Université Paris-Sorbonne Ecole des hautes études en sciences de l’information et de la communication - Ecole des Mines d’Alès MASTER PROFESSIONNEL 2 ème année Mention : Information et Communication Spécialité : Médias et Communication Option : Communication et technologie numérique « La publicité dans les jeux vidéo : révolution ou impasse ? » Préparé sous la direction de Madame le Professeur Véronique Richard Rapporteur universitaire : Valérie Patrin-Leclère Rapporteur professionnel : Antoine Dubuquoy Sow Ismaël Promotion : 2010-2011 Option : CTN Soutenu le : Note du mémoire : Mention :
Mémoire de recherche en sciences de l'information et de la communication sur le thème du jeu vidéo dans la publicité.
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Université Paris-Sorbonne Ecole des hautes études en sciences
de l’information et de la communication -
Ecole des Mines d’Alès
MASTER PROFESSIONNEL 2ème année
Mention : Information et Communication Spécialité : Médias et Communication
Option : Communication et technologie numérique
« La publicité dans les jeux vidéo : révolution ou impasse ? »
Préparé sous la direction de Madame le Professeur Véronique Richard
Rapporteur universitaire : Valérie Patrin-Leclère Rapporteur professionnel : Antoine Dubuquoy
Sow Ismaël Promotion : 2010-2011 Option : CTN Soutenu le : Note du mémoire : Mention :
La publicité dans les jeux vidéo : discours, opportunités et défis - Master CTN
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REMERCIEMENTS Je tiens à remercier vivement Valérie Patrin-Leclère, mon rapporteur universitaire pour m’avoir aidé et
soutenu dans la rédaction de ce mémoire. Les échanges et entrevues que nous avons menés m’ont été
précieux. Ses critiques, remarques et conseils, toujours pertinents, m’ont permis d’avancer d’un pas plus
assuré.
Je remercie également mon rapporteur professionnel, monsieur Antoine Dubuquoy pour sa disponibilité
et la véritable mine d’informations qu’il a bien voulu mettre à ma disposition. Différentes personnes
m’ont aidé par leurs conseils et leurs indications et je leur exprime toute ma reconnaissance, en
particulier, Gabriel Mamou-Mani, président directeur général de l’Agence 1984 qui a bien voulu
m’accorder un entretien.
Enfin, je tiens aussi à souligner l’excellent esprit d’équipe au sein de la promotion 2010-2011 du master
Communication et Technologie Numérique et à remercier tous mes collègues de classe sans exception.
La publicité dans les jeux vidéo : discours, opportunités et défis - Master CTN
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Table des matières INTRODUCTION ....................................................................................................................... 4
1/ LA PUBLICITE DANS LE JEU VIDEO : PROMESSES ET DESENCHANTEMENT ............ 8
1.2/ Les promesses de la publicité dans le jeu vidéo ............................................................ 8
1.2/ Des promesses en porte-à-faux face aux réalités du marché ...................................... 19
1.3/ La gamification : une nouvelle rhétorique de la publicité dans le jeu ............................ 26
2/ COMMENT INTEGRE T-ON LA PUBLICITE DANS LE « SYSTEME JEU » ? ................... 31
2.1/ Une critique de la gamification ...................................................................................... 33
2.2/ Le « système jeu » ........................................................................................................ 40
2.3/ L’in-game advertising dans le « système jeu » : une intégration souvent trop partielle 63
2.4/ L’advergaming dans le « système jeu » ou la possibilité d’une intégration totale ........ 68
3/ JEUX, MEDIAS DE MASSE ET PUBLICITE ....................................................................... 73
3.1/ La publicité de grande échelle se développe dans les médias de masse génériques . 73
3.2 / Différents médias de masse génériques ..................................................................... 78
3.3/ Différents médias de masse non-génériques ............................................................... 81
3.4/ Le jeu vidéo est-il un média de masse générique ? ..................................................... 83
La publicité dans les jeux vidéo : discours, opportunités et défis - Master CTN
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INTRODUCTION Dans cette étude, nous allons nous intéresser à la publicité dans les jeux vidéo et en particulier l’in-game advertising. La publicité est une industrie centrale dans les économies de marché et constitue le modèle économique dominant des médias de masse que sont la presse écrite, la radio, la télévision et Internet. Les annonceurs, à la poursuite des consommateurs, investissent tout média qui s’y prête avec une appétence particulière pour les médias dits « de masse » qui par leur portée rassemblent quotidiennement des audiences de dizaines voire de centaines de millions d’individus. Ces médias de masse permettent donc aux annonceurs de toucher efficacement un large public et ce, presqu’à volonté. A condition bien sûr, d’en avoir les moyens financiers.
Au fil des années, le jeu vidéo prend progressivement le statut d’un tel média de masse. Confiné à sa naissance à une audience restreinte, masculine et technophile, il a ensuite étendu sa portée et commande aujourd’hui une audience imposante. L’industrie du jeu vidéo génère à présent plus de chiffre d’affaire que le cinéma et certains jeux ont une audience quotidienne supérieure à celles des journaux les plus vendus. Le public atteint s’est non seulement étendu, mais il s’est aussi diversifié : on a ainsi affaire à une population plus adulte et plus féminine.
Il s’agit là d’une opportunité pour les annonceurs en termes de communication et de publicité. Le jeu vidéo offre la promesse d’un nouveau canal de distribution du message publicitaire, presque vierge et qui par son interactivité inciterait un engagement plus fort de la cible. Bien sûr, cette opportunité n’est pas passée inaperçue et de nombreux professionnels de la communication ont décrit les mérites de ce « nouveau média » en tant que canal publicitaire. Au début des années 2000, les attentes portées par la publicité dans les jeux vidéo n’ont cessé de croître et l’enthousiasme était au rendez-vous. Des études censées démontrer l’efficacité du jeu vidéo dans la rétention du message publicitaire se sont succédées. Des projections de croissance du marché de la publicité dans les jeux vidéo ont été publiées, toujours plus optimistes.
Cependant, un certain désenchantement a aussi gagné l’industrie. Ainsi, plusieurs éditeurs ont réévalué à la baisse l’intérêt de la présence de la publicité dans leurs jeux. Des entreprises présentées comme des fleurons de la publicité dans les jeux ont fermé. Et surtout la publicité consacrée aux jeux vidéo reste une part très faible du budget publicitaire total des annonceurs. Il s’agit encore d’un canal publicitaire tout à fait marginal. Il y a donc un curieux paradoxe, pourquoi un média tel que le jeu vidéo, avec une si grande audience, et dont les avantages pour la publicité ont été tant vantés, demeure malgré tout un canal publicitaire mineur ? La publicité dans le jeu vidéo est-elle vraiment efficace ? Selon quels critères ? L’investissement
La publicité dans les jeux vidéo : discours, opportunités et défis - Master CTN
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publicitaire dans le jeu vidéo est-il compétitif face aux autres médias, ou est-il trop couteux ? Les joueurs sont-ils une audience plus opposée à l’insertion de publicités que les audiences d’autres médias ? Et si oui, pour quelles raisons ? Du côté des éditeurs de jeux, dans quelles conditions, et pour qui, la publicité est-elle un modèle économique avantageux ? La première partie de notre étude sera consacrée ainsi consacrée à la mise en perspective des discours portant sur les promesses de la publicité dans les jeux face une réalité du marché souvent différente.
Une fois la décision de faire de la publicité prise, comment réussit-on à communiquer par le jeu ? Comment la stratégie de communication de la marque doit-elle investir le jeu ? Communique-t-on par le jeu comme on communique dans les journaux, à la radio ou à la télévision ? Si les annonceurs et les éditeurs veulent tirer le meilleur parti des opportunités publicitaires offertes par le jeu, il est nécessaire de comprendre intimement le fonctionnement de ce média, qui a ses propres idiosyncrasies. Dans les premiers temps de l’apparition d’un nouveau média, les annonceurs essaient en général d’implémenter les techniques qu’ils connaissent et maîtrisent, c'est-à-dire celles qui fonctionnent dans les médias plus anciens. Il faut un temps d’adaptation pour apprendre les particularités du nouveau média et proposer une publicité qui répond aux contraintes de ce média. Quel est-donc le format idéal de la publicité dans le jeu ? En quoi diffère t-il de ceux des autres médias ? Quels en sont les implications pour les annonceurs, notamment en termes de coûts ? Quels en sont les implications pour les éditeurs et les régies ? L’analyse du jeu en tant que medium et en tant que système dans lequel le composant publicitaire doit alors s’intégrer de manière optimale, fera donc l’objet de la deuxième partie de notre étude.
Trouver les réponses aux questions précédentes implique aussi d’appréhender la singularité du jeu vidéo en tant que média de masse. Pourquoi la publicité à grande échelle se développe-t-elle dans certains médias de masse et pas dans les autres ? Le jeu vidéo constitue t-il un terreau favorable à un marché publicitaire de ce type ? Dans quelle mesure le jeu vidéo se rapproche t-il des « médias de masse génériques » comme la presse écrite, la radio, la télévision ou Internet, qui sont les principaux canaux publicitaires ? A quels égards est-il plus proche des « médias de masse non-génériques » comme le livre ou le cinéma, qui sont des canaux publicitaires marginaux ? Ces propriétés évoluent-elles dans le temps ? Dans quelles directions et selon quels facteurs ? La résolution de ces interrogations sera donc l’objet de la troisième partie de notre étude. Il s’agira aussi de dégager les fondamentaux d’une intégration réussie de la stratégie de communication d’une marque dans un jeu vidéo.
Cette communication par le jeu vidéo reste une activité encore en développement, encore en phase de définition et ne bénéficiant pas de la maturité des techniques acquises dans d'autres
La publicité dans les jeux vidéo : discours, opportunités et défis - Master CTN
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médias comme la radio ou la télévision. Les informations restent éparses et incomplètes et il est difficile pour les marques mais aussi pour les éditeurs de savoir où ils mettent les pieds. C'est une situation comparable au développement du blog d'entreprise qui fût aussi annoncé comme un outil formidable qui permettrait à la marque de communiquer voire de converser avec ses clients. Dans cette transformation de la marque en média, les succès indiscutables sont peu nombreux. Les entreprises qui réussissent le mieux sont celles qui sont su s'approprier les codes, les techniques et les bonnes pratiques du média qu'elles adoptaient. Un exemple emblématique est celui la PME américaine 37Signals. Cet éditeur de logiciels en mode SAAS (software as a service) a créé un blog qui se distingue par son nom : Signal vs Noise1, une opinion ferme et tranchée sur de nombreux sujets et un ton volontiers provocateur et polémique. Le blog se distingue aussi par sa longévité : plus de 10 ans d'âge. On pourrait dire que c'est un blog qui se trouve, accessoirement, être un blog d'entreprise plutôt qu'un journal d'entreprise qui se trouve, accessoirement, être un blog. Cela se traduit par un succès envié : plus de 100 000 abonnés au blog qui constituent un canal marketing qualifié et captif, à moindre coût. Ce succès a pu être répliqué par de nombreuses PME à l'instar de Mint2
Ce succès est réplicable car il existe un solide corpus de bonnes pratiques sur la mise en place, le développement et la promotion d'un blog. Existe-il un tel corpus de bonnes pratiques en ce qui concerne la communication par le jeu vidéo ? Comment choisir entre advergaming et in-game advertising ? Quel type de gameplay ou de jeu choisir en fonction du public cible qu'on veut toucher ? Comment gérer les relations avec les joueurs ? Comment mesurer la « jouabilité » d'un jeu ou l'impact qu'a le placement publicitaire sur la « jouabilité » de ce jeu ? Comment mesurer l'impact et le retour sur investissement généré ? Comment maximiser ce retour sur investissement ? Peut-on vendre directement dans un jeu ?
