LA QUESTION SYNOPTIQUE Modles proposs Genve, avril 2011 Joaqun
Javier Esteban Martnez tudiant aprs de lInstitut dtudes suprieures
en thologie orthodoxe (Chambsy, Genve)
LA QUESTION SYNOPTIQUE
Table des matires Introduction
................................................................................................................................................................
2 La question synoptique
..........................................................................................................................................
3
La question synoptique travers lhistoire
............................................................................
4 Les hypothses poses depuis le XVIIIe sicle
.......................................................................
5 Modles de drivation dun modle commun (ou de filiation)
.................................................. 5 Hypothse de
lvangile primitif (Urevangeliums hypothese)
............................................................. 6
Hypothse des fragments (Fragmenten- ou Diegesenhypothese)
...................................................... 6 Hypothse
de la tradition orale (Traditionshypothese)
..........................................................................
7 Forces et faiblesses des modles de filiation
................................................................................................
8 Modles gnalogiques
............................................................................................................................
8 Hypothse dutilisation (Benutzungshypothese)
.......................................................................................
9 Argument de Lachmann
.........................................................................................................................................
9 Hypothse des deux sources (Zweiquellenhypothese)
.........................................................................
10 Approfondissement dans la thorie des deux sources
.................................................... 10 Priorit
historique de lvangile selon Marc
..............................................................................................
11 La source des paroles de Jsus
.........................................................................................................................
11 Le matriau propre de Mt et de Lc
.................................................................................................................
12 Force de lhypothse des deux sources
........................................................................................................
12 Faiblesses de la thorie des deux sources
...................................................................................................
13 Amliorations proposes de lhypothse des deux sources
................................................................ 13
La question synoptique et la thologie orthodoxe
............................................................ 15
Bibliographie
.................................................................................................................................
16
1
LA QUESTION SYNOPTIQUE Introduction Lvangile de Jsus Christ, qui
nous parle de la venue du Fils de Dieu vers les hommes et de son
sacrifice expiatoire pour que le genre humain puisse devenir comme
lui (thosis), est, bien sr, unique. Cependant, on parle souvent des
vangiles , en utilisant le pluriel, en raison des quatre versions
diffrentes du Nouveau Testament pour le mme vangile : Selon
Matthieu (Mt), Marc (Mc), Luc (Lc) ou Jean (Jn). On parle alors des
vangiles canoniques pour les diffrencier dautres crits anciens,
plus ou moins contemporains aux vangiles canoniques, et qui
sappellent eux-mmes vangiles. Ces derniers ne furent pas accepts
par lglise primitive et, pourtant, ne furent pas non plus intgrs
postrieurement dans le canon du Nouveau Testament. Lordre ou la
disposition canonique dans le Nouveau Testament des quatre vangiles
est devenu aujourdhui un critre pour parler du premier vangile, du
second vangile, etc. Les quatres vangiles canoniques furent cris en
divers temps et en divers lieux pour des raisons pastorales. En
effet, la premire gnration chrtienne savait que le message
vanglique devait tre fix pour les gnrations suivantes. Or, on
observe aisment que les quatre vangiles ne sont pas des crits
indpendants des uns des autres au mme niveau. En fait, les trois
premiers vangiles, Mt, Mc et Lc, portent des similitudes
surprenantes entre eux, tandis que Jn est radicalement diffrent.
cause de cela, pour se rfrer aux trois premiers vangiles, les
exgtes utilisent depuis le XVIIIe sicle le terme d vangiles
synoptiques , du grec , vue densemble. En effet, si lon met en
parallle leur texte dans trois colonnes, on aperoit trs clairement
leurs ressemblances. Dans ce travail nous naborderons que les
vangiles synoptiques, en laissant de ct lvangile selon Jean. Depuis
lintroduction de la notion synoptique par GRIESBACH en 1776, on se
pose aussi la question dite synoptique: Quelle relation ces trois
crits entretiennent-ils lun avec lautre ? (Marguerat 31) Cest dire,
sont-ils interdpendants entre eux ? Et dans la positive, comment le
sont-ils devenus ? Ds la publication du travail de LESSING Neue
Hypothese ber die Evangelisten als blo menschliche Schriftsteller
betrachtet , en 1784, cette question est devenu un sujet classique
dans la critique littraire et lexgse notestamentaire.
