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PSW32-INSERT GRAPHIQUES-C5.04.03-P5.04.00-12/7/2010 12H16--L:/TRAVAUX2/CERF/AUTORITE/AAGROUP.164-PAGE125 (P01 ,NOIR) PETER DE MEY La relecture de la pensée conciliaire sur la collégialité et la communion des Églises entre 1972 et 1983 Notre étude de l’herméneutique de Lumen gentium nous conduit à prêter attention à des périodes spécifiques de récep- tion des textes du concile. Dans la contribution suivante, j’analyserai la relecture de la pensée conciliaire sur la collégia- lité et la communion des Églises comme on la trouve dans des textes du Magistère entre 1972 et 1983, donc après la période des toutes premières années de réception du concile 1 et avant la promulgation du nouveau Code de droit cano- nique 2 . Je commence avec une étude des points de vue des papes Paul VI et Jean-Paul II sur la collégialité et la commu- nion des Églises, avec une attention particulière à leur contri- bution à l’herméneutique conciliaire. L’instruction Mysterium Ecclesiae (1973) de la Congrégation pour la doctrine de la foi se focalise plutôt sur l’infaillibilité que sur la relation entre l’Église universelle et l’Église locale. Elle contient pourtant quelques affirmations qui méritent d’être commentées. Ensuite je me tourne vers les rencontres du synode des évêques dans cette période. À mon avis, nous pouvons passer outre au travail de la Commission théologique internationale à cette époque. En effet, la commission réalisa une recherche 1. Voir J. FAMERÉE, « Les premières interprétations de « Lumen gentium » : enjeux pour l’herméneutique conciliaire actuelle », dans Ph. BORDEYNE et L. VILLEMIN (dir.), Vatican II et la théologie. Perspectives pour le XXI e siècle, Paris, Éd. du Cerf, coll. « Cogitatio Fidei », 254, 2006, p. 37-59 et son article dans ce volume. 2. La période suivant la promulgation du Code est traitée par Gilles Routhier. Voir, outre sa contribution à ce recueil, G. ROUTHIER, « L’Assem- blée extraordinaire de 1985 du synode des évêques : moment charnière de relecture de Vatican II dans l’Église catholique », ibid., p. 61-88.
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La relecture de la pensée conciliaire sur la collégialité et la communion des Églises entre 1972 et 1983

May 02, 2023

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Sophie Dufays
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PETER DE MEY

La relecture de la pensée conciliairesur la collégialité

et la communion des Églisesentre 1972 et 1983

Notre étude de l’herméneutique de Lumen gentium nousconduit à prêter attention à des périodes spécifiques de récep-tion des textes du concile. Dans la contribution suivante,j’analyserai la relecture de la pensée conciliaire sur la collégia-lité et la communion des Églises comme on la trouve dansdes textes du Magistère entre 1972 et 1983, donc après lapériode des toutes premières années de réception du concile 1

et avant la promulgation du nouveau Code de droit cano-nique 2. Je commence avec une étude des points de vue despapes Paul VI et Jean-Paul II sur la collégialité et la commu-nion des Églises, avec une attention particulière à leur contri-bution à l’herméneutique conciliaire. L’instruction MysteriumEcclesiae (1973) de la Congrégation pour la doctrine de la foise focalise plutôt sur l’infaillibilité que sur la relation entrel’Église universelle et l’Église locale. Elle contient pourtantquelques affirmations qui méritent d’être commentées.Ensuite je me tourne vers les rencontres du synode desévêques dans cette période. À mon avis, nous pouvons passeroutre au travail de la Commission théologique internationaleà cette époque. En effet, la commission réalisa une recherche

1. Voir J. FAMERÉE, « Les premières interprétations de « Lumengentium » : enjeux pour l’herméneutique conciliaire actuelle », dansPh. BORDEYNE et L. VILLEMIN (dir.), Vatican II et la théologie. Perspectivespour le XXIe siècle, Paris, Éd. du Cerf, coll. « Cogitatio Fidei », 254, 2006,p. 37-59 et son article dans ce volume.

2. La période suivant la promulgation du Code est traitée par GillesRouthier. Voir, outre sa contribution à ce recueil, G. ROUTHIER, « L’Assem-blée extraordinaire de 1985 du synode des évêques : moment charnière derelecture de Vatican II dans l’Église catholique », ibid., p. 61-88.

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ecclésiologique substantielle sur L’Apostolicité de l’Église et laSuccession apostolique 1 et sur Magistère et théologie 2 (1975),mais c’est seulement en 1984 que le document Thèmes choisisd’ecclésiologie à l’occasion du vingtième anniversaire de la clôturedu concile Vatican II portera une attention particulière sur lerapport entre les Églises particulières et l’Église universelle 3.Je terminerai par une analyse du « Directoire sur le ministèrepastoral des évêques, Ecclesiae imago ».

L’herméneutique conciliaire dans l’enseignementdes papes Paul VI et Jean-Paul II.

Paul VI.

Que pouvons-nous retenir des réflexions de Paul VI et deson successeur au cours de la période qui nous occupe ? Onsait que le pape Paul VI ne publia plus d’autre encycliqueaprès Humanae vitae. Pourtant, au cours de ses audiencesgénérales hebdomadaires, il a souvent abordé un thème ecclé-siologique pour nourrir ses réflexions. Pour lui, l’ecclésio-logie est « le chapitre de la théologie qui est d’actualité 4 ». Ildéplorait cependant que les fidèles aient apparemment perdude l’intérêt pour ce thème 5.

Le pape aime réfléchir sur le mystère de l’Église à l’occa-sion de la Pentecôte, qu’il appelle « l’anniversaire de l’Église ».La commémoration du martyre de saint Pierre, le 29 juin, estaussi une occasion pour le pape de réfléchir sur sa vocation.Il est convaincu que le successeur de Pierre est le centre del’Église catholique, et qu’il a reçu la charge de rassembler lemonde entier en Jésus-Christ. Il n’a pas peur de reprendre àson compte ce fameux dicton de saint Ambroise : « Ubi Petrus,ibi Ecclesia 6. »

1. COMMISSION INTERNATIONALE THÉOLOGIQUE, L’Apostolicité de l’Église etla Succession apostolique (1973), dans Textes et Documents (1969-1985), Paris,Éd. du Cerf, 1988, p. 64-84. Le document comprend un paragraphe finalimportant sur les « Éléments pour une évaluation des ministères noncatholiques ».

2. Ibid., p. 136-153.3. Ibid., p. 323-362. Voir spécialement § 5, « Églises particulières et Église

universelle ».4. Audience générale du 21 juillet 1976.5. Audience générale du 5 juin 1974.6. Audience générale du 17 janvier 1973 : « Pietro, la base, il centro, il prin-

cipio costitutivo dell’edificio, il servitore, il pastore della umanità autenticamente

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C’est spécialement vers la fin de son pontificat que le papeconsacra toute une série d’audiences aux thèmes ecclésiolo-giques. Au cours de l’été de l’année 1976, il réfléchit pendantdes mois sur la question de l’édification de l’Église. Le pointde départ biblique de ses réflexions fut le texte pétrinien deMt 16, 18, mais le pape était véritablement conscient du faitque le Christ est « en un certain sens, le seul bâtisseur de sonédifice 1 ». L’été suivant, il revint infatigablement 2sur le thèmedes notae Ecclesiae. Contrairement à son successeur, Paul VIne cachait pas les noms des théologiens qui l’inspiraient dansses écrits. Bien que le pape ait aussi manifesté un intérêt pourles œuvres de ses contemporains – il cite, par exemple, leslivres que Congar a publiés après le concile –, il y a beau-coup plus de références aux ouvrages ecclésiologiques anté-rieurs au concile Vatican II. Parmi ses ouvrages préférés,citons Méditations sur l’Église d’Henri de Lubac, L’Église duVerbe incarné de Charles Journet, et L’Église est une commu-nion de Jérôme Hamer. En 1977, il cite encore Journet pour

collegata con Cristo stesso. Sç, voi venite da noi, perché credete e sapete che qui èla Chiesa, nella sua espressione più genuina e caratteristica, come disseS. Ambrogio : ubi Petrus, ibi Ecclesia, dove è Pietro, ivi è la Chiesa (In Ps. 40,30 ; PL 14, 1082). » Pendant l’audience générale du 2 juillet 1975, il exhorteles pèlerins à visiter Rome pendant l’année sainte : « venite a Roma, dove lememorie apostoliche e la sede del successore di Pietro segnano non soltanto uncentro topografico, geografico, storico della Chiesa cattolica, ma un mistero di unitàe di universalità, di coerenza storica (l’apostolicità) e di vitalità religiosa autentica(la santità), mistero che racchiude e al tempo stesso manifesta una permanente edoperante presenza di Cristo nella storia, nella Chiesa stessa cioè, e nel mondo. »Déjà dans son encyclique Ecclesiam Suam (1964), le pape défendait la valeurde la primauté contre ceux qui suggéraient de l’abandonner en vued’améliorer les relations avec d’autres Églises : « Certains ne disent-ils pasque si la primauté du pape était écartée, l’union des Églises séparées avecl’Église catholique serait plus facile ? Nous voulons supplier les frèresséparés de considérer l’inconsistance d’une telle hypothèse ; et non seule-ment parce que sans le pape l’Église catholique ne serait plus telle, maisparce que l’office pastoral suprême, efficace et décisif de Pierre venant àmanquer dans l’Église du Christ, l’unité se décomposerait ; et on chercheraiten vain ensuite à la recomposer sur des principes qui remplaceraient le seulprincipe authentique, établi par le Christ lui-même : “Il y aurait dans l’Égliseautant de schismes qu’il y a de prêtres”, écrit justement saint Jérôme (Dial.contra Luciferianos, nº 9 ; PL 23, 173). Et il faut aussi considérer que ce pivotcentral de la sainte Église ne veut pas constituer une suprématie d’orgueilspirituel et de domination humaine, mais une supériorité de service, deministère et d’amour. »