.
Cette question des bonnes pratiques se pose aussi du côté des éditeurs et des régies publicitaires spécialisée dans l'in-game advertising. Une question qui intéresse plus particulièrement les petits éditeurs et les régies est de savoir comment baisser les coûts d'intégration de la publicité dans les jeux tout en augmentant leur efficacité, c'est à dire leur bonne intégration ? Un modèle universel et automatisé à la Google AdSense est-il possible ? Toutes ces questions seront incluses dans notre troisième partie sous forme de préconisations.
La publicité dans les jeux vidéo : discours, opportunités et défis - Master CTN
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Méthodologie de travail Par jeux vidéo, nous entendons jeux informatisés, ce qui englobe des jeux contenant de l’image en mouvement comme des jeux relativement statiques. La conduite de ce travail de recherche s’est faite en s’appuyant principalement sur l’analyse documentaire et sur l'étude d'un corpus de jeux vidéo anciens tels que Pac-Man et Tetris et récents tel que Farmville sur Facebook. La réalisation d'un entretien semi-directif avec Gabriel Mamou-Mani, PDG de l’Agence 1984, spécialisée dans les advergames nous a permis de compléter notre recherche avec des informations de première main venant d’un acteur du marché. Notre cadre d’analyse du jeu en tant que medium et en tant que système s’appuie beaucoup sur les travaux de concepteurs de jeux et théoriciens de la conception du jeu tels que Raph Koster ou encore Ian Bogost qui ont développé une vision du jeu qu’on pourrait qualifier « d’atomiste ». Nous entendons ici, par le terme médium, l’artifact par le biais duquel s’effectue le processus de communication entre le concepteur du jeu et les joueurs, contrairement au terme de média, qui peut aussi englober la superstructure institutionnelle entourant le médium. Dans le cadre de notre étude, cette distinction vaudra aussi pour la presse écrite, la radio, la télévision etc.
Corpus Nous analyserons principalement les jeux Pac-Man, Tetris et Super Mario. Nous utiliserons aussi des jeux dits sociaux comme FarmVille, et en particulier les tentatives de placement de messages externes à l'intérieur de ces jeux. Nous utiliserons aussi le mémoire d’Elie Prudhomme intitulé Jeux vidéo : nouvel eldorado publicitaire ?, pour analyser les discours d’escorte entourant la publicité dans les jeux vidéo.
Citations L’ensemble des liens Internet cités dans ce travail ont été consultés à la date du 17 novembre 2011. La date est à chaque fois précisée lorsque cela est jugé nécessaire.
La publicité dans les jeux vidéo : discours, opportunités et défis - Master CTN
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1/ LA PUBLICITE DANS LE JEU VIDEO : PROMESSES ET DESENCHANTEMENT 1.2/ Les promesses de la publicité dans le jeu vidéo
La croissance phénoménale de l’industrie du jeu vidéo a suscité l’intérêt bien au-delà des cercles
liés à la profession. L’apparition progressive de ce nouveau média dans la vie quotidienne de
millions de personnes a donné au jeu vidéo le statut de média de masse. Généralement
synonymes de divertissement et de détente, voire d’échappatoire au monde réel, les jeux vidéo
ont pourtant commencé à faire l’objet d’ambitions dépassant le domaine du ludique. Nombre de
game designers3
, de professionnels de l’éducation et de chercheurs voient dans le jeu vidéo une
puissance exploitable à d’autres fins que le simple amusement. La question est la suivante : les
jeux peuvent-ils servir à autre chose qu’à jouer ? On parle de serious games, de games with
purpose. Un exemple de ce questionnement à l’œuvre nous vient de Luis von Ahn, de
l’université Carnegie Mellon:
“Each year, people around the world spend billions of hours playing computer games.
What if all this time and energy could be channeled into useful work? What if people
playing computer games could, without consciously doing so, simultaneously solve large-
scale problems?”4
En restant à l'université Carnegie Mellon, on trouve aussi l'exemple du jeu EteRNA5
3 Terme anglais plus utilisé que son équivalent français : concepteur de jeu
, qui est un
jeu de construction de molécules RNA. Les molécules RNA font partie avec l'ADN et les
protéines, des composants essentiels de toute forme de vie connue. Contrairement à l'ADN, les
molécules de RNA n'ont pas la forme d'une double hélice, et peuvent donc prendre des formes
plus diverses et complexes. Ces formes déterminent le rôle que chaque molécule peut jouer et il
est donc crucial d'en comprendre le fonctionnement. Malheureusement, les règles qui régissent
l'expression de ses formes, celles qui fonctionnent, celles qui ne fonctionnent pas, sont encore
mal connues. C'est dans ce contexte que le jeu EteRNA fut créé. Les joueurs y sont invités à
La publicité dans les jeux vidéo : discours, opportunités et défis - Master CTN
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résoudre des puzzles à base d'adénine, de guanine, d'uracile et de cytosine dans le but de créer de
nouvelles structures. Chaque semaine, les meilleures créations sont choisies par la communauté
de joueurs et synthétisées dans les laboratoires de l'université de Stanford. EteRNA fait suite à un
jeu similaire: Foldit6
.
Cette ambition “utilitaire” du jeu n’a pas attendu l’avènement des jeux informatisés pour naître,
mais l’adoption rapide de la technologie informatique à partir des années 70 et 80 a contribué à
populariser cette approche, en particulier dans le monde de l’éducation. Ainsi dès 1971, des titres
comme Oregon Trail7 permettaient aux joueurs de se familiariser avec les réalités de la conquête
de l’ouest américain en endossant le rôle d’un pionnier. Datant de cette époque, on peut citer
aussi Number Munchers8
dont le thème était l’apprentissage ludique des mathématiques.
L’éducation est ainsi un des premiers domaines visés par ce qu’on appelle le serious gaming, le
jeu sérieux; cet oxymore fut créé pour véhiculer l’idée de jeux en quelque sorte “utiles”. Dans le
cas de l’éducation, le thème plus spécialisé d’édutainment9
est aussi apparu. Avec la création de
tous ces termes, il est crucial d’étudier les discours enveloppant l’idée du jeu utile. Le potentiel
du jeu informatisé et ses applications possibles y sont souvent décrits avec grand optimisme et
avec des accents très ambitieux.
Ainsi pour Bruce Everiss, professionnel du marketing dans l'industrie vidéo-ludique, les
ordinateurs vont bientôt remplacer les enseignants et transformer radicalement l'éducation10
6
. Des
jeux d'un genre tout à fait nouveau qui apporteraient un souffle nouveau au monde de l'éducation
en panne. Everiss cite notamment les caractéristiques des jeux vidéo qui selon lui, leur confèrent
des avantages de poids sur l'éducation dite traditionnelle. Le fait notamment que l'information
peut être présentée sur tous les supports possibles, texte, son et images. Une interactivité qui
serait bien supérieure et grâce à laquelle l'étudiant pourrait notamment interagir avec
l'information de manière créative et originale (donc efficace ?). L'avènement de l'Internet est
aussi annoncé comme l'avènement d'un monde plein d'opportunités ou tout le savoir de
http://fold.it 7 http://oregontrail.com 8 http://en.wikipedia.org/wiki/Number_Munchers 9 Néologisme créé par Bob Heyman en 1973 combinant les termes anglais education et entertainment 10 http://www.bruceongames.com/2007/12/19/education-education-education
La publicité dans les jeux vidéo : discours, opportunités et défis - Master CTN
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traversent la plupart des éditeurs aujourd'hui elles pourraient reconnaître la publicité
ingame comme un important soutien financier pour les titres Next-Gen. Si les joueurs
veulent disposer d'une grande quantité de jeux de bonne qualité cette année et l'année
prochaine, il leur faut (ndr : à ces jeux) des sources de revenus alternatives. »22
En remontant jusqu’en 1999, on peut retrouver cette promesse qui déjà habitait les esprits. Ainsi
à propos de Conducent, une entreprise qui proposait alors de l’in-game advertising, on pouvait
dans lire dans The Economist :
“Conducent, however, is more bullish. Indeed, the company foresees a future where
games and other software are supported by advertising, sponsorship or even product
placement. Since this would make software cheaper, or even free, consumers might live
with the bargain.”23
Dave Madden, directeur du “Global Marketing Solutions Group” chez Electronics Arts, l’un des
principaux éditeurs de jeux de la planète, illustre très bien l’opportunité que les éditeurs voient
dans la publicité :
“But a media company of EA's scale cannot afford to turn its nose up at the potential of
advertising. Think about the $100 billion being spent on TV and online advertising. These
ads are targeting the same people who are spending more and more of their time on
mobile devices or on social networks playing games.”24
On voit donc comment les jeux sont décrits comme une importante source potentielle de revenus
pour les éditeurs; nous aurons l’occasion d’examiner cette question plus loin. En dehors des
considérations de revenus potentiels pour les éditeurs, d’autres types de discours se sont
développés autour de la publicité dans les jeux informatisés. Discours qu’on pourrait ranger en
plusieurs catégories et dont on peut retrouver un condensé dans le mémoire consacré à la 22 Justin Townsend / Co-fondateur et dirigeant IGA Worlwide cité dans Jeux vidéo et jeux online : un
La publicité dans les jeux vidéo : discours, opportunités et défis - Master CTN
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1.2.6/ Discours eschatologiques
Nous retrouvons aussi une description presque eschatologique du jeu vidéo qui viendrait sauver
les annonceurs du déclin inexorable des “médias traditionnels”. Dans un article de The
Economist, on évoque l’idée d’une « génération perdue » aux médias traditionnels et acquise aux
jeux :
“THEY are known to television executives as the “Lost Boys”—the generation of video-
gaming young men who are watching less television and, thanks to ad-skipping
technologies such as TiVo, even fewer advertisements. The obvious response is to start
putting advertisements into games instead, by incorporating billboards into the game
environment, for example.”32
Elie Prudhomme peint une image d’annonceurs « perdus » mais bientôt « sauvés » :
« Alors, à quel saint les annonceurs doivent-ils se vouer, tout en prenant en compte leur
exigence accrue en matière de retours et leur possibilité d’engager, pour cela, des
budgets conséquents ? Faut-il s’orienter vers un moyen signe de renouveau, encore à ses
prémices, mais qui laisse déjà entrevoir un avenir radieux, synonyme de fraîcheur dans le
monde publicitaire? »33
L’entreprise Connect’in promettait, elle, l’avènement d’une nouvelle ère :
« Entrez dans une nouvelle ère de communication ! L'efficacité des médias traditionnels
est de moins en moins performante. Le temps passé devant la TV est à la baisse et
l'élargissement de l’offre diminue l'émergence des campagnes publicitaires. »34
32 http://www.economist.com/node/9304254 (Got game) 33 Ibid. p7 34 Site web de Connect’in cité dans Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?, p7
La publicité dans les jeux vidéo : discours, opportunités et défis - Master CTN
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Jacob Nizri, président de la régie publicitaire Ybrant Display Ad Networks, martèle :
“If you thought the recession meant people were staying home to watch tv, think again -
they're playing video games!”35
On peut retrouver les mêmes types de propos chez Gabe Zichermann, entrepreneur,
professionnel du marketing et organisateur de conférences autour de l’usage des jeux vidéo dans
le marketing36
. Il est aussi l’auteur de l’ouvrage Game based marketing dans lequel nous
pouvons lire :
“While incomprehensible to me, it seems to have taken almost 20 years for the
advertising industry to understand what we knew then: games are the preferred medium
of youth, and therefore, they are the future.”37
1.2.7/ Accents commerciaux, discours chiffrés
Il existe aussi des discours qui ont une forme plus commerciale, des discours qui sonnent presque
comme sortis de brochures de vente. En premier lieu, on peut remarquer une large part faite aux
études, mesures et projections réalisées par des institutions parfois “juges et parties” : régies
publicitaires, éditeurs... Ces études toujours fournies avec une abondance de chiffres
correspondent bien à la description du principe d’autorité décrit par Robert Cialdini dans son
ouvrage Influence et Manipulation38
.