2
LA QUESTION SYNOPTIQUE On essaya ds le dbut de trouver une
rponse la question synoptique. On proposa diffrentes thories pour y
rpondre, en commenant par les explications des thologiens allemands
du XVIIIe sicle. Ici, lobjectif de ce travail est de prsenter la
question synoptique dans ses diffrentes hypothses. De toutes ces
thories, nous focaliserons sur la thorie qui sest impose, dite des
deux sources . La question synoptique Le point du dpart, base de
toute la rflexion sur la question synoptique, est le double phnomne
observ dans les vangiles synoptiques : Dun ct, ils portent beaucoup
de ressemblances entre eux ; mais, de lautre, il y a des diffrences
importantes qui compliquent la solution au problme. Les principaux
points communs entre les vangiles synoptiques sont 1) leur
structure, trs similaire (mais diffrente de celle de Jn), 2) les
pricopes utilises, et 3) leur ordre dans les vangiles. Il y a,
encore, 4) beaucoup de ressemblances au niveau verbal. Par contre,
ils portent aussi des diffrences remarquables : On constate 1) un
vaste matriau dans Mt et Lc, qui nest pas attest par Mc (pensons
par exemple l vangile de lenfance ). Cela se rpercute sur 2) une
diffrence remarquable de la longueur des vangiles : En comparaison
avec les environs 1500 lignes de Mc, Mt avec plus de 2400 et Lc
avec plus de 2600 lignes sont appels, avec raison, die groe
Evangelien (alors que lvangile selon Jean, le plus prolifique, se
nomme das grte Evangelium ). De plus, on parle des 3) lments
propres des vangiles, cest dire de passages, surtout narratives,
qui ne sont prsents que dans un des trois vangiles synoptiques. On
peut remarquer que dans lvangile de Lc ce matriau propre constitue
environ 40% du totale du texte, avec des pricopes trs importantes
comme, par exemple, la parabole du bon Samaritain. Au vue de ce
double phnomne on se pose la question suivante : Comment expliquer
la fois toutes ces ressemblances et diffrences ? Voil ce quest la
question synoptique. Dj dans lantiquit, il y eut plusieurs essais
dexplication cette question. On va les voir brivement ci-dessous.
Depuis le XVIIIe sicle, sous linfluence de lesprit critique de
lAufklrung et la qute du Jsus historique, diffrentes hypothses
furent dveloppes pour expliquer cette 3
LA QUESTION SYNOPTIQUE question de faon plus ou moins
exhaustive. Cest en Allemagne que la question fut pose pour la
premire fois. Les hypothses prsentes furent introduites
principalement par des thologiens luthriens allemands, ainsi la
terminologie utilise est principalement germanique. * * *
La question synoptique travers lhistoire Les ressemblances et
diffrences entre les vangiles synoptiques ne proccuprent pas
spcialement la conscience de lglise des premiers sicles, mme si dj
du temps dORIGENE (dbut du IIIe sicle) on soccupait de faon
critique des crits bibliques. JEAN CHRYSOSTOME, au IVe sicle, rpond
au problme en disant : (Pour les ressemblances) , , , , 1 ; (Pour
les diffrences) . , , , , , 2 (Jean Chrysostome, Commentaire sur
lvangile selon Matthieu, Homlie I, 2). Avant la fixation du canon
notestamentaire, PAPIAS de Hierapolis ( ca. 140) parle des Logia de
laptre Matthieu, et JUSTIN le Philosophe et Martyr (110-165) parle
des Souvenirs des aptres . Cela nest pas connu, sils se rfrent
respectivement lvangile (canonique) selon Matthieu et aux 3 (4 ?)
