1 Ahmed SOUSSAN * L L A A R R E E G G I I O O N N A A L L I I S S A A T T I I O O N N P P R R O O B B L L E E M M E E S S E E T T P P E E R R S S P P E E C C T T I I V V E E S S - - LA PROBLEMATIQUE REGIONALE La régionalisation a été, tout au long de l’histoire contemporaine du Maroc, une préoccupation constante pour le pouvoir central. Sous le protectorat français (1912-1956), le découpage du territoire de 1940 en 7 régions relevait d’un modèle militaire et sécuritaire, destiné à assurer le contrôle du territoire. • Le découpage de 1971, en 7 régions également, se réclame d’une logique économique. La région y est ainsi définie comme: «un cadre économique dans lequel des études seront entreprises et des programmes réalisés en vue d’un développement harmonieux et équilibré des différentes parties du Royaume » (Article 2). (1) Mais, fait surprenant, ces sept régions dites « économiques » correspondent presque exactement aux régions militaires du protectorat (2) . La régionalisation, stratégie initiée par le pouvoir central, a fait l’objet de critiques dans sa forme et dans son contenu, mettant notamment en exergue les disparités inter et intra régionales d’ordre à la fois administratif et économique. En fait, le bilan de cette période s’est révélé en deçà des ambitions attendues. • Le nouveau découpage de 1997 en 16 régions procède de la même logique que celle de 1971. Il s’agit, en fait, d’un assemblage au sein d’un ensemble régional de plusieurs provinces aux atouts naturels différents, en vue d’une mise en valeur des complémentarités de leurs ressources au profit d’un développement intra régional. Or, l’année 1997, coïncidait avec des élections législatives ; ce qui laisse à penser que le souci électoral fut quasi-présent dans le découpage régional du Maroc. • Le projet de découpage de la Commission Consultative de la Régionalisation (CCR) a été présenté à SM le Roi, au mois de mars 2011, juste un an avant les élections de 2012. Après plus de 30 ans de fonctionnement, le bilan de la politique régionale économique reste très limité. Les disparités et les déséquilibres économiques et socio-spatiaux auxquels la régionalisation a voulu remédier, se sont en fait amplifiés. (1) : Dahir n° 1-71-72 du 16 juin 1971, BO n° 3060 du 23 Juin 1971 (2) : Hors ex-zone espagnole naturellement non incluse dans le découpage de 1940.
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La régionalisation a été, tout au long de l’histoire contemporaine du Maroc, une préoccupation
constante pour le pouvoir central.
Sous le protectorat français (1912-1956), le découpage du territoire de 1940 en 7 régions
relevait d’un modèle militaire et sécuritaire, destiné à assurer le contrôle du territoire.
• Le découpage de 1971, en 7 régions également, se réclame d’une logique
économique. La région y est ainsi définie comme:
«un cadre économique dans lequel des études seront entreprises et des programmes réalisés en vue d’un développement harmonieux et équilibré des différentes parties du Royaume » (Article 2). (1)
Mais, fait surprenant, ces sept régions dites « économiques » correspondent presque
exactement aux régions militaires du protectorat (2).
La régionalisation, stratégie initiée par le pouvoir central, a fait l’objet de critiques dans sa
forme et dans son contenu, mettant notamment en exergue les disparités inter et intra
régionales d’ordre à la fois administratif et économique. En fait, le bilan de cette période s’est
révélé en deçà des ambitions attendues.
• Le nouveau découpage de 1997 en 16 régions procède de la même logique que
celle de 1971. Il s’agit, en fait, d’un assemblage au sein d’un ensemble régional de plusieurs
provinces aux atouts naturels différents, en vue d’une mise en valeur des complémentarités de
leurs ressources au profit d’un développement intra régional.
Or, l’année 1997, coïncidait avec des élections législatives ; ce qui laisse à penser que le souci
électoral fut quasi-présent dans le découpage régional du Maroc.
• Le projet de découpage de la Commission Consultative de la Régionalisation (CCR)
a été présenté à SM le Roi, au mois de mars 2011, juste un an avant les élections de 2012.
Après plus de 30 ans de fonctionnement, le bilan de la politique régionale économique
reste très limité. Les disparités et les déséquilibres économiques et socio-spatiaux auxquels la
régionalisation a voulu remédier, se sont en fait amplifiés.
(1) : Dahir n° 1-71-72 du 16 juin 1971, BO n° 3060 du 23 Juin 1971
(2) : Hors ex-zone espagnole naturellement non incluse dans le découpage de 1940.
