisation fonctionnelle de l’UNESCO, qui, elle formait les
alphabétisés à augmenter leur productivité dans leur secteur d’activité.
En ce qui concerne le terme d’analphabétisme, il est défini au
Burkina Faso en référence à sa définition habituelle par l’UNESCO. Il est l’état
dans lequel se trouve une personne qui est incapable de lire et d’écrire en le
comprenant, un exposé simple et bref de faits en rapport avec la vie quotidienne.
Cet exposé pouvant se faire soit en langues nationales soit en français.
Après cette présentation des concepts, nous allons nous intéresser
aux relations entre l’alphabétisation et le développement.
12
II. Les relations entre l’alphabétisation et le développement 2.1. Les enjeux et les défis
Au Burkina Faso l’alphabétisation est une force déterminante du
développement en ce sens qu’elle ouvre des voies pour l’auto-promotion et la
transformation bien comprise de l’environnement pour un mieux-être individuel et
collectif. Elle a donc des enjeux sur :
- Le plan politique, car elle vise à amener tous les citoyens et
citoyennes à participer de manière active à la vie politique,
économique, juridique et sociale de la nation ;
- Le plan économique, car elle cherche à travers les compétences
qu’elle offre aux apprenants/tes en gestion, en formations
techniques spécifiques et en marketing, à leur permettre d’avoir un
meilleur rendement et à augmenter leurs revenus pour satisfaire
leurs besoins ;
- Le plan du genre, parce que l’objectif visé est d’améliorer les
relations entre l’homme et la femme afin de permettre à cette
dernière de participer au processus de prise de décisions (familial
et social) ;
- Le plan culturel à travers la sauvegarde de valeurs liées aux
langues nationales que l’alphabétisation permet de préserver.
Cependant de nombreux défis restent à être relevés par l’Etat
burkinabè et ses partenaires. Le premier défi est de parvenir à montrer aux
populations le lien étroit qui existe entre l’alphabétisation et le développement. Les
expériences en matière d’alphabétisation menées jusque-là n’ont pas réussi à
établir une articulation entre l’alphabétisation et le développement si bien que les
effets néfastes de l’analphabétisme sont toujours perceptibles sur l’individu et la
société.
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Le deuxième défi à relever est l’intégration de l’approche genre dans
les activités d’alphabétisation. L’alphabétisation des femmes est considérée
comme une tâche ardue, car celles-ci sont confrontées à un certain nombre de
problèmes qui ne facilitent pas leur apprentissage (charges familiales, réticences
des époux, les grossesses et allaitements, etc.). Pour des impératifs de justice et
de développement, il est indispensable d’établir une égalité entre l’homme et la
femme. Il est en effet démontré que l’affranchissement social des femmes
contribue de manière manifeste à garantir une bonne santé en matière de
reproduction et une auto-suffisance alimentaire, éléments très importants pour la
société. Il influe sur la productivité, gage du développement.
Le troisième défi à relever est l’intégration de la composante
VIH/SIDA dans les programmes d’alphabétisation au regard du nombre de
personnes qui sont infectées par le virus dans le pays. En effet, le SIDA n’est pas
un simple problème d’ordre sanitaire. Il s’agit d’une crise de développement d’une
ampleur sans précédent.
A cet effet, le gouvernement du Burkina Faso a négocié avec le
Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), la signature de
l’accord BKF/97/004 instituant le Programme Pilote Intégré Education VIH/SIDA
qui a pour objet de ralentir la propagation des IST et du VIH/SIDA en se servant
des NTIC comme supports. Ce programme sera fonctionnel à partir de la
campagne 2005-2006 dans les Centres Permanents d’Alphabétisation et de
Formation (CPAF).
2.2. Les méthodologies de mesure et de suivi de l’alphabétisation
Pour calculer le taux d’alphabétisation la méthode utilisée est la
suivante :
- Addition des déclarés alphabétisés du non formel du niveau de la
Formation Complémentaire de Base (FCB) et des admis au
Certificat d’Etudes Primaires (CEP) pour avoir le nombre total des
nouveaux alphabétisés de l’année ;
14
- Addition de ce nombre au nombre d’alphabétisés de l’année
précédente. Ce nouveau total est alors rapporté sur la population
totale de 15 ans et plus de l’année en cours, ce qui nous donne le
taux d’alphabétisation.