vangiles canoniques, mais plusieurs chercheurs ont vu dans ces
uvres rfres les sources des vangiles canoniques postrieurs, dont on
parlera plus tard. 1 Lorsquon voit quatre personnes crire chacune
son vangile en divers temps, en divers lieux, sans se rassembler ni
converser ensemble ; Parlent tous nanmoins, comme sils navaient
quune seul voix; Cela est une puissante preuve de la vrit . 2 Ces
diffrences sont prcisment la plus forte preuve de la vracit des
vanglistes. Car sils taient si conformes entre eux, et sils
saccordaient jusquaux moindres circonstances ds lieux et des temps,
et jusque dans les expressions quils emploient, vous entendriez les
ennemis de lEglise dire quils ont crit de concert, et quune
conformit si exacte ne peut tre que le fruit dune entente pralable
et dun arrangement humain . 4
LA QUESTION SYNOPTIQUE Dj le IIe sicle CLEMENT dAlexandrie avait
affirm que le premier vangile tait celui de Mt ; Celui de Lc
dpendrait de Mt, et, venant en dernier, celui de Mc. Ce dernier
dpendrait tantt de Mt, tantt de Lc, et laurait simplifi. Mais sans
doute, celui qui posa, la fin du IVe sicle, une thse dimmense
influence dans lhistoire de la critique littraire notestamentaire
fut AUGUSTIN dHippone. Dans son uvre De consensu evangelistarum ,
crit en 400, AUGUSTIN affirme que les vangiles taient apparus selon
lordre canonique, cest dire Mt en premier, Mc comme abrviation de
Mt, et Lc pour mettre en vidence la dimension sacerdotale du Christ
(Marguerat 35).
Les hypothses poses depuis le XVIIIe sicle Plusieurs hypothses
furent poses depuis le XVIIIe sicle jusqu nos jours pour expliquer
la question synoptique. Ces hypothses, beaucoup plus abstraites et
mathmatiques que celles de lantiquit, peuvent tre regroupes selon
deux types bien diffrentis : Les modles de drivation dun crit
commun (ou de filiation), et les modles gnalogiques. Les modles de
filiation considrent les vangiles synoptiques indpendants les uns
des autres. Les modles gnalogiques tablissent une relation de
dpendance littraire et temporaire entre les vangiles synoptiques.
Aucune des hypothses poses na aid rsoudre totalement toutes les
questions ouvertes.
Modles de drivation dun modle commun (ou de filiation) Ces
modles prsupposent quil ny a pas de dpendance littraire entre les
vangiles synoptiques, cest dire que tous les trois furent crs
indpendamment les uns des autres. Ils seraient crs partir dun modle
commun prexistant, soit dun modle crit (hypothse de lvangile
primitif et modle des fragments), soit de traditions orales
(hypothse de la tradition orale). Voyons brivement quels sont les
modles de filiation proposs. En suite on prsentera de manire
comparative les forces et faiblesses de ces hypothses.
5
LA QUESTION SYNOPTIQUE Hypothse de lvangile primitif
(Urevangeliums hypothese) Cette hypothse fut pose par LESSING
(1778) et fut dfendu par EICHHORN (1812). Selon LESSING, avant les
vangiles synoptiques que lon connat aujourdhui, il devait exister
un vangile primitif (Urevangelium) dont le texte, assez robuste et
rdig en hbreu ou en aramen, remontrait au temps des aptres. Selon
LESSING, ce proto-vangile pourrait tre l vangile des hbreux ou l
vangile des nazarens mentionn par les Pres de lglise. LESSING avait
en tte le renseignement de PAPIAS de Hierapolis sur une version
aramenne de Mt. Cet Urevangelium, maintenant disparu, aurait t
utilis par les vanglistes canoniques indpendamment des uns des
autres. Selon LESSING, Matthus, Markus und Lukas sind nichts als
verschiedene und nicht verschiedene bersetzungen der sogennanten
hebrischen Urkunde des Matthus, die jeder machte, so gut er konnte
(Neue Hypothese, 50 ; citation dans Lessing, Werke III, d. Wlfel,
Frankfurt 1967).
Hypothse des fragments (Fragmenten- ou Diegesenhypothese)
SCHLEIERMACHER introduit en 1817 cette hypothse. Il considrait les
vangiles synoptiques comme le rsultat dun processus de collection
dun ensemble de traditions ou de fragments crits. Juste aprs le
dpart de Jsus, ont aurait consign paroles et comptes rendus de ses
acts. Les vanglistes auraient utiliss ces traditions partielles
pour composer chacun leur propre vangile.
