RETOUR LENTRE DU SITETABLE DES MATIRES DE L'OEUVRE
D'ARISTOTETABLE DES MATIRES DE LA METAPHYSIQUE D'ATISTOTE
ARISTOTEMTAPHYSIQUELIVRE Inotes du livre IINTRODUCTION-LIVRE
IITraduction : Alexis PIERRON et Charles ZEVORT.Autres traductions
: COUSIN, VICTORlivreI (BILINGUE) Barthlemy SAINT-HILAIRE :livre
I(bilingue)LA MTAPHYSIQUE DARISTOTE.Livre 1LA MTAPHYSIQUE
DARISTOTE.LIVRE PREMIER.( .)SOMMAIRE DU LIVRE PREMIER.I. Nature de
la science ; diffrence de la science et de lexprience. II. La
philosophie soccupe surtout de la recherche des causes et des
principes. III. Doctrines des anciens touchant les causes premires
et les principes des choses. Thals, Anaximne, etc. Principe
dcouvert par Anaxagore, lIntelligence. IV. De lAmour, principe de
Parmnide et dHsiode. De lAmiti et de la Haine dEmpdocle. Empdocle a
le premier reconnu quatre lments. De Leucippe et de Dmocrite qui
ont donn le plein et le vide comme les causes de ltre et du
non-tre. V. Des Pythagoriciens. Doctrine des nombres. Parmnide,
Xnophane, Mlissus. VI. Platon. Ce quil a emprunt aux Pythagoriciens
; en quoi son systme diffre du leur. Rcapitulation. VII. Rfutation
des opinions des anciens touchant les principes.
1[980a] [21] . ' ' , . [25] . ' .2. , , [980b] ' . [21] ,3 ( ,
[25] ' .4 , .5 ' .[981a] [1] , ' , , [5] ' .6 . ' , 7[10] ' ' , , ,
[] , .8 , [15] ( ' ' ,9 ' ' , [20] 10 , ' ' , ' )11' [25] , , ' '
.12 , ' [30] .13 , [981b] [1] ( ', , , 14 [5] ' ), .15 , , .16[10]
' ' ' , , .17 [15] ' ' , [20] .18 , , [25] .19 ' ' , 20, , [30] , ,
, . [982b] [1] , .Tous les hommes ont naturellement le dsir de
savoir. Ce qui le tmoigne, cest le plaisir que nous causent les
perceptions de nos sens. Elles nous plaisent par elles-mmes,
indpendamment de leur utilit, surtout celles de la vue. En effet,
non seulement lorsque nous sommes dans lintention dagir, mais alors
mme que nous ne nous proposons aucun but pratique, nous prfrons,
pour ainsi dire, la connaissance visible toutes les connaissances
que nous donnent les autres sens. Cest quelle nous fait, mieux que
toutes les autres, connatre les objets, et nous dcouvre un grand
nombre de diffrences [01].Les animaux reoivent de la nature la
facult de connatre par les sens. Mais cette connaissance, chez les
uns, ne produit pas la mmoire ; elle la produit chez les autres.
Aussi, les premiers sont-ils simplement intelligents : quant aux
autres, ils sont plus capables dapprendre que ceux qui nont pas la
facult de se souvenir. Lintelligence sans la capacit dapprendre,
est le partage de ceux qui nont pas la facult dentendre les sons,
par exemple labeille [02], et les autres espces danimaux qui
peuvent tre dans le mme cas. La capacit dapprendre se trouve dans
tous ceux qui runissent la mmoire le sens de loue [03]. Tandis que
les autres animaux vivent ainsi rduits ou aux impressions sensibles
[04], ou aux souvenirs, et ne slvent qu peine jusqu lexprience, le
genre humain a, pour se conduire, lart et le raisonnement.Cest de
la mmoire que pour les hommes provient lexprience. En effet,
plusieurs souvenirs dune mme chose constituent une exprience. Or,
lexprience ressemble presque, en apparence, la science et lart.
C'est par lexprience que la science et lart font leurs progrs chez
les hommes [05]. Lexprience, dit Polus [06], et avec raison, a cr
lart ; linexprience marche laventure. Lart commence, lorsque, dun
grand nombre de notions fournies par lexprience, se forme une seule
conception gnrale qui sapplique tous les cas semblables. Savoir que
tel remde a guri Callias attaqu de telle maladie, quil a produit le
mme effet sur Socrate et sur plusieurs autres pris
individuellement, cest de lexprience ; mais savoir que tel remde a
guri toute la classe des malades atteints de telle maladie, les
pituiteux, par exemple, ou les bilieux, ou les fivreux, cest de
lart. Pour la pratique, lexprience ne semble pas diffrer de lart,
et lon voit mme ceux qui nont que lexprience, atteindre mieux leur
but que ceux qui ont la thorie sans lexprience. Cest que lexprience
est la connaissance des choses particulires, et lart au contraire
celle du gnral [07]. Or, tous les actes, tous les faits sont dans
le particulier. Car ce nest pas lhomme que gurit le mdecin, sinon
accidentellement, mais Callias ou Socrate, ou quelque autre
individu qui se trouve appartenir au genre humain. Si donc quelquun
possde la thorie sans lexprience, et que, connaissant le gnral, il
ignore le particulier qui y est contenu, celui-l se trompera
souvent dans le traitement de la maladie. En effet, ce quil sagit
de gurir, cest lindividu. Toutefois, la connaissance et
lintelligence, suivant lopinion commune, sont plutt le partage de
lart que de lexprience, et les hommes dart passent pour tre plus
sages que les hommes dexprience, car la sagesse, chez tous les
hommes, est en raison du savoir. Et cest parce que les uns
connaissent la cause, et que les autres lignorent. En effet, les
hommes dexprience savent bien que telle chose est [08], mais ils ne
savent pas pourquoi elle est [09] ; les hommes dart, au contraire
connaissent le pourquoi [10], et la cause. Aussi bien pensons-nous
que les chefs des ouvriers, de quelque travail quil sagisse, ont
plus de droit nos respects que les manuvres ; quils ont plus de
connaissances et quils sont plus savants, parce quils savent les
causes de ce qui se fait ; tandis que les manuvres ressemblent ces
tres inanims qui agissent, mais sans connaissance de leur action,
le feu, par exemple, qui brle sans le savoir. Chez les tres anims,
c'est une nature particulire qui produit chacune de ces actions ;
chez les manuvres, c'est l'habitude. Ce qui donne la supriorit du
savoir aux chefs des ouvriers, ce n'est pas leur habilet pratique,
c'est qu'ils possdent la thorie et qu'ils connaissent les causes.
Ajoutez que le caractre principal de la science, c'est de pouvoir
se transmettre par l'enseignement. Aussi, dans l'opinion commune,
l'art, plus que l'exprience, est de la science ; car les hommes
d'art peuvent enseigner, et les hommes d'exprience ne le peuvent
pas. D'ailleurs, aucune des notions sensibles n'est nos yeux le
vrai savoir, bien qu'elles soient le fondement de la connaissance
des choses particulires. Mais elles ne nous disent le pourquoi de
rien : par exemple, elles apprennent que le feu est chaud, mais
seulement qu'il est chaud.Ce n'est donc pas sans raison que celui
qui le premier inventa un art quelconque au-dessus des vulgaires
notions des sens, fut admir par les hommes ; non pas seulement
cause de l'utilit de ses dcouvertes, mais cause de sa science, et
parce qu'il tait suprieur aux autres. Les arts se multiplirent, les
uns s'appliquant aux ncessits, les autres aux agrments de la vie ;
mais toujours les inventeurs de ceux-ci furent regards comme
suprieurs ceux des autres, parce que leur science n'avait pas
l'utilit pour but. Tous les arts dont nous parlons taient invents,
quand on dcouvrit ces sciences qui ne s'appliquent ni aux plaisirs,
ni aux ncessits de la vie. Ce fut dans les lieux o les hommes
pouvaient jouir du repos qu'elles naquirent d'abord. Les
mathmatiques furent inventes en gypte, car, dans ce pays, on
laissait un grand loisir la caste des prtres.Nous avons tabli dans
la Morale [11], quelle diffrence il y a entre l'art, la science et
les autres connaissances. Tout ce que nous voulons dire sur ce
point maintenant, c'est que la science qu'on nomme Philosophie [12]
est, suivant l'ide que l'on s'en forme gnralement, l'tude des
premires causes et des principes.Ainsi, comme nous venons de le
dire, l'homme d'exprience parait tre plus savant que celui qui n'a
que des connaissances sensibles quelles qu'elles soient ; l'homme
d'art l'est plus que l'homme d'exprience ; le manuvre le cde au
chef des travaux, et la spculation est suprieure la pratique. Et il
est bien vident que la Philosophie est une science qui s'occupe de
certaines causes et de certains principes.
