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La musique à Abbeville

Apr 08, 2023

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La musique

à Abbeville

grantley McDonald

depuis Abbeville, on peut sentir la mer. La proxi-mité de la Manche et l’influence culturelle et politique de l’Angleterre ont marqué la ville ; en témoigne surtout son bâtiment le plus fasci-

nant : la collégiale saint-Vulfran, successivement construite et reconstruite par ses seigneurs français et anglais (fig. 1). Les luttes politiques ont également touché les pratiques musica-les dans les églises de la ville alors que les seigneurs en place cherchaient à imprégner la région de leur identité. Mis à part le répertoire vocal sacré chanté à l’église, la ville a été égale-ment le théâtre de nombreuses pratiques musicales profanes, comme les chansons de trouvères, les puys de musique et de poésie, et les interprétations d’ensembles d’instrumentis-tes professionnels qui fournissaient de la musique à danser tout en enrichissant la vie musicale à l’église. Même si peu de musiciens de réputation internationale ont travaillé à Abbeville, cette dernière offre au chercheur l’intéressante opportunité d’examiner le développement de pratiques et d’usages locaux, inscrits dans une tradition bien définie. Les registres officiels de la ville donnent en effet des informa-tions précieuses – et parfois scandaleuses – sur le quotidien des musiciens qui ont résidé dans la ville.

Musique profane à Abbeville

des trouvères, poètes-musiciens les plus caractéristiques et les plus développés de la fin du Moyen Âge en France, il n’y a que très peu de témoignages. Le fait que Gerbert de Mon-treuil, trouvère du Xiiie siècle, dédie son Roman de la Violette

(vers 1227-1229) à la comtesse Marie de Ponthieu, fille de Guillaume iii, semble suggérer qu’il a été actif dans les envi-rons d’Abbeville, et qu’il a peut-être bénéficié du mécénat de ces seigneurs (Louandre 1883, 1, p. 272-273). L’activité d’autres trouvères peut être déduite du fait que deux fabliaux ont eu lieu dans la ville : Le bouchier d’Abbeville d’eustache d’Amiens, et La housse partie, vraisemblablement de ber-nier (noomen et van den boogaard 1983-2001, 3, p. 175-210, 237-336). il y a quelques traces de pratique de musique polyphonique profane à la fin du Moyen Âge. Le manuscrit Chartres, bibliothèque municipale 130 (aujourd’hui perdu), dont la compilation a commencé au Xie siècle, contenait une pièce ajoutée au milieu du XiVe siècle sur laquelle était inscrit : « C’est une chace qui ce chante a .ii. et le fit Frere Jehan Lebeuf d’Abbeville en Pontieu l’an 1362. » La notation de la pièce était caractéristique de l’ars nova, et présentait la particularité d’être presque entièrement constituée de liga-tures (schneider 1969, 2, p. 53, suppl. 149 ; reaney).

s’il y a peu d’informations sur les trouvères à Abbeville, il existe plus de documentation concernant les chantres et les ménestrels des périodes postérieures. entre 1390 et 1417, des paiements sont effectués par Jacques de Chasteillon, le sieur de dompierre, le sieur Walerand de raineval, le sieur de bouberch, le sieur de saint-Pol, le vidame de Pinqueguy, le connétable de France, le sieur de Croÿ, Jacques de harcourt (« cappitaine » d’Abbeville), le sieur de helly et le vidame d’Amiens, pour envoyer des ménestrels apprendre de nouvelles chansons aux grandes écoles de beauvais, soissons et saint-

Martin Zeiller, Abeville, in Topographiae Galliae, Zweiter Theil,Francfort-sur-le-Main, Caspar Merian, 1656, fol. s.n.

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omer. dans certains cas, les ménestrels sont spécifiquement mentionnés comme travaillant au service de ces nobles (brueil 1854, p. 655-656 ; Louandre 1883, 1, p. 272, citant les registres des argentiers d’Abbeville ; voir aussi les registres de 1412-1436). Certains jours de l’année, comme mardi-gras ou quaresmiaux (le premier dimanche du carême), les gens se rassemblent à la « fosse aux ballades », amphithéâtre natu-rel dans les bois environnant Abbeville, pour écouter les « chanteurs en plache », qui lisent et chantent des « histoires de seigneurs anchiens ». Certaines descriptions présentent des chanteurs s’accompagnant « en lut », « en vielle » ou « en giche » (rebec), tradition très ancienne. quand les chants sont terminés, il y a de coutume un concours « d’arbalète » (archerie) et un jeu de « cholle » (sorte de jeu de balle). des paiements à des musiciens et à des ménestrels sont consi-gnés dans les comptes des argentiers d’Abbeville entre 1346 et 1455, alors que la tradition de la « fosse aux ballades » est documentée jusqu’en 1540 (Thierry 1870, p. 394 ; Louandre 1883, 1, p. 271-273 ; Macqueron 1917, p. 297-300).

nombre de ces chanteurs semblent avoir participé à des puys ayant lieu plusieurs fois par an à Abbeville, le puy constituant une tradition très populaire dans tout le nord de la France. il y avait en effet deux compétitions annuelles de chansons chevaleresques à Abbeville, le « Puy des bal-lades », et le « Puy d’amour ». Alors que le « Puy d’amour » est célébré ailleurs le jour de la saint-Valentin, il a lieu à Abbeville plutôt le jour de Pentecôte ou le premier de l’an ; il est documenté jusqu’en 1462. Les chansons sont interprétées publiquement et obtiennent les suffrages de l’auditoire ; le vainqueur est couronné « roi » ou « prinche d’amour » puis, au cours d’un somptueux dîner payé par le conseil, reçoit les autres participants au puy, des digni-taires tels que le sénéchal de Ponthieu, le bailli et le maire d’Abbeville ainsi que d’autres citoyens de premier plan. La fonction sociale de ce dîner est importante : « pour tenir les bonnes gens en amour et bonne unyon l’un avec l’autre ». L’historien et poète Jean Froissart, qui a écrit des chroniques sur la guerre contre les Anglais, figure parmi les vainqueurs du « Puy d’amour » (breuil 1854, p. 577 ; Louandre 1883, 1, p. 270-271 ; bnF, ms. français 7214, fol. 148). La dimension festive de ces manifestations se doit également d’être notée. Martin Le Franc méprisait ces traditions semi-païennes pra-

tiquée en Picardie et en Artois : « aux festes a tournay | a celles d’Arras et de Lisle, | d’Amyens, de douay, de Cam-bray, | de Valenciennes, d’Abbeville, | la verras tu des gens dix mille, | plus qu’en la forestz de torfolz, | qui servent par sales, par ville | a ton dieu le prince des folz » (Goujet 1741-1756, 9, p. 217 ; blanchard 2008, p. xvii-xviii).

Ces festivités comportaient une dimension carnavalesque mise en scène grâce à des « inversions », notamment lors du couronnement du « prinche des sots », qui traversait alors la ville à califourchon et à l’envers sur un cheval d’osier, por-tant un chaperon décoré avec des oreilles d’âne et châtiant les maris cocus (sur ces inversions carnavalesques, voir bakhtine 1982). il existait des liens importants entre la compagnie du « prinche des sots » d’Abbeville et des groupes similaires à Amiens et Paris (où l’on élisait un « prince des amoureux »). Le « prinche » avait également une fonction organisation-nelle ; en 1400 par exemple, le « prinche » Pierre delatre reçoit une centaine de personnes à dîner à l’occasion du Puy. une congrégation de vingt-cinq membres dirigée par « l’évê-que de rue » au sein de « l’hôpital de rue » semble être reliée à une tradition à laquelle prenaient part les enfants de chœur de saint-Vulfran. Le 28 décembre, fête des saints innocents, les enfants de chœur ou les chanoines élisaient un « évêque des innocents », enfant qui présidait alors la « fête des folz ». La liturgie de l’église était interrompue pour deux jours alors que le clergé participait à des inversions rituelles des traditions habituelles de l’église. une monnaie spécifique en plomb était frappée pour l’occasion de cette « fête des folz » ; certaines pièces ont été conservées (rigollot 1837 ; Louandre 1883, 1, p. 273-274 ; blanchet 1890, 2.2, p. 461-466 ; Macque-ron 1917, p. 300-301 ; Foucart 1992).

nous connaissons le nom de quelques-uns des « chanteurs en plache » impliqués dans les puys ; certains d’entre eux étaient payés lorsqu’ils se rendaient à soissons ou beauvais : Andrieu de harple (1390), qui reçoit 5s « pour avoir chanté son roumand en vielle » ; Jaquet Clabaut (1391-1392) ; Jehan de dormans (1397), qui obtient 5s « pour avoir canté au bos en lut aux bonnes gens les istoires de son roumans » ; Jehan Lesage (1398-1400) ; Pierre Journe, « prinche d’amour » en 1398 et 1399 ; Fremin Lever, « prinche d’amour » en 1400 ; Fremin benin, « roy d’amour » en 1399 ; Pierre delatre,

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Crucifixion, in Évangéliaire de la collégiale Saint-Vulfran,manuscrit enluminé, fin XVe siècle.Abbeville, bibliothèque municipale, ms. 370, fol. 62.

« prinche des sots » en 1400 ; Jehan torne (1401) ; Massart Fontaines (1402) ; Forcheville (1402) ; Mahieu siffait, qui reçoit 5s en 1409-1410 « pour avoir chanté de giche de son roumant au bos le jour de micaresme » ; Pierre Yvort (1413), qui dirige un ensemble de ménestrels à Abbeville ; et Wil-laume Le barbier (1417) (breuil 1854, p. 654-658 ; Thierry 1870, p. 228-230 ; Louandre 1883, 1, p. 272).

il semble que le « Puy d’amour » soit aussi investi d’un caractère religieux. Thomas Le Ver (vraisemblablement iden-tifiable comme seigneur de Caux et de halloy, mort en 1430) établit une « chapelle ou chantuaire » du « Puy d’amour » au

sein de l’église saint-Georges, réservant à ses descendants le droit de présenter au maire des candidats à la chapellenie. Ce bénéfice, qui obligeait le chapelain à dire trois messes basses par semaine, existe encore en 1523, quand Pierre Le Ver présente Jehan Le Fèvre, « choriste » de saint-Georges, pour succéder à hugues de La Pérelle, présenté en 1492 (Macqueron 1918).