6
LA QUESTION SYNOPTIQUE
Cette hypothse est renforce par le prologue de lvangile selon
Luc : ... 3. Cette hypothse est aussi appele Diegesenhypotese, du
grec , rcit. Ces digses ou rdactions primitives auraient constitus
la base des vangiles synoptiques. Pour SCHLEIERMACHER les
vanglistes ntaient pas des crivains indpendants, mais plutt des
personnes qui ont rassembl et reconfigur des fragments crits dj
existants, toujours de manire indpendante les uns des autres.
Hypothse de la tradition orale (Traditionshypothese) Cette hypothse
fut dfendue par HERDER (1796), GIESELER (1818), WESTCOTT (1851) et,
rcemment, par REICKE (1986). Cette hypothse est base sur la
tradition orale. Avant la composition des vangiles synoptiques,
selon HERDER, il ny aurait eu aucun matriau crit, mais plutt une
srie de traditions transmises oralement, que les vanglistes
auraient rassembls, dans leurs crits, leurs manires.
3 Puisque beaucoup ont entrepris de composer un rcit des
vnements jai dcid, moi aussi, aprs mtre inform exactement de tout
depuis les origines den crire pour toi (Lc 1, 1-3). 7
LA QUESTION SYNOPTIQUE Ltude du milieu de vie communautaire
(Sitz im Leben) de la premire glise dmontre que c'tait de vive
voix, et non par crit, que s'est exerce l'activit apostolique ; les
termes , , etc., par lesquels l'vanglisation primitive est dsigne
dans le Nouveau Testament, le prouvent assez. Ce n'est que plus
tard, quand la narration orale devint insuffisante, que l'on songea
la fixer par crit, dans ces nombreuses rdactions dont parle Lc 1,
1. Forces et faiblesses des modles de filiation Les modles de
filiation se basent sur le mme principe : Il ny aurait aucun
vangile qui serait la source de lautre. En gnral on pourrait dire,
que la force de chaque thorie est base sur la faiblesse des autres.
Ainsi : Lhypothse de lvangile primitif explique la grande proximit
entre les trois vangiles, essentiellement au niveau structurel. Par
contre elle ne rend pas compte des fortes diffrences entre eux
(pensons par exemple aux rcits de lenfance ou aux dernires paroles
de Jsus). Aussi demeurent inexpliqus labandon chez Mc dune matire
considrable et importante. Lhypothse des fragments explique assez
bien les diffrences entre les vangiles synoptiques, mais ne rend
pas compte des similitudes. La succession identique des pricopes et
surtout les parallles structurels restent inexpliqus. La force de
lhypothse de la tradition orale rside en la capacit dexpliquer les
grandes diffrences entre les vangiles synoptiques. En revanche, si
lon considre les trois synoptiques compltement indpendants des uns
des autres, on aurait de la peine expliquer la trs grande
ressemblance dans lordre des pricopes, et en particulier au niveau
de lidentit verbale. Tous ces modles de filiation furent abandonns
au dbut du XIXe sicle er raison de leurs faiblesses.
Modles gnalogiques Les modles gnalogiques prsupposent la
dpendance littraire dun vangile par rapport un autre, cest dire,
que un ou plusieurs vangiles constitue(nt) la source de lautre(s).
Par consquence, cela introduit aussi la ncessit de considrer leur
volution dans le temps, et donc leur ordre chronologique. 8
LA QUESTION SYNOPTIQUE Plusieurs hypothses gnalogiques furent
poses, la plupart dentre elles, du le temps dAUGUSTIN dHippone, qui
considraient lvangile selon Matthieu le plus ancien et source des
autres. Lvangile selon Luc ne fut presque jamais considr comme la
source des autres synoptiques en raison du tmoignage interne de son
prologue o il dclare lui-mme s'tre servi d'crits antrieurs au sien.
