1 La prévention en orthopédie dento-faciale Permis de (se) construire Donnons toutes leurs chances à nos jeunes patients Danielle Deroze Peut-on dès le plus jeune âge, influencer positivement la mise en place de l’architecture crânio- maxillo-faciale de l’enfant ? Les problèmes rencontrés dans le tout jeune âge sont pour l’essentiel des dysfonctions, qui risquent de « vriller » le schéma de développement crânio-maxillo-facial en influençant négativement le patron génétique. La présentation analytique des différentes fonctions ne doit pas masquer le fait qu’elles sont totalement interactives : succion, mastication, déglutition, ventilation, occlusion doivent être harmonisées pour un développement crânio-facial optimal. Fonctions de la sphère bucco dentaire Nutrition-succion Elle commence à la naissance : c’est la succion nutritive par alimentation au sein ou au biberon. Depuis longtemps, les médecins ont fait l’apologie de l’allaitement au sein, qui, en dehors de son aspect alimentaire qualitatif, joue un rôle morphogénétique primordial. Limme (1,2) rappelle : « les fonctions d’alimentation vont jouer dès le plus jeune âge, un rôle important pour la croissance des mâchoires et des structures dentaires. L’allaitement au sein est une matrice fonctionnelle puissante pour stimuler la croissance, grâce aux mouvements de propulsion mandibulaire ». L’aspect fonctionnel de la tétée est maintenant acquis : « l’importante activité musculaire et la synchronisation précise des diverses fonctions qu’elle requiert, conjuguées à l’énorme potentiel de croissance de cette période, lui confère un rôle morphogénétique déterminant pour le développement du nourrisson. ». (3) La tétée sollicite les ptérygoïdiens latéraux, stimule le ligament sphéno-mandibulaire et permet ainsi un développement mandibulaire complet et symétrique. Les groupes d’enfants allaités au sein par rapport aux groupes témoins ont montré une baisse de prévalence des malocclusions (1) Le schéma fonctionnel de tétée au biberon est lui, caractérisé par une posture linguale et mandibulaire moins protrusive, avec pour conséquence une inhibition de toute une gamme d’excitations et de tensions physiologiques à point de départ buccal et articulaire. Nutrition - Mastication (1,4-6) C’est une fonction acquise qui succède progressivement à la fonction de nutrition-succion. Ce phénomène complexe met en jeu pratiquement toute la musculature de la tête et du cou, ainsi que les muscles peauciers des lèvres, de la langue et des joues. Les mouvements masticatoires se développent pendant l’apparition des dents temporaires, la proprioception jouant un rôle essentiel dans l’apprentissage. L’éruption des incisives temporaires supérieures et inférieures va permettre la fonction de préhension-morsure, qui va alors jouer son rôle dans les stimulations de croissance mandibulaire. La mise en place des premières molaires temporaires vers 1 an donne la limite verticale de l’occlusion et définit pour la première fois une référence antéro-postérieure d’intercuspidation qui sera pérennisée par l’apparition des deuxièmes molaires temporaires vers 2 ans.
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La prévention en orthopédie dento-faciale... · 2016-07-12 · malformation des cornets..), infectieuses ... l’obstruction nasale partielle chronique peut entraîner n’importe
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La prévention en orthopédie dento-faciale
Permis de (se) construire
Donnons toutes leurs chances à nos jeunes patients
Danielle Deroze
Peut-on dès le plus jeune âge, influencer positivement la mise en place de l’architecture
crânio- maxillo-faciale de l’enfant ?
Les problèmes rencontrés dans le tout jeune âge sont pour l’essentiel des dysfonctions, qui
risquent de « vriller » le schéma de développement crânio-maxillo-facial en influençant
négativement le patron génétique. La présentation analytique des différentes fonctions ne
doit pas masquer le fait qu’elles sont totalement interactives : succion, mastication,
déglutition, ventilation, occlusion doivent être harmonisées pour un développement
crânio-facial optimal.
Fonctions de la sphère bucco dentaire Nutrition-succion Elle commence à la naissance : c’est la succion nutritive par alimentation au sein ou au
biberon. Depuis longtemps, les médecins ont fait l’apologie de l’allaitement au sein, qui, en
dehors de son aspect alimentaire qualitatif, joue un rôle morphogénétique primordial.
Limme (1,2)
rappelle : « les fonctions d’alimentation vont jouer dès le plus jeune âge, un rôle
important pour la croissance des mâchoires et des structures dentaires. L’allaitement au sein
est une matrice fonctionnelle puissante pour stimuler la croissance, grâce aux mouvements de
propulsion mandibulaire ».
L’aspect fonctionnel de la tétée est maintenant acquis : « l’importante activité musculaire et
la synchronisation précise des diverses fonctions qu’elle requiert, conjuguées à l’énorme
potentiel de croissance de cette période, lui confère un rôle morphogénétique déterminant
pour le développement du nourrisson. ».(3)
La tétée sollicite les ptérygoïdiens latéraux, stimule le ligament sphéno-mandibulaire et
permet ainsi un développement mandibulaire complet et symétrique. Les groupes d’enfants
allaités au sein par rapport aux groupes témoins ont montré une baisse de prévalence des
malocclusions (1)
Le schéma fonctionnel de tétée au biberon est lui, caractérisé par une posture linguale et
mandibulaire moins protrusive, avec pour conséquence une inhibition de toute une gamme
d’excitations et de tensions physiologiques à point de départ buccal et articulaire.