À la fin du Moyen Âge, à Abbeville, il y a de nombreuses traces de pratique du théâtre, essentiellement religieux, qui célèbre des histoires bibliques et les légendes des saints. Ces pratiques étaient certainement accompagnées de musique, spécialement lorsqu’il s’agissait de pantomimes ou tableaux vivants ; l’accompagnement devait alors être le plus souvent improvisé. des « jeux des mystères » ont été exécutés entre 1451 et 1459 derrière saint-Gilles, sur une place appelée « Camp Colart Pertris » ; le cimetière de saint-Jacques et la place du marché étaient également utilisés. de nombreux thèmes nous sont parvenus : « La Passion de notre seigneur Jésus-Christ » (1451 ; 1453, mimé ; 1455 ; 1462), « Vengeance de la mort de notre seigneur » (1463, 1468), « Jeux de la vie de monsieur de saint quentin » (1452), la « Purification de notre-dame » (1452), les « Jeux de monsieur de saint Andrieu » (1458), les histoires de Job, Gédéon, la Passion, le Jugement dernier et l’Annonciation (1466), les « histoires de daniel » (1477), les « Jeux de monsieur de saint roch » (1493) et les « Jeux de Monsieur saint quirien » (1499). Le poète Louis Choquet, né à Abbeville, interprète un mystère traitant de la création du monde, et publie un « Mystère de l’Apocalypse en rythme » (1541) (Prarond 1858, p. 44). Ces représentations provoquaient une certaine circulation des artistes dans la région, comme, par exemple, lorsqu’une troupe de théâtre d’Abbeville va se produire à Amiens en 1494.

Ces pièces de théâtre célèbrent parfois des événements politiques ou d’autres faits d’actualité, comme l’arrivée à Abbeville du cortège d’henri iV roi d’Angleterre (1430), la conquête de la Guyenne et la mort du chef anglais John talbot (1453), ou l’entrée de Charles le téméraire (1466), événements aussi annoncés par le son des trompettes. L’en-trée de Charles Vii (1493) est fêtée par une représentation allégorique dans laquelle des poèmes basés sur l’hymne marial Ave maris stella sont déclamés. L’un des tableaux

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L’adoration des mages,in Evangéliaire de la collégiale Saint-Vulfran,manuscrit enluminé, fin XVe siècle.Abbeville, bibliothèque municipale, ms. 370, fol. 252.

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vivants décrit la trinité au paradis, entourée de neuf chœurs d’anges. Le mariage de Louis Xii et de la jeune Marie tudor est célébré à Abbeville le 9 octobre 1514 avec des représenta-tions publiques dans lesquelles la musique, le théâtre et le spectacle tiennent une place importance. L’entrée de Marie est annoncée par des archers et des nobles français et anglais, « et apres y avoit huit trompettes d’Angleterre vestus de damas cramoysi. et apres marchoient encores plusieurs gen-tilz hommes de la maison du roy, les trompettes, clerons, haulboys et busines du roy marchoient aussi apres, lesquelz il faisoit bon ouyr a merveilles ». Après la messe nuptiale, « les trompettes et clarons, haulboys, busines et aultres instrumens tant de France que d’Angleterre jouoyent, lesquelz il faisoit tres bon ouyr ». Les interprètes locaux répondent avec des pièces de théâtre : « ceux de la ville ont faict de beaulx misteres et honnestes tant a l’entree de la porte que parmy la ville en plusieurs endrois et s’en sont tres honnestement acquictez ». d’autres festivités ont lieu lorsque Marie se rend à Paris le 6 novembre. La troisième représentation qui se tient dans la ville décrit « le mariage de la Vierge Marie et la salutacion Angelicque ou estoit escript Fiat michi secundum verbum tuum ». edward Lowinsky suggère que le motet de Jean Mouton Missus est Gabriel fut interprété pour la circonstance puisque la pièce se ter-mine par la phrase « Fiat michi secundum verbum tuum ». La cinquième représentation qui eut lieu à la porte saint-denis comportait aussi de la musique : « Audit eschauffault estoient chantres et enffens chantans mélodieusement Veni sponsa mea veni coronaberis et autres motees composez ad ce propos ». des intermèdes allégoriques furent réalisés à l’occasion de la réception donnée pour la visite du Cardi-nal Wolsey, en mission pour henri Viii, en 1527, et pour la reine eléonore (épouse de François ier) en 1531. des « jeux sur des chars », ou « jeux morals », étaient exécutés pour l’édu-cation du peuple et entrecoupés de chansons : l’un d’entre eux fut interprété en 1549 par les prêtres Charles ducrocq, nicolas robert et nicolas Cache « subz un chariot, au parmi des rues de ceste ville » (Lecocq 1880, p. 27, 44-50, 110, 117, 128-134, 175 ; Louandre 1883, p. 275-283 ; Lowinsky 1968, 3, p. 221-222).

L’activité des instrumentistes (hauts et bas instruments) est fortement réglementée à Abbeville, comme ailleurs (voir

bernhard 1842 ; Lesure 1953 et 1954). Alors qu’à saint-omer un statut rédigé le 22 mai 1528 donne des indications sur les restrictions imposées aux musiciens dans la région (« Pen-dant la guerre, il estoit défendu de jouer, après la Verdienne [cloche de la garde] du tambourin, du luth et rebecquet, sur 60 sous [d’amende] »), le même type de règle est appliqué à Abbeville à l’époque de la Ligue. Le 10 février 1589, un règlement stipule :

attendu la misère et callamité du temps, qu’il ne sera faict aucune revue le jour des caresmaux prochain par touttes les compaignies de ceste ville ; que touttes assemblées au son du tambourin et autres seront défendues à tous les habitants, mesmement de faire aulcune démonstration de récréation publicque pendant ce jours gras, de faire mascarade de jour ou de nuict, danser ny autres choses en approchant, avec le son des instruments ny autrement (Prarond 1868-1873, 2, p. 84-85).

À partir du XViie siècle, nous possédons un certain nombre de documents relatifs à l’organisation des maîtres joueurs d’Abbeville. La formation des instrumentistes se faisait par l’intermédiaire d’un système d’apprentissage. La profession était très réglementée, très protégée, fermée aux étrangers et réservait certains privilèges aux fils de maîtres, comme des réductions à l’admission dans la corporation. une réglemen-tation de saint-omer de 1476, renouvelée en 1489 et 1555, décrit les restrictions ainsi : « défences à tous étrangers non bourgeois de jouer de la flahutte, pippes, trompettes, tam-burs, harpes, leups et autres en la ville et banlieue aux noces, sur 20 sous ». un statut similaire de 1614 réglementant les maîtres joueurs d’Abbeville précise : « Ceux qui voudront jouer du violon et autres instruments seront tenus de faire expérience telle que les maïeurs et échevins voudront leur donner par l’avis des anciens maîtres ». La profession de musicien était alors très protégée, et il semble que c’est ce que les musiciens eux-mêmes souhaitaient.

Musique à Saint-Vulfran

Cette église flamboyante, inachevée après cinq siècles d’exis-tence, témoigne du désir mutuel de la noblesse française et anglaise de rivaliser de splendeur (fig. 4). L’église a pour origine une chapelle dédiée aux évêques saint nicolas et

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Vue d’Abbeville : place de l’Amiral Courbet et saint-Vulfran,photo début XXe siècle.en arrière plan : la nef inachevée de la collégiale saint-VulfranAbbeville, bibliothèque municipale, Ab u 90.

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saint Firmin. en 1058, le corps de saint Vulfran fut trans-porté de l’abbaye de Fontenelle vers Abbeville sur ordre du comte Guillaume de talvas, qui ordonna l’agrandissement de la chapelle existante pour qu’elle puisse y recevoir les reliques du saint. L’église agrandie bénéficia de nombreu-ses dotations. Vers 1110, Guillaume de talvas y fonde douze bénéfices ; en 1121, Jean ier en établit vingt ; en 1138, Jean ii en fonde six de plus ; en 1205, Guillaume iii investit pour six bénéfices supplémentaires ; en 1247, Marie de Ponthieu en établit six nouveaux ; Jeanne, plus tard reine de Castille et de León, se montre tout aussi généreuse.

L’église érigée par talvas a été démolie en 1346 et rempla-cée en 1363 par le nouveau comte de Ponthieu, edouard iii d’Angleterre. Cette nouvelle église occupait la place du chœur actuel. en mai 1369, dans les jours qui suivent la reconquête du territoire par Charles V, le monarque français établit une fondation à saint-Vulfran : il s’agissait d’une messe du saint-esprit qui devait se transformer en messe des morts à perpétuité après sa mort. en 1480, Louis Xi marque à son tour son autorité sur la région, sans doute avec en mémoire la perte de ce territoire au profit de la bourgogne en 1465 et l’in-vasion avortée d’edouard iV en 1475. il fait une donation à la

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chapelle du saint-esprit de rue pour l’acquisition de terri-toires à Laviers, au nord-ouest d’Abbeville. Les revenus de ce territoire devaient alors financer une messe solennelle du saint esprit, à dire et à chanter quotidiennement (ignace 1645, p. 421-422 ; Prarond 1954, 1, p. 62, 100). son successeur, Louis Xii, fait un geste encore plus téméraire : la reconstruction de saint-Vulfran, visant bien évidemment à surpasser l’église anglaise en place. La première tranche de travaux commence le 7 juin 1488. Louis confie ensuite la réalisation de cette tâche au cardinal Georges d’Amboise. Après la mort de ce dernier, les travaux prennent du retard, et seuls le portail et une partie de la nef sont complètement terminés. Malgré tout, cette partie est consacrée en 1531 et reste le bâtiment le plus beau et le plus représentatif de la ville (Prarond 1857-1860).