Hypothse dutilisation (Benutzungshypothese) GRIESBACH introduit
cette hypothse en 1789. Il dfendit de nouveau, aprs AUGUSTIN
dHippone, la priorit de Mt, et proposa la succession 1.- Mt, 2.-Lc,
3.-Mc. Mc, presque entirement compris dans Mt et Lc, rsulterait
dune volont de rsumer les plus anciens vangiles (Marguerat 38). La
faiblesse de cette thorie est vidente : Pourquoi lvangliste Marc
naurait choisi quune slection de ses sources ? Comment expliquer
quil aurait dlibrment omis les vangiles de lenfance, et l a plupart
des paroles de Jsus ? Dans la mme problmatique labondant matriau
propre de Mt naurait pas t pris pas Lc ou par Mc. Comment expliquer
son omission, surtout par lvangliste Luc ? (donc son but ntait
certainement pas dabrger le rcit de Matthieu). Rcemment (1964)
FARMER, en reprenant lhypothse de lutilisation de GRIESBACH,
introduit lhypothse des deux vangiles (two-gospel hypothesis). Marc
serait le dernier des vangiles, et son but aurait t dliminer les
contradictions entre Matthieu et Luc. Argument de Lachmann Le
philologue LACHMANN proposa en 1835 la priorit de Mc
(Markusprioritt), Mt et Lc venant ensuite. Selon l argument de
LACHMANN , Mt et Lc sont daccord lorsquils suivent Mc, alors que,
quand ils ne le suivent pas, chacun a son propre chemin. Mc doit
tre le point de rfrence Mt et a Lc. En effet, les pricopes attestes
par triple tradition, cest dire, prsentes dans Mt, Mc et Lc,
suivent gnralement le mme ordre. Par contre ce phnomne change
brusquement dans les pricopes attestes seulement par double
tradition (Mt et Lc).
9
LA QUESTION SYNOPTIQUE Hypothse des deux sources
(Zweiquellenhypothese) WEISSE introduit en 1838 lhypothse ou thorie
des deux sources. Reprenant largument de LACHMANN, qui concerne la
priorit historique de Mc, WEISSE introduit lexistence dune deuxime
source de Mt et Lc, laquelle sappelle Q (Quelle). Ces deux sources,
Mc et Q, auraient t utilises indpendamment par Mt et Lc. Les trois
principes, sur lesquelles se base cette thorie, sont : Lvangile
selon Marc serait antrieur et source de Mt et de Lc. Il y aurait
une deuxime source de Mt et Lc, la source Q dite Source des paroles
de Jsus , utilise indpendamment par Mt et Lc. Mt et Lc auraient ts
crs indpendamment.
Plusieurs chercheurs suivirent la thorie des deux sources
(HOLZMANN 1863 ; WERNLE 1899, etc.). Elle sest impose aujourdhui. *
* *
Approfondissement dans la thorie des deux sources La thorie des
deux sources nest quun modle mathmatique et napporte pas de
solution tout, bien quil rponde la majorit des questions ouvertes.
Aujourdhui les thologiens amricains sont spcialiss dans cette
thorie. Ils proposent diffrentes variations pour rsoudre ces
questions. Au milieu du XIXe sicle, lpoque de son introduction, la
thorie des deux sources supposa une rvolution parmi les exgtes, car
ds lantiquit, lvangile selon Matthieu tait considr comme lvangile
le plus ancien et le plus important.
10
LA QUESTION SYNOPTIQUE Priorit historique de lvangile selon Marc
La priorit historique de Mc fut dj dfendue par KOPPE (1782) et
STORR (1786). On distingue quatre arguments qui plaident pour cette
hypothse (Marguerat 39ss): a) La structure : La structure de Mt et
de Lc montre que ces deux vangiles reprennent et adaptent le
scnario biographique adopt par Mc. En revanche, ils divergent lun
de lautre ds quils scartent de la narration marcienne . Nanmoins,
on observe des diffrences dans la structure de Mt et Lc. Ces
diffrences semblent tre introduites intentionnellement par ces
vanglistes selon leurs critres rdactionnels. Matthieu opre ici ou l
des regroupements thmatiques, notamment dans le cadre des grands
discours de son vangile ; Luc reste plus fidle au fil rouge du rcit
marcien (sauf le rcit de voyage appel grande lacune / lukanische
Lcke (Lc 9 , 51 - 18, 14), dont on parle plus en bas). b) La
succession des pricopes : Mt et Lc quittent frquemment lordre de
Mc, mais ils ne prsentent un enchanement commun indpendamment de Mc
De part et dautre, Mc demeure le fil conducteur . c) La matire :
Tandis quune trs grande part de la matire marcienne se retrouve
chez Mt, une quantit relativement petite de matire de Mc se trouve
chez Lc. Comment expliquer cette diffrence ? Dune part, Lc a prfr,
pour une srie de pricopes marciennes, des traditions parallles
Dautre part, Lc a largement puis dans la tradition non-marcienne .
