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UNIVERSITE MOULAY SLIMANE Master: Langues,
Faculté des Lettres et des Informatique et Traduction
Sciences Humaines
Beni Mellal
_______________________________________
LA TRADUCTION DES CONSTRUCTIONS
INTERROGATIVES
Fançais/ Arabe
Corpus de base : Samarcande d’Amine MAALOUF
Mémoire de fin d’études
en vue de l'obtention du diplôme de
Master
N° d’étudiant: 17/28L
2010
Présenté par :
Elmostafa FTOUH
Sous la direction de Mlle le professeur :
Amal OUSSIKOUM
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REMERCIEMENTS
J’adresse mes sincères remerciements à Mlle Amal OUSSIKOUM, ma directrice de recherche, pour sa disponibilité et sa rigueur, ainsi que pour son intérêt vis-à-vis de mon travail. Je lui suis reconnaissant de m’avoir soutenu durant toute la période de l’élaboration de ce modeste travail, ainsi durant deux années d’étude en master où j’ai pu connaître les bases et les principes de la recherche en linguistique et traductologie.
Je remercie tous les professeurs qui m’ont enseigné et soutenu
durant ces deux années du master. Je les remercie chaleureusement pour leurs soutiens, leurs conseils et leurs disponibilités à tout moment où mes collègues et moi avaient besoin d’eux. Je les remercie pour m’avoir inculqué l’amour d’aller si loin dans la recherche scientifique.
Je tiens également à exprimer ma sincère gratitude envers les
professeurs qui ont bien voulu faire partie du jury, d’avoir lu mon mémoire et de lui avoir accordé de leur temps précieux.
Merci à ma famille et à tous mes amis qui, depuis le
commencement de mes études dans ce master, m’ont encouragé et m’ont soutenu.
Merci à vous tous pour votre soutien sans limite.
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DÉDICACE
Je dédie ce travail
A ma famille
A mes deux espoirs Nouha et Abdessamad
A mon professeur encadrant
A tous mes professeurs du Master
A tous ceux qui me sont très chers,
Avec tout mon amour fraternel et mes profonds
respects, je vous souhaite le succès et le bonheur.
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TABLEAU DE L’ALPHABET PHONÉTIQUE UTILISE
Dans la transcription des énoncés relevant de la langue arabe, nous avons opté pour le tableau suivant :
۶ ʔ ض ḍ
ṭ ط b ب ẓ ظ t ت
ε ع θ ث
ġ غ ž ج
f ف ḥ ح
q ق x خ
ك -ك d د k
l ل ð ذ
m م r ر
n ن z ز
ه -ه s س h
w و š ش
y ي ṣ ص
Voyelles longues Voyelles courtes
ā ا a
ū و u
ī ي I
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TABLEAU DES ABREVIATIONS
Affir Affirmative
Dict Dictionnaire
Ed Edition
Ex Exemple
e.g. Par exemple
Ibid
Ibidem, au même endroit, dans la
même œuvre.
i.e. A savoir
Imp Impérative
Inton Intonation
Masc Masculin
NP Noun phrase : syntagme
prépositionnel
P Proposition
plur Pluriel
p Page
pers Personne
pp Pages
subj Subjonctif
sing Singulier
SN que syntagme nominal avec démonstratif
que
SN Syntagme nominal
SV Syntagme verbal
SVO Sujet, verbe, complément
V Verbe
VSO Verbe, sujet, complément
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TABLE DES MATIERES
REMERCIEMENTS
DÉDICACE
TABLEAU DE LA TRANSCRIPTION PHONÉTIQUE
TABLEAU DES ABRÉVIATIONS
INTRODUCTION ........................................................................................................ 8 PARTIE I : REPÈRES THÉORIQUES .......................... ...Erreur ! Signet non défini.
I. L’INTERROGATION EN LANGUE FRANçAISE ............................................ 11 Introduction ............................................................................................................... 11 I.1 Les types d’interrogation ................................................................................ 13
I. 1.1 L’interrogation totale ................................................................................... 13
I.1. 2 L’interrogation partielle ............................................................................... 16
I.1. 3 L’interrogation directe et indirecte .............................................................. 22
I. 2 Le point d’interrogation et l’intonation interrogative : ................................. 28 I. 3 Les introducteurs interrogatifs ...................................................................... 31
3. 1. Les déterminants interrogatifs : .................................................................... 31
I. 3. 2 Les pronoms interrogatifs. ......................................................................... 32
I. 3. 3 Les adverbes interrogatifs ........................................................................... 33
I. 4 La transformation interrogative ...................................................................... 34 I. 5 L’interprétation sémantique de l’interrogation .............................................. 36
I. 5. 1 Les conditions sémantiques pour le fonctionnement de la question ...... 37
I. 5. 2 Les valeurs illocutoires relatives à l’interrogation .................................... 38
I. 5. 3 Différentes interprétations de l’adverbe interrogatif « comment » ........... 40
Conclusion du chapitre ............................................................................................. 42
II. L’INTERROGATION EN LANGUE ARABE ................................................... 42 Introduction ............................................................................................................... 42
II. 1 Les types d’interrogations en langue arabe ................................................ 43
II. 1. 1 L’interrogation directe et indirecte ........................................................... 43
II. 1. 2 L’interrogation totale et partielle ............................................................. 47
II. 1. 3 L’interrogation selon l’élément interrogatif .............................................. 48
II. 2 La distribution des pronoms interrogatifs dans les phrases échos .............. 50
II. 3 Les caractéristiques morphologiques des complémenteurs......................... 51 II. 4 Les caractéristiques sémantiques des introducteurs interrogatifs ............... 53 II. 5 Analyse sémantique de l’interrogation modalisée en langue arabe ............. 56
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II. 5. 1 Les conditions de fonctionnement des verbes modaux dans les énoncés
interrogatifs ........................................................................................................... 58
II. 5. 2 L’adjonction des verbes modaux dans les énoncés interrogatifs ........... 60
II.5.2.a La modalité grammaticale ................................................................... 61
II.5.2.b La modalité lexicale ............................................................................ 63
Conclusion du chapitre. ............................................................................................ 64
PARTIE II
III. Analyse contrastive de l’interrogation en français et en arabe ...................... 65 Introduction ............................................................................................................... 66 III. 1. La traduction et les universaux linguistiques .................................................. 68
III.2. Traduction et syntaxe ...................................................................................... 71 Introduction ............................................................................................................... 71
III. 2. 1. La traduction de l’interrogation par type ................................................ 72
III. 2. 2. La traduction des mots interrogatifs ....................................................... 77
III. 2. 3. Le point d’interrogation entre le français et l’arabe ............................... 80
III. 2. 4. La traduction des pronoms indéfinis ....................................................... 82
III. 2. 5. La traduction vers le duel (mutannā) ...................................................... 83
III. 2. 6. L’interrogation entre l’aspect accompli et inaccompli ........................... 84
Conclusion du chapitre ............................................................................................. 87
III.3. Traduction, sémantique et pragmatique ........................................................... 89
Introduction ............................................................................................................... 89
III. 3. 1 Sur le plan lexical et sémantique ............................................................. 90
III. 3. 2 Sur le plan pragmatique ........................................................................... 94
Conclusion du chapitre ............................................................................................. 99
CONCLUSION ......................................................................................................... 101
CORPUS .................................................................................................................... 104
BIBILIOGRAPHIE .................................................................................................. 113 INDEX ........................................................................................................................ 117
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INTRODUCTION
La performance langagière est une propriété humaine qui a pour
objectif la communication interpersonnelle. C’est en associant la
performance à la compétence linguistique que se produit toute langue
naturelle. Les langues diffèrent de plusieurs points de vue, c’est pour
assurer une entente entre les êtres humains que la traduction a eu lieu.
Cette dernière a pour but de satisfaire un besoin humain, celui de la
communication. Or, un ensemble de problèmes entravent ce processus.
En outre, la question est une structure très récurrente dans nos
communications. Elle constitue « une préoccupation théorique dont se
sont emparées la linguistique, la logique, la philosophie, la psychologie et
même l’anthropologie. Certains n’hésitent pas à considérer le
questionnement comme une réalité fondamentale de l’esprit humain, sur
laquelle les autres dimensions viendraient s’articuler »1. En effet,
l’échange communicatif réussi est basé sur un bon emploi de la langue
dans un champ discursif conventionnel entre les deux interlocuteurs. Le
couple question / réponse serait de ce fait le noyau primitif de tout
échange linguistique puisque la langue est employée pour communiquer
avec autrui soit en demandant des informations soit en les fournissant.
Notre travail consiste à faire une analyse contrastive entre les
constructions interrogatives du français et celles de l’arabe, à étudier les
formes du transfert des interrogatives, et à déceler les divergences et les
convergences d’usage entre ces deux langues en question. Et pour ce faire,
nous essayerons de répondre à la question de savoir comment s’effectue la
traduction des constructions interrogatives du français vers l’arabe ? et
1 Meyer, M., 1981, « L’interrogation : présentation », in Langue française, Paris, Larousse. P 3.
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quels sont les problèmes d’ordre syntaxique, sémantique et pragmatique
qui apparaissent lors de ce processus ?
Dans cette même perspective, nous nous intéresserons à l’étude de
quelques aspects linguistiques liés à la traduction de ce type d’énoncé à
savoir les structures syntaxiques des interrogatives et les problèmes
sémantiques et pragmatiques liés à la traduction de l’interrogation, etc.
Pour ce faire, nous nous appuierons essentiellement sur les principes de la
linguistique contrastive, qui inscrit l’activité traductive dans une large
perspective linguistique, où les régularités différentielles permettent de
mettre en relief les principales différences dans le fonctionnement des
langues dont la connaissance s’avère importante lors de toute traduction.
Cette analyse contrastive aura comme but de montrer les différences et les
similitudes entre l’interrogation du français et celle de l’arabe lors du
processus traductionnel.
Le corpus, objet d’étude, est extrait du roman Samarcande2 de son
auteur Amine Maalouf3, et de sa version arabe d’Afif Damachkia. Le
2 Samarcande (1988), c'est la Perse d'Omar Khayyam, poète du vin, libre penseur, astronome de génie,
mais aussi celle de Hassan Sabbah, fondateur de l'ordre des Assassins, la secte la plus redoutable de
l'Histoire. Samarcande, c'est l'Orient du XIXè siècle et du début du XXè, le voyage dans un univers où
les rêves de liberté ont toujours su défier les fanatismes. Samarcande, c'est l'aventure d'un manuscrit né
au XIè siècle, égaré lors des invasions mongoles et retrouvé des siècles plus tard. Une fois encore, nous
conduisant sur la route de la soie à travers les plus envoûtantes cités d'Asie, Amin Maalouf nous ravit
par son extraordinaire talent de conteur, affirme Gilles Demert.
Maalouf, A., 1988, Samarcande, Paris, Livre de poche. Abstract du roman
3 Amine Maalouf est né à Beyrouth (Liban) en 1949. Journaliste de langue arabe et de culture française.
Il est l’auteur de nombreux romans qui ont pour cadre le moyen orient, l’Afrique et le monde
méditerranéen. L'ensemble de ses œuvres interrogent les rapports politiques et religieux qu'entretiennent
l'Orient et l'Occident, mais aussi les thèmes de l'exil et de l'identité, des sujets traités dans ses différents
essais parmi lesquels 'Les Identités meurtrières' paru en 1989 ou 'Le Dérèglement du monde', publié en
2009.
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corpus présente tous les types d’interrogations : totale, partielle, directe,
indirecte, alternative, etc.
Nous avons extrait les cent premières interrogations présentes dans
les dix premiers chapitres de chacune des deux versions.
Ce travail sera fait dans le cadre d’une perspective linguistique
contrastive, entre la langue arabe qui présente deux points d’intérêts
particuliers pour le linguiste : c’est une langue sémitique à morphologie
riche, une langue qui observe l’ordre VSO et où, par conséquent, à la fois
le NP sujet et le NP objet sont dominés par le même nœud dans la
structure des constituants, à la différence de la langue française qui est une
langue d’origine latine, et qui observe l’ordre SVO et où les deux nœuds
SN1 et SN2 appartiennent à des espaces configurationnels différents.
Toute langue naturelle est faite d’un agencement de structures
syntaxiques. De ce fait, la traduction de la langue se réalise à travers la
traduction de ses structures. Dans ce sens nous essayons de cerner les
caractéristiques morphosyntaxique, sémantique, pragmatique et
lexicologique de l’interrogation aussi bien dans la langue française que
dans la langue arabe, afin de voir comment se fait le transfert entre les
deux langues objets du travail.
La forme interrogative est toujours liée à une situation de
communication précise, elle n’est pas forcément liée à une demande
d’information, Elle acquiert souvent d’autres valeurs sémantiques et
pragmatiques liées à l’intension du locuteur. Le traducteur devait-t-il donc
conserver la structure initiale ou alors tout reformuler pour que la question
acquiert le sens et la valeur véhiculés par le texte de départ ? De même,
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les divergences syntaxiques entre le français et l’arabe influent-elles sur la
valeur sémantique et pragmatique de la question ?
I. L’INTERROGATION EN LANGUE FRANçAISE
Introduction
La question, comme élément essentiel dans toute communication,
est présente dans toutes les langues naturelles. Plusieurs types
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d’interrogation sont à distinguer, elles diffèrent de part, leurs
constructions syntaxiques et les fins pour lesquelles elles sont posées.
La question, dans le Petit Robert4, est définit comme étant une
demande qu’on adresse à quelqu’un en vue d’apprendre quelque
chose…C’est un sujet qui implique des difficultés, donne lieu à la
discussion…une torture infligée aux accusés ou aux condamnés pour leur
arracher des aveux…
La question est liée, dans toute définition, à la demande
d’informations. Or, dans d’autres contextes, la question peut acquérir des
finalités pragmatiques c'est-à-dire qu’elle ne reste pas liée à la demande
d’information mais elle acquiert d’autres valeurs d’ironie, de prescription,
de conseil, etc. L’interaction interrogative fait intervenir deux individus. Il
ne faut cependant pas perdre de vue que questionneur et questionné
peuvent être la même personne. En plus, le locuteur peut interroger
l’allocutaire pour pousser une autre personne à répondre. La question
découle dans la plus part des cas d’un manque, le questionneur ne dispose
pas de la réponse ou des réponses possibles5, ou parfois ne parvient pas à
détecter la plus adéquate. Dans ce sens, l’interrogation a pour finalité la
modification d’un état de croyance ou des dispositions à agir. Ainsi, la
réponse contribue à l’élimination ou simplement à la réduction de
l’incertitude. En effet, l’interrogation a pour force illocutoire la question.
Celle-ci s’évalue plutôt selon les critères de pertinence, d’ambigüité, de
maladresse ou de futilité. Dans ce sens, la question est à classer selon les
types de réponses postulées : demande d’information, demande indirecte
(mande), etc. Alors, la phrase interrogative est une question qui permet de
4 Rey, A., 1994, Le Micro Robert, dictionnaire.
5 Sauf dans une situation didactique où le locuteur est sensé avoir la réponse, mais sa question n’est
qu’un outil de vérification de l’assimilation des acquis.
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demander quelque chose ; elle se termine par un point d’interrogation et
peut être affirmative ou négative. C’est l’une des modalités d’énonciation
qui correspond à une attitude énonciative non thétique (le locuteur
demande une information ou une validation) et à un acte de langage (celui
de la question). En effet, la question transparait à travers la phrase
interrogative mais ne s’y réduit pas.
Il est question ici de dégager le fonctionnement de la question et de
discuter certaines conditions qui régissent l’acte de questionner. La
question n’est pas toujours liée à la demande d’information, c’est pour
cela que le traitement des autres interprétations qui peuvent être assignées
à la question est indispensable.
I.1 Les types d’interrogation
L’interrogation se manifeste sous différents états qui peuvent être
traités selon la portée de l’interrogation (totale ou partielle), la nature de
l’interrogation (directe ou indirecte) et la valeur de l’interrogation
(interrogation rhétorique, demande d’information ou ordre déguisé.).
Généralement, la phrase interrogative est marquée par une intonation
montante dans l’orale et un point d’interrogation à l’écrit. Dans la langue
soutenue, elle est marquée par une inversion ou une redondance du sujet.
I. 1. 1 L’interrogation totale
L’interrogation totale, ou ″interrogation globale″ chez M. Grevisse6
ou encore ″interrogation connexionnelle″ chez L. Tesnière7, demande une
validation de l’énoncé entier et ne porte pas sur un tel ou tel constituant de
la phrase. L’interrogation totale n’est pas une demande d’information,
6 Grevisse, M., Goosse, A., 1993, Le bon usage, Paris, Duculot.
7 Tesnière, L., 1988, Eléments de syntaxe structurale, Paris, Klincksieck.
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puisqu’elle contient en elle-même tous les éléments lexicaux de la
réponse. On y répond par « oui » ou « non » ou par « si / non » dans le cas
de l’interro-négation totale8. Ce type d’interrogation ne comporte pas de
mot introducteur comme le montrent les exemples suivants :
(1) - Sais-tu reconnaître un ami? -oui/ non
(2)- N’est-ce pas moi, benjamin O. Lesage, qui l’ai arraché à
son Asie natale ? -si/ non.
(Samarcande)
En ce qui concerne l’ordre des mots, plusieurs configurations
syntaxiques interrogatives sont possibles : l’interrogation peut être
construite sans inversion du sujet (cf. (3)) ou avec inversion simple (cf.
(4) et (5)) ou complexe du sujet (cf. (6)).
(3)-Vous avez l’intention d’aller le voir ?
(4)-Avez-vous l’intention d’aller le voir?
(5)- Avez-vous mangé ?
(6)-Marie dit-elle la vérité ?
Nous constatons dans (6) que le sujet est repris par le pronom personnel
(elle) placé après le verbe. Si le sujet est un nom, un pronom démonstratif
(sauf ce), un possessif ou un indéfini, il est redoublé par le pronom
personnel correspondant comme le montrent les exemples suivants:
(7)- Le Cadi savait-il par ce geste… ?
(8)- Le train de Paris est-il arrivé ?
(9)- Cela ne va-t-il pas…?
(10)- Le mien est-il arrivé ?
8 Dubois, J., Lagane, R., 1973, La nouvelle grammaire du français, Paris, Larousse. P 155.
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(11)- Quelqu’un est-il venu?
Comme nous l’avons signalé, l’interrogation totale porte sur
l’ensemble du contenu propositionnel de la phrase (cf. (1), (2)). Elle peut
porter sur l’action (cf. (8)) ou l’état du sujet (cf. (7)). L’interrogation
directe portant sur l’action du sujet est marquée par une intonation
ascendante et elle est fréquente à l’oral (cf. (12) et (13)), en temps que
l’interrogation avec ″est-ce que″ est réservée davantage à l’écrit (cf.
(14)). Les réponses possibles à ces questions seront : Oui, il vient / Non, il
ne vient pas.
(12)- Vient-il ? (13)- Il vient? (14)- Est-ce qu’il
vient?
Dans les formes interro-négatives (cf. (15), (16) et (17)), les réponses
possibles seront : Si, il vient / Non, il ne vient pas.
(15)- Il ne vient pas?
(16)- Ne vient-il pas?
(17)- Est-ce qu’il ne vient pas?
L’interrogation sur l’état du sujet peut prendre les formules
d’interrogation comme dans les exemples (18), (19) et (20). Et les
réponses possibles seront : Oui, il est malade. / Non, il n’est pas malade.
(18)- Il est malade?
(19)- Est-ce qu’il est malade?
(20)- Est-il malade?
(21)- Me faudra-t-il attendre d’être vieux pour exprimer ce que je
pense? (Samarcande)
Puisque l’interrogation totale porte sur toute la phrase, il y a une
absence du mot interrogatif. La séquence régressive prend deux formes
selon la nature du sujet. Lorsque le sujet est un pronom, nous optons pour
une postposition simple du sujet (cf. (22)). Cette postposition est exclue
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avec la plus part des verbes avec la première personne du singulier :*dors-
je ? , *cours-je ? Et lorsque le verbe se termine par un « e » muet, il est
prononcé avec un accent aigue cf. (23) et(24).
(22) -Se rend-il à la taverne, ce soir-là..? (Samarcande)
(23)- prié-je dieu pour mon paradis ?
(24)- arrivé-je trop tard aujourd’hui ?
Lorsque le sujet est un nom, le sujet demeure avant le verbe, mais il
est repris après par un pronom anaphorique sujet : il, ils, elle, elles. Dans
ce cas, on a une postposition complexe :
(25)- Le Cadi savait-il par ce geste..?
I.1.2 L’interrogation partielle
L’interrogation partielle ou interrogation nucléaire est une
demande d’information. M. Grevisse9 détermine sa portée sur l’élément
que le locuteur ignore. Dans l’interrogation partielle, le locuteur demande
une information qu’elle ne contient pas. « Elle porte sur un élément
particulier de la phrase (le sujet, le complément d’objet, le complément
circonstanciel, etc.), qui est représenté par un morphème interrogatif
« qui », « que », « quand », etc. et on ne peut pas y répondre par (oui) ou
par (non) » 10
.
L’interrogation partielle comme l’interrogation totale se termine par
un point d’interrogation. Mais contrairement à l’interrogation totale qui
peut se contenter d’un point d’interrogation sans mot interrogatif
introducteur, l’interrogation partielle use de mot interrogatif souvent en
tête de la phrase. Ce mot interrogatif peut être11
:
9 M. Grevisse, 1986, Le bon usage, Paris, Duculot.
10 Florence Mercier-Leca., 2000, 30 questions de grammaire française, P. 176.
11 M. Grevisse., 1986, le bon usage, Paris, Duculot, P. 632.
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Un pronom : qui, que, quoi, lequel, combien
Un déterminant : quel, combien de
Un adverbe : comment, où, pourquoi, quand
(26)- A quel moment avait-il basculé de la témérité à la démence ?
(Samarcande)
L’interrogation partielle porte sur une partie de la phrase ou sur un
de ses constituants, ce constituant peut être marqué [+/-animé]. Elle peut
porter aussi sur la qualité d’un constituant ou sur la modalité de l’action.
Lorsque l’interrogation porte sur l’identité d’un constituant qui a le trait
[+animé], ce constituant peut être formulée comme suit :
a- Attribut :
(27)-a. Qui est-ce? / Qui est cet homme?
-b. C’est Pierre
(28)-a. Qui sont ces hommes?
-b. Ce sont mes voisins
Dans la forme familière le pronom interrogatif est souvent mis en fin de la
phrase (cf. (29)).
(29)- C’est qui ?
b- Sujet ou Complément d’objet direct :
Sujet : (30).a. Qui est-ce qui pleure?
b. C’est mon fils qui pleure.
Complément d’objet direct : (31).a. Qui est-ce qu’il a fait
pleurer?
-b. Il a fait pleurer mon fils.
- Complément d’objet direct : (32) Qui a-t-il fait pleurer?
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Si le sujet n’est ni un pronom personnel ni ¨on¨, l’inversion complexe est
d’usage (cf. (33)).
(33) Qui Pierre a-t-il fait pleurer ?
c- Complément prépositionnel :
(34). a. Avec qui est-ce qu’il est parti?
b. Il est parti avec mon fils.
c. Avec qui est-il parti ?
Si le sujet n’est ni un pronom personnel ni ″on″, l’interrogation se
construit avec une inversion complexe (cf. (35)). Et si le sujet est un nom,
il est placé après le verbe ou le participe selon le temps employé simple
ou composé (cf. (36)).
(35)- Avec qui Pierre est-il parti ?
(36)- Avec qui part Pierre ? / Avec qui est parti Pierre ?
Par contre si l’élément sur lequel porte l’interrogation a le trait
[- animé], les questions peuvent être formulées comme suit :
a. Attribut
(37)-a. Qu’est-ce que c’est? / Qu’est-ce ?
b. C’est un livre.
