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Burgermeister, P.-F. & Dorier, J.-L. (2013). La modlisation
dans lenseignement des mathmatiques en Suisse romande. Petit x, 91,
5-24.
LA MODELISATION DANS LENSEIGNEMENT DES
MATHEMATIQUES EN SUISSE ROMANDE
Pierre-Franois BURGERMEISTER Jean-Luc DORIER
Universit de Genve Rsum. Dans ce texte1, nous montrons comment
la modlisation est apparue dans le nouveau plan dtudes romand pour
la scolarit obligatoire comme un thme fdrateur et transversal en
mathmatiques et en sciences. Nous prsentons ensuite une formation
continue que nous avons mis en place sur ce sujet pour tous les
enseignants de mathmatiques du Cycle dOrientation de Genve (3
premires annes de lenseignement secondaire, ge 12-16 ans), en lien
avec notre participation au projet europen PRIMAS2. Sur la base
dune dfinition trs ouverte de la modlisation, nous introduisons
ensuite une typologie en trois niveaux des activits mettant en jeu
de la modlisation. Enfin, nous analysons quelques activits des
nouveaux manuels scolaires de Suisse romande (pour le 9ime degr, ge
12 ans) en nous appuyant sur cette typologie pour en dgager les
enjeux en termes de modlisation et quelques considrations sur leur
traitement possible en classe. Mots-cls : modlisation,
schmatisation, dmarche dinvestigation, formation continue, contrat
didactique, milieu didactique.
1. Introduction Notre article concerne lenseignement des
mathmatiques en Suisse romande, mais les questions quil soulve nous
semblent pouvoir intresser un public franais et plus gnralement
international.
Le nouveau Plan dEtudes Romand (PER) est entr en vigueur la
rentre 2011 pour le 9me degr du cycle dorientation genevois3, il
sest gnralis au 10me degr cette anne et le sera pour le 11me degr
la rentr 2013/14. Il divise les disciplines scolaires en cinq
domaines, dont Mathmatiques et Sciences de la Nature (MSN) qui
regroupe dornavant les mathmatiques et les sciences de la nature et
lenvironnement comprenant la physique, la chimie et la biologie.
Nanmoins, la sparation entre Mathmatique et Sciences de la Nature
reste effective pour sept des huit axes thmatiques du domaine MSN :
quatre axes (MSN 31 34) sont spcifiques aux Mathmatiques et trois
(MSN 36 38) aux Sciences de la nature. Quant la modlisation (MSN 35
: Modliser des phnomnes naturels, techniques, sociaux ou des
situations mathmatiques), elle est considre comme une thmatique
commune aux deux sous-domaines. Cet aspect fdrateur de la
modlisation est particulirement sensible dans le paragraphe de
prsentation du domaine : 1 Ce texte est une version franaise
retravaille dun texte prsent CME12 Seoul en juillet2012 (Dorier
&
Burgermeister 2012). 2 Le projet PRIMAS a reu un financement du
7e programme cadre de lUnion Europenne (FP7/2007-2013) sous le
grant agreement n 244380. Ce texte ne reflte que les opinions
des auteurs et lUnion Europenne ne peut tre tenu responsable de
tout usage fait de linformation que ce texte contient.
3 Le PER sapplique lensemble de la Suisse romande, mais chaque
canton garde une certaine indpendance dans la politique ducative,
en particulier dans lorganisation des diffrents degrs scolaires.
Ainsi Genve lenseignement primaire comprend maintenant huit annes
(de 4-5 ans 12-13 ans), le Cycle dOrientation (quivalent du collge
franais) en comprend trois (de 12-13 15-16 ans) et le post
obligatoire en gnral quatre. Les 9me, 10me et 11me degrs
correspondent aux classes respectivement de 5e, 4e et 3e
franaises.
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Le domaine des Mathmatiques et Sciences de la nature associe des
disciplines qui visent acqurir des mthodes de penses et daction
tout autant quun ensemble de notions et doutils permettant de
modliser des situations et de rsoudre divers problmes ; si leur
approche diffre (sic), les Mathmatiques et les Sciences de la
nature abordent nanmoins des procdures et des notions propres
certains aspects de la ralit et leurs dmarches se compltent et
senrichissent rciproquement. (PER, cycle3, Prsentation gnrale,
p.27)
Lide de modlisation est galement prminente dans les commentaires
gnraux du domaine MSN :
Il [le domaine] fournit llve des instruments intellectuels
dapprhension et de comprhension du rel et dadaptation ce
dernier.
[...] Le propos des Mathmatiques est doffrir des manires de
penser dotes de mthodes et dun langage spcifiques pour apprhender
lespace, modliser des situations et traiter du vrai et du faux. Ces
manires de penser se ralisent dans la pose et la rsolution de
problmes propres aux Mathmatiques ou tirs dautres disciplines.
[] Le propos des sciences est dtablir un principe de rationalit
dans la confrontation des ides et des thories avec des faits
observables dans le monde environnant. (PER, cycle3, MSN, p.7)
La modlisation recouvre lensemble du domaine MSN. En effet les
actes qui participent de la modlisation sont, selon le PER,
nombreux et varis :
MSN35 Modliser des phnomnes naturels, techniques, sociaux ou des
situations mathmatiques A) en mobilisant des reprsentations
graphiques (codes, schmas, tableaux, graphiques, ...) B) en
associant aux grandeurs observables des paramtres C) en triant,
organisant et interprtant des donnes D) en communicant ses rsultats
et en prsentant des modlisations E) en traitant des situations
alatoires laide de notions de probabilits F) en dgageant une
problmatique et /ou en formulant des hypothses G) en recourant des
modles existants H) en mobilisant, selon la situation, la mesure
et/ou des outils mathmatiques (fonctions, statistiques,
algbre,...). (PER, cycle3, MSN, rabat de couverture)
Chacun de ces actes se retrouvent dans tous les axes thmatiques
du domaine.
Dautre part, ce thme est suppos contribuer la construction de
capacits transversales en dveloppant la collaboration, la
communication, les stratgies dapprentissage, la pense cratrice et
la dmarche rflexive. Dans le lexique du domaine MSN, la
modlisation
(...) recouvre lide dassocier une situation complexe un modle
qui la rend intelligible en la rduisant ses lments essentiels.
(PER, cycle3, MSN, p.58)
Paralllement la mise en place du PER, les moyens denseignement
des mathmatiques au cycle dorientation se voient profondment
remanis. Les nouveaux Moyens 9-10-11 comprennent pour chaque degr
un livre et un fichier. Chacun se dcoupe en cinq sections qui
offrent autant de collections dactivits. Les quatre premires
sections correspondent aux quatre axes strictement mathmatiques du
domaine MSN, alors que la cinquime, appele Recherche et stratgies,
aborde travers des thmes transversaux la pratique du raisonnement
mathmatique. Elle est constitue de 24 activits dinvestigation, dont
21 intgrent un contenu mathmatique se rattachant lune au moins des
quatre premires sections. Par ailleurs, laxe commun MSN 35 sur la
modlisation, peut tre travaill travers de nombreuses activits des
cinq sections qui ne sont pas pointes en tant que telles. Comme
dans la version prcdente des moyens romands (MERM), un Aide-mmoire
expose une synthse des rsultats thoriques devant tre prsents durant
les trois annes du cycle 3, regroups selon les mmes sections. A la
fin de la section Recherche et stratgies se trouve une dfinition
de
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la modlisation : Crer une reprsentation simplifie dun problme
(schma, croquis, tableau, graphique, simulation, etc.) dans le but
de le comprendre et dlaborer une solution. (Aide-mmoire, p.142)
Cette dfinition est assortie dun exemple de problme de
dnombrement : trouver le nombre de poignes de mains change dans un
groupe de n personnes si chacune a serr, une seule fois, la main de
toutes les autres . Les auteurs dnombrent explicitement les poignes
de mains dans les cas o n vaut 2, 3, 4 et 5 ; ils utilisent ensuite
un tableau double entre pour organiser le dnombrement, dabord dans
le cas n = 6, puis pour le cas gnral. Le tableau est prsent comme
une modlisation de la situation. Dans cette nouvelle collection
comme dans le Plan dtudes, on voit que le terme de modlisation est
pris dans un sens assez large : la dmarche de modlisation est
suppose emblmatique du raisonnement scientifique, et commune aux
mathmatiques et aux sciences de la nature. Elle ne sapplique pas
uniquement aux situations concrtes en cherchant en rduire la
complexit, mais peut galement tre intra-mathmatique.