en 1383, une bulle du pape Clément Vii (ratifiée par Charles Vi) établit à saint-Vulfran la dignité du scholasticus (écolâtre), pour instruire des jeunes garçons « in grammaticalibus, logi-calibus et aliis primitivis scientiis » (« en grammaire, logique et autres sciences principales ») ; il n’est pourtant pas spécifié s’il s’agit d’enfants de chœur ou de jeunes vicaires. Ce n’est pas avant 1459 que les comptes de saint-Vulfran mentionnent la présence d’enfants de chœur. Peu après, le 11 décembre 1463, Louis Xi promulgue un décret pour « la décoration de ladite église » dans laquelle il installe un chœur de six chantres et un maître « pour les instruire en l’art de Musique » et par-vient à dégager deux prébendes afin de payer la formation, le gîte et le couvert des jeunes garçons ; tout ceci doit se passer « sous la discrétion et ordonnance desdits doyen et Chapitre ». Ces « jeunes enfans, desquels la voix est plaisante et acceptable à dieu, » devaient chanter « aux matines, la Messe, et autres heures du jour, comme font, et ont accous-tumé faire enfans choriaux és autres eglises Collegiales de nostre royaume ». néanmoins, le document rappelle que tout cela doit continuer tant que « le service divin n’en sera point diminué » par le chant (Paris, bnF, ms. nouvelles acqui-sitions latin 1682 [Cartulaire de saint-Vulfran], fol. 175v-177 ; ignace 1645, p. 93-94). Parmi les chapelains de saint-Vulfran dans les années 1480, figure un certain Jehan Lecat, enregis-tré comme maître des enfants de saint-Vulfran et organiste à l’église saint-Georges en 1485. il s’agit probablement de « Johannes Cati », mentionné dans la bulle du pape eugène iV le 17 février 1434, qui institue quatre vicaires majeurs et

quatre mineurs à saint-Vulfran « pour conduire et augmenter le culte » (« pro divini cultus directione et augmento ») ; ces hommes devaient être présents « à tous les offices du jour et de la nuit avec le doyen et les membres du chapitre » (« horis canonicis diurnis et nocturnis una cum decano et capitulo ») (Paris, bnF, ms. nouvelles acquisitions, latin 1682, fol. 42-44). Jean Le Mercier, enregistré comme doyen de saint-Vulfran en 1468, a servi dix mois en 1469-1470 à la cour de Louis Xi ; il sert ensuite comme chanteur dans la chapelle papale à la fin de 1470 et de nouveau entre 1483 et 1494 (ignace 1645, p. 97 ; Prarond 1857-1860, p. 177 ; haberl 1887, p. 229-230, 241-246 ; Perkins 1984, p. 530, en citant Paris, bnF, ms. fran-çais 32511, fol. 312).

bien que le chœur ait été créé assez tôt, le premier docu-ment montrant des dispositions prises pour la maîtrise date du 10 janvier 1520. il est possible que cela ait un lien avec le doyen du moment, Jean Leclerc (Clerici), intéressé à promouvoir la musique. Clerici avait été enfant de chœur, vicaire et chapelain à noyon, puis archidiacre d’Amiens. Après avoir servi comme chantre et chapelain ordinaire dans la chapelle de musique de Louis Xii, il fut nommé doyen de saint-Vulfran en 1511, où il servit jusqu’en 1530 environ, date à laquelle il retourna à Amiens. il meurt le 15 avril 1536, laissant au chœur d’Amiens un grand nombre d’ouvrages musicaux qui figurent dans l’inventaire du 4 octobre 1547 (ignace 1645, p. 97, 102. durand 1922, p. 127, précise que Jean Leclerc ne doit pas être confondu avec un homonyme, qui servit également à Amiens, au sein de la chapelle papale en 1450 et dans la chapelle de Louis Xi, mais qui est décédé en 1511). À partir du milieu du XVie siècle, les documents concernant le personnel de la maîtrise commencent à être un peu plus riches. en 1545-1546 Antoine Lesne est docu-menté comme chantre et maître des enfants, recevant 24 sous de gages. La maîtrise, constituée d’un maître et de huit enfants de chœur, est située dans l’une des anciennes mai-sons canoniales (Abbeville, bibliothèque municipale, ms. 149, p. 7). Le bâtiment a entièrement brûlé le 20 février 1650 parce qu’un enfant de chœur avait attaché une chandelle à son lit. deux enfants de chœur morts pendant l’incendie furent enterrés dans la nef. en 1656, après avoir loué des logements pendant six ans, la maîtrise fut installée dans de nouveaux locaux.

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entre autres tâches, le maître prenait en charge l’éducation et la formation générale des enfants de chœur. Le 29 décembre 1586, le chapitre annonce que « Le maître des enfants de chœur doit fournir aux dits enfants un maitre de grammaire à ses dépens ». À partir de 1565, un autre membre du chapitre était aussi en charge de l’éducation des enfants de la ville. Cette position créée par l’Édit d’orléans (1560), n’apporta pas seu-lement une certaine stabilité religieuse mais aussi une bonne stimulation pour l’éducation des enfants. en octobre 1564, l’échevinage d’Abbeville présenta une pétition au roi pour nommer un enseignant conformément à l’article neuf de l’Édit qui stipulait « que en chacune église cathédrale et collégiale de cestuy royaume sera réservé une prébende ou le revenu d’icelle qui demeurera destiné pour l’entretenement d’un précepteur, qui sera tenu, moyennant cela, instruire les jœunes enfans de la ville gratuitement et sans salaire ». Le chapitre ajoute que le précepteur devait chanter dans le chœur les dimanches et jours de fêtes, ainsi qu’aux matines, dans la deuxième leçon. il avait également la responsabilité d’engager quelqu’un pour enseigner le chant aux enfants dont il avait la charge. Le pre-mier candidat à ce poste, le prêtre Jehan Marand de bailleul, maître ès arts, résident à Abbeville, est alors nommé comme principal régent et précepteur des « grandes escolles ». Le cha-pitre est quelque peu parcimonieux dans le soutien financier des activités de Marand ; en conséquence, quand le chanoine François de bacouel décéda en 1565, le procureur du roi et le procureur de la ville firent en sorte d’attribuer le poste vacant à Marand. durant l’été 1566, un autre prétendant au poste, Anthoine quentin, chantre de la chapelle royale, se présenta avec des lettres patentes du roi lui attribuant le poste de bacouel. La requête de quentin fut finalement rejetée par un arrêt du parlement du 17 décembre 1566, et il semble qu’il soit retourné par la suite à la chapelle royale, où il apparaît dans des documents de 1582 à 1587. en 1581, le chapitre de saint-Vulfran permit à d’autres maîtres d’enseigner divers sujets comme la lecture, l’écriture, la musique, les bonnes mœurs, à la condition qu’ils ne donnent pas de cours de latin, vraisem-blablement parce que cette discipline devait être enseignée par le précepteur officiel et le maître des enfants (Prarond 1888, p. 35-45, 554 ; brooks 2000, p. 521).

en 1583, la formation des jeunes d’Abbeville s’enrichit avec l’établissement d’un collège, géré par trois régents et leur chef.

en mai 1592, Jacques saulmon (maître ès arts) fut nommé comme premier des trois régents du collège et professeur de rhétorique (Prarond 1888, p. 64, 69, 554). Ce Jacques saul-mon est vraisemblablement le fils d’Antoine saulmon, auditeur à Abbeville en 1529 et 1532 (de la Gorgue-rosny 1874-1875, 3, p. 1364-1365). il avait servi comme chantre ordinaire de la chambre d’henri iii entre 1575 et 1586, et est enregistré dans plusieurs documents royaux comme taille et haultcontre. il est également connu comme compositeur, collaborant avec beaulieu pour le Balet comique de la Royne (1581) et remportant le « luth d’argent » au Puy d’Évreux en 1575 pour sa chanson Je meurs pensant en ta douceur (aujourd’hui perdue). deux de ses chansons polyphoniques nous sont parvenues : Baisez o déesses et O beau laurier (dans le Vingtquatrième livre d’airs et chansons à quatre et cinq par-ties, Paris, Le roy & ballard, 1583) ; cette dernière est arrangée pour voix et luth dans le recueil des Airs de différents autheurs, mis en tabulature de luth par Gabriel Bataille (Paris, ballard, 1608) (brenet 1910, p. 138-139 ; dobbins ; brooks 2000, p. 24, 30, 62-65, 89, 403, 406, 527-528). À la mort de Mathieu brette en 1584, saulmon devint chanoine de saint-Pierre de la Cours au Mans, statut qu’il conserva jusqu’en 1587, quand il cède cette position à Étienne Piau (Menjot d’elbenne et denis 1910, p. cccxv, cccciv, ccccxxi). Le 2 septembre 1593, un certain Jacques saulmon devint chanoine et clerc à saint-Vulfran. il est possible d’y suivre sa carrière jusqu’à sa mort en 1640 ; cette carrière inclut une période pendant laquelle il servit comme chantre prében-daire ; il n’y a aucune preuve évidente qui confirmerait qu’il est bien le même homme que le chanteur de la chapelle royale, même si cette hypothèse reste plausible. C’est lors du « stage rigoureux » que saulmon demanda la permission d’être absent en semaine pour assurer ses responsabilités au collège. il obtint cette autorisation à la condition qu’il soit présent les jours de fêtes. il est également exempté des obits solennels tout en pouvant cependant prétendre au revenu comme s’il était présent ; ce dernier privilège, remis en cause par le promoteur et considéré comme contraire aux statuts, se trouve finalement annulé le 1er octobre 1594. Pendant le siège d’Amiens de 1597, saulmon renonce à la cure d’Ailly-le-haut-Clocher, et henri iV y nomme david Le dien (Ad de la somme, G 639, fol. 16v). il semble qu’il n’ait jamais agi en tant que maître des enfants à saint-Vulfran. Cependant,