(38)-a. Qu’est-ce que ce livre? / Qu’est-ce que c’est que ce livre ?/
b. Qu’est ce livre?
c. Ce sont des cassettes.
b. Sujet ou complément d’objet direct
(39) a. Qui fait ce bruit?
b. C’est la pluie battante qui fait ce bruit.
(40) a. Qu’est-ce qu’il a ramassé?
b. Il a ramassé des champignons.
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Lorsque le sujet n’est ni un pronom personnel ni ″on″, il se place
après le verbe (cf. (40)) si le temps est simple, ou après le participe passé
si le temps est composé (cf. (41)).
(40) Que ramasse Pierre ?
(41) Qu’a ramassé Pierre?
Si le verbe est à l’infinitif, l’introducteur interrogatif précède le verbe (cf.
(42)).
(42) Que faire ? Quoi faire ?
Pour s’interroger sur un constituant inanimé, d’autres constructions avec
des formes impersonnelles sont possibles (cf. (43.a,b,c)).
(43)a. Que faut-il ? / Qu’ est-ce qu’il faut ?
b. Qu’ y a-t-il ? / Qu’ est-ce qu’il y a ?
c. Que manque-t-il ? / Qu’ est-ce qu’il manque ?
On dit aussi:
d. Que se passe-t-il? mais Qu’est-ce qui se passe? (Qu’est-ce qu’il
se passe? est moins commun.)
e. Que m’arrive-t-il? mais Qu’est-ce qui m’arrive? (Qu’est-ce
qu’il m’arrive? est moins commun.)
c. Complément prépositionnel :
(44) a. Avec quoi est-ce qu’il l’a ouverte ?
b. Il l’a ouverte avec un couteau.
c. Avec quoi l’a-t-il ouverte?
Lorsque le sujet n’est ni un pronom personnel ni ″on″, il est placé après le
verbe si le temps est simple (cf. (46)), après le participe passé si le temps
est composé (cf. (47)), ou l’inversion complexe (cf. (45)).
(45) Avec quoi Pierre l’a-t-il ouverte ?
(46) Avec quoi l’ouvre Pierre ?
(47) Avec quoi l’a ouverte Pierre ?
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Lorsque l’interrogation porte sur la qualité i.e l’identité, le rang, la
mesure... de l’un des constituants de la phrase, les particules interrogatives
employés sont soit les adjectifs quel /quelle / quels / quelles, soit les
pronoms lequel / laquelle / lesquels / lesquelles.
a. Attribut
Si le sujet n’est ni un pronom personnel ni ″on″, celui-ci se place avant le
verbe (cf (48)).
(48) Quel homme est-ce monsieur ? / Lequel est-cet enfant?/
Quelle est ta pointure?
. Sujet
(49)a. Quelle chemise te va le mieux?
b. C’est la rouge qui me va le mieux.
(50)a. Laquelle te va le mieux?
b. C’est la verte qui me va le mieux.
. Complément d’objet direct
Lorsque l’élément sur lequel porte la question est un C.O.D,
l’introducteur interrogatif peut être un pronom interrogatif (cf. (51) et
(52)).
(51)a. Quelle chemise as-tu choisie? / Quelle chemise est-ce que tu
as choisie?
b. J’ai choisi la rouge.
(52) a. Laquelle as-tu choisie? / Laquelle est-ce que tu as choisie?
b. J’ai choisi la verte.
Les contractions des pronoms avec les prépositions à et de
deviennent auquel / auxquels / auxquelles / duquel /desquels / desquelles
(cf (53), (54), (55) et (56)).
(53) Auquel pensais-tu?
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(54) Auquel est-ce que tu pensais?
Je pensais à celui-ci.
(55) Duquel te souviens-tu? /
(56) Duquel est-ce que tu te souviens?
Je me souviens de celui-ci.
Lorsque l’interrogation porte sur les modalités de l’action, les
adverbes de temps (cf. (57)), de lieu (cf. (58)), de manière (cf. (59)), de
cause (cf. (60)) ou de quantité (cf. (61)) sont d’usage.
(57) a. Quand pars-tu? / Quand est-ce que tu pars?
b. Je pars demain.
(58) a. Où pars-tu? / Où est-ce que tu pars?
b. Je pars à Paris.
(59) a. Comment pars-tu? / Comment est-ce que tu pars?
b. Je pars en stop.
(60) a. Pourquoi pars-tu? / Pourquoi est-ce que tu pars?
b. Je pars parce que je suis fatigué
(61) a. Combien en as-tu pris? / Combien est-ce que tu en as pris?
b. J’en ai pris deux.
Si le sujet n’est ni un pronom personnel ni ¨on¨, soit on fait
l’inversion complexe (cf. (62 a, b, c, d)), soit on place le sujet après le
verbe si le temps est simple, ou après le participe passé si le temps est
composé (cf. (63 a, b, c, d)).
(62).a. Quand le train part-il ? / b. Comment ta sœur va-t-elle ? /
C .Où le train va-t-il ? / d. Combien ceci a-t-il valu?
(63).a. Quand part le train ? / b. Comment va ta sœur ?
c. Où va le train ? / d. Combien a valu ceci ?
L’inversion complexe devient obligatoire si le verbe est
accompagné d’un complément d’objet direct (cf. (64)), ou si le verbe est
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22
accompagné d’un attribut (cf. (65)) et avec pourquoi (cf. (66)). Mais
l’inversion complexe est en principe impossible si combien compose le
sujet (cf. (67)).
(64) Où Pierre a-t-il caché la bague ?
(65) Quand Pierre est-il devenu avocat ?
(66) Pourquoi Pierre part-il ?
(67) * Combien de clients ont-ils protesté ?
On oppose généralement les interrogations partielles, qui portent
sur un constituant de la phrase, et les interrogations totales qui portent sur
l’ensemble de l’énoncé. Cependant, cette distinction peut être égarante,
car une interrogation comme «es-tu là pour me voir ? » peut sembler
«partielle » dans la mesure où la question porte sur le motif de la venue
lorsque la réponse peut être par exemple «je suis venu récupérer mon
argent ». Elle peut être dite totale quand la réponse est censée être
oui/non. En revanche, la question: « Qui vient ? » permet de parcourir
mentalement l'ensemble des individus susceptibles de venir et exige de
l'allocutaire de sélectionner un parmi tous les possibles.
I. 1. 3 L’interrogation directe et indirecte
J. Dubois estime «qu’il existe en français deux types principaux de
phrases interrogatives »12
: il s’agit des interrogations directe et indirecte.
Les deux phrases qui suivent sont des interrogations directes.
(68) Serais-tu ivre, Seigneur ?
(69) Qui es-tu donc ?
12
Dubois, J., Dubois-Charlier, F., 1970, Eléments de linguistique française, Syntaxe, p. 208.
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23
En outre, la phrase interrogative se définit par deux structures : celle
qui constitue la demande et celle qui constitue la réponse. Dans le cas de
la phrase (68) la réponse serait (oui/non), dans le cas de la phrase (69) la
réponse est un syntagme nominal correspondant à celui qui est formé avec
la forme « qui ». J. Dubois distingue deux catégories pour ces deux types
de phrases : le premier type est un type ″oui/non″ et le second est
l’interrogation ¨que¨.
Les deux phrases (68) et (69) sont des interrogatives directes.
Cependant elles peuvent être enchâssées dans des phrases de base
comprenant le verbe ″demander″:
(68) a. Je demande si tu serais ivre, seigneur ?
(69) b. Je demande qui es-tu donc?
Ainsi, l’interrogation directe peut porter soit sur la totalité de la
phrase, soit sur un constituant particulier. Comme pour l’interrogation
totale, l’interrogation partielle se termine par un point d’interrogation. Elle
est caractérisée par une intonation descendante, avec une note élevée sur
le mot interrogatif placé en tête de la phrase.
Cependant, dans les interrogatives indirectes, la notion
d’interrogation est lexicalisée dans un verbe d’interrogation (demander,
s’enquérir, etc.) ou de recherche d’information (ne pas dire, ne pas
savoir, etc.), qui constitue le support de la principale. L’énoncé sur lequel
porte l’interrogation intervient sous la forme d’une proposition
subordonnée, complément d’objet direct du verbe de la principale. Elle
s’appelle ainsi, parce que la question est formulée dans un style indirect.
Elle est contenue dans une subordonnée qui dépend d’un verbe
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24
introducteur. Cette partie qui contient la question indirecte s’appelle la
proposition subordonnée interrogative. Elle n’admet l’utilisation ni de
«est-ce que », ni de l’inversion du sujet, ni du point d’interrogation, et
peut être aussi bien totale que partielle. Elle est dite totale lorsque la
subordonnée est introduite par la conjonction ″si″ (cf. (70)).
(70). Je me demande si elle reviendra.
Alors qu’elle est partielle lorsqu’elle est introduite par un
déterminant interrogatif (cf. (71.a)), par un pronom interrogatif (cf.
(71.b)) ou par un adverbe interrogatif (cf. (71.c)). L’interrogation indirecte
est, par sa fonction, une complétive même si elle n’est pas introduite par
une conjonction mais par un pronom ou un adverbe interrogatif, elle est
généralement introduite par les mêmes mots que l’interrogation directe.
Des particularités sont pourtant à signaler.
(71).a Je me demande quelle heure il est.
(71) .b Je ne sais pas qui est venu.
(71).c Elle a demandé comment on obtenait une note
supérieure à huit.
Une dégradation rapide de la syntaxe de l’interrogation indirecte
peut être signalée dans la langue contemporaine, comme le signale
F.DELOFFRE : « il y a certainement longtemps que l’on entend dans la
langue populaire des phrases comme : dis-moi est ce que tu veux venir,
dis-moi ce que tu veux. C'est-à-dire que ce type de langage généralise
dans l’interrogation indirecte des outils interrogatifs de l’interrogation
directe13
. »
13
Deloffre, F., 1979, La phrase française, (7° édition), Paris, Cedes, P. 74.
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25
Il peut y avoir une interrogation indirecte incluse dans une
interrogation directe: « Sais-tu si Marie est venue ? ». Certains verbes
introducteurs ont un sens interrogatif (demander, se demander,
s'enquérir), d'autres non (savoir, chercher, regarder...). Dans une phrase
comme « Je sais s'il est là », c'est donc la présence de ″si″ qui permet de
savoir que l'on a affaire à une interrogative et non à une complétive. Dans
l’interrogation indirecte, la forme ″est-ce que″ n’est jamais employée. Si
le sujet est un pronom personnel ou ″on″ ou ″ce″, il n’y a jamais
d’inversion de sujet. Si le sujet n’est pas l’un d’eux, celui-ci se place de
préférence avant le verbe mais il peut aussi, dans certains cas, se placer
après le verbe (cf.(72.a)), celui-ci se place toutefois après le verbe, avec
les interrogatifs qui et quel attributs (cf.(72.b)):
72).a Je me demande où ce train va. / Je me demande où va ce
train.
72).b Je te demande qui est cet homme. / Je te demande quelle est
ta pointure).
M. Grevisse14
remarque que l’interrogation directe introduite par
(ou si) peut faire confusion avec l’interrogation indirecte : « dans des
phrases exprimant l’alternative dans l’interrogation directe, le second
membre prend parfois la forme d’une interrogation indirecte introduite
par (ou si), sans les phénomènes de l’inversion ou de reprise qui
caractérisent l’interrogation directe 15
».
-Etes-vous soufrant, ou si c’est un méchant caprice ? (Musset, chandelier,
III,4.)
Les constructions avec « et si », confondues avec les
interrogations du type : si nous allions nous promener. Ce type de
modulation interrogative se caractérise par l’absence du point
14
Grevisse, M., 1991, Le bon usage, Paris, Duculot, P. 629. 15
Ibid.
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26
d’interrogation dans certains exemples, tel que le postule Grevisse16
exprime une invitation plutôt qu’une interrogation.
(73) Si vous retiriez votre chapeau ? (Gide, caves du Vat.,
I,3)
La proposition conditionnelle interrogative et exprimant une
hypothèse sans expliciter le verbe principal introduite par (si) est
considérée comme une subordonnée interrogative, c'est-à-dire qu’on a
affaire à une interrogation indirecte.
(74) Et s’il mourait pour rien ? (A.Camus, justes,P1, P383)
L’interrogation n’est pas toujours liée à la demande d’information,
elle est dite disjonctives lorsqu’elle énonce une alternative, puisque
l’interlocuteur doit effectuer un choix sur lequel il doit décider (cf. (75)).
Cette disjonction peut être explicitée aussi par ″oui″ ou ″non″ (cf. (76) et
(77)). Une phrase interrogative peut ne pas commencer par un
introducteur d’interrogation ni même par une proposition principale
d’interrogation et coordonnée à une phrase non interrogative (cf. (78)).
(75)- Vous me rendez mon argent ou je m’adresse au tribunal ?
(76)- vous me rendez mon argent, oui ou non ?
(77)- vous prenez une décision oui ou non ?
(78)- Et son parcours millénaire, qui l’a interrompu, sinon
l’arrogance de mon siècle ? (Samarcande).
En revanche, elle est dite fictive lorsqu’elle n’appelle aucune
réponse, elle correspond, quant au contenu de son message, à une
16
Ibid., P. 630.
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27
exclamation ou à une injonction, les exemples (78) et (79) en sont la
parfaite illustration.
(78)-Comment des gens qui placent si haut les vertus de
l’hospitalité peuvent ils se rendre capables de violences contre un visiteur
comme toi ? (Samarcande)
(79)- Allez-vous bientôt vous taire ? Allez-vous payer ?
L’interrogation oratoire est une interrogation fictive puisqu’elle
n’est pas dite afin d’avoir une réponse précise : la réponse contredisant la
question est admise comme évidente. Lorsque l’interrogation partielle est
oratoire, la réponse supposée est négative (non, personne, jamais, etc.) (cf
(80)). L’interrogation délibérative est adressée à soit même au moment où
l’on doit prendre une décision (cf (81)).
(80) .a. Me faudra-t-il attendre d’être vieux pour exprimer ce que je
pense ? (Samarcande)
(81) Pourtant que faire ? (Samarcande,)
Certaines phrases interrogatives commencent par des conjonctions
de coordination sans que celles-ci soient liées effectivement à ce qui la
précède (cf. (82)). Une phrase interrogative peut être insérée dans une
phrase énonciative sans que cette interrogation implique une réponse.
L’élément inséré joue le rôle d’une incidente comme le montre la
ponctuation (cf. (83)). Il se peut que l’interlocuteur utilise une phrase
incidente semblable à une phrase elliptique par laquelle il demande une
information ou un éclaircissement (cf. (84)).
(82)-Et comment s’appelait ce maître, que je puisse au moins
raconter ses bienfaits? ( Samarcande).
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(83)-le cœur défaille en présence du nombre des œuvres, que dis-
je ?du nombre des chefs-d’œuvre ? (valéry) .
(84)-Il y a six mois de ça, j’avais cherché à vendre des couverts
d’argenterie…Ah ! Qui venaient d’où ?
( J.Romain, cit. Gougenheim, dans Où en sont les études)
I. 2 Le point d’interrogation et l’intonation interrogative :
La production d’un énoncé est soumise à l’état psychologique et
mental de l’interlocuteur, c’est pourquoi la prosodie de la phrase véhicule
des informations extralinguistiques comme les émotions, l’état du locuteur
ou la nature de la phrase (affirmative, interrogative ou exclamative). Une
phrase interrogative est marquée à l’écrit par la présence d’un point
d’interrogation et par une intonation montante à l’oral.
Le point d’interrogation peut être dans certains cas le seul indice
qui permet de savoir que l’énoncé est une question (cf. (85)).
(85) Ma façon de prier. Ma façon de prier ? « Samarcande »
Pour renforcer l’interrogation, le point d’interrogation peut être
répété (cf. (86)) ou combiné avec le point d’exclamation (cf. (87) et (88)).
Dans le dialogue, le point d’interrogation peut être inséré dans une phrase
non interrogative pour exprimer une interrogation explicitée par la
physionomie du locuteur durant un silence qui coupe son discours (cf.
(89). Dans une phrase énonciative, le point d’interrogation peut paraître à
la fin des mots exprimant un doute, comme : peut être, je crois, je
suppose, sans doute, etc. (cf. (90)).
(86)- Quelqu’un peut-il m’aider???
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29
(87)- Qu’est-ce que vous me dites là?!
(88)- comment ?!
(89)-En tout cas, c’est un esprit bien placé. /-- ?../ - bien placé
dans le monde des esprits. (Colette Sido, L.P., P53)
(90)-peut être qu’il a sommeil ?
Souvent l’exclamation utilise les mêmes moyens que
l’interrogation, ce qui explique la présence d’un point d’interrogation à la
fin d’une phrase exclamative avec une nuance interrogative comme le
montre l’exemple (91):
(91)- Quelle drôle de chose ?
Quand les phrases interrogatives sont multiples et sont coordonnées
par des conjonctions de coordination le point d’interrogation est mis à la
fin de chaque phrase, et lorsque les phrases interrogatives se succèdent
sans coordonnant celui-ci est mis à la fin de l’énoncé.
Le point d’interrogation est omis quand la phrase interrogative est une
sous phrase, (citation – discours direct), surtout quand la sous phrase
nécessite elle-même un point d’exclamation ou deux points (cf. (92)). De
même l’omission du point interrogatif vient après des locutions qui
perdent leur valeur interrogative, surtout après : à bouche que veux-tu, le
qu’on dira-t-on, le qui-vive (cf. (93)). Dans certains cas, le point
d’interrogation est omis après des interrogations fictives quand celles-ci
expriment une hypothèse, une éventualité, ou dans l’expression figée (cf.
(94)). Il est omis aussi quand l’interrogation fictive équivaut à une phrase
exclamative (cf. (95)) ou à une phrase injonctive, surtout lorsque la phrase
est terminée par un point d’exclamation, lorsque la phrase est énonciative,
et aussi quand l’interrogation est délibérative, à laquelle l’auteur répond
lui-même (cf. (96)).
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(92) Qui sait, peut être n’y a-t-il qu’une amante, cette nuit à
Samarcande, peut être n’y a-t-il qu’un amant.
(93) Ils s’embrassèrent à bouche que veux-tu. (Montherlant,
Pitié pour les femmes, p.79)17
(94) en-veux-tu, en voilà.
(95) Or quoi de pire au monde que de perdre son père.
(Sartre, Idiot de la famille, t. p. 234).
(96)-Me laisser prendre et fouetter, jamais de la vie! (H. Bazin,
vipère au poing, XVIII ).
Pour marquer l’interrogation lorsque la phrase est longue, la montée
se produit sur la partie proprement interrogative (cf. (97)).
(97)-qu’il faudrait attendre huit siècles avant que le monde ne
découvre la sublime poésie d’Omar Khayyam, avant que ses Robaiyat ne
soient vénérés comme l’une des œuvres les plus originales de tous les
temps avant que ne soit enfin connu l’étrange destin du manuscrit de
Samarcande ? (Samarcande)
Lorsqu’il y a d’autres marques qui explicitent l’interrogation,
comme dans l’interrogation partielle : (inversion, reprise du sujet,
morphème interrogatif), l’intonation n’est pas nécessairement montante.
La note est marquée sur le mot interrogatif, et elle est plus haute que sur le
début de l’énoncé déclaratif (cf. (98) et (99)).
(98)- Le cadi savait-il par ce geste, par ces paroles, il donnait
naissance à l’un des secrets les mieux tenus de l’histoire des lettres
? « Samarcande »
(99)- Où se trouve cet hôte si généreux, que je puisse lui adresser mes
remerciements ? « Samarcande »
17
Grevisse, M., 1991, Le bon usage, Paris, Duculot, p.163.
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31
I. 3 Les introducteurs interrogatifs L’interrogation peut être directe ou indirecte. Chacune est introduite
par des introducteurs interrogatifs propres. Ainsi, l’interrogation directe
est introduite par un déterminant, un pronom ou un adverbe interrogatif.
I. 3. 1. Les déterminants interrogatifs : Les déterminants interrogatifs sont : quel, quels, quelle et quelles. Ils
indiquent que la question porte sur l’identité ou la nature d’un être animé
(cf. (100)) ou inanimé (cf. (101)). Toutefois, il ne peut être ni précédé ni
suivi d’un article ou d’un déterminant démonstratif ou possessif comme
l’illustrent les exemples qui suivent. L’adjectif interrogatif quel peut
s’employer aussi comme attribut. Dans ce cas, il ne joue son rôle de
déterminant que par rapport à un nom qui n’est pas exprimé (cf. (102) et
(103)).
(100)-Quelle personne demandez-vous ?
(101)-Quel est votre médecin traitant ?
(102)-Quelles sont ses intensions ?
(103)-Quelles intensions sont ses intensions ?
On ne peut parler des déterminants interrogatifs sans évoquer les
déterminants exclamatifs et les déterminants relatifs, qui ont les mêmes
formes. Le déterminant exclamatif s’emploie dans les phrases
exclamatives qui expriment la surprise, l’admiration ou l’indignation, et
porte sur le thème indiqué par le groupe du nom. La distinction entre les
adjectifs exclamatifs et les adjectifs interrogatifs se fait au niveau de
Page 32
32
l’écrit par la marque de ponctuation qui termine la phrase (point
d’interrogation ou point d’exclamation), et par l’intonation interrogative
ou exclamative qui détermine la nature de l’adjectif et de la phrase avec,
au niveau oral (cf. (104)).
(104)-Quel que soit son jeu, je le gagnerai.
I. 3. 2 Les pronoms interrogatifs. Un pronom remplace le plus souvent un nom ou un groupe nominal,
mais il peut aussi se substituer à un adjectif ou à une proposition entière.
Le fait qu’il puisse remplacer autre chose qu’un nom explique que l’on
utilise parfois le terme de « substitut » au lieu de terme « pronom ». Les
pronoms interrogatifs permettent de questionner sur l’identité (cf. (105))
ou l’action d’un être ou d’un objet (cf. (106)).
(105) -De qui parle-t-on ?
(106) -De quoi s’agit-il ?
Le pronom interrogatif joue le rôle d’anticipant puisqu’il remplace
un nom qui sera exprimé dans la réponse et se situe toujours en tête de la
phrase interrogative, même quand le groupe de nom qu’il remplace
devrait occuper une autre place comme le montre l’exemple suivant.
(107) a. Qui appelez-vous ?
b. J’appelle Jean.
Les pronoms interrogatifs peuvent être simples ou composés,
comme ils peuvent être suivi de l élément est-ce que (interrogatif
complément) (cf. (108)).
(108) Qui est ce qui est venu ?
Les formes simples des pronoms interrogatifs sont ″qui″,″que″ et
″quoi″ : « qui » s’emploie pour différentes fonctions grammaticales avec
ou sans préposition comme substitut d’un groupe de noms désignant un
humain. Ainsi, les formes composées de l’article définit et de l’adjectif
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interrogatif ″lequel″, ″laquelle″, ″lesquels″, ″lesquelles″, combinées avec
les prépositions ″à″ et ″de″ deviennent : auquel, à laquelle, duquel, de
laquelle, auxquels, desquels, etc.
De même, les formes des pronoms interrogatifs peuvent être suivis de
l’élément est-ce que (interrogatif sujet) ou est-ce que (interrogatif
complément). Ainsi, dans l’interrogation indirecte les formes du pronom
interrogatif sont les mêmes que dans l’interrogation directe, sauf que les
formes complexes des pronoms interrogatifs ne doivent pas être
employés, où ″qu’est-ce qui″ et ″qu’est-ce que″ auxquelles les formes ″ce
qui″ et ″ce que″ doivent être substituées respectivement18
. (cf. (109) et
(110)).
(109) a. Qu’est ce qui se passe ?
–b. J’ignore ce qui se passe.
(110) a. Que fais-tu ?
–b. Dis-moi ce que tu fais.