Dans ce sens, cette conception de la modlisation est proche de
celle de plusieurs chercheurs en didactique des mathmatiques, et en
particulier de celle de la Thorie Anthropologique du Didactique
pour laquelle :
Afin de penser d'un mme mouvement ces deux types d'emplois et
d'tudes (habituellement spars, comme en tmoignent les oppositions
traditionnelles entre mathmatiques et applications des
mathmatiques, entre problmes abstraits et problmes concrets ,
etc.), nous rfrerons dans ce qui suit un schma gnral de
modlisation, dans le dessein d'apprhender sous des catgories
communes les emplois intra-mathmatiques et extra-mathmatiques
auxquels nous nous intresserons. (Chevallard, 1989, p. 53)
Dailleurs dans la ligne de Chevallard, plusieurs auteurs
affirment que : (...) la plupart de lactivit mathmatique peut tre
identifie () une activit de modlisation mathmatique.4 (Chevallard,
Bosch and Gascn, 1997, p.51).
A loppos, les modles utiliss par les sciences de la nature ne
sont pas uniquement mathmatiques ; la modlisation possde galement
un versant non mathmatique. Dans la suite de cet article nous ne
nous intresserons qu la question de lenseignement des
mathmatiques.
On a vu que le Plan dtudes et les manuels romands conoivent la
modlisation comme une faon de traduire une situation dans un autre
systme de reprsentation en insistant sur la simplification que
cette traduction offre. Or, cet aspect de rduction de la complexit
ne nous semble pas tre central ds lors que lon adopte une
conception large de la modlisation.
Finalement, lactivit de modlisation peut faire intervenir
plusieurs modles concurrents entre lesquels il faut essayer de
dterminer le plus appropri pour la rsolution du problme
initial.
Nous verrons dans la deuxime partie de ce texte comment nous
intgrons tous ces aspects du concept de modlisation dans notre
formation continue. Pour le moment, nous poursuivons notre
prsentation du contexte de notre travail en exposant brivement son
insertion dans le projet Europen PRIMAS.
1.2. Une formation continue dans le cadre du projet Europen
PRIMAS
La mise en place du PER et larrive des nouveaux moyens 9-10-11
ont conduit lautorit scolaire genevoise mettre sur pied une
formation continue (recyclage) dune journe pour tous les
enseignants de mathmatiques du cycle dorientation, soit environ 350
enseignants. En tant que partie prenante du projet Europen PRIMAS
(Promoting inquiry in mathematics and science across Europe), notre
quipe forme de 15 enseignants, formateurs et chercheurs en
mathmatiques, 4 Notre traduction.
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physique et biologie a t mandate pour concevoir et organiser
cette formation. Nous avons choisi de consacrer la premire
demi-journe la nouvelle section des Moyens 9-10-11, Recherche et
stratgies, et la seconde la modlisation. Les situations
dinvestigation ne constituent pas une nouveaut pour les enseignants
de mathmatiques du cycle dorientation genevois. Sous des
appellations diffrentes (rsolution de problmes, problmes ouverts,
activits de recherche, etc.), les plus anciens ont dj t sensibiliss
la notion de situation dinvestigation depuis plusieurs dcennies et,
souvent, les ont largement pratiques dans leurs classes. Ils ont
parfois le sentiment de tout connatre des dmarches dinvestigation
et des activits de modlisation. Cependant, beaucoup sont rticents
les mettre en uvre dans leurs classes en raison de laspect
facilement chronophage de ces activits et de la pression toujours
plus forte laquelle ils sont soumis pour pouvoir boucler leurs
programmes, en termes de contenus, avant les valuations communes de
fin danne. Ils se concentrent ainsi sur lapprentissage des
savoir-faire techniques ou algorithmiques, les points du programme
qui font justement lobjet des valuations communes. Il est noter par
ailleurs que les activits dinvestigation peuvent dstabiliser aussi
les lves comme le remarquent Blum et Niss (1991, p. 54) :
Les activits de rsolution de problmes, de modlisation et
dapplications aux autres disciplines rendent les leons de
mathmatiques indniablement plus coteuses et moins prdictibles pour
les apprenants que les leons traditionnelles. Les tches routinires
de mathmatiques, comme les calculs, sont plus populaires parmi la
majorit des lves parce quelles sont plus faciles apprhender et
peuvent souvent tres rsolues en suivant seulement quelques
recettes, qui permettent aux lves dobtenir de bons rsultats aux
examens.5
Une formation dune journe est trop courte pour permettre des
volutions importantes. De plus, les expriences ont montr quune
formation continue qui se veut efficace doit tre pragmatique,
proche des proccupations des enseignants et de leur potentiel
dvolution, sans se montrer trop radicalement ambitieuse (Robert,
Penninckx, Lattuati 2012). Dans notre cas, nous avons essay de
construire une formation qui montre que des activits dinvestigation
et de modlisation peuvent tre mise en place sans tre trop
chronophages, tout en prservant une part essentielle de travail
autonome des lves et sans ncessiter dautres ressources que celles
des manuels officiels.
Conscients de ce que la gestion du temps est entirement dans les
mains de lenseignant, nous nous sommes concentrs sur le rle de
lenseignant pendant lactivit en classe et sur la mise en place
doutils danalyse pour guider ses choix en situation. Deux questions
essentielles nous ont guids : A quel moment est-il appropri daider
les lves organiser leur recherche et quel type daide leur apporter
? Quand est-il au contraire essentiel, pour ne pas touffer le
potentiel dinvestigation et/ou de modlisation, de laisser les lves
trouver leur propre cheminement vers une solution ?
Nous nous sommes donc efforcs de rester ralistes, la formation
tant destine tous les enseignants de mathmatiques genevois, sous
mandat de linstitution ducative cantonale. Notre but principal
ntait pas dadapter les pratiques enseignantes au nouveau plan
dtudes, mais plus modestement douvrir une porte vers une pratique
plus souple de la modlisation et de linvestigation dans les classes
de mathmatiques et une meilleure connaissance des enjeux
dapprentissage lis ces pratiques.
2. Une typologie des activits de modlisation Notre premire tche
tait dadopter une dfinition de la modlisation la fois assez large
pour 5 Notre traduction : Problem solving, modelling and
applications to other disciplines make the mathematics lessons
unquestionably more demanding and less predictable for learners
than traditional mathematics lessons. Mathematical routine tasks
such as calculations are more popular with many students because
they are much easier to grasp and can often be solved merely by
following certain recipes, which makes it easier for students to
obtain good marks in tests and examinations.
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respecter le PER et assez prcise pour pouvoir tre oprationnelle
dans lanalyse des diffrentes activits lies la modlisation. Comme
nous lavons mentionn plus haut, la modlisation tant vue comme un
thme transversal, les manuels ne spcifient pas lesquelles des
activits proposes relvent de ce thme. Il revient aux enseignants de
les reprer eux-mmes et de choisir comment en tirer parti pour
travailler la modlisation.