1. Audience générale du 14 juillet 1976.2. Jusqu’à presque s’excuser pour cela : « Di che cosa possiamo, di che cosa

dobbiamo parlarvi ? Della Chiesa, ancora e sempre della Chiesa ! » (audiencegénérale du 25 août 1977).

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enseigner que l’unité, la sainteté, la catholicité et l’apostolicitéde l’Église sont les « causes essentielles d’où l’Église puise savie transcendante 1 ». Il n’est donc pas surprenant que le corpsmystique du Christ demeure son image préférée pour décrirela nature de l’Église 2, quoiqu’il soutienne en principe la plura-lité doctrinale de l’Église catholique 3. Cependant, le pape estbien conscient du fait que ce corps mystique est aussi enrichipar les dons du Saint-Esprit. En ce sens, il y a également unedimension pneumatologique dans son ecclésiologie beaucoupplus centrée sur le Christ 4.

Dans Lumen gentium, le plaidoyer pour la légitime plura-lité des expressions théologique, liturgique, spirituelle et cano-nique de la foi catholique au sein des Églises particulières estintimement lié à la compréhension de la catholicité. À cetégard, LG 13 constitue un paragraphe important. Au départ,

1. Audience générale du 17 août 1977.2. Voici un exemple : « noi, noi siamo Chiesa, la Chiesa, il corpo storico, visi-

bile ed insieme spirituale e trascendente la nostra scena storica, il Corpo mistico diCristo ! » (audience générale du 7 juillet 1976). Dans ses réflexions ecclésio-logique de l’été 1976, il fait référence à l’Église comme corps mystique duChrist presque chaque semaine, en reprenant ainsi les idées de sa premièreencyclique Ecclesiam Suam. Un des avantages de ce modèle, dans l’opiniondu pape, est que l’attention va surtout à la présence du Christ dans l’Église.Le pape défend le rôle de la hiérarchie en se référant au Christ : « par cecanal béni, le Christ répand dans ses membres mystiques les communica-tions merveilleuses de sa vérité et de sa grâce et confère à son Corpsmystique, pèlerin dans le temps, sa structure visible, sa noble unité, le carac-tère fonctionnel de son organisme, sa variété harmonieuse, sa beauté spiri-tuelle » (ES 39).

3. Audience générale du 28 août 1974 : « Potremmo paragonare il pluralismodottrinale della Chiesa cattolica a quello d’un’orchestra musicale, nella quale lapluralità degli strumenti e la diversità delle loro parti rispettive cospirano a produrreuna sola e mirabile armonia. »

4. Voir sa réflexion pendant l’audience générale du 1er juin 1977 : « Noiabbiamo celebrato la grande festa di Pentecoste. Perché grande ? […] Grandeperché inaugura la religione nuova, la religione dello Spirito, una nuova forma dirapporti fra la Divinità e l’umanità, e grande perché è questa missione dello SpiritoSanto che dà vita alla Chiesa, al Corpo mistico di Cristo. » Dans son audiencedu 3 août 1977, le pape exprime son désaccord avec la tendance à vouloirabandonner l’église institutionnelle en faveur d’une Église purement charis-matique. En même temps, cependant, il insiste sur le fait que l’aspect pneu-matologique formerait une charactéristique de l’Église institutionnellemême : « Quale Chiesa infatti ha fondato Gesù ? Gesù ha fondato la sua Chiesasu Pietro, su gli Apostoli, non altre. Non esistono diverse Chiese ; piena e perfetta,nella sua concezione, ne esiste una sola. Ed è a questa Chiesa che Gesù hamandato lo Spirito Santo, affinché la Chiesa istituzionale viva dell’animazionedello Spirito Santo, e dello Spirito Santo sia custode e ministra. I carismi, cioè idoni speciali che lo Spirito infonde anche nei fedeli, sono a profitto dell’unicaChiesa esistente e per la sua dilatazione nel mondo ; come si sa (cf. 1 Co 12). »

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ce texte se focalise exclusivement sur la mission universellede l’Église. Cependant, en 1964, une deuxième section futajoutée à ce paragraphe traitant de la catholicité de l’Égliseentendue comme une unité dans la diversité. CommentPaul VI comprend-il la catholicité ? Dans son allocution duNouvel An au corps diplomatique, en 1976, il est clair quele pape considère la catholicité et l’universalité comme syno-nymes, néanmoins cette universalité inclut les relations decommunion de l’Église catholique avec le monde entier :

L’Église s’est présentée avec le visage que le concile Vatican II avoulu proposer avec une pureté retrouvée : non pas repliée sur elle-même, ou à la recherche jalouse d’affirmations propres, mais – touten veillant avec soin à l’intégrité de son dépôt doctrinal et à l’authen-ticité de son témoignage – ouverte à de bonnes relations avec lesautres confessions chrétiennes et même avec les autres religions. […]Une Église, donc, vraiment « catholique », c’est-à-dire universelle :une Église de tous, même de ceux qui ne lui appartiennent pas, maisqui peuvent trouver en elle la parole de l’amitié, de la fraternité, dela paix 1.

L’ecclésiologie catholique contemporaine – et surtout Jean-Marie Tillard avec son chef-d’œuvre L’Église locale : ecclésio-logie de communion et catholicité 2 – s’est surtout inspirée de laréflexion orthodoxe sur ce thème. Le point de départ de laréflexion sur la notion de catholicité dans la théologie ortho-doxe est le fameux vers dans la lettre de saint Ignace d’Anti-oche à la communauté de Smyrne qui contient la plusancienne occurrence de l’expression kaqolikh\ e)kklhsi/a :« Où est l’évêque, que le peuple soit là, justement comme oùest Jésus-Christ, là est l’Église catholique 3 » (8, 2).

Dans une note, l’éditeur de la traduction que j’ai consultéeindique à ses lecteurs que « catholique veut dire, bien sûr,universel, comme opposé à individuel, particulier 4 ». C’étaitl’opinion de la plupart des théologiens catholiques. L’interpré-tation courante ne considère pas la communauté « locale »,rassemblée autour de l’évêque. Cependant, le vers précédentprésente l’évêque comme ministre ordinaire de l’eucharistie :

1. Discours du pape Paul VI au corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège,12 janvier 1976.

2. J.-M.-R. TILLARD, L’Église locale : ecclésiologie de communion et catholi-cité, Paris, Éd. du Cerf, coll. « Cogitatio Fidei », 191, 1995.

3. The Epistles of St. Clement of Rome and St. Ignatius of Antioch, West-minster, The Newman Bookshop, coll. « Ancient Christian Writers », 1,1946, p. 93.

4. Ibid., p. 141.

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« Est considérée comme valide la célébration de l’Eucharistietenue par l’évêque ou quiconque y est délégué par lui » (8,1). Là où la communauté locale se rassemble autour del’évêque pour l’assemblée eucharistique, le Christ est aumilieu d’eux et, par conséquent, cette communauté méritel’épithète de « catholique 1 ».

Le pape Paul VI renvoie à ce texte fondamental dans une deses réflexions sur les notae Ecclesiae, qu’il présenta au coursde l’été de l’année 1977. Le pape reste convaincu que lacatholicité devrait être partiellement expliquée en recourantà l’universalité du corps visible de l’Église, mais au mêmemoment il reconnaît que l’Esprit permet à ce corps dedemeurer un, en lui octroyant la variété de ses dons. Paul VIconclut que « catholicité » réfère à la fois au « catholicisme » età l’« unité 2 ».