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il reçoit en 1618 l’un des deux bénéfices réservés aux basses-contres « pour remplir le chant et psalmodie ». Ces bénéfices avaient été établis par décret royal en 1611, par l’amortisse-ment de deux des six prébendes quotidiennes de saint-Vulfran, après qu’une forte baisse des revenus de l’église et qu’une augmentation du coût de la vie eurent rendu difficile le recrutement de bons chanteurs (Paris, bnF, ms. nouvelles acquisitions latin 1682, fol. 45-48). Le premier chanteur engagé après ces nouvelles mesures est Jacques hubert ; en 1619, nicolas Gougelet, chantre de la chapelle royale de musique, succède à hubert, et tente de faire retirer à saulmon ses bénéfices et sa position, de façon à s’octroyer les deux prébendes. La présence de trois chantres de la chapelle royale dans une période de cin-quante ans est tout à fait remarquable, mais un document récemment découvert à blois par ted dumitrescu montre que, dès 1508, le compositeur de la cour, Jean Mouton, avait disposé d’un canonicat (sans doute in absentia) de saint-Vulfran (Ad du Loir-et-Cher, e 743, fol. 57). Les tentatives de Gougelet visant à destituer saulmon restèrent vaines puisque l’on trouve en 1620 les noms de Claude herrel et Martin donger comme détenteurs des bénéfices. Mis à part ce contretemps, saulmon mena une brillante car-rière ecclésiastique. en 1609, il est nommé au bureau des pauvres d’Abbeville (brandt de Galametz 1906, p. 205). La même année, il devient l’un des trois prévôts de la confra-ternité de la Conception, et en 1626 il en devient le bâtonnier, faisant don de « deux voiles pour couvrir le calice » (Macqueron 1917, p. 403, 414). de 1609 à 1625, il est également curé de saint-Gilles. il est choisi pour représen-ter le clergé aux États Généraux de 1614 (Abbeville, bibliothèque municipale, ms. 108, fol. 1003 ; Thierry 1870, p. 497-498. Crépin, en 1914, montre qu’il existe un autre Jacques saulmon, curé à saint-Gilles entre 1644 et sa mort, en 1676). en 1615, il est chargé d’empêcher l’établissement des Jésuites à Abbeville (Prarond 1888, p. 112, 556). Lorsque François Fauré de Caumartin, évêque d’Amiens, entre dans la ville en 1618, saulmon est désigné pour prononcer un discours de bienvenue (Crépin 1914, 28). Les preuves de son talent d’orateur sont perceptibles dans l’un de ses poèmes latins, paru dans la collection Uranie penitente (1628), éditée à rouen par Jacques Le Clerc : « Pupius edebat lacrymosa poemata quondam [cf. horace, Epist. i.1.67], | quae mæstâ

biberet trossilus aure frequens ; | et nunc Vraniam vitae peccata gementem | donat cui plaudas Clericus ore pio : | qui si decurrit scopulo velut amnis ab alto, | ingenii vis est, vis quoque et eloquii » (un jour Pupius prononça des poèmes larmoyants que trossilus reçut d’une oreille triste ; et maintenant, de ses pieuses lèvres, [Jacques] Le Clerc t’offre uranie gémissant pour les péchés de sa vie, tâche pour laquelle il mérite vos remerciements. La force de son esprit et de sa parole est comme une rivière tombant d’une falaise élevée ; voir Le Clerc, 1628 ; Prarond 1858, p. 198-199). saulmon obtint son doctorat en droit en 1626, et fut nommé curé de Favières en 1630 puis « grand vicaire » du cardinal de la rochefoucauld, grand aumônier de France (Loisne 1903, p. 42, 106). il aurait été indélicat de pénaliser les engagements politiques de saulmon pendant son service auprès du cardinal, et le chapitre décida de lui octroyer son revenu, même en son absence. en 1634, saulmon fut impli-qué dans une affaire judiciaire assez compliquée concernant nicolas degrez, chanoine de saint-Vulfran accusé d’attaques graves sur le doyen, Jean barthélémy, le 22 décembre 1633, parce qu’il avait décidé de réaliser « l’amortissement de dix ou douze chapelles des Cincq Playes […] pour le revenu desdites chapelles estre employé au payement des gages des chapelains vicariaux quy font ordinairement le service divin en ladicte église ». Pendant le procès, des témoins furent appelés à rendre compte de l’attitude de degrez, et de nombreux désaccords éclatèrent au sein du chapitre. Le chanoine Claude Mauchemblet « se souvient encor d’avoir un jour entendu dire ledit sieur doyen à M. saulmon : Je veux bien que tu scaches que je suis ton ennemy juré, à quoy ledit sieur saulmon respondit seulement : Je le crois bien ». d’après le chanoine Grégoire de bussy, le doyen reprochait également à degrez « qu’il avoit monté à cheval et pris la poste pour faire bailler un clystère à une femme, ce qu’il faict non seulement audit degrez mais à plusieurs autres, comme à Me saulmon, auquel il l’a entendu dire qu’il eust à se taire, et qu’il le feroit rougir, auquel fut répliqué par ledit saulmon que ceste couleur estoit la couleur de la vertu et que la sienne estoit une couleur de pendart » (Ad de la somme, G 455). Lorsque la peste toucha Abbeville, saul-mon demanda l’autorisation de se retirer en bretagne. il meurt le 12 avril 1640 après avoir créé une fondation pour l’exécution d’un Gaude Maria (huitième répons des matines

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de l’Annonciation, également populaire à Amiens) tous les ans, le jour de l’Assomption ; de la même façon un obit devait être célébré le jour de sa mort. il fut inhumé dans le couvent des Minimesses, « auxquelles il avait fait de grandes charités » (ignace, 1646, p. 103 ; Macqueron 1912, p. 44-45, 87, 103, 119 ; Crépin 1914, p. 28 ; durand 1922, p. 61-62).

Les documents sur les différentes fondations offrent des détails sur la musique liturgique de saint-Vulfran. Les comptes de 1513 précisent que les enfants de chœur ont reçu 12 sous à se partager en vingt parts pour avoir chanté les antiennes « o » pour les vêpres de l’Avent. L’année suivante, cette somme est doublée et le nombre de parts réduit à dix-huit. en 1548, nicolas du hamel, seigneur du Mesnil-eudin, établit à Abbeville une fondation qui couvrait les gages de dix enfants de chœur, quarante chapelains et l’écolâtre pour chanter un Gaude Maria avec orgue une heure après les vêpres, comme il était coutume de le faire pour la fête de la Conception de la Vierge (beauvillé 1881, 4, p. 288-289). d’autres fondations apparues avant le milieu du XViie siècle incluent : un office pour saint Claude et une messe des tré-passés établie par l’évêque Pierre Versé (1500) ; des obits fondés par les doyens raoul du rotoy (1493), Jacques Wacquendale, Louis broquier et Jean Carpentin ; par les chanoines Anselme trudaine, Jean de boulenois, François Cardon (obit « qui se chante en musique »), Jacques de May, bonart, Jean Gaillard, nicolas buteaux, Pierre Prévost, nicolas Le roy (Gaude Maria), henry Prévost (Gaude Maria et Missa de beata Virgine), nicolas le Vasseur, Pierre Aliamet, Jean Lorfèvre, André et Jean triboulet ; et par les chapelains Jean de hesdin (Messe des cinq playes, Messe de la très-sainte Trinité) et Jean Josse (répons à la fête du saint sacrement). on connaît encore d’autres fondations, comme celles qui prescrivaient un De Profundis pour l’enterrement des cha-noines (1553) et la fondation de François de Parenty, pour laquelle un « enfant de chœur avoit coustume, lisant le Martyrologe, d’annoncer le jour du trepas de ce venerable Chanoine ». des fondations furent également créées par des « personnes notables » d’Abbeville, comme Charles Maillard, receveur du domaine de Ponthieu, et sa femme Jeanne que-nauvillers, qui établirent une « messe en musique » à l’église paroissiale de saint-nicolas en 1596 (ignace 1645, p. 102-105 ; Vanmackelberg 1966, p. 45 ; Ad de la somme, G 1466).

un document daté du 6 mai 1591 indique que le chapitre souhaitait que la musique pratiquée dans la cathédrale d’Abbeville soit comparable à celle exécutée à la cathédrale d’Amiens (et vraisemblablement d’aussi bonne qualité), et qu’elle utilise des techniques telles que le faux-bourdon et le contrepoint improvisé sur les chants du propre : « Le maître de musique et chantre appellent ordre de chanter le Magni-ficat en faux bourdon sous peine d’amende et l’introitte, offertoire et post communion sur le livre ad instar matricis ecclesiae ».

Ce document suggère que bien que le titulaire de la charge de cantor n’ait plus nécessairement de réelles compétences musicales, il était néanmoins responsable de la musique chantée à l’église et était également supposé superviser les activités du maître de chœur (Fassler 1985). nous avons d’autres documents plus tardifs décrivant l’interprétation de musique liturgique simple. en septembre 1639, le chœur est avisé qu’il ne doit chanter les psaumes « ni trop rapidement, ni de manière pressée, mais distinctement ; non coupé, mais clairement, avec dévotion et déférence (non cursim ac festinan-ter sed tractim non truncate sed distincte, devote reverenterque), conformément à ce qu’il est porté au concile provincial de Cologne, Concile de trente § 24 et au Concile de Milan ». Contrastant avec ces constatations quelque peu négatives, ignace-Joseph de Jésus-Maria, carmélite du XViie siècle déclare, sans doute avec un certain degré de chauvinisme, que les fêtes de la Vierge sont célébrées à saint-Vulfran avec une splendeur et une solennité toute particulière, « tant pour les belles cérémonies qui s’y font, que pour la musique, les orgues, les cierges allumez, et le retentissement agréable des grosses cloches, et de l’excellent carillon qui s’entend par toute la ville, specialement au soir, et de grand matin des festes solemnelles » (ignace 1645, p. 83).

La prédominance des sources juridiques sur les sources musicales peut évidemment fausser notre compréhension de la vie des musiciens à un endroit donné, du fait des lacunes des archives ecclésiastiques, incomplètes et discontinues. bien trop souvent, nous en savons plus sur ce que ces musi-ciens firent de mal que sur leurs bonnes actions. en effet, le chapitre de saint-Vulfran devait souvent rappeler le maître de chœur à l’ordre. Le 7 août 1589, le maître de chœur est

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appelé à comparaître devant le chapitre, sur ordre du bailli d’Amiens pour non-paiement de l’un de ses serviteurs, qui a porté l’affaire en justice. Le 21 mai 1591, le chapitre « enjoint au maître des enfants des chœurs de veiller plus diligemment qu’il n’a fait sur les enfants tant pour les bonnes mœurs que pour leur nourriture, leur donner du beurre sur le pain a chacun déjeuner et les nourrir honettement et défense a lui d’aller aux champs sans congé sous peine d’amende arbi-traire. » Le 4 mars 1591, le chapitre réprimande le maître de chœur Michel Gallin pour avoir eu un enfant illégitime avec sa gouvernante : « à la réquisition que fait notre promoteur à l’encontre de maître Michel Gallin maître de nos enfans de cœur la chambrière duquel est accouchée d’une fille selon le bruit commun qui fut informé du faict pour en cognoistre la vérité. » il n’est pas certain que Gallin ait été suspendu de ses fonctions en raison de son comportement, mais son suc-cesseur, le prêtre Claude Le borgne, est accusé dès août 1593 de délits si graves que le chapitre précise : « la cognoissance d’un tel crime ne nous appartient. » Le chapitre dut en aviser les responsables ecclésiastiques, et Le borgne fut emprisonné dans la prison épiscopale d’Amiens. on peut imaginer que l’enfant de chœur qui s’était échappé de la maîtrise le 16 août 1593 – après avoir été retiré de chez ses parents par le cantor – cherchait à fuir l’épouvantable Le borgne. Mais ce dernier n’est certainement pas le seul clerc à se comporter de la sorte. en 1590, le vicaire Jean de La haie est réprimandé par le chapitre et interdit de quitter Abbeville.