Par exemple, on cite souvent des projections de croissance du marche du jeu vidéo dans son
ensemble :
35 http://www.internetoldtimersfoundation.org/modules/news/article.php?storyid=91 36 http://gamification.co/gabe-zichermann/ 37 Game based marketing, foreword xviii 38 Robert Cialdini, Influence et Manipulation, First Editions (2004)
La publicité dans les jeux vidéo : discours, opportunités et défis - Master CTN
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Dépenses publicitaires en France de 1996 à 2010
S’il y a eu plusieurs campagnes d’advergames et d’in-game advertising, le jeu vidéo ne peut pas
encore prétendre à un rôle central lors d’une campagne publicitaire; il se situe toujours à la
périphérie, en complément des axes centraux que sont les médias dits traditionnels ou Internet. Il
y a ainsi un décalage certain entre un discours optimiste concernant la publicité dans les jeux
vidéo et une réalité moins brillante, dans un marché où le jeu vidéo peine à trouver sa place et
reste loin de connaître une croissance telle que celle qu’a connue le Web dans ce domaine. Cela
est encore plus frappant quand on remarque que le web tel qu’on le connaît a débuté son
existence publique en 1991 alors que le premier jeu vidéo commercial, Computer Space49, date
de novembre 1971, soit 20 ans d’avance ! Et pourtant, alors que le jeu vidéo languit dans un rôle
souvent “expérimental” dans les budgets des annonceurs, en 20 ans, le web a conquis une place
de choix. A titre d’illustration, la publicité en ligne a capté 25% des dépenses publicitaires au
Royaume-Uni en 201050
.
En outre, l’élan d’optimisme longtemps affiché a depuis montré quelques failles, en particulier à
la fin des années 2000 avec la fermeture de plusieurs agences spécialisées dans l’in-game 49 http://en.wikipedia.org/wiki/Computer_Space 50 http://www.iabuk.net/en/1/adspendbreaks4billionmilestone280311.mxs
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advertising comme Connect’in51
et des éditeurs de moins en moins intéressés par cette
potentielle source de revenu. Microsoft décida de fermer Massive après avoir acquis la régie
d’in-game advertising pour 400 millions de dollars. L’infrastructure de Massive sert à présent
uniquement à alimenter le service Xbox Live de Microsoft et non plus les éditeurs tiers. Après
avoir ouvert un bureau en France, IGA, le leader de l’in-game advertising, a finalement fermé sa
filiale, n’ayant pu y développer une activité suffisamment rentable. Bobby Kotick, le PDG
d’Activision-Blizzard, un des plus grands éditeurs de jeux vidéo au monde, semble lui aussi
avoir changé d’avis sur l’opportunité que présenterait la publicité dans les jeux vidéo. En 2005,
dans un communiqué de presse à propos d’une étude sur l’efficacité de la publicité dans les jeux
vidéo, il disait ceci :
"As this study shows, video games are a powerful ad delivery medium. But the challenge
for the industry has been to develop a pervasive unit of measurement that will enable
advertisers to accurately gauge the effectiveness of in-game ads. With this research, we
have taken a major step in that direction."52
Cette étude est depuis devenue fameuse et est souvent cité comme argument en faveur la
publicité dans les jeux. Cependant, Bobby Kotick a changé d’avis. En 2010, il fit ainsi une
déclaration d’une toute autre teneur :
"There was a time where we thought advertising and sponsorship was a big opportunity,
but what we realized is our customers are paying $60 for a game or paying a monthly
subscription fee and they don't really want to be barraged with sponsorship or
advertising," […]
"So being very respectful of our audiences, unless it's something that's really authentic
and will enhance the game experience, we're generally not going to include something in
the game. There may be future opportunities where you might offer a consumer an
advertiser-supported experience so they wouldn't have to pay for it. But as long as our
51 http://mixergy.com/jonathan-benassaya-interview/ (interview du créateur de Connect’in) 52 http://investor.activision.com/ReleaseDetail.cfm?ReleaseID=181109
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et du “bouche à oreilles”... La gamification devient en ce sens une étape plus poussée de
l’intégration entre la publicité et le jeu vidéo dans le sens où elle promet d’utiliser les
caractéristiques intrinsèques du jeu à des fins de publicité et de marketing. Le discours de la
gamification propose donc une représentation du jeu où celui-ci est défini principalement par un
système de récompenses : badges, points, classements etc.
S’il est vrai que la plupart des jeux incorporent divers systèmes de récompenses de ce type, il y a
de notables exceptions. Si l’on prend l’exemple d’un des jeux les plus populaires au monde, “Les
Sims”, il n’y a ni badge, ni point ni classement. Il s’agit d’un jeu qui place le joueur dans une
sorte de position démiurgique où le but est de créer des personnages et d’organiser tous les
aspects de leur vie. On peut citer dans un autre registre, le jeu flOw, créé par le game designer
Jenova Chen dans le cadre de ses recherches sur l’ajustement dynamique de la difficulté dans les
jeux et inspiré par les travaux du professeur de psychologie Mihaly Csikszentmihalyi83 autour du
concept de l’immersion mentale (flow). Dans flOw84
on incarne une créature aquatique qui
navigue à travers un plan marin, peuplé de diverses créatures. On peut les absorber pour grandir
et passer d’un plan à l’autre. Là aussi, ni badge, point ou classement :
Le jeu flOw
Si les scores, points, badges et autres classements ne sont pas des conditions nécessaires à
l’existence du jeu, on peut alors se demander qu’est-ce qui définit alors le jeu en tant que 83 Flow: The Psychology of Optimal Experience. Mihaly Csikszentmihalyi 84 http://www.jenovachen.com/flowingames/flowing.htm
La publicité dans les jeux vidéo : discours, opportunités et défis - Master CTN
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2.2/ Le « système jeu » Pour comprendre qu’est-ce que le jeu, en tant que medium, plusieurs approches sont possibles,
en premier lieu celle des définitions. Nombreux sont les auteurs qui ont tenté de définir ce
qu’était le jeu vidéo.
2.2.1/ Définitions et représentations du jeu
Pour Roger Caillois95
• Libre : l'activité doit être choisie pour conserver son caractère ludique
le jeu est une activité qui doit être :
• Séparée : circonscrite dans les limites d'espace et de temps
• Incertaine : l'issue n'est pas connue à l'avance
• Improductive : qui ne produit ni biens, ni richesses (même les jeux d'argent ne sont qu'un
transfert de richesse)
• Réglée : elle est soumise à des règles qui suspendent les lois ordinaires
• Fictive : accompagnée d'une conscience fictive de la réalité seconde
Selon Johan Huizinga :
« le jeu est une action ou une activité volontaire, accomplie dans certaines limites fixées
de temps et de lieu, suivant une règle librement consentie mais complètement impérieuse,
pourvue d'une fin en soi, accompagnée d'un sentiment de tension ou de joie, et d'une
conscience d'être « autrement » que dans la vie courante » 96
Enfin pour Jesper Juul :
“A game is a rule-based system with a variable and quantifiable outcome, where
different outcomes are assigned different values, the player exerts effort in order to
95 Roger Caillois, Les jeux et les hommes, Gallimard, 1958. 96 Johan Huizinga, Homo ludens.
La publicité dans les jeux vidéo : discours, opportunités et défis - Master CTN
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influence the outcome, the player feels emotionally attached to the outcome, and the
consequences of the activity are negotiable“97
Les game designers Katie Salen et Eric Zimmerman proposent quant à eux une définition assez
proche de celle de Jesper Juul mais insistant notamment sur la notion de conflit98
:
“a system in which players engage in an artificial conflict, defined by rules, that results
in a quantifiable outcome”
Enfin, pour Ernest Adams et Andrew Rollings, eux aussi game designers, la notion de challenge
ressort explicitement, notion proche de celle de conflit :
“One on more casually linked series of challenges in a simulated environment” 99
Nous allons nous intéresser plus particulièrement aux définitions et représentations proposées par
les game designers car ils ont ainsi la particularité d’analyser le jeu comme un système composé
de différents éléments bien distincts et concrets. On peut dire qu’ils développent dans leur
majorité, une vision en quelque sorte atomiste du jeu. Cela peut-être critiqué comme étant du
réductionnisme mais cette approche est néanmoins pertinente pour les concepteurs de jeux car
elle leur fournit un cadre efficace pour la conception. Cela est aussi pertinent pour notre étude de
considérer le point de vue du game designer afin de déceler comment l’intégration de la publicité
peut s’effectuer dans ce processus de conception. En effet, l’intégration de la publicité se fait
nécessairement lors de sa conception, très en amont de la réalisation finale.
Raph Koster est un concepteur de jeu qui a eu un impact fort dans l’étude des jeux vidéo et du
game design en général avec la publication de son ouvrage : A Theory Of Fun For Game
Design100
97 Jesper Juul, Half-Real: Video Games between Real Rules and Fictional Worlds
. Raph Koster puise dans les sciences cognitives et considère les jeux comme des
motifs facilement assimilables par le cerveau, organe spécialisé dans la reconnaissance de motifs
98 Katie Salen et Eric Zimmerman, Rules of Play 99 Andrew Rollings et Ernest Adams, Andrew Rollings et Ernest Adams on Game Design 100 A Theory Of Fun For Game Design, Paraglyph Press; 1ere edition (2004)
La publicité dans les jeux vidéo : discours, opportunités et défis - Master CTN
42
de toutes sortes. De même qu’apprendre à conduire consiste à apprendre à reconnaître des motifs
particuliers, jouer à un jeu consiste aussi à assimiler les motifs que le jeu expose. Pour Raph
Koster, la nature des jeux, des motifs facilement enregistrables par le cerveau, qu’on peut
répéter, pratiquer et dont on peut faire des permutations, en font des outils d’apprentissage très
puissants :
« In other words, games serve as very fundamental and powerful learning tools. It's one
thing to read in a book that "the map is not the territory" and another to have your
armies rolled over by your opponent in a game. When the latter happens, you're gonna
get the point even if the actual armies aren't marching into your suburban home. »101
Il résume cela très succinctement en écrivant :
« They are about cognition, and learning to analyze patterns. »102
Un exemple typique de motif qu’on est amené à reconnaître et analyser dans les jeux est celui
qu’on trouve dans les shooters, ces jeux où l’on incarne un vaisseau terrien défendant la planète
contre les assauts de vaisseaux extra-terrestres :
101 Ibid. 102 Ibid. p37
La publicité dans les jeux vidéo : discours, opportunités et défis - Master CTN
43
Description d’un shooter103
Le processus d’ingestion de ces motifs, la démarche de maîtrise de ces motifs fournissent alors le
plaisir que les joueurs retirent des jeux. Pour décrire ce plaisir, Koster utilise le terme anglais fun.
Encore une fois, Koster s’appuie sur les sciences cognitives pour son analyse en expliquant que
l’on a du fun lorsque le corps libère des endorphines dans notre cerveau ; ces endorphines étant
libérés au cours d’expériences particulièrement agréables comme déguster du chocolat ou
écouter une œuvre musicale exceptionnellement puissante. Le plaisir du jeu proviendrait donc du
processus d’apprentissage, de reconnaissance des motifs exposés par le jeu (le moment de cette
reconnaissance, de cette maîtrise générant une émission d’endorphines…) et l’ennui
interviendrait alors lorsque le jeu n’offre plus de nouveau motif à analyser. C’est pourquoi selon
Koster, le morpion serait un jeu plus limité que les échecs, l’ennui y arriverait plus rapidement.