En ce qui concerne l’évaluation des acquis des apprentissages, elle
est faite à partir de tests de niveau portant sur la lecture, l’écriture et le calcul en
Alphabétisation Initiale et en Formation Complémentaire de Base. C’est à l’issue
de l’admission au test à la fin de la Formation Complémentaire de Base que
l’apprenant / te est déclaré alphabétisé(e).
Pour mesurer l’impact de l’alphabétisation sur les alphabétisés, il est
organisé des études ciblées sur certains points pour voir comment les
alphabétisés réinvestissent les connaissances acquises.
Pour un suivi / évaluation efficace, les obligations des différentes
apprenantes sont les suivantes :
- Chaque opérateur doit développer son propre dispositif interne
de suivi-évaluation qui décrit, clairement pour chaque acteur
(coordonnateur, superviseur, formateur et animateur), les tâches,
les outils, les périodes, les modalités de collecte, d’analyse et
d’information ;
- Les communautés bénéficiaires sont impliquées dans le
processus de conception et de gestion des programmes et de
suivi/évaluation des activités ;
- Les services techniques de l’Etat sont chargés du suivi/évaluation
externe des activités d’alphabétisation. A ce titre, ils veillent au
respect de toutes les dispositions pédagogiques et à l’application
des normes minimales de contrôle, de certification des
déclarations des opérateurs, de suivi de la conformité des
15
contrats aux réalités du terrain, de vérification des procédures sur
la base d’outils et de méthodes appropriés.
2.3. Les caractéristiques et les tendances de l’alphabétisation
Le Burkina Faso a pris très tôt des initiatives pour améliorer l’offre
éducative héritée de la colonisation en mettant en œuvre des programmes
d’alphabétisation des jeunes garçons et filles, des hommes et femmes,
notamment dans les écoles rurales devenues Centres de Formation des Jeunes
Agriculteurs (CFJA) ainsi que dans le projet Haute-Volta UNESCO d’égalité
d’accès des femmes et des jeunes filles à l’éducation.
Les actions des premières heures de l’indépendance se sont
consolidées au fil du temps mettant en évidence l’importance de l’alphabétisation
en raison des faibles taux de scolarisation des enfants.
Le crédit que les autorités accordent à la promotion de
l’alphabétisation s’est ainsi manifesté par des actions concrètes qui marquent les
temps forts de la mise en œuvre des politiques de développement de l’éducation
de base non formelle. Il s’agit en l’occurrence de :
1. La création des Centres de Formation des Jeunes Agriculteurs
devenus Centre de Formation des Jeunes Agriculteurs, le projet
UNESCO Haute-Volta ;
2. La création d’un Office National de l’Education Permanente et
l’Alphabétisation Fonctionnelle et Sélective (ONEPAFS) ;
3. L’expérimentation et l’extension en véritable grandeur des
formules intensives (alphabétisation en 48 jours) et semi-
intensives (alphabétisation en 96 jours) d’alphabétisation ;
4. La préparation et l’exécution des programmes d’alphabétisation
commando et bantaaré, de 1986 et 1989. L’alphabétisation
commando visait à alphabétiser en 48 jours 30 000 producteurs /
16
productrices. Le terme commando traduit « la ferme volonté
politique du gouvernement révolutionnaire de l’époque (Conseil
National de la Révolution (CNR) de réussir dans des délais
rapides la formation et l’organisation du monde rural.
L’alphabétisation bantaaré (mot peulh signifiant lumière) visait à
alphabétiser 10 000 femmes afin de les aider à s’émanciper,
toujours sous le même régime ;
5. La mise en place en 1990 d’une nouvelle stratégie
d’alphabétisation appelée stratégie des Centres Permanents
d’Alphabétisation et de Formation (CPAF) qui consiste à ouvrir
des centres permanents en ville comme en campagne ;
6. L’introduction d’approches alternatives pour accroître le taux
d’alphabétisation et de scolarisation grâce à des innovations
éducatives à partir de 1995. Les Centres d’Education de Base
Non Formelle (CEBNF), Ecoles Satellites (ES), Ecoles Bilingues,
etc.).
