Crayonnez-les, coiffez-les, accessoirisez-les, fabriquez-les, trafiquez-les, perfectionnez-les, falsifiez- les et caetera. Envoyez votre production à la Rédaction, les meilleures seront publiées. Collectif HLM, collectif-hlm.blogspot.com La toison dort Kyle Broflovski n’est pas seul. Le soleil et le printemps débarquent et quelque chose de l’ordre du détail change soudain tout un homme. Les blonds sont paraît-il en voie de disparition, et les bruns imposent malgré eux leur suprématie génétique ! Mais une chose naturelle et invraisemblable vient bouleverser l’ordre établi. Après quelques semaines de non-rasage, une particularité commune vient s’immiscer dans la touffe de notre barbe tranquille : un poil roux. Bientôt un deuxième, un troisième… Ils se multiplient ? Envahissent tout l’épiderme ? Ils sont certes minoritaires mais ce sont eux que l’on remarque en un coup d’œil. Nous devenons d’un coup cible du mépris que l’on infligeait nous-mêmes aux autres. La rousseur est-elle l’absence de l’âme ? Ce poil roux qui pointe avec arrogance ne veut-il pas montrer qu’au fond les bruns n’ont pas d’âmes non plus ? Où est-ce une sorte de justice naturelle, comme si la nature faisait qu’on devenait ce qu’on déteste ? Une part de nous est notre opposé. Ce qu’on déteste réside en nous quelque part, considéré, mis en avant ou enfoui, en tout cas cela côtoie nos souvenirs et notre conscience. Le poil roux qui survient au soleil est la preuve que la nature n’a pas voulu de cette uniformité. Elle est consciente que certaines espèces disparaissent et qu’elles sont parfois remplacées. Lesquelles sont dignes d’exister même infiniment ? On ne prévoit rien, on constate. Le poil roux est la stèle d’une part de l’humanité qu’on n’aura peut-être plus l’occasion de voir dans plusieurs siècles ! Vous saviez que Ramses II était roux ? Boule et Bill aussi me direz-vous… Lucas Villon dit Timmy. Songe syrien Sous ma couverture en laine Dans la poussière d’Alcor Le sable d’Orient s’égraine Le vent de nocturne plaine Répand un sombre trésor Sous ma couverture en laine Ma respiration certaine Sait que dans le soleil d’or Le sable d’Orient s’égraine Des odeurs de chair humaine La sueur au mirador Sous ma couverture en laine A mes oreilles les chaînes Les cris de l’ancien Tadmor Le sable d’Orient s’égraine Quand le ciel pourpre dégaine Ensanglante le décor Sous ma couverture en laine Le sable d’Orient s’égraine. Elina Baseilhac Avril2012numero1 Cendres A un moment on s’est pris pour Hunter S. Thompson, Frédéric Beigbeder, Françoise Sagan, Charles Baudelaire. On a cru aux paradis artificiels, aux excès, à la drogue, la violence, les expériences un peu folles qui devaient devenir des habitudes. Et un jour on quitte l’adolescence, on se rend compte que la clope est un truc de français névrotique dans les James Bond, que la drogue, en plus d’être trop chère, est trop dangereuse. On devient subitement plus sage, on rentre dans le droit chemin, celui depuis lequel la vision des autres change, ce fameux chemin depuis lequel un hippie n’est pas un être libre mais un esclave des cartels dealers de marijuana. On murit, on a tendance à se refermer et à devenir raisonnable. Mon univers de fiction a commencé à s’effondrer à cette prise de conscience, lorsque l’attrait initial de cet adolescent à l’intérieur de la graine d’écrivain cessa de bouillonner, de vibrer pour ce monde d’alcools, de fumée et de liquides d’éther opaques dans les nuits noires. J’ai, à dire vrai, laissé mes personnages dans une brume à l’odeur tenace de whisky, liqueur lourde qui dans ma bouche de jeune adulte se faisait bien plus sèche que ce que mon esprit juvénile avait imaginé dans son absolue inconnaissance des substances inhibitrices. Un jour j’ai eu 20 ans, et au lieu de faire le tour des bars, d’écumer les fonds des lounges mon carnet à la main, j’ai passé mes nuits face à un écran où les images me coupaient de mes ailleurs littéraires, dans la molle tentation des spectacles télévisuels faciles après les journées de labeur physique. Les petits boulots de jeune futur chômeur/blogueur en communication avaient agressé le panache de mon écriture, les tournures habiles qui à force d’être usées finissaient par toutes se ressembler. J’avais la triste sensation de n’utiliser qu’un vocabulaire limité, encombré par des expressions et ensembles de mots redondants mettant un coup de frein, par l’utilisation immodérée de certains temps, à ma créativité. Ce jour là, je ne