103 Ibid. p39
La publicité dans les jeux vidéo : discours, opportunités et défis - Master CTN
44
En effet, le morpion offre un nombre très limité de combinaisons, de motifs, et une fois qu’on les
connaît, le jeu perd tout son intérêt. Deux joueurs modérément expérimentés arriveront presque
toujours à un match nul, contrairement aux échecs où les possibilités semblent infinies. Ainsi s’il
est facile pour un programme informatique de calculer toutes les combinaisons possibles au jeu
du morpion, cela représenterait un tâche pharaonique en ce qui concerne les échecs.
Si les jeux présentent aux joueurs des motifs à reconnaître et maîtriser, et que le joueur retire du
plaisir ce cette maîtrise, ils présentent aussi un caractère systémique avec plusieurs composantes
interagissant dans un monde fini, fermé et parfaitement décrit par les règles définies par le game
designer. Quelles sont ces composantes ?
Selon Koster :
“Rewards are one of the key components of a successful game activity; if there isn't a
quantifiable advantage to doing something, the brain will often discard it out of hand.
What are the other fundamental components of a game elemenet, the atoms of games, so
to speak? Game designer Ben Cousins calls these "ludemes," the basic units of gameplay.
We've talked about several of them, such as "visit everywhere" and "get to the other
side." There are many left to discover, we hope. In the end, though, they are almost
always made up of the same elementary particles.”104
Daniel Cook, game designer chez Spry Fox105 et auteur du blog de game design « Lost
Garden »106, insiste aussi, quoique différemment, sur l’idée que les jeux sont intrinsèquement,
des outils d’apprentissage. Pour lui les jeux permettent un apprentissage exploratoire de façon
contrôlée. Il présente ainsi un modèle pour le jeu107
La publicité dans les jeux vidéo : discours, opportunités et défis - Master CTN
51
Le système de récompenses et de punitions aide le joueur à absorber rapidement les motifs
exposés dans le jeu tels que les décrit Koster. De la manière qu’un enfant apprend à craindre le
feu en se brûlant une fois après avoir touché une flamme, le joueur apprend que sauter sur des
pics peut signifier la mort de son personnage ; le joueur devra obligatoirement retenir la leçon, au
risque d’un cuisant échec !
2.2.2/ Rhétorique procédurale et rhétorique publicitaire
Rhétorique publicitaire La publicité est avant tout un outil de persuasion à des fins commerciales. La question qui se
pose donc est de savoir comment s’exprime la persuasion dans un système tel que celui décrit
plus haut concernant le médium jeu. La publicité développe un discours destiné à convaincre le
consommateur de l’opportunité d’acheter les produits ou services d’une marque donnée ou de
façon plus générale d’ancrer une certaine idée de la marque dans son esprit. Cette utilisation du
discours à des fins de persuasion correspond bien au concept de « rhétorique ». En Occident, le
concept de rhétorique est né en Grèce antique et selon Ruth Amaury112, directrice du groupe de
recherche Analyse du discours, argumentation, rhétorique (ADARR113
) à l’université de Tel-
Aviv :
« Telle qu’elle a été élaborée par la culture de la Grèce antique, la rhétorique peut être
considérée comme une théorie de la parole efficace liée à une pratique oratoire. »114
Pour Aristote :
« La rhétorique est la faculté de considérer, pour chaque question, ce qui peut être
propre à persuader. »115
112
http://www.tau.ac.il/~french/amossy.files/HPamossy.htm (fiche de l’auteur sur le site de l’université de Tel-Aviv) 113 http://www.tau.ac.il/~adarr/index.files/index.html 114 Ruth Amossy, L’argumentation dans le discours, Nathan, 2000, p6 115 Aristote (trad. Pierre Chiron), Rhétorique, Paris, Flammarion, coll. « Garnier Flammarion », 2007, I, II
La publicité dans les jeux vidéo : discours, opportunités et défis - Master CTN
52
Il existe une certaine tension dans la définition du concept de rhétorique, tension entre des
acceptions de la rhétorique en tant qu’un art de l’éloquence et des acceptions de la rhétorique
avant tout comme un art de la persuasion. Dans l’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert, ces
deux acceptions sont en quelque sorte réconciliées :
« Rhétorique S. f. (Belles-lettres) art de parler sur quelque sujet que ce soit avec
éloquence & avec force. D'autres la définissent l'art de bien parler, ars bene dicendi ;
mais comme le remarque le P. Lami dans la préface de sa rhétorique, il suffit de la
définir l'art de parler ; car le mot rhétorique n'a point d'autre idée dans la langue
grecque d'où il est emprunté, sinon que c'est l'art de dire ou de parler. Il n'est pas
nécessaire d'ajouter que c'est l'art de bien parler pour persuader ; il est vrai que nous ne
parlons que pour faire entrer dans nos sentimens ceux qui nous écoutent ; mais puisqu'il
ne faut point d'art pour mal faire, & que c'est toujours pour aller à ses fins qu'on
l'emploie, le mot d'art dit suffisamment tout ce qu'on vouloit dire de plus. »116
C’est selon c’est acception que nous considèrerons le concept de rhétorique. Et si la rhétorique
prend racine dans le verbe, qu’il soit dit ou écrit, elle élargit aussi son champ d’application à
mesure que l’humanité explore de nouveaux moyens d’expression et de nouveaux thèmes à
aborder. La publicité moderne s’est développée avec l’industrialisation et a commencé son essor
dès le 19ème siècle. Ainsi selon Nathalie Sonnac117
, directrice de l’Institut français de presse :
« Les médias ont fait appel à la publicité, dès 1836 pour les journaux, dans le but de
couvrir des coûts de production extrêmement élevés et de permettre aux lecteurs de
s’informer à un prix rendu accessible au plus grand nombre. »118
116 Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, http://www.alembert.fr/R.html (texte en ligne) 117 http://www.u-paris2.fr/1196844500540/0/fiche___annuaireksup/ (fiche de l’auteur sur le site de l’université Paris 2) 118 Nathalie Sonnac, Médias et publicité ou les conséquences d’une interaction entre deux marchés, http://www.cairn.info/revue-le-temps-des-medias-2006-1-p-49.htm
La publicité dans les jeux vidéo : discours, opportunités et défis - Master CTN
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L’utilisateur de Mac et l’utilisateur de PC dans la publicité « I am a Mac | I am a PC »
La caractéristique majeure de la rhétorique publicitaire dans les « médias traditionnels » comme
la presse, la radio ou la télévision, qu’elle utilise des procédés démonstratifs ou illustratifs ou
encore associatifs, c’est sa dimension impérative. On lit l’objet publicitaire, on l’écoute, on le
regarde : on reçoit le message construit par la marque dans un ordre bien défini et on
l’interprète. Cependant, le jeu est un médium où le joueur va participer à un processus de co-
construction du message. Comment la rhétorique publicitaire peut-elle se concevoir lorsque le
consommateur-joueur participe lui-même par ses actions à l’élaboration de ladite rhétorique ? Ian
Bogost introduit le concept de rhétorique procédurale pour caractériser le mode de persuasion
propre aux jeux en général, et aux jeux vidéo en particulier.
La publicité dans les jeux vidéo : discours, opportunités et défis - Master CTN
57
Rhétorique procédurale L’idée majeure de Ian Bogost, dans son ouvrage Persuasive Games, est l’idée selon laquelle
selon laquelle la persuasion opère dans les jeux par le biais de procédures que le joueur va suivre.
C’est ce qu’il appelle la rhétorique procédurale. Selon le Trésor de la langue Française121
on
peut définir une procédure comme « Ensemble de consignes à appliquer pour effectuer un travail
ou atteindre un objectif ». Les modèles de game design présentés plus haut sont effectivement
assez proches de cette définition, avec cependant quelques nuances que nous présenterons plus
loin. Pour Bogost :
“[…] procedural rhetoric is the practice of using process persuasively, just as verbal
rhetoric is the practice of using oratory persuasively and visual rhetoric is a the practice
of using images persuasively. Procedural rhetoric is a general name for the practice of
authoring arguments through processes.”122
Ainsi, on peut voir cela à l’œuvre dans le jeu Operation Pedopriest123
:
121 http://atilf.atilf.fr/tlf.htm Le Trésor de la Langue Française informatisé 122 Ian Bogost, Persuasive Games, the expressive power of videogames, THE MIT Press, 2007, p 28-29 123 http://www.molleindustria.org/en/operation-pedopriest
La publicité dans les jeux vidéo : discours, opportunités et défis - Master CTN
62
Ici, le jeu déploie une rhétorique de façon procédurale qui consiste à mettre le joueur dans une
situation d’utilisation du produit Axe qui démontre effectivement l’usage anti-transpirant de
celui-ci. Le joueur participe lui-même à la matérialisation de cette rhétorique en pouvant attester
que la transpiration lui cause des désagréments (ici ne pas pouvoir voir la vidéo) et que
l’utilisation du produit Axe lui a en effet permis de mettre fin aux désagréments (arrêter les
gouttes de transpiration).
Ayant à présent, une vision plus précise des éléments conceptuels qui constituent un jeu, on peut
alors analyser la publicité dans le jeu sous l’éclairage des idées présentées par Koster selon
lesquelles le jeu est essentiellement un medium qui présente des motifs qu’on doit analyser et
absorber, qu’on peut reproduire et dont on peut pratiquer différentes permutations pour atteindre
les objectifs arbitraires édictés dans le cadre du jeu. On peut aussi utiliser la proposition de Ian
Bogost qui insiste particulièrement sur la dimension procédurale du jeu et le canevas présenté
plus haut qui prend en compte des éléments tels que l’esthétique du jeu et l’incitation à long
terme pour le joueur. On se propose ainsi d’étudier comment la publicité s’est jusqu’à présent
intégrée dans le jeu en se concentrant d’abord sur les jeux console.
La publicité dans les jeux vidéo : discours, opportunités et défis - Master CTN
63
2.3/ L’in-game advertising dans le « système jeu » : une intégration souvent trop partielle
L’in-game advertising correspond principalement à l’insertion de bannières publicitaires dans les
jeux. Ce type de publicité est particulièrement présent dans les jeux de simulation sportive :
encarts publicitaires sur les terrains de foot virtuels, logos présents sur les maillots virtuels etc.
L’in-game advertising a d’abord débuté avec l’insertion de bannières publicitaires statiques dans
les jeux ; c'est-à-dire que le jeu était développé avec des emplacements publicitaires prédéfinis
dont le contenu ne pouvait dès lors plus changer une fois le jeu sorti. La grande révolution qui se
fit dans le marché fut l’apparition des bannières dynamiques grâce au développement d’Internet :
des bannières publicitaires incorporées dans le jeu et dont le contenu pouvait changer à la
demande des annonceurs, suivant les campagnes et les évènements à promouvoir. Il s’agit d’une
évolution essentiellement technologique qui a néanmoins eu un impact important sur ce marché
et qui a porté le développement de grandes sociétés spécialisées dans le secteur comme IGA.
Cependant, lorsqu’on considère comment cette publicité, statique ou dynamique, s’insère dans le
« système jeu », on peut se dire que la révolution n’est pas si profonde qu’il n’y paraît.