II
1 , ' [5] , . , ' .2 , ' [10] 3 , ( , )4 5 [15] , ' , , .6 [20]
7 ( , ,8 [25] ( ),9 ( , )10 ( , [30] ,11 ' ' ( ' , [982b] [1] ' ),
' ( ' ), ,12 [5] , ' , .13 [10] .14 ' , , , [15] , .15 ' ( )16'
[20] , . .17 ' [25] , ' , , , .18 [30] , ' , ' ' .19 , [983b] [1]
[2] . ' , , .20 [5] ' , , . ' , ' [10] .21 , ' .22 . , , , [ [15] ]
( , [20] .23 , , .Or, puisque cette science est l'objet de nos
recherches, nous allons avoir examiner de quelles causes et de
quels principes la philosophie est la science ; question qui
s'claircira bien mieux si l'on examine les diverses ides que nous
nous formons du philosophe. Et d'abord nous concevons le
philosophe, surtout comme connaissant l'ensemble des choses, autant
que cela est possible, mais sans avoir la science de chaque chose
en particulier. Ensuite, celui qui peut arriver la connaissance de
choses ardues, et que l'homme ne connat qu'avec de grandes
difficults, ne le nommons-nous pas philosophe ? En effet, connatre
par les sens est une facult commune tous ; cette connaissance,
acquise sans effort, n'a donc rien de philosophique. Enfin, celui
qui a les notions les plus rigoureuses des causes, et qui enseigne
le mieux ces notions, celui-l est plus philosophe que tous les
autres sur toute science. Et, parmi les sciences, celle laquelle on
s'applique pour elle-mme, et dans le seul but de savoir, est plus
philosophie que celle qu'on tudie cause de ses rsultats ; et celle
qui domine les autres est plus philosophie que celle qui est
subordonne quelque autre. Il ne faut pas que le philosophe reoive
des lois, mais qu'il donne des lois ; il ne faut pas qu'il obisse
un autre, c'est celui qui est moins philosophe lui obir.Telles sont
en somme nos diverses manires de concevoir la philosophie et les
philosophes : or, le philosophe qui possde parfaitement la science
du gnral a ncessairement la science de toutes choses, car un tel
homme sait en quelque sorte tout ce qui se trouve compris sous le
gnral. Mais on peut dire aussi qu'il est trs difficile pour les
hommes d'arriver aux connaissances les plus gnrales ; en effet,
leurs objets sont bien plus loin de la porte des sens.Entre toutes
les sciences, les plus rigoureuses sont celles qui sont le plus
sciences de principes ; celles qui roulent sur un petit nombre de
principes sont plus rigoureuses que celles dont l'objet est
multiple : l'arithmtique, par exemple, l'est plus que la gomtrie.
La science qui tudie les causes est celle qui peut le mieux
enseigner ; car ceux-l enseignent, qui disent les causes de chaque
chose. Enfin, connatre et savoir, dans le but unique de savoir et
de connatre, tel est par excellence le caractre de la science de ce
qu'il y a de plus scientifique. Celui qui veut tudier une science
pour elle-mme, choisira entre toutes celle qui est le plus science
; or, cette science est la science de ce qu'il y a de plus
scientifique. Ce qu'il y a de plus scientifique, ce sont les
principes et les causes. C'est par leur moyen, c'est par eux que
nous connaissons les autres choses, et non point par les autres
choses que nous les connaissons. Or, la science souveraine, la
science suprieure toute science subordonne, est celle qui connat
pourquoi il faut faire chaque chose. Et ce pourquoi, c'est le bien
de chaque tre ; pris en gnral, c'est le mieux dans tout l'ensemble
des tres [13].De tout ce que nous venons de dire sur la science
elle-mme, sort la dfinition cherche de la philosophie. Il faut bien
qu'elle soit la science thortique des premiers principes et des
premires causes ; car le bien et la raison finale sont une des
causes. Et qu'elle n'est point une science pratique, c'est ce que
dmontre l'exemple de ceux qui ont philosoph les premiers. Ce qui,
dans l'origine, poussa les hommes aux premires recherches
philosophiques, c'tait, comme aujourd'hui, l'tonnement [14]. Entre
les objets qui les tonnaient, et dont ils ne pouvaient se rendre
compte, ils s'appliqurent d'abord ceux qui taient leur porte ;
puis, s'avanant ainsi peu peu, ils cherchrent s'expliquer de plus
grands phnomnes, par exemple les divers tats de la lune, le cours
du soleil et des astres, enfin la formation de l'univers. Chercher
une explication et s'tonner, c'est reconnatre qu'on ignore. Aussi
peut-on dire, que l'ami de la science l'est en quelque sorte des
mythes [15] ; car le sujet des mythes, c'est le merveilleux. Par
consquent, si les premiers philosophes philosophrent pour chapper
l'ignorance, il est vident qu'ils poursuivaient la science pour
savoir, et non en vue de quelque utilit. Le fait lui-mme en est la
preuve : presque tous les arts qui regardent les besoins et ceux
qui s'appliquent au bien-tre et au plaisir taient connus dj, quand
on commena chercher les explications de ce genre. Il est donc
vident que nous n'tudions la philosophie pour aucun autre intrt
tranger.De mme que nous appelons homme libre celui qui s'appartient
et qui n'a pas de matre, de mme aussi cette science, seule entre
toutes les sciences, peut porter le nom de libre. Celle-l seule, en
effet, ne dpend que d'elle-mme. Aussi pourrait-on juste titre
regarder comme plus qu'humaine la possession de cette science. Car
la nature de l'homme est esclave par tant de points, que Dieu seul,
pour parler comme Simonide, devrait jouir de ce beau privilge [16].
Toutefois il est indigne de l'homme de ne pas chercher la science
laquelle il peut atteindre [17]. Si les potes ont raison, si la
divinit est capable de jalousie, c'est l'occasion de la philosophie
surtout que cette jalousie devrait natre, et tous ceux qui s'lvent
par la pense devraient tre malheureux. Mais il n'est pas possible
que la divinit soit jalouse, et les potes, comme dit le proverbe,
sont souvent menteurs.Enfin, il n'y a pas de science qu'on doive
estimer plus qu'une telle science. Car la plus divine est celle
qu'on doit priser le plus. Or, celle-ci est seule divine un double
titre. En effet, la science qui est surtout le partage de Dieu, et
qui traite des choses divines, est divine entre toutes les
sciences. Or, la philosophie seule porte ce double caractre. Dieu
passe pour la cause et le principe de toutes choses ; et Dieu seul,
Dieu surtout du moins, peut possder une telle science. Toutes les
autres sciences ont, il est vrai, plus de rapport nos besoins que
la philosophie, mais aucune ne l'emporte sur elle.Le but propos
notre entreprise, ce doit tre un tonnement contraire, si je puis
dire, celui qui provoque les premires recherches de toute science.