Le pape réfléchit également au rapport entre les Égliseslocales et l’Église universelle. Il s’oppose à une conceptionpurement spirituelle de l’Église, qui doit être complétée par lastructure hiérarchique de l’Église. Tout de même, il insiste surle fait que l’Église universelle est un « rassemblement d’Égliseslocales, qui sont toutes conscientes d’être en communion 3 ».

On trouvera l’enseignement le plus substantiel de Paul VIsur l’interaction du local et de l’universel dans les para-graphes 61 à 65 de l’exhortation apostolique post-synodaleEvangelii nuntiandi (1975). Cette section commence par uneréflexion de caractère solennel sur l’universalité de l’Église :

À ce stade de notre réflexion, Nous nous arrêterons avec vous,Frères et Fils, sur une question particulièrement importante de nosjours. Dans leurs célébrations liturgiques, dans leur témoignagedevant les juges et les bourreaux, dans leurs textes apologétiques,les premiers chrétiens exprimaient volontiers leur foi profonde dansl’Église en la désignant comme répandue par tout l’univers. [61.]

Cependant, le pape explique immédiatement après que c’estseulement à travers son incarnation dans les Églises particu-lières que l’Église universelle peut être rencontrée.

Néanmoins cette Église universelle s’incarne de fait dans lesÉglises particulières constituées, elles, de telle ou telle portion

1. Voir P. DE MEY, « Is the Connection of “Catholicity” and “Globali-zation” Fruitful ? An Assessment of Recent Reflections on the Notion ofCatholicity », ET Bulletin, 13 (2002), p. 169-181.

2. Audience générale du 3 août 1977.3. Audience générale du 18 août 1976.

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d’humanité concrète, parlant telle langue, tributaire d’un héritageculturel, d’une vision du monde, d’un passé historique, d’un substrathumain déterminé. L’ouverture aux richesses de l’Église particulièrerépond à une sensibilité spéciale de l’homme contemporain. [62.]

En outre, la mise en garde suivante aurait été inspirée parl’instruction Mysterium Ecclesiae (1972) sur laquelle se focali-sera notre attention plus loin. « Gardons-nous bien de conce-voir l’Église universelle comme la somme, ou, si l’on peut dire,la fédération plus ou moins hétéroclite d’Églises particulièresessentiellement diverses. » D’après l’exégèse du pape, cet aver-tissement comporte deux dimensions : aucune Église particu-lière ne peut entièrement être auto-référentielle et sans contactavec l’Église universelle, mais celle-ci à son tour « deviendraitune abstraction si elle ne prenait pas corps et vie précisé-ment à travers les Églises particulières 1 ». Dans le paragraphequi suit, le pape applique sa réflexion générale sur l’universa-lité de l’Église bien comprise à la tâche concrète d’évangéli-sation qui est d’ailleurs le thème central de son exhortation.Il considère comme une importante tâche pour les Églisesparticulières « d’assimiler l’essentiel du message évangélique,de le transposer, sans la moindre trahison de sa vérité essen-tielle, dans le langage que ces hommes comprennent, puis del’annoncer dans ce langage » (EN 63). Le pape relève cinqdomaines dans lesquels la tâche de « transposition » nécessited’être accomplie : « le domaine des expressions liturgiques, dela catéchèse, de la formulation théologique, des structuresecclésiales secondaires, des ministères » (ibid.). Il y a undouble risque dans ce travail : si les Églises particulières neprennent pas cette tâche au sérieux, le message de l’Évangileperdra « sa force et son efficacité ». De même, si la traductionmanque de considération pour l’intégrité du message, alors« l’évangélisation risque de perdre son âme ». Tout comptefait, la perte de l’universalité et de l’unité de l’Église catholiquepeut être en jeu.

Mais d’autre part, l’évangélisation risque de perdre son âme et des’évanouir si l’on vide ou dénature son contenu, sous prétexte de le

1. EN 62 : « Ainsi, chaque Église particulière qui se couperait volontai-rement de l’Église universelle perdrait sa référence au dessein de Dieu ; elles’appauvrirait dans sa dimension ecclésiale. Mais par ailleurs, l’Église totoorbe diffusa deviendrait une abstraction si elle ne prenait pas corps et vieprécisément à travers les Églises particulières. Seule une attention perma-nente aux deux pôles de l’Église nous permettra de percevoir la richesse dece rapport entre Église universelle et Églises particulières. »

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traduire ; si, voulant adapter une réalité universelle à un espace local,on sacrifie cette réalité et on détruit l’unité sans laquelle il n’y apas d’universalité. Or, seule une Église qui garde la conscience deson universalité et montre qu’elle est en fait universelle peut avoirun message capable d’être entendu par tous, au-delà des limitesrégionales.

À ce point, le pape parle de nouveau comme écclésiologueet souligne qu’une « légitime attention aux Églises particulièresne peut qu’enrichir l’Église » (EN 63) à condition cependant :« que les Églises particulières gardent leur ouverture profondeà l’Église universelle » (EN 64). Le pape utilise même un argu-ment psychologique :

Les chrétiens les plus simples, les plus fidèles à l’Évangile, les plusouverts au véritable sens de l’Église, ont une sensibilité toute spon-tanée à l’égard de cette dimension universelle, ils en sentent instinc-tivement et très fortement le besoin, ils se reconnaissent facilementen elle, vibrent avec elle et souffrent au plus profond d’eux-mêmeslorsque, au nom de théories qu’ils ne comprennent pas, on lescontraint à une Église dépourvue de cette universalité, Église régio-naliste, sans horizon. [EN 64.]

Le pape fait également référence à l’histoire de l’Église pourindiquer que les tentatives de renforcer les Églises particu-lières au point de les couper de l’Église universelle abouti-rent à un « isolationnisme » ou une « perte de liberté 1 ». Lepape conclut donc que les Églises particulières peuvent mieuxaccomplir cette œuvre de traduction et seront plus fidèles àla tâche d’évangélisation, si elles demeurent en communionétroite avec l’Église universelle.

Plus une Église particulière est attachée par des liens solides decommunion à l’Église universelle – dans la charité et la loyauté, dansl’ouverture au Magistère de Pierre, dans l’unité de la Lex orandi qui

1. EN 64 : « Comme l’histoire le démontre d’ailleurs, chaque fois que telleou telle Église particulière, parfois avec les meilleures intentions avec desarguments théologiques, sociologiques, politiques ou pastoraux, ou mêmedans le désir d’une certaine liberté de mouvement ou d’action, s’est coupéede l’Église universelle et de son centre vivant et visible, elle n’a échappé quetrès difficilement – si tant est qu’elle y ait échappé – à deux dangers égale-ment graves : danger, d’une part, de l’isolationnisme desséchant, et puis, àcourt terme, de l’effritement, chacune de ses cellules se séparant d’ellecomme elle s’est séparée du noyau central ; et d’autre part danger de perdresa liberté, lorsque, coupée du centre et des autres Églises qui lui communi-quaient force et énergie, elle se trouve livrée, seule, aux forces les plusdiverses d’asservissement et d’exploitation. »

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est aussi Lex credendi, dans le souci de l’unité avec toutes les autresÉglises qui composent l’universalité – plus cette Église sera capablede traduire le trésor de la foi dans la légitime variété des expres-sions de la profession de foi, de la prière et du culte, de la vie etdu comportement chrétiens, du rayonnement du peuple dans lequelelle s’insère. Plus aussi elle sera vraiment évangélisatrice, c’est-à-direcapable de puiser dans le patrimoine universel pour en faire profiterson peuple comme de communiquer à l’Église universelle l’expé-rience et la vie de ce peuple, au bénéfice de tous. [EN 64.]

À la fin de cette section d’Evangelii nuntiandi, le paperetourne au niveau universel de l’Église et souligne que « laresponsabilité revient à l’évêque de Rome, ensemble avec sesfrères évêques, d’évaluer si les résultats du travail de traduc-tion demeurent fidèles au contenu (dépôt) de la foi catho-lique » (EN 65).

Il y a un tout dernier point dans les réflexions de Paul VIsur la collégialité et la communion des Églises que je n’ai pasencore mentionné. Ce n’est pas une surprise que le pape quia organisé le premier synode des évêques dans l’histoire del’Église catholique en fasse régulièrement l’éloge dans sesdiscours. Le pape considère le synode comme un instrumentutile de collaboration, bien qu’il évite dans les textes que j’airetrouvés de se référer explicitement à la collégialité 1.

Jean-Paul II.