L’exemple emblématique d’implémentation de l’in-game advertising est la mise en place de
grands panneaux publicitaires ou billboards, dans l’environnement ludique, souvent dans les
décors. On peut voir ces billboards dans la campagne publicitaire du candidat aux élections
présidentielles américaine, Barack Obama, en 2008, dans le jeu de course Burnout Paradise :
La publicité dans les jeux vidéo : discours, opportunités et défis - Master CTN
64
Cette publicité n’est pour ainsi dire, qu’un élément du décor. Si l’on prend le cas des vêtements
des joueurs dans les jeux de football, par exemple la présence d’un logo Nike ou Adidas sur le
maillot d’un attaquant, l’argument souvent avancé par les régies d’in-game advertising est que
cela augmente le réalisme du jeu. Cela est certainement vrai dans le cas des simulations sportives
mais on peut aussi objecter que faire de la publicité à ce niveau, c’est manquer des opportunités
d’intégration plus profonde entre publicité et jeu vidéo. Ainsi, le joueur qui contrôle son équipe
dans sa partie de football virtuel n’interagit pas vraiment avec la marque représentée par
l’intermédiaire du logo. C’est le même constat pour les panneaux publicitaires entourant le
stade :
La publicité dans les jeux vidéo : discours, opportunités et défis - Master CTN
65
Le joueur « voit » peut-être ces panneaux mais n’interagit avec eux en aucune manière, alors
même que l’avantage de l’interactivité est tant cité dans les discours accompagnant la publicité
dans les jeux ! Ainsi, si l’on prend comme cadre d’analyse le modèle STARS (Skills, Tools &
Action, Rules, Stimulus) présenté par Daniel Cook, on voit que ces bannières n’apparaissent pas
comme faisant partie des éléments présentés par le modèle comme essentiels au jeu. Si l’on
utilise le Game Design Canvas, on peut dire que ces bannières font alors partie de l’esthétique du
jeu. Un autre exemple est celui d’une affiche pour le jeu Left 4 Dead dans Counter Strike, un jeu
de tir à la première personne (FPS) dont le but est d’éliminer tous les joueurs de l’équipe adverse
équipé de diverses armes à feu :
La publicité dans les jeux vidéo : discours, opportunités et défis - Master CTN
66
Là encore l’interaction entre le joueur et la publicité est limitée. Cela peut se comprendre dans le
contexte : il est occupé à chasser et être chassé et l’affiche en question ne fait aucunement partie
du cœur de ce mécanisme. Dans le cadre de Game Design Canvas, on placerait cette affiche
aussi dans la composante esthétique du jeu. Le problème est que la composante esthétique du
jeu, bien qu’enrichissant l’expérience du joueur et donnant son caractère unique au jeu, est
souvent la partie avec laquelle le joueur interagit le moins. C’est aussi la partie la moins
essentielle du jeu et la plus interchangeable. Dans cette composante esthétique se retrouve aussi
« l’histoire » du jeu. Ainsi si le scénario et les dialogues sont essentiels à un œuvre
cinématographique, un jeu peut tout simplement se passer d’histoire et connaître néanmoins un
succès phénoménal. L’exemple du jeu Tetris le démontre amplement ; l’approche narratologique
n’y est tout simplement pas possible133
. Le jeu de puzzle, Bejeweled en est aussi un exemple
frappant :
C’est aussi ce qu’exprime John Carmack, créateur du jeu Doom134
, dans un style abrupt mais
clair :
“Story in a game is like a story in a porn movie. It's expected to be there, but it's not that
important.” 135
133 Marmey Olivier, Approche narratologique des jeux vidéo : étude basée sur les jeux "Grand
Theft Auto IV" et "World of Warcraft" 134 http://www.idsoftware.com/games/doom
La publicité dans les jeux vidéo : discours, opportunités et défis - Master CTN
67
D’un point de vue publicitaire, la composante « Récompenses & Punitions » semble plus
intéressante car le joueur aura beaucoup plus d’interaction avec celle-ci au cours du jeu. Elle est
même un élément essentiel de tout jeu, qu’il soit aussi dépouillé que Tetris ou très recherché au
niveau graphique et scénaristique comme Final Fantasy136
. Au cours du jeu, le joueur cherche
activement les récompenses, les utilise pour atteindre les objectifs du jeu, fait des choix à leur
sujet, les collectionne… Seules quelques campagnes et quelques jeux ont bien su mettre à profit
cette composante. C’est par exemple le cas des jeux de course automobile où la progression du
joueur est souvent récompensée par de nouvelles voitures plus puissantes, plus belles, plus
rapides etc. et que le joueur conduira.
Un autre exemple d’intégration publicitaire poussée est fourni par la campagne de la marque de
sport PUMA dans le jeu True Crime : Streets of L.A. Ce jeu, quelque peu similaire à GTA137
,
permet au joueur d’incarner un ancien policier dans un environnement urbain réaliste, d’interagir
avec de nombreux personnages et participer à de nombreuses missions. La particularité la plus
intéressante de cette intégration est la présence d’une mission spéciale où le joueur doit
intercepter une cargaison de chaussures contrefaites… des contrefaçons de chaussures PUMA
évidemment !
On constate tout de même que dans l’ensemble, l’in-game advertising est caractérisé par une
publicité reléguée dans le décor, à la périphérie du jeu pourrait-on dire. Etant donné les
composantes du « système jeu », l’in-game advertising tel qu’implémenté aujourd’hui n’atteint
pas son plein potentiel en se cantonnant aux composants du jeu avec lesquels le joueur interagit
le moins. On peut alors se demander si la situation est différente du côté de l’advergaming,
l’autre mode d’intégration entre publicité et jeu.
135 Cité par David Kushner dans son ouvrage, Masters of Doom: How Two Guys Created an Empire and Transformed Pop Culture Chapter 8, p. 120. 136 http://www.square-enix.com/na/title/finalfantasy 137 http://www.rockstargames.com/grandtheftauto
La publicité dans les jeux vidéo : discours, opportunités et défis - Master CTN
72
l’angle de la rhétorique procédurale, on peut dire qu’il s’agit là d’une rhétorique procédurale
d’ordre illustratif et associatif, car bien sûr 13e Rue n’est pas un service de tueurs à gages !
Mais si les advergames représentent l’intégration optimale entre jeu et publicité, pourquoi ces
jeux-publicité restent-ils encore très confidentiels par rapport aux autres types de publicité ? Il
semble même que plus d’espoirs sont fondés sur l’in-game advertising pour la naissance d’un
marché publicitaire à grande échelle dans les jeux vidéo. Une des raisons à cela est le
fonctionnement de l’industrie publicitaire est essentiellement celui de l’achat d’espace. C’est ce
que confirme Ian Bogost :
“This logic also explains why advertisers have recently become so enthralled with “in-
game advertising”, the dynamic placement of digital ad units inside commercial
videogames.” La promesse de l’in-game advertising est justement de faire entrer dans le jeu vidéo la pratique
publicitaire de l’achat d’espace répandue dans les principaux médias de masse comme la presse
écrite ou la télévision tout en conservant le pouvoir expressif propre aux jeux vidéo. Comme
nous l’avons vu, cette promesse ne s’est pas encore matérialisée. Dans le jeu vidéo, il semble
ainsi exister une tension entre les deux variables les plus importantes pour la publicité : le
potentiel de persuasion d’une campagne et le potentiel de distribution de cette campagne. Le
potentiel de persuasion d’une campagne dans le jeu vidéo est lié à la faculté de mettre en œuvre
une rhétorique procédurale efficace notamment au moyen d’un bon game design adapté aux
besoins de communication de la marque. Le potentiel de distribution dépend lui de la facilité
avec laquelle l’objet persuasif ainsi créé permet de toucher l’audience la plus large possible.
D’un point de vue publicitaire, le choix du canal publicitaire se fait alors en fonction du rapport
qualité-prix qui correspond à un rapport persuasion-distribution, propre à chaque médium. Quels
sont donc les paramètres qui influent sur le potentiel de distribution d’un médium donné ? Qu’en
est-il du jeu vidéo ? Autant de questions que nous nous proposons d’explorer.
La publicité dans les jeux vidéo : discours, opportunités et défis - Master CTN
73
3/ JEUX, MEDIAS DE MASSE ET PUBLICITE
Que ce soit avec l’in-game advertising dont l’intégration dans le jeu reste le plus souvent sous-
optimale en termes d’interaction joueur/publicité ou avec l’advergaming qui a démontré qu’il
pouvait donner naissance à une intégration presque parfaite entre le jeu et la communication de
la marque, la publicité dans le jeu vidéo est restée marginale jusqu’à présent. Y a-t-il quelque
chose dans les caractéristiques mêmes du jeu que nous avons exposées, qui empêche ce média
d’être un canal publicitaire aussi important que la radio, le cinéma ou la télévision ?
3.1/ La publicité de grande échelle se développe dans les médias de masse génériques
Comme nous l’évoquions au début de ce document, l’audience des jeux vidéo s’est développée
considérablement ces dernières années à tel point que le jeu peut être considéré aujourd’hui
comme un média de masse, touchant des centaines de millions de gens quotidiennement. Un titre
comme Call of Duty black ops sorti en 2010, constitua le plus grand lancement pour un produit
culturel avec 5,6 millions d’unités vendues et un chiffre d’affaire de plus de 360 millions de
dollars dans les premières 24 heures de sa sortie. Cependant, malgré cette audience massive, la
publicité dans le jeu vidéo n’est pas encore devenue « mainstream ». Cela peut s’expliquer par le
fait que le secteur traditionnel du jeu vidéo sur console, sur lequel se sont focalisées la plupart
des tentatives d’intégration publicitaire, n’est justement pas celui qui se prête le mieux à l’in-
game advertising ou à l’advergaming…
Pour mieux comprendre, nous allons séparer les médias de masse en deux catégories :
• Les médias de masse génériques comme la presse écrite, la radio, la télévision ou Internet
• Les médias de masse non-génériques comme le livre, la musique ou le cinéma
En effet, la généricité du médium joue un rôle très important dans son adoption ou sa non-
adoption en tant que canal publicitaire majeur. Ainsi explique Ian Bogost :
La publicité dans les jeux vidéo : discours, opportunités et défis - Master CTN
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“[…] the entire practice of advertising has focused almost exclusively on the inscription of two-
dimensional surfaces. Magazine ads and billboaords are surfaces. Television screens are
surfaces that can simulate depth and movement. Even Internet banner ads are simply surfaces
that might add occasional and external motion.”144
“Generic surfaces without specific functions are particularly conducive to media buying, the
primary logic of the advertising industry. All of these signals would suggest the rapid and
inevitable colonization of videogames by advertisers, save one major problem: unlike television
commercials, magazine ads, outdoor billboards, shopping bags, or even t-shirts, videogames are
not fundamentally characterized by their ability to carry images, but by their capacity for
operationalizing rules.”145
La plupart des médias de masse se prêtent à la publicité de façon plus ou moins importante mais
seuls les médias de masse génériques permettent une publicité de grande portée, répétable et
avec un coût compétitif. Ces médias possèdent le meilleur rapport persuasion-distribution.