2.1. Une dfinition de la modlisation
On trouve dans la littrature diffrentes dfinitions de la
modlisation.
Voici par exemple celle qui apparat dans lintroduction de la
14me tude ICMI, Modelling and applications in mathematics education
:
Un modle mathmatique comprend le domaine extra-mathmatique D en
jeu, un domaine mathmatique M et une correspondance du domaine
extra-mathmatique sur le domaine mathmatique. Les objets,
relations, phnomnes hypothses, questions, etc. dans D sont
identifis et slectionns comme pertinents pour le but suivi et la
situation et sont ensuite traduits en objets, relations, phnomnes,
hypothses, questions, etc. appartenant M. A lintrieur de M, des
considrations, manipulations et infrences sont effectues, dont les
rsultats sont leur tour traduits et interprts dans D comme
conclusions concernant ce domaine. Ce cycle de modlisation peut tre
itr plusieurs fois, en fonction de la validation et de lvaluation
du modle par rapport au domaine, jusqu ce que les conclusions
concernant D soient satisfaisantes, par rapport au but de
construction du modle. Le terme de modlisation se rfre lensemble du
processus et tout ce quil implique.6 (Niss, Blum & Galbraith,
2007, p. 4)
Dans un travail didactique sur ltude de la mise en quations de
problmes concrets en fin de Collge, dbut de Lyce, Coulange (1997) a
utilis le schma suivant pour dcrire le processus de modlisation
:
6 Notre traduction : A mathematical model consists of the
extramathematical domain, D, of interest, some
mathematical domain M, and a mapping from the extra-mathematical
to the mathematical domain. Objects, relations, phenomena,
assumptions, questions, etc. in D are identified and selected as
relevant for the purpose and situation and are then mapped -
translated- into objects, relations, phenomena, assumptions,
questions, etc. pertaining to M. Within M, mathematical
deliberations, manipulations and inferences are made, the outcomes
of which are then translated back to D and interpreted as
conclusions concerning that domain. This so-called modelling cycle
may be iterated several times, on the basis of validation and
evaluation of the model in relation to the domain, until the
resulting conclusions concerning D are satisfactory in relation to
the purpose of the model construction. The term modelling refers to
the entire process, and everything involved in it
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Figure1. Schma de la dmarche de modlisation mathmatique daprs
Coulange (1997, p.36) Dans son travail, Coulange montre bien quun
tel schma de la modlisation a beaucoup de mal vivre dans
lenseignement o le niveau des problmes concrets est gnralement
absent, avec seulement des problmes pseudo-concrets et pas de
dialectique dans le processus de modlisation souvent transparent.
La notion de schmatisation, lie celle de modlisation, a galement
intress certains auteurs. Cest le cas de Gonseth, dans son approche
philosophique des liens entre mathmatiques et ralit (voir Gonseth,
1936). Pour lui, les mathmatiques se sont dveloppes partir dun
processus de schmatisation de la ralit, vritable acte de cration
mentale. Il prend en particulier lexemple de la droite que lon
abstrait de la perception du fate dun toit, de larte dune rgle, dun
rayon lumineux ou dune ligne de vise. La droite apparat alors comme
une image schmatique de la ralit :
Dans un schma, la ralit ne se trouve pas reprsente dans tous ses
dtails, seuls certains traits sont conservs, et certains rapports
voqus. Un schma nest en aucune faon une reprsentation fidle en un
sens absolu : il nest comprhensible que si on en possde la cl
explicative. Ce quon exprimera en disant que ladquation du schma
son objet est symbolique. (Gonseth, 1932, p. 234)
Ainsi, lacte de schmatisation est-il fondamental dans le
processus plus complexe de modlisation. Le travail de Gonseth nous
rend galement sensibles la fonction cognitive de la schmatisation
en mathmatiques. Nous retrouverons certains lments de son travail
dans un usage didactique de la modlisation pour aider la
conceptualisation mathmatique. Dans notre cas, comme nous lavons
mentionn plus haut, il est indispensable de pouvoir envisager le
cas de la modlisation intra-mathmatique. Dans ce sens, nous nous
rapprochons davantage de lapproche de Chevallard (1989, p. 53) qui
introduit : un schma simplifi, qui suppose essentiellement deux
registres d'entits : un systme, mathmatique ou non mathmatique, et
un modle (mathmatique) de ce systme. Nous ne nous limiterons en
effet pas au cas de la modlisation extra-mathmatique, o lun des
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domaines est non mathmatique (on dira souvent rel ou concret) et
lautre mathmatique. En effet, notre dfinition se doit dinclure des
situations o les deux domaines sont mathmatiques (modlisation
intra-mathmatique), ainsi que dautres o les deux domaines sont non
mathmatiques (modlisation non mathmatique), comme cest souvent le
cas en sciences au niveau du cycle dorientation7. De plus, pour ne
pas tre trop restrictifs, nous navons pas retenu dans notre
dfinition la dimension de rduction de la complexit, dun systme rel
complexe un modle mathmatique pur, souvent considre comme une des
principales vises de la modlisation (cest particulirement le cas de
la modlisation en sciences). Nous avons ainsi choisi une dfinition
assez large pour inclure toute la varit des situations de
modlisation que lon peut rencontrer dans les curriculums de
mathmatiques et de sciences de lenseignement secondaire genevois :
Dfinition : Modliser signifie construire, discuter et tudier une
correspondance entre deux (au moins) systmes incluant des objets,
des relations entre ces objets et des questions. Comme Chevallard,
nous prfrons le terme de systme celui de domaine, employ par Niss,
Blum et Grabaith, pour deux raisons. Dune part, nous voulons viter
de faire rfrence au domaine de la ralit et au domaine des
mathmatiques ; le terme de systme nous parat plus neutre cet gard.
Dautre part, l o ces auteurs parlent de phnomnes et de
propositions, nous avons prfr le vocabulaire plus neutre dobjets,
de relations et de questions. Nous allons prsent voir comment cette
dfinition souple permet de faire fonctionner lide de modlisation de
faon plus ou moins riche. Ceci nous conduira distinguer trois
niveaux possibles dans le travail de modlisation.
2.2. Une typologie en trois niveaux
La manire la plus ambitieuse dengager les lves dans une activit
de modlisation est de leur poser une question problmatique dans le
cadre dun systme initial et de leur demander de construire un autre
systme (le modle) dans lequel la question pourra tre rsolue. Dans
ce cas, les lves ont la responsabilit de dterminer les objets et
relations pertinents du premier systme, de choisir le second systme
et de construire la correspondance, de rsoudre le problme transpos
dans ce second systme et finalement dinterprter la solution obtenue
dans le systme initial. Tout ce processus est dcrit et analys dans
maints travaux portant sur la modlisation mathmatique dans
lenseignement, dont ltude ICMI cite plus haut offre un large
panorama. Mais on peut concevoir dautres situations didactiques
lies la modlisation, qui, si elles nabordent pas tous les aspects
voqus plus haut, permettent cependant un travail important. Ainsi,
lnonc dune activit peut fournir demble les deux systmes en jeu dans
la modlisation et confier aux lves la tche dinterprter une partie
dun des systmes en termes des objets et relations de lautre, ou
celle de discuter la pertinence de la correspondance entre les deux
systmes relativement la question pose. On peut aussi proposer aux
lves un systme initial ainsi que plusieurs autres systmes comme
modles possibles et leur demander de donner des arguments sur
ladquation des diffrents systmes pour rpondre aux questions que lon
se pose dans le modle initial. Ce type dactivit, mme si elles sont
parfois moins complexes, nen sont pas moins susceptibles dengager
les lves dans une riche rflexion sur les qualits et les limites de
modlisations particulires.