À présent nous allons focaliser notre analyse sur les décla-rations importantes sur la collégialité du pape Jean-Paul II aucours des cinq premières années de son pontificat. Il est

1. Voir audience générale du 4 octobre 1977 : « Il sinodo dei Vescovi, comesapete, è riunito in questi giorni a Roma, nella Città del Vaticano ; dura circa unmese, il mese di ottobre. Ma che cosa è questo Sinodo ? è una istituzione nuova,sorta dal Concilio Vaticano secondo. Si tratta d’una riunione di Vescovi, sceltidalle Conferenze Episcopali locali, in rappresentanza di tutto l’Episcopato delmondo, per collaborare col Papa, per via d’informazione e di consiglio, alla dire-zione della Chiesa intera. » Les mêmes idées reviennent dans son adresse aucollège des cardinaux le 22 décembre 1977 : « E soprattutto riconosciamoancora una volta la validità dell’istituzione del Sinodo dei Vescovi, auspicata dalConcilio Vaticano secondo, da noi prontamente realizzata, e sostenuta alacrementeda tutti i nostri Fratelli nell’Episcopato ; essa, dopo l’esperienza di questi anni, sidimostra insostituibile strumento di collaborazione ; miniera doviziosa di informa-zioni e di temi sui problemi più scottanti, come si ama dire oggi, della pastoraleecclesiale, presentata alla nostra attenzione e al nostro ministero universale ;nonché felice formula di incontro tra i Vescovi per lo studio congiunto delle questionie per la programmazione tempestiva e meditata di un’azione a livello mondiale,veramente corrispondente alle necessità dell’oggi. »

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intéressant cependant de nous arrêter brièvement à unouvrage que le cardinal Wojtyla publia en 1972 afin depréparer le diocèse de Cracovie à la célébration d’un synodediocésain. Il s’agit du livre Au sources du renouveau. Étude sur lamise en œuvre du concile Vatican II 1. Ce fut un objectif majeurpour le cardinal de s’assurer que les fidèles de son diocèsepuissent mieux connaître et comprendre l’enseignement duconcile Vatican II. Il y cite donc plusieurs textes conciliaireset, après chaque citation, plutôt que de produire un commen-taire savant, il essaie de résumer la valeur pastorale de ce quia été dit 2.

À l’instar de notre exposé sur Paul VI, il me semble d’ungrand intérêt de considérer la conception de la catholicité deWojtyla. Le cardinal est conscient de la différence entre lapartie qui ouvre LG 13 et sa suite. Concernant la première,il laisse entendre : « “Catholicité” signifie universalité del’Église […]. L’extension de cette universalité que constitue lacatholicité reste un devoir pour l’Église 3. » Se rendant compteque l’enseignement du concile ne se limite pas là, le cardinalpoursuit :

Toutefois, cette première signification de la catholicité de l’Églisea été complétée, dans l’enseignement conciliaire, par une autre signi-fication encore qui nous permet de concevoir l’universalité del’Église non seulement dans son extension, mais aussi du point devue de la qualité, c’est-à-dire de ce type d’union et d’unité qui estpropre à l’Église comme Peuple de Dieu.

Cela est expliqué plus loin d’une façon personnaliste :

Le genre d’union et d’unité propre à l’Église comme Peuple deDieu, composé des hommes en tant que personnes, correspond aucaractère essentiellement personnel de la communauté d’hommes-personnes tout entière, porte en soi et détermine le profil desrapports interpersonnels. Car, tout comme les personnes se trouventelles-mêmes par le don de soi, dans cette relation interpersonnelleque nous appelons communio, ainsi chacune des « parties » se trouve ets’affirme elle-même dans la communauté de l’Église, dans la mesure où

1. Karol WOJTYLA/JEAN-PAUL II, Aux sources du renouveau. Étude sur lamise en œuvre du concile Vatican II, Paris, Centurion, 1981.

2. Ibid., p. 114 : « Il a été clairement précisé, dès le début, que la présenteétude ne voulait pas être un commentaire, mais bien une sorte de vademecumconciliaire, à l’aide duquel, en ordonnant toute la richesse doctrinale duconcile Vatican II, nous cherchons à tracer les voies de l’enrichissement dela foi qui partent de lui pour aller vers le futur. »

3. Ibid., p. 111.

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chacune « apporte aux autres et à l’Église tout entière le bénéfice de sespropres dons ». La réalité que nous appelons communio correspond,dans ce cas, non seulement à une communauté de personneslimitées mais aussi au peuple tout entier, et cette communauté tireson origine de l’Esprit de Dieu et de ce qui constitue l’essence de lapersonne. Et c’est alors par le don que chaque partie fait aux autreset à toute l’Église, qu’aussi bien l’Église prise comme un ensemble,que chacune des parties « s’accroissent ». Et tout cela découle de lacatholicité, en est l’expression et le fruit. Si la catholicité, c’est bienl’universalité, alors dans ce cas nous ne l’entendons pas dans un sensextensif, mais plutôt intensif. Par le don, le bien d’une partie devient enquelque sorte le bien de tous et acquiert une dimension universelle 1.

Dans son livre, Wojtyla commente aussi la collégialité et lacommunion des Églises en réfléchissant sur LG 22 et 23 :

Le principe de collégialité détermine en soi le mode d’exercice del’autorité dans l’Église, tel qu’il fut institué par le Christ lui-même.En même temps, ce principe exprime indirectement la réalité proprede l’Église comme koinonia. En effet, une Église universelle existe enplusieurs Églises particulières. Les évêques, successeurs des Apôtres,par leur union au successeur de Pierre, évêque de Rome, exprimentcette multiplicité qui est à la fois unité, universalité et « particularité ».C’est en cela que se révèle l’essence de la « communion » de l’Églisecomme communauté et Peuple de Dieu sur la terre, dont nous avonsdéjà parlé. Le Peuple de Dieu, c’est l’Église : communio Ecclesiarum,qui se constitue par la « communion » des évêques-pasteurs 2.

Les premiers textes qu’un pape prononce contiennent tradi-tionnellement des déclarations programmatiques importantes.Le premier message radio Urbi et orbi que le pape Jean-Paul II prononça, le 18 octobre 1978, contient l’engagementà promouvoir « le lien collégial qui unit les évêques avec lesuccesseur de Pierre ». Pareilles relations collégiales sontnécessaires, pour que les évêques accomplissent leur chargeprophétique, sacerdotale et royale. Le pape promet spéciale-ment de poursuivre les efforts de Paul VI en convoquant régu-lièrement le synode des évêques. Toutefois, ce messagecontient également des réflexions générales importantes surl’herméneutique du concile Vatican II. Le pape est convaincuque « le concile n’est pas seulement à trouver dans les docu-ments et n’est pas fini avec les initiatives à réaliser, prisesquelques années après le concile ». Le pape considère commesa tâche de s’assurer que

1. Ibid., p. 112.2. Ibid., p. 124.

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la mentalité des fidèles s’adapte au concile, afin que ses décisionssoient mises en pratique et que celles qui peuvent être lues entreles lignes ou tenues implicitement en elles, puissent être élaborées,en prenant en compte les expériences déjà mises en route depuislors ainsi que les nouveaux défis qui sont fournis par la situationactuelle 1.

La première encyclique du pape remplit la même fonction.Dès lors, il est remarquable que Redemptor hominis (1979)consacre une fois de plus un important paragraphe au thème« collégialité et apostolat ». Le Saint-Père explique le fait que« l’Église est maintenant plus unie dans la communautéde service et dans la conscience d’apostolat » en référence àl’enseignement et à la pratique de la collégialité. Le paperenvoie spécialement à la création du synode des évêquescomme « organe permanent de collégialité », mais aussi auxconférences épiscopales et aux synodes diocésains, provin-ciaux et nationaux.

Lorsque le pape parle de la collégialité, non seulement dansson encyclique Redemptor hominis mais aussi en d’autres occa-sions dans ses premières années de pontificat, il est intéressantde constater qu’il ne fait jamais la distinction entre collégialitéeffective et affective.

Au cours de la rencontre des évêques d’Europe, le19 décembre 1978, le pape loue les rencontres continentalesdes évêques également comme un instrument de collégialité,tant que l’autorité de chaque évêque et celle des conférencesépiscopales est respectée et, tant qu’ils opèrent en communionavec le siège de Rome.

C’est l’une des façons d’incarner la collégialité dans le cadre delaquelle l’enseignement du concile Vatican II peut porter tous sesfruits. La collégialité signifie ouverture réciproque et coopérationfraternelle des évêques au service de l’évangélisation, de la missionde l’Église. Une ouverture et une coopération de ce genre sontnécessaires, non seulement au niveau des Églises locales et del’Église universelle, mais aussi au niveau des continents, comme entémoignent la vitalité d’autres organismes régionaux – même si lesstatuts sont un peu différents – tels que le Conseil épiscopal latino-américain (CELAM), le Symposium des conférences épiscopalesd’Afrique et de Madagascar (SCEAM) ou la Fédération des confé-rences des évêques d’Asie (FABC), pour ne citer que ces grandesassemblées. Le pape et le Saint-Siège se font un devoir de promou-voir de tels organismes, aux divers échelons de coopération

1. Ibid., p. 124.

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collégiale, étant entendu que les instances régionales ou continen-tales ne se substituent pas à l’autorité de chaque évêque ni dechacune des conférences épiscopales pour ce qui est des décisions,et qu’elles situent leur recherche dans le cadre des orientations plusgénérales du Saint-Siège, en liaison étroite avec le successeur dePierre.