C’est en 1595 qu’apparaît le nom du clerc Jean tillette de buigny, homme qui devait par la suite être en rapport direct avec le chœur. il semble que, dès le début, les choses n’aient pas été pour le mieux : le 23 octobre 1595, le chapitre envoie en effet une délégation pour contrôler les conditions de vie de la maîtrise et s’assurer que buigny s’acquitte correcte-ment de son travail. en décembre de la même année, alors que buigny ne se trouve pas à Abbeville, sa maison est visi-tée par un autre prêtre, Thomas Guertempe, qui rapporte par la suite que buigny a battu le fils de sa gouvernante. Au fur et à mesure de l’avancement de l’enquête, il s’avère que Guertempe lui-même est impliqué dans une rela-tion avec la gouvernante, fait pour lequel il est puni d’une amende de 20 sous et un jour d’emprisonnement (Abbeville, Archives municipales, Archives de saint-Vulfran, Fonds

saint-Armand XV, 13 décembre 1595). buigny n’est alors pas encore prêtre, mais au début de l’année 1596 son père, Pierre de buigny, sergent royal, fait pression sur le chapitre pour lui obtenir une fonction ecclésiastique. en conséquence, le 3 juin 1596, buigny est nommé à un service vicarial dans la chapelle des cinq playes du Christ et, jusqu’au 6 octobre 1604, il assiste (comme de nombreux musiciens à saint-Vulfran) à l’office correspondant. Malheureusement, le mandat de buigny en tant que maître n’a pas été une réussite, le nombre de choristes étant passé de huit à quatre en juillet 1597.

L’une des tâches confiées au chœur était de chanter lors des processions. en 1541, un paiement au maître des enfants de chœur est consigné pour la participation à la procession du saint-sacrement, et en 1596, on trouve un autre paiement pour la procession de saint-Vulfran. il semble que buigny a fait engager le chœur pour diverses sorties de ce type et qu’il a tenté par la suite de tirer de l’argent de cette activité. Le 3 août 1597, il est convoqué par le chapitre pour expliquer pour quelles raisons il a emmené les enfants de chœur en dehors de la ville sans l’autorisation du doyen ou du chapi-tre. Le 13 octobre de la même année, il est à nouveau convoqué et doit faire face à de nouvelles accusations ; ces dernières concernent cette fois son échec dans l’enseigne-ment qu’il prodigue aux enfants de chœur, les maltraitances qu’il leur inflige, son incapacité à les mener à l’église et à les nourrir correctement, et sa récente désobéissance, puisqu’il les a conduits jusqu’à Cambron pour chanter dans d’autres églises, ce qui lui avait déjà été interdit. Cependant, après avoir promis de s’amender, il conserve son poste, malgré l’opposition de nombreux membres du chapitre. toutefois, il semble avoir fait assez peu pour améliorer sa situation, et un certain Griselin est nommé à sa place le 20 septembre 1598 ; son contrat précise qu’il doit enseigner la musique et le latin aux enfants, les conduire à l’église pour les services, puis revenir chez lui. buigny resta à saint-Vulfran malgré sa destitution du poste de maître. il devint chapelain du grand autel, puis chanoine le 4 octobre 1604, lorsque son bénéfice au grand autel fut attribué à un certain Grimont. Étrange-ment, buigny redevint maître de chœur en 1610 ; il avait peut-être regagné la confiance du chapitre, à moins, plus simplement, qu’il n’y ait pas eu d’autres candidats. en 1618, un excellent candidat se présenta : Jean de bournonville

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(mort en 1632). Ce jeune compositeur et organiste, consi-déré par Fétis comme l’un des meilleurs en France pendant le règne de Louis Xiii, était né à noyon vers 1585. il arriva à Abbeville après avoir tenu (à partir de 1612), le poste de maître de musique de la collégiale de saint-quentin. Mal-heureusement pour le chapitre d’Abbeville, bournonville, alors au début d’une grande carrière, accepta le poste de maître de musique de la cathédrale d’Amiens en 1619. un recueil de ses messes à quatre, cinq et six voix publié à douai, comporte une dédicace à l’évêque d’Amiens datée du 13 avril 1619 : Missae tredecim IV, V et VI vocum, quarum ultima pro Defunctis. Auctore Joanne de Bournoville Ecclesiae Cathedralis Ambianensis Symphoniarcha (douai, Jean bogard, 1619). Certains vers liminaires du livre de la voix basse suggèrent que bournonville a remporté plusieurs prix de composition à rouen, Évreux et Abbeville : « Cultius in terris hanc nemo exercuit artem | bournonvilleo iudice rothomago | Atque eborum urbe et Abavilla certaminis hujus | A quibus hic artis praemia prima tulit » (Personne au monde n’a exercé cet art avec plus de raffinement que bournonville, comme en témoignent les concours de rouen, Évreux et Abbeville, où il a remporté les premiers prix pour son art ; durand 1922, p. 92). Ces quelques lignes donnent également d’importan-tes informations sur un concours de composition à Abbeville, qui devait devenir au XViie siècle l’un des « prix de musi-que » parmi les autres concours tenus à Albi, Angers, Arras, Caen, Courtrai, Évreux et rouen. nous n’en savons pas beaucoup plus mis à part le nom d’un autre lauréat : Adrien Picot, maître des enfants au Mans, qui reçut le prix d’Abbe-ville en 1650 puis en 1658 (Chambois 1894, p. 345). il y a probablement un lien entre ce concours et la manifestation d’une volonté croissante de célébrer sainte Cécile à Abbe-ville, dont les premières traces datent de 1595. Après le départ de bournonville, buigny en profita pour reprendre le poste vacant, qu’il occupa jusqu’au début de l’année 1628. qua-torze livres de musique furent achetés en 1626, pendant l’exercice de buigny. Le 3 janvier 1647, un document atteste d’une commande de reliure pour deux grands livres de musi-que ; à l’exception de ces données, les informations sur les livres de musique à Abbeville restent pauvres. Malheureuse-ment, les compétences de gestion du chœur par buigny ne s’étaient pas améliorées avec le temps, et le 17 novembre 1624, le chapitre se plaignit de ne constater la présence que d’un

seul enfant de chœur lors des vêpres, alors que les autres étaient retournés à la maîtrise sans autorisation. Le 29 décem-bre 1627, buigny suggéra au chapitre de lui trouver un remplaçant. toujours chanoine de saint-sulfran, il mourut le 28 novembre 1644, après avoir établi quelques fondations : deux services solennels de Salve à chanter le 19 mars et le 14 octobre, les vigiles des fêtes de saint Vulfran, et deux messes par semaine (ignace, 1646, p. 102-103). Le 15 janvier 1628 arriva nicolas boulanger (né vers 1583), pour remplacer buigny. il servit jusqu’au 22 mars 1632, quand il quitta Abbe-ville en emportant tout. il fallut par conséquent recourir à sa caution pour nourrir les enfants. Adrien Vanborgne, ancien enfant de chœur de saint-Vulfran devenu prêtre, prit sa place. Mais il semble que Vanborgne ait partagé les vices de ses prédécesseurs. Le 20 août 1632, le chapitre lui conseilla vivement de changer ses fréquentations ; à une autre occa-sion, il battit un enfant si sévèrement que ce dernier se jeta dans la rivière avant d’être finalement sauvé par le doyen. il quitta sans doute son poste de maître lorsque, à la suite d’un Te Deum particulièrement mal chanté, le 17 novembre 1636 (à l’occasion de la prise de Corbie) « M. le comte d’Alais, l’intendant et plusieurs autres gens de qualité se plaignirent de la pauvre musique ». Cependant, Vanborgne est men-tionné comme chapelain jusqu’en 1668. en 1637, le poste de maître de musique était tenu par Jean-baptiste bonnard, mais il peut s’agir d’une nomination temporaire car le 23 sep-tembre 1637 des discussions avaient été engagées avec un certain Adrien Lentulle, ancien enfant de chœur de saint-Vulfran à qui avait été accordée une bourse d’étude au collège local, probablement parce qu’il avait fait preuve d’un talent particulier qu’il ne pouvait pas développer dans le cadre de la maîtrise. À nouveau, l’engagement de Lentulle ne fut guère satisfaisant. Le 2 juillet 1646, il fut réprimandé par le chapitre pour sa débauche, son manque d’attention à la mai-trise et à la pratique du chant dans le chœur, mais aussi pour avoir été impliqué dans une bagarre avec un chapelain ; peu de temps après, il fit une retraite dans une paroisse où il devint connu sous le surnom de « beau curé ». Après cette période de pénitence, en 1646, Lentulle fut réintégré parmi les chapelains de saint-Vulfran. en novembre, l’un des cha-noines est envoyé pour établir un rapport sur les activités de Lentulle, ce qui donne lieu à une réglementation stricte des-tinée à garantir un traitement et une instruction convenables

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des enfants par le maître, ce dernier étant alors directement responsable devant le cantor. Afin de s’assurer que les enfants ne manquent de rien, tout chanoine avait la permission de se rendre à la maîtrise chaque semaine (Abbeville, Archives municipales, Archives de saint-Vulfran, Fonds saint-Armand, cote X). Malgré les soupçons du chapitre sur le soin porté à l’instruction, Lentulle continue clairement à développer ses talents de compositeur et gagne le « luth d’ar-gent » à Évreux en 1653, trophée qu’il offre en 1678 à l’église. en 1667, le chapitre auditionne un autre musicien pour occuper la position de directeur et un certain Monsieur Lotellier est sélectionné par le chapitre, après avoir composé une pièce à cinq voix et chanté de manière satisfaisante. sans grande surprise, en 1669, Lotellier est sommé par le chapitre d’instruire les enfants correctement. Les informations concernant les maîtres après cette période sont éparses : Charles delamotte, autrefois grand enfant de chœur de la cathédrale d’Amiens (1674), Louis delhomel (1677), Claude de La salle (1696) et Christophe Masson (1700) ont laissé peu de traces de leur activité (sur delamotte, voir durand 1922, p. 128).