Par ailleurs, on rencontre frquemment dans les manuels des
activits dans lesquelles les deux systmes sont donns demble alors
que, de fait, la tche reste essentiellement cantonne dans lun des
deux (le modle), sans que la pertinence ou la qualit de la
correspondance ne soient interroges. Ce type dactivit ne prsente
souvent quun intrt trs restreint du point de vue de la modlisation,
dans la mesure o le systme initial (celui du monde concret ou de la
vie courante ) est seulement voqu dans lnonc du problme et la
correspondance avec lautre
7 Penser par exemple au schma de la respiration ou la
modlisation molculaire de la matire. Toutefois, nous
naborderons pas la question de la modlisation en sciences dans
cet article.
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systme (le modle mathmatique) est vidente. Cest un artifice
didactique qui ne prsente quune apparence de modlisation, dans le
but de motiver les lves la tche mathmatique quils ont travailler.
On pourrait dire que lon se situe dans la schmatisation au sens de
Gonseth, plutt que dans la modlisation. Nous verrons plus loin des
exemples de cet ordre. Lanalyse que nous venons de rsumer et que
nous avons applique une lecture des activits des moyens
denseignement, nous a ainsi conduit proposer la typologie suivante,
en trois niveaux, des activits de modlisation :
Niveau 1 : les deux systmes sont donns mais la tche des lves est
cantonne dans lun des deux.
Niveau 2 : les deux systmes sont donns et la tche des lves
implique les deux. Niveau 3 : un seul systme est donn et la
construction du second est la charge des
lves.
Cette typologie est assez sommaire et ne rend pas compte de
plusieurs aspects importants, quant aux difficults inhrentes aux
systmes en jeu dune part, leur mise en correspondance dautre part,
ou, dans le cas dune modlisation mathmatique, la difficult de la
rsolution mathmatique dans le deuxime systme, et son interprtation
dans le systme initial. Cette typologie ncessite didentifier les
deux (ou plus) systmes en jeu et, de fait, oblige rflchir aux
enjeux didactiques que la mise en scne de lactivit va permettre
dans la question de leur correspondance. De fait, mme si elle parat
grossire, cette typologie nest pas toujours aussi simple appliquer
quil y parait : elle conduit souvent la leve dimplicites et se
questionner sur le potentiel de modlisation de lactivit considre.
Ainsi, cette typologie nest pas, notre sens, un outil de
catgorisation absolu, mais plutt une grille de lecture qui permet
de problmatiser lanalyse didactique des enjeux possibles de
modlisation que renferme une activit. Cest pourquoi nous la
proposons aux participants de notre formation, et aprs lavoir
illustre par quelques exemples, nous leur demandons de lexprimenter
sur une slection dactivits issues des manuels (livre et fichier) de
9ime
8.
Aprs cette phase dappropriation, notre formation se poursuit par
une analyse plus fine de trois de ces activits en nous focalisant
plus particulirement sur le travail du professeur durant lactivit
et sur les leviers dont il dispose pour raliser au mieux le
potentiel dinvestigation des lves dans la dmarche de modlisation.
Dans ce qui suit, nous allons prsenter succinctement lapplication
de notre typologie quelques activits en donnant des lments de
rflexion, plus ou moins importants selon les cas, sur la gestion
possible en classe.
8 Au moment o nous avons mis en place cette formation, seuls les
manuels de 9ime taient disponibles, mais cette
typologie peut bien sr tre applique tous les exercices de
mathmatiques mettant en jeu de la modlisation. Dans notre slection,
nous avons essay de trouver des exemples reprsentatifs des trois
niveaux en variant galement les thmes.
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3.Quelques exemples issus du livre et du fichier du 9ime
degr
3.1. Exemples de niveau 1
Trouve la position dun observatoire situ
gale distance de la route, de la voie ferre et
de la rivire.
Figure 2. ES289 Observatoire. (Fichier 9me, p. 118)
Ici il s'agit de mettre en uvre la notion de bissectrice dun
angle et celle de point de concours des trois bissectrices dun
triangle, qui est le centre du cercle inscrit. La modlisation porte
sur le fait que la topographie du lieu (route, voie ferre, rivire)
est modlise par un triangle idalis. Les deux systmes en jeu sont le
lieu rel et la gomtrie, les objets sont dune part des portions dune
route, dune voie ferre, dune rivire et dautre part des segments de
droites qui les reprsentent. Le systme de la gomtrie nest pas donn
en tant que tel llve ; nanmoins, cette activit tant gnralement
utilise dans le cadre du cours de gomtrie, le choix du systme
permettant de rsoudre la tche est assez transparent. Dans ce sens,
on peut noter quici les intersections sont marqus sur le dessin par
des points (plus apparents dans le livre de llve que sur cette
reproduction) ce qui rend la modlisation encore plus transparente
et nous conduit classer cette activit dans le niveau 1 de notre
typologie.
On pourrait dire que cette activit met davantage en jeu une
schmatisation au sens de Gonseth, quune relle modlisation. Il se
peut nanmoins que, pour certains lves, la modlisation dune route,
dune voie ferre ou dune rivire soit problmatique, mais ceci relve
davantage dune problmatique de lenseignement primaire que du cycle
dorientation. De plus, mme si cette modlisation pose des difficults
certains lves, il ny a gure dautre solution pour les aider que de
la leur imposer. Le mieux que lon puisse faire cest de soulever la
question de la validit de cette modlisation qui dpendra de la
conformit du terrain, et qui est srement plus adapte pour une voie
ferre ou pour une route que pour une rivire (sauf si cette dernire
est canalise ce qui ne semble pas tre le cas sur lillustration). Ce
peut donc tre une occasion pour expliciter le caractre rducteur
dune modlisation, en laissant ventuellement une part aux dbats avec
les lves. Il nen reste pas moins quune fois cette tape franchie,
avec plus ou moins de difficult et de problmatisation, lessentiel
de la tche reste raliser et relve du seul systme gomtrique. En
outre, la rponse, comme point de concours des trois bissectrices
(voire comme centre du cercle inscrit) ne permet pas un retour
productif sur la question pose dans le contexte rel . On pourrait
imaginer que le problme mette en jeu la possibilit concrte de
trouver ce point sur le terrain. Nanmoins, on se heurterait ici au
fait que les outils de trac sur le terrain (macro-espace) sont
assez nettement diffrents de ceux utiliss en gomtrie
(micro-espace). Dans ce sens, une activit dans la cour de rcration
avec une corde et une craie serait didactiquement plus profitable,
mais aussi plus lourde grer. On retrouve ici une des difficults de
lenseignement de la gomtrie et de la 9 Le codage en haut gauche est
compos comme suit : les deux lettres rfres aux 5 axes thmatiques
(NO nombres
et opration, FA fonctions et algbre, ES espace, GM grandeurs et
mesures, RS recherche et stratgie), le nombre situe lactivit dans
le thme en prenant en compte le livre et le fichier (ES28 est dans
le fichier, comme ES 23 ES27, mais ES21 et ES29 sont dans le
livre).
-
problmatique du lien entre les connaissances spatiales et
gomtriques (Berthelot et Salin, 1992, 1993, 1999 ; Brousseau,
2000). Ainsi ces auteurs posent-ils la question fondamentale :
La gomtrie a voir avec l'espace mais peut-on assimiler les
connaissances spatiales, ncessaires la maitrise des problmes qui se
posent tout individu dans ses rapports avec l'espace, et celles qui
relvent du savoir mathmatique appel gomtrie ? (Berthelot &
Salin, 1992, p. 40)
Ils pointent ainsi deux diffrences essentielles qui portent sur
la gense de chacun des types de connaissances et sur la nature des
problmes respectifs qui les mettent en jeu. Une part importante de
ce travail a consist mettre au point des activits denseignement de
la gomtrie au primaire qui problmatisent la question des rapports
entre connaissance spatiales et gomtriques.