En avril 1983, la rencontre du comité du Secrétariat généraldu synode des évêques permit au pape de partager avec sonpublic sa propre conception de la valeur de cet instrumentde collégialité. Le pape reconnaît « qu’il existe une différencequalitative entre le concile et le synode », même s’ils sont tousles deux des instruments importants de la collégialité. « Lasolidarité qui les lie et la sollicitude pour l’Église entière sontmanifestées au plus haut degré quand tous les évêques sontrassemblés cum Petro et sub Petro [avec Pierre et sous Pierre]dans un concile œcuménique. » Néanmois, le pape semblesurtout vouloir réagir contre des propositions d’octroyer ausynode des évêques le droit de s’engager dans un votedélibératif.

Quand, spécialement après une bonne préparation communau-taire dans leurs propres Églises et une bonne préparation collégialedans leurs conférences épiscopales, avec la responsabilité de leursÉglises particulières, mais aussi avec la sollicitude de l’Église entière,ils [les évêques] témoignent de la foi et de la vie de foi, leur vote,s’il est moralement unanime, a une valeur ecclésiale qualitative quidépasse l’aspect simplement formel du vote consultatif.

Le pape souligne aussi que le manque de qualité danscertains discours des pères du synode pourrait aussi être laconséquence d’une préparation insuffisante ou d’un pauvreniveau de collégialité dans une conférence épiscopale.

Finalement, tel son prédécesseur, Jean-Paul II n’est pasdisposé à changer sa conviction suivant laquelle l’Église estenrichie par le don de la primauté. À son avis, primauté etcollégialité ne sont toutefois pas en contradiction, tant que lepape et les évêques comprennent leur ministère comme un« service ».

Tous les éléments trouvent leur place et leur fonction dans lemystère de l’Église. Et ainsi la fonction de l’évêque de Rome le placeprofondément dans le corps des évêques comme centre et axe de lacommunion épiscopale. Sa primauté, qui est un service pour le biende toute l’Église, le place dans une relation d’union et de plus étroitecollaboration. Le synode lui-même rend distincte la connexion

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intime entre collégialité et primauté : la tâche du successeur dePierre est aussi service de la collégialité des évêques, et réciproque-ment la collégialité affective et effective des évêques est une impor-tante aide au service primatial pétrinien.

On peut se demander ici si Jean-Paul II est suffisammentconscient du fait qu’il fait partie lui-même du collège desévêques.

La réflexion sur la collégialité et la communiondes Églises dans « Mysterium Ecclesiae ».

Au cours de la période que nous étudions, la Congréga-tion pour la doctrine de la foi ne produisit pas d’étude spécia-lement focalisée sur le rapport entre l’Église universelle etl’Église locale. Cependant, dans les années 70, la CDF publiatrois déclarations contre les convictions ecclésiologiques deHans Küng, spécialement celles contenues dans son ouvragede 1970 sur l’infaillibilité 1. Le plus substantiel de ces docu-ments, Mysterium Ecclesiae de 1973, comprend deux affirma-tions pertinentes pour notre discussion.

1) Comme cela est bien connu, le concile consacra lamajeure partie de LG 25, paragraphe traitant particulière-ment de la manière dont les évêques participent à la fonc-tion prophétique du Christ, à une discussion sur l’infaillibi-lité. Récemment, dans un commentaire, Peter Hünermann necachait pas son enthousiasme pour les premières lignes duparagraphe, où il est dit que « parmi les tâches principales desévêques la prédication de l’Évangile est prééminente ». Trèstôt cependant, le paragraphe examine ce qui devrait en faitdemeurer, comme le souligne Hünermann, un aspect excep-tionnel de leur tâche prophétique, c’est-à-dire leur magistèreou leur fonction d’enseignement. Par ailleurs, comparé àPastor aeternus, qui est entièrement focalisé sur l’infaillibilité

1. En 1973, la CDF publiait la déclaration Mysterium Ecclesiae. Même sila « Déclaration concernant certaines erreurs sur la doctrine catholique del’Église » ne renvoie littéralement nulle part à Hans Küng, il n’y a cependantpas de doute que le document soit une réaction contre certaines thèses déve-loppées par ce théologien. Voir K. RAHNER, « Mysterium Ecclesiae », CrossCurrents, 23 (1973), p. 183-198. En 1975, la CDF ajouta à ce texte une« Déclaration concernant les deux livres du professeur Hans Küng » et, fina-lement, en 1979, la déclaration « Christi Ecclesia. Déclaration concernantcertains aspects de la doctrine théologique du professeur Hans Küng ». VoirDocumentation catholique, 52 (1975), p. 258-259 ; 77 (1980), p. 71-72.

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papale, Lumen gentium expose d’abord l’autorité dont lesévêques, y compris l’évêque de Rome, jouissent dans leurmagistère ordinaire. Ensuite, le concile introduit deux casdans lesquels tout le collège des évêques jouit de « la préroga-tive d’infaillibilité ».

Les évêques considérés isolément ne jouissent pas de la préroga-tive de l’infaillibilité ; cependant, même dispersés à travers le mondeet conservant le lien de la communion entre eux et avec le succes-seur de Pierre, lorsque dans leur enseignement authentique concer-nant des questions de foi et de morale ils déclarent d’un communaccord qu’il faut soutenir sans hésiter tel point de doctrine, ils énon-cent alors infailliblement l’enseignement du Christ. Cela est encoreplus évident lorsque, rassemblés en concile œcuménique, ils ensei-gnent et décident pour toute l’Église en matière de foi et de morale.

Si l’on peut observer que le concile n’examine pas la ques-tion de l’infaillibilité papale en dehors de son propre contexte,qui est l’infaillibilité propre à l’Église entière, la principalecritique de Hans Küng, dans son livre sur l’infaillibilité, estdans le fait que maintenant les vérités qui sont definitivetenenda, telles que l’enseignement catholique sur la contracep-tion, appartiennent au domaine de l’enseignement infail-lible 1. Mysterium Ecclesiae heureusement ne s’est pas limité àrépéter l’enseignement conciliaire sur l’infallibilité, mais acontribué aussi à l’interprétation de la théologie de la collégia-lité de Vatican II en appellant l’instance de l’infaillibilité épis-copale, qui a lieu lors d’un concile œcuménique, « un acteaccompli collégialement ».

2) Le document se demande aussi brièvement si la notionde communio Ecclesiarum ne doit pas être étendue afin de serapporter à la relation entre différentes Églises. Cela a étérécemment défendu, entre autres, par Wolfgang Thönissenqui, s’inspirant lui-même du modèle protestant de commu-nion ecclésiale, a élaboré un « modèle catholique de lacommunion des Églises 2 ». Il semble, cependant, que Myste-rium Ecclesiae ne soit pas favorable à une telle manière d’inter-préter LG 8. Le document enseigne :

1. Voir H. KÜNG, Infaillible ? Une interpellation, Paris, Desclée de Brouwer,1971, p. 73 : « Toutes les formules antigallicanes de Vatican I sont répétéesavec instance comme sous l’effet d’une angoisse inavouée. Sauf que cettefois, l’infaillibilité est délayée dans une phrase sur le collège épiscopal. »

2. G. HINTZEN et W. THÖNISSEN, Kirchengemeinschaft möglich ? Einheits-verständnis und Einheitskonzepte in der Diskussion, Paderborn, Bonifatius,2001, p. 122-125.

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Aussi n’est-il point permis aux fidèles d’imaginer que l’Église duChrist soit simplement un ensemble – divisé certes, mais conser-vant encore quelque unité – d’Églises et de communautés ecclé-siales ; et ils n’ont pas le droit de tenir que cette Église du Christne subsiste plus nulle part aujourd’hui de sorte qu’il faille la tenirseulement pour une fin à rechercher par toutes les Églises etcommunautés.

Dans une réaction qu’il rédigea immédiatement après lapublication de Mysterium Ecclesiae, Karl Rahner – qui ne futcertainement pas favorable à la position de Küng sur l’infailli-bilité 1 –, déplorait le ton anti-œcuménique de ces lignes.