Toujours en effet les sciences ont, comme nous l'avons remarqu,
leur source dans l'tonnement qu'inspire l'tat des choses : ainsi,
pour parler des merveilles qui s'offrent nous d'elles-mmes,
l'tonnement qu'inspirent, ou les rvolutions du soleil, ou
l'incommensurabilit du rapport de la diagonale au ct du carr [18],
ceux qui n'ont point encore examin la cause. Il parait tonnant tout
le monde qu'une quantit ne puisse tre mesure, mme par une mesure
trs petite. Or, ce qu'il nous faut, c'est l'tonnement contraire :
Le mieux est la fin, comme dit le proverbe. Ce mieux, dans les
objets dont il s'agit, on y arrive par la connaissance ; car rien
ne causerait plus d'tonnement un gomtre, que si le rapport de la
diagonale au ct du carr devenait commensurable.Nous avons dit
quelle est la nature de la science que nous cherchons, et le but de
notre tude et de tout ce trait.
III.
1 [25] ( , ),2 ' , ( , ),3 [30] ,4 ,5 , ( ' ),6 , [983b] [1] .
[5] .7 8 , [10] , , , ,9 [15] , , 10 .11 [20] ,12 ( ' , ( ' , '
[25] ) -13 , ' .14 [30] , , ' [ ] , .15[984a] [1] [1] , ' , 16( [5]
)17 ' ,18 , [19] , ( [10] ' , )20 ' [15] , , ' ' .21 22 ' , [20] ,
' , , [25] ' .23 , , . ,24' [30] , , ( ) .25[984b] [1] , 26[5] , ,
.27 , , [10] ' , , . ' ' ' ' [15] .28 , , ' [18] .29 , ' [20] .30 ,
.Il est vident qu'il faut acqurir la science des causes premires,
puisque nous disons qu'on sait, quand nous pensons qu'on connat la
premire cause. Or, on distingue quatre causes. La premire est
l'essence, la forme propre de chaque chose [19] ; car ce qui fait
qu'une chose est, est tout entier dans la notion de ce qu'elle est
: la raison d'tre premire est donc une cause et un principe. La
seconde, est la matire, le sujet [20] ; la troisime, le principe du
mouvement [21]. La quatrime correspond la prcdente : c'est la cause
finale des choses, le bien [22] ; car le bien est le but de toute
production.Ces principes ont t suffisamment expliqus dans la
Physique [23]. Reprenons toutefois les opinions de ceux qui, avant
nous, se sont appliqus l'tude de l'tre, et ont philosoph sur la
vrit, et qui, eux aussi, discourent videmment de certains principes
et de certaines causes. Cette revue sera un prambule utile la
recherche qui nous occupe. En effet, ou bien nous dcouvrirons
quelque autre espce de causes, ou bien nous prendrons une plus
grande confiance dans les causes que nous venons d'numrer.La
plupart de ceux qui philosophrent les premiers ne considrrent les
principes de toutes choses que sous le point de vue de la matire.
Ce d'o sortent tous les tres, d'o provient tout ce qui se produit,
o aboutit toute destruction, la substance persistant la mme sous
ses diverses modifications, voil, selon eux, l'lment, voil le
principe des tres. Aussi pensent-ils que rien ne nat ni ne prit
vritablement, parce que cette nature premire subsiste toujours. De
mme que nous ne disons pas que Socrate nat rellement lorsqu'il
devient beau ou musicien, ni qu'il prit quand il perd ces manires
d'tre, parce que le sujet des modifications, parce que Socrate
lui-mme persiste dans son existence ; de mme on ne peut se servir
de ces expressions pour aucun des autres tres. Car il faut qu'il y
ait une nature premire, soit unique, soit multiple, qui, subsistant
toujours, produit toutes les autres choses. Quant au nombre et au
caractre propre des lments, ces philosophes ne sont point
d'accord.Thals [24], fondateur de cette philosophie, regarde l'eau
comme premier principe. C'est pourquoi il va jusqu' prtendre que la
terre repose sur l'eau ; amen probablement cette ide, parce qu'il
voyait que c'est l'humidit qui nourrit toutes choses, que le chaud
lui-mme en vient, et que tout animal vit de l'humidit. Or, ce dont
viennent les choses, est le principe de toutes choses. Une autre
observation encore l'amena cette opinion. Les semences de toutes
choses sont humides de leur nature. Or l'eau est le principe de
l'humidit des choses humides.Quelques-uns pensent que les hommes
des plus anciens temps, et, avec eux, les premiers Thologiens [25],
bien antrieurs notre poque, se figurrent la nature de la mme manire
que Thals. Ils ont en effet reprsent, comme les auteurs de
l'univers, l'Ocan et Tthys [26] ; et les dieux jurent, selon eux ,
par l'eau, par cette eau que les potes appellent le Styx. Car ce
qu'il y a de plus ancien est aussi ce qu'il y a de plus sacr ; et
ce qu'il y a de plus sacr, c'est le serment [27]. Y a-t-il dans
cette vieille et antique opinion une explication de la nature ?
c'est ce qu'on ne voit pas clairement. Telle fut toutefois, ce
qu'on dit, la doctrine de Thals sur la premire cause.On ne peut
gure placer Hippon [28] parmi les premiers philosophes, cause du
vague de sa pense. Anaximne [29] et Diogne [30] tablissent que
l'air est antrieur l'eau, et qu'il est le principe premier des
corps simples. Hippase de Mtaponte [31] et Hraclite d'phse [32]
admettent que le premier principe est le feu. Empdocle [33]
reconnat quatre lments, ayant ajout la terre aux trois que nous
avons nomms. Ces lments subsistent toujours et ne deviennent pas :
seulement, tantt plus, tantt moins nombreux, ils se mlent et se
dmlent, s'agrgent et se sparent.Anaxagore de Clazomne [34,] l'an
d'Empdocle, n'tait pas arriv un systme aussi plausible. Il prtend
que le nombre des principes est infini. Presque toutes les choses
formes de parties semblables, ne sont sujettes, ainsi l'eau , le
feu , d'autre production, d'autre destruction que l'agrgation ou la
sparation : en d'autres termes, elles ne naissent ni ne prissent,
elles subsistent ternellement [35].On voit par ce qui prcde, que
tous ces philosophes se sont attachs au point de vue de la matire ,
qu'ils l'ont considre comme la cause unique.Arrivs ce point, la
chose elle-mme les conduisit plus avant, et les obligea de
nouvelles recherches. Il est hors de doute que toute destruction,
que toute production procde de quelque principe, soit unique, soit
multiple. Mais d'o viennent ces effets, et quelle est la cause ?
Car ce n'est certainement pas le sujet qui est lui-mme l'auteur de
ses propres changements. Ni le bois, ni l'airain, par exemple, ne
sont la cause qui les fait changer d'tat l'un et l'autre : ce n'est
pas le bois qui fait le lit, ni l'airain la statue. Il y a quelque
autre chose qui est cause du changement. Or, chercher ce quelque
chose, c'est chercher un autre principe, le principe du mouvement,
comme nous l'appelons.Dans l'origine, les philosophes partisans de
l'unit de la substance [36], qui touchrent cette question, se
mirent peu en peine de la rsoudre. Pourtant, quelques-uns de ceux
qui admettaient l'unit, le tentrent ; mais ils succombrent, pour
ainsi dire, sous le poids de cette recherche. Ils prtendent que
l'unit est immobile, et que non seulement rien ne nat ni ne prit
dans toute la nature, (opinion antique, et laquelle tous se sont
rangs) mais mme que dans la nature tout autre changement quelconque
est impossible. Et ce dernier point est particulier ces
philosophes. Nul de ceux qui admettent l'unit du tout n'est donc
arriv la conception de la cause dont nous parlons, except peut-tre
Parmnide [37], en tant qu'il ne se contente pas de l'unit, mais
qu'en dehors d'elle il place en quelque sorte deux causes.Quant
ceux qui admettent plusieurs lments, comme le chaud et le froid ou
le feu et la terre, ils sont plus mme d'atteindre la cause en
question. Car ils attribuent au feu la puissance motrice, et l'eau,
la terre et aux autres lments la proprit contraire. Ces principes
ne suffisant pas pour produire l'Univers, les successeurs des
philosophes qui les avaient adopts, forcs de nouveau, comme nous
l'avons dit, par la vrit elle-mme, recoururent au second principe
[38]. En effet, que l'ordre et la beaut qui existent dans les
choses ou qui s'y produisent, aient pour cause ou la terre, ou
quelque autre lment de cette sorte, c'est ce qui n'est gure
vraisemblable; et l'on ne peut mme croire que les anciens
philosophes aient eu cette opinion. D'ailleurs, rapporter au hasard
ou la fortune ces admirables effets, tait trop peu raisonnable.