Ainsi, la musique qui est pourtant un média de masse, a un marché publicitaire relativement
marginal. Un exemple atypique de publicité dans les chansons est le phénomène du « name-
dropping »146 dans la musique congolaise où les artistes consument une bonne partie de leurs
chansons en dédicaces. Mais c’est un modèle évidemment bien difficile à étendre à l’ensemble
du marché musical. Cela vaut aussi pour le marché publicitaire dans le cinéma. L’espace
publicitaire potentiel constitué par le marché des jeux vidéo sur console apparaît en grande partie
comme celui d’un média de masse non-générique : c'est-à-dire peu exploitable. C’est ce
qu’explique Ilya Vedrashko dans son mémoire sur la publicité dans le jeu vidéo. En parlant du
coût de placement, il explique toutes les difficultés d’ordre logistiques qui se présentent à
l’annonceur ainsi que de la difficulté à toucher un large public de façon sûre.147
Et il s’agit là de placement publicitaire principalement sous la forme de bannières qui selon nous,
sont loin d’être la forme idéale de placement. Une intégration de la publicité dans la mécanique
144 Ian Bogost, Persuasive Games, the expressive power of videogames, THE MIT Press, 2007, p 170-171 145 Ibid. 146 http://www.slateafrique.com/83/namedropping-modele-economique-musique-congolaise 147 Advertising in video games. p19-20 Ilya Vedrashko
La publicité dans les jeux vidéo : discours, opportunités et défis - Master CTN
78
3.2 / Différents médias de masse génériques
La presse écrite La presse écrite représente le premier média de masse qui ait émergé à l’ère industrielle. Le
développement de la presse écrite contribua de façon importante à l'apparition de l'espace public
au sens de Habermas. L'émergence de la presse écrite fût un phénomène structurant de la vie
politique et donc sociale des pays occidentaux aux 19e et 20e siècles. L'exemple des débats
internes des marxistes russes au début du 20e siècle illustre parfaitement ce fait. Ainsi, Lénine,
dans Par où commencer, affirme :
« Le premier pas à franchir pour échapper à ce défaut, pour faire converger plusieurs
mouvements locaux en un seul mouvement commun à toute la Russie, doit être la
fondation d'un journal pour toute la Russie. Enfin, il nous faut absolument, un journal
politique. Sans journal politique, dans l'Europe moderne, pas de mouvement qui puisse
mériter la qualification de politique. »152
Au début financés par la vente des numéros, les journaux sont peu à peu devenus dépendants de
la publicité. Ainsi aux Etats-Unis, près de 80% des revenus de la presse écrite proviennent de la
publicité contre seulement 20% provenant des ventes.153 Même en relatif déclin, la presse écrite
représente un canal publicitaire majeur et une bonne partie des budgets publicitaires lui sont
consacrés, environ 13% du budget publicitaire aux Etats-Unis.154
Cette situation correspond bien
au caractère de média de masse générique de la presse écrite. On peut ainsi constater que la
presse écrite possède toutes les spécificités d’un média de masse générique, il n’est donc pas
étonnant qu’elle représente aujourd’hui un des principaux canaux publicitaires.
En ce qui concerne la portée, de nombreux journaux atteignent une circulation de plusieurs
centaines de milliers d’exemplaires par jour155
152 Par où commencer ? – Lénine. Première parution en mai 1901 dans le n°4 de l’Iskra
. Aux Etats-Unis, nous avons le Wall Street
Journal qui atteint une circulation quotidienne de plus de deux millions d’exemplaires. Pour USA
153 http://www.slideshare.net/kvjs/google-newspaper-economics-hal-varian-march-2010 154 ibid 155 http://abcas3.accessabc.com/ecirc/newstitlesearchus.asp (Audit Bureau of Circulations)
La publicité dans les jeux vidéo : discours, opportunités et défis - Master CTN
79
Today, environ un million huit-cents mille exemplaires. Le New York Times atteint lui plus de
neuf cent mille exemplaires vendus par jour.
La répétabilité de la presse écrite en tant que média est aussi très importante, en témoigne le
terme de « quotidien ». La presse écrite se caractérise ainsi par une certaine fidélité de son
lectorat, ainsi on est souvent « lecteur du Monde », « lecteur du Figaro » ou encore « lecteur de
Libé ». Quoique d’une fréquence moins importante, les différents périodiques qui s’ajoutent aux
quotidiens répondent eux aussi à ce critère de répétabilité.
Enfin, la presse écrite est un média empilable. En effet, un journal ou un magazine est composé
de pages. Les pages se suivent certes mais ne sont pas forcément liées entre elles, le contenu de
chacune des pages n’influe pas obligatoirement sur celui des autres et peut être créé en relative
indépendance. Bien entendu les pages sont organisées logiquement, en articles, brèves, rubriques
etc. mais le résultat reste le même : un journal ou un magazine est un empilement de pages ou de
groupes de pages qui ne nécessitent pas de cohésion forte entre eux. C’est pourquoi l’insertion
d’une page de publicité se fait très facilement, sans nécessiter d’intenses et lourdes planifications
comme celles évoquées dans le cas des jeux vidéo. Insérer une page de publicité affecte
relativement peu l’ensemble constitué par les autres pages.
Comme dit plus haut, l’empilabilité a deux corollaires très importants, à savoir l’hétérogénéité
des contenus et la portabilité. La portabilité en particulier est cruciale pour le développement
d’un marché publicitaire à grande échelle car elle réduit drastiquement les coûts de distribution
des campagnes publicitaires des marques. En effet, une fois une affiche publicitaire réalisée
graphiquement, elle peut être insérée sans aucun changement majeur, telle quelle, dans toutes les
instances de la presse écrite. Ainsi on pourra retrouver la même page de publicité pour le nouvel
Iphone dans Le Monde, dans le Figaro ou encore dans un magazine d’actualités technologiques
comme 01Net.
La télévision Actuellement, la télévision est le principal canal publicitaire au monde. C’est aussi le média de
masse le plus puissant du monde, média qui a eu un impact majeur dans l’établissement de la
société de consommation, façonnant usages et habitudes, à la fois des consommateurs, des
La publicité dans les jeux vidéo : discours, opportunités et défis - Master CTN
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publicitaires et des marques. En témoigne l’ouvrage de Dayan et Katz, La télévision
cérémonielle : Anthropologie et histoire en direct. La télévision répond parfaitement aux critères
d’un média de masse générique. Sa portée est plus que significative ; à titre d’illustration, le
mercredi 7 septembre 2011, la série Mentalist, a réuni plus de 9.611.000 téléspectateurs, soit plus
de 14% de la population française !156 La télévision répond aussi tout à fait au critère de
répétabilité. Selon Médiamétrie, en 2009, 98,7% des foyers français possèdent au moins un
écran de télévision et chaque Français passe en moyenne 3 heures 28 minutes par jour devant la
télévision157
.
Enfin, la télévision est elle aussi un média empilable, dont le contenu de base est l’émission, non
pas dans l’acception courante du terme mais dans le sens originel d’émettre un signal vidéo-
sonore d’une durée précise à une fréquence précise. Sous cet angle, une chaîne de télévision est
un empilement infini d’émissions. Une émission peut être de toute nature, ou plus précisément,
peut avoir intégré tout contenu. Les émissions n’ont pas de lien pour ainsi dire, organique entre
elles, elles sont indépendantes : un documentaire peut succéder au journal télévisé, être suivi
d’un clip musical puis d’un spot publicitaire. Tous ces contenus sont des émissions et n’ont pas à
présenter de cohésion forte, les uns n’influençant pas les autres. Et comme nous l’avons vu, le
corollaire de l’empilabilité est l’hétérogénéité des contenus et surtout la portabilité, le même spot
publicitaire peut être repris sans aucune modification sur absolument toutes les chaînes de
télévision. Cela fait de la télévision un des canaux publicitaires les plus puissants et les plus
compétitifs.
Le World Wide Web La croissance de l’Internet et plus particulièrement du web (HyperText Transfer Protocol) a été
véritablement fulgurante. Utilisé uniquement par la communauté scientifique à l’aube des années
1990, il est aujourd’hui utilisé quotidiennement par des centaines de millions de personnes à
travers le monde et pour toutes sortes d’applications : s’informer, acheter, se divertir etc. Le web
est aussi devenu dans le même souffle un canal publicitaire majeur et figure en bonne place dans
tous les budgets publicitaires. Là aussi, on peut constater que le web correspond bien aux critères
d’un média de masse générique en tous points. 156 http://tele.premiere.fr/News-Tele/Audiences-TV-le-Mentalist-de-TF1-ecrase-la-concurrence-flop-pour-M6-2908464 157 http://www.degroupnews.com/actualite/n4527-television-audiovisuel-mediametrie-tnt-catch_up_tv.html
La publicité dans les jeux vidéo : discours, opportunités et défis - Master CTN
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technology changes and media converge, those research categories must become
flexible”160
.
Aujourd'hui, Internet est de plus en plus accepté comme étant un nouveau média de masse. Ceci
est moins le cas en ce qui concerne les jeux vidéo, en témoigne la page Wikipedia sur les médias
de masse qui ne cite pas les jeux vidéo dans sa « typologie des médias de masse ». 161
A leurs débuts, les jeux vidéo consistaient essentiellement en jeux d’action : shooters, jeux de
plateformes, jeux de combat. Le public était jeune, masculin et relativement technophile. De là
vient l’image classique du gamer, mêlée quelque peu à l’archétype du geek. Le public des jeux
vidéo sur consoles est en général un jeune homme entre 18 ans et 34 ans et ce fait a été
naturellement pris en compte par les professionnels du marketing et de la publicité. Ainsi on peut
lire :
“The epitome of cool for big brands right now is surely to appear in video and computer
in-game advertising. It’s the most exciting medium to operate within and reaches quite a
specific demographic, the prime target being the 18-34 year old male who is spending
less time watching TV and more time playing video games.” 162
“Advertisers covet the Fall television season for the opportunities the networks' prime-
time lineups give brands to reach their target audiences. What many advertisers may not
know is this Fall (and Winter) there is a host of chart toppers that will help them engage
the highly coveted male 18-34 demographic in a more efficient and less interruptive
manner than traditional TV ads. Of course I'm referring to the blockbuster lineup of
video game titles available this Fall/Winter on Massive's video game advertising
network.”163
Ce fait est encore confirmé par Microsoft sur son site Internet : 160 Ibid. 161 http://fr.wikipedia.org/wiki/Médias_de_masse (page consultée le 29 septembre 2011) 162 http://www.eightytwenty.ie/blog/?p=49 163 http://community.microsoftadvertising.com/blogs/advertising/archive/2009/08/25/massive-s-in-game-advertising-season-kick-off.aspx
La publicité dans les jeux vidéo : discours, opportunités et défis - Master CTN
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Ferme aux couleurs de Lady Gaga dans Farmville.181
Le résultat est donc une publicité avec laquelle les joueurs interagissent et qui est totalement
intégrée aux mécaniques de jeu de base de Farmville au lieu d’être confinée dans un espace
périphérique du jeu. C’est une publicité ludique. Ainsi, tout en gardant les mécaniques de base
du jeu, ont été changés l’esthétique et les récompenses, et cela sans changer la nature du jeu
qu’est Farmville ; en étant dans la ferme Lady Gaga, on reste tout de même dans le jeu
Farmville, comme si on avait tout simplement découvert un niveau spécial du jeu. Il semble
donc que l’empilabilité du jeu réside principalement dans l’élément esthétique et dans le système
de récompenses. L’empilabilité permise par le système de récompenses est particulièrement forte
lorsque que celui-ci est constitué de biens virtuels qui sont différenciés qualitativement : ainsi
avoir des récompenses représentées par divers animaux permet à la marque de s’y insérer
facilement en proposant un animal spécial. Ainsi dans le cas de Farmville, l’empilabilité se
manifeste dans le fait que le jeu peut ainsi proposer un nombre infini de types de fermes,
indépendantes les unes des autres mais qui s’intègrent toutes parfaitement à l’ensemble du jeu. 181 http://divinesatori.posterous.com/go-gaga-with-zynga-in-gagaville
La publicité dans les jeux vidéo : discours, opportunités et défis - Master CTN
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Ainsi il ne s’agirait plus de faire de la publicité dans un ou des jeux particuliers, mais de faire de
la publicité sur Zynga comme on ferait de la publicité sur TF1. Cette évolution est encouragée au
niveau de la perception des marques, par la rencontre de plusieurs types de discours. En effet, la
rencontre entre les discours autour des jeux et de la gamification et les discours autour des
réseaux sociaux pourraient constituer une source de fascination particulièrement puissante, sur
l’esprit de professionnels du marketing souhaitant être les premiers à conquérir un équivalent
publicitaire du Nouveau Monde.