d) Langue et style : On constate des amliorations de style de Mt et
surtout Lc par rapport Mc. Les corrections stylistiques et
linguistiques de Mt et Lc vont toujours dans le sens dune
amlioration . Conclusion : Nur von Markus her, als der gemeinsamen
Grundlage des Matthus- und Lukasevangeliums, sind die literarischen
Abhngigskeitsverhltnisse sinnvoll zu erklren (Schnelle 191). La
source des paroles de Jsus La source Q est aussi appele Source des
paroles de Jsus ou des Logia (Logienquelle, du grec , discours),
parce quelle contient majoritairement des
11
LA QUESTION SYNOPTIQUE discours de Jsus. La source des Logia
contient le matriau qui apparat dans la double tradition Mt et Lc
mais pas dans Mc. Le seul matriau narratif de la source Q sont les
rcits de la tentation de Jsus. Vue que les passages prsentent une
identit quasi verbale, on pourrait se demander si la source Q fut
une tradition orale ou une source crite. MARGUERAT y affirme
catgoriquement: La Source des paroles doit tre parvenue aux deux
vanglistes sous forme crite et en version grecque. Les identits
verbales attestes de part et dautre ne sexpliqueraient pas
autrement (Marguerat 41). Aujourdhui ne reste aucun document ni
aucun tmoignage qui attestent lexistence de cette tradition, mais
de nombreux efforts manrent des thologiens pour le reconstruire
(VON HARNACK, 1907 ; POLAG, 1977 ; ROBINSON, HOFFMANN et
KLOPPENBORG, 2000 ; AMSLER 2001). Le matriau propre de Mt et de Lc
ct de Mc et de la Source des paroles Mt et Lc ont eu accs chacun un
trsor traditionnel particulier ; ils y ont puis des rcits et des
logia quils sont seuls prsenter. Ni le bien propre de Mt, ni celui
de Lc noffrent, du point de vue littraire ou thologique, une
consistance de nature signaler la prsence dune source crite Ce
trsor traditionnel appartenait la communaut de lvangliste (Mt) ou a
t rcolt au cours des recherches prsidant lcriture de lvangile (Lc)
(Marguerat 45). Pour illustrer ce fait avec un exemple : Les
contradictions que prsentent les deux rcits de la naissance de Jsus
prouvent d'ailleurs que Lc n'a pas connu Mt. Force de lhypothse des
deux sources En utilisant les mots clairs et prcis de Walter
Schmithals : Die Zwei-Quellen-Theorie lst das synoptische Problem
einfach und zwanglos. Die bereinstimmungen und die Abweichungen
innerhalb der Synoptiker sowohl im Wortlaut wie in der Auswahl wie
in der Anordnung des Stoffes finden eine einleuchtende Erklrung.
Die einheitliche Auswahl geht auf die Verfasser der Spruchsammlung
und des Markusevangeliums zurck ; die gemeinsame Anordnung beruht
auf der fhrenden Rolle des Urevangelisten Markus, in dessen Aufri
Matthus und Lukas das Material der Spruchsammlung je nach ihrem
Ermessen und ihren Interessen einordnen ;
12
LA QUESTION SYNOPTIQUE Gemeinsamkeiten und Abweichungen im
Wortlaut folgen aus der freien Benutzung derselben Quellen
(Schmithals 187). Faiblesses de la thorie des deux sources Il faut
considrer les faiblesses de cette thorie : Il y a quelques lments
propres de Mc (Markussondergut ou SMk). Si Mc tait pris comme
source de Mt et Lc, il aurait d tre pris intgralement. Il faudrait
expliquer pourquoi ni Mt ni Lc nont repris ce matriau. Minor
agreements . On observe un phnomne tonnant, environs 700 petites
modifications jamais des phrases entires- du texte marcien par Mt
et Lc. Il sagit surtout des amliorations grammaticales,
stylistiques, adjonctions, suppressions et substitution de termes.