I. 3. 3 Les adverbes interrogatifs Nous pouvons distinguer cinq adverbes interrogatifs qui
expriment le lieu (cf. (111)), la cause (112), le temps (113) et la manière
(114):
(111) Le lieu : Où est-il allé ?
(112) La cause : Pourquoi la vie nous réserve souvent des
surprises?
(113) Le temps : quand est-il parti ?
(114) La manière : comment avez-vous joué ?
18
Grevisse, M., 1993, Le Bon Usage, Paris, Duculot, P. 1390. § 940.
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34
I. 4 La transformation interrogative Toute phrase interrogative est en principe une phrase déclarative, la
transformation interrogative est l’ensemble des modifications apportées à
la phrase déclarative pour qu’elle acquièrt la forme interrogative. Notons
qu’une phrase déclarative peut avoir cette portée interrogative grâce à
l’intonation particulière qui marque la fin de l’énoncé dans le cas de
l’interrogation totale comme le montre la différence entre les énoncés
(115. a et b).
(115).a. Ma façon de prier.
b. Ma façon de prier ?
L’interrogation totale ou partielle peut être marquée par l’insertion
d’un pronom après le verbe ou l’auxiliaire qui correspond au nombre et au
genre du sujet (cf. (116)), si le sujet est un pronom personnel, ce dernier
disparaît, ce qui équivaut à une inversion de sujet (cf. (117)), et si le verbe
se termine par un ¨d¨, il est prononcé un /t/ (cf. (118)). Ce type
d’interrogation appartient surtout à la langue soutenue.
(116) Ces arbres donnent-ils beaucoup de fruits ?
(117) Il vient ? – *Il vient-il ? – Vient-il ?
(118) a. Qu’entend-il par ceci ?
b. /kãtãtil par səsi/ ?
La construction (Inter+v+sujet) n’est pas admise avec l’interrogatif
pourquoi comme le montre l’exemple suivant, la phrase (119) n’est pas
acceptable.
(119) * Pourquoi sont partis les enfants ?
(120) Pourquoi sont-ils partis les enfants?
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35
L’interrogation totale marquée en tête par l’emploi de la formule
invariable ¨est-ce que¨ exclue l’emploi du pronom personnel après le
verbe, la phrase (122) est inacceptable.
(121) Est-ce qu’il ira demain ?
(122) * Est-ce qu’il ira-t-il demain ?
Selon J. Dubois19
, il n’existe en français que deux types de phrases
interrogatives i.e. directe et indirecte. La première (interrogation directe)
est explicitée par l’intonation ascendante, par l’inversion de sujet, par le
point d’interrogation ou par l’introducteur interrogatif. Elle implique en
structure profonde comme en structure de surface une seule phrase de
base qui peut être enchâssée dans une phrase de base comprenant un verbe
de type ″demander″ et qui devient une complétive (cf. (124), ce qui rend
cette phrase une interrogative+complétive. Comme le montrent les
exemples suivants :
(123) Qui viendra ?
(124) Je demande qui viendra.
La phrase interrogative directe correspond à la formule comme
c’est le cas de l’exemple (123) :
- Inter+P (Interrogation + Noyau)
La règle de réécriture du constituant interrogatif est la suivante :
a- (SN inter)+ INTON inter -(première formule)
Inter→↑↓
b- (SN inter)+ SN que + (INTO inter) -(deuxième formule)
Les deux formules (a) et (b) correspondent aux deux structures
interrogatives totale ; interrogation (oui/non) ou partielle ; interrogation
(que).
19
Dubois, J. et Dubois-Charlier, F., 1970, Eléments de linguistique française, syntaxe, Paris, Larousse,
P. 208- 210.
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36
Suivant J. Dubois et F. Dubois-Charlier, le choix se fait entre les deux
formules suivantes :
« 1. Le constituant interrogatif peut être fait d’un SN inter (abréviation de
syntagme nominal interrogatif) et d’un Inton inter (abréviation de
intonation interrogative). Ces deux formules sont l’un obligatoire (Inton
inter), l’autre facultatif (SN inter).
2. le constituant interrogatif peut être fait d’un SN que (syntagme nominal
avec démonstratif que) constituant obligatoire et de deux constituants
facultatifs qui sont ceux de la première formulation : SN inter (syntagme
nominal interrogatif) et Inton inter (intonation interrogative20
). »
I. 5 L’interprétation sémantique de l’interrogation L’interrogation n’est pas toujours liée à la demande d’information,
elle peut avoir d’autres fins et valeurs qui lui sont attribuées par
inférence. La question est soumise à un certain nombre de conditions tant
sémantiques que pragmatiques où les verbes énonciatifs ont un rôle dans
l’orientation des questions vers des interprétations qui leur confèrent des
valeurs indirectes qui sont soit des assertions soit des mandes21
.
Sémantiquement, la question est liée à : ¨En est-il ainsi ?¨ Et
qu’elle a une valeur suspensive. Le couple question/réponse est lié à des
situations particulières et codifiées telles que l’interview, l’enquête
sociologique, le discours pédagogique, l’interrogatoire, l’instruction
judicaire, etc. Ainsi, l’acte de questionner est réalisé dans différentes
situations pragmatiques de communication, il est soumis à différentes
conditions qui en assurent le fonctionnement. Sans oublier la présence de
20
Ibid 21
Le mande est u n énoncé directif à valeur illocutoire de prescription, lié à la désirabilité ; qu’il en soit
ainsi. « la notion de prescription est entendu, ici, dans le sens général de faire faire quelque chose à
quelqu’un »
Taifi, M., 2000, Sémantique linguistique : référence, prédication et modalité, publication de la faculté
des Lettres et des Sciences Humaines, Fes, SFR, P. 189.
Page 37
37
deux interlocuteurs qui fondent la situation de communication qui est
évidente.
I. 5. 1. Les conditions sémantiques pour le fonctionnement de la question
Pour obtenir une information, il faut satisfaire différentes
conditions. En effet, le locuteur doit dans un premier temps être animé du
désir d’obtenir une information pour mettre fin à son état d’incertitude ou
de doute. Et pour que l’acte de questionner soit pertinent, il doit satisfaire
une deuxième condition : il s’agit de sa présomption sur le savoir de
l’énonciataire. En fait, l’énonciateur ne peut demander une information
que s’il a une prémonition, une intuition ou tout autre état psychologique
qui lui permet de présupposer que l’énonciataire peut fournir
l’information demandée.
La troisième condition consiste en ce que l’énonciataire est capable
et apte à fournir l’information. Or, dans certains cas, l’allocutaire peut ne
pas fournir l’information même s’il en dispose.
La quatrième condition concerne la modalité de la question elle-
même. La question doit être considérée comme une simple tentative
d’obtenir une information et non pas une cause produisant
automatiquement la réponse attendue. On s'accorde en général à percevoir
une différence sémantique entre « Tu pars ? », « Pars-tu ? » et « Est-ce
que tu pars ? ». En effet, « Tu pars ? », s'emploie plutôt pour un
allocutaire qui semble agir en vue d'un départ, en revanche, « Est-ce que
tu pars ? » ou « Pars-tu ? » préjugent moins de la réponse, laissent
ouverte l'alternative. L'inversion du clitique sujet n'est nullement réservée
à l'interrogation, on la trouve dans les incises, les hypothétiques, etc. Il
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38
semble qu'elle permet de suspendre l'assertion, ce qui est requis dans
l'interrogation.22
Les interrogations partielles sont riches en présupposés, qui
contribuent à enfermer l'allocutaire, à contraindre sa réponse; demander «
Qui vient ? » ou «Pourquoi est-il en retard ? », c'est présupposer que
quelqu'un est venu ou qu'il est en retard. Il arrive qu'un même énoncé
supporte plus d'une interrogation partielle à la fois: « Qui est venu quand ?
», « Qui a parlé à qui ? » Cette possibilité qu'a l'interrogation de porter
sur l'ensemble de la phrase ou sur un seul constituant se retrouve dans la
négation qui, elle aussi peut être partielle: «Je n'ai vu personne » ou
totale: « Je n'ai pas vu Paul. »23
I. 5. 2 Les valeurs illocutoires relatives à l’interrogation La question peut être liée à des fins pragmatiques et être investie
pour d’autres valeurs illocutoires outre la demande de l’information. La
question peut être utilisée pour instaurer une communication et accéder à
autrui, pour éviter des regards, pour agir sur autrui (le séduire, le charmer,
le compromettre, le blesser, etc.). Dans telles situations, le locuteur
n’attend pas de réponses de la part de l’énonciataire et ce dernier n’est
pas censé en fournir. Dans ce sens, la question revêt une fonction phatique
qui en fait des moyens pragmatiques résidant dans les interactions
verbales entres les interlocuteurs.
Les valeurs illocutoires de la question sont multiples.
L’interrogation peut être une question de confirmation et d’assentiment.
Elle est utilisée pour faire sortir le locuteur de son état d’incertitude ou de
doute. La question d’examen fait un meilleur exemple, elle est utilisée
22
Maingueneau, D., 2001, Précis de grammaire pour les concours, (troisième édition), Paris, Nathan. 23
Ibid.
Page 39
39
pour évaluer les connaissances de l’étudiant et non pas pour recevoir une
réponse recherchée.
L’assertion peut revêtir l’habit de l’interrogation. Elle est liée à la
description d’un état de chose. La question à valeur assertive peut être une
constatation d’un état de chose partagé entre le questionneur et le
questionné ;(il fait beau, n’est-ce pas ?), et peut être aussi une véritable
question rhétorique qui est soumise à un ensemble de contraintes tant
grammaticales que lexicales, comme le montre l’exemple suivant.
(125) a. Ce n’est pas toi qui a fais ce travail ?
b. Non, ce n’est pas moi qui ai fait ce travail ?
La question peut être utilisée pour une fin qui est liée à la réaction
du questionné, c'est-à-dire pour effectuer des actes directifs, c’est une
valeur illocutoire de mande. Les verbes ″pouvoir″ et ″vouloir″ sont des
verbes modaux souvent utilisés dans la question à interprétation de
mande. Ils sont souvent utilisés dans des structures interrogatives de type :
vouloir /pouvoir+sujet+P ? et qui sont susceptibles d’une lecture par
inférence. On ne peut imaginer une situation où le locuteur demande à un
passager : pouvez-vous m’indiquer le chemin de la municipalité ? où
celui-ci se contente de lui répondre : oui je peux. De même pour une
situation où un locuteur demande qu’on lui passe un stylo : voulez-vous
me passez le stylo ? et le questionné se contente de lui répondre par oui
sans aucune exécution d’action, (ici celle de lui passer un stylo). La
situation serait plutôt drôle. La question rhétorique avec les verbes vouloir
et pouvoir ne déclenchent pas des réponses mais des comportements. Face
à la question voulez-vous P et pouvez-vous P, l’énonciataire est censé
exécuter le contenu de P24
.
24
Taifi, M., 2000, Sémantique linguistique, Références, prédication et modalité, Fes, SFR.
Page 40
40
I. 5. 3. Différentes interprétations de l’adverbe
interrogatif « comment »
Il est connu que l'adverbe d’interrogation "comment" est utilisé pour
s'interroger sur la manière dont s'est produit un fait. H. Korzen25
a
soulevé le cas de l'usage de "comment" pour s'interroger sur la cause,
prenant alors le sens de "comment se fait-il que", comme l'illustrent les
exemples suivants, où la réponse consiste en une proposition causale
introduite par ¨parce que¨.
(126) a. Comment savais- tu qu’elle était justement ce soir là?
b. Parce que je l'avais suivie (Simenon, indicateur, P 156)
(127) a. Comment le savez-vous?
b. parce qu'elle me l'a dit. (Simenon, Maigret se trompe, P 12-13)
Parfois l'usage de "comment" peut mener à une ambigüité
d'interprétation : s'agit-il d'une interrogation qui porte sur la cause ou sur
la manière ? Les exemples empruntés à B. De Cornulier26
en sont la
parfaite illustration.
(128) a. Comment Jean a –t-il survécu? (manière)
b. En buvant du lait.
(129) a. Comment a survécu Jean? (manière)
b. En buvant du lait.
(130) a. Comment Jean a –t-il survécu? (cause)
b. C'est qu'il est résistant.
Dans l’exemple (128) et (129), l'interrogation porte sur la manière, en
(130) la réponse correspond à une interrogation de cause. Nous avons la
25
Korzen, H., 1985, Pourquoi et l'inversion finale en français ?, Museum Tusculanum, presse
universitaire de Copenhagen.
26 CORNULIER de B., 1974, « Pourquoi et l’inversion du sujet non clitique », in ROHRER C. et
RUWET N. (éds), Actes du colloque franco-allemand I. Etudes de syntaxe, Tübingen, Niemeyer. P.
139-163.
Page 41
41
même phrase interrogative introduite par "comment" mais avec différentes
interprétations : une de manière et une autre de cause. Dans ce cas là, c'est
le contexte qui peut déterminer la finalité de l'introducteur "comment".
J.C.L. Anscombre et O.Ducrot abordent une autre finalité de l'adverbe
"comment" : celle de la contestation. Lorsque le locuteur répond à un
énoncé par une interrogation où il manifeste une attitude de surprise,
d'indignation ou une innocence disculpante. C.Olivier (1985) considère
que c'est à partir d'un usage particulier de la manifestation de la surprise,
qu'on réalise la contestation à l'aide de "comment"27
.
(131) a. …Mme, Mille francs divisé en quatre titres de douze mille
cinq cent chacun dont j’avais l’usufruit et les quatre enfants la
nue propriété.
b. Comment les quatre enfants ? j'ai cinq enfants, nom d'une pipe!
(G.Duhamel, Gecile parmi nous, 174)
La question explicitement exprimée serait:
c. comment pouvez-vous dire que j'ai quatre enfants alors que j'en
ai cinq? (Qui se trouve derrière l'énoncé "comment+P)? entrainé
dans la stratégie de la contestation28
.
L’interrogation avec « comment » est aussi utilisée pour porter sur l’état
(cf (132)), pour exprimer l’ironie (cf (133)) ou pour expliquer un fait (cf
(134)).
(132) comment vas-tu ?
(133) comment tu as pu gaspiller tous ces cinq Euros ?
(134) comment veux-tu que je viens à temps avec tout cet
embouteillage?
27
Anscombre, J.C. et Ducrot, O., 1981, « Interrogation et argumentation », in Langue française, n°42,
pp. 5-22. 28
Olivier, C., 1985, « L’art et la manière: comment dans les stratégies discursives » in Langages.
Université de Toulouse-le-Mirail.
Page 42
42
Conclusion du chapitre
L’interrogation dans la langue française est de deux types : une
interrogation directe et une interrogation indirecte. Lorsque l’interrogation
admet une réponse positive ou négative, elle est dite totale, par contre, si
elle porte sur un élément précis de l’énoncé interrogatif, elle est dite
partielle. L’interrogation est modalisée par des verbes de modalité à savoir
les verbes « pouvoir et vouloir » qui assignent à la phrase interrogative
une valeur illocutoire de prescription par inférence. Les interrogations
avec l’adverbe d’interrogation « comment » acquièrent différents
interprétations, où la question peut porter alors sur la manière, la cause, la
contestation, l’ironie ou l’explication.
II. L’INTERROGATION EN LANGUE ARABE
Introduction
Chaque langue utilise des morphèmes et des structures
interrogatives spécifiques, et l’interprétation de la question dépend du
statut social et culturel des interlocuteurs. Ainsi, l’interrogation diffère
quant à son interprétation et son but suivant la situation de
communication. En effet, l’interrogation dans la langue arabe a des
propriétés qui la différencient de celle de la langue française.
La langue arabe, comme la langue française, dispose de deux types
d’interrogations : une interrogation directe et une autre indirecte. Cette
dernière ne se termine pas par un point d’interrogation et présente des
propriétés différentes de celles attestées dans la langue française.
L’interrogation en arabe est totale ou partielle selon sa portée, et selon sa
valeur, elle peut être comme c’est le cas pour la langue française de type :
rhétorique, demande d’information, ordre déguisé, etc.
Page 43
43
Les grammairiens traditionnels comme Zamakhchari et autres, ont
classé les interrogations en une classe dite "ʔistifhām taṣawwori" et une
autre dite "ʔistifhām taṣdīqī"29
.
La modalité interrogative en arabe présente des particularités non
seulement au niveau des procédés de l’interrogation, à savoir l’intonation,
les morphèmes interrogatifs et la structure phrastique, mais aussi au
niveau des buts et parfois même au niveau de la manière d’être. C'est-à-
dire que le morphème interrogatif peut être utilisé pour différentes fins
selon ses variantes : un seul élément interrogatif, affixé à de nouveaux
morphèmes, peut changer de fonction ou de rôle sémantique, comme le
cas du pronom interrogatif "mādā", qui avec l’adjonction des morphèmes
prépositionnels "bi", "fi", "ʔila" et " εalā" devient successivement
"bimādā","fi mādā","ʔilā mādā" et "εalā mādā" avec des changement de
la valeur sémantique de celui-ci..
II. 1 Les types d’interrogations en langue arabe
II. 1. 1 L’interrogation directe et indirecte
La langue arabe dispose de deux types d’interrogations : la première
est directe et se termine par un point d’interrogation (cf. (1)), la seconde
est dite indirecte et se termine par un point : c’est une interrogative dont le
verbe introducteur est à sémantisme interrogatif (cf. (2)). L’interrogation
en arabe se définit en général par deux structures : celle qui constitue la
demande c'est-à-dire l’élément interrogatif qui apparaît à l’initial de la
phrase "ḥarf ʔistifhām" ou " ʔism istifhām"30
, et celle qui constitue la
réponse.
1) ʔalā tarā ʔannahu ġaribun ? 29
Fassi Fihri, A., 1982, Linguistique arabe : forme et interprétation, Publication de la faculté des
lettres et des sciences humaines de rabat, Thèses et mémoires N° 9.
30
Fassi Fihri, A., 1982, Linguistique arabe : forme et interprétation, Publication de la faculté des lettres
et des sciences humaines de rabat, Thèses et mémoires N° 9.
Page 44
44
-Ne vois-tu pas qu’il est étranger ?
2) ʔatasāʔalu in kunta tarā ʔannahu ġaribun.
-Je me demande si tu vois qu’il est étranger.
L’interrogation (1) est une interrogation directe. Cependant, elle
peut être enchâssée dans une autre phrase comportant le verbe "tasāʔala"
pour devenir une interrogation indirecte (cf. (2)). Le verbe "tasāʔala" peut
être préfixé par la marque morphologique portant les traits du genre et du
nombre du sujet dans l’aspect inaccompli [ʔa :je], [ta :tu, vous], [ya :il,
elle, elles] et[na :nous]. Cette adjonction influe sur la désinence casuelle
de ce verbe. Dans le cas du masculin singulier présent (anā : je) et (anta:
tu), le masculin et le féminin singuliers absents, (huwa :il, hiyya :elle), et
dans la cas du masculin et féminin pluriels présents (naḥnu :nous), la
désinence est "u" le verbe devient dans le dernier cas par exemple "na-
tasāal-u". Dans le cas du féminin singulier (anti :tu) la désinence est " ina
" (ta- tasāʔal-īna), dans le cas du masculin pluriel présent (antum :vous) et
le masculin pluriel absents (hum :ils) la désinence est " ūna ", dans le
pluriel féminin présent (ʔantunna :vous) et du féminin pluriel absent
(hunna :elles) la désinence est "na".
La particularité de la langue arabe réside dans la présence d’un
pronom personnel masculin ou féminin, qui n’est ni singulier ni pluriel, il
s’agit du "mutannā" « duel » ”ʔantumā” et ”humā” où la désinence
casuelle est "āni". Le tableau suivant illustre ses combinaisons de l’aspect
inaccompli:
sujet Marque
morphologique
verbe Désinence
casuelle
ʔana :je ʔa tasāʔal u
Page 45
45
ʔanta :tu
ʔanti :tu
ʔantumā :vous (2
personnes, masculin )
ʔantumā :vous (2
personnes, féminin)
ʔantum :vous
ʔantunna :vous
naḥnu :nous
huwa :il
hiyya :elle
humā : ils (2
personnes, masculin)
humā : elles (2
personnes, féminin)
hum :ils
hunna :elles
ta
ta
ta
ta
ta
ta
na
ya
ta
ya
ya
ya
ya
ya
tasāʔal
tasāʔal
tasāʔal
tasāʔal
tasāʔal
tasāʔal
tasāʔal
tasāʔal
tasāʔal
tasāʔal /
yasāʔal
tasāʔal
tasāʔal
tasāʔal
u
ina
āni
āni
ūna
na
u
u
u
āni
āni
āni
ūna
na
Avec l’aspect accompli, seule la désinence casuelle change selon
les pronoms personnels ; le tableau suivant es est l’illustration :
sujet verbe Marque morphologique
du sujet + Désinence
casuelle
Page 46
46
ʔana :je
ʔanta :tu
ʔanti :tu
antumā :vous (2
personnes, masculin )
antumā :vous (2
personnes, féminin)
ʔantum :vous
ʔantunna :vous
naḥno :nous
huwa :il
hia :elle
humā : ils (2 personnes,
masculin)
humā : elles (2
personnes, féminin)
hum :ils
hunna :elles
tasāʔal
tasāʔal
tasāʔal
tasāʔal
tasāʔal
tasāʔal
tasāʔal
tasāʔal
tasāʔal
tasāʔal
tasāʔal
tasāʔal
tasāʔal
tasāʔal
tu
ta
ti
tumā
tumā
tum
tunna
nā
a
at
ā
atā
ū
na
L’interrogation indirecte est introduite par un verbe comme (saʔala
ou tasāʔala ((cf. 2) et (3)).
3) ʔuridu ʔan ʔaεrifa ʔin kunta tarā ʔannahu ġarībun.
-Je veux savoir si tu penses qu’il est étranger.
La transformation de l’interrogation directe en une interrogation
indirecte a ses propres particularités. En outre, si l’enchâssement de la
proposition principale dans la proposition subordonnée se fait en français
Page 47
47
par le biais de la conjonction "si". Cette même transformation s’effectue
en arabe au moyen des conjonctions suivantes : "ʔidā, mā-ʔidā, hal, ʔinn "
(cf. (5) et (6)).
4) ʔatasāʔalu ʔida kunta satusāfiru.
5) ʔatasāʔalu mā-ʔidā kunta satusāfiru.
6) ʔatasāʔalu hal satusāfiru.
-Je me demande si tu voyageras.
Le passage de l’interrogation directe à l’interrogation indirecte en
arabe, ne diffère pas de celle de la langue française. Le transfert se fait
avec la conservation de l’outil interrogatif de l’interrogation directe dans
la plus part des cas (cf. (8)).
7) man žāʔa ?
-qui est venu ?
8) atasāʔalu man žāʔa .
-je me demande qui est venu.
II. 1. 2 L’interrogation totale et partielle Selon la portée de l’interrogation, la question est liée à une
affirmation ou à une infirmation du contenu de l’énoncé. Dans ce cas, elle
est dite interrogation totale, et elle est introduite par l’élément interrogatif
dit "ḥarf ʔistifham", à savoir ("hal" et "ʔa" :est-ce que) (cf. 10 et 11). Les
deux éléments interrogatifs ont la même signification. La réponse
attendue est oui ou non.
10)a) hal ʔatā ʔaḥmadu ?
-Est-ce que Ahmed est venu ?
11)a) ʔa daxala ʔaḥmadu ?
-Est-ce qu’Ahmed est entré ?
Page 48
48
L’interrogation totale peut être indirecte et introduite par un verbe à
sémantisme interrogatif comme "tasāʔala" ou une proposition
interrogative comme "ʔuridu ʔan ʔaεrifa", comme le montrent les
exemples (10.b) et (11.b):
10. b) ʔuridu ʔan ʔaεrifa hal ʔatā ʔaḥmadu.
- Je veux savoir si Ahmed est venu.
11. b) ʔatasāʔalu ʔa daxala ʔaḥmadu.