savais plus quoi écrire. Les sujets fusaient et s’écrasaient inlassablement. Je n’arrivais pas à tirer quelque chose de convenable de l’amour qui m’animait, et quand bien même aurais-je trouvé les mots que le thème en lui-même, éternel et transparent, m’aurait achevé avant même la fin d’une page. Il était devenu dur en 2011, dix ans après les tours et mes premières déceptions face au monde, dix ans après mes premiers pas au collège et quelques jours après l’annonce de la mort d’Oussama Ben Laden, de trouver un sujet prenant, quelque chose qui resterait encore lisible pour les générations futures, quelque chose impliquant une actualité qui soit déjà de l’Histoire, tant mon incapacité à créer de toutes pièces une histoire devenait anxiogène pour le rédacteur prolifique que j’avais pu être dans mes phases de création fulgurante. J’étais bloqué, à tel point que l’analyse sémiologique dénuée de toute imagination devenait un nouveau genre dans lequel je semblais bien me retrouver. Mon inactivité dans la presse était sans doute responsable de ce désastre de l’écriture, de ce vide soudain, de l’utilisation épisodique de mon clavier et de l’ouverture encore plus occasionnelle d’un dossier de traitement de texte. Et pourtant, tout en regardant la page sur laquelle j’étais en train de taper une accumulation fiévreuse de caractères, je sentais que le livre sur ma table de nuit m’avait fait comme un électrochoc. En regardant le « Bonjour Tristesse » et le regard intense d’une Sylvie Testud grimée en Sagan, j’ai compris que tout n’était pas perdu. J’avais perdu la trace d’un de mes personnages, perdu l’identité de mon premier roman, de mes premières amours littéraires, de mes polaroids. Mais aussi vrai que les gens changent sans vraiment se transformer au fond d’eux même, mon écriture effectuait une variation de forme, un aboutissement qui se soldait par un retour des compteurs à zéro. J’étais allé au bout de l’expérience des instantanés, au-delà de l’autofiction. J’arrivais à la fin d’une période, et j’éprouvais une sensation inédite, comme les peintres ont le sentiment étrange de laisser une partie de leur vie derrière la dernière œuvre de leurs périodes bleues, rouges, blanches, romantiques. D’un seul coup, mes écrits se classaient. Je voyais mes périodes : l’heroic fantasy bas de gamme du collégien ; la fougue poétique du lycéen, Rimbaud de pacotille accro aux carnets de voyage ; les sombres années d’Axel Zita et de son Journal d’un insomniaque ; les Polaroïds et leurs vertus post-traumatiques. Ici se termine un pan de mes écrits, et cher lecteur, si tu m’as suivi jusqu’ici, je te confesse que je n’ai absolument aucune idée de la route que je m’apprête à prendre. En lisant mes textes, tu as sans doute remarqué que bien souvent, je ne savais pas moi même où allait s’échouer ma chute. Mais si l’écriture m’a appris une chose, c’est que ce n’est pas la destination qui compte, mais bel et bien la route qui y mène. Mathias Alcaraz Avignon, le 10 mai 2011. flavors.me/alcaraz_mathias Nicolas Rolland NOTE INTRODUCTIVE Des figures créatives sèment leur expressivité. De leurs pinceaux et crayons, ils cultivent le papier. RectoVerso est né. Imaginé par des étudiants, RectoVerso se fraye un chemin dans l'univers éditorial. Lecteurs, armez-vous d'une plume, trempez-la dans l'encre et comblez votre fringale d'expressivité et de créativité en déversant vos mots sur RectoVerso. Vous êtes l'essence même du journal, libres de partager vos passions, vos trouvailles, vos sentiments et préoccupations selon le mode d'expressivité qui vous convient le mieux : écriture, photographie, graphisme etc. Soyez- vous même et affirmez votre style en nous envoyant vos productions sur le courriel du journal. [[email protected]] La Rédaction. Journal RectoVerso, d’après Eugénie Thévin. Les mains-fortes : Mathias Alcaraz, Elina Baseilhac, Laure Boni, Anaïs Chanon, Ronaldi Chastel, Emlyn Clément, Lucie Guiragossian, Marco Martinez, Emmanuelle Morand, Camille Molle, Anne-Laure Poulette, Anne-Sophie Poulette, Claude Poulette, Nicolas Rolland, Lucas Villon. Manœuvres graphiques de Marion Molle. Journal RectoVerso 15 rue Pommier 84000 Avignon [email protected] journalrectoverso.tumblr.com Avec le soutient d’Anne-Laure Poulette de l’association universitaire Redrum Records. Esquisse 2, Claude Poulette www.claude.poulette.free.fr. http://www.youtube.com/watch?v=nS1tEnfkk6M http://vimeo.com/15247292 http://www.youtube.com/watch?v=xyimotthwHE