Aussi, quand un homme proclama que, de mme que dans les animaux, il
y avait dans la nature une intelligence cause de l'arrangement et
de l'ordre universel, cet homme parut seul jouir de sa raison, au
prix des divagations de ses devanciers.Nous savons, n'en pas
douter, qu'Anaxagore s'appliqua ce point de vue de la science. On
peut dire, toutefois, qu'Hermotime de Clazomne [39] l'indiqua le
premier. Ces deux philosophes arrivrent donc la conception de
l'Intelligence, et tablirent que la cause de l'ordre est en mme
temps et le principe des tres, et la cause qui leur imprime le
mouvement.
IV
1 ' , [25] , () ', ' . . .' , ,2 [30] ' . , 3 , , [985a] [1] , ,
.4 [5] , ' , ' , [10] [ ].5 , , 6 , , ' [15] , ' ' .7 , ' [20] , ,
,8 , ' , ' . . [25] , , .9 [30] , ' , ( ' , [985b] [1] ' ' , ' )10
, , 11 [5] , , , ( , , [10] .12 , , . , [15] 13 .14 , , [20] .15 ,
, .On croirait qu'Hsiode entrevit jadis quelque chose d'analogue,
et, avec Hsiode, tous ceux qui ont admis dans les tres, l'Amour ou
le dsir comme principe, par exemple, Parmnide. Ce dernier dit dans
son explication de la formation de l'Univers :Il cra l'Amour le
plus ancien de tous les Dieux [40];Hsiode, de son ct, s'exprime
ainsi :Longtemps avant toutes choses exista le Chaos ; aprs luiLa
terre au large sein...,Et l'Amour, qui est le plus beau de tous les
Immortels [41];comme s'ils reconnaissaient qu'il faut qu'il y ait
dans les tres une cause capable d'imprimer le mouvement et de
donner le lien aux choses. Nous devrions examiner qui appartient la
priorit de cette dcouverte ; mais nous demandons qu'il nous soit
permis de dcider plus tard cette question [42].Comme on vit qu' ct
du bien le contraire du bien se montrait aussi dans la nature ; qu'
ct de l'ordre et de la beaut, s'y trouvaient le dsordre et la
laideur; que le mal semblait l'emporter sur le bien, et le laid sur
le beau, un autre philosophe introduisit l'Amiti et la Discorde
[43], causes opposes de ces effets contraires. Car, si l'on pousse
leurs consquences les opinions d'Empdocle, et qu'on s'attache au
fond de sa pense, et non la manire dont il la bgaie, on verra qu'il
fait de l'Amiti le principe du bien et de la Discorde celui du mal.
De sorte que si l'on disait qu'Empdocle a proclam, et qu'il a
proclam le premier le bien et le mal comme principes, peut-tre ne
se tromperait-on pas, puisque dans son systme le bien en soi [44]
est la cause de tous les biens, et le mal [45] celle de tous les
maux.Jusqu'ici, selon nous, les philosophes ont reconnu deux des
causes que nous avons dtermines dans la Physique : la matire, et la
cause du mouvement. Ils l'ont fait, il est vrai, d'une faon
obscure, indistincte, comme agissent au combat des soldats mal
exercs. Ceux-ci s'lancent en avant, et frappent souvent de beaux
coups ; mais la science n'est pour rien dans leur conduite. De mme
ces philosophes n'ont pas l'air de savoir qu'ils disent ce qu'ils
disent en effet. Car on ne les voit jamais, ou peu s'en faut, faire
usage des principes. Anaxagore se sert de l'Intelligence comme
d'une machine [46], pour la formation du monde ; et, quand il est
embarrass d'expliquer pour quelle cause ceci ou cela est ncessaire,
alors il produit l'intelligence sur la scne ; mais partout ailleurs
c'est toute autre cause plutt qu' l'intelligence qu'il attribue la
production des phnomnes [47]. Empdocle se sert des causes plus
qu'Anaxagore, il est vrai, mais d'une manire encore insuffisante,
et ne sait pas bien, en les employant, s'accorder avec lui-mme.
Souvent, chez ce philosophe, c'est l'amiti qui spare, c'est la
discorde qui runit. En effet, quand le tout se divise en ses lments
par la discorde, alors les particules du feu se runissent en un
tout, ainsi que celles de chacun des autres lments. Et quand
l'amiti rduit tout l'unit par sa puissance, alors au contraire les
particules de chacun des lments sont forces de se sparer. Empdocle,
on le voit, se distingua de ses prdcesseurs par la manire dont il
se servit de la cause dont nous nous occupons : il fut le premier
qui la partagea en deux. Il ne ft pas un principe unique du
principe du mouvement, mais deux principes diffrents et opposs l'un
l'autre. Et puis, quant au point de vue de la matire, il est le
premier qui ait reconnu quatre lments. Toutefois il ne s'en sert
pas comme s'ils taient quatre, mais comme s'ils n'taient que deux,
le feu d'un ct lui seul, de l'autre, les trois lments opposs, la
terre, l'air et l'eau considrs comme une seule nature. C'est l du
moins l'ide qu'on peut se former la lecture de son pome [48]. Tels
sont les caractres, selon nous, tel est le nombre des principes
dont Empdocle a parl.Leucippe [49], et son ami Dmocrite [50]
admettent pour lments le plein et le vide, ou, pour parler comme
eux, l'tre et le non-tre. Le plein, le solide, c'est l'tre ; le
vide, le rare, c'est le non-tre. C'est pourquoi le non-tre, suivant
eux, existe tout aussi bien que l'tre. En effet, le vide existe
autant que le corps ; or, ce sont l, sous le point de vue de la
matire, les causes des tres. Et, de mme que ceux qui admettent
l'unit de la substance produisent tout le reste par les
modifications de cette substance en donnant le rare et le dense
pour principes ces modifications, de mme aussi ces deux philosophes
prtendent que les diffrences sont les causes de toutes choses. Ces
diffrences sont au nombre de trois, dans leur systme, la forme,
l'ordre, la position. Les diffrences de l'tre ne viennent, c'est
leur langage, que de la configuration [51], de l'arrangement [52]
et de la tournure [53]. Or, la configuration c'est la forme ;
l'arrangement, c'est l'ordre ; la tournure, c'est la position.
Ainsi A diffre de par la forme ; AN de NA par l'ordre, et de de par
la position. Quant au mouvement, d'o et comment existe-t-il chez
les tres, ils ont nglig cette question, et l'ont omise comme les
autres philosophes.Tel est, selon nous, le point o paraissent s'tre
arrtes les recherches de nos devanciers sur les deux causes en
question.