Comme chaque mois de septembre Aloys sme du rampon10 dans son
jardin potager, aprs avoir dlimit un rectangle laide dune ficelle.
Aujourdhui, Andr, son vieux copain de toujours, prtend quil a pu,
laide de la mme ficelle obtenir une surface rectangulaire plus
grande. A-t-il raison ?
Figure 3. GM37 Plus grand, mais plus petit (Livre 9me, p.
145)
On se trouve ici aussi face un cas de modlisation gomtrique
quasi transparent. Lemploi du mot rectangle , plutt que parcelle
rectangulaire par exemple est dans ce sens trs rvlateur et nous
conduit classer cette activit dans le niveau 1 pour des raisons trs
semblables celles de lactivit prcdente. Par contre, le fait
didentifier la longueur de la ficelle au primtre du rectangle offre
un enjeu de modlisation un peu plus fort. En contrepartie, la
rduction apporte par la modlisation (de la ficelle au segment de
droite) est plus faible que dans le problme prcdent. Enfin, le prix
de la ficelle ne justifie gure lenjeu contrairement certains
problmes classiques doptimisation comme celui consistant chercher
les dimensions dune bote de conserve de volume donn en utilisant le
moins de mtal. Cest bien sr le carr qui ralise, primtre donn, le
cas du rectangle de plus grande aire. Ici on semble sous-entendre
que la parcelle rectangulaire nest pas carre (usage commun du terme
rectangle qui exclut le carr). La faon un peu moins conventionnelle
daborder ce problme classique, peut amener discuter du fait de
savoir si un carr est un rectangle. Le fait que le tour de la
parcelle soit fait par une ficelle peut ventuellement permettre une
exprimentation de la part des lves, sauf quil est difficile dvaluer
exprimentalement laire dun rectangle.
Pour aller chez sa copine, Christine a fait le tiers du trajet
en train, puis les deux cinquimes en bus et le reste pied. Quelle
fraction du voyage reprsente le parcours pied ?
Figure 4. NO231 La copine de Christine (Livre 9me, p. 60)
Ici le systme initial est constitu par le voyage de Christine.
Le deuxime systme est celui des fractions, ou des nombres
rationnels. Cependant les fractions sont dj comprises dans la
description du problme, le deuxime systme est donc, nouveau, assez
transparent, ce qui fait pencher pour une classification dans le
niveau 1. Lenjeu de la traduction par le bon calcul est certes non
nul, mais est-il aussi fort que celui du calcul effectuer ? Selon
le niveau des lves, la difficult peut ici tre importante. Il peut
par exemple tre compliqu de comprendre que le trajet total
correspond la valeur 1. Outre le fait que poser le problme ainsi
semble plus intressant que de demander de calculer demble 1 1/3
2/5, cette histoire peut conduire les lves une reprsentation par
des segments de droites par exemple qui peuvent leur permettre de
visualiser le
10 En Suisse romande, le rampon dsigne la mche, parfois aussi
appele doucette.
-
calcul effectuer. On retrouve ainsi une vertu didactique ce type
de modlisation, qui ici encore est proche de la notion de
schmatisation de Gonseth.
3.2. Exemples de niveau 2
Parmi les dveloppements ci-contre, lesquels sont ceux de prismes
droits ? De paralllpipdes rectangles ?
Figure 5. ES107 De dveloppement en dveloppement (Livre 9ime, p.
121)
Nous avons clairement faire ici une modlisation de type
intra-mathmatique. En effet les deux systmes en jeu sont de nature
mathmatique : gomtrie plane dune part avec les dveloppements et
gomtrie de lespace avec les solides quils permettent de construire.
Les deux systmes sont donns et cest bien la question de la
correspondance entre les objets des deux systmes qui est au cur de
la problmatique. Plus prcisment, dans cette activit, ce qui pose
problme cest la correspondance entre les proprits de lun (nature
des diffrentes faces, positionnement dans le dveloppement) et de
lautre (caractrisation des prismes droits et des paralllpipdes
rectangles). Sauf faire une dmonstration constructive en dcoupant
les dveloppements et en reconstituant les solides, lenjeu est donc
de valider sur des proprits planes, des caractrisations des solides
qui relvent de la gomtrie dans lespace. Il y a ici, doubl dun enjeu
de visualisation, un enjeu de correspondance de proprits qui relve
nous semble-t-il dun travail de modlisation entre deux systmes
(mathmatiques) donns, ce qui correspond bien notre niveau 2.
Linstitutionnalisation concluant une telle activit peut ainsi
porter sur les proprits caractristiques des dveloppements des
prismes droits. Les conditions pour quune figure plane soit bien le
dveloppement dun solide ne sont pas aises expliciter de faon
exhaustive. Ici, le fait quon parle demble de dveloppements peut
laisser supposer que ces conditions sont implicitement respectes.
On peut aussi le valider de faon pragmatique en imaginant le pliage
qui aboutit la construction du solide. Une fois ce problme rgl, la
caractrisation des prismes droits peut snoncer en disant que toutes
les faces sauf deux sont rectangulaires (ce sont les faces latrales
du prisme) et ont une dimension commune (la hauteur du prisme), les
deux autres faces (les bases du prisme) sont identiques et sont des
polygones dont les longueurs des cts correspondent respectivement
lautre dimension de chacune des faces latrales.
Lactivit suivante porte sur les oprations avec des nombres
relatifs.
-
Figure 6. NO125 Marche arrire (Livre 9me, p. 40)11 Ici la
modlisation est extra-mathmatique puisquelle porte sur la
correspondance entre le systme des nombres relatifs et de leur
addition dune part et un systme de dplacements rectilignes et de
retournements dun bonhomme dautre part. Certes le deuxime systme
est trs restrictif par rapport la ralit et peut tre qualifi de
pseudo-raliste voire de surfait, nanmoins il fait clairement
rfrence un certain vcu des lves qui peuvent mme le mimer dans la
classe. Ici tout est donn, y compris la correspondance travers les
rgles et lexemple que nous navons pas reproduit ici. Par ailleurs,
contrairement ce qui est habituellement le cas, le systme de dpart
nest pas le systme rel mais bien le systme mathmatique. La
modlisation nest donc pas l pour rsoudre un problme de la vie
courante, mais bien comme enjeu didactique pour lapprentissage des
rgles opratoires sur les entiers relatifs, par lexamen et lemploi
de la correspondance entre les deux systmes. On est donc bien dans
le niveau 2 de notre typologie. 11 Il faut noter que les signes +
et des oprations et les flches des dplacements sont en rouge alors
que les signes +
et des nombres et les flches dorientation du bonhomme sont en
bleu. Dans lactivit 119 intitule Marche avant, le principe a t
introduit avec seulement des additions.