Si la foi du catholique romain le prévient évidemment d’attri-buer la qualité d’être l’Église du Christ simplement et sans distinc-tions aux différentes Églises et communautés ecclésiales (une tellesorte d’indifférentisme ecclésiologique n’est pas et ne peut pas êtrepratiqué dans les relations mutuelles avec les autres Églises chré-tiennes), nous aurions pu attendre une plus grande évidence d’undésir œcuménique de faire un progrès réel vers l’unité des Églises[…]. Pourquoi la démarcation entre l’Église catholique romaine etles autres Églises ne fut-elle pas conçue (en tout cas, il n’y a pasde trace de cela) aussi en vue du fait que, au niveau concret, lesrelations entre les Églises ont changé de manière considérable encomparaison avec la période des grands schismes 2 ? Si l’on nous ditqu’un catholique ne peut pas même dire que les Églises possèdent« quelque unité », cela n’est simplement pas correct. Même aujour-d’hui les Églises possèdent « quelque unité » et c’est précisément ce

1. Il engagea un débat véhément dans Stimmen der Zeit en publiant unarticle dans le numéro de décembre 1970 intitulé « Kritik an Hans Küng :Zur Frage der Unfehlbarkeit theologischer Satze » et, un an plus tard, il éditaun ouvrage en réaction à la position de Kung, ouvrage auquel contribuaégalement Joseph Ratzinger. Voir K. RAHNER (éd.), Zum Problem Unfehlbar-keit : Antworten auf die Anfrage von Hans Küng, Fribourg, Herder, coll.« Quaestiones disputatae », 54, 1971. Voir aussi H. KÜNG, UmstritteneWahrheit, p. 216-223, 352-354.

2. Le même argument est aujourd’hui utilisé pour critiquer le fait que laCDF aussi bien dans Dominus Iesus (2000) que dans Ad catholicamprofundius (2007) répète l’enseignement de UR 25 sur le defectus ordiniscomme si depuis le concile Vatican II rien n’avait changé dans la théologiedu ministère des Églises protestantes. Voir une sélection de réactions sur cedernier document : P. DE MEY, « Eine katholische Reaktion auf “Antwortenauf Fragen zu einigen Aspekten der Lehre von der Kirche” der römisch-katholischen Kongregation für die Glaubenslehre », Ökumenische Rundschau,56 (2007), p. 567-571 ; F. A. SULLIVAN, « The Meaning of Subsistit in asExplained by the Congregation for the Doctrine of the Faith », TheologicalStudies, 69 (2008), p. 116-124 ; J. WICKS, « Questions and Answers on theNew Responses of the Congregation for the Doctrine of the Faith », Ecume-nical Trends, 36 (2007), p. 2-8.

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fait qui implique qu’il existe une opportunité et une nécessité detravailler pour l’unification totale des Églises 1.

Je crois cependant que nous devons oser interpréter les affir-mations de Rome à notre avantage. Quand la CDF affirmequ’il est erroné de soutenir « que l’Église du Christ soit simple-ment un ensemble d’Églises et de communautés ecclésiales »,on pourrait se demander si le texte ne peut pas être inter-prété en ce sens qu’il n’est pas illégitime mais certainementinsuffisant de penser l’Église du Christ comme une commu-nion d’Églises. Bien plus, puisqu’il affirme que l’Église duChrist « subsiste quelque part » – ce qui veut dire, évidem-ment, pour Mysterium Ecclesiae, dans l’Église catholique –, letexte pourrait être utilisé de nos jours pour soutenir une inter-prétation du subsistit in qui considère le terme comme syno-nyme de invenitur in 2. Il est bien connu, évidemment, quel’interprétation de LG 8 va encore subir un déplacement subs-tantiel dans les affirmations officielles de la CDF entre 1973et 2000.

Le synode des évêques comme instrumentde collégialité dans les années 70.

Comme nous l’avions déjà noté lors de notre analyse del’enseignement de Paul VI sur la collégialité, le synode desévêques fut l’un des plus importants instruments pour déve-lopper les rapports entre les membres du collège des évêques.Dans son homélie au cours de la messe inaugurale de ladeuxième assemblée ordinaire du synode des évêques(30 septembre-6 novembre 1967), le pape Paul VI affirmaitmême « qu’ici toute l’Église catholique est représentée

1. K. RAHNER, « Mysterium Ecclesiae », Cross Currents, 23 (1973),p. 183-198 (cit. p. 185-186, ma traduction).

2. Lorsque les rédacteurs ont décidé d’utiliser d’abord le verbe adest etplus tard subsistit, ils ont utilisé ces mots comme synonymes de invenitur, carce verbe avait été employé deux fois dans le discours de l’évêque deHaarlem, Mgr van Dodewaard, du 2 octobre 1963, lui-même rédacteurprincipal de ce paragraphe : « Hoc medium universale salutis invenitur inEcclesia Catholica, a Romano Pontifice et episcopis in eius communione directa,licet extra totalem compaginem elementa plura veritatis et sanctificationis inveniripossint » (voir Acta Synodalia, II/1, p. 433-455). Voir SCHELKENS, « LumenGentium’s “subsistit in” Revisited : The Catholic Church and ChristianUnity after Vatican II », Theological Studies, 69 (2008), p. 875-893, spéc.p. 887-889.

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canoniquement et présente spirituellement 1 ». Déjà durant cesynode, on pouvait entendre des plaidoyers critiques en faveurde l’extension du gouvernement collégial de l’Église dans lesens véritablement synodal, comme cela apparaît par exempledans l’intervention suivante du cardinal Suenens : « Finale-ment, j’aimerais saluer avec joie ceux présents au synode,prêtres, les laïques, les dames, dans la perspective prophétiqueque le synode exprimera un jour non seulement la convocationdes évêques mais aussi celle de toute l’Église fraternellementunie autour de la chaire de Pierre 2. »

L’insatisfaction au sujet de la pratique de la collégialité épis-copale s’accrut au cours de la troisième assemblée générale ordi-naire du synode des évêques (27 septembre-26 octobre 1974).Plusieurs évêques, spécialement ceux appartenant aux Églisescatholiques orientales, se prononcèrent en faveur de la créationd’un synode permanent. Une telle intervention fut l’œuvre deSa Béatitude Maximos V (Georges) Hakim (1908-2001), quifut patriarche melkite d’Antioche (1967-2000) :

On espère qu’un secrétariat établira à Rome, au cœur de l’Égliseuniverselle et en contact avec les différents synodes ou conférenceslocales, une présence constante des représentants des diversesÉglises qui constituent le « comité permanent du synode » (voirAct. 8, 14), et une rationalisation dans le gouvernement de l’Église,conformément aux prescriptions du concile Vatican II 3.

Le métropolitain Maxime Hermaniuk (1911-1996), arche-vêque ukrainien de Winnipeg entre 1956 et 1992, plaida aussien faveur d’un pouvoir délibératif pour le synode des évêques,comme il l’avait déjà fait pendant le concile et continuerait àle faire durant le reste de sa vie 4.

1. L’Osservatore Romano, édition anglaise hebdomadaire, 7 octobre 1971,p. 1.

2. L’Osservatore Romano, édition anglaise hebdomadaire, 14 octobre1971, n. 41, p. 9.

3. L’Osservatore Romano, édition anglaise hebdomadaire, 28 novembre1974, n. 48, p. 6.

4. Dans son intervention lors de la deuxième session du concile, le1er octobre 1963, Hermaniuk avait déjà plaidé pour la création d’un « conseilapostolique » : « Consilium hoc apostolicum, repraesentans quodammodo totumcollegium episcopale Ecclesiae, ageret sub auctoritate Summi Pontificis, Capitiscollegii, et haberet plenam et universalem potestatem in universam Ecclesiam,servata semper plena et universali potestate Summi Pontificis, successoris Petri, intotam Ecclesiam Christi » (voir AS II/1, p. 370-372). Voir B. M. DALY,« Maxim Hermaniuk : Canadian Father of Collegiality at Vatican II… andafter », dans G. ROUTHIER (éd.), Vatican II et Canada : enracinement et récep-tion, Montréal, Fides, 2001, p. 427-440.

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Au cours des discussions en carrefours linguistiques, desplaidoyers supplémentaires furent entendus, comme on peutle déduire des résumés des comptes rendus publiés dansL’Osservatore Romano, en vue de renforcer le niveau intermé-diaire entre les diocèses et Rome. On trouvera l’exemple leplus parlant dans le groupe de travail anglais « B », conduit parl’évêque Patrick D’Souza :

Though for reasons derived from episcopal ministry and canon law,there is a tendency to identify the local Church with the diocese, a moreflexible approach is recommended in which the term local Church canbe applied to any ecclesial community below the level of the universalChurch, provided it has special characteristics and a certain cohesion,besides the means necessary for survival and growth. Because of varietiesof human culture […] pluriformity should normally appear in theology(which relates to life), in methods of evangelizing, catechizing, in litur-gical expression, in forms of ministry and administration. There aremany areas in which the local Churches can and should take the initia-tive. In such areas there should be honest dialogue between local Churchesand the Holy See 1.

Le pape Paul VI réagit, sans cacher sa frustration enversde telles critiques, dans son discours de clôture du synode le26 octobre 1974, alors que son allocution avait commencé parune appréciation de l’instrument du synode des évêques 2.