- Je me demande si Ahmed est entré.
L’interrogation partielle est introduite par un pronom interrogatif dit
"ʔism istifhām", comme (mā :quoi, man :qui, kayfa : comment, ʔayna :
où.). Elle peut être, à l’instar de l’interrogation totale, directe ou indirecte.
Dans le cas de l’interrogation partielle directe, le pronom interrogatif est à
l’initiale de la phrase interrogative. Dans le cas de l’interrogation indirecte
totale, le pronom interrogatif est remplacé par une conjonction de
subordination qui introduit l’enchâssée, comme le montrent les exemples
suivants :
12)a) ʔayna dahabta ?
- où est ce que tu es parti ?
12)b) ʔatasāʔalu ʔayna dahabta .
- je me demande où tu es parti.
II. 1. 3 L’interrogation selon l’élément interrogatif Les éléments interrogatifs sont dits, selon Zamakhschari
31, ″ des
particules interrogatives″ et sont divisés en deux classes. Les
grammairiens traditionnels distinguent plusieurs autres classes de
particules. En effet, « On entend par particule un mot qui indique un sens
qui est renfermé dans d’autres mots. Il y a plusieurs espèces de particules,
31
De Sacy, S., 1829, Anthologie grammaticale arabe, Imprimerie royale, Paris. P. 240.
Page 49
49
à savoir, particules d’annexion, particules assimilées au verbe, particules
conjonctives, particules négatives,…particules interrogatives, au nombre
de deux… » 32
.
Certains linguistes, comme Blashère33
, parlent de deux types de
particules interrogatives à savoir: les pronominaux et les adverbiaux. Ces
outils interrogatifs sont soit des [ḥuruf ʔistifhām], soit [ʔasmaʔ ʔistifhām] :
a- La classe des interrogatives introduites par des particules
interrogatives telles que ("hal" ou "ʔa" : est-ce que) et qui sont dits
des complémenteurs (mawṣulāt)34
.
b- La classe des interrogatives introduites par un pronom interrogatif,
(mā :quoi, man :qui, kayfa : comment, ʔayna : où.)
Cependant, la distinction morphologique correspondant aux
éléments interrogatifs ne correspond ni à la distinction entre les
interrogations (oui/non), où le questionné est sensé répondre négativement
ou affirmativement, ni aux questions dites de constituants qui ne portent
que sur la valeur attribuée à l’élément en question. Le premier type
d’interrogation introduite par "ḥarf ʔistifhām" est appelée " ʔistifham
tasdiqi", alors que le second type introduit par "ʔism istifhām" est dit "
ʔistifham taṣawwuri"35
, il s’agit toujours d’une interrogation partielle (cf.
12.a et b)), alors qu’il est question soit d’une interrogation totale ou
partielle dans le second cas (cf .(13.a et b)).
13)a) ʔa sāfarta lyawma ? - as-tu voyagé aujourd’hui?
13)b)ʔa ʔanta sāfarta lyawma ? - C’est toi qui a voyagé aujourd’hui?
32
Ibid 33
Blashère, R., 1975, Grammaire de l’arabe classique, 4 ème édition, Maisonneuve et Larose, Paris. 34
Fassi Fihri, A., 1982, Linguistique arabe : forme et interprétation. Publication de la faculté des lettres
et des sciences humaines de rabat, Thèses et mémoires N° 9. 35
Ibid
Page 50
50
L’interrogation en (13 .a) porte sur la vérité de la phrase entière.
Cependant (13.b) ne met en jeu que la valeur du constituant topique
(sujet) :(est-ce bien toi (ʔanta) ?).
ḥarf ʔistifhām (ʔa , hal) = ʔistifham tasdiqi
ʔism istifhām (ayna, kayfa, matā, kam,etc.) = ʔistifham taṣawwuri
II.2 La distribution des pronoms interrogatifs dans les phrases échos Dans la phrase interrogative, le pronom interrogatif occupe une
position préverbale externe36
. Il peut être un NP sujet (cf. (14)), un
complément d’objet (cf. (15)) ou un PP (cf. (16)). « Si l’interrogation doit
occuper le commencement de la phrase, c’est par la seule raison que
l’interrogation indique une forme déterminée entre les diverses formes
dont le discours est susceptible : or tout mot qui remplit cette fonction,
doit être placé en tête de la phrase. »37
. (Sylvester De Sacy :1829).
14) man dahaba lʔāna? - Qui est parti maintenant?
15) mādā tafεalu ? - Que fais-tu ?
16) ʔayna dahabta ? -Où es-tu part ?
Cependant, la position du pronom interrogatif peut être une position
interne comme c’est le cas des questions dites "échos". Dans ces
questions, dites aussi multiples, un seul constituant est déplacé vers
l’initiale de la phrase, et les autres occupent des positions internes (cf.
(17)).
17) man qāla mādā wa liman?
- Qui a dit quoi et à qui?
Dans l’interrogation indirecte, simple ou multiple, l’élément ou les
éléments interrogatifs sont toujours à l’intérieur de la phrase. Le premier
36
Ibid 37
De Sacy, S., 1829, Anthologie grammaticale arabe, imprimerie royale, Paris. P. 260.
Page 51
51
élément interrogatif joue le rôle de coordonateur entre la principale et la
subordonnée interrogative.
18. a) ʔatasāʔalu man kataba rrisālata.
- Je me demande qui a écrit la lettre.
18. b) ʔatasāʔalu man kataba rrisālata li man wa limādā.
- Je me demande qui a écrit la lettre à qui et pourquoi.
II. 3 Les caractéristiques morphologiques des complémenteurs
Les complémenteurs (mawṣūlāt) ont certaines propriétés
morphologiques qui déterminent leur existence. Ils sont de deux types :
simples ou composés. Un complémenteur simple comme "mādā" devient
composé en le préfixant par des prépositions "bi, li, fi, εalā" pour devenir
" bimādā : avec quoi, limādā : pourquoi, fi mādā : où, εalā mādā : sur
quoi" (c.f (19.a, b, c, d et e)).
(19)a ) mādā taktubu ? - Qu’est ce que tu écris ?
(19)b) bimādā taktubu ? - Avec quoi tu écris ?
(19)c) limādā taktubu ? - Pourquoi tu écris ?
(19)d) fi mādā taktubu ? - Où est-ce que tu écris ?
(19)e) εalā mādā taktubu ? - Sur quoi tu écris ?
Les outils "kayfa" et "ʔayna" perdent leurs sens interrogatif quand
ils sont construits avec " mā", et les constructions obtenues par le biais de
cette combinaison sont incorrectes (cf. (20.a et b) et (21.a et b)).
(20) a)* kayfa mā žāʔa? b) * ʔayna mā žāʔa?
(21) a) kayfa žāʔa? - Comment est-il venu?
b) ʔayna žāʔa? - Où est-il venu?
Page 52
52
Toutefois, un mot non interrogatif combiné avec un complémenteur
interrogatif devient interrogatif : c’est le cas par exemple du mot "waqt :
temps", employé avec un pronom interrogatif " mādā " devient "waqta
mādā : à quel temps" (cf. (22)).
22)a) waqta mādā žiʔta ? - A quel temps tu es venu ?
b) žiʔtu waqta lmasāe. - Je suis venu le soir.
Les complémenteurs interrogatifs " ʔa" et " hal" ont des propriétés
syntaxiques différentes. Le complémenteur " hal" ne peut pas être suivi
d’un topique, (cf. (23.a et b)), à l’inverse du complémenteur " ʔa". (cf.
(24.a et b))38
.
(23) a* hal ʔaḥmadan darabta ? -Est ce Ahmed que tu as frappé ?
b) * hal ʔanta žiʔta ? - Est-ce que tu es venu?
(24) a) ʔa ʔaḥmadan darabta ? - Est-ce que tu as frappé Ahmed?
b) ʔa ʔanta žiʔta ? - Est-ce que tu es venu?
Une autre divergence entre les deux complémenteurs est recontrée
dans l’interrogation alternative. L’élément interrogatif " ʔa" peut être à
l’initiale de celle-ci (cf. (25. a)), mais l’élément " hal" ne peut être à son
initial (cf. (25. b)). Cet élément " hal" a les mêmes caractéristiques
syntaxiques que les pronoms interrogatifs "matā, man, kayfa, ayna" (cf.
(25. c)).
(25) a) ʔa εindaka ʔaḥmadu ʔam hišāmu?
(25) b) * hal εindaka aḥmadu ʔam hišāmu?
- As-tu Ahmed ou Hicham chez toi?
(25) c) * matā ʔaḥmadu ʔatā?
- Quand est-il venu Ahmed?
38
Ibid
Page 53
53
II. 4 Les caractéristiques sémantiques des introducteurs interrogatifs
La modalité interrogative en langue française, peut être dénotée par
le biais de l’intonation ascendante ou la présence d’un élément interrogatif
à l’initiale de celle-ci. Une autre modalité correspond à l’interrogation
indirecte qui est marquée par la conjonction de subordination (si) ou (ce
que). Alors qu’en arabe, il y a plusieurs coordonnants à savoir (ʔinn, ʔidā,
mā ʔidā, etc.).
Les éléments interrogatifs en arabe écrit sont multiples à l’instar de
la langue française. Ils sont regroupés dans deux catégories à savoir les
pronominaux et les adverbiaux39
.
Les morphèmes interrogatifs sont utilisés pour s’interroger sur la
réalité d’un énoncé ou pour s’interroger sur un constituant de la phrase
interrogative. Mais ces morphèmes ne sont pas privés de sens, chaque
élément utilisé est doté d’un ensemble de caractères sémantiques qui nous
permettent de l’utiliser dans un contexte et non pas dans un autre. En
effet, un même interrogatif pronominal ou adverbial peut acquérir
différentes interprétations sémantiques.
a- Les pronominaux :
hal /; est-ce que : c’est un morphème interrogatif employé pour
s’interroger sur la réalité d’un procès ou d’un état désignée par la
prédication (cf. (26)).
26) hal žāʔa lwāli ? Est-ce que le Wali est venu ?
ʔa ; est-ce que : est un pronom interrogatif qui porte sur la réalité
prédicative, il a le même sens que hal. (cf. (27)).
27) ʔa žāʔa ? Est-ce qu’il est venu ?
39
Barbara, R., 2006, « L’interrogation dans les proverbes en arabe marocain », in revue de la faculté
des Lettres et des sciences humaines, Beni Mellal, N° 7.
Page 54
54
mādā ; qu’est-ce que : il est utilisé pour la détermination ou la
spécification de l’objet (cf. (28)).
28) mādā tafεalu ? Que fais-tu ?
mā ; qu’est-ce qui / qu’est-ce que : est employé pour s’informer
d’une cause (29.a) ou d’un état (29.b)," mā " est une variante de "mādā".
29.a) mā dahāka ʔan taʔtiya lyawma ? - Qu’est-ce qui t’a
empêché de venir aujourd’hui ?
29.b) mā bika? -Qu’est ce que tu as?
Ayyu ; quel : est employé pour se demander de l’identité d’une
personne ou de quelque chose.
30) ayyu ḍayfin žāʔa? - Quel invité est venu ?
man ; qui : ce pronom interrogatif peut porter sur le sujet (31), ou
sur un pronom déterminatif (32).
31) man yaqḍi lī šuġlan? - Qui me rend un service ?
32) kāna yaqūlu hādā ibnu man ? - Il disait, c’est le fils de qui ?
b- Les adverbiaux :
Lorsque la question est introduite par un des adverbiaux
interrogatifs, elle porte sur un complément circonstanciel de la phrase.
limādā ; pourquoi : ou ses variantes " lima" est utilisée pour
demander la cause d’un événement (33),"bimādā: avec quoi " est une
autre variante de "limādā ", elle est utilisé pour porter sur un complément
circonstanciel (34).
33) limādā žiʔta lʔāna ? -Pourquoi es-tu venu maintenant ?
34) bimādā taktubu ? - Avec quoi tu écris ?
kayfa ; comment : s’utilise pour s’interroger sur la manière (35) ou
l’état de quelque chose (36) ou de quelqu’un (37).
35) kayfa waṣalta ʔilā hunā ? Comment es-tu arrivé jusqu’ici ?
Page 55
55
36) kayfa hia ssayyaratu lžadidatu ? - Comment est la nouvelle
voiture ?
37) kayfa hāluka ? - Comment vas-tu ?
kam ; combien : cet élément interrogatif est utilisé pour s’interroger
sur la durée (38) ou sur la quantité (39).
38) kam yawman ġibta ? - Combien de jours tu t’es
absenté ?
39) kam qamḥan žamaεta ? - Combien de blé as-tu
rassemblé ?
matā ; quand : cet interrogatif est utilisé essentiellement pour
s’interroger sur le temps (40).
40) matā sataεūdu ? - Quand reviendras-tu ?
ʔayna ; où : ou ses variantes ("ʔilā ʔayna " et " min ʔayna" : d’où)
est employée pour dénoter le lieu.
41)a) ʔayna tadhabu ?
b) ʔilā ʔayna tadhabu ? - Où vas-tu ?
c) min ʔayna hādā lġosnu ? - D’où vient cette branche ?
ʔam ; ou bien : cette particule corrélative construit avec la seconde
proposition d’une alternative dont la première est commandée par "ʔa :
est-ce que" une interrogation indirecte40
(cf. (42)). La particule "ʔam"
s’emploie concurremment avec la particule interrogative "ʔa", qui est des
fois sous-entendue, c'est-à-dire élidée (cf. (42. b)). S. De Sacy remarque
que « les deux particules interrogatives sont a et hal. De ces deux
particules, a est celle qui est d’un usage plus général ; on l’a supprime
quelque fois, quand l’interrogation est d’ailleurs suffisamment indiquée,
…L’interrogation doit toujours occuper le commencement de la
40
Blashère, R., 1975, Grammaire de l’arabe classique, 4 ème édition, Maisonneuve et Larose, Paris.
Page 56
56
phrase. »41
. En ce qui concerne la position de la particule interrogative
dans la phrase, l’élément interrogatif doit toujours occuper le
commencement de la phrase parce qu’il ne parle que des deux particules
interrogatives "ʔa" et "hal" dans l’interrogation directe.
42) a) ʔa εindakum zaydun ʔam εamr?
b) εindakum zaydun ʔam εamr?
- il y a chez vous Zayd ou Amr ?
Cependant, une certaine ressemblance apparaît entre les deux
particules "ʔam" et "ʔaw : ou". La particule "ʔaw" est utilisée, selon
Blashère, quand le locuteur n’est pas certain à propos du contenu de la
phrase, dans l’exemple (43), il s’interroge sur l’événement du voyage et
non pas s’il sera aujourd’hui ou demain, l’interrogé est sensé répondre par
oui ou non (cf. (43)),
Au contraire, la particule "ʔam" est employée lorsque le locuteur
sait que le jugement qu’il énonce est vrai, et se demande qui est chez
l’interlocuteur, est-ce Zayd ou Amr (cf. (42))42
.
43) ʔa satadhabu lyawma ʔaw ġadan?
- Partiras-tu aujourd’hui ou demain ?
A la question (43), la réponse serait oui ou non et à la question (42),
la réponse est Zayd ou Amr.
II. 5 Analyse sémantique de l’interrogation modalisée en langue arabe
Les énoncés interrogatifs relevant de la langue arabe et modalisés par
des verbes tels ″ʔistaṭāεa ; pouvoir″, ″ʔamkana ; pouvoir″, ″ʔarāda ; 41
De Sacy, S., 1829, Anthologie grammaticale arabe, Imprimerie royale, Paris. P. 259. 42
Blashère, R., 1975, Grammaire de l’arabe classique, 4 ème édition, Maisonneuve et Larose, Paris.P.
260, 261.
Page 57
57
vouloir″, ″εarafa ; savoir″, peuvent être interprétés comme des énoncés
prescriptifs envers le locuteur pour qu’il se comporte d’une telle manière.
La notion de modalité peut être interprétée comme étant une idée
d’analyse sémantique qui permet de distinguer dans un énoncé : un dit
(appelé contenu propositionnel) et une modalité qui est (un point de vue
du sujet parlant sur le contenu). Il faut signaler que toute phrase est par
principe modalisée, même sans verbe modal, ainsi la phrase suivante :
(Samarcande est un roman) comporte une modalité minimale manifestée
par le mode indicatif du verbe, et comporte aussi une modalité déclarative
qui la différencie de la modalité interrogative ou impérative. Selon
Cervoni43
, A. Meunier a divisé les études de ce domaine en deux filières :
la modalité d’énonciation qui révèle la relation entre le locuteur et
l’auditeur, et la modalité d’énoncé qui caractérise les rapports entre le
sujet de l’énoncé et la proposition. En effet, nous nous intéresserons à ces
deux modalités.
Austin pense que « tout énoncé sert à accomplir un acte
illocutionnaire, et les éléments modaux (mode verbal, ordre des mots,
intonation, etc.) permettent au locuteur d’indiquer quel acte
illocutionnaire, ou quel type d’acte illocutionnaire, il entend accomplir
par son énonciation »44
. Ainsi l’énoncé modalisé par le verbe (¨istaṭāεa ¨
pouvoir) (cf. (43)) est un énoncé qui sera conçu comme un défit, un ordre
ou un conseil selon les contextes d’énonciation.
43) ʔa-tastatiεo an tarfaεa t-taḥaddi ?
Peux-tu relever le défit ?
43
Cervony, J., 1987, L’énonciation : Linguistique nouvelle. Paris, PUF.
44
Recanati.F., 1979, Les énoncés performatifs, Paris, Les éditions de minuit Sueil. P. 44.
Page 58
58
L’interprétation des énoncés à verbes modaux dépend d’une
manière cruciale de l’emploi de ces verbes dans des contextes différents.
On demande souvent à quelqu’un d’agir de telle sorte, mais cette demande
est exprimée sous différentes conceptions : énoncé directif, déclaratif ou
interrogatif.
Après l’analyse de certains énoncés interrogatifs modalisés par des
verbes modaux, nous avons pu relever certaines caractéristiques
sémantiques et pragmatiques qui peuvent dévier l’énoncé interrogatif de
sa valeur initiale qui est celle de la question à celle exprimant une
directive à valeur illocutoire de prescription.
Les interrogations sont souvent modalisées par des verbes modaux
et qui peuvent leur assigner des valeurs illocutoires prescriptives par
inférence. Par inférence on entend dire selon Kerbrat-Orecchioni45
; « toute
proposition implicite que l’on peut extraire d’un énoncé ». L’inférence
recouvre aussi ce que Charlotte appelle « présuppositions », ça
correspond aussi aux « implicatures » de Grice, aux « implications » de
Recanati, aux « inférences » de Robert Martin et aux « sous-entendus » de
Kerbrat-Orecchioni46
. C’est un passage de la valeur illocutoire primitive à
la valeur illocutoire dérivée.
II. 5. 1 Les conditions de fonctionnement des verbes modaux dans les énoncés interrogatifs
Pour que les interrogations modalisées fonctionnent en tant que
prescriptions, elles doivent satisfaire un ensemble de conditions
sémantique et pragmatique. Les énoncés (44, 45 et 46) sont des énoncés
interrogatifs. Ils doivent être interprétés comme une prescription envers
45
Kerbrat-Orecchioni, C., 1983, L’implicite, Paris, Armand Colil. P. 24. 46
Avec des nuances bien sûr, puisque chaque linguiste assigne des particularités distinctives propres à
son terme.
Page 59
59
l’auditeur pour qu’il se comporte d’une telle manière, en l’occurrence ici,
le fait de passer un stylo.
44) ʔa-tastaṭīεu ʔan toεṭiyan-ī dāka l-qalama?
45) ʔa-yomkinuka ʔan toεtyian-ī dāka l-qalama?
Peux-tu me passer ce stylo?
46) ʔa-turīdu ʔan toεtyian-ī dāka l-9alama?
Veux-tu me passer ce stylo?
Pour que les énoncés modalisés acquièrent une valeur illocutoire
prescriptive, un certain nombre de conditions préalables qui ne sont pas
seulement linguistiques, mais qui sont aussi des données déontologiques
et sociales doivent être satisfaites. En effet, des conditions nécessaires
doivent être remplies pour que l’énoncé acquière cette valeur prescriptive.
Les conditions de sincérité, de désirabilité et d’aptitude
La sincérité est une qualité morale, c’est l’honnêteté dans l’expression
des pensés et des sentiments. Les énoncés (44), (45) et (46) sont des
interrogations qui expriment une désirabilité de la part de l’énonciateur.
Celui-ci désire qu’un état de chose décrit ait lieu. Il est admis en référence
au principe de réalisme naïf, que si on demande à quelqu’un de se
comporter d’une telle manière, c’est qu’on désire sincèrement que l’état
de chose, objet de notre demande, soit réalisé. Cette condition est surtout
liée à l’énonciateur.
Il est nécessaire, et par principe déontologique, d’admettre que
l’énonciateur soit sincère dans son désir. Mais vu que la sincérité est une
condition qui ne peut être mesurée concrètement, il faut admettre que tout
énonciateur est sincère et que les énoncés prescriptifs, même non sincères,
gardent leurs valeurs illocutoires prescriptives.
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60
Quant à l’aptitude, c’est le fait d’avoir des dispositions physiologiques
ou intellectuelles pour faire quelque chose. Si la sincérité et la désirabilité
concernent l’énonciateur, l’aptitude quant à elle concerne l’énonciataire :
c’est une condition nécessaire pour que l’objet de la prescription soit
réalisé47
. Considérons l’exemple (47) :
47) ʔalā tastaṭīεo ʔan taqūma lī bihāda l-εamali ?
- Ne peux-tu pas me rendre un service ?
C’est un énoncé qui exprime une désirabilité de la part de
l’énonciateur, mais cette prescription peut être frappée de nullité si cette
condition d’aptitude de l’énonciataire n’est pas respectée. Ainsi on ne
peut demander à quelqu’un de nous rendre un service que si on sait
d’avance qu’il est apte à le faire, c'est-à-dire réaliser le contenu
propositionnel de l’énoncé en question.
Les conditions de sincérité, de désirabilité et d’aptitude font
l’ensemble des éléments concomitants dont la satisfaction est nécessaire à
la bonne exécution de l’acte désigné par le verbe modal. Cependant, il ne
faut négliger ni les conditions de présence de l’auditeur ni la présence
d’un canal de communication nécessaire pour l’exécution du contenu de
la prescription.
Dans cette perspective, Austin48
stipule que le bon fonctionnement des
énoncés performatifs est perturbé si ces conditions ne sont pas satisfaites.
II. 5. 2 L’adjonction des verbes modaux dans les énoncés interrogatifs
Une valeur illocutoire de prescription est assignée indirectement et par
inférence aux interrogations. En effet, deux procédés linguistiques sont
utilisés pour construire des énoncés interrogatifs directifs modalisés par
47
Taifi. M., 2000, Sémantique linguistique : référence, prédication et modalité. SFR, sciences du
langage, publication de la faculté des lettres et des sciences humaines Fes, P. 190. 48
Austin, J. L., 1970, Quand dire c’est faire, Paris, Seuil.
Page 61
61
des verbes modaux49
. Le premier relève de la grammaire et le second du
lexique (cf. (48.b) et (48.a)).
48)a ʔalā t-astaṭīεo ʔan t-umdia lī hādihi l-waraqata ?
Ne pouvez-vous pas me signer ce papier ?
48)b ʔa-yumkinuka ʔan t-umdia lī hādihi l-waraqata ?
Pouvez-vous me signer ce papier ?
Nous avons affaire, dans ces deux exemples à deux structures avec
deux modalités qui expriment une directive de la part de l’énonciateur :
une modalité grammaticale exprimée par la structure syntaxique
interrogative et une modalité lexicale exprimée par les verbes modaux ”
istatāεa” et ”ʔamkana”.
II.5.2.a La modalité grammaticale Les énoncés modalisés par des verbes modaux, ayant une valeur
illocutoire de prescription, sont soumis à un certain nombre de règles
grammaticales.
