La Prisonnière du Désert (titre original : The Searchers) 1956 Un film réalisé par John FORD RESUME Texas 1868. Plusieurs années après la fin de la guerre de sécession, Ethan Edwards revient dans la famille de son frère, Aaron, marié à Martha. Le lendemain de son arrivée, Clayton, qui cumule les fonctions de capitaine des Texas Rangers et de révérend, emmène Ethan et le fils adoptif d'Aaron, Martin Pawley, qui a un peu de sang Cherokee dans les veines, à la chasse aux voleurs de bétail. Ceux-ci, probablement des Comanches, ont dépouillé le fermier Lars Jorgensen. A quelques kilomètres du village, Ethan et ses compagnons comprennent que les Indiens les ont volontairement éloignés afin de se livrer au pillage des fermes isolées. Quand ils arrivent à la maison, Ethan et Martin trouvent les cadavres d'Aaron et de Martha, laquelle a été violée. Leurs deux filles, la jeune Lucy et la petite Debbie, ont sans doute été enlevées. La patrouille de Clayton repousse, en faisant beaucoup de victimes, une charge des indiens sur le fleuve. Ethan annonce sa décision de partir à la recherche de Lucy et de Debbie. Il préférerait rester seul, mais Martin et Brad Jorgensen, fiancé à Lucy, tiennent à l'accompagner. Dans un canyon, Ethan retrouve le cadavre de Lucy. Fou de douleur, Brad s'élance en tirant sur le camp indien ; il est aussitôt abattu. La neige a commencé de tomber, après de longues et vaines recherches, Ethan et Martin reviennent à la maison de Lars Jorgensen à qui Ethan avait appris, il y a un an, par une lettre, la mort de son fils Brad. Laurie Jorgensen est amoureuse de Martin qu'elle connaît depuis l'enfance. Elle regrette amèrement que Martin ne soit pas plus démonstratif avec elle. A l'aube, Ethan est déjà reparti sans prévenir personne. Il aurait souhaité que Martin reste travailler avec les Jorgensen, mais Martin préfère partir sur ses traces. Furieuse de sa décision, Laurie lui a quand même donné son meilleur cheval. Ethan et Martin se retrouvent au bar de Futterman, lequel détient des renseignements sur Debbie. Elle serait avec le chef indien Scar. Ils retrouveront finalement Debbie au Nouveau-Mexique : mais elle est devenue une véritable Indienne, la femme de Scar. Ethan veut d'abord la tuer, mais elle est sauvée par Martin. Pour l'empêcher de recommencer, il lui révèle que sa mère avait été scalpée par Le Balafré. Martin tente tout de même de la délivrer avant la charge de cavalerie. Ethan pénètre dans la tente du Balafré et le scalp refaisant lui-même le geste qu'il reproche aux indiens. Alors qu'il va exécuter Debbie, il la prend dans ses bras et la reconduit chez les Jorgensen. Il reprend la route, seul. ANALYSE La prisonnière du désert s'inscrit dans la lignée expressionniste des films de Ford à la fois par le jeu des acteurs (regards d'Ethan, geste d'accueil de la belle-sœur) par un emploi tranché de la couleur notamment pendant les attaques de nuit (à l'opposée des teintes plus douces de She wore a yellow rubban) et surtout par l'emploi de contrastes violents. Les premiers plans mettent en effet en place un contraste très marqué. Nous sommes, spectateurs, à l'intérieur de la maison, dans le noir. Une porte s'ouvre et un étranger arrive. Le contraste lumineux est tellement fort qu'on ne peut pas ne pas l'avoir remarqué. Ce contraste entre un milieu noir protecteur et un milieu lumineux dangereux sera rappelé à la fin du film avec l'ombre protectrice de la grotte vers laquelle Debbie court se réfugier. La grotte est alors une sorte de ventre maternel, un lieu de protection pour Debbie, terrorisée. La protection est parfois insuffisante. Après que la famille ait été massacrée, Ethan pénètre dans la maison, on reste alors dans le noir avec lui. L'ombre n'est plus protectrice, elle est le lieu de l'horreur. La prisonnière du désert décrit le trajet d'un héros de tragédie, aigri par la guerre de sécession perdue, confronté au mal et dont les valeurs sont trop archaïques pour s'intégrer dans la société en train de se construire où les valeurs changent et s'entremêlent. Venu cherché protection, il s'en ira solitaire. L'arrivée de Ethan, cadré entre deux pics de Monument Valley, le pose en héros de conquête. Mais la conquête est, si l'on peut dire, derrière lui. Ce qu'il cherche maintenant c'est à entrer dans ce qui reste pour lui de sacré, la famille. Le passage d'un monde à l'autre ne va pas de soi et Ford marque symboliquement les frontières entre les deux. Et ce, dès le générique puisque le mur de briques sur lequel il défile n'est rien d'autre que celui de la maison de son frère Aaron. La barrière de bois sur laquelle repose un vêtement devant la maison marque aussi une frontière. Pour que l'entrée dans la maison relève du sacré il faut une séparation : le sacré, l'intérieur du temple, s'oppose au (pro)fanum, l'entrée du temple. C'est Martha qui accomplit le rite : elle accueille Ethan en reculant, exécutant un mouvement extrêmement cérémonial renforcé par le repli en ordre de toute la famille derrière eux. Cette mise en scène peut contenter symboliquement Ethan. Cependant, dès la scène suivante, les signes de son exclusion de la famille et du social sont patents. Pour s'intégrer il ne peut offrir que les signes dérisoires d'une gloire passée : son sabre pour son neveu, une médaille pour sa nièce Debbie et des pièces yankee pour payer sa pension. (1) Il accomplit pourtant ce premier soir, un geste décisif. Se trompant sur l'âge de Lucy qu'il a connu toute petite, il commet une erreur sur l'identité de l'enfant qu'il prend dans ses bras et c'est Debbie qu'il soulève au-dessus de lui. Or lorsque, après dix ans de traque et être descendu au plus profond de la vengeance (le scalp de l'Indien), il remontra pourtant (course après Debbie) vers l'élan salvateur ("let's go Debbie") c'est grâce à ce même geste. En soulevant à nouveau Debbie au-dessus de