Il comprenait 7 régions économiques divisées en préfectures et provinces : (1)
1. Le Sud : 12 provinces 2. Le Tensift : 3 préfectures et 5 provinces 3. Le Centre : 7 préfectures et 6 provinces 4. Le Nord-Ouest : 3 préfectures et 7 provinces 5. Le Centre-Nord : 3 préfectures et 5 provinces 6. L'Oriental : 3 provinces 7. Le Centre-Sud : 2 préfectures et 4 provinces
Maroc 100 100 100 100 100 100 Source : Département de l’Industrie, les industries de transformation, Ex ; 2009, Ed. 2010.
L’implantation géographique des industries de transformation reste caractérisée par une forte
concentration dans quatre régions : Le Grand Casablanca, Doukkala-Abda, Tanger-Tétouan et
Souss-Massa-Drâa qui totalisent à elles seules :
- 54% du nombre des établissements - 75% de la valeur de la production - 78% du montant des investissements - 68% du total des effectifs - 80% de la valeur des exportations - 75% de la valeur ajoutée industrielle.
Dans ce lot, le Grand Casablanca prédomine avec :
- 33% du nombre des établissements - 50% de la valeur de la production - 53% du montant des investissements - 40% du total des effectifs - 29% de la valeur des exportations. - 49% de la valeur ajoutée industrielle.
Ainsi, malgré tous les avantages et encouragements attrayants accordés par les différents
codes des investissements et la charte d’investissement en vue d’attirer les investisseurs vers
d’autres régions, ceux-ci accusent encore une préférence pour les mêmes régions,
Dans ce classement, les régions du Sud se trouve, avec un PIB de 21,7 milliards de dirhams, à
la douzième place.
Mais, au-delà de la production, comment mesurer l’état de développement d’un pays ? Les
institutions internationales (Banque Mondiale, PNUD) proposent une panoplie d’indicateurs
dont l’Indice de Développement Humain ou IDH publié, depuis 1990, par le PNUD (1)
(Programme des Nations Unies pour le Développement)
Le Maroc a été classé, en 2007-2008, à la 126ème place (2) sur l’échelle de l’IDH, perdant ainsi
trois places par rapport à 2006. Cependant, tout porte à croire que la mise en œuvre récente
de l’Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH) est appelée à améliorer
sensiblement ce rang dans les années à venir.
Le graphe ci-après donne le classement des régions du Maroc selon le niveau de l’IDH.
(1) L’ IDH est un indicateur composite adopté par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) pour comparer les niveaux de développement humain atteints par les divers pays. Il synthétise le taux d’alphabétisation des adultes, le taux brut de scolarisation - tous niveaux confondus – l’espérance de vie à la naissance et le produit intérieur brut réel ajusté par habitant et exprimé en partie de pouvoir d’achat (PIB en PPA/hab.) (2) On ne manquera pas, ici, de rappeler que le HCP conteste le mode de calcul du PNUD dont les données ne sont pas mises à jour, et de ce fait pénalise le classement du Maroc.
12
Le développement humain est à son niveau le plus bas dans les régions de Taza–Al Hoceïma-
Graphe 7 : Répartition de la superficie des 12 régions
3.1- Répartition de la population des 12 régions
Graphe 6 : Répartition de la population des 12 régions
La répartition régionale de la population selon le projet de la CCR fait apparaître une
concentration plus accentuée :
• 5 régions totalisent dans le découpage actuel près de 50% de la population ;
• 4 régions totalisent dans le projet de la CCR près de 60 % de la population totale.
Découpage actuel Projet de la CCR R09- Le Grand-Casablanca 21,1% R04- Souss-Massa-Dräa 10,4% R07- Marrakech-Tensift-Al Haouz 10,4% R16 –Tanger-Tétouan 8,3% R10- Rabat-Salé-Zemmour-Zaër 7,9% Sous total 49,1%
R6- Casablanca – Settat 19,5% R4- Rabat-salé-Kénitra 13,2% R7- Marrakech-Safi 13,2% R3- Fès- Meknès 12,9% Sous total 59,3%
3.2 Répartition de la superficie des 12 régions
19,7% 18,6% 18,4%
7,6%6,5% 5,8% 5,6% 5,5% 5,1%
2,7% 2,6% 1,9%
R11 R8 R12 R9 R10 R5 R3 R7 R2 R6 R4 R1
Là également, trois régions détiennent 57 % de la superficie du pays contre 50%
actuellement.