3.5/ Préconisations Il ressort de notre analyse qu’il faut dans un premier temps séparer le marché des jeux sur
consoles du marché des jeux par navigateur. Le marché des jeux sur consoles semble avoir
atteint sa maturité en termes de possibilités publicitaires : en effet, les coûts d’insertion de la
publicité dans un jeu sur console restent relativement élevés par rapport à ce qu’il est possible
d’obtenir sur d’autres médias qui bénéficient d’audiences bien plus élevées. Les jeux sur
consoles qui se prêtent à la publicité sont relativement peu nombreux et en général, incorporent
déjà de la publicité. En revanche, il est possible pour la marque de cibler avec précision le public
qu’elle veut toucher car le marché des jeux sur consoles est relativement bien segmenté. Ainsi, si
l’on veut toucher un public plutôt masculin, entre 18 et 34 ans, il sera pertinent d’investir une
simulation sportive comme le jeu de football Fifa. Cette segmentation varie en fonction des
consoles, avec la Wii de Nintendo qui atteint le niveau de diversification le plus élevé, touchant
un public plus féminin, plus âgé ou plus jeune que celui des autres principales consoles (Xbox de
Microsoft et Playstation 3 de Sony). Notons que Nintendo est aussi l’entreprise la plus
réfractaire à l’idée de la publicité dans ses jeux et évolue dans un environnement relativement
fermé et contrôlé. La publicité sur consoles se justifie donc le mieux quand il s’agit d’atteindre
un public précis à une échelle relativement réduite. Cependant s’il s’agit pour la marque de
déployer une communication à plus grande échelle, alors les jeux qui se jouent sur le web, en
particulier les jeux présents dans les réseaux sociaux comme Facebook, sont plus indiqués.
En prenant le cas des jeux sur Facebook, on observe qu’ils présentent plusieurs avantages pour
l’annonceur :
La publicité dans les jeux vidéo : discours, opportunités et défis - Master CTN
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• Plusieurs d’entre eux rassemblent des centaines de milliers voire des millions de joueurs
quotidiennement
• La population des joueurs variée, souvent majoritairement féminine et adulte
• Les données disponibles sur les utilisateurs sont nombreuses et précises (sexe, âge,
habitudes de connexion, parfois catégorie socioprofessionnelle etc.)
• Il est possible de collecter des données encore plus précises et personnalisées pour la
marque
• Les formes d’intégration publicitaire sont variées et de plus en plus faciles à déployer
C’est ce qu’explique Gabriel Mamou-Mani185
, PDG de l’Agence 1984, spécialisée dans
l’advergaming en évoquant les avantages qui y sont liés :
« D’abord du trafic, c’est un très bon moyen de satelliser du trafic et de le réorienter vers d’autres plateformes. De la collecte d’informations : à travers des jeux concours, à travers des pages fans, on arrive à présent à collecter des informations sur les joueurs pour ensuite essayer de les démarcher commercialement. De la fidélisation : à travers tout ce qui est community management, influence etc. De la monétisation : il s’agit de se dire que si on crée des jeux et qu’on crée des ponts d’affiliation avec des sites marchands, ça peut aboutir à un vrai acte d’achat à la fin ; surtout dans le divertissement par exemple, où l’on a fait des jeux pour des compilations de musique : on jouait à un jeu musical et on était ensuite orienté à la fin du jeu vers Fnac.com pour acheter le CD lui-même. Autour du serious gaming : ce sont là des avantages plutôt en termes de formation, de sensibilisation… à des causes humanitaires, ce genre de choses. »
La capacité d’obtenir des données sur les joueurs est si importante que les éditeurs de « jeux
sociaux » parlent souvent à présent, de « data driven game design » : il s’agit d’observer et de
mesurer le comportement et les moindres faits et gestes des joueurs en temps réel et d’utiliser ces
données pour modifier le jeu dans le sens voulu : moins d’abandons prématurés, plus longues
185 Voir interview en annexes
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durées de connexion, plus d’achats de biens virtuels, plus de clics sur les publicités etc. On peut
dire que l’économie des jeux dits sociaux est véritablement une économie du panoptisme.
S’agissant des formes d’intégration publicitaire dans ces jeux, ce dernier point est
particulièrement intéressant. En effet, de par le fait que ces jeux sont aussi des sites web, ils
bénéficient des mêmes mécanismes de déploiement de contenu et d’offres marchandes.
Reprenons cette phrase de Ilya Vedrashko déjà citée plus haut :
“Likewise, if you want your ad to cause an immediate action, games are probably not for
you -- or at least not yet -- as most of them do not provide a way to connect the ad unit
with your sales tools, and the ones that can do so in a manner that interrupts the game
flow by pushing users towards external media, pop-up style.”
Cela a changé avec le développement de ces jeux sur le web. En témoigne la progression rapide
des offres promotionnelles proposées par les marques dans les jeux dits sociaux. Ce fut le cas par
exemple d’une marque comme Netflix, entreprise spécialisée dans la location physique et
électronique de films. Le joueur qui cliquait sur la bannière qui s’affichait dans le jeu et ouvrait
un compte chez Netflix pouvait ainsi gagner des bonus en biens virtuels à utiliser dans son jeu.
Ces offres, ont depuis connu un certain arrêt à cause de multiples abus observés sur ce marché,
par le fait d’entreprises privilégiant l’appât du gain à l’éthique. En l’occurrence, le tollé fut
déclenché par un article de Techcrunch, un blog autour de l’actualité technologique.186
Article
intitulé Scamville, un jeu de mots entre le mot scam (arnaque en anglais) et le jeu le plus
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Aujourd’hui, de nombreux types d’intégration publicitaire plus corrects éthiquement existent et
sont déployés dans les jeux dits sociaux avec de plus en plus de flexibilité. Il peut s’agir
d’intégrations légères où la marque s’insère dans le jeu en offrant des biens virtuels à son image.
Il s’agit là principalement de situer dans les composantes « Récompenses » et « Esthétique » du
jeu. Ce type d’intégration est relativement simple est peu couteux à mettre en œuvre. Ainsi dans
une interview accordée au blog InsideSocialGames, Manny Anekal, responsable global du
« Brand Advertising » chez Zynga déclarait :
“To put that into perspective, in the traditional console space, you really couldn’t
integrate into a console game in six weeks or less, so I think that’s an advantage Zynga
has,”187
L’utilisation de la vidéo est de plus en plus courante et prisée par les annonceurs. Les utilisateurs
regardent une vidéo de l’annonceur en l’échange d’avantages dans le jeu. Cette opportunité est
particulièrement appréciée par les studios de cinéma qui utilisent ce medium pour promouvoir
les sorties de leurs films en y diffusant des bandes-annonces en l’échange de biens virtuels.
Il est aussi possible d’effectuer une intégration publicitaire plus poussée de façon moins coûteuse
que sur un jeu console. Ainsi, la marque peut créer avec le concours de l’éditeur du jeu, des
missions spéciales que le joueur pourra accomplir. C’est le cas du jeu Cars Town qui permet aux
joueurs de collecter des voitures et de les personnaliser. De nombreuses campagnes furent
intégrées au jeu, avec en particulier des marques Honda ou le championnat automobile Nascar.
De grandes opportunités s’ouvrent donc aux marques en termes de publicité dans les jeux, plus
spécifiquement au sein des jeux dits sociaux. Il faudrait cependant que les décideurs aient à
l’esprit que la rencontre des discours et des imaginaires des réseaux sociaux et des jeux sérieux
risque de gonfler exagérément les attentes de toutes les parties. L’important sera donc de se
focaliser avant tout sur l’audience que l’on veut atteindre : sa taille, sa composition, ses
habitudes de consommation etc. et choisir en conséquence le jeu au sein duquel on veut
annoncer. Cette attitude critique doit valoir aussi pour les éditeurs de jeu pour qui la publicité 187 http://www.insidesocialgames.com/2011/04/25/the-maturing-market-for-brand-integration-with-social-games-light-integration/
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Le cheminement à suivre pour les marques est donc d’abord celui du bon sens et n’est pas entièrement différent des bonnes pratiques habituelles. Déterminer les objectifs et les cibles de sa campagne de communication. Evaluer divers jeux comme on pourrait évaluer d’autres canaux publicitaires : quantité et qualité de l’audience, facilité et coûts de déploiement de la publicité. La principale différence est qu’il est alors essentiel de comprendre les particularités du jeu en tant média afin de pouvoir faire passer le message de façon optimale au public, ou plus précisément aux joueuses et aux joueurs.
CONCLUSION Les jeux vidéo ont longtemps suscité des polémiques; accusés de véhiculer une apologie de la violence, d’être une perte de temps, une attaque à l’éducation des enfants, à la productivité des employés et parfois à la morale, les jeux vidéo ont aujourd’hui gagné une respectabilité certaine. Des jeux dits éducatifs comme Brain Age190 ont connu un succès commercial mais aussi critique très important. Cela a parfois causé la réaction inverse, c'est-à-dire une attitude uniformément positive et enthousiaste à l’égard des jeux vidéo et de leur potentiel ; attitude souvent infondée.191
Ce succès d’audience des jeux vidéo a véritablement consacré le jeu en tant que média de masse, utilisé par des centaines de millions de joueurs. Cette audience est évidemment une opportunité pour les marques en tant que canal de communication ou de publicité. Opportunité d’autant plus intéressante quelle semble encore nouvelle et inexplorée.