-
Notre propos ici nest pas de faire une analyse pousse de
lefficacit de ce dispositif didactique, qui dailleurs partage les
enseignants du cycle dorientation genevois presque exclusivement en
deux catgories bien distinctes de fervents utilisateurs et de
dtracteurs virulents. Il est vrai quil peut paratre, en premire
analyse, assez lourd dutilisation et source de complications
inutiles. De fait, si les lves arrivent comprendre les rgles
daddition et de soustraction des nombres relatifs sans cet
attirail, il ne semble pas ncessaire de lutiliser. Nanmoins, on
sait quune proportion non ngligeable dlves butte de faon rsistante
sur ces rgles. Dans ce cas, les activits autour des dplacements du
petit bonhomme peuvent tre une aide prcieuse. Cela demande nanmoins
un investissement important. Les lves doivent pouvoir, au moins
dans un premier temps, mimer les dplacements, les significations
des couleurs bleu et rouge doivent tre bien identifies, etc. Sans
rentrer dans une analyse trop dtaille, nous pensons utile de donner
ici quelques lments qui montrent que ce type de modlisation a eu
une importance historique dans la lgitimation des nombres relatifs
et des nombres complexes. En effet, entre la fin du 18e et le dbut
du 19e, les nombres ngatifs, bien quexistant depuis longtemps
navaient pas encore acquis leurs lettres de noblesse chez les
mathmaticiens. Cest dans la recherche dune interprtation des
quantits imaginaires comme on dsignait alors les nombres complexes
en vue de les lgitimer, quArgand (1806) est amen montrer lintrt de
regarder lensemble des nombres ngatifs comme le symtrique par
rapport 0 de lensemble des nombres positifs. Ceci le conduit
combiner lide de grandeur absolue (les pas du petit bonhomme) celle
de direction (l o regarde le petit bonhomme). Avant de poursuivre
le raisonnement dArgand qui le conduira une interprtation de 1 12,
notons que faire intervenir direction et retournement dans
linterprtation (la modlisation) des nombres ngatifs permet de
concevoir le 0 comme un point darticulation (ce autour de quoi
sopre la symtrie, le retournement du positif au ngatif ou linverse
dailleurs, puisque un retournement est involutif) plutt quun point
repoussoir (ce au-dessous duquel on descend), comme cest le cas
dans les illustrations laide de thermomtres ou dascenseurs. Cette
ide est au cur du processus qui conduit Argand son interprtation
(voir ce sujet la trs intressante analyse de Chtelet, 1993). Ainsi
il commence par remarquer que 1= (+ 1)( 1) , quil interprte alors
comme la moyenne gomtrique entre un pas vers la droite et un pas
vers la gauche, cest--dire un pas vers le haut ou vers le bas la
verticale. Cest le point cl de sa dcouverte de la reprsentation
(aujourdhui classique) des nombres complexes. Une des difficults
dans les oprations avec les nombres relatifs vient de ce que les
signes + et ont chacun deux statuts diffrents, celui dopration et
celui de position (sans parler du qui marque loppos). Dans la
modlisation avec le petit bonhomme, le signe opratoire (en rouge)
dtermine si le bonhomme avance (si on additionne) ou recule (si on
soustrait) alors que le signe de position (en bleu) porte sur
lorientation du bonhomme vers la droite (pour le +) ou vers la
gauche (pour le )13. Notons que le signe qui marque loppos peut tre
ici interprt comme un retournement du bonhomme, ce qui constitue un
des avantages de cette modlisation qui est dtre compatible avec une
interprtation des produits des nombres relatifs, en particulier de
la fameuse rgle des signes, contrairement la plupart des autres
modlisations (Hefendehl-Hebeker, 1991, Barrera-Curin, 2012).
Lactivit suivante est un classique de linterprtation dune
reprsentation graphique.
12 Nous utilisons ici la notation de lpoque qui peut choquer un
lecteur actuel. Le problme des quantits imaginaires
consistait bien trouver une signification la racine dun nombre
ngatif. 13 Une complication ici est quil faut orienter le bonhomme
avant de le faire avancer ou reculer. Autrement dit il faut
dabord prendre en compte le signe du nombre avant le signe
opratoire. De plus il faut interprter le premier nombre (donc le
premier dplacement) comme une addition (comme si on rajoutait 0 +
au dbut de chaque calcul).
-
Lors dune mission tlvise, un journaliste montre ce graphique et
dit : Ce graphique montre quil y a eu une trs forte augmentation du
nombre de cambriolages entre 1998 et 1999. Considres-tu que
laffirmation du journaliste est une interprtation correcte de ce
graphique ? Justifie ta rponse.
Figure 7. FA 51 Cambriolages (Livre 9me, p. 81)
Il sagit dune modlisation extra-mathmatique dont le systme
mathmatique est fourni. Le systme initial porte sur le contexte rel
dun lieu (indfini) et des cambriolages qui sy droulent. Pourtant
ici lenjeu de modlisation ne porte pas tant sur cette ralit,
laquelle on na pas vraiment accs (autrement que par les deux donnes
numriques contenues dans le graphe) que sur un autre systme qui
porte lui sur le traitement mdiatique de la reprsentation
graphique. Autrement dit le systme qui rentre en correspondance
avec la reprsentation graphique est celui du langage naturel. En
quelque sorte on se trouve dans un jeu de concurrence entre deux
modles interprtatifs dune mme ralit (dont on na quune vision trs
parcellaire) et la question de la validit de la correspondance se
pose entre les deux modles plutt quentre modle et ralit. Plus
prcisment, il est clair quil y a eu une augmentation du nombre de
cambriolages entre 1998 et 1999 (rien de ce que lon sait ne nous
permettra de juger de la qualit de ceux-ci, savoir si malgr la
diffrence numrique les cambriolages de 1999 sont finalement plus
bnins que ceux de 1998 peut tre un enjeu socital et politique de
premier ordre, mais cest hors de porte dans le contexte qui nous
est fourni). Ce qui est en jeu ici cest la validit de lusage du
qualificatif trs forte pour dcrire laugmentation que la
reprsentation graphique laisse voir. Finalement, cest le dcodage du
graphique qui donne la rponse, puisquil donne voir une augmentation
relative de 1,4% qui ne peut tre qualifi de trs forte . La
perception du graphique est bien sr biaise par le fait davoir
positionn laxe des abscisses trs haut sur celui des ordonnes, un
choix qui peut tre remis en question en termes de validit du modle
pour reprsenter la ralit. On voit donc quautour des trois systmes :
graphique, ralit, langue naturelle (on pourrait rajouter celui des
donnes numriques brutes) qui sont tous donns, lenjeu de lactivit
porte sur un problme de validit dun des systmes pour rendre compte
de la ralit. On est donc dans le cas du niveau 2 de notre
catgorisation.
3.3. Exemples de niveau 3
Nous commencerons par une activit qui peut conduire une
exploitation plus ou moins pousse.
Ana mesurait 1,37 m 11 ans et 1,45 m une anne plus tard. Quelle
sera sa taille lorsquelle sera ge de 16 ans ?
Figure 8. FA33 En grandissant (Livre 9me, p. 74)
Le systme initial est celui de la ralit de la croissance de Ana.
Pour pouvoir rpondre il faut lui faire correspondre un systme
constitu dune fonction donnant sa taille en fonction de son ge. Ce
deuxime systme tant construire, on est dans le niveau 3. Ici, on
sattend ce que les lves imaginent majoritairement un modle de
croissance linaire : accroissement de 8cm par an, ce qui conduirait
une taille de 1,77 cm 16 ans, ce qui est une rponse raliste. Par
contre, si on pousse la prdiction de quelques annes, on arrive vite
des valeurs impossibles. Cet exemple peut
-
permettre une discussion intressante sur la validit des modles
et constitue un bon exemple de remise en cause du modle linaire.
Lexemple suivant prsente un cas assez classique de modlisation
extra-mathmatique.
Au march de Nol, Alexandre achte une bougie mince ayant 24 cm de
longueur, Carolina achte une bougie paisse ayant 12 cm de longueur.
La veille du 24 dcembre 20 h, Alexandre et Carolina allument leur
bougie. Celle dAlexandre se consume en 8 h et celle de Carolina en
12 h. A quelle heure prcise les deux bougies ont-elles eu la mme
longueur, et quelle tait cette longueur ?