V
1 , [25] . , , ,2 [30] ,3 ,4 , ' , [986a] [1] , [5] , .5 , ' , ,
[10] , .6 . ' , [15] .7 , , , ' [20] ( ), ' , , , .8 , [] , [] , []
, [] , [25] [] , [] , [] , [] , [] , [] 9 , ' [ ] [30] [ ,] [] , ,
, , , . , [986c] [1] [2] .10 , ' , .11 [5] , ' , ' .11 [10] , .13 (
[15] , ' , , )15 . , [20] ( ' ) ( ) , , ' [25] .16 , , , , 17 , , ,
[30] ( ), ' , , , , [987a] [1] .18 , ( [5] ), , ,19 , .20 [10] , ,
, 21 , [15] , [ ] , , ' , .22 [20] , , ' . , , ' , [25] .' , , .23
.Du temps de ces philosophes, et avant eux [54], ceux qu'on nomme
Pythagoriciens s'appliqurent d'abord aux mathmatiques, et firent
avancer cette science. Nourris dans cette tude, ils pensrent que
les principes des mathmatiques taient les principes de tous les
tres. Les nombres sont de leur nature antrieurs aux choses [55] ;
et les Pythagoriciens croyaient apercevoir dans les nombres plutt
que dans le feu, la terre et l'eau, une foule d'analogies avec ce
qui est et ce qui se produit. Telle combinaison de nombres, par
exemple, leur semblait tre la justice, telle autre l'me et
l'intelligence, telle autre l'-propos [56] ; et ainsi peu prs de
tout le reste. Enfin ils voyaient dans les nombres, les
combinaisons de la musique et ses accords. Toutes les choses leur
ayant donc paru formes la ressemblance des nombres, et les nombres
tant d'ailleurs antrieurs toutes choses, ils pensrent que les
lments des nombres sont les lments de tous les tres, et que le ciel
dans son ensemble est une harmonie et un nombre. Toutes les
concordances qu'ils pouvaient dcouvrir dans les nombres et dans la
musique, avec les phnomnes du ciel et ses parties, et avec
l'ordonnance de l'univers, ils les runissaient, ils en composaient
un systme. Et si quelque chose manquait, ils employaient tous les
moyens pour que le systme prsentt un ensemble complet. Par exemple,
comme la dcade semble tre un nombre parfait, et qu'elle embrasse
tous les nombres, ils prtendent que les corps en mouvement, dans le
ciel sont au nombre de dix. Or, n'y en ayant que neuf de visibles,
ils en imaginent un dixime, l'Antichthone [57], Nous avons expliqu
tout cela avec plus de dtail dans un autre ouvrage [58]. Si nous y
revenons, c'est pour constater leur gard, comme pour les autres,
quels sont les principes dont ils tablissent dj l'existence, et
comment ces principes rentrent dans les causes que nous avons
numres. Or, voici quelle parat tre leur doctrine : Le nombre est le
principe des tres sous le point de vue de la matire, et aussi la
cause de leurs modifications et de leurs tats divers ; les lments
du nombre sont le pair et impair ; l'impair est fini, le pair
infini; l'unit tient la fois de ces deux lments, car elle est la
fois pair et impair ; le nombre vient de l'unit ; enfin le ciel
dans son ensemble se compose, comme dj nous l'avons dit, de
nombres. D'autres Pythagoriciens admettent dix principes, qu'ils
rangent deux deux dans l'ordre suivant :Fini et infini,Impair et
pair,Unit et pluralit,Droit et gauche,Mle et femelle,Repos et
mouvement,Rectiligne et courbe,Lumire et tnbres,Bien et mal,Carr et
quadrilatre irrgulier [59].La doctrine d'Alcmon de Crotone [60]
parat se rapprocher beaucoup de ces ides, soit qu'il les ait
empruntes aux Pythagoriciens, soit que ceux-ci les aient reues
d'Alcmon ; car il florissait dans le temps de la vieillesse de
Pythagore, et sa doctrine ressemble celle dont nous venons de
parler. Il dit en effet que la plupart des choses de ce monde sont
doubles, dsignant par l les oppositions des choses. Mais il ne
dtermine pas, comme les Pythagoriciens, ces diverses oppositions ;
il prend les premires qui se prsentent, par exemple, le blanc et le
noir, le doux et l'amer, le bien et le mal, le grand et le petit ;
et sur le reste il s'est exprim d'une manire tout aussi indtermine,
tandis que les Pythagoriciens ont dfini le nombre et la nature des
oppositions.On peut donc tirer de ces deux systmes que les
contraires sont les principes des choses ; et l'un d'eux nous
apprend de plus le nombre de ces principes et leur nature. Mais
comment ces principes se peuvent ramener aux causes premires, c'est
ce que n'ont pas clairement articul ces philosophes. Ils semblent,
toutefois, considrer les lments sous le point de vue de la matire ;
car ces lments, suivant eux, se trouvent dans toutes choses,
constituent et composent tout l'univers.Ce qui prcde suffit pour
donner une ide des opinions de ceux d'entre les anciens qui ont
admis la pluralit dans les lments de la nature. Il en est d'autres
qui ont considr le tout comme un tre unique ; mais ils diffrent
entre eux et par le mrite de l'exposition, et par la manire dont
ils ont conu la ralit. Pour ce qui concerne la revue que nous
faisons des causes, nous n'avons pas nous occuper d'eux. En effet,
ils ne font pas comme quelques-uns des Physiciens [61], qui,
tablissant l'existence d'une substance unique, tirent cependant
toutes les choses du sein de l'unit considre comme matire : leur
doctrine est d'une autre sorte. Ces Physiciens [62] ajoutent le
mouvement pour produire l'univers; eux, ils prtendent que l'univers
est immobile. Voici tout ce qui, chez ces philosophes, se rapporte
l'objet de notre recherche.L'unit de Parmnide semble tre l'unit
rationnelle, celle de Mlissus [63], au contraire, l'unit matrielle
; c'est pourquoi le premier reprsente l'unit comme finie, l'autre
comme infinie. Xnophane [64], le fondateur de ces doctrines (car on
dit que Parmnide fut son disciple), n'a rien clairci, et ne parat
s'tre expliqu sur la nature ni de l'une ni de l'autre de ces deux
units ; seulement, jetant les yeux sur l'ensemble du ciel, il dit
que l'unit est Dieu. Encore une fois, dans l'examen qui nous
occupe, nous devons, comme nous l'avons dit, ngliger ces
philosophes, au moins les deux derniers, Xnophane et Mlissus, dont
les conceptions sont vritablement un peu trop grossires. Pour
Parmnide, il semble parler d'aprs une vue plus approfondie des
choses. Persuad que, hors de l'tre, le non-tre n'est rien, il admet
que l'tre est ncessairement un, et qu'il n'y a rien autre chose que
l'tre, question sur laquelle nous nous sommes tendus avec dtail
dans la Physique [65]. Mais , forc d'expliquer les apparences,
d'admettre la pluralit donne par les sens en mme temps que l'unit
conue par la raison, il pose, outre le principe de l'unit, deux
autres causes, deux autres principes, le chaud et le froid, ce sont
le feu et la terre. De ces deux principes, il rapporte l'un, le
chaud, l'tre, et l'autre au non-tre.Voici les rsultats de ce que
nous avons dit, et ce qu'on peut infrer des systmes des premiers
philosophes relativement aux principes. Les plus anciens admettent
un principe corporel, car l'eau et le feu et les choses analogues
sont des corps ; chez les uns ce principe corporel est unique ; il
est multiple chez les autres ; mais les uns et les autres
l'envisagent au point de vue de la matire. Quelques-uns, outre
cette cause, admettent encore celle qui produit le mouvement, cause
unique chez les uns, double chez les autres. Toutefois, jusqu'
l'cole Italique exclusivement, les philosophes se sont peu expliqus
sur ces principes. Tout ce qu'on peut dire d'eux, c'est, comme nous
l'avons fait, qu'ils se servent de deux causes, et que l'une de ces
deux causes, celle du mouvement, est considre par une comme unique,
comme double par les autres.Les Pythagoriciens, il est vrai, n'ont
parl, eux non plus, que de deux principes. Mais ils ont ajout ceci,
qui leur est propre. Le fini, l'infini et l'unit ne sont pas,
suivant eux, des natures part, comme le sont le feu ou la terre, ou
tout lment analogue; mais l'infini en soi [66] et l'unit en soi
[67] sont la substance mme des choses auxquelles on attribue l'unit
et l'infinit ; et, par consquent, le nombre est la substance de
toutes choses [68]. Telle est la manire dont ils se sont expliqus
sur les causes en question. Ils ont ainsi commenc s'occuper de la
forme propre des choses, et dfinir ; mais sur ce point leur
doctrine est trop imparfaite. Ils dfinissaient superficiellement ;
et le premier objet auquel convenait la dfinition donne, ils le
regardaient comme l'essence de la chose dfinie : comme si l'on
pensait, par exemple, que le double et le nombre deux sont la mme
chose, parce que le double se trouve d'abord dans le nombre
deux.Mais certes deux et double ne sont pas la mme chose dans leur
essence ; sinon, un tre unique serait plusieurs tres, et c'est l la
consquence du systme pythagoricien.Telles sont les ides qu'on peut
se former des doctrines des plus anciens philosophes et de leurs
successeurs.