Ainsi, les énoncés (48. a) et (48. b) visent la réalisation d’un état de
chose, à savoir la signature d’un papier. Les constructions grammaticales,
qui expriment une prescription, sont dites des constructions jussives. En
tenant compte de la valeur prescriptive qui leur est commune et non leurs
verbes modaux qui sont différents, ces énoncés expriment à travers la
structure syntaxique interrogative une valeur illocutoire prescriptive50
.
Les énoncés prescriptifs peuvent être réflexifs ou non réflexifs. Le
verbe dans ce dernier cas est à la deuxième personne du singulier, (t-
astatīεo, y-umkinuka, tu-rīdo, t-aεrifu, y-ažibu).
49
Il existe aussi une modalisation par adverbe et par adjectif. 50
Taifi. M., 2000, Sémantique linguistique, référence, prédication et modalité, SFR, sciences du
langage, publication de la faculté des lettres et des sciences humaines, Fes, P. 191.
Page 62
62
L’aspect du verbe modal marquant l’interrogation doit être lié au désir
de la réalisation d’un acte qui ne peut être un fait relevant de l’accompli.
Ainsi, la réalisation d’un état de chose, nécessite un verbe modal
interrogatif à l’aspect inaccompli. De ce fait, l’énoncé (49) étant à
l’accompli, ne peut être interprété comme une prescription. Les verbes
modaux à valeur prescriptive sont liés à l’inaccompli dans ses deux
formes : temps du présent et du futur.
(49) istatāεa ʔan y-umḍyia lī l-waraqata?
Entre autre, les verbes modaux utilisés dans des énoncés
interrogatifs à valeurs prescriptives sont régis par une règle syntaxique :
en français, la structure syntaxique est de type : voulez-vous + P ou
pouvez-vous + P (cf. (50), où les verbes ″vouloir et pouvoir″ sont utilisés
comme des authentiques auxiliaires. Alors que dans la langue arabe, c’est
la structure : particule interrogative + verbe + conjonction de
coordination + P qui est d’usage (cf.(48 a et b)).
50) voulez-vous me rendre un service ?
Français Arabe
Pouvoir, vouloir et savoir.
voulez-vous + P
Verbe+2°pers (sing/plur) + P ?
ʔIstatāεa, ʔamkana,
qadira
particule interrogative
+ verbe + conjonction
de coordination + P ?
Les énoncés interrogatifs, modalisés par des verbes modaux,
expriment des directives à travers des constructions jussives. Ces verbes
sont utilisés à visée d’atténuer le discours. Toutes ces caractéristiques
Page 63
63
font des verbes modaux des expressions appropriés à l’expressivité de
l’énonciateur pour fournir des énoncés directifs.
II.5.2.b La modalité lexicale Tout acte illocutionnaire a une certaine « force » et un certain
« contenu propositionnel ». Dans l’énoncé (48), que nous reprenons pour
convaincre, nous avons affaire à un acte illocutionnaire qui peut être
interprété comme étant une prescription. Il peut être appliqué à la notation
de Reichenbach 51
et Searl 52
de la façon suivante :
48) ʔa-yumkinuka ʔan t-umḍyia lī hādihi l-wara9ata ?
Requête + (demande de la signature d’un papier)
Verbe modal (ʔamakana) + contenu propositionnel
(description de la prescription)
Il convient juste de dire que le verbe modal trouve sa position toujours
dans la première partie de la combinaison et n’est ni suivi ni précédé d’un
sujet puisque l’arabe fait partie des langues dites agglutinatives ou
clitiques et à morphologie riche. En effet, c’est la marque morphologique
adjointe qui prend en charge les propriétés du genre et du nombre du
sujet.
Tout énonciateur vise, par son énoncé, à agir sur l’auditeur. Cette
action est exprimée par l’expressivité de l’énoncé, le locuteur se sert de la
richesse du lexique, utilise différentes tournures, etc. et c’est ce qui fait
l’objet de son expressivité. Le point de vue de Guillaume est d’une grande
netteté. J. Cervoni, le résume ainsi : « tout acte d’expression vise à
affecter l’allocutaire, et le locuteur dispose pour cela de (mille manières
de le dire), l’ensemble de ces manières de dire constitue l’expressivité. On
51
Reichenbach, H., 1947, Elements of Symbolic Logic, New York, Macmillan & Co. 52
Searl, G., 1969. ″Speech Acts: An Essay in the Philosophy of Language″. Cambridge, England,
Cambridge University press.
Page 64
64
ne peut concevoir un acte de langage d’où l’expressivité serait totalement
absente »53
.
Conclusion du chapitre La langue arabe comme la langue française présente différents
types d’interrogations i.e. l’interrogation totale et partielle, directe et
indirecte et l’interrogation modalisée et non modalisée. La langue
française dispose de plusieurs introducteurs interrogatifs : les
déterminants interrogatifs, les adverbes interrogatifs, les pronoms
interrogatifs et les interrogations introduites par ″est-ce que″. C'est-à-dire
qu’il y a une diversité d’introducteurs interrogatifs. La langue arabe ne
dispose que de deux types d’introducteurs : les adverbiaux et les
pronominaux, et il y a des linguistes qui n’en font aucun classement, et se
contente de les nommer tous des particules interrogatives. Ces particules
comme nous les avons montrées, ont des charges sémantiques diverses
suivant l’intension du locuteur.
La modalité prescriptive est garantie par l’ensemble des verbes
modaux, dont le rôle est d’atténuer le discours et d’assigner une
prescription par inférence. Ces verbes expriment des actes sollicités par le
locuteur pour qu’il en soit bénéficiaire. Cette notion d’acte a été définit
par A. Berrandonner comme inséparable de la notion de geste, parler pour
lui c’est donc le contraire d’agir. Si pour Austin dire c’est faire, A.
Berrandonner, lui, pense que « dire c’est ne rien faire » où la signification
première de la phrase est purement représentative54
. La notion
Austinienne cesse d’être valable pour A. Berrandonner, c’est que les
verbes performatifs ne servent pas à accomplir l’acte performatif, mais ils
53
Cervoni.J., 1988, L’énonciation : Linguistique nouvelle, Paris, PUF. P. 69. 54
Ibid. P. 113.
Page 65
65
servent à substituer la parole à l’action. Cette action est sous-entendue
dans les énoncés modalisés par des verbes modaux.
La langue arabe comme la langue française présente ce phénomène
pragmatique comme un fait linguistique très récurrent.
III. Analyse contrastive de l’interrogation en
français et en arabe
Page 66
66
Introduction Tous les grands ouvrages de la littérature et de la linguistique n’ont
pu être connus, étudiés, et mondialisés que grâce à la traduction. De
même, les grands écrivains sont connus et leurs travaux ont marqué
l’histoire grâce à la traduction.
La traduction littéraire garde toujours une position non négligeable
dans le champ de la traduction en général. Elle concerne les romans, les
poèmes et autres genres littéraires.
En effet, la traduction littéraire demande des aptitudes en
stylistique, une bonne imagination et des connaissances culturelles et
linguistiques étendues. Il s'agit de reproduire l'effet intégral du texte
original chez le lecteur en langue d'arrivée. La traduction doit être aussi
aisée à lire, et susciter les mêmes émotions que le texte original, suivant
l'adage de Cervantès : « ne rien mettre, ne rien omettre ».
La traduction est donc un contact de langues : le traducteur doit
disposer de deux langues. Ce qui rend cette tâche un fait de bilinguisme.
Mais le bilinguisme peut mener à l’interférence : un énoncé, tel ″un
simple soldat″ peut être traduit ou transféré en langue anglaise en ″a
simple soldier″ au lieu de la forme anglaise existante ″a private″. Ce qui
veut dire qu’il y a souvent une influence de la langue source sur la langue
cible. Cette influence est décelée à travers les interférences qui sont
considérées comme des erreurs ou fautes de traduction55
. Cependant, il
faut distinguer entre deux types de bilinguisme, comme l’ont remarqué A.
55 Jules Alfred Bréal, M., 1897, Essai de sémantique, Paris, Hachette, P. 173
Page 67
67
Meiller et A. Sauvageot, à savoir le bilinguisme ordinaire qui mène aux
interférences et « le bilinguisme des hommes cultivés »56
.
La question qui se pose est celle de savoir jusqu’à quel point, deux
structures en contact peuvent être maintenues intactes, et dans quelle
mesure l’une influera sur l’autre.
Si nous admettons par principe que l’opération traduisante est un
fait à double volets (deux langues), ce procédé ne peut être fait sans le
contact entre ces deux volets. Mounin a décelé la problématique des
différences de propriétés linguistiques entre les langues, et conclue que
l’activité traduisante pose à la linguistique contemporaine un problème
d’ordre théorique : « si on accepte les thèses courantes sur les structures
des lexiques, des morphologies et des syntaxes, on aboutit à professer que
la traduction devrait être impossible. »57
. Or, l’existence des traducteurs
est incontestable, ils produisent et nous nous servons de leurs productions.
C’est pourquoi cette opinion d’impossibilité de traduction ne peut pas
avoir une influence sur l’existence effective de la traduction. En effet,
l’activité traduisante n’est jamais absente de la linguistique : R. Jakobson
stipule qu’il n’y a pas de comparaison possible entre deux langues, sans
recours à des opérations constantes de la traduction58
.
La possibilité pratique de la traduction trouve son appui dans
l’existence des universaux : cosmogonique, psychologique, écologique,
biologique, etc. l’hypothèse que les universaux existent facilite la tâche
aux traducteurs59
.
56
Meillet, A. et Sauvaged. A., 1934, Conférences de l’institut de linguistique II, P. 7-9 et 10-13. 57
Mounin, G., 1963, Les problèmes théoriques de la traduction, Paris, Gallimard, P. 8.
58 Jakobson, R., 1959, Aspects of translation, MA. Cambridge, Harvard University Press, P. 234.
59 Mounin, G., 1963, Les problèmes théoriques de la traduction, Paris, Gallimard, P. 192-233 & 251-
270.
Page 68
68
E. Dolet60
, donne quelques indices sur la phrase française,
particulièrement dans les traductions qui ne sont pas calquées sur la
langue source, l’essentiel pour lui est d’insister sur l’intension de l’auteur.
Dolet souligne que c’est le sens qui fait la valeur de la traduction et non la
structure. Ce qui veut dire que la sémantique est prioritaire par rapport à la
syntaxe dans le domaine de la traduction. En effet, éviter le mot à mot
dans une traduction revient à privilégier le sens au dépend de la forme.
III. 1. La traduction et les universaux linguistiques Les propriétés différentielles sont l’ensemble des traits
phonologiques, morphologiques, syntaxiques et sémantiques qui
différencient une langue d’une autre. C’est dans ces distinctions que
certains linguistes et traductologues se sont basés pour affirmer
l’impossibilité de la traduction. Mais les thèses défendant la présence des
universaux linguistiques ont opté pour une impossibilité théorique de la
traduction et pour une possibilité pratique de celle-ci.
Mounin, stipule que la linguistique contemporaine défend
l’impossibilité théorique de la traduction, mais il montre en même temps
les mesures et les limites dans lesquelles l’opération pratique de la
traduction est relativement possible malgré les différences entre les
langues61
. La linguistique en temps que science est constituée d’une
analyse qui tend naturellement à mettre en relief tout ce qui spécifie
chaque langue. En effet, la différence entre les langues est le motif sur
lequel est basée la théorie de l’impossibilité théorique de la traduction, et
d’une possibilité pratique de celle-ci. Notre travail s’inscrit dans la même
perspective.
60
Skupien Dekens Carine., 2009, Traduire pour le peuple de dieu : La syntaxe française dans la
traduction de la bible, Genève, Librairie Drol, P. 244.
61 Mounin, G., 1963, les problèmes théoriques de la traduction, Paris, Gallimard, P. 192.
Page 69
69
On n’a pas cessé de mettre des réflexions sur la manière de traduire
fidèlement, vu que la traduction a toujours été considérée comme un fait
d’appauvrissement d’une langue par rapport à une autre. C’est pourquoi
les différences entre les langues font l’objet des études linguistiques qui
étudient les problèmes qui entravent le processus traductionnel et les
mécanismes à utiliser pour faire passer un texte d’une langue à une autre
avec un maximum de fidélité.
Devant l’impossibilité de la traduction, certains linguistes, entre
autres Mounin, Nida, Aginsky et Serrus, ont traité le phénomène des
universaux et ont montré que toutes les langues humaines disposent d’un
ensemble d’universaux linguistiques qui facilitent la communication
malgré les différences attestées entre les langues, ce qui donne une
légitimité et une existence à l’opération traduisante. Les universaux
linguistiques sont l’ensemble des traits communs à toutes les langues. Les
premiers universaux sont dits, des cosmogoniques, du moment où tous
les hommes habitent la même planète62
. Les universaux écologiques,
quant à eux, sont l’ensemble des phénomènes qui ont un rapport avec le
froid et la chaleur, la pluie et le vent, la terre et le ciel, le règne animal et
le règne végétal, les divisions du temps, jour et nuit, parties du jour, mois
d’origine lunaire, etc. En fait, les mêmes phénomènes écologiques ont la
même signification référentielle de base, et les cadres de référence au
monde extérieur sont les mêmes : le froid, le chaud, le vent, la terre, le
ciel, etc.63
Dans le même sens, Martinet parle des universaux biologiques
puisque tous les hommes habitent la même planète et ont en commun
d’être ″homme″ avec toutes les analogies physiologiques et
62
Mounin, G., 1963, les problèmes théoriques de la traduction, Paris, Gallimard, P. 196. 63
Ibid. P. 197.
Page 70
70
psychologiques64
. C’est la nature même, selon Tegner, qui trace les
limites du découpage linguistique et, de ce fait, les langues coïncident65
.
Enfin, les universaux physiologiques concernent toutes choses
perceptibles par l’être humain, et ils sont les mêmes en dépit de toutes
différence spatio-temporelle. Les couleurs sont les mêmes partout, mais la
nomination diffère selon les peuples et les langues.
Cependant, existe-t-il des universaux en morphologie, en syntaxe et
en sémantique ? Dans cette perspective, Bernatzik relève l’opinion de Ch.
Serrus qui distingue au moins deux catégories d’universaux : les états et
les procès. Mounin, quant à lui, dégage deux universaux linguistiques : le
nom et le verbe. Les pronoms, quant à eux, ne font pas l’objet
d’universalité linguistique. Mounin en parle ainsi « lorsque les Phi-Tang-
Yong parlaient d’eux, ils ne disaient pas je ou nous, mais le fils s’en va, le
père veut ça ou ça, ou bien les Yombri ont peur, les Yombri veulent partir
etc. 66
» ; l’absence des pronoms est constatée aussi chez quatre ou cinq
groupuscules de quelques milliers d’individus au fond des montagnes
indochinoises et des forêts brésiliennes ou dans les iles pacifiques, où il y
a une absence totale des pronoms67
.
Malgré les différences que présentent les langues, la masse
importante de traits universels est commune à toutes les langues. En effet,
il faut admettre que la possibilité de la traduction de toute langue en une
autre, trouve sa légitimité dans le cadre des universaux : « première tâche
dans un solipsisme linguistique absolu68
. »
64
Martinet, A., 1950, Réflexions sur le problème de l’opposition verbo-nominale, JdP, N° 1, P. 104
65 Öhman, S., 1953, « Théories of the linguistic field ». Word, N° 2, P. 130.
66 Bernatzik, H.A., 1945, Les esprits des feuilles jaunes, Paris, Plon, P. 166.
67 Mounin, G., 1963, les problèmes théoriques de la traduction, Paris, Gallimard, P. 210.
68 Ibid, P. 123.
Page 71
71
III.2. Traduction et syntaxe
Introduction Correspondant selon Benveniste à l’un des trois comportements
fondamentaux de l’homme, la question est, peut être, l’acte de langage le
plus important pour la communauté parlante69
. L’interrogation est une
structure syntaxique qui mérite un arrêt pour une analyse bien approfondie
quant à sa traduction. Et ceci vu les spécificités différentielles
syntaxiques et sémantiques qu’elle présente entre les langues.
Tout traducteur est obligé, de se vouer à l'étude différentielle des
langues, et cela non seulement dans le domaine sémantique, mais aussi
dans celui des structures grammaticales. Dans ce sens Mounin pense
« (qu’) un plan plus externe et traditionnel, aurait voulu que l’examen de
la syntaxe vienne après celui du lexique. En fait, il n’a pas été possible de
trouver une solution pour les problèmes posés par la syntaxe avant
d’avoir analysé la réponse des universaux, et celle des situations non
linguistiques aux problèmes de traduction »70
. Le langage verbal n’est pas
seulement un outil de communication servant à transmettre un message
d’un individu à un autre, il est aussi le moyen qui reflète la pensée de ces
individus, ce langage se compose fondamentalement de deux éléments à
savoir un lexique sémantiquement structuré et une syntaxe à laquelle
appartiennent certaines propriétés d’aspects71
.
En effet, si la traduction existe en dépit de l’hétérogénéité, quelques
fois, radicale des syntaxes, c’est entre eux que doit exister des universaux
69
Kerbrat-Orecchioni, C., 1991, La question, Paris, Pul, Abstract du livre.
70 Mounin, G., 1963, les problèmes théoriques de la traduction, Paris, Gallimard. P. 251.
71 Warnant, L., 1982, Structures syntaxiques du français, Paris, Les Belles Lettres, P. 20.
Page 72
72
de syntaxe72
. Mounin73
présente l’idée de Nida qui distingue dans toutes
les langues du monde, quatre grandes parties du discours ou classes qui
désignent les objets, les évènements, les abstraits : modificateurs des
deux premières classes et les relationnels. Les universaux syntaxiques
sont de quatre catégories : les verbes, les noms, les modificateurs et les
conjonctions. Ce sont des catégories que l’on peut trouver dans toutes les
langues malgré leurs différences linguistiques. Ceci explique la possibilité
de la traduction du moment où on a une situation commune quels que
soient l’écart et les différences syntaxiques entre la langue source et la
langue cible. La grammaire ne peut être dissociée de la syntaxe : les deux
étant, au sein du même texte, étroitement liées et exerçant une influence
mutuelle l’une sur l’autre. A ce niveau, les contrastes entre le français et
l’arabe se manifestent entre autres dans les types d’interrogation, le temps,
l’aspect, l’emploi des éléments interrogatifs et l’usage des pronoms
personnels.
III. 2. 1. La traduction de l’interrogation par type Le corpus, extrait du roman Samarcande est composé de cent
phrases interrogatives tirées des dix premiers chapitres. Il présente tous les
types d’interrogations : totale, partielle, directe, indirecte, fictive, oratoire,
alternative, délibérative, hypothétique, question-tag, avec inversion ou
sans inversion du sujet…
Après la comparaison des deux corpus, nous avons obtenu les
statistiques illustrées dans les tableaux et les graphiques ci-dessous :
L’interrogation dans le corpus source (français)
Type d’interrogation Nombre Pourcentage
directe totale 31 31%
72
Mounin, G., 1963, les problèmes théoriques de la traduction, Paris, Gallimard, P. 252 73
Ibid. P. 255.
Page 73
73
directe partielle 25 25%
Indirecte totale 4 4%
Indirecte partielle 2 2%
Fictive (exclamative, injonctive) 9 9%
Oratoire (rhétorique) 16 16%
Alternative (double) 4 4%
délibérative 5 5%
incidente 0 0%
Question-tag 1 1%
hypothétique 3 3%
Ce corpus présente tous les types d’interrogations, à l’exception de
l’interrogation incidente. Nous constatons une prédominance des
interrogations directes, i.e. totales et partielles, et l’interrogation
rhétorique (72%). Vient après les autres types d’interrogations (indirecte
totale et partielle, fictive, alternative, délibérative, question-tag et
hypothétique) qui font ensemble un pourcentage de 28%.
L’interrogation dans le corpus arabe
0% 5%
10% 15% 20% 25% 30% 35%
31% 25%
4% 2% 9%
16%
4% 5% 0% 1% 3%
fréquence de l'interrogation par type (corpus français )
Pourcentage
Page 74
74
Type d’interrogation Nombre Pourcentage
directe totale 35 35%
directe partielle 27 27%
Indirecte totale 5 5%
Indirecte partielle 3 3%
Fictive (exclamative, injonctive) 5 5%
Oratoire (rhétorique) 15 15%
Alternative (double) 3 3%
délibérative 5 5%
incidente 0 0%
Question-tag 1 1%
hypothétique 3 3%
Le tableau ci-dessus présente les statistiques des interrogations
détectées dans le corpus cible. Tous les types d’interrogation y figurent à
l’exception de l’interrogation incidente. Nous constatons donc une
prédominance des interrogatives directes i.e. totales et partielles, et des
interrogatives rhétoriques (77%), suivies des autres types d’interrogation
0%
10%
20%
30%
40% 35%
27%
5% 3% 5%
15%
3% 5% 0% 1% 3%
fréquence de l'interrogation par type (corpus arabe)
Pourcentage
Page 75
75
(indirecte totale et partielle, fictive, alternative, délibérative, question-tag
et hypothétique) qui font ensemble un pourcentage de 23%.
Comparaison et interprétation
Les pourcentages ne sont pas les mêmes : Certains types
d’interrogations apparaissent avec la même fréquence dans les deux
corpus notamment les questions-tag, les interrogations hypothétiques, etc.
Le pourcentage élevé des interrogations directes vient du fait qu’elles sont
généralement les plus fréquentes d’usage pour exprimer une demande. La
même présence prépondérante de l’interrogation rhétorique est due au
genre littéraire en usage qui tend à utiliser ce type d’interrogation selon
des choix stylistiques et pragmatiques.
Le pourcentage de types des interrogations qui change entre les
deux corpus français et arabe montre que la traduction de l’interrogation
ne doit pas être faite avec une conservation obligatoire de sa structure
source. En effet, le traducteur garde le droit de changer le type
d’interrogation suivant l’interrogation la plus adéquate pour poser une
interrogation dans la langue cible.
31%
25%
4% 2%
9%
16%
4% 5%
0% 1% 3%
35%
27%
5% 3% 5%
15%
3% 5%
0% 1% 3%
0% 5%
10% 15% 20% 25% 30% 35% 40%
Pourcentage (français)
Pourcentage (arabe)
Page 76
76
Une interrogation directe peut être traduite par une autre indirecte
avec une élision de la proposition principale interrogative et du point
d’interrogation dans l’interrogation arabe:
1) A quoi bon braver le sort, à quoi bon t’attirer le courroux du
prince pour une simple femme, une veuve qui ne t’apporterait en
guise de dot qu’une langue acrée et une réputation douteuse ?
فما الجدوى من تحدي القدر، ما الجدوى من أن تجر على نفسك غضب األمير لمجرد
.أرملة لن تحمل إليك من بائنة سوى لسان سليط وسمعة مريبة امرأة،
Une interrogation rhétorique directe en une autre rhétorique indirecte :
2) Les cuisses d’une vierge, est-ce là le seul territoire pour lequel il
est encore prêt à se battre ?
.أفيكون فخذا عذراء هما الحمى الوحيد الذي ال يزال مستعدا للقتال من أجله
Une interrogation multiple peut être traduite par plusieurs
interrogations directes indépendantes terminées par des points
d’interrogation, ceci revient aux spécificités de la langue française qui
admet un seul point d’interrogation à la fin de l’interrogation multiple,
alors qu’en arabe le point d’interrogation doit marquer la fin de toute
interrogation au sein de la même phrase interrogative multiple :
3) Fuir trahir déjà attendre encore, prier ?
أيفرون؟ أيستعجلون الخيانة؟ أيطيلون األنظار؟ أيصلون ويدعون؟
La traduction de l’interrogation du français vers l’arabe n’est pas
soumise à la condition de la fidélité syntaxique, puisque le changement de
type d’interrogation n’influe ni sur le contenu de l’interrogation ni sur sa
charge sémantique ni sur le but pour lequel elle a été posée. Le traducteur
s’intéresse peu à rendre fidèle toute interrogation du texte source.