Figure 9. RS8 Bougies de Nol (livre 9me, p. 170)
Ici le systme initial est constitu par le contexte concret des
bougies et de leur consomption. Lenjeu de modlisation consiste
mettre en place un systme mathmatique qui modlise cette
consomption, sous la forme de deux fonctions exprimant la hauteur
de la chacune des bougies en fonction du temps. Le modle affine,
qui suppose une variation proportionnelle de la hauteur avec le
temps est le plus simple et certainement celui qui est attendu ce
niveau. Ici llve a bien la charge de trouver le deuxime systme, le
modle, ce qui caractrise le niveau 3 de notre catgorisation. Il
nest pas trs difficile de voir en comptant le temps t en heure
partir de 20h, que lvolution de la hauteur de la bougie dAlexandre
peut se modliser de faon affine par h1(t) = 3 (8 t) pour t 8 et
celle de Carolina par h2(t) = (12 t) pour t 12. Il ne reste plus qu
chercher pour quelle valeur de t les deux fonctions sont gales,
pour trouver que les deux bougies auront la mme hauteur 2h du matin
(t = 6). Remarquons quil est possible de rsoudre ce problme laide
dun systme purement graphique (correspondant aux reprsentations
graphiques des deux fonctions ci-dessus).
Plusieurs modles pourraient ventuellement entrer en concurrence,
mais au niveau du cycle dorientation et en labsence dautres
informations, on ne voit pas de raison de ne pas choisir un modle
affine. Il pourrait tre intressant de discuter avec les lves dune
exprimentation avec une vraie bougie pour vrifier le bien fond de
cette hypothse de modlisation. Lactivit suivante particulirement
riche comprend des questions des trois niveaux.
-
Le diagramme en colonne ci-contre indique lvolution du nombre
dutilisateurs dInternet, en Suisse et en Inde, entre les annes 1990
et 2008. (Unit : M = million)
a) Estime par combien le nombre dutilisateurs dInternet a t
multipli, en Suisse et en Inde, entre 2003 et 2008. Comment, daprs
toi, peut-on expliquer cette diffrence ?
b) Sachant que la population de la Suisse est denviron 7,7
millions dhabitants en 2008, dirais-tu que beaucoup ou peu
dhabitants de notre pays ont accs Internet ? Justifie ta
rponse.
c) Sachant que la population de lInde est denviron 1,15 milliard
dhabitants en 2008, dirais-tu que beaucoup ou peu dhabitants de ce
grand pays dAsie ont accs Internet ? Justifie ta rponse.
d) En taidant des deux diagrammes, imagine le nombre
dutilisateurs dInternet quil y aura en Suisse et en Inde en 2020,
en justifiant ta rponse.
Figure 8. FA54 Internet (Livre 9me, p. 84)
Ici les deux systmes en jeu sont dune part la ralit
socio-conomique des deux pays en jeu et dautre part le systme
mathmatique des graphes en bton, dans lequel on peut inclure tout
ce qui permet le dcodage et le traitement des donnes numriques (qui
sont strictement du domaine des mathmatiques). Ainsi la question a)
demande dabord une lecture graphique et un traitement numrique des
donnes. Dans cette premire phase, le traitement reste interne au
systme mathmatique du graphe et des nombres (niveau 1). La fin de
cette question a) demande par contre une interprtation des donnes
chiffres obtenues par rapport la ralit socio-conomique (niveau 2).
Les questions b) et c) ncessitent une lecture directe du graphe et
une interprtation de celle-ci qui reste du domaine du numrique,
cest un problme de valeur relative ou de pourcentage (niveau1), mme
si linterprtation porte sur la ralit socio-conomique (les lves nont
pas aller chercher la population des pays sur Internet par exemple,
elle est donne dans lnonc de la question).
La question d) est dun autre ordre. Il sagit cette fois de faire
jouer au modle un rle prdictif, qui est un des rles essentiels de
la modlisation en sciences. Plus prcisment, la tche consiste
construire, par extrapolation partir de lvolution des donnes
fournies pour les annes 1990 2008, une extension du systme
mathmatique (graphico-numrique) allant jusqu lanne 2020.
Il est clair quil ny a pas ici une seule bonne rponse, On peut
en effet construire diffrents modles dvolution pouvant sexpliquer
en partie par les donnes connues, mais susceptibles aussi de
prendre en compte dautres facteurs socio-conomiques. Chaque modle
consiste construire un nouveau systme sous la forme dune fonction
dont les proprits sont issues des reprsentations graphiques donnes.
Le modle le plus simple consiste utiliser la proportionnalit sur
les accroissements, donc une fonction affine. Les questions b) et
c) peuvent fortement induire un modle accroissement constant partir
de 2003, sur la base dune moyenne entre 2003 et 2008, mais il
existe bien dautres faons de construire un modle affine pertinent.
Ainsi en Suisse on voit quentre 2003 et 2008, le nombre
dutilisateurs passe de 4.7M 5.7M ; si on divise la diffrence par 5,
on obtient un accroissement annuel moyen de 0.2M, ce qui conduirait
8.7M dutilisateurs en Suisse en 2020 (pour lInde on arriverait avec
le mme modle 305.6M). Remarquer que cette prvision dpasse la
population actuelle de la Suisse apporte une bonne raison pour
sinterroger sur la validit de ce modle ! Les questions b) et c)
portant sur un coefficient multiplicateur, les lves peuvent penser
un modle de type croissance gomtrique, correspondant une fonction
exponentielle (qui nest pas connue en 9ime), ce qui revient non pas
diviser laccroissement
-
absolu entre 2003 et 2008 par 5, mais prendre la racine 5e du
coefficient daccroissement, ce qui conduirait un nombre
dutilisateurs en 2020 de lordre de 8,8M pour la Suisse et 5438M
pour lInde ; ce dernier rsultat peut tre jug irraliste, mme pour ce
grand pays en plein boom dmographique. On voit donc quil faut
prendre en compte non seulement les accroissements, mais aussi leur
tassement avec le temps.
Sans dvelopper plus avant les rponses possibles cette dernire
question, remarquons quelle pose des difficults tout autant dordre
mathmatiques que dinterprtation des donnes et du contexte
socio-conomique et dmographique. On entre ici au cur de la
complexit de la modlisation, sur un exemple pourtant assez
simpliste, dune classe de problmes (la prdiction) dont des exemples
bien plus ardus sont frquemment traits dans les diverses branches
de lindustrie, de la recherche ou de ladministration. Aussi, si on
peut raisonnablement esprer que ce type de question motive les lves
au premier abord, il est par contre probable que la tche leur
paraisse vite insurmontable. On peut imaginer, en y mettant le
temps, diverses mises en scne avec des aides plus ou moins grandes,
un partage des tches entre les groupes, un outillage par un
tableur, etc., pour faire vivre cette activit avec un maximum
dautonomie des lves. Nous navons pas la place ici de rentrer dans
le dtail de ce type de considrations ; toutefois une solution
minima, qui permet quand mme de donner aux lves loccasion de
sapproprier une part non ngligeable du questionnement, consisterait
leur fournir diffrents modles (sous formes de graphiques par
exemple) et leur demander de se prononcer sur leurs pertinences
respectives pour prvoir le nombre dutilisateurs en 2020. Nous
faisons une proposition dans ce sens en annexe.
Le dernier exemple que nous allons examiner prsente une activit
de recherche dont lenjeu de modlisation nest a priori pas central,
mais nous semble toutefois propice une gestion didactique
intressante.