sur les centaines d’enfants de chœur qui ont chanté à saint-Vulfran pendant la période étudiée, nous n’avons que très peu de noms : François Martin (avant 1572), Claude boimel (1596), rumaul boucher (1626), Amlin (1632), François qui-néville de rue (1632), bezer (1668), Jacques Prévost (1668), hatte (1672), Pierre Manuth (1673), Jean Greguel (1673), André bremont (1674), Crepin (1695), tilleul (1697). Pour certains d’entre eux, nous connaissons un peu plus que leurs noms. Grégoire belliard a servi comme enfant de chœur avant 1596 ; ordonné par la suite, il célèbre sa première messe en avril 1598. en 1627, Gilles Facques obtient une bourse pour étudier au collège d’Abbeville ; nous retrouvons Facques le 5 avril 1637, lorsqu’il est nommé chapelain et sacristain avec l’autorisation de célébrer sa première messe. il semble que de nombreux enfants de chœur venaient de familles importantes et certaines nominations d’enfants étaient très controversées car elles semblaient relever du népotisme. nous devons nous rappeler que les enfants ne chantaient pas dans le chœur par simple plaisir. Ainsi, en 1599 quatre enfants de chœur (Jean blondin, Adrien Vanborgne, Martin donger, Jean berger) sont nommés aux chapelles vicariales.

il s’agissait d’une fondation royale dont les prébendes étaient établies par la loi. Le 16 février 1596, Claude boimel, fils du procureur, est nommé enfant de chœur contre la volonté du cantor. en 1601, noel dercourt, le neveu du lieutenant royal de Picardie, est à son tour nommé enfant de chœur. en 1649, Antoine de Colonne, jeune fils du sieur de Cocquerel, est admis au sein du chœur. en 1628, une grande polémique éclate lorsque le doyen nomme un enfant de chœur malgré les contestations de plusieurs chanoines qui avançaient que l’enfant avait été choisi pour des raisons politiques. L’un des chanoines, Leroy, menace de couper les oreilles de l’enfant et bat un chantre, simon bonnard, sur le parvis.Le présidial (tribunal local) ordonne une nouvelle nomi-nation mais le doyen fait appel de la décision, traitée par la suite par le Parlement de Paris, qui confirme à son tour la nouvelle nomination. Les documents détaillent aussi d’autres dépenses associées aux enfants de chœur, comme le renouvellement annuel de leur habit, les salaires versés aux enseignants chargés du latin et aux barbiers-chirurgiens qui rasaient les plus grands et s’occupaient des malades.

nous connaissons aussi le nom de quelques chanteurs adultes : nicolas breuguan, prêtre et basse-contre, qui reçoit un salaire de 95 sous par an (attesté en 1572) ; Adrien bon-homme, basse-contre (1594) ; Pierre Paul, chanteur itinérant (1596) ; Pierre robert Poullain, prêtre et basse-contre (1596) ; nicolas Lemire (1596) ; sanson Caurel (1597), basse-contre et chapelain des cinq playes ; Martin donger, enfant de chœur (1599), puis chapelain et basse-contre (1601-1620) ; Jean Genet, basse-contre et chapelain des cinq playes (1611) ; Pierre robitaille, chapelain et basse-contre (1615, 1622, 1631) ; bernard (1622, 1626) ; Philippe tellier, prêtre et basse-contre (1627, 1630) ; Pierre de Caumont (1627) ; Marc de noin, basse-contre et joueur de serpent (1632) ; Carette, dubos, Manson (chacun reçoit 200 livres en 1695) ; brumel, joueur de serpent (1696) ; Vatier, basse-contre et joueur de serpent (1700). il est fréquent de lire que ces chanteurs adultes rece-vaient, en plus de leurs salaires, des émoluments tels que des aides pour leur loyer ou du blé pour le pain. Ces reve-nus pouvaient être alors déduits ou ajoutés selon la qualité d’exécution des chants. Par exemple, le basse-contre Fores-tier (chapelain des cinq playes en 1596) reçoit une amende de 10 sous en octobre 1593 « pour avoir dormi aux vêpres

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et en se réveillant, avoir chanté autrement qu’il ni fallait ». il semble que les musiciens chantaient volontiers pour des services exceptionnels : le 22 août 1607, une permission est accordée aux chantres pour chanter une « messe en musique » chaque samedi, messe pour laquelle ils doivent payer « diverses sommes » dont dix-huit livres à l’année au maître des enfants de chœur.

Mis à part les chantres-organistes, combinaison assez cou-rante, nous avons quelques traces de chantres jouant des vents pendant XViie siècle. Anthoine Guninoth (?) est enregistré comme joueur de serpent en 1610. en 1636, un chapelain appelé Grenon est payé pour avoir joué du cornet à bouquin. Le cornettiste robert rumaut (ou rumauld) est rémunéré de 1668 à 1671, probablement pour compen-ser le nombre peu élevé d’enfants de chœur. il semble que les chanteurs basses et les joueurs de serpent étaient plus ou moins interchangeables. en 1632, Marc de noin reçoit un salaire annuel de 200 livres pour ses activités de basse-contre et de joueur de serpent, somme exceptionnellement élevée, représentant le double de la rémunération des chan-teurs habituels. il devait être alors très demandé puisqu’il fut débauché par la paroisse de saint-Georges pour y devenir leur « choriste » et le seul autre musicien payé dans l’église à l’exception de l’organiste (son prédécesseur était François de bruilly, qui avait servi à partir de 1623). noin a certai-nement trouvé ce poste inapproprié puisqu’il est à nouveau admis à saint-Vulfran le 16 juillet 1634 avec un salaire réduit à 150 livres. Le joueur de serpent suivant est connu sous le nom de baslehache (1641), et reçoit seulement 100 livres par an.

Par chance, nous possédons une série continue des comptes de saint-Vulfran de 1668 à 1674, ce qui nous permet pour la première fois de retracer la stabilité de cet établissement musical avec plus de certitudes. Le basse-contre Jacques ringart apparaît sur l’ensemble de la période avec un revenu de 200 livres. Le basse-contre et joueur de serpent François Canaples quitte saint-Vulfran début mars 1669, et est rem-placé par nicolas demets, payé 200 livres avec un bonus de 12 livres tournois par an. il est possible qu’il s’agisse du même nicolas demets qui servait comme clerc du sieur de Gomart en 1656 (Morand 1780, p. 126-127.) Le joueur de

serpent Claude de La salle, payé l’équivalent de 40 livres au pro rata de la durée de son service, apparaît comme instrumentiste par intermittence entre 1670 et 1674 ; nous le retrouvons en 1696 comme maître des enfants. en 1671, le prêtre boully est attesté comme chantre supplémentaire et est alors payé 36 livres par an ; il est remplacé au cours de l’année 1674 par Jean Grougnel, enregistré comme l’un des deux enfants de chœur l’année précédente. en 1673, deux chanteurs, boully et Antoine ridon, reçoivent 16 livres destinés ensuite à couvrir les frais « pour se faire recevoir à la communauté des chapelains ». robert rumaut est payé entre 15 livres et 43 livres par an pour jouer du cornet. Pen-dant cette période, il semble qu’il ait été difficile de remplir les effectifs d’enfants de chœur ; en 1669, ainsi qu’en 1671, aucun enfant n’apparaît dans les registres (même si un paiement a été effectué pour leurs habits). Le cornet était naturellement utilisé comme substitut aux voix de soprano lorsque les enfants étaient trop peu nombreux ou totale-ment absents.

La confraternité de la Conception et les maîtres joueurs d’instruments d’Abbeville

À partir du XViie siècle, il semble que les maîtres joueurs devenaient automatiquement membres de la confraternité de la Conception. Cette confraternité, fondée à saint-Vulfran en 1498, avait sa propre chapelle et son chapelain. La fondation, symptôme d’une dévotion grandissante portée à sainte Anne et à la croyance en l’immaculée Conception de Marie, très populaire à la fin du XVe siècle, était célébrée le 8 décembre (Moss 2003). Après la réforme et plus spécialement après les guerres de religion, la doctrine de l’immaculée Conception était devenue un élément fédérateur pour les catholiques, et les confraternités la célébrant remplissaient un rôle politique et social important (reid 2006). Lors du Puy de la Conception, des poètes chantaient des louanges à la Vierge. Certains puys du nord de la France en l’honneur de la Vierge font souvent référence à une triste légende qui racontait qu’un enfant de chœur avait été jeté au fond d’un puits par des Juifs, avant d’être sauvé par la Vierge. La statue d’argent de la Vierge que le bâtonnier Jean Galliard donne à saint-Vulfran en 1568 met aussi en scène un puits, ce qui confirmerait l’existence de la légende (Leclerc 2003,