L’essentiel est de donner une version qui véhicule le même message.
Page 77
77
III. 2. 2. La traduction des mots interrogatifs Les morphèmes interrogatifs sont utilisés pour s’interroger sur la
réalité d’un énoncé ou pour s’interroger sur un constituant bien précis de
la phrase interrogative. Les éléments interrogatifs en arabe sont multiples
à l’instar de la langue française. La différence réside dans le fait que le
français dispose de différentes catégories d’éléments interrogatifs à savoir
les déterminants, les pronoms et les adverbes interrogatifs. De même,
l’interrogation française peut être construite avec ou sans inversion de
sujet, ou sans introducteur interrogatif. Par contre, l’interrogation en arabe
peut être exprimée de trois manières à savoir des interrogatives avec ou
sans introducteurs interrogatifs ; ceux-ci sont regroupés dans deux
catégories à savoir les pronominaux et les adverbiaux.
Pour analyser ces traductions, nous avons relevé tous les éléments
interrogatifs relatifs à chaque corpus et nous avons obtenu les résultats
suivants que nous dressons dans le tableau ci-dessous.
Eléments
d’interrogation
en français
Nombre pourcentage Eléments
interrogatifs
arabes
Nombre pourcentage
Les
déterminants
3 2,97% Les
pronominaux
81 75%
Les pronoms 13 12,87%
interrogation
avec inversion
du sujet
54 53,47%
Les adverbes 16 15,84% Les
adverbiaux
16 14,82%
Page 78
78
Interrogation
sans inversion
du sujet et sans
introducteur
15 14,85% Interrogation
sans
introducteur
interrogatif
11 10,18%
Le tableau ci-dessus montre que l’interrogation avec inversion du
sujet dans la version française vient en tête par un pourcentage qui
dépasse 53%, suivie des interrogations avec des pronoms interrogatifs
″qui, que, quoi, lequel, etc.″, des adverbes interrogatifs ″pourquoi, quand,
comment, où, etc.″ et des interrogations sans inversion de sujet avec un
pourcentage de 41%. Nous remarquons par contre un faible usage des
déterminants interrogatifs.
Cependant, en langue arabe, les pronominaux interrogatifs ″hal″,
″ʔa″, ″mā″,″ mādā″, etc. sont les plus fréquents par un pourcentage de
75%. Les interrogations introduites par des interrogatifs adverbiaux ″kam,
ayna, kayfa, etc.″ ou celles sans introducteurs interrogatifs présentent un
pourcentage de 25%.
Comparaison et interprétation
Page 79
79
L’analyse contrastive des éléments interrogatifs français et ceux de
la langue arabe montre que la langue française dispose de six manières
pour poser une interrogation74
. En temps que l’arabe ne dispose que de
trois manières d’interroger : les pronominaux, les adverbiaux et les
interrogations sans introducteurs interrogatifs. L’usage fréquent des
pronominaux interrogatifs en langue arabe trouve son explication dans le
fait que le traducteur tend à traduire en pronominaux interrogatifs arabes
la majorité des éléments d’interrogation de la langue française : il traduit
par le biais des pronominaux interrogatifs les interrogations avec
inversion de sujet (cf. (4 et 5)). Ce choix est dû aux spécificités
syntaxiques de la langue arabe qui ne permet pas une inversion de sujet.
Ceci est aussi valable pour les déterminants interrogatifs (cf. (6)), les
pronoms interrogatifs (cf. (7)) et parfois même les adverbes interrogatifs
(cf. (8)).
74
Cinq genres d’éléments interrogatifs ont été utilisés par l’auteur, sauf l’élément « est-ce que », qui
constitue en lui seul une classe indépendante.
2,97%
12,87%
53,47%
15,84% 14,85%
75%
14,82% 10,18%
0,00%
10,00%
20,00%
30,00%
40,00%
50,00%
60,00%
70,00%
80,00%
pourcentage
arabe français
Page 80
80
Il est à noter que le corpus français ne présente aucun cas
d’interrogation introduite par l’élément interrogatif ″est-ce que″ jugé
lourd et ancien75
.
4) Se rend-il à la taverne, ce soir-là, ou est-ce le hasard des
flâneries qui le porte?
هل كان ذاهبا إلى الحانة في ذلك المساء أم أن صدفة التسكع هي التي حملته ؟
5) Sais-tu reconnaitre un ami ?
أتعلم كيف تتعرف إلى صديق ؟
6) Quel royaume a subsisté, quelle science, quelle loi, quelle vérité ?
أية مملكة دامت، أي قانون، أية حقيقة ؟
7) Que restera-t-il demain des écrits des savants ?
الذي يبقى بعد من أعمال العلماء ؟ ماف
8) Et son parcours millénaire, qui l’a interrompu, sinon
l’arrogance de mon siècle ?
ورحلته الدهرية ما الذي قطعها غير صلف عصري أنا ؟
III. 2. 3. Le point d’interrogation entre le français et l’arabe
Nous avons compté et comparé le nombre de points
d’interrogations pour voir si le nombre de points d’interrogations diffère
lors de la traduction d’un texte de la langue française vers la langue arabe.
Le tableau suivant illustre ces hypothèses :
Texte source
(français)
Texte
cible
(arabe)
Pourcentage
différentiel
Nombre de points 98 100 2%
75
Grevisse, M., 1993, LE Bon Usage, Paris, Duculot. P. 605. § 389.
Page 81
81
d’interrogations
Après la comparaison des résultats obtenus dans le tableau ci-
dessus, nous avons réalisé que le nombre de points d’interrogations entre
le texte de langue française et le texte de langue arabe diffère. Le nombre
de points d’interrogations dans le texte source est moins que celui du texte
cible, il y a une différence qui ne dépasse pas un pourcentage de 2%.
Comparaison et interprétation
Le texte cible présente plus de points d’interrogations que le texte
source. Ceci est dû au choix du traducteur qui tend à traduire une seule
interrogation directe multiple qui se termine par un seul point
d’interrogation, par plusieurs interrogations directes qui se terminent par
des points d’interrogation (cf. (9) et (10)). Cette différence trouve son
explication dans les propriétés syntaxiques de chaque langue : en français,
le point d’interrogation ne se met que vers la fin de toute la phrase
interrogative, même si elle comprend plusieurs interrogations imbriquées.
Alors qu’en langue arabe, le point d’interrogation doit être mis à la fin de
chaque interrogation, au sein de la même phrase interrogative.
98
100 2%
Nombre de points d’interrogations
Texte source (français)
Texte cible (arabe)
Pourcentage différentiel
Page 82
82
9) Est-il le seul à qui le vizir ait glissé ces mots, ne l’a-t-il pas
confondu avec un autre, et pourquoi un rendez-vous aussi lointain,
dans le temps et dans l’espace ?
ولماذا كان ؟الم يخلط بينه وبين آخر ؟أيكون الوحيد الذي همس إليه الوزير بتلك الكلمات
موعد بهذا البعد في الزمان والمكان ؟
10) Fuir trahir déjà attendre encore, prier ?
أيفرون؟ أيستعجلون الخيانة؟ أيطيلون األنظار؟ أيصلون ويدعون؟
La structure syntaxique de l’interrogation n’est donc pas figée : le
traducteur a la possibilité de se comporter envers la traduction de la
structure syntaxique de l’interrogation de la manière qui lui paraît
adéquate : une interrogation directe peut devenir indirecte, une seule
interrogation peut être fragmentée en plusieurs interrogations, etc. sans
que cela n’altère le message de l’interrogation. Or, cette liberté a
certaines limites, car les différences sémantiques ne permettent pas
qu’une interrogation totale soit traduite en une autre partielle et vice-
versa, et à cause de la diversité des réponses attestées dans les deux types
de constructions.
III. 2. 4. La traduction des pronoms indéfinis
La traduction des pronoms indéfinis, e.g. ″aucun″, ″nul″, ″autre″,
″autrui″, ″un″, ″certain″, ″chacun″, ″plusieurs″, ″tout″, etc., présents dans
notre corpus, ne pose aucun problème, vu la présence de leurs équivalents
en langue cible (cf. (11) et (12)), et ce à l’encontre du pronom indéfini
″on″. L’analyse du corpus permet de constater que la traduction du
pronom indéfini ″on″ se fait principalement par l’intermédiaire du passif
(cf. (13)), mais aussi en faisant appel aux pronoms personnels (cf. (14))
quand ″on″ désigne une ou plusieurs personnes déterminées ou
indéterminées, ou aux substantifs (cf. (15)).
Page 83
83
11). Es-tu le mécréant que certains décrivent ?
أتكون الزنديق الذي يصفه بعضهم ؟
12). L’erreur si je dis que depuis la mort d’Ibn-Sina nul ne les
connaît mieux que toi ?
يعرفها منذ وفاة ابن سينا خيرا منك ؟ أحدما من أأكون مخطئا إذا قلت إنه
13). On t’a entendu dire :…
- لقد سمعت تقول :…
14). N’est-ce pas celle-ci encore qu’Omar garde à l’esprit tandis
qu’on le mène vers le quartier d’Asfizar où réside Abou-Taher, le cadi des
cadis de Samarcande ?
أوليس هذا هو أيضا ما أسره عمر في نفسه وهم يقودونه إلى حي أسفزار حيث يقيم أبو طاهر
قاضي قضاة سمرقند ؟
15) Ne souhaite-t-on pas d’habitude que le jeune s’achève, que
vienne le jour de la fête ?
أال يتمني الناس في العادة انقضاء الصيام وقدوم يوم العيد ؟
L’analyse des interrogatives traduites illustrent les différences
grammaticales et syntaxiques entre le français et l’arabe. Notamment la
traduction des sujets, celle des personnes et des formes temporelles.
Toutefois, la transformation et la modulation sont les procédés de
traduction les plus utilisées pour remédier aux différences grammatico-
syntaxiques entre les deux langues.
III. 2.5. La traduction vers le duel (mutannā) Sur le plan verbal, la langue arabe se distingue par la présence d’un
pronom personnel qui réfère à deux personnes : il s’agit du ″mutannā″. Le
traducteur tend à le traduire en respectant la référence de la personne (cf.
(16)). Le verbe français ″se rejoignent″ est à la troisième personne du
Page 84
84
pluriel, traduit en arabe en pronom personnel du duel (mutannā)
″talāqayā : تالقيا″. Ce qui montre que la traduction d’une structure
syntaxique n’est pas une opération mécanique, mais un fait qui ne force
pas sur la langue cible ce qu’elle ne supporte pas. Le traducteur doit être
attentif à ce genre de divergences pour que le texte cible revêt un aspect
d’originalité et qui évite surtout les interférences et le solécisme 76
auxquels peut mener une traduction qui ne respecte pas les propriétés
syntaxiques de la langue cible.
16) Combien crois-tu qu’il y ait dans cette ville, à cet instant,
d’amants qui, comme nous, se rejoignent ?
كم من عاشق وعاشقة تالقيا في ظنك مثلنا في هذه المدينة وفي هذه اللحظة ؟
III. 2. 6. L’interrogation entre l’aspect accompli et inaccompli
L’inversion du sujet avec le verbe est l’un des moyens les plus
utilisés en langue française pour interroger. Cependant, le verbe manifeste
des différences de temps et d’aspects entre la langue française et arabe. Le
verbe français a ses différents temps soit à l’accompli soit à l’inaccompli.
La langue arabe est dite langue aspectuelle vu qu’elle ne dispose pas de la
diversité temporelle de la langue française, le verbe en langue arabe
n’exprime que des aspects.
L’aspect est un trait grammatical associé au verbe, indiquant la
façon dont le procès ou l'état exprimé est envisagé du point de vue de son
développement. Tous les verbes au passé dénotent une action achevée du
point de vue de celui qui parle. L'aspect est une manière d'envisager
76
Le solécisme consiste à construire une syntaxe qui n’existe pas dans la langue cible.
″Emploi fautif, relativement à la syntaxe, de formes par ailleurs existante″.
Rey. A., 1994, Le Micro Robert, dictionnaire, P. 1196.
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85
l'action au moment où elle se produit et pas par rapport au moment où l'on
en parle. En français, tous les temps simples font la marque de l'aspect
inaccompli, alors que les temps composés sont toujours la marque de
l'aspect accompli. Il s'agit d'un aspect grammatical, car l'aspect dépend
alors du temps auquel le verbe est conjugué.
En langue arabe, la classification est restreinte, le temps du passé
″al-māḍī″ exprime un aspect accompli, alors que ″l-muḍāriε″ et ″l-ʔamr″
expriment un aspect inaccompli.
Nous avons essayé, en comparant les deux corpus, de voir si le
passage du français vers l’arabe permet de maintenir les mêmes aspects de
l’interrogation. Le tableau suivant montre les résultats obtenus après la
comparaison des deux corpus.
Aspect accompli Aspect inaccompli
En langue française 59 75
En langue arabe 46 88
Nous pouvons parler d’un déséquilibre entre l’aspect dans la langue
source et celui dans la langue cible. Le nombre d’interrogations exprimant
un aspect inaccompli, dans le corpus en langue arabe, est élevé par rapport
à celui de la langue source. Par contre le nombre de celles exprimant
l’aspect accompli est inférieur par rapport à celui de la langue source.
Comparaison et interprétation
Page 86
86
La comparaison de l’aspect dans les deux langues objet du travail :
le français et l’arabe, montre que le traducteur a tenu, dans certains cas, à
ce que l’aspect accompli en français soit rendu par un aspect accompli
dans la langue cible tel que l’illustre l’exemple (17) où ″as-tu donné″ qui
est traduite par le verbe accompli ″qaddamta : متقد ″. Or, dans différents
cas, le traducteur n’a pas respecté l’aspect du verbe de la langue source
(cf. (18)), le verbe dans l’exemple ″ s’est embarqué ″ dénote un aspect
accompli exprimé par le temps du passé composé est traduit par un verbe
exprimant un aspect inaccompli ″yubḥir : يبحر″ (cf. (19)). Ce choix trouve
son explication dans la présence de la particule de négation ″lam″ qui
précède le verbe, où l’aspect inaccompli n’est pas exprimé par le verbe
mais par la particule de négation ″lam″ qui exprime un fait du passé mais
inachevé.
Parfois la traduction du verbe vers le même aspect source ne
transmet pas la même charge pragmatique du verbe (cf. (20)). L’aspect
accompli du verbe (serais) est gardé dans le verbe cible (kunta : .( كنت
Mais si on inverse la traduction i.e. de l’arabe vers le français, nous
pourrions traduire en : ″étais-tu ivre seigneur ?″ au lieu de ″serais-tu ivre
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
Aspect accompli
Aspect inaccompli
59
75
46
88
En langue française
En langue arabe
Page 87
87
seigneur ?″, mais le conditionnel qui exprime une hypothèse et qui
disparaît dans l’interrogation cible connote un respect du locuteur envers
son interlocuteur, ce respect a disparu dans la traduction arabe.
17) M’as-tu donné la vraie raison de ton refus ?
لي السبب الحقيقي لرفضك؟ قدمتهل
18) N’est ce pas dans mes bagages qu’il s’est embarqué sur le
Titanic ?
الم يبحر في أمتعتي على متن ال " تيتانيك" ؟
19) Son père…n’avait-il pas inauguré son règne en tranchant une
tête abondamment enturbannée ?
أفلم يدشن أبوه عهده بقطع رأس من الرؤوس الكبيرة العمائم ؟
20) Serais-tu ivre, Seigneur ?
نشوانا ؟هل كنت
En effet, cette analyse montre que le traducteur ne peut rester fidèle
quant à la traduction de l’aspect parce que la conservation de l’aspect
altère le sens de l’interrogation. Si nous remplaçons dans l’exemple (21)
les verbes (perdons et abandonnent) qui exprime un aspect inaccompli par
des verbes exprimant le même aspect pour rester fidèle à l’aspect du verbe
source, nous obtiendrons une interrogation fausse comme le montre la
phrase suivante :
(كيف نستطيع غزوها إذا نحن نفقد جيشنا، إذا يتخلى عنا رجالنا ؟)
21) Comment pourrions-nous les conquérir si nous perdons notre
armée, si nos hommes nous abandonnent ?
كيف نستطيع غزوها إذا نحن فقدنا جيشنا، إذا تخلى عنا رجالنا ؟
Conclusion du chapitre Malgré les différences entres les langues, la linguistique, en temps
que science, essaie de mettre en relief tout ce qui différencie les langues.
Page 88
88
En effet, les propriétés différentielles sont l’ensemble des traits
phonologique, morphologique, syntaxique et sémantique qui distinguent
une langue d’une autre. La traduction du français vers l’arabe pose
différents problèmes liés aux divergences syntaxiques. La traduction de
l’interrogation fait ressortir avec clarté la différence entre ces deux
langues aussi bien sur le plan syntaxique que sur les plans sémantique et
pragmatique.
Pour remédier aux différents problèmes qui sous-tendent la
traduction entre les deux langues, le traducteur fait appel aux deux
procédés essentiels de la traduction à savoir la transformation et la
modulation. Ainsi, le traducteur traduit en pronominaux interrogatifs
arabes la majorité des éléments interrogatifs de la langue française. Ce
choix dépend des structures syntaxiques de la langue arabe qui ne
permettent pas par exemple une inversion de sujet pour exprimer une
interrogation. De ce qui vient d’être dit, nous pouvons conclure que la
langue arabe tend à utiliser les pronominaux interrogatifs plus que
d’autres éléments ou manières interrogatives.
En effet, la traduction de l’interrogation de la langue française vers
la langue arabe n’est pas soumise à la condition de fidélité syntaxique,
puisque le changement de type d’interrogation n’influe ni sur le contenu
de l’interrogation, ni sur sa charge sémantique, ni sur le but pour lequel
elle a été posée. Peu importe le type de l’interrogation, l’essentiel est de
produire une interrogation qui transmet le même message que celle
d’origine.
Alors, la traduction de la structure syntaxique interrogative est un
procédé qui demande au traducteur d’être très attentif quant aux
divergences entre les langues. Et ceci, pour que le texte cible revêtisse un
aspect d’originalité et surtout pour éviter les interférences et le solécisme
Page 89
89
auxquels peut mener une traduction qui ne respecte pas les propriétés
syntaxiques de la langue cible.
III.3. Traduction, sémantique et pragmatique
Introduction
L’interprétation sémantique est la première phase du travail du
traducteur, parce que la traduction consiste d’abord à comprendre le
message. En effet, le traducteur doit saisir le sens de la façon la plus
exacte et la plus complète avant de le transférer vers la langue cible.
Cependant, cette tâche n’est pas d’une telle simplicité, vu les divergences
d’ordre linguistique et culturel entre les langues : la langue est un
polysystème très complexe fait de différents niveaux stylistique,
grammatical, sémantique, etc. ces éléments font l’objet des divergences
entre les langues et font de la traduction une tâche complexe qui demande
au traducteur des connaissances linguistique et culturelle étendues afin de
produire un travail qui tend plutôt vers l’originalité.
Mounin relève l’importance du fait de comprendre les mots dans
leurs sphères culturelles en invoquant l’idée de Nida qui pense que « les
mots ne peuvent pas être compris correctement séparés des phénomènes
culturels localisés dont ils sont les symboles 77
». L’appartenance des deux
langues objet du travail, notamment le français et l’arabe, à des sphères
historico-culturelles différentes, oblige à traduire par équivalents car les
mots sont mieux compris dans leur univers culturels.
L’histoire de Samarcande se déroule dans un espace appartenant à
la sphère perso-musulmane, à la lecture de la version traduite, le lecteur a
l’impression de lire une version originale. De ce fait, l’interprétation
77
Mounin, G., 1963, Les problèmes théoriques de la traduction, Paris, Gallimard. (Nida. E.A., 1945,
« Linguistics and technilogy in translation problem ». Word, N° 2. P 207).
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90
sémantique n’a pas fait un grand obstacle au traducteur puisque la religion
musulmane lie les deux cultures perse et arabe. Le traducteur ne s’est pas
contenté uniquement d’être fidèle au sens propre du texte, mais il a
enrichie le texte par l’emploi d’un lexique plus expressif et plus spécifique
à la langue et à la culture arabe.
Sur le plan lexical et sémantique, nous allons étudier, des
phénomènes linguistiques qui sont liés à la traduction mais ils ne sont pas
liés étroitement à l’interrogation, ils peuvent figurer dans d’autres
structures outre l’interrogation. Et ceci va être étalé sur un volet lexical,
sémantique et pragmatique.
III. 3. 1 Sur le plan lexical et sémantique Il est très difficile, sinon impossible, d’établir des équivalences
lexicales sans avoir recours à l’analyse sémantique. Etant donné que le
contenu sémantique des mots est analysable en traits sémantiques ou
sèmes78
, il faut d’abord identifier les sèmes dont le contenu sémantique se
compose79
. Ce n’est que de cette façon qu’on peut déterminer le sens
d’une expression et qu’on peut vérifier si l’expression choisie comme
équivalent a le même sens dans l’autre langue et présente les mêmes
propriétés sémantiques requises. C’est donc dans l’analyse sémantique
qu’il faut chercher la solution des problèmes relatifs à l’équivalence.
Lors du processus de la traduction, l’interprétation sémantique ne
peut être faite en dépendance du choix lexical. Ce n’est qu’à travers le
78
Le sème est un "trait distinctif de la substance du signifié d'un signe (au niveau du morphème), et
relativement à un ensemble donné de signes".
Pottier, B., 1974, Linguistique générale. Théorie et description, Paris, Klincksieck, p. 330 79
Ostrá, R., 1975, Structure onomasiologique du travail en français, Université Brunensis, Opéra. P.
191.
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91
lexique que se tisse le sens de l’énoncé, ainsi l’analyse sémantique se fait
grâce à l’analyse lexicale. En effet, l'analyse sémantique minutieuse
permet de cerner le sens de l'expression à traduire et de s'assurer d’avoir
bien choisi les termes équivalents.
Sur le plan lexical, un léger décalage peut être remarqué entre les deux
versions : cela se manifeste par des rajouts dans la version arabe. Ces
mots introduits contribuent en effet à interpréter et à cerner le sens global
du texte. Ces rajouts détectés ne peuvent pas être justifiés par les
contraintes linguistiques, mais ils pourraient être expliqués par la simple
volonté du traducteur qui s’est simplement permis quelques libres
interprétations et par l’ajout de quelques adjectifs qualificatifs en pensant
qu’il enrichirait le texte arabe.
Le texte arabe est caractérisé par l’ajout entre autres de locution
interjective, de locution interrogative ou de mots, et ce dans le but de
préciser le sens du message original, comme l’illustrent les exemples (1),
(2) et (3), respectivement. En outre, le nombre de ces ajouts reste limité,
par souci de fidélité au texte.
1) Comment ai-je pu ne pas reconnaître Omar, fils d’Ibrahim
Khayyâm de Nichapour?
يا هلل! كيف أمكن أال أعرف عمر بن إبراهيم الخيام من نيسابور ؟
2) Combien de nuits le destin leur a-t-il accordées ?
يا ترى ؟فكم ليلة أتاح لهما القدر
3) Fuir trahir déjà attendre encore, prier ?
أيفرون؟ أيستعجلون الخيانة؟ أيطيلون األنظار؟ أيصلون ويدعون؟
Les ajouts dans le texte cible pourraient être détectés lorsqu’il s’agit de
la traduction de quelques expressions métaphoriques par des expressions
métaphoriques aussi mais avec des charges sémantiques différentes,
comme le montre l’exemple (4) : dans le texte source, le sujet du verbe
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″être comblé″ a le trait sémique [+concret], alors qu’en texte cible le sujet
du verbe ″تغمر : taġmura″ a la trait sémique [+liquide].
4) Khayyam devrait être comblé- un amant peut-il espérer plus tendre
agression ?