Mais tous les éléments ne sont pas pour autant à maintenir :certains d’entre eux, soulignés d’ailleurs à juste titre pour tel ou telaspect, ont besoin d’être relativisés. Certains surtout parmi ceux quiviennent des « Circuli minores », ont besoin d’être mieux délimités,nuancés, complétés, approfondis. Nous en citons quelques-uns surlesquels nous ne pourrions nous taire. Et d’abord les rapports entreles Églises particulières et le Siège apostolique. Nous nousréjouissons sincèrement de la vitalité croissante des Églises particu-lières et de leur volonté toujours plus manifeste d’assumer toutesles responsabilités qui leur reviennent. En même temps cependant,nous souhaitons que l’on mette autant de soin à éviter que l’appro-fondissement de cet aspect essentiel de la réalité ecclésiale nuise dequelque façon à la solidarité de la « communio » avec les autres

1. L’Osservatore Romano, édition anglaise hebdomadaire, 7 novembre1974, n. 45, p. 40.

2. Documentation catholique, nº 1664, 17 novembre 1974, p. 951 : « Oùtrouver dans l’Église un lieu plus adapté pour un échange fécond entre lesresponsables des Églises locales ou leurs délégués, au sujet de questionsaussi vitales pour toute l’Église catholique, échange qui s’est fait de plusdans un climat aussi fraternel, aussi simple, aussi authentique, comme l’a étécelui des jours passés ? »

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Églises particulières et avec le Successeur de saint Pierre, auquel leSeigneur a confié la charge grave, toujours durable, pleine d’amour,de « faire paître les agneaux, les brebis » (Jn 21, 13-17), de« confirmer ses frères » (Lc 22, 32), d’être fondement et signe del’unité de l’Église (voir Mt 16, 18-20). Son intervention ne peutdonc être réduite à des circonstances extraordinaires 1.

Le directoire sur le ministère pastoral des évêques« Ecclesiae imago » (1973).

Le 22 février 1973, la Sacrée Congrégation pour les évêquespublia le directoire des évêques en leur ministère pastoralEcclesiae imago. Même si ce directoire révèle une perspectivejuridico-pastorale, il représente aussi une certaine interpréta-tion de l’enseignement du concile sur la collégialité et lacommunion des Églises. Pour cette raison, je me propose defournir aussi une analyse de ce texte. Le directoire Ecclesiaeimago s’acquitta de sa tâche jusqu’à ce que Apostolorum succes-sores soit promulgué en 2004. On a jugé nécessaire d’élaborerun nouveau directoire afin de s’assurer que les stipulations surles évêques contenues dans le Code de droit canon de 1983soient traduites en normes pour la pratique pastorale. Bienque ce nouveau directoire contienne un nombre à peu prèségal de références aux documents conciliaires et au Code de1983, sa perspective devient immédiatement beaucoup plusjuridique. Les quelques chapitres introduits par des réfé-rences bibliques ne changent pas du tout cette orientation.Même si Ecclesiae imago donne parfois l’impression d’être unenchaînement de citations et de paraphrases de Lumengentium, de Christus Dominus et de textes bibliques, on peutapprécier aussi le caractère spirituel du document 2.

En raison de mon intérêt pour la question de la collégia-lité et de la communion des Églises, je me limiterai à uneanalyse de la première partie, « Principes fondamentaux sur le

1. Documentation catholique, nº 1664, 17 novembre 1974, p. 953.2. Le directoire de 1974 consacrait un chapitre aux « Vertus dont l’évêque

doit imprégner sa vie » que son successeur a intégré dans un chapitre pluslarge intitulé « Spiritualité et formation permanente de l’évêque ». La citationsuivante – qui n’a pas été retenue dans le directoire de 2004 – est un bonexemple de l’effort du directoire de 1974 pour parler de l’évêque d’un pointde vue spirituel : « À titre de membre de l’Église exerçant auprès du peuplechrétien la fonction de chef et de pasteur, l’évêque doit unir en lui-même lesdispositions du frère et du père, du disciple du Christ et du maître dans lafoi, du fils et, d’une certaine façon, du père de l’Église, puisqu’il est le mini-stre de la naissance surnaturelle des chrétiens (voir 1 Co 4, 15) » (EI 14).

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ministère et la vie des évêques », pour autant que la relationentre l’évêque et l’Église universelle soit traitée. Ensuite, ladeuxième partie, « Le ministère de l’évêque dans l’Égliseuniverselle », retiendra notre attention, tandis que la troisièmepartie, « Le ministère de l’évêque dans son Église particu-lière », sera mise de côté. Cette partie est suivie d’une brèvepartie finale, « L’évêque en conférence épiscopale devant lesbesoins de plusieurs Églises particulières », et d’une « Conclu-sion ». Suivant Lumen gentium, le directoire examine d’abord« Le ministère de l’évêque dans l’Église universelle » avantd’aborder, d’ailleurs plus longuement, « Le ministère del’évêque dans son Église particulière ». Dans ce qui suit, jecommenterai les prises de position les plus importantes dutexte en ce qui concerne la collégialité et la communion desÉglises :

– Pour décrire l’identité de l’évêque, Ecclesiae imago arecours à LG 22, mais, malheureusement, le document atrouvé nécessaire d’y ajouter des éléments qui sont étrangers àla doctrine de l’épiscopat de Lumen gentium. Voici d’abord letexte :

Par sa consécration épiscopale et sa communion hiérarchique avecle chef et les membres du Collège épiscopal, l’évêque est étroite-ment et comme mystiquement uni à l’Église dont on l’appelle juste-ment l’époux, à la ressemblance du Christ. Puisqu’il lui revientd’ordonner tous les autres ministres et de les appliquer aux tâches deDieu, de réunir dans l’Esprit-Saint par l’Évangile et par l’Eucharistiesa propre Église, l’évêque présente une image particulièrement frap-pante des épousailles du Christ avec son Église. [EI 17.]

La citation décrit la relation entre l’évêque et l’Église paranalogie avec la relation d’Époux-Épouse entre le Christ etl’Église. Une note explique que l’on doit cette comparaison àThomas d’Aquin. Dans une perspective œcuménique, cepen-dant, on peut déplorer une pareille emphase sur la similaritéentre l’œuvre du Christ et l’office de l’évêque.

– La conclusion du livre contient aussi une interprétationimplicite de l’enseignement conciliaire de LG 22 sur la ques-tion de la juridiction suprême dans l’Église.

Tout comme le pontife romain ou le collège des évêques uni à sonchef, le pontife romain, occupe un point vraiment central dans lastructure visible de l’Église universelle – à titre de dépositaires [sic]du pouvoir suprême et plénier sur cette Église – de la même façon,tout évêque, en la structure visible de l’Église particulière qui lui estconfiée, se trouve établi comme son centre unificateur et dynamique.

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On se demande si ce texte ne défend pas la position déve-loppée par Karl Rahner dans le Lexikon für Theologie undKirche. La conclusion de son argumentation était que « ledétenteur collégial du pouvoir suprême dans l’Église est stric-tement unique mais possède deux modes d’action, tout enconservant sa structure intrinsèque : à travers le pape “seul”comme la tête primatiale du collège, et à travers le collège agis-sant en tant que tel 1 ».

– On peut déjà lire dans les premiers paragraphes une para-phrase de LG 23 : « On retrouve en effet légitimement, danscette communauté ecclésiale, les Églises particulières confiéeschacune à leur évêque et formées à l’image de l’Église univer-selle ; en elles et d’elles existe la seule et unique Église catho-lique » (EI 2). Il n’est pas surprenant qu’Apostolorum succes-sores, probablement sous l’influence de Communionis notio,ajoute : « Ces Églises particulières sont aussi “dans” et “àpartir de” l’Église, qui en elles “est vraiment présente et agis-sante” » (AS 5) 2. Plus loin, dans la deuxième partie de Eccle-siae imago, « Le ministère de l’évêque dans l’Église univer-selle », on renvoie au fameux texte de LG 23 à deux reprises,y compris la référence au « Corps mystique du Christ ».