VI
1 [30] , , . , ,2 [987b] [1]3 , ,4 [5] , . ,5 ' [10] .6 , , .7
.8 [15] , , ' ' .9 ' , [20] . , ' [ ] .10 , , , [25] 11 , ' , ' , '
, .12 [30] , , ( ), . [988a] [1]13 ' . , ' , ' , . [5]14 ' , ' .15
' , [10] ( , ' ), ' ' , , ,16 [15] , , .17 [20] ' , , .18 , [25] ,
( , ' , , 19 , [30] ) , ( )20 [35] , [988c] [1] ' ( ' - - [5] , '
)21 ' , ' .22 , [10] ' 23 ' , , [15] .24 , , , , [20] , . ces
diverses philosophies succda celle de Platon [69] d'accord le plus
souvent avec les doctrines pythagoriciennes, mais qui, quelquefois
aussi, a ses vues particulires, et s'carte de l'cole Italique.
Platon, ds sa jeunesse, s'tait familiaris dans le commerce de
Cratyle [70], son premier matre, avec cette opinion d'Hraclite que
tous les objets sensibles sont dans un coulement perptuel, et qu'il
n'y a pas de science possible de ces objets. Plus tard il conserva
cette mme opinion. D'un autre ct, disciple de Socrate [71], dont
les travaux, il est vrai, n'embrassrent que la morale, et nullement
l'ensemble de la nature, mais qui toutefois s'tait propos dans la
morale le gnral comme but de ses recherches, et le premier avait eu
la pense de donner des dfinitions, Platon, hritier de sa doctrine,
habitu la recherche du gnral, pensa que ses dfinitions devaient
porter sur des tres autres que les tres sensibles ; car, comment
donner une dfinition commune des objets sensibles, qui changent
continuellement ? Ces tres , il les appela Ides [72], ajoutant que
les objets sensibles sont placs en dehors des ides, et reoivent
d'elles leur nom ; car c'est en vertu de leur participation [73]
avec les ides, que tous les objets d'un mme genre reoivent le mme
nom que les ides. Le seul changement qu'il ait introduit dans la
science, c'est ce mot de participation. Les Pythagoriciens en effet
disent que les tres sont l'imitation des nombres; Platon, qu'ils
sont par leur participation avec eux [74] : le nom seul est chang.
Quant rechercher en quoi consiste cette participation ou cette
imitation des ides, c'est ce dont ni lui, ni eux ne se sont occups.
De plus, outre les objets sensibles et les ides, Platon admet des
tres intermdiaires, les tres mathmatiques, distincts des objets
sensibles, en ce qu'ils sont ternels et immobiles, et des ides, en
ce qu'ils sont plusieurs semblables, tandis que chaque ide est
seule de son espce.Les ides tant les causes des autres tres, il
regarda leurs lments comme les lments de tous les tres : sous le
point de vue de la matire, les principes sont le grand et le petit
; sous le point de vue de l'essence, c'est l'unit. Car, c'est en
tant qu'elles ont le grand et le petit pour substance, et que d'un
autre ct elles participent de l'unit, que les ides sont les
nombres. Sur ce point que l'unit est l'essence par excellence, et
que rien autre chose ne peut prtendre ce titre, Platon est d'accord
avec les Pythagoriciens ; que les nombres soient les causes de
l'essence des autres tres, c'est ce qu'il reconnat encore avec eux.
Mais remplacer par une dyade [75] l'infini considr comme un,
constituer l'infini de grand et de petit, voil ce qui lui est
particulier. De plus, il place les nombres en dehors des objets
sensibles, tandis que ceux-ci prtendent que les nombres sont les
objets eux-mmes, et n'admettent point les tres mathmatiques comme
intermdiaires. Si, contrairement aux Pythagoriciens, il plaa ainsi
l'unit et les nombres en dehors des choses, et fit intervenir les
ides, cela tenait ses tudes sur le caractres distinctifs des tres :
ses prdcesseurs ne connaissaient point la Dialectique. Quant cette
opinion que l'autre principe des choses, c'est une dyade, elle
vient de ce que tous les nombres, l'exception des nombres impairs,
sortent facilement de la dyade comme d'une matire commune.
Toutefois, il en est autrement que ne dit Platon ; cette opinion
n'est pas raisonnable. Car, voici qu'on fait une multitude de
choses avec cette dyade considre comme matire, tandis qu'une seule
production est due l'ide. Mais en ralit on ne tire qu'une seule
table d'une matire unique tandis que celui qui apporte l'ide, l'ide
unique, produit plusieurs tables. Il en est de mme du mle par
rapport la femelle : celle-ci est fconde par un seul accouplement ;
le mle au contraire fconde plusieurs femelles. Or, c'est l une
image du rle que jouent les principes dont il s'agit.Telle est la
solution donne par Platon la question qui nous occupe ; et il
rsulte videmment de ce qui prcde, qu'il ne s'est servi que de deux
causes, l'essence et la matire. En effet, il admet d'un ct les ides
causes de l'essence des autres objets, et l'unit cause des ides ;
de l'autre , une matire, une substance, laquelle s'appliquent les
ides, pour constituer les tres sensibles, l'unit, pour constituer
les ides. Cette substance, quelle est-elle? C'est la dyade, le
grand et le petit. Il plaa encore dans l'un de ces deux lments la
cause du bien, dans l'autre celle du mal : point de vue qui a t
plus particulirement l'objet des recherches de quelques philosophes
antrieurs, tels qu'Empdocle et Anaxagore.Nous venons de voir
brivement et sommairement quels philosophes ont parl des principes
et de la vrit, et quels ont t leurs systmes. Cet examen rapide nous
suffit nanmoins pour constater que, de tous ceux qui ont parl des
principes et des causes, nul ne nous a rien montr qui ne puisse se
ramener aux causes que nous avons dtermines dans la Physique ; mais
que tous, obscurment il est vrai, chacun pourtant de son ct,
paraissent avoir effleur quelqu'une d'entre elles.En effet, les uns
parlent du principe matriel, qu'ils le supposent un ou multiple,
corporel ou incorporel. Tels, sont, par exemple, le grand et le
petit de Platon, l'infini de l'cole Italique, le feu, la terre,
l'eau et l'air d'Empdocle, l'infinit des homomries d'Anaxagore.
Tous ces philosophes ont videmment touch ce principe, et, avec eux,
tous ceux qui admettent comme principe ou l'air, ou le feu, ou
l'eau, ou quelque chose de plus dense que le feu, mais plus subtil
que l'air ; car tel est, selon quelques-uns, la nature de l'lment
premier [76]. Ces philosophes ne se sont donc attachs qu' la cause
matrielle. D'autres ont recherch la cause du mouvement, tous ceux,
par exemple, qui donnent comme principes l'Amiti et la Discorde, ou
l'Intelligence, ou l'Amour. Quant la forme, l'essence, aucun d'eux
n'en a trait d'une manire nette et prcise. Ceux cependant qui l'ont
fait le mieux sont ceux qui ont parl des ides et des lments des
ides. Car ils ne regardent les ides et leurs lments ni comme la
matire des objets sensibles, ni comme les principes du mouvement.