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p. 36). L’histoire du puits/puy est aussi un témoignage du goût pour les jeux de mots − le célèbre rébus de Picardie − typiquement associé aux puys. Les poèmes chantés lors de cette compétition étaient des chants palinodiques, qui comportent un refrain comme d’autres genres, tels que le chant royal, la ballade, le rondeau, ou le fatras. Le gagnant de ce puy (ou parfois le bâtonnier de la confraternité de la Conception, élu tous les ans) devait apporter un objet pour décorer l’église saint-Vulfran, objet bien souvent cité dans le refrain du poème chanté : il peut s’agir, par exemple, d’un tableau (comme cela était coutumier au Puy d’Amiens, fondé en 1388), ou de quelque chose de plus important, comme les grandes portes de l’église, données par le bâtonnier Jean Mourette en 1548 (breuil 1854, p. 580-589, 658 ; delignières 1893). Le bâtonnier était également contraint de payer pour une messe par semaine, et pour « le service ordinaire la veille et le jour de la Purification de la Vierge ». Les autres maîtres joueurs étaient censés contribuer à ces dépenses et jouer un motet en l’honneur de la Vierge pour les services ordinaires, sous peine d’amende. ils étaient organisés en deux groupes, l’un de sept, l’autre de cinq musiciens : d’une part, les meilleurs d’entre eux, de l’autre les instrumentistes moins doués, même si les deux groupes pouvaient collaborer lorsqu’un effectif plus grand était requis. nous connaissons certains des instrumentistes par leur nom : le groupe établi par les nouveaux règlements de 1620 était alors constitué de Jacques beusse et nicolas beusse, père et fils, Pasquier de La haye, Antoine Laynot, Pierre de Machy et samuel Marsel ; en 1663 nous trouvons Antoine Chivot et Jean La Cassaigne le jeune comme « maître joueurs d’instruments dans la grande bande de violons » ; en 1681 sont enregistrés Jean La Casaque et Pierre Polenne, père et fils ; les concessions offertes aux fils des maîtres ont clairement contribué à la création de dynasties de musiciens professionnels dans les villes. Ces musiciens qui louaient leurs services pour des « fiançailles, banquets et festes » devaient donner ce qu’ils gagnaient au bâtonnier, qui établissait alors un registre des revenus destinés aux maîtres plus âgés. La façon dont les maîtres étaient organisés pour jouer lors des mariages était également très contrôlée, afin d’assurer une qualité constante et irréprochable aux prestations fournies par la guilde. Le maître des enfants de saint-Vulfran avait probablement une certaine autorité

sur les joueurs de la ville. en 1696, le maître des enfants Claude de La salle, le chapelain Vasseur et le prévôt auditionnent les douze instrumentistes des deux groupes et les réorganisent, formant le premier groupe comme suit : trois dessus, une taille, un haute-contre et deux basses ; le second groupe compte alors deux dessus, deux tailles (les statuts antérieurs spécifient deux dessus et deux tailles pour le premier groupe également ; cette nouvelle répartition des voix reflète le changement dans l’instrumentation des ensembles de cordes à la fin du dix-septième siècle). Ce nouveau règlement précise également que les douze instrumentistes doivent répéter chaque samedi sous la direction du maître des enfants dans un endroit appelé bois Clair. Le 14 juillet 1755, les violonistes chargés de jouer lors des mariages et autres fêtes sont convoqués par la mairie où on leur ordonne de cesser de jouer le soir, après huit heures, pour les fêtes et, lorsqu’ils jouent « dans les cabarets et autres lieux suspects », de cesser de jouer à sept heures. La « police des arts et métiers » d’Abbeville conserve d’autres réglementations de 1667, 1674 et 1681 concernant les maîtres instrumentistes (Abbeville, bibliothèque municipale, ms. h 99, fol. 115-118 ; voir aussi Wignier 1881).

La tradition des puys persiste jusqu’au XViiie siècle, période à laquelle elle devient obsolète. en 1726, les peintures des Puys de la Conception sont rendues aux familles de leurs lauréats respectifs. en 1764, après dévaluation du revenu de la fondation à cause de l’inflation, le Puy cesse et les services organisés par la confraternité de la Conception – incluant autrefois les offices à la Vierge pendant les cinq grandes fêtes mariales de l’année, une messe des trépassés chantée aux vigiles le jour de la Conception et une haute messe chantée à la chapelle de notre-dame chaque samedi – sont restreints. Par la suite, seul le nom de la confraternité persiste jusqu’à sa disparition totale en 1789 (breuil 1854, p. 661-662 ; Louandre 1883, 1, p. 271 ; delignières 1893, p. 183 ; Macqueron 1917, p. 472-474).

La confraternité de Sainte-Cécile

La confraternité de la Conception n’était pas la seule du genre à Abbeville. Le 20 octobre 1595, Jean de buigny for-mule une requête au chapitre : « M. le Maître de musique,

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assisté de l’organiste et autres chantres de céans demandent permission de chanter dans le chœur des vespres solennelles de sainte Cécile après les vespres du chœur et la messe, accordé de les dire dans le chœur après le service ordinaire dudit chœur avec deux valets des cloches de céans ». La dévotion à sainte Cécile était grandissante à cette période parmi les musiciens, comme en témoigne la création des confraternités de sainte-Cécile à rouen (1539), Caen (1564), Évreux (1575), Paris (1575) et rome (1584). Ces confraternités organisaient traditionnellement des compétitions musicales annuelles pour la fête de la sainte patronne (22 novembre), et sont d’abord signalées à rouen en 1565 et Évreux en 1570 (Collette et bourdon 1892, p. 76-77 ; Colin 2001 ; Petey-Girard 2007). Le Puy d’Évreux, en particulier, attire les meilleurs musiciens de l’époque à son concours, et parmi eux figure Jacques saulmon, plus tard chanoine et chantre à Abbeville. Le 15 novembre 1623, une confraternité de sainte-Cécile est officiellement créée à saint-Vulfran, cette congrégation devant alors chanter dans le chœur en dehors des heures ordinaires ; cette création semble être en fait l’ins-titution réglementée d’une pratique plus ancienne. il se peut qu’il y ait eu une certaine réticence de la part du chapitre, puisqu’une décision fut prise en 1708 afin que les vêpres de sainte Cécile soient chantées à trois heures et demie, pour éviter tout débordement avec les autres services.

Les orgues

nous possédons quelques informations sur les orgues et les organistes d’Abbeville à partir de la seconde moitié du XVe siècle (voir surtout Vanmackelberg 1966). un organiste d’Abbeville a joué pour les conseillers de l’hôtel de ville d’Amiens en 1482. Le 11 janvier 1472, raoul Malicorne, cantor de saint-Vulfran, établit une fondation afin qu’un Salve Regina soit chanté chaque samedi avec l’orgue, pro-bablement en alternatim ; des traces de paiement pour cette fondation subsistent pour 1513. Le 19 novembre 1477, le doyen et le chapitre, réagissant à une requête de la confraternité de saint-nicolas (installée dans la chapelle saint-nicolas de saint-Vulfran), donnent 60 livres pour la construction d’un nouvel orgue, qui devait être joué « par un homme capable », lors de tous les offices pour les fêtes de saint nicolas de chaque année ; un second versement du même

type apparaît en 1545. un don de six cents livres de vieux plomb, pour la construction de nouvelles orgues, est consi-gné en 1478-1479. en 1544, la nouvelle église étant enfin terminée, le chapitre décide d’y installer un buffet pour l’orgue et, le 9 juin 1544, neuf chanoines sont envoyés « pour faire la quête aux habitans de la Ville afin d’acheter des orgues. » L’artisan sélectionné est vraisemblablement Jean Fermant (mort le 28 septembre 1574), organiste et facteur d’orgues amiénois qui réalisa un instrument pour l’église paroissiale saint-Gilles d’Abbeville en 1563-1564, pour la somme de 700 livres, et un autre pour l’église saint-Germain d’Amiens en 1565-1566 (durand 1922, p. 85). Ce n’est pas avant la première moitié du XViie siècle que nous trouvons un facteur d’orgues résident à Abbeville, Claude du Castel, également actif à samer, Ardres, Calais et boulogne-sur-Mer. Lorsque l’instrument de saint-Vulfran fut terminé, les cha-noines et l’organiste de la cathédrale d’Amiens l’essayèrent pour s’assurer que tout avait été fait selon les plans. Cet orgue était manifestement achevé en 1549, lorsque les parois-siens de saint-nicolas demandent la permission de le faire jouer pour certains offices (Abbeville, Archives municipales, Archives saint-Vulfran, donation légataire saint-Armand, vol. Xii, p. 121).

saint-nicolas semble avoir été une paroisse où la musique jouait un rôle très important. en 1539, un certain nico-las Mauvoisin est reçu comme curé ; auparavant, il aurait servi comme maître des enfants à notre-dame de senlis, et comme chapelain à la cathédrale d’Amiens (1519) (Leroy 1908, p. 703). un organiste fut payé 10s pour jouer lors de l’obit du doyen Jacques Wacquendale à saint-Vulfran en 1533 mais l’identité des organistes de saint-Vulfran n’est pas forcément connue avant Jean de Machy (1607-1637 ?), qui tra-vaille ensuite à saint-Gilles. Citons encore : nicolas hecquet (1637, 1639), Pierre ternois (1660-mort en 1670) ; en 1667, le salaire de ce dernier est augmenté et passe à 100 livres tour-nois, (« ayant égard aux bons services dudit ternois ») ; Pierre Froissart (1670-1674, payé 80 livres) et Pierre Février (1669-mort en 1706) (Vanmackelberg 1966, p. 11-13, 55-59, 78-81). Ce dernier est le père de Pierre Février (1696-1760), orga-niste au collège Louis-le-Grand et au couvent des Jacobins à Paris, auteur de pièces vocales et instrumentales, notamment pour clavecin (Kocevar 1986, Février 2000).

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L’autre église paroissiale dans laquelle l’orgue semble avoir joué un rôle important à cette période est celle de saint-Georges. Le 28 novembre 1377, le curé simon Panolle établit une fondation à saint-Georges qui inclut le versement régu-lier d’une somme pour les orgues « pour servir à icelle église » (Abbeville, bibliothèque municipale, ms. 412/4, fol. 3). nous connaissons le nom de certains organistes, comme Jean Lecat (1489), robert Cornaille (1567-68), Jehan de ravenne (1582), Jean de Machy (1607), Claude de La Motte (1596-1639), nicolas hecquet (1637), Jacques de Laporte (1639-1669), nicolas de La Casse (1669, poursuivi devant la justice en 1681) et Jean-baptiste Le duc (1683-1691) ; nombre d’entre

eux sont prêtres et ont des liens avec saint-Vulfran. Le prêtre hecquet quitte saint-Vulfran le 1er octobre 1637 pour devenir organiste à saint-Georges, et ne revenir à saint-Vulfran que le 6 juillet 1639. de La Motte doit jouer pour les services, lors des célébrations solennelles, des messes du saint sacrement chaque mercredi et jeudi de l’année, des messes au nom de Jésus, l’hymne Veni Creator chaque dimanche, et un Salut (l’antienne mariale chantée à la fin de l’office) chaque jour de l’année. Le salaire de l’organiste de saint-Georges est alors comparable à celui des basses-contres de saint-Vulfran : en 1628, de La Motte reçoit annuellement 60 livres, auxquelles s’ajoute le revenu de diverses fondations, le total s’élevant à environ 127 livres par an. en 1691, un feu de joie allumé pour célébrer la prise de Mons enflamme l’orgue de saint-Georges et prive l’église de son instrument. de nouvelles orgues sont construites sous la direction de Julien tribuot, assisté par le sculpteur Jean Le Pappe, pour la somme de 8 316 livres. L’église saint-Georges, comme plusieurs églises désaffectées, est vendue après la révolution ; les orgues n’étant heureuse-ment pas comprises dans cette vente, elles sont transférées à saint-Vulfran (fig. 5). Lors de la reconstruction du buffet d’orgue à saint-Vulfran en 1869, l’instrument est démonté et stocké ; lorsqu’il est réinstallé en 1905, seuls les tuyaux de la façade sont retrouvés, le reste ayant vraisemblablement été volé. Cette coquille vide, magnifique mais muette, a été détruite pendant le bombardement de l’église, le 20 mai 1940 (delignières 1890, p. 12 ; Leclerc 2003, p. 35).