Une seule et même Église catholique existe dans ces Églises parti-culières et par elles ; elles en sont comme des portions confiéeschacune à un évêque ; et le corps mystique du Christ en sa totalitéest aussi le corps des Églises. […] En conséquence, l’évêque, que la

1. Voir H. VORGRIMLER (éd.), Commentary on the Documents of Vatican II,vol. I, New York (N. Y.), Herder and Herder, 1967, p. 203 (ma traduction).Cette position a aussi été défendue par H. LEGRAND, « Collégialité desévêques et communion des Églises dans la réception de Vatican II », Revuedes sciences philosophiques et théologiques, 75 (1991), p. 545-568 (cit. p. 567) :« La fidélité à Vatican I fonde le refus de la théorie des deux sujets dupouvoir : ce refus, en contribuant à rassurer les orthodoxes, devraitpermettre la reviviscence d’authentiques Églises régionales ; il contribueraaussi à refuser cette interprétation de la primauté romaine qui tend à étendreà toute l’Église catholique le régime patriarchal de l’Église latine. » On peutrenvoyer aussi au nouveau commentaire de Lumen gentium par P. HÜNER-MANN, Theologischer Kommentar zur dogmatischen Konstitution über die KircheLumen Gentium (Herders Theologischer Kommentar zum Zweiten VatikanischenKonzil, t. II, Fribourg, Herder, 2004, p. 263-582 [cit. p. 425]) : « dann bleibtim Grunde als Alternative lediglich die Annahme eines Subjektes, nämlich desKollegiums der Bischöfe unter und mit dem Papst. »

2. Cependant, on y lit aussi : « L’Église particulière est confiée à l’évêque,qui est principe et fondement visible d’unité, et c’est à travers sa communionhiérarchique avec la tête et les autres membres du collège épiscopal quel’Église particulière s’inscrit dans la plena communio ecclesiarum de l’uniqueÉglise du Christ. »

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communion hiérarchique unit au pontife romain et au collège desévêques, a dans la foi la certitude, quand il prend la direction d’uneÉglise particulière, qu’en gouvernant bien cette Église comme uneportion de l’Église universelle, il contribue de façon efficace au biende tout le corps mystique du Christ. [EI 42-43.]

– Heureusement, on pourrait aussi relever dans le directoireque l’Église catholique depuis Vatican II n’identifie plus exclu-sivement la catholicité avec l’universalité de la foi catholique,mais aussi avec des formes d’unité qui permettent la diver-sité. Le texte suivant semble appliquer le fameux passage deUnitatis redintegratio, qui contient les principes de base pourles relations œcuméniques entre Églises – « Tout en conservantl’unité dans ce qui est nécessaire, chacun, au sein de l’Église,selon la fonction qui lui est départie, doit conserver la libertévoulue, soit dans les formes diverses de la vie spirituelle etde la discipline, soit dans la variété des rites liturgiques etmême dans l’élaboration théologique de la vérité révélée. Ilfaut en tout cultiver la charité » (UR 4) –, à la relation entrel’évêque et son diocèse : « La prudence lui apprend à garderles traditions légitimes de son Église mais aussi à découvrir,avec sympathie et intelligence, les progrès à encourager et lesinitiatives auxquelles ne s’opposent point les exigences del’unité » (EI 29). Cependant, le document tombe parfois dansla vieille habitude d’entendre « catholicité » comme synonymed’« universalité ».

L’évêque vit donc personnellement de ce sens catholique et il lenourrit chez les fidèles qui lui sont confiés. Dépassant ainsi, lui etses ouailles, les préoccupations même légitimes de ce territoire, ilsépousent les graves problèmes de l’Église universelle, qu’il s’agissed’elle (le problème missionnaire), des autres communautés chré-tiennes (le problème œcuménique), ou du monde (le problème dudialogue avec le monde). [EI 43.]

Un peu plus loin encore, l’évêque est appelé, à cause deson insertion dans le corps épiscopal, un homme apostolique etun homme catholique (EI 50). L’explication du dernier terme– qui ne se trouve pas dans les textes conciliaires – renvoie denouveau à l’universalité plutôt qu’à la catholicité : « hommecatholique, c’est-à-dire appelé à assumer sa part du souci detoutes les Églises et à travailler, en union avec tous les autresévêques, à la construction de l’Église entière. »

– En vue d’illustrer le fait qu’un évêque a besoin d’« unesomme de vertus et de talents extraordinaires », le directoirefait référence, entre autres choses, à « une coopération accrue

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des évêques pour gouverner l’Église universelle » (EI 21). Sile directoire pense ici à l’augmentation des évêques titulairesavec une position dans la curie, l’on peut se demander si laresponsabilité de l’Église universelle, que Lumen gentiumconsidère comme un aspect important du ministère épiscopal,ne peut pas être exercée autrement 1. Heureusement, le docu-ment semble aussi promouvoir sans réserve les structures decollégialité telles que la conférence épiscopale (EI 210) et « lesconciles et les synodes provinciaux et pléniers ».

– L’avertissement suivant lequel l’évêque devrait trans-mettre ses difficultés au sujet de certaines décisions ou ensei-gnements ecclésiaux à ses frères évêques plutôt que de faireusage des médias, n’est pas justifié par une référence auconcile 2. Ce texte, qui est une des rares instances danslesquelles un passage d’Ecclesiae imago (EI 44) sera littérale-ment repris dans Apostolorum successores (AS 13), révèle cepen-dant quelque affinité avec les avertissements contre le recoursaux médias par les théologiens en cas de divergencesd’opinion, que le CDF va publier plus tard 3.

– Finalement, le directoire porte son attention, une foisencore dans la ligne de l’ecclésiologie de Vatican II, non seule-ment sur la collégialité des évêques mais aussi sur l’évêquecomme promoteur des liens de coopération dans son diocèse.

1. Je me rends compte cependant que le directoire essaie simplement demettre en œuvre CD 10 : « En outre, du fait que ces dicastères ont été établispour le bien de l’Église universelle, on souhaite que leurs membres, leurpersonnel et leurs consulteurs – et de même les légats du pontife romain– soient, dans la mesure du possible, davantage choisis dans les diversescontrées de l’Église. C’est ainsi que les administrations ou organes centrauxde l’Église catholique présenteront un caractère véritablement universel. »

2. EI 44 : « C’est une attribution de l’évêque que de conférer avec lesautres évêques, de diverses façons, au sujet du magistère ordinaire del’Église ou du magistère du souverain pontife. En conséquence, conscient deson devoir envers l’Église universelle et pleinement averti de la facilité aveclaquelle on divulgue un avis donné en public, surtout s’il tranche avec lesavis habituels du pape et des évêques, l’évêque évite avec soin de traiter oude discutter en public des affaires de l’Église, urgentes peut-être mais fortemmêlées et difficiles, et il n’y expose pas son autorité ni l’autorité ensei-gnante de ses frères dans l’épiscopat. Il recourt plutôt aux voies ordinairesde la communication fraternelle avec le siège apostolique et les autresévêques. »

3. À comparer avec Donum Veritatis 39 : « Demander à l’opinion majori-taire ce qu’il convient de penser et de faire, recourir contre le Magistère àdes pressions exercées par l’opinion publique, se prévaloir d’un “consensus”des théologiens, prétendre que le théologien est le porte-parole prophétiqued’une “base” ou communauté autonome qui serait ainsi l’unique source dela vérité, tout cela dénote une grave perte du sens de la vérité et du sens del’Église » (voir Documentation catholique, nº 2010, 15 juillet 1990, p. 700).

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Cependant, chaque fois que cet élément est souligné, oninsiste également sur la direction pastorale et l’autorité del’évêque. De telles restrictions empêchent l’Église catholiquede progresser vers des formes de gouvernement ecclésial plussynodales.

Les lourdes charges de maître, de prêtre et de pasteur du trou-peau qui lui est confié exigent que l’évêque reçoive la collabora-tion de toute la communauté, non seulement, quoiqu’au premierchef, celle des prêtres et des diacres que l’ordination qu’il leur aconférée a rendus participants du sacerdoce hiérarchique ou duministère, mais encore celle des autres fidèles. De par leur sacer-doce, en effet, ils sont appelés à prendre part à l’apostolat ordinairedans l’Église et à apporter aux pasteurs, sous la conduite autoriséedes évêques, une collaboration sérieuse, sans laquelle l’apostolathiérarchique ne peut habituellement pleinement réussir. [EI 18 1.]

Conclusion.

Cette étude de l’enseignement du Magistère sur la collégia-lité et la communion des Églises entre 1972 et 1983 a révéléque le Magistère est grosso modo resté fidèle à l’enseignementdu concile sur la collégialité – cependant sans vraimentl’élaborer. Les instruments de collégialité et surtout celui dusynode sont beaucoup appréciés, tant qu’ils ne se montrentpas trop critiques à l’égard de la primauté du pape. Le Magis-tère reste fidèle à la doctrine de LG 22 suivant laquelle l’Églisecatholique existe dans les Églises particulières et par elles,mais on a bien entendu les réserves envers une trop grandeemphase sur la notion de communio Ecclesiarum dans Myste-rium Ecclesiae et Evangelii nuntiandi.

1. Voir aussi EI 34 : « Dans les différentes questions, il consulte, autantqu’il le peut, toutes les personnes intéressées. […] Après qu’on a entendu etdiscuté les avis, il revient légitimement à l’évêque de décider ; selon l’impor-tance du sujet, il prend cette decision, dans sa prudence, seul ou de façoncollégiale. »

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