Elles sont, suivant eux, plutt des causes d'immobilit et d'inertie.
Mais les ides fournissent chacune des autres choses son essence.
Elles tiennent elles-mmes la leur de l'unit. Quant la cause finale
des actes, des changements, des mouvements, ils parlent bien de
quelque cause de ce genre, mais ils ne lui donnent pas le mme nom
que nous, et ne disent pas en quoi elle consiste [77]. Ceux qui
admettent comme principes l'intelligence ou l'amiti, donnent la
vrit ces principes comme quelque chose qui est bon ; mais ils ne
prtendent pas qu'ils soient la cause finale de l'existence ou de la
production d'aucun tre : ils disent, au contraire, qu'ils sont les
causes de leurs mouvements. De la mme manire, ceux qui donnent ce
mme titre de principes l'unit, l'tre, les regardent comme causes de
la substance des tres, et nullement comme ce en vue de quoi
existent et se produisent les choses. Ainsi donc ils disent et ne
disent pas , si je puis m'exprimer de la sorte, que le bien est une
cause : le bien dont ils s'occupent, n'est pas le bien absolument
parlant, mais accidentellement.L'exactitude de ce que nous avons
dit sur les causes, leur nombre, leur nature, est donc confirme, ce
semble, par le tmoignage de tous ces philosophes, par leur
impuissance mme d'atteindre quelqu'autre principe. Il est vident,
en outre, que dans la recherche qui va nous occuper, nous devons
considrer les principes ou bien sous tous ces points de vue, ou
bien sous quelqu'un d'entre eux. Mais quel a t le langage de chacun
de ces philosophes ; comment se sont-ils tirs des difficults qui se
rattachent aux principes ? c'est ce que nous allons examiner.
VII
1 , , . [25] , ' , .2 , , .3 ,4 [30] , , . ,5 . [35] ,
[989a][1]6 ( , 7 [5] , , , ' ' ' 8 ' , [10] , ) ' , ' [15] , 9 ' ,
, , .10 , ' 11 ' [20] , . ' . ( ), [25] , , ' .12 . , [30] , .13 '
, ' , , ' . , [989b] [1] ,14 ' ( ),15 [5] , . , , ' , ' [10] , .16
, , ' [15] , .17 ( ) , ,18 ' , [20] .19 ( )20 [25] , ' ' , [27] ,
.21 [30] ( ' ), 22 , [990a] [1] , , ' [5] .23 ' , , , .24 , [10] ,
.25 , [15] , ' , .26 [20] , ' , , [25] , ,27 , , , [30] , .28 ( )
[990b] [1]29 , , ( - [5] - ' 30' , , )31 ' , ' [10] , . , , [15]
.32 , ' , .33 [ ] [20] , ' , ' .34 ' ( [25] , , 35 , , . [30] ' ( '
, , , 36 , ' [991a] [1] , , ( , , [5] , ' ) , , , .37 [10] 38 . (
), , [15] , ' , ' ( )39 ' [20] ' . . [25] , ' .40 , , , .41 [30] ,
, .42 [991b] [1] , [5] ,43 , , .44 , [10] , , .45 ' , , . [15] , ,
. ' , , , ' , [20] , ' .46 , ' , , , , , [25] .47 ' , , [30] ' 48 .
[992a] [1] 49 , , [5] , , , ' , , .50 ' , , , , [10] .51 , , , '
.52 [15] ' , , ' . .53 [20] , ' - - . ' , .54 [25] , ( ), ' ,55 ' ,
, , .56 [30] , ' , , , ,57 , . [992b] [1] , , , [5] , .58 , , , 59
. [10] , , ' , , ' .60 ' , [15] ( ) ( , .61 , , , [20] . , , ' ,
.62 ' [25] . , , ,63' , , [30] . , ' ' ( ' .64 , [993a] [1] .65 , '
[5] , .66 , , , [10] .67 , , ' , [15] .68 , ' [ ], , ' . [20] , , ,
. , .69 [25] , [26] .Tous ceux qui supposent que le tout est un,
qui n'admettent qu'un seul principe, la matire, qui font de ce
principe une nature corporelle et tendue, tombent videmment dans
une foule d'erreurs, car ils ne donnent que les lments des corps,
non ceux des tres incorporels ; et cependant il y a des tres
incorporels. Et puis, quoiqu'ils veuillent expliquer les causes de
la production et de la destruction, et construire un systme
embrassant toute la nature, ils suppriment la cause du mouvement.
Une autre faute, c'est de ne donner pour cause dans aucun cas, ni
l'essence, ni la forme ; c'est encore d'accepter, sans examen
suffisant, comme principe des tres, un corps simple quelconque, la
terre excepte toutefois ; c'est de ne point rflchir sur cette
production ou ce changement dont les lments sont les causes ; c'est
de ne point dterminer comment s'opre l production mutuelle des
lments. Je prends pour exemple le feu, l'eau, la terre, l'air. Ces
lments proviennent les uns des autres, ceux-l par voie de runion,
ceux-ci par voie de sparation [78]. Cette distinction importe
beaucoup pour la question de l'antriorit et de la postriorit des
lments. Sous le point de vue de la runion, l'lment fondamental de
toutes choses parat tre celui duquel, considr comme principe, la
terre se forme par voie d'agrgation ; et cet lment devra tre le
plus tnu, le plus subtil des corps. Ceux qui admettent le feu comme
principe, se conforment, eux surtout, cette pense. Tous les autres
philosophes reconnaissent de mme que tel doit tre l'lment des corps
: aussi, aucun des philosophes postrieurs qui admirent un lment
unique, ne regarda la terre comme principe, videmment cause de la
grandeur de ses parties ; tandis que chacun des autres lments a t
adopt comme principe par quelqu'un d'entre eux : les uns disent que
c'est le feu, les autres l'eau, les autres l'air, qui est le
principe des choses. Mais pourquoi donc n'admettent-ils pas aussi,
comme la plupart des hommes, que c'est la terre ? car on dit
gnralement que la terre est tout. Hsiode lui-mme dit que la terre
est le plus ancien de tous les corps [79] ; tant est vieille et
populaire cette opinion !Sous ce point de vue, ni ceux qui
admettent un principe autre que le feu, ni ceux qui font l'lment
premier plus dense que l'air et plus subtil que l'eau, ne sauraient
donc tre dans le vrai. Mais si ce qui est postrieur sous le rapport
de la naissance est antrieur par sa nature (et tout compos, tout
mlange est postrieur par la naissance), ce sera tout le contraire:
l'eau sera antrieure l'air, la terre l'eau.Bornons-nous ces
remarques au sujet des philosophes qui n'ont admis qu'un seul
principe matriel. Mmes observations relativement ceux qui posent un
plus grand nombre de principes, Empdocle, par exemple, qui reconnat
quatre corps lmentaires ; tout ce que nous venons de dire
s'applique ces systmes. Voici qui est particulier Empdocle.Il nous
montre les lments naissant les uns des autres ; de telle sorte que
le feu et la terre ne restent pas toujours le mme corps. Ce point a
t trait par nous dans la Physique [80], ainsi que la question de
savoir s'il faut admettre une, ou deux causes du mouvement [81]; et
notre avis est que l'opinion d'Empdocle n'est ni tout fait juste,
ni tout fait draisonnable. Toutefois, ceux qui adoptent ses
doctrines, doivent ncessairement rejeter tout passage d'un tat un
autre ; car l'humide ne viendrait pas du chaud , ni le chaud de
l'humide : quel serait en effet le sujet qui subirait ces
modifications contraires ; quelle serait la nature unique qui
deviendrait eau et feu ? c'est ce qu'Empdocle ne dit pas.On peut
penser qu'Anaxagore admet deux lments ; et cela, d'aprs des raisons
qu'il n'a pas lui-mme articules, il est vrai, mais auxquelles il se
ft rendu si on les lui et prsentes. Car, bien qu'en somme il soit
absurde de dire qu'au commencement tout tait ml, parce qu'il faut
qu'avant le mlange il y ait eu d'abord sparation ; parce qu'il
n'est point naturel qu'un lment quelconque se mle un lment
quelconque ; enfin parce que, dans la supposition mme du mlange
primitif, les modifications, les accidents se spareraient des
substances, les mmes choses tant galement sujettes et mlange et
sparation ; cependant, si l'on va aux consquences, si l'on articule
ce qu'il veut dire, on trouvera, je n'en doute pas, que sa pense ne
manque ni de sens, ni d'originalit. En effet, lorsque rien n'tait
spar, il est vident qu'on ne pouvait rien affirmer de vrai de la
substance primitive. J'entends par l qu'elle n'tait ni blanche, ni
noire, ni grise, ni d'aucune autre couleur : elle tait
ncessairement incolore ; sinon, elle aurait eu quelqu'une de ces
couleurs. Elle n'avait point non plus de saveur, par la mme raison,
ni aucune autre proprit de ce genre. Elle ne pouvait avoir ni
qualit, ni quantit ; elle n'avait rien de dtermin, sans quoi il y
et eu en elle quelqu'une des formes particulires de l'tre : chose
impossible lorsque tout est mlang, et qui suppose dj une sparation.