كان ينبغي أن تغمر الفرحة عمر- هل في وسع عاشق أن يرجو ارق من هذا الهجوم ؟
Il convient également de faire part de quelques pertes qui surviennent
immanquablement, surtout au niveau lexical, mais ce ne serait pas sans
répercussions sur la charge sémantique de l’énoncé (cf. (5)). En effet, les
rajouts ou les abandons dépendent des fois de la volonté du traducteur.
Ainsi, la traduction de l’exemple (5) montre la négligence du mot qui
réfère dans le texte source à Dieu : dans le contexte de l’histoire, le cadi
Abou Taher accuse Omar Elkhayyam de toucher à la divinité sacrée de
dieu en produisant des quatrains profanes et d’une telle impiété. Le
traducteur a négligé le mot ″seigneur″ dans la version traduite, ceci reste
un peu ambigu : est-ce par un respect religieux relatif au lecteur ou c’est
un choix stylistique ?
5) Serais-tu ivre, Seigneur ?
هل كنت نشوانا ؟
Sur le plan sémantique, le traducteur tend surtout à donner une
autonomie au texte arabe par le biais d’usage d’équivalents en langue
cible. Il tend, à plusieurs reprises, de traduire le texte en lui donnant une
valeur ajoutée au moyen de procédés d’enrichissement linguistique
qu’offre la langue arabe, comme le montrent les exemples suivants :
6) As-tu encore ton voile ?
أما زلت تحتفظين بنقابك ؟
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93
7) N’est-il pas vrai que tu as lu sept fois à Ispahan un volumineux
ouvrage d’Ibn-Sina , et que, de retour à Nichapour, tu l’as
reproduit mot à mot, de mémoire ?
أفليس صحيحا أنك قرأت في أصفهان سبع مرات مجلدا ضخما البن سينا، و انك نقلته
لى نيسابور كلمة كلمة من الذاكرةعودتك إلدى
Le traducteur a utilisé par exemple [niqāb] qui a des traits sémiques
supplémentaires plus spécifiques que le terme français ″voile″ (cf. (6)). Le
voile étant un terme plus vague quant à sa référence en langue française,
du fait qu’il désigne ce qui couvre aussi bien le visage que le corps, et il
est souvent utilisé pour référer au [hijab] dans la religion musulmane.
Dans la communauté arabe, le terme arabe [niqab] désigne un tissu qui
couvre le visage en ne laissant paraître que les yeux. De même, le terme
″ouvrage″ traduit vers l’arabe par ″mužallad″ illustre cet aspect plus
spécifique du terme arabe (cf. (7)), ce mot indique un livre dont la
couverture est faite de cuire, c'est-à-dire un sème différentiel qui spécifie
plus le sémème ″ouvrage″. Ce qui veut dire que les termes voile et
ouvrage n’équivalent que partiellement aux termes [niqab et mužallad].
Autrement-dit, l’aspect religieux, quelques fois absent dans le texte
français, est omniprésent dans le texte arabe. Le traducteur a tendance à
donner, en cherchant les traits sémiques les plus spécifiques, l’équivalent
adéquat et convenable.
Dans le même sens, le lexème ″destin″, qui a été traduit par
[qadar], signifie en langue française un ensemble d’événements soumis
au hasard ou à la fatalité…, et qui compose la vie d’un être humain80
,
alors que le mot [qadar] a une aura religieuse dans la culture musulmane,
du fait qu’il est lié à la volonté divine et qu’il constitue un des cinq piliers
fondamentaux auxquels doit croire tout musulman(cf. (9)), on peut dire de
80
Rey. A., 1988, Le Micro Robert, Dictionnaire, Paris : (entrée : destin), P. 360. .
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même pour les mots ″lεid″ et ″la fête″ dans l’exemple (8). Cette charge
sémantique est absente dans le texte source. Ceci évoque encore une fois
le problème d’équivalence lorsqu’il s’agit de deux langues culturellement
différentes.
8) Ne souhaite-t-on pas d’habitude que le jeune s’achève, que vienne
le jour de la fête ?
أال يتمني الناس في العادة انقضاء الصيام وقدوم يوم العيد ؟
9) Combien de nuits le destin leur a-t-il accordées ?
فكم ليلة أتاح لهما القدر يا ترى ؟
Les choix lexicaux pertinents du traducteur émanent d’une volonté
à produire un texte qui revêt un caractère original et qui respecte le génie
de la langue cible.
III. 3. 2 Sur le plan pragmatique
Comme nous l’avons signalé précédemment, la question n’est pas
toujours liée à la demande d’information. Elle peut acquérir des fins
pragmatiques par interprétation inférentielle, et être investie pour d’autres
valeurs illocutoires outre la demande de l’information81
.
Les interrogations modalisées par les verbes ″pouvoir et devoir″
sont dites des questions mandes82
. Ils sont souvent utilisés dans des
structures interrogatives de type : ″vouloir /pouvoir+ P ?″ et qui sont
susceptibles de recevoir une lecture par inférence. Ce type de question
exprime une désirabilité déguisée de la part de l’énonciateur envers son
interlocuteur pour qu’il se comporte d’une telle manière.
81
Taifi. M., 2000, sémantique linguistique, référence, prédication et modalité, SFR, sciences du
langage, publication de la faculté des lettres et des sciences humaines, Fes. PP. 211-215. 82
Ibid, PP. 211-212.
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L’interrogation n’est pas forcément liée à la demande
d’information. Ainsi le locuteur (Omar Elkhayyam), dans l’exemple (10),
fait une requête à sa bien-aimée. Il lui demande implicitement de rester
auprès de lui et non si elle a la possibilité de rester chez sa cousine à
Samarcande. Cette requête doit être appréciée par l’interlocuteur (la belle
poétesse) par un raisonnement inférentiel, sinon, la réponse de la femme
ne peut être comprise comme refus lorsqu’elle répond : ″ j’ai ma place à
la cour.″, ceci explique l’intension du locuteur de ce que sa bien aimée
agisse d’une telle sorte et non pas de répondre à sa question. En outre,
l’interrogation dans l’énoncé (11) est une question modalisée par le verbe
vouloir. Le locuteur y exprime ce qu’il a voulu insinuer dans
l’interrogation précédente où il invite sa bien- aimée à partager sa vie. La
réponse de la femme illustre son refus permanent : ″Partager ta vie ? Il
n’y a rien à partager″.
10) Ne pourrais-tu rester chez ta cousine à Samarcande ?
أليس في مقدورك البقاء عند قريبتك في سمرقند؟
11) Ne voudrais-tu pas partager ma vie ?
أال تغربين في مشاطرتي عيشي؟
En outre, la traduction arabe satisfait le vouloir dire de l’auteur,
mais il y a une tendance au niveau syntaxique à substituer, pour raisons
stylistiques les verbes modaux par des substantifs comme le cas du verbe
pouvoir, ainsi que pour d’autres verbes comme le montre le tableau
suivant :
Verbe Substantif
pourrais مقدور
rester البقاء
partager ةمشاطر
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La question rhétorique est une figure de style très fréquente dans les
textes littéraires. Elle est très répandue dans les deux textes objet de notre
étude, i.e. source et cible, étant donné que le texte de Samarcande
appartient à ce courant littéraire.
Une question rhétorique est une question dont la réponse est
évidente et qui «prétend forcer le destinataire à reconnaître explicitement
ou non, ce que le locuteur tient pour vrai»83
. En effet, la question
rhétorique est utilisée non seulement pour des mesures stylistiques, mais
aussi pour des fins pragmatiques. L’exemple (12) en est la parfaite
illustration. Il s’agit en fait d’une ironie où le locuteur, le Cadi Abou
Taher, reproche à Omar Elkhayyam d’avoir produit des quatrains plein de
piété et de dévotion. L’adverbe interrogatif ″comment″ n’est utilisé ni
pour se demander de la cause ni pour la manière. La modalisation de
l’énoncé est exprimée par le verbe pouvoir en langue française et par son
équivalent en arabe le verbe ″amkana″, la traduction n’a pas infecté le
sens pragmatique de l’énoncé vu que la langue arabe comme la langue
française permet ce type d’interprétation.
12) Comment ai-je pu ne pas connaître celui qui a composé ce robaï si
plein de piété et de dévotion :
الورع؛كيف أمكن أال أعرف من نضم هذه الرباعية الناضجة بالتقوى و
L’interrogatoire est parmi les discours où l’interrogation est très
utilisée, le locuteur demande souvent à l’accusé la confirmation ou
l’infirmation de ce qu’on lui reproche. Le corpus, objet de notre étude,
illustre ce type d’interrogations quant à l’usage d’interrogations indirectes.
Des interrogations qui ne sont en réalité que des reproches auxquelles
83
Anscombre, et all., 1977, L’argumentation dans la langue, Bruxelles, Pierre Mardaga, P. 28.
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97
l’accusé (Omar Elkhayyam) doit répondre pour confirmer ou infirmer ces
accusations. En fait, les énoncés (13), (14) et (15) en sont l’exemple : il
s’agit des accusations sous forme d’interrogations envers l’accusé Omar
Elkhayyam auxquelles il devait se défendre devant le juge.
13) On t’a entendu dire : « je me rends parfois dans les mosquées
où l’ombre est propice au sommeil. »
"أ ذهب أحيانا إلى المساجد حيث الظل موات للنوم: "لقد سمعت تقول -
14) Ce ne sont pas seulement tes exploits qui se transmettent de
bouche en bouche, de bien curieux quatrains te sont attribués.
ليست مآثرك وحدها هي المتناقلة من فم إلى آخر فالناس ينسبون إليك كثيرا من الرباعيات الغريبة
15) On m’a rapporté des paroles d’une telle impiété que de les
citer, je me sentirais aussi coupable que celui qui les a proférés.
فقد نميت إلي أقوال من الكفر لو ذكرتها لشعرت بأن ذنبي يماثل ذنب قائلها
Ce sont des interrogations-reproches qui, pour être interprétés
comme des interrogations totales, nécessitent un raisonnement par
inférence. Cependant, ces interrogations ne satisfont pas les conditions
syntaxiques de l’interrogation directe ou indirecte: elles ne sont ni
marquées par un point d’interrogation à l’instar des interrogations
directes, ni introduites, à l’instar des interrogations indirectes, par des
propositions principales interrogatives contenant des verbes introducteurs
à sens interrogatifs (demander, s’interroger, savoir, etc.). Alors où
pourrions-nous classer ce genre d’interrogations ? Elles peuvent être
classées dans la catégorie des interrogations indirectes totales exigeant un
raisonnement par inférence, puisqu’elles ne se terminent pas par un point
d’interrogation. Le questionné est sensé répondre même si cette question
lui est adressée implicitement.
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En effet, vu l’absence des conditions syntaxiques relatives aux
interrogations directes et indirectes, nous sommes invités à les reformuler
de la manière qui satisfait ces conditions. L’interrogation (13) pourrait
être reformulée de la manière suivante (cf. (16)).
16) Je te demande si tu as dis : « je me rends parfois dans les
mosquées où l’ombre est propice au sommeil. ».
Ou bien par l’introduction d’un introducteur interrogatif pour que
celle-ci devient une interrogation directe (cf. (17)).
17) Est-ce que tu as dit: « je me rends parfois dans les mosquées
où l’ombre est propice au sommeil » ?
Les deux autres interrogations (14) et (15) peuvent être
reformulées de la manière suivante pour devenir des interrogations
indirectes totales répondant à toutes les conditions de celles-ci en y
introduisant une proposition principale interrogative, ainsi l’interrogation
(14) devient (17) et l’interrogation (15) devient (18):
17 ) Ce ne sont pas seulement tes exploits qui se transmettent de
bouche en bouche, je te demande si de bien curieux quatrains
t’appartiennent.
ليست مآثرك وحدها هي المتناقلة من فم إلى آخر.
اسالك ان كان صحيحا ماينسبه الناس اليك من الرباعيات الغريبة.
18) Je veux savoir si les paroles qu’on m’a rapporté, qui sont
d’une telle impiété et que de les citer, je me sentirais aussi coupable que
celui qui les a proférés, sont vrais.
اريد ان اعرف ان كان صحيحا ما نمي لي
من أقوال الكفر التي لو ذكرتها لشعرت بأن ذنبي يماثل ذنب قائلها .
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La visée et l’intension pragmatique de l’interrogation n’ont été
altérées ni lors du passage du côté lexical ni du côté sémantique du
français vers l’arabe. Ceci est dû d’une part, aux propriétés linguistiques
communes aux deux langues permettant ce genre d’interrogations, et
d’autre part à l’interlocuteur qui perçoit l’interrogation comme une
demande nécessitant une réponse et non comme une simple assertion
décrivant un état de chose.
Conclusion du chapitre La recherche des équivalences présente souvent un obstacle à la
traduction en matière d'interprétation sémantique. Nous nous demandons
alors s’il est possible, en principe, de réaliser une traduction fidèle, c'est-à-
dire de transposer dans la langue d’arrivée tout le message véhiculé par le
texte de départ. La réponse serait positive, surtout dans une traduction
comme celle que nous avons traitée, où le traducteur opte pour une
analyse minutieuse des traits sémiques pour donner l’équivalent précis des
items employés.
La première étape donc du processus traductionnel correspond à
une bonne interprétation sémantique qui permet de réécrire le texte de
façon à ce qu’il soit une création.
Une opinion générale consiste à affirmer que toute traduction
entraîne un appauvrissement sémantique du message, une entropie ou un
décalage entre le texte original et sa traduction. Ceci est dû, parait-il, au
manque d'équivalents parfaits entre les langues. Dans ce cas, le traducteur
se trouve obligé de sacrifier quelques traits sémiques qui ne sont pas
disponibles dans la langue cible mais indispensables pour la transmission
du sens général du message. C'est au sacrifice de traits stylistiques ou
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culturels que le traducteur tend le plus souvent, ce qui rend le contenu du
message plus pauvre ou même parfois faussé. Or, de tels sacrifices sont
souvent difficiles à éviter parce que les deux langues ne disposent pas de
niveaux socio-linguistiques similaires surtout lorsque le contexte l’oblige,
sinon la traduction ne pourrait être qualifiée comme réussie. En outre, la
traduction objet de notre étude infirme ce jugement : le lecteur pourrait
avoir l’impression de lire une version originale et non pas une traduction :
ceci est dû non seulement à la bonne connaissance du rituel islamique et
de la maîtrise des deux langues sur tous les niveaux, mais aussi aux choix
lexicaux du traducteur et à la nature même du sujet qui reflète une culture
proche de la culture arabe.
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CONCLUSION L’objectif premier du présent travail était d’effectuer une analyse
contrastive entre les structures interrogatives du français et de l’arabe.
Ayant choisi comme objet d’étude le roman Samarcande d’Amine
Maalouf, nous nous sommes donné un double objectif : d’un côté, relever
les divergences et les convergences d’ordre syntaxique entre les deux
textes, et voir comment les différences syntaxiques peuvent influencer sur
la traduction de telles structures. Voir d’un autre côté, si ces mêmes
structures posent des problèmes de traduction que se soit au niveau
sémantique ou au niveau pragmatique.
La linguistique contrastive inscrit l’activité traductive dans la
perspective des réflexions théoriques sur le fonctionnement des différents
systèmes linguistiques. Dans ce sens, la traduction est un moyen
pédagogique puisqu’il permet l’appropriation ou le perfectionnement
d’une langue étrangère, et l’analyse traductologique permet d’étudier des
théories, des principes et des mécanismes de la traduction. En effet, un
bon traducteur ne peut le devenir qu’après la lecture des ouvrages
traduits, ensuite, l’étude et l’analyse comparative des traductions pour
arriver enfin au stade d’effectuer des traductions. Alors, l’analyse des
œuvres traduites par des professionnels est indispensable pour pouvoir
traduire et pour que la traduction soit basée sur un savoir faire. Il convient
de noter donc l’importance pédagogique, mais aussi pragmatique, des
constants va-et-vient entre l’analyse et l’activité de la traduction : l’une se
ressourçant en permanence à partir de l’étude de l’autre.
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Nous avons montré dans le chapitre qui concerne les régularités et
irrégularités syntaxiques entre le français et l’arabe, que le français et
l’arabe ont des structures syntaxiques totalement différentes. Le français,
comme l’arabe, présente différents types d’interrogations, mais la
traduction de l’interrogation pose problème quand il s’agit de la traduction
d’une structure syntaxique qui ne trouve pas d’équivalents dans la langue
arabe, entre autres ; l’inversion de sujet, de même que le pronom indéfini
″on″, souvent utilisés dans l’interrogation en français. La différence réside
aussi dans la diversité des éléments interrogatifs et des manières
permettant d’exprimer l’interrogation en français par rapport à ceux de
l’arabe qui sont moins nombreux, le duel [mutanna] propre à l’arabe, la
traduction entre le français qui est langue temporelle et l’arabe dite langue
aspectuelle, etc. tous ces aspects syntaxiques différentiels font de la
traduction une tâche qui demande au traducteur une connaissance
syntaxique double, sinon la traduction pourrait être caractérisée par les
interférences ou le solécisme.
La traduction de l’interrogation n’altère pas la charge sémantique et
la visée pragmatique exprimées dans le texte source. Toutefois, le
traducteur s’est permis des ajouts et des abondants selon les besoins du
texte et de la langue cible. L’opération traduisante s’avère donc une
opération souple soumise aux tendances du traducteur. Dans le texte arabe
du roman Samarcande, Il s’est avéré que le traducteur a bénéficié de ce
qu’offre la langue arabe en matière d’un lexique avec des traits sémiques
plus spécifiques et précis. Ceci lui permet de produire un texte très
cohérent jouissant d’un lexique plus expressif et donne à la version
traduite une aura d’originalité parce « (qu’) on exige précisément du
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103
traducteur qu'il sache (re)composer un texte comme s'il s'agissait d'une
rédaction originale»84
En effet, une bonne connaissance des syntaxes des deux langues,
i.e. source et cible, le choix bénéfique de l’arsenal lexical, que peut offrir
toute langue, et les connaissances culturelles des communautés de
différentes langues sont des éléments majeurs susceptibles d’une
traduction digne d’une bonne qualité.
84
Delisle, J., 1984, L'analyse du discours comme méthode de traduction, Ottawa, Éditions de
l'Université d'Ottawa, PP. 217-218.
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CORPUS L’interrogation directe partielle
N° Interrogation française Interrogation arabe 1) A quel moment avait-il
basculé de la témérité dans la
démence ?
فمتى جنح ياترى من الجسارة إلى الجنون ؟
2) Et son parcours millénaire,
qui l’a interrompu, sinon
l’arrogance de mon siècle ?
ورحلته الدهرية ما الذي قطعها غير صلف
عصري أنا ؟
3) Qui es-tu donc ? من تكون ؟ رىت
4) Quel est ton nom, étranger ? ما اسمك أيها الغريب ؟
5) Et toi, qui es-tu ? وأنت من تكون ؟
6) Comment ai-je pu ne pas
reconnaître Omar, fils
d’Ibrahim Khayyâm de
Nichapour ?
كيف أمكن أال أعرف عمر بن إبراهيم ! يا هلل
الخيام من نيسابور ؟
7) Ma façon de prier ? طريقتي في الصالة ؟
8) Comment as-tu reconnu
l’imam Omar ?
كيف تعرفت على اإلمام عمر ؟
9) Où se trouve cet hôte si
généreux, que je puisse lui
adresser mes remerciements ?
أين أجد هذا المضيف السخي ألوجه إليه آيات
الشكر ؟
10) Et comment s’appelait ce
maître, que je puisse au
moins raconter ses bienfaits ?
و ما اسم هذا المولى فأستطيع على األقل أن
بأفضاله ؟أخبر
11) Comment des gens qui
placent si haut les vertus de
l’hospitalité peuvent ils se
rendre capables de violences
contre un visiteur comme
toi ?
كيف استطاع أناس يضعون فضائل الحفاوة
في أعلى المراتب أن يلحقوا األذى بزائر
مثلك ؟
12) Pourtant que faire ? و مع ذلك فما العمل ؟
13) M’as-tu donné la vraie raison
de ton refus ? هل قدمت لي السبب الحقيقي -
لرفضك؟
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14) Que restera-t-il demain des
écrits des savants ?
فما الذي يبقى بعد من أعمال العلماء ؟
15) Quel royaume a subsisté,
quelle science, quelle loi,
quelle vérité ?
أية مملكة دامت، أي قانون، أية حقيقة ؟
16) Qu’en sais-tu ? و ما أدراك؟
17) Combien de nuits le destin
leur a-t-il accordées ?
فكم ليلة أتاح لهما القدر يا ترى ؟
18) Combien crois-tu qu’il y ait
dans cette ville, à cet instant,
d’amants qui, comme nous,
se rejoignent ?
كم من عاشق وعاشقة تالقيا في ظنك مثلنا
في هذه المدينة وفي هذه اللحظة ؟
19) Combien de femmes reste-t-
il, combien d’amantes
rejoindront cette nuit
l’homme qu’elles ont choisi ?
semblablement, combien
d’hommes dorment auprès
d’une femme qu’ils aiment,
d’une femme qui se donne à
eux pour une autre raison que
celle de ne pouvoir faire
autrement?
فكم يبقى من النساء، كم من العاشقات
سيالقين الليلة الرجل الذي اخترنه؟
وبالمقارنة فكم رجال سوف ينام بقرب امرأة
يحبها، وعلى األخص بقرب امرأة تبذل له
لسبب غير عجزها عن أن تفعل غير نفسها
ذلك ؟
20) Qui sait, peut être n y a-t-il
qu’une amante, cette nuit à
Samarcande, peut être n y a-t-
il qu’un amant.
ومن يدري فقد ال يكون هناك الليلة في .
سمرقند سوى عشيقة واحدة ، سوى عشيق
واحد
21) Mais que valent les
promesses d’un vainqueur?
ولكن ما قيمة وعود المنتصر ؟
22) Que faire, comment fuir, par
quelle route ?
ما العمل، كيف الهرب، و من أي طريق؟
23) Comment pourrions-nous les
conquérir si nous perdons
notre armée, si nos hommes
نستطيع غزوها إذا نحن فقدنا جيشنا، إذا كيف
تخلى عنا رجالنا ؟
Page 106
106
nous abandonnent ?
24) Comment ose-t-il demander
en mariage la fille du Prince
des Croyants, issue de la plus
noble lignée ?
كيف يجسر على طلب الزواج من ابنة أمير
المؤمنين ذات الحسب و النسب ؟
25) que me conseilles-tu ? تنصحني ؟وبم
26) viens-en fait, parle, qu’a dit
Tughrul-Beg ?
أطرق الموضوع ، تكلم ماذا قال
بك؟"طغرل"
27) Mais où allons-nous si les
gens du commun
commencent à se mêler de
nos querelles ?
ولكن ما يكون مآلنا إذا بدأ العامة يتدخلون في
نزاعاتنا؟
28) Est-ce l’énervement extrême,
la précipitation l’embarras de
tirer à si courte distance ?
أهي سورة الهياج أم العجلة أم التحرج من
اإلطالق من مسافة بهذا القصر؟
29) C’est moi le maître du
monde ! Qui pourrait se
mesurer à moi » ?
يعدلني؟ فمنذا يستطيع أن! أنا سيد الدنيا
30) Est-il le seul à qui le vizir ait
glissé ces mots, ne l’a-t-il pas
confondu avec un autre, et
pourquoi un rendez-vous
aussi lointain, dans le temps
et dans l’espace ?
أيكون الوحيد الذي همس إليه الوزير بتلك
ولماذا كان الكلمات؟ الم يخلط بينه وبين آخر؟
موعد بهذا البعد في الزمان والمكان ؟
31) Et que peut-il me vouloir ? وماذا يمكن أن يريد مني ؟
32) Et comment lui reprocher de
prendre l’or que ses vers lui
valent ?