Die Anzahl der minor agreements und ihre Verteilung ber den
gesamten Evangelienstoff machen es sehr unwahrscheinlich, da
Matthus und Lukas so oft gleichzeitig und gleichartig den
Markustext bearbeiteten (Schnelle 194). Ce phnomne reste pourtant
inexpliqu selon lhypothse des deux sources conventionnelle .
Comment expliquer, chez Luc, la grande lacune / lukanische Lcke (Lc
9, 51 - 18, 14) ? Ce rcit de voyage ne contient ni trace des
discours prsents dans la Source des paroles, ni le suivis de lordre
dict par Mc. Bien que Mc apparat souvent plus primitif que Mt et
Lc, il arrive quil prsente des traits tardifs, tels que des
paulinismes ou encore des adaptations aux lecteurs du monde
grco-romain, tandis que Mt ou Lc, mme dans les textes de la triple
tradition, gardent des notes archaques, dexpression smitique ou
dambiance palestinienne (Bible de Jrusalem 1667). Amliorations
proposes de lhypothse des deux sources Plusieurs solutions
combinatoires furent proposes : Pour expliquer le matriau propre de
Mc et les minor agreements , on a propos que Mt et Lc aient
travaill sur un crit Deutro-Marc , aujourdhui perdu, lgrement
diffrent du Mc canonique : Matthus und Lukas nicht das kanonische
Markusevangelium, sondern eine berarbaitete Fassung vorlag, die
Deuteromarkus gennant wird, weil sie nach Markus anzusetzen ist
(Schnelle 195).
13
LA QUESTION SYNOPTIQUE galement, cest aussi trs probable que Mt
et Lc auraient utilis diffrentes versions de la Source des paroles
, QMt et QLc. Cela expliquerait bien les diffrences attestes dans
la double tradition.
Les amliorations lhypothse des deux sources peuvent aider
rsoudre les questions ouvertes, mais elles introduisent un niveau
de complexit si perturbant qui les rende peu opratoires en
exgse.
14
LA QUESTION SYNOPTIQUE
La question synoptique et la thologie orthodoxe La thologie
orthodoxe moderne na pas vraiment dvelopp ses propres thses sur la
question synoptique, mais suive la critique textuelle des exgtes
occidentaux. Nanmoins, la thologie orthodoxe traditionnelle donne
un grand poid la voix des Pres de lglise. Caractristiques sont les
mots de JEAN CHRYSOSTOME : , . ; , , , , , , , , , , , , , , . , ,
, 4 (Jean Chrysostome, Commentaire sur lvangile selon Matthieu,
Homlie I, 2).
4 Pour ce qui regarde les vrits capitales que renferment la vie
de lme et lessence de la prdication vanglique, on ne trouvera
jamais quil y ait la moindre opposition entre eux. Alors, quelles
sont ces vrits ? Que Dieu sest fait homme, quil a fait de grands
miracles; quil a t crucifi et enterr; quil est ressuscit et mont au
ciel; quil viendra un jour juger le monde; quil a tabli une loi
trs-sainte, et nullement contraire la premire; quil tait le Fils
unique de Dieu, consubstantiel son Pre, et autres choses
semblables, sur lesquelles tous les vanglistes saccordent
parfaitement. Sils nont pas tous rapport les mmes circonstances de
quelques miracles, et si nous en lisons quelques-unes dans les uns
et quelques autres dans les autres, il ny a pas lieu de sen tonner
. 15
LA QUESTION SYNOPTIQUE
Bibliographie cole Biblique de Jrusalem. La Bible de Jrusalem.
Paris: Les ditions du Cerf, 2009. NESTLE-ALAND. Novum Testamentum
Grce. Stuttgart: Deutsche Bibelstiftung Stuttgart, 1979. MARGUERAT,
Daniel. Introduction au Nouveau Testament (Le monde de la Bible
41). 4. Genve: Labor et Fides, 2008. SCHNELLE, Udo. Einleitung in
das Neue Testament (UTB 1830). 4. Gttingen: Vandenhoeck &
Ruprecht, 2002. SCHMITHALS, Walter. Einleitung in die drei ersten
Evangelien. Berlin - New York: Walter de Gruyter, 1985.
16