Cette opportunité a d’abord pris racine dans le mouvement dit des jeux sérieux, dont le moteur est la volonté d’utiliser les jeux dans des contextes autres que purement ludiques. Le mouvement des jeux sérieux a ainsi donné naissance à des réalisations dans les domaines de l’éducation, des ressources humaines et même du journalisme avec les newsgames. Le mouvement des jeux sérieux a aussi abouti à des réalisations dans le domaine de la politique, et plus particulièrement de la propagande politique, notamment avec des jeux comme Ethnic Cleansing. Notons aussi que cette utilisation des jeux à des fins de propagande ne date pas seulement de l’époque du jeu informatisé mais a été présente, certainement dès l’invention des premiers jeux de société. Le jeu en plus d’amuser, se fait support de communication et véhicule des idées voire des idéologies. Ainsi explique Tony Fortin dans son ouvrage Mythologie des jeux vidéo : « Aux débuts de la troisième République, avec un renforcement durant la Première Guerre mondiale, les « jeux de société » vont participer à un processus de socialisation fortement emprunt de nationalisme et de militarisme. Les garçons sont en quelque sorte préparés à la guerre, à la « revanche ». »192
190 http://brainage.com/launch/index.jsp 191 Tony Fortin, Mythologie des jeux vidéo 192 Ibid. p12
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Le mouvement des jeux sérieux va donc tout naturellement déboucher sur des applications dans le domaine de la communication et de la publicité, ou du moins des propositions allant dans ce sens. L’imaginaire imprégnant ces propositions plaçant l’interactivité comme enjeu majeur de la communication par le jeu ; la singularité du jeu en tant que média étant ainsi souvent réduite à l’interactivité, à l’environnement dynamique qui lui serait caractéristique. Ce réductionnisme de l’interactivité a eu pour conséquence une certaine cécité aux autres caractéristiques du medium jeu, du système jeu. Le jeu étant un système complexe, fait de mécaniques de jeu, de challenges, de récompenses, de punitions et d’éléments esthétiques, il est alors nécessaire de le comprendre de façon approfondie pour pouvoir bénéficier pleinement des opportunités qu’il apporte. La meilleure manière d’intégrer le message publicitaire dans le jeu est de l’y insérer de façon que ce message et le joueur interagissent. C’est ce que nous appelons la publicité ludique. Contrairement à l’environnement des jeux sur consoles dans lequel pèsent beaucoup de contraintes d’ordre techniques et logistiques, les jeux se développant sur les nouvelles plateformes telles que le web offrent à présent à la fois une flexibilité et une audience tout à fait supérieures. Ainsi, s’il est peu probable que le jeu vidéo dans son ensemble, deviennent un canal publicitaire aussi important que la télévision ou le web, du fait ses caractéristiques en tant que media de masse non-générique (empilabilité limitée), certaines de ses instances deviendront des plateformes publicitaires de poids : nous pensons notamment aux grands éditeurs de jeu dits sociaux tels que Zynga qui se positionnent de plus en plus en tant qu’institutions médiatiques forte de dizaines de millions, voire de centaines de millions de joueurs réguliers. Les annonceurs qui sauront profiter de ces développements les premiers pourront alors atteindre à coût relativement bas, ces audiences énormes et dont le taux d’engagement est particulièrement élevé. En effet des millions de joueurs pourront non seulement jouer avec la publicité mais le feront régulièrement en raison de la répétabilité importante du jeu vidéo. On peut ainsi dire que s’il ne faut pas s’attendre à une révolution, il y aura certainement évolution à laquelle il faudra s’adapter. Evolution des formes de jeu, de l’environnement technologique et de l’audience. Evolution des opportunités.
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ANNEXES Entretien avec Gabriel Mamou-Mani, PDG de l’Agence 1984. 1 juillet 2011. Pouvez-vous nous présenter votre activité ? L’Agence 1984 a été créée il y a cinq ans. Je l’ai créée moi-même. L’idée c’est d’offrir à des marques et à des entreprises des solutions clés en main pour construire des opérations autour des jeux sociaux, publicitaires et marketing. Nous intervenons au niveau de toute la chaîne de valeur, conseil, conception du jeu, rédaction du cahier des charges, développement, diffusion c'est-à-dire achat d’espaces publicitaires pour amener les joueurs au jeu ; monitoring, c'est-à-dire le suivi des opérations en temps réel qui permet de mesurer les audiences, les taux de conversion, le nombre d’emails collectés etc. Donc quand nous disons « clés en main », il s’agit d’offrir un partenaire unique pour créer une opération marketing ou publicité au niveau du jeu social. Quel a été votre cheminement professionnel ? J’ai créé mon entreprise à la sortie de l’école et même avant. Le cheminement était très simple ; j’étais passionné de jeux vidéo et il n’y avait pas toute cette émulation qu’il y a aujourd’hui autour des jeux sociaux. J’étais passionné par le jeu vidéo et ma spécialité était le marketing, alors je me suis dit : jeu vidéo et marketing : je lance ma boîte. Avant, les jeux était plutôt des jeux de collecte de données, des jeux concours par exemple. A présent avec le développement des réseaux sociaux, on rentre dans une phase avec des jeux en Flash, plus étoffés, plus animés etc. plus immersifs pour les internautes. Au niveau de la conception des jeux, réalisez-vous vous-même le game design ? C’est un peu particulier. Au final, il y a un nombre limité de moteurs de jeu, on serait même peut-être capable de faire une liste des gameplay qui existent et qui peuvent être utilisés. Les jeux de gestion, tous les jeux d’arcade type Pac-Man, il y a les nouveaux jeux Iphone comme Doodle Jump etc. Mais disons que les moteurs de jeux sont limités. L’idée pour nous c’est de réussir en partant du brief d’une marque, à construire une histoire et de sélectionner parmi le panier de jeux potentiels celui qui va le plus coller à cette histoire. Si vous deviez citer une des campagnes dont vous êtes vraiment fiers ? Nous avons réalisé un jeu pour Namco-Bandaï, éditeur japonais de jeux sur console, en particulier d’un jeu de plateformes qui s’appelle Majin. Nous avons pris ce jeu de plateformes et
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l’avons réadapté en jeu de plateau sur Facebook. On a donc créé un jeu de plateau et d’aventure où il fallait sauver des amis à travers les différents niveaux. Cela a très bien marché, avec près de 15 000 fans en un peu moins d’un mois, et a assuré un lancement assez intéressant pour la marque. Ce qui est intéressant, c’est que ce sont plutôt les marques de divertissement et les marques culturelles qui utilisent les jeux. J’ai beaucoup d’éditeurs de BD, d’éditeurs de jeux vidéo, et même des producteurs de musique ; tout ce qui tourne autour de la culture… c’est souvent eux qui font appel à des campagnes autour du jeu. Et pour dire que le jeu peut aussi être un média de performance, on a fait un site de jeu gratuit, après l’ouverture du marché des jeux de hasard, pour convertir des joueurs d’un site de jeu gratuit à un site de jeu de poker payant. Cela est aussi intéressant de voir que le jeu social peut être un média de performance pour drainer du trafic et le convertir en argent réel. Il s’agit du jeu La ruée vers l’or ? Tout à fait. Les points qu’ils gagnent dans le jeu gratuit sont convertibles en bonus dans le site du jeu de poker. C’est intéressant dans le cheminement. C’est vrai qu’on évolue dans l’Internet et cela peut être une réponse à la question de savoir pourquoi malgré les avantages, ce n’est pas encore mainstream ; c’est que aujourd’hui, dans le cadre d’Internet, les investissements sont fait surtout pour de l’efficacité commerciale. On n’investit pas sur Internet pour de la notoriété. Concernant tous ceux qui diraient le contraire, c’est du bluff. Si on crée des jeux vidéo publicitaires il faut absolument les intégrer dans des campagnes de performance. Quels sont donc, pour vous, les principaux avantages de l’utilisation des jeux vidéo au-delà du ludique, dans le domaine publicitaire par exemple ? J’ai cinq points, qui sont d’ailleurs sur mon site Internet :
• D’abord du trafic, c’est un très bon moyen de satelliser du trafic et de le réorienter vers d’autres plateformes.
• De la collecte d’informations : à travers des jeux concours, à travers des pages fans, on arrive à présent à collecter des informations sur les joueurs pour ensuite essayer de les démarcher commercialement.
• De la fidélisation : à travers tout ce qui est community management, influence etc. • De la monétisation : il s’agit de se dire que si on crée des jeux et qu’on crée des ponts
d’affiliation avec des sites marchands, ça peut aboutir à un vrai acte d’achat à la fin ; surtout dans le divertissement par exemple, où l’on a fait des jeux pour des compilations de musique : on jouait à un jeu musical et on était ensuite orienté à la fin du jeu vers Fnac.com pour acheter le CD lui-même.
• Autour du serious gaming : ce sont là des avantages plutôt en termes de formation, de sensibilisation… à des causes humanitaires, ce genre de choses.
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Quel est votre avis sur le terme « gamification » ? Je trouve que c’est quelque chose de génial. Mais le problème est qu’en France, on n’a énormément de retard, ce qui est terrible. Qu’est-ce que c’est la gamification ? Pour être simple, c’est une nouvelle façon d’envisager le web design. Il faut voir les sites qui marchent en France ; ils sont à des années-lumière de la qualité des américains, au niveau du design et du graphisme. Les américains font des interfaces qui sont hyper-ludiques, hyper-illustrées, ils mettent une tonne de Javascript qui fait que tout bouge ; les éléments sont super faciles dans l’ergonomie, dans l’approche. Et tous les services rentrent là dedans. C’est ça la gamification, une étape de plus dans le web design. Il y toutes sortes de services qui sont gamifiés. Il y a des services de mise en relation professionnelle qui sont gamifiés. Il y a des services de facturation qui sont gamifiés. Quand on compare deux sites qui font la même chose, Ballpark un site américain, et My Facture, un site français, on a tout de suite envie d’aller sur Ballpark. On a envie de payer tellement c’est sympathique. Sur le site français on a des lignes grises et des caractères minuscules, on se croirait dans Excel. La population du web est quand même une population jeune et qui veut du ludique, du dynamique. Comment les annonceurs considèrent-t-ils le secteur du jeu vidéo ? Les annonceurs cherchent de la performance. Ils veulent savoir qu’est-ce qu’on leur vend. C'est-à-dire que le jeu vidéo en lui-même, ils s’en fichent. Ils veulent savoir à quoi ça va leur servir. Qu’est-ce que ça va leur rapporter ? C’est ça qui est difficile à vendre. Il faut construire des offres qui très rapidement dans le discours, peuvent être mesurables. En fait, il y a une première phase d’in-gaming, c'est-à-dire de placement publicitaire dans les jeux sur consoles. C’est un peu difficile à vendre parce-que, par exemple, pour Ariel, Renault ou McDonalds, c’est difficile de se retrouver dans un jeu comme Counter Strike ou un jeu de baston. Ça ne les intéresse pas. Mais maintenant, avec toute la phase advergaming, tous les mini-sites etc., on peut créer des jeux sur mesure et là ils se rendent compte des objectifs : trafic, fidélisation etc. Je pense donc que là, ça commence de plus en plus à rentrer dans les mœurs et ça devient plus facile à vendre. Y a-t-il des points que vous souhaiteriez voir mieux compris par les annonceurs ? Les problèmes des annonceurs, et c’est le problème de beaucoup d’agences, c’est qu’ils fonctionnent par produit publicitaire, c'est-à-dire, par effet de mode. Il s’est dit à un moment qu’il faut faire des mini-sites, ils ont tous fait des mini-sites. Après il s’est dit qu’il faut faire des vidéos virales, ils ont tous fait des vidéos virales. Il faut faire des mini-jeux, allez hop, on fait des mini-jeux. Il faut attaquer les blogueurs influents, allez ! Mais de la part des agences et des marques, il n’y a aucune pensée un peu plus stratégique ; se dire mais à quoi peut me servir chacune de ces briques et comment je peux les inclure dans une stratégie plus globale ? Si je fais
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une page Facebook, ça n’a pas le même objectif que si je fais une vidéo virale. Comment je peux interconnecter les deux ? Pour quels objectifs chiffrés ? Quels sont selon vous, les points bloquants dans le développement de jeu sur le marché publicitaire ? Si on prend un portail comme Yahoo!, c’est très facile pour l’annonceur de comprendre ce qu’on lui vend. J’ai une audience, je te la vends. En revanche c’est plus compliqué pour un jeu. C’est plus global, il y a de la pédagogie à faire, insister sur les objectifs. C’est beaucoup plus facile de vendre un espace de bannière publicitaire qu’un jeu. C’est d’ailleurs pourquoi je me suis positionné plus sur le conseil que comme une agence de jeux. Qu’est-ce qui fait un bon jeu selon vous ? Il y a un mot qui peut être adapté à tout, c’est la simplicité. Un bon jeu publicitaire, c’est un jeu simple. C’est un jeu qui se joue à la souris ou avec un bouton du clavier. C’est quelque chose de fluide qui n’a pas à être compris ou nécessiter une démarche pour rentrer dedans. C’est aussi un jeu qui fonctionne techniquement. Et c’est un jeu qui essaye d’intégrer l’univers et le discours de la marque. Il suffit d’une petite idée, d’un bon gameplay. L’audience est là et friande de ces jeux.
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