Parmi les organistes de l’église paroissiale de saint-Gilles figurent Jean Malet (1507), Jehan roussel (jusqu’à 1564), Maurice Lucas (attesté 1564-1582), Jean Levrin, aussi orga-niste de saint-Martin à saint-Valery-sur-somme (1609), Jean de Machy (1641), Pierre dugardin (1641-1670, par intermit-tence), Pierre Longuet (1645) et nicolas quignon (1698).

Manuscrits de la bibliothèque municipale d’Abbeville

La bibliothèque municipale d’Abbeville conserve un nombre de manuscrits musicaux provenant d’Abbeville et de ses environs. Le manuscrit 16 (Officium beatae Mariae Virginis) est un ouvrage finement enluminé de la fin du XVe siècle. Le calendrier, conforme à celui qui est utilisé à Amiens, et le style des enluminures permettent de confirmer le nord de

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oswald Macqueron (XiXe siècle),Grande orgue de saint-Vulfran, aquarelle, 1869.Abbeville, bibliothèque municipale, Ab. q. 174.

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« C’est là », in Office de la Vierge, enluminure, XVe siècle.Abbeville, bibliothèque municipale, ms. 16, fol. 39v.

Joueur de luth, in Office de la Vierge,enluminure, XVe siècle.Abbeville, bibliothèque municipale, ms. 16, fol. 11.

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la France comme zone de provenance. Malgré le fait qu’il ait été partiellement endommagé, le manuscrit contient de magnifiques scènes de vie musicale. en outre, les marges contiennent de nombreuses devises, la plus fréquente étant « Je me plains » (dix-huit occurrences). Certaines devises (par exemple « Penser y fault » et « Autant vault ») furent uti-lisées par la famille picarde de Croÿ, provenant à l’origine de Crouy, près d’Amiens. Ces devises pourraient alors suggé-rer que le manuscrit a été commandé par un membre de la famille, peut-être un certain « bC » dont les initiales n’appa-raissent pas moins de huit fois dans les marges ; nous avons déjà noté que cette famille engageait des ménestrels au début

du XVe siècle et payait même pour que certains d’entre eux puissent être envoyés à l’école des ménestrels de beauvais. desobry (1973-1974) a remarqué que le calendrier comporte les fêtes de Maclou, saint patron de Montreuil-sur-Mer (15 novembre), et que les litanies contiennent les noms de saint saulve et sainte Austreberthe, patrons des couvents res-pectivement d’hommes et de femmes de Montreuil.

L’enlumineur présupposait les compétences musicales de son lecteur et de sa capacité à déchiffrer la devise-rébus sur le fol. 39v (« C’est la »), dans laquelle le second mot est représenté par une note sur la portée (fig. 6). nous trouvons

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deux anges qui chantent de la musique notée,in Office de la Vierge, enluminure, XVe siècle.Abbeville, bibliothèque municipale, ms. 16, fol. 15.

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Joueur de luth qui utilise un plectre,in Office de la Vierge, enluminure, XVe siècle.Abbeville, bibliothèque municipale, ms. 16, fol. 34v.

deux types de scènes musicales : d’une part, des musiciens isolés jouant d’un instrument ; d’autre part, des groupes de chanteurs, humains, anges ou encore personnages gro-tesques. Aux fol. 11 et 34v sont représentés deux jeunes hommes jouant du luth ; le luthiste du fol. 11 semble utiliser ses doigts pour pincer les cordes (fig. 7), alors que celui du fol. 34 utilise clairement un plectre, reflet d’une technique plus ancienne (fig. 8). sur le fol. 17v, nous pouvons voir un joueur de flûte et de tambour accompagnant un groupe de danseurs ; sur le fol. 24v sont encore dessinés un joueur de flûte et de tambour mais de manière plus détaillée cette fois, et ils accompagnent un jeune homme dont la position

des jambes indiquerait qu’il danse. Le fol. 32 présente un harpiste assis au sol parlant avec trois hommes ; une icono-graphie similaire représente le roi david sur le fol. 31v. sur le fol. 5v, un personnage, probablement un ange, joue de l’orgue portatif. trois groupes de chanteurs distincts sont présentés, dans tous les cas montrant la musique qu’ils chantent au lecteur. dans certains cas, la notation (notation mensuraliste mais aussi peut-être plain-chant) est presque assez claire pour être lue, dans d’autres cas, il s’agit de formes indéfinies sur une portée. sur les fol. 15, 34 et 35v, nous pou-vons voir des groupes de deux ou trois anges (fig. 9). ils ont leur contrepartie représentée par un groupe de personnages

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trois démons chantant Deduc me in semitam mandatorum tuorum,in Office de la Vierge, enluminure, XVe siècle. Abbeville, bibliothèque municipale, ms. 16, fol. 29.

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grotesques, vraisemblablement des démons. Le personnage démoniaque le plus détaillé apparaît sur le fol. 29. Les trois personnages sont nus, mais deux d’entre eux portent des chapeaux. ils chantent à partir d’une bannière présentant clairement de la musique mensuraliste. Les clefs sont visi-bles au début de chaque système mais le texte est ajouté à l’envers. on peut lire : « deduc me in semitam mandatorum tuorum : quoniam ipsam volui » (Psaume 118, 35-36), proba-blement emprunté au troisième répons du premier nocturne des matines du quatrième mercredi après Pâques (fig. 10). Les personnages démoniaques apparaissent à nouveau sur les fol. 6 et 33, accompagnés de notation musicale toutefois moins lisible. Le contraste entre les anges et les personnages démo-

niaques est mis en évidence sur les fol. 33 et 34, où les anges se trouvent dans la même position que les démons, au même endroit sur la page et sous la même devise. Le troisième groupe de chanteurs est formé par deux moines, représentés sur le fol. 42, et lisant du plain-chant.

Plusieurs autres manuscrits d’Abbeville contiennent des enluminures représentant de la notation musicale ou d’autres sujets musicaux. Au fol. 84v du ms. 13, livre d’heures du quinzième siècle à l’usage de tournai, l’artiste a représenté une scène d’exécution de messe de requiem (fig. 11). Faisant face à l’assemblée présente, un groupe de quatre clercs chante la messe en mémoire du défunt, lisant à partir d’un grand livre de chœur ouvert sur un lutrin. sur le fol. 60 du ms. 14, un livre d’heures à l’usage d’Amiens datant de la fin du quinzième siècle, une grande enluminure représente david se repentant et implorant le pardon avec sa harpe cordée d’or posée sur le sol devant lui. Le ms. 8 d’Abbeville est un pontifical d’Amiens du quatorzième siècle. Ce livre, destiné à l’évêque, contient la description de cérémonies telles que la confirmation, l’ordination et la bénédiction. Par sa nature, cet ouvrage contient donc peu de textes mis en musique, les autres textes étant soit dits, soit psalmodiés. Le pontifical d’Abbeville contient néanmoins quelques chants simples, comme l’antienne Aperite illi portas iusticie, chantée devant la tombe avant la mise en terre.

un des livres liturgiques les plus impressionnants d’Abbe-ville est un évangéliaire de saint-Vulfran, copié vers 1500 (Abbeville, bibliothèque municipale, ms. 370). neuf des plus importantes fêtes y sont introduites par de magnifiques enluminures (fig. 2-3). Plusieurs leçons sont accompagnées de notes de musique, comme les Passions, à chanter à l’occa-sion de la semaine sainte (fol. 62-146), l’Exultet, chanté par le diacre aux vigiles de Pâques (fol. 146-153), la généalogie du Christ pour noël, et le Factum est cum baptizaretur omnis populus (Luc 3, 21 sq.) pour les vigiles de l’Épiphanie (248v-252).

en 1876, Léon eloy de Vicq déclarait qu’ « Abbeville peut être comptée à juste titre parmi les villes de France où le gout de la musique est le plus répandu » (eloy de Vicq 1876, p. 5). Cette étude a permis de montrer que si cette

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Messe des funérailles,in Heures à l’usage du diocèse de Tournai, enluminure, XVe siècle. Abbeville, bibliothèque municipale, ms. 13, fol. 84v.

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conclusion est quelque peu exagérée, on peut néanmoins trouver dans la ville un intérêt considérable pour la musique : en témoignent les puys, une institution telle que la maîtrise, les diverses initiatives visant à la construction de nouvelles orgues, les activités musicales des confraternités, les demandes répétées des chanteurs pour que soit autorisé le chant lors de services spécifiques ou encore les sommes dépensées pour l’acquisition de magnifiques manuscrits. si certains personnages chargés de faire vivre la musique à Abbeville manquèrent de sérieux dans l’exercice de leurs fonctions, il y a cependant une part de vérité dans cette affirmation cocardière du dix-neuvième siècle. n

Traduction française de Marie-Alexis Colin et Lambert Colson

* Étude réalisée avec le soutien du studiuM (Cnrs, orléans) et du Centre d’Études supérieures de la renais-sance (tours).

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BIBLIogRAPhIe

nb : La plupart des sources concernant la musique dans les églises d’Abbeville a été collectée par rené Crusel (mort en 1939), dont les notes (non paginées ni numérotées) sont conservées sous la cote ms. 840 de la bibliothèque municipale d’Abbeville. une partie des informations rassemblées par Crusel a été publiée par Macqueron 1912. sauf cas particulier, Crusel et Macqueron constituent nos sources principales en ce qui concerne saint-Vulfran. quand cela était pos-sible, nous avons cherché à comparer les informations de Crusel et de Macqueron avec les sources originales. dans certains cas, les sources sont incomplètes et nous nous basons alors sur les notes de Crusel. Pour une bibliographie plus détaillée sur Abbeville et quelques rappels sur l’histoire et l’archéologie de la ville, voir ben redjeb 1999.

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