19,5%
13,7% 13,2% 12,9%
9,1% 8,4% 7,9% 7,8%
4,5%
1,4% 1,2% 0,5%
R6 R4 R7 R3 R1 R5 R9 R2 R8 R10 R11 R12
18
Graphe 8 : Répartition des régions selon la densité de population (en hab/km²)
- Découpage actuel)
Découpage actuel Projet de découpage de la CCR R02- Laâyoune-Boujdour-Sakia-Al Hamra 19,6% R03- Guelmim-Es Smara 18,8% R08- l’Oriental 11,7%
Graphe 10 : Répartition du PIB selon les 12 régions (en %)
• Dans le découpage actuel, 11 régions sur 16 atteignent une densité supérieure à la
moyenne nationale (42,1 hab/km2), avec un score de 2.248,3 habitants au km2 pour la
région 9 (le Grand Casablanca).
• Dans le projet de découpage de la CCR, 8 régions sur 12 affichent une densité
supérieure à la moyenne nationale (43,9 hab./km²), avec un score de 312 ,9 hab/km² pour
la région 6 (Casablanca-Settat).
3.4- Distribution de la richesse : une méga-région : Casablanca-Settat
Le projet de découpage de la CCR accentue les inégalités déjà présentes dans le découpage
actuel. En effet, 3 régions sur 12 (Casablanca-Settat, Rabat-Salé-Kénitra et Marrakech-Safi) se
voient attribuer un peu plus de la moitié de la richesse nationale (51%).
A l’inverse, la grande région de Drâa-Tafilalet avec 18,6% de la superficie du pays, devrait se
contenter de 4,1% de la richesse nationale.
Découpage actuel Projet de découpage de la CCR R09- Le Grand Casablanca 21,3% R10- Rabat-Salé-Zemmour-Zaër 13,6% R07- Marrakech-Tensift-Al Haouz 8,9% R16- Tanger-Tétouan 8,8%
Quant au PIB par habitant, il se présente de la manière suivante :
Graphe 11 : Répartition indiciaire du PIB par habitant selon les 12 régions (Indice 100= national)
Dans 3 régions Lâayoune-Sakia Al Hamra (157,4), Béni Mellal- Khénifra (134,2) et
Casablanca-Settat (127,9), le PIB par habitant dépasse la moyenne nationale.
A l’inverse, la région Ed Dakhla-Ouad Ed Dahab présente le PIB par habitat le plus
faible (indice 41,5).
CCOONNCCLLUUSSIIOONN
La régionalisation constitue, au Maroc, une approche privilégiée du développement.
Or, l’analyse des résultats de cette expérience montre des inégalités de développement
économique et social entre les différentes régions aussi bien au niveau des secteurs productifs
(agriculture, industrie, tourisme, etc.) qu’au niveau des secteurs sociaux (population, emploi,
enseignement, santé, niveau de vie, etc.).
Réduire ces déséquilibres et disparités devient un enjeu de taille.
Une nouvelle impulsion a été donnée à la régionalisation par le discours royal du 6 novembre
2008, à l’occasion du 33ème anniversaire de la Marche Verte : SM le Roi invite la société civile à
réfléchir sur le concept d’une « régionalisation avancée et graduelle » propre au Maroc.
« Nous attendons de chacun qu’il fasse preuve d’une forte mobilisation et qu’il prenne la pleine mesure des enjeux stratégiques de ce chantier déterminant qu’est la régionalisation élargie, à l’aune duquel on appréciera le succès des grandes réformes structurantes que Nous conduisons » SM le Roi Mohammed VI
L’installation de la Commission Consultative de la Régionalisation annoncée dimanche 03
janvier 2010, par SM le Roi Mohammed VI est un grand pas en avant dans la concrétisation de
ce chantier stratégique de la régionalisation.
157,4134,2
127,9100,0
100,0 97,9 97,8 93,6 90,6 86,6
73,2 69,9
41,5
R11 R5 R6 R4 National R2 R10 R7 R8 R9 R3 R1 R12
21
La publication du projet de régionalisation de la dite commission a le mérite de poser le
problème dans sa globalité en termes de développement durable.
Or, repositionner la région en tant que centre de développement passe par le renforcement de
ses ressources financières et humaines à tous les niveaux du découpage administratif :
régional, provincial et communal.
La région, dotée de moyens adéquats nécessaires, pourrait ainsi jouer pleinement le rôle qui
lui est dévolu.
Mais, déjà quelques voies critiques s’élèvent, non pas sur les principes et critères qui ont
déterminé ce nouveau découpage en 12 régions, mais sur la configuration même de ces
régions.
Le débat est donc ouvert !
* Ancien professeur à la Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales de Rabat – Agdal Membre de l’association « ARTISANS DU MAROC » Directeur fondateur du Bureau d’Etudes, d’Enquêtes et de Recherche –Béta-structures - Consultant.