Nutrition - Mastication (1,4-6)
C’est une fonction acquise qui succède progressivement à la fonction de nutrition-succion.
Ce phénomène complexe met en jeu pratiquement toute la musculature de la tête et du cou,
ainsi que les muscles peauciers des lèvres, de la langue et des joues.
Les mouvements masticatoires se développent pendant l’apparition des dents temporaires, la
proprioception jouant un rôle essentiel dans l’apprentissage. L’éruption des incisives
temporaires supérieures et inférieures va permettre la fonction de préhension-morsure, qui va
alors jouer son rôle dans les stimulations de croissance mandibulaire.
La mise en place des premières molaires temporaires vers 1 an donne la limite verticale de
l’occlusion et définit pour la première fois une référence antéro-postérieure d’intercuspidation
qui sera pérennisée par l’apparition des deuxièmes molaires temporaires vers 2 ans.
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Les mouvements masticatoires se complexifient, se spécialisent et se structurent vers une
mastication efficace, de type unilatéral alterné avec symétrie de forme et d’amplitude.
L’évolution de la texture des aliments ainsi que les changements de comportement alimentaire
vont conditionner les paramètres caractéristiques des cycles masticatoires : en présence d’une
alimentation molle ou semi-molle, les cycles sont étroits, de faible amplitude et peu
dépensiers en énergie musculaire.
Les performances masticatrices ne s’exercent qu’en présence d’aliments durs et résistants qui
demandent un travail musculaire important.
La diminution des sollicitations masticatrices entraîne une absence de stimulation du
potentiel de croissance structurelle et peut créer une déficience de croissance morphologique
(pommettes effacées, maxillaire supérieur hypodéveloppé..) dans les trois sens de l’espace.
Pour M.J. Deshayes (7)
: « c’est tout l’équilibrage du puzzle crânio-mandibulaire qui ne
s’effectue pas en l’absence d’une mastication puissante. »
Déglutition
(8).
Cette fonction intéresse trois étages anatomiques différents : la cavité buccale, le pharynx,
l’œsophage et ceci pour un seul objectif : transporter les aliments vers l’estomac à l’aide
d’effecteurs musculaires et de commandes nerveuse spécifiques.
Si la déglutition est réflexe in utero (succion-déglutition), elle devient praxie à la naissance en
intégrant progressivement un contrôle volontaire, ce qui sous-entend une possibilité
d’apprentissage, au moins du temps buccal.
De 0 à 4 mois, la langue a une posture de repos horizontale. Ensuite, elle recule et n’est plus
interposée chez la plupart des enfants. Après 6 mois, la langue au repos est reculée et en
contact avec le palais.
La persistance de la déglutition type succion est considérée comme normale jusqu’à la fin
de la première dentition (environ 2 ans) et est caractérisée par un contact entre la langue et les
lèvres. Elle subit ensuite une évolution spontanée induite par le développement de la dentition
et des praxies de mastication où théoriquement, le contact langue/ lèvres est rompu par la
barrière incisive : la capture des aliments n’est plus labiale mais incisive.
Les dents doivent être en contact léger lors de la déglutition dite de sujet denté, avec une
pression linguale s’exerçant sur le palais et permettant ainsi le développement optimal de la
voûte palatine (vers 6 ans). La déglutition s’effectuant de 1500 à 2000 fois par 24 heures, il
est logique de penser qu’une perturbation systématique des appuis linguaux puisse avoir des
conséquences sur la morphologie des arcades dentaires et des pièces squelettiques de
l’appareil manducateur.
La persistance d’une déglutition infantile, ainsi qu’une mauvais posture de la langue au repos
risque d’ entraîner des troubles de la croissance faciale par absence de stimulation de
l’expansion transversale de la voûte palatine lors de chaque déglutition , par l’intervention de
pressions musculaires inadéquates ( pressions buccinatrices, contraction de la musculature
mentonnière et de la musculature labiale inférieure..) et par des stimulations musculaires
inappropriées ( ptérygoidiens latéraux ) (Fig.1.)
Fig. 1 -Posture linguale dysfonctionnelle au repos et à
la déglutition.
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Ces appuis anormaux vont avoir des conséquences dans les trois sens sur la croissance faciale,
et ceci différemment selon le patron génétique : endoalvéolie, rétrognathie ou prognathie
mandibulaire, aggravation du sens vertical squelettique, infraclusion antérieure,
hypodéveloppement de la partie moyenne de la face, apparition de troubles des ATM...
Les raisons pour lesquelles le passage à une déglutition physiologique ne s’effectue pas chez
un enfant sont multiples et peuvent être concomitantes : immaturité neuromusculaire ou
déficience psychologique, persistance de parafonctions (sucette, pouce, doigt, biberon..),