Aprs avoir trac un carr de 6 cm de ct, Pierre demande sa fille
Nathalie de partager celui-ci en neuf morceaux carrs de cts mesurs
par un nombre entier de centimtres. Nathalie trouve rapidement un
partage et se demande sil y en a dautres. Deux partages constitus
des mmes carrs, mais placs diffremment, sont considrs comme
identiques. Combien y a-t-il de partages diffrents ?
Figure 10. RS1 Carr partag (Livre 9me, p. 169)
Bien sr le pavage le plus vident consiste positionner 9 carrs de
ct 2 dans le grand carr de ct 6. Ceci dit, il nest pas trs
difficile de trouver deux autres solutions (voir figure
ci-dessous).
Cette tape du travail permet aux lves une recherche sur une
question ouverte. Elle peut donner lieu des discussions sur des
solutions quivalentes (mmes carrs positionns diffremment) mais
globalement, elle abouti assez vite un accord dans une classe sur
le fait quil existe ces trois solutions et que faute den avoir
trouv une autre, il ny a que celles-ci.
-
Figure 11. Les trois solutions du problme du carr partag Si on
essaie de justifier le fait quil ny a pas dautres solutions, on
peut tenter une sorte de preuve par exhaustion en commenant par
montrer quil ne peut y avoir de solution contenant un carr de ct 5,
puis en montrant quil ny a quune solution avec un carr de ct 4,
etc. Cette approche est un peu laborieuse et surtout difficile
rdiger de faon totalement explicite, mais elle a le mrite de rendre
compte dune investigation systmatique de tous les cas possibles.
Une autre possibilit consiste interprter le problme en termes
daires. On passe donc dans une modlisation du systme gomtrique un
systme numrique. Le problme dans le deuxime systme consiste ainsi
lister toutes les dcompositions possibles de 36 en la somme de neuf
carrs dentiers non nuls (1, 4, 9, 16, 25). Bien sr, il faut ensuite
vrifier si chaque solution obtenue correspond ou non un pavage
possible (raisonnement par condition ncessaire, puis suffisante).
On peut alors voir que, part la solution avec 9 fois 4, une telle
dcomposition doit au moins contenir un carr plus grand que 4. On
peut alors tour tour examiner les dcompositions possibles
comprenant au moins un 9, puis au moins un 16 (sans 9), puis au
moins un 25 (sans 9 et sans 16). En plus des trois dcompositions
correspondant aux solutions ci-dessus, on trouve une seule autre
dcomposition possible : 36 = 25 + 4 + 1 + 1 + 1 + 1 + 1 + 1 + 1,
dont il est facile de voir quelle ne correspond pas un pavage
possible, puisque, si on positionne un carr de ct 5, il ny a plus
de place que pour des carrs de ct 1.
Il nest gure plus ais de justifier entirement quil ny a que
quatre dcompositions possibles de 36 en la somme de neuf carrs non
nuls, que de justifier que les trois pavages ci-dessus sont les
seuls possibles. Toutefois, cette recherche numrique se systmatise
plus facilement (elle est dailleurs assez simple programmer sur un
ordinateur). Par ailleurs, il est peu probable que des lves de 9ime
pensent deux-mmes passer dans le champ du numrique (pour des
complments voir (Cherix, Floris & Weiss, 2012)). Ici, il y a
fort parier que, dans une classe o les trois solutions ci-dessus
auraient merg, la majorit (si ce nest la totalit) des lves soient
rapidement convaincus que ce sont les trois seules solutions et
quils ne voient pas la ncessit daller plus loin. Lenseignant peut
tenter de forcer la ncessit de prouver que ce sont bien les seuls
pavages possibles, mais les lves en seront probablement dj
convaincus par le fait que personne nen a trouv dautres. On se
retrouve l dans un cas assez classique o il semble bien que
lenseignent na dautre choix que de renoncer ou dimposer un
changement de contrat didactique. Cest l que la possibilit dune
modlisation numrique du problme peut nous venir en aide. On peut en
effet susciter le changement de contrat, et la ncessiter de
dmontrer quil ny a pas dautre solution, en modifiant le milieu pour
les lves, par lapport dune nouvelle information de type numrique.
Cette dialectique entre les modifications du milieu et lvolution du
contrat didactique a t particulirement travaille par Perrin-Glorian
et Hersant (2003). Ici, on peut dire aux lves : Eric, le petit frre
de Nathalie rentre de jouer au foot et regarde le problme et les
trois solutions trouves par Nathalie et dclare quil existe encore
une solution en prenant deux carrs de cts 3, trois carrs de ct 2 et
quatre carrs de ct 1. A-t-il raison ? .
Cette relance faite aux lves nest pas aussi gnrale que de leur
demander de montrer quil ny a
-
pas dautres solutions, mais elle doit les interpeler sur un cas
prcis, qui demande vrification. La solution dEric nest pas bonne,
mais ce qui nous intresse cest que largument le plus simple pour
lvacuer consiste voir que la somme des aires fait 34 et non 36. Cet
argument ne peut chapper lattention ici car mme si on commence par
essayer de raliser le pavage, on voit que ce qui cloche, cest quil
manque deux carrs de ct 1, pour complter le pavage. Autrement dit
cette relance, permet non seulement de poser la question de la
ncessit de sassurer quil ny a pas dautres solutions par un biais
plus naturel que la demande dune dmonstration, mais aussi de faire
apparatre le contrle par la somme des aires. Cest alors que lon
peut faire une deuxime relance en utilisant la dcomposition qui ne
donne pas un pavage : Eric reconnat son erreur, mais dit quil a
trouv une autre solution avec sept carrs de ct 1, un carr de ct 2
et un carr de ct 5. . Cette solution, qui ne peut tre rejete par
largument sur les aires, permet de donner tout son intrt la
recherche des dcompositions possibles de 36 en neuf carrs non
nuls.
1. Conclusion
Le but de ce texte, et de la formation continue dont il est
issu, est de sinterroger sur ce que la modlisation signifie dans le
travail mathmatique et sur ses enjeux didactiques. Nous sommes
partis dun choix curriculaire du nouveau Plan dtudes romand : celui
de placer la modlisation au cur de lenseignement des mathmatiques
et des sciences. Il ne nous appartient pas de discuter ce choix,
pas plus que de remettre en cause le contenu des Moyens
denseignement 9-10-11, source officielle unique pour tout le cycle
3 (3 premires annes du secondaire) des cantons de Suisse romande.
Notre propos a t de voir comment on pouvait rendre oprationnelle
une rflexion sur la modlisation dans lanalyse de quelques activits
de ces manuels. Ainsi nous avons mis en place une dfinition souple
et large de la modlisation et une typologie en trois niveaux, qui
nous ont permis dorganiser notre travail danalyse. Nous avons
ainsi, lappui dune dizaine dactivits, reprsentatives des Moyens
denseignement 9-10-11, tent de montrer quune entre par la
modlisation dans lanalyse didactique de chacune permettait
didentifier des enjeux dapprentissage intressants lis avec une
problmatique de modlisation, plus ou moins large et plus ou moins
explicite pour les lves. Il apparat que la modlisation peut revtir
des aspects essentiellement distincts selon quelle est extra ou
intra-mathmatiques, quelle sattache rsoudre un problme concret ou
quelle est utilise comme levier didactique pour faire acqurir une
nouvelle notion mathmatique. Nous avons aussi montr que le travail
demand aux lves pouvait porter sur des lments plus ou moins large
de tout le processus de modlisation. Nous avons enfin tent de
montrer comment ces activits pouvaient, dans certains cas,
permettre un travail dinvestigation important de la part des lves,
tout en tant vigilant proposer des gestions par lenseignant qui ne
soient pas trop chronophages.
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