Les résultats cumulés ont permis d’atteindre un taux
d’alphabétisation estimé à 26 % en 1998 avec 15 % pour les femmes1. Ce taux a
été calculé à partir des résultats du recensement général de la population effectué
en 1996. Il prend en compte la population de 10 ans et plus. Ce taux restant
encore très faible au regard du nombre important d’analphabètes constituant la
population active du pays, l’Etat burkinabè a opté à la suite du forum national sur
l’alphabétisation tenu en 1999 d’adopter la stratégie du faire-faire, car on s’était
rendu compte qu’il était difficile à l’Etat d’ouvrir et de gérer des centres
d’alphabétisation en plus de son rôle de garant du contrôle de la qualité de
l’alphabétisation.
1 Données de l’Institut National des Statistiques et de la Démographie, 1998 « profil et évolution de la pauvreté au Burkina Faso », mars 2000.
17
Le faire-faire recourt à ou fait appel à une forte implication de la
société civile dans la gestion des programmes d’alphabétisation. Cette implication
permet à l’Etat de faire face aux problèmes occasionnés par l’alphabétisation. En
effet, au Burkina si la volonté politique de l’Etat est clairement perceptible à travers
les déclarations officielles, il n’en demeure pas moins que sa contribution
financière reste insignifiante quand on sait qu’il consacre moins de 1 % du budget
du MEBA à l’alphabétisation. Sur un budget d’environ 40 milliards consacré au
MEBA, les fonds alloués au Fonds National Pour l’Alphabétisation et l’Education
Non Formelle (FONAENF) ne sont que de 400 millions. Ce fonds est chargé du
financement de l’alphabétisation
2.4. La question de l’offre d’alphabétisation
Avant 1990 Au Burkina Faso, l’offre en matière d’infrastructures 2 n’a cessé
d’augmenter d’année en année. Au départ, les premiers centres ouverts ont été
essentiellement l’œuvre des ONG et des missions religieuses. Le nombre de
centres était alors très réduit. Avec l’implication de l’Etat et de ses différents
partenaires techniques et financiers, ce nombre n’a cessé de croître. En 1986
avec la campagne d’alphabétisation commando de 30 000 producteurs/trices, l’on
a ouvert 1 070 centres. En 1989 avec l’alphabétisation bantaare de dix mille (10
000) femmes, 470 centres ont été ouverts. Ces deux campagnes ont permis de
toucher l’ensemble des 30 provinces que comptait le pays. En 1990, l’opération de
relèvement de niveau de 7 000 femmes semi-alphabétisées a permis d’ouvrir 570
centres d’alphabétisation.
A partir de 1990 Le nombre de centres va se multiplier par dix avec l’instauration de
la stratégie des Centres Permanents d’Alphabétisation et de Formation. Cette
stratégie consiste à ouvrir des Centres Permanents d’Alphabétisation et de
Formation (CPAF) en ville comme en campagne. Il s’agit, grâce à la mise en place
d’un système de structures régulières aptes à la généralisation d’une
2 L’infrastructure doit être entendue comme un site d’alphabétisation réalisé en dur ou en banco ou emprunté au village (une église, une mosquée). Il peut s’agir d’un simple hangar construit chaque année.
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alphabétisation de type fonctionnel et grâce à une organisation conséquente des
acteurs et bénéficiaires, d’atteindre les objectifs suivants :
- Amener les analphabètes à maîtriser et utiliser la lecture,
l’écriture et le calcul comme outils d’information, de
communication, de meilleure gestion et de promotion
économique et sociale ;
- Amener les néo-alphabètes à accroître leur productivité grâce à
la maîtrise de compétences plus performantes, à une plus grande
prise de conscience de leur rôle, à une plus grande ouverture
d’esprit propice à l’adoption de techniques et technologies
toujours plus adaptées.
Durant le premier plan triennal :
- 1 868 centres ont été ouverts en 1990-1991 ;
- 2 356 centres ont été ouverts en 1991-1992 ;
- 3 294 centres ont été ouverts en 1992-1993.
En 1993-1994, 3 777 centres ont été ouverts. En 1994-1995, 3 970
centres ont été ouverts. Ces données ont été empruntées à A. NIAMEOGO
(1996)3.