وكيف تالم على أخذ ذهب استحقته بشعرها؟
33) Pourquoi me le montres-tu ? لماذا ترينيه؟
34) Et qu’y a-t-il de si secret dans
ce livre, des formules
d’alchimie ?
وماذا في هذا الكتاب من أمور بهذا القدر من
السرية، معادالت كيميائية؟
35) Qu’y a-t-il , dis-moi ? ماذا هناك، قل لي.
36) Où va-t-il ? وإلى أين يذهب ؟
37) Comment ai-je pu ne pas
connaitre celui qui a composé
كيف
امكن اال اعرف من نظم هذه الرباعية
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ce robaï si plein de piété et
de dévotion :
الناضجة بالتقوى و الورع ;
38) A quoi bon braver le sort, à
quoi bon t’attirer le courroux
du prince pour une simple
femme, une veuve qui ne
t’apporterait en guise de dot
qu’une langue acrée et une
réputation douteuse ?
فما الجدوى من تحدي القدر، ما الجدوى من
أن تجر على نفسك غضب األمير لمجرد
امرأة، أرملة لن تحمل إليك من بائنة سوى
.لسان سليط وسمعة مريبة
39) Si telle est la position du
prince des croyants, pourquoi
a-t-il proposé un arrangement
en dinars ?
إذا كان هذا موقف أمير المؤمنين، فلماذا -
اقترح تسوية بالدنانير ؟
L’interrogation directe totale
40) N’est-ce pas moi, benjamin O.
Lesage, qui l’a arraché à son
Asie natale?
لوساج، من انتزعه من . ألست أنا، بنجامين ع
مسقط رأسه آسيا ؟
41) N’est ce pas dans mes bagages
qu’il s’est embarqué sur le
Titanic ?
؟" تيتانيك" الم يبحر في أمتعتي على متن ال
42) Se rend-il à la taverne, ce soir-
là, ou est-ce le hasard des
flâneries qui le porte ?
فهل كان ذاهبا إلى الحانة في ذلك المساء أم
أن صدفة التسكع هي التي حملته ؟
43) Ne vois-tu pas qu’il peut à
peine remuer les lèvres ?
أال ترى أنه يكاد يستطيع تحريك شفتيه ؟
44) Serais-tu ivre, Seigneur ? هل كنت نشوانا ؟
45) N’est-ce pas cette vision de
paradis qu’a voulu évoquer le
peintre anonyme qui, bien plus
tard, a entrepris d’illustrer le
manuscrit des Robaïyat ?
ألم يكن مشهد الجنة هذا هو الذي أراد أن
شرع بعد زمن يثيره الرسام المجهول عندما
" الرباعيات " طويل في تزويد مخطوط
بالرسوم المعبرة ؟
46) N’est-ce pas celle-ci encore
qu’Omar garde à l’esprit
tandis qu’on le mène vers le
quartier d’Asfizar où réside
أيضا ما أسره عمر في نفسه أوليس هذا هو
وهم يقودونه إلى حي أسفزار حيث يقيم أبو
طاهر قاضي قضاة سمرقند ؟
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Abou-Taher, le cadi des cadis
de Samarcande ?
47) N’est-il pas vrai que tu as lu
sept fois à Ispahan un
volumineux ouvrage d’Ibn-
Sina , et que, de retour à
Nichapour, tu l’as reproduit
mot à mot, de mémoire ?
أفليس صحيحا أنك قرأت في أصفهان سبع
مرات مجلدا ضخما البن سينا، و انك نقلته
لدى عودتك إلى نيسابور كلمة كلمة من
الذاكرة؟
48) Sais-tu reconnaître un ami ? أتعلم كيف تتعرف إلى صديق ؟
49) « Reconnaître un ami ? » " تتعرف إلى صديق؟"
50) Es-tu le mécréant que certains
décrivent ?
أتكون الزنديق الذي يصفه بعضهم ؟
51) L’as-tu jamais pensé ? هل خطر ذلك على بالك يوما ؟
52) Je me suis demandé : Que
reste-t-il de la ville qui
s’élevait ici jadis?
Mais que reste-t-il de leur
civilisation ?
ماذا بقي من ماذا بقي من المدينة؟ : وتساءلت
: المدينة التي كانت قائمة هنا
و لكن ما الذي يبقى من حضارتهم ؟
53) Le Calif ne t’a-t-il laissé
aucune autre directive, aucune
possibilité d’arrangement ?
ألم يدع لك الخليفة أي توجيه آخر، أي مكان
للتسوية ؟
54) Me faudra-t-il attendre d’être
vieux pour exprimer ce que je
pense ?
أينبغي أن أنتظر حتى أصبح عجوزا ألعبر
عن أفكاري ؟
55) Le cadi savait-il par ce geste,
par ces paroles, il donnait
naissance à l’un des secrets les
mieux tenus de l’histoire des
Lettres ?
القاضي يعلم أنه بهذا التصرف وتلك أكان
األقوال، كان يهب الحياة ألكثر أسرار تاريخ
اآلداب استغالقا ؟
56) Qu’il faudrait attendre huit
siècles avant que le monde ne
découvre la sublime poésie
d’Omar Khayyam, avant que
ses Robaiyat ne soient vénérés
comme l’une des œuvres les
plus originales de tous les
temps avant que ne soit enfin
و أنه كان يجب االنتظار ثمانية قرون قبل أن
يكتشف العالم شعر عمر الخيام الرفيع، و قبل
عمال أن تبجل الرباعيات على أنها أكثر األ
طرافة على مر الزمن، وقبل أن يعرف
أخيرا مصير مخطوطة سمرقند العجيب ؟
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109
connu l’étrange destin du
manuscrit de Samarcande ?
57) Puis-je espérer qu’en dépit de
tout ce qu’il a enduré, Khwajé
Omar ne gardera pas un trop
mauvais souvenir de
Samarcande ?
أرجو أال يحتفظ الخوجة عمر ذكرى هل
لسمرقند على الرغم من كل ما قاساه؟ سيئة
58) Y as-tu des parents, des amis ? ألك اقارب أو أصدقاء؟
59) Crois-tu qu’un seul homme y
graverait son nom pour
d’attirer des remerciements ?
أتظن من الممكن أن ينقش أحد اسمه على
أحدها طلبا للحمد ؟
60) Me permettriez-vous
cependant de poser une
question qui me hante l’esprit
?
و مع ذلك فهل تسمح لي بطرح سؤال يشغل
بالي ؟
61) L’éternité entière en
compagnie d’ulémas
sentencieux ?
الخلود بأسره بصحبة العلماء الوقورين ؟
62) Son père…n’avait-il pas
inauguré son règne en
tranchant une tête
abondamment enturbannée ?
أفلم يدشن أبوه عهده بقطع رأس من الرؤوس
الكبيرة العمائم ؟
63) A-t-elle été introduite par un
monarque trop soucieux de sa
respectabilité? par un visiteur
particulièrement méfiant ?
عاهل شديد التمسك بأن يحترم ؟فهل أدخلها
أم زائر شديد الحذر ؟
64) Est-ce la pauvreté qui m’a
conduite vers toi ?
أيكون الفقر هو الذي قادني إليك ؟
65) Serait-ce pour lui qu’elle aussi
tremble ?
أيكون ارتجافها هي أيضا من أجله
66) Aurais-tu oublié le proverbe
qui dit : « La mer ne connaît
point de voisins, le prince ne
connaît point d’amis »?
ليس للبحر " : أتكون قد نسيت القول المأثور
" قط من جيران، و ال لألمير قط من أصدقاء
؟
67) Belle comme cette poétesse ? حسناء كهذه الشاعرة ؟
68) L’erreur si je dis que depuis la
mort d’Ibn-Sina nul ne les
connaît mieux que toi ?
أأكون مخطئا إذا قلت إنه ما من أحد يعرفها
منذ وفاة ابن سينا خيرا منك ؟
69) Ne souhaite-t-on pas أال يتمني الناس في العادة انقضاء الصيام
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110
d’habitude que le jeûne
s’achève, que vienne le jour
de la fête ?
دوم يوم العيد ؟وق
70) Est-ce d’avoir tant pensé à
cette femme qu’il croit
maintenant l’entendre ?
أيكون قد توهم سماع صوت هذه المرأة لفرط
ما فكر فيها ؟
71) As-tu encore ton voile ? أما زلت تحتفظين بنقابك ؟
72) Les cuisses d’une vierge, est-
ce là le seul territoire pour
lequel il est encore prêt à se
battre ?
أفيكون فخذا عذراء هما الحمى الوحيد الذي
.ال يزال مستعدا للقتال من أجله
73) Sa disparition sans enfants
n’allait-elle pas plonger
l’Orient musulman dans
l’anarchie ?
ترى ألن يؤدي فقده من غير عقب إلى إغراق
سالمي في الفوضى؟الشرق اإل
74) Fuir trahir déjà attendre
encore, prier ?
أيفرون؟ أيستعجلون الخيانة؟ أيطيلون
األنظار؟ أيصلون ويدعون؟
75) Est-ce un traitement à infliger
à celui qui s’est battu comme
un homme ?
أهذه معاملة يعامل بها من قاتل قتال الرجال؟
76) As-tu vu tous ces
collaborateurs qui
l’entourent ?
أرأيت كل أولئك المعاونين الذين يحيطون به
؟
77) Suis-je si bavard d’habitude ? أأنا مهذار في العادة ؟
78) Lui en as-tu parlé depuis ? هل فاتحتها باألمر مذاك؟
79) Mais admets-tu au moins que
cette femme serait incapable
d’envisager d’autre vie que
celle de la cour ?
ولكن هل تقبل على األقل أن تكون هذه المرأة
عاجزة عن مواجهة حياة غير حياة القصر؟
80) Admets-tu que, pour toi, la vie
de cour est haïssable,
insupportable, et que tu n’y
resteras pas un instant de plus
qu’il ne faut ?
أتوافق على أن حياة البالط عندك كريهة ال
تطاق، وأنك ال تقيم فيها لحظة واحدة أكثر
مما ينبغي؟
81) Khayyam devrait être comblé-
un amant peut-il espérer plus
tendre agression ?
هل في -كان ينبغي أن تغمر الفرحة عمر
وسع عاشق أن يرجو ارق من هذا الهجوم ؟
82) C’est ce livre, n’est-ce pas ? هذا الكتاب، أ ليس كذلك ؟
83) Des poèmes interdits et
hérétiques ? Ai-je l’âme d’un
comploteur ? (Ce ne sont que
des robaïyat sur le vin, sur la
قصائد محرمة وهرطوقية ؟ هل نفسي نفس
" القصائد ليست سوى إن هذه ) متأمر ؟
عن الخمر وجمال الحياة " رباعيات
.(وغرورها
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111
beauté de la vie et sa vanité )
84) Toi, des robaïyat ? ؟"رباعيات" أنت، تكتب
85) Pourrais-tu m’en lire quelques
vers ?
هل لك أن تقرأ لي بعض األبيات؟
86) « le cadi m’a-t-il ouvert les
yeux sur la vérité, ou bien
m’a-t-il seulement voilé le
bonheur ? » songe Khayyam.
أيكون القاضي قد :" وتفكر الخيام متسائال
بصرني بالحقيقة ، أم تراه حجب عني
؟"السعادة فقط
87) Ne pourrais-tu rester chez ta
cousine à Samarcande ?
أليس في مقدورك البقاء عند قريبتك في
سمرقند؟
88) Ne voudrais-tu pas partager
ma vie ?
أال تغربين في مشاطرتي عيشي؟
89) Partager ta vie ? (Il n’y a rien à
partager !)
) !ليس هناك ما أشاطرك إياه)مشاطرتك عيشك؟ -
90) Regarde-moi, Omar, une
dernière fois ! Souviens-toi, je
suis ton amante, tu m’as aimé,
je t’ai aimé. Me reconnais-tu
encore ?
تذكر أني ! انظر ألي يا عمر نظرة أخيرة
أما زلت . خليلتك وأنك أحببتني وأني أحببتك
تعرفني ؟
91) Vraiment pas le moindre coin
pour étendre ma natte jusqu’à
l’aube ?
أليس من زاوية حقا افرش فيها حصيري
حتى الفجر؟
92) Ne devrait-il pas à son tour,
l’instant de surprise passé,
refermer ses bras sur la taille
de sa bien-aimée, la serrer,
presser sur son corps toute la
souffrance de l’éloignement,
toute la chaleur des
retrouvailles ?
أفما كان عليه وقد انقضت لحظة المفاجأة إن
بته يضم بدوره يديه حول قوام محبو
ويهصرها ويضغط على جسدها كل عذاب
الفرقة، وكل دفء اللقاء؟
L’interrogation indirecte partielle
93) Ils racontent comment, à
l’heure de la bataille, il s’est
revêtu d’un linceul blanc et
s’est parfumé aux aromates
des embaumeurs, comment il a
noué de sa propre main la
queue de son cheval ,
وأخذ الخطباء ينوهون بمآثره في جميع
المساجد، ويرون كيف ارتدى في ساعة
المعركة كفنا ابيض وتضمخ بطيوب
د بيده ذيل حصانه ،المحنطين وعق
وكيف تمكن من مفاجأة الكشافين الروس
المرسلين من البيزنطيين عند أطراف
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112
comment il a pu surprendre,
aux abords de son camp, les
éclaireurs russes dépêchés par
les Byzantins,
comment il leur a fait trancher
le nez, mais comment, aussi, il
a rendu la liberté au basileus
prisonnier.
معسكره، وكيف جدع أنوفهم، ولكن كيف
. أطلق أيضا سراح القيصر السجين
94) Peux-tu me dire si, en
introduisant des pièces d’or
dans sa bouche, et en les
retirant aussitôt, khwajé Omar
rompt le jeune ?
هل في استطاعتك أن تقول
عمر يفسد صيامه إن ”الخوجة ”لي إن كان
أدخل قطع الذهب في فمه ثم بادر إلى سحبها
؟
95) Saurais-tu pourquoi il est à
Samarcand ?
أتعرف لماذا هو في سمرقند؟
96) Sais-tu ce qui me fascine dans
les sciences ?
أتدري ما يدهشني في العلوم ؟
L’interrogation indirecte totale
97) Il regrette de l’avoir laissé
parler et se demande si ses
propos n’ont pas troublé
irrémédiablement le regard
qu’il pose sur son amante.
ويتساءل عما إذا فهو نادم على أنه تركه يتكلم
لم تكن كلماته قد عكرت بشكل ال صالح معه
.النظرة التي ينظر بها إلى عشيقته
98) Ce ne sont pas seulement tes
exploits qui se transmettent
de bouche en bouche, de bien
curieux quatrains te sont
attribués.
ليست مآثرك وحدها هي المتناقلة من فم إلى
آخر فالناس ينسبون إليك كثيرا من
.الرباعيات الغريبة
99) On t’a entendu dire : « je me
rend parfois dans les
أ ذهب أحيانا إلى المساجد : "لقد سمعت تقول
"حيث الظل موات للنوم
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113
mosquées où l’ombre est
propice au sommeil. »
100) On m’a rapporté des paroles
d’une telle impiété que de les
citer, je me sentirais aussi
coupable que celui qui les a
proférés.
فقد نميت إلي أقوال من الكفر لو ذكرتها
. لشعرت بأن ذنبي يماثل ذنب قائلها
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INDEX
A
accomplie ......................................................... 108, 109 acte ............................. 16, 47, 72, 75, 77, 78, 79, 80, 87 adverbiaux ........................ 61, 66, 68, 79, 95, 96, 97, 98 analyse 11, 12, 71, 72, 84, 85, 87, 89, 98, 100, 104, 105,
108, 110, 114, 115 arabe ..... 1, 4, 7, 8, 11, 12, 13, 14, 54, 55, 56, 58, 59, 61,
62, 63, 66, 70, 71, 77, 79, 80, 81, 87, 89, 91, 93, 94, 95, 97, 98, 99, 100, 101, 102, 103, 105, 106, 107, 108, 109, 111, 112, 113, 115, 117, 118, 119, 121, 122, 125, 126, 127, 128, 129, 143, 144, 145, 146
aspect ..... 9, 56, 57, 77, 87, 89, 102, 105, 106, 107, 108, 109, 110,
C
communicatif ............................................................. 10
communication ................. 10, 14, 15, 47, 49, 75, 85, 88 comparative ....................................................... 11, 127 compétence ............................................................... 10 contrastive .................................... 8, 11, 13, 81, 98, 127 convergences ..................................................... 11, 127 corpus . 12, 13, 89, 90, 91, 92, 93, 95, 99, 104, 105, 107,
114
D
directe ..... 6, 7, 13, 17, 18, 27, 28, 29, 30, 31, 39, 41, 45, 52, 54, 55, 58, 59, 60, 70, 79, 89, 91, 94, 101, 102, 112
divergences ..................... 11, 14, 53, 105, 111, 112, 113
Page 118
118
E
énoncé 11, 17, 27, 28, 34, 36, 37, 38, 43, 44, 46, 48, 51, 52, 53, 59, 67, 71, 72, 73, 74, 75, 77, 78, 79, 82, 95, 115,
énonciation ..................................... 16, 72, 79, 144, 145 expression ....................................... 36, 74, 79, 114, 115 expressivité .......................................................... 78, 79
F
français ..1, 11, 13, 14, 16, 17, 27, 45, 50, 58, 77, 87, 88, 89, 93, 95, 96, 98, 99, 100, 101, 102, 103, 105, 106, 107, 108, 109, 111, 112, 113, 114, 116, 118, 119,119
française 8, 10, 12, 13, 20, 27, 30, 46, 51, 52, 54, 59, 66, 79, 80, 81, 83, 84, 94, 95, 97, 98, 99, 100, 102, 103, 106, 107, 111, 112, 113, 116, 116,
G
grammaire .............. 17, 20, 48, 61, 62, 76, 89, 111, 112,
I
illocutoire .......................... 16, 46, 50, 53, 73, 74, 75, 76 inaccompli ................. 9, 56, 77, 102, 106, 107, 108, 110 indirecte ..6, 7, 13, 16, 17, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 39, 41,
45, 52, 54, 55, 56, 58, 59, 60, 63, 66, 70, 79, 89, 91, 92, 94, 102
inférence ....................... 46, 50, 53, 73, 75, 80, 120, 123 interférences ...................................... 82, 105, 112, 128 interrogatifs ... 6, 7, 8, 16, 29, 30, 39, 40, 41, 42, 53, 54,
59, 61, 62, 63, 65, 66, 67, 68, 71, 72, 73, 75, 76, 77, 78, 79, 89, 95, 96, 97, 98, 111
interrogation .... 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 24, 25, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 58, 59, 60, 62, 63, 66, 70, 71,
77, 79, 81, 87, 89, 90, 91, 92, 93, 94, 95,룐96, 97, 98, 99, 101, 102, 103, 106, 107, 109, 110, 111, 114, 115
interrogative 6, 7, 14, 15, 16, 17, 27, 28, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 40, 41, 42, 43, 45, 46, 51, 53, 54, 55, 58, 60, 62, 63, 66, 67, 70, 72, 76, 77, 94, 95, 99, 101, 102, 112, 115
intonation .. 6, 17, 18, 28, 34, 37, 38, 40, 44, 45, 46, 53, 54, 66, 72
introducteurs .... 6, 7, 30, 39, 53, 66, 79, 95, 97, 98, 123 inversion... 17, 18, 22, 24, 25, 26, 28, 30, 31, 38, 44, 45,
48, 50, 51, 89, 95, 96, 97, 98, 106, 111
L
langage .................................. 16, 30, 75, 76, 79, 87, 88, langagière................................................................... 10 langue . 4, 7, 8, 10, 12, 13, 14, 17, 30, 31, 32, 37, 39, 44,
52, 53, 54, 55, 56, 58, 59, 66, 71, 77, 79, 80, 82, 84, 85, 87, 88, 93, 94, 95, 97, 98, 100, 101, 102, 103, 105, 106, 107, 108, 111, 112, 113,
lexical .................................................. 9, 112, 114, 115, lexicologique .............................................................. 13
lexique ............................ 76, 79, 88, 103, 113, 115, 118 linguiste ..................................................................... 13 linguistique . 2, 10, 11, 13, 27, 46, 47, 50, 75, 76, 80, 81,
82, 83, 84, 86, 87, 110, 113, 118 locuteur .... 14, 15, 16, 20, 34, 35, 37, 47, 49, 50, 51, 70,
71, 72, 79, 80, 109,
M
modalité .... 8, 21, 48, 50, 54, 66, 71, 75, 76, 78, 80, 115, 114
morphosyntaxique ............................................... 13, 53 mot ................. 17, 19, 21, 28, 35, 37, 38, 61, 63, 65, 84,
N
nom .......... 18, 20, 39, 40, 41, 52, 86, 117, 117, 118, 119
P
particules .................................................. 24, 61, 70, 80 partielle . 7, 13, 17, 20, 21, 27, 28, 29, 33, 37, 38, 43, 44,
46, 48, 53, 54, 59, 60, 62, 79, 89, 90, 91, 92, 102, pédagogique ............................................................. 47, performance .............................................................. 10 performatifs ................................................... 72, 75, 80, point 6, 16, 17, 20, 28, 31, 34, 35, 36, 40, 42, 45, 53, 54,
55, 71, 79, 83, 94, 101, 106, 110, 104 pragmatique9, 11, 13, 14, 16, 53, 73, 80, 98, 98, 98, 99,
100, 100, 100, 101, 101 pronominaux ............ 61, 66, 67, 79, 95, 96, 97, 98, 111 pronoms .... 6, 7, 9, 11, 19, 24, 25, 40, 41, 53, 57, 62, 66,
79, 86, 89, 95, 96, 97, 99, 104,
Q
qualité ..................................................... 21, 24, 74, 129 question 7, 10, 14, 15, 16, 25, 27, 28, 31, 33, 34, 39, 46,
47, 48, 49, 52, 53, 59, 60, 62, 68, 71, 73, 75, 83, 86, 87, 89, 91, 92, 100, 101, 102, 102, 104, 104
questionné .............................................. 15, 49, 61, 104 questionneur ....................................................... 15, 49
S
Samarcande .. 1, 8, 12, 17, 19, 20, 21, 32, 33, 34, 37, 38, 71, 89, 89, 90, 90, 91, 91, 91,92, 94, 94, 95, 100
sémantique ..... 7, 8, 9, 11, 13, 14, 16, 46, 48, 53, 55, 71, 73, 75, 76, 82, 84, 86, 87,88, 104
sens ..... 13, 14, 15, 16, 30, 46, 49, 50, 61, 64, 67, 82, 84, 86, 87, 110, 112,
solécisme ................................................................ 106, source .......... 82, 84, 88, 89, 93, 95, 100, 101, 105, 107, structure10, 13, 14, 45, 54, 76, 77, 84, 87, 93, 102, 105,
112, 118, 118 syntaxe .............. 17, 20, 30, 46, 51, 84, 86, 87, 88, 106, syntaxique ...... 8, 11, 76, 77, 87, 95, 102, 105, 111, 112,
119, 119, 118
Page 119
119
T
totale . 6, 7, 13, 17, 18, 19, 20, 27, 28, 29, 37, 42, 43, 44, 46, 48, 53, 54, 59, 60, 62, 79, 87, 89, 90, 91, 92, 102, 104
traducteur ......... 12, 14, 82, 85, 87, 93, 95, 98, 100, 101 traduction8, 9, 10, 11, 12, 13, 81, 82, 83, 84, 85, 87, 88,
89, 93, 95, 100, 100, 104, 104 traductive ........................................................... 11, 103 traductologique.................................................... 2, 103
U
universaux................................. 8, 83, 84, 85, 86, 87, 88
V
verbe ..... 5, 18, 19, 20, 22, 23, 24, 25, 26, 28, 30, 31, 42, 44, 45, 55, 56, 57, 58, 60, 61, 71, 72, 75, 77, 78, 86, 110, 100, 100, 101, 101, 103