Le nombre de centres s’est accru d’avantage en 2002-2003 avec la
création du Fonds National de l’Alphabétisation et de l’Education Non Formelle
(FONAENF) et la mise en place de la stratégie du faire-faire à travers laquelle
l’ouverture et la gestion des centres ont été confiées à des opérateurs en
alphabétisation, les services étatiques se contentant de la supervision technique
des programmes d’alphabétisation. En 2003, 7 654 centres ont été ouverts (5 219
en AI et 2 435 en FCB) contre 4 457 (3 294 en AI et 1 163 en FCB) en 1993 ; soit
une augmentation de 71,7 % en dix ans, d’après ILBOUDO E. (2004)4.
3 NIAMEOGO A. 1996, L’alphabétisation au Burkina Faso, INA, 72 p. 4 ILBOUDO E. 2004 : Etude complémentaire sur les politiques éducatives au Burkina Faso à l’horizon 2025, MED, 250 p.
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L’alphabétisation couvre donc les 45 provinces du pays ainsi que
tous les départements. 5 219 villages étaient couverts sur les 8 103 villages que
compte le Burkina. En 1995, 280 départements sur les 300 que comptait le pays
et 3 777 villages étaient couverts. L’augmentation du nombre de villages couverts
est de 38,17 % entre 1995 et 2003, soit 4 points gagnés par an5.
Malgré ces progrès, il importe de souligner que l’offre en matière
d’alphabétisation est insuffisante par rapport à la demande faute de moyens
financiers et à la mauvaise qualité de certaines requêtes. En effet, sur les 266
requêtes soumises pour financement en 2003-2004 par des opérateurs seules
175 ont été acceptées.
2.5. Les résultats de l’alphabétisation
Malgré le contexte économique difficile du pays, la couverture
éducative s’accroît d’année en année grâce aux efforts conjugués des
populations, des collectivités locales, des ONG, des partenaires au
développement et de l’Etat. Dans les centres d’alphabétisation, le nombre
d’apprenants augmente régulièrement et les disparités entre hommes et femmes
diminuent. A ce propos, voici comment se présentent quelques résultats de
l’alphabétisation.
2.5.1. Les résultats sur le plan quantitatif
Les effectifs des inscrits dans les centres d’alphabétisation
connaissent un accroissement régulier depuis 1991/92, même si des baisses sont
constatées entre 1998 et 2002. Cependant le taux d’alphabétisation reste très
faible. Il est estimé à 28,44 % en 2004 par le Ministère de l’Enseignement de Base
et de l’Alphabétisation (MEBA).
5 Ibidem.
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Les disparités au niveau de l’alphabétisation entre hommes et
femmes, très prononcées au départ ont de plus en plus tendance à s’estomper à
partir de 1995-96 comme on peut le constater sur le tableau ci-après. En effet, le
taux de participation des femmes à l’alphabétisation connaît une croissance
régulière qui va de 52 % à plus de 57 % des inscrits. Ces résultats suffisent- ils
pour dire que l’alphabétisation des femmes est entrain d’être gagnée au Burkina
Faso ? Certainement pas, dans la mesure où, sur les 55 % inscrites, 87 % sont
évaluées et seulement 62 % de ces évaluées, soit 54 % des inscrites sont
déclarées alphabétisées. Les 54 % déclarées alphabétisées représentent en
réalité quel pourcentage de l’ensemble des femmes en âge d’être alphabétisées ?
Les femmes sont plus nombreuses à s’inscrire dans les centres, mais elles
réussissent toujours moins que les hommes.
De plus, si les femmes sont bien représentées en Alpha Initiale,
54,7% contre 45,3% d’hommes en 2002/2003, leur nombre diminue
considérablement au fur et à mesure qu’on va vers une amélioration des
connaissances. Sur 49 529 inscrits en FCB en 2003, 50,7 % sont des femmes ; et
sur les 7 172 inscrits en FTS, 28,4 % seulement sont des femmes. Les taux de
réussite des femmes sont également inférieurs à ceux des hommes. 64,7 %
contre 69,7 % en FCB.
Evolution par genre de l’alphabétisation initiale au Burkina Faso de 1992 à 2003
Année Inscrit (es) Evalué (es) Alphabétisé (es) H F T H F T H F T