Or, tout est mlang, suivant Anaxagore, except l'intelligence ;
l'intelligence seule est pure et sans mlange. Il rsulte de l qu'il
admet pour principes, d'abord l'unit, car c'est l ce qui est pur et
sans mlange ; puis un autre lment, l'indtermin, avant toute
dtermination quelconque , avant qu'il ait reu quelque forme.Ce
systme manque, il est vrai, de clart et de prcision ; cependant il
y a au fond de la pense d'Anaxagore quelque chose qui se rapproche
des doctrines postrieures, et surtout de celles des philosophes de
nos jours.Les seules spculations familires aux philosophes dont
nous avons parl, portent sur la production, la destruction et le
mouvement ; car les principes et les causes objets de leurs
recherches sont peu prs uniquement ceux de la substance sensible.
Mais ceux qui tendent leurs spculations tous les tres, qui
admettent d'un ct des tres sensibles, de l'autre des tres
non-sensibles tudient videmment ces deux espces d'tres. Il sera
donc convenable de s'arrter plus longtemps sur leurs doctrines, et
d'examiner ce qu'ils disent de bon ou mauvais, qui se rapporte
notre sujet.Ceux qu'on appelle Pythagoriciens emploient les
principes et les lments d'une manire plus trange encore que les
Physiciens ; et cela vient de ce qu'ils prennent les principes en
dehors des tres sensibles : les tres mathmatiques sont privs de
mouvement, l'exception de ceux dont traite l'Astronomie. Or, toutes
leurs recherches, tous leurs systmes portent sur les tres
physiques. Ils expliquent la production du ciel, et ils observent
ce qui se passe dans ses diverses parties, ses rvolutions, ses
mouvements ; c'est cela qu'ils dpensent leurs principes et leurs
causes, comme s'ils accordaient avec les Physiciens reconnatre que
l'tre se rduit ce qui est sensible, ce qu'embrasse notre ciel. Mais
leurs causes et leurs principes suffisent, selon nous, pour s'lever
la conception d'tres hors de la porte des sens ; elles s'y
appliqueraient beaucoup mieux qu'aux considrations
physiques.Ensuite, comment aura lieu le mouvement, s'il n'y a pas
d'autres substances que le fini et l'infini, le pair et l'impair ?
Ils n'en disent rien ; ils n'expliquent pas non plus comment
peuvent s'oprer, sans mouvement et sans changement, la production
et la destruction, ou les rvolutions des corps clestes. Supposons
d'ailleurs qu'on leur accorde, ou qu'il soit dmontr que l'tendue se
tire de leurs principes, restera encore expliquer pourquoi certains
corps sont lgers, pourquoi d'autres sont pesants ; car, ils le
dclarent eux- mmes, et c'est-l leur prtention, tout ce qu'ils
disent des corps mathmatiques, ils le disent des corps sensibles :
aussi n'ont-ils jamais parl du feu, de la terre, des autres corps
analogues, comme n'ayant rien de particulier dire des tres
sensibles.De plus, comment concevoir que les modifications du
nombre et le nombre soient causes de ce qui est, de ce qui se
produit dans le ciel de tout temps et aujourd'hui, et qu'il n'y ait
nanmoins aucun autre nombre en dehors de ce nombre qui constitue le
monde ? En effet, lorsqu'ils ont plac dans telle partie de
l'univers, l'Opinion et l'-propos, et un peu plus haut ou plus bas
l'Injustice, la Sparation ou le Mlange, disant, pour prouver qu'il
en est ainsi ; que chacune de ces choses est un nombre [82]; et que
dj se trouvent dans cette mme partie de l'univers une multitude de
grandeurs, puisque chaque point particulier de l'espace est occup
par quelque grandeur ; le nombre qui constitue le ciel est-il alors
le mme que chacun de ces nombres ; ou bien faut-il un autre nombre
en dehors de celui-l[83]? Platon dit qu'il en faut un autre. Il
admet bien que tous ces tres, ainsi que leurs causes, sont galement
des nombres ; mais les causes sont des nombres intelligibles, les
autres tres, des nombres sensibles [84].Laissons maintenant les
Pythagoriciens. Nous pouvons nous en tenir sur leur compte, ce qui
prcde. Venons ceux qui reconnaissent les ides comme causes [85].
Remarquons d'abord qu'en cherchant saisir les causes des tres qui
tombent sous nos sens, ils ont introduit d'autres tres en nombre
gal ; comme quelqu'un qui, voulant compter, et n'ayant qu'un petit
nombre d'objets, croirait l'opration impossible, et en augmenterait
le nombre pour pouvoir compter. Car le nombre des ides est presque
aussi grand, ou peu s'en faut, que celui des tres dont ils
cherchaient les causes, et dont ils sont partis pour arriver aux
ides. Chaque chose a son homonyme, non seulement les essences, mais
aussi tout ce qui est un dans la multiplicit des tres, soit parmi
les choses sensibles, soit parmi les choses ternelles.Ensuite, de
tous les arguments par lesquels on dmontre l'existence des ides,
aucun n'tablit cette existence. La conclusion de quelques-uns n'est
pas ncessaire ; d'aprs les autres il y aurait des ides de choses
mme pour lesquelles on n'admet pas qu'il y en ait. En effet, d'aprs
les considrations tires de la science, il y aura des ides de tous
les objets dont il y a science; d'aprs l'argument de l'unit dans la
multiplicit, il y en aura mme des ngations ; et, en tant qu'on
pense ce qui a pri, il y aura des ides des objets qui ont pri, car
nous pouvons nous en faire une image. D'ailleurs, les raisonnements
les plus rigoureux conduisent soit admettre des ides de ce qui est
relatif : or, on n'admet pas mme que le relatif soit un genre en
soi ; ou bien hypothse du troisime homme [86] . Enfin, la
dmonstration de l'existence des ides, dtruit ce que les partisans
des ides ont plus cur d'tablir que l'existence mme des ides. Car il
en rsulte que ce n'est plus la dyade qui est premire, mais le
nombre ; que le relatif est antrieur l'tre en soi ; et toutes les
contradictions avec leurs propres principes dans lesquelles sont
tombs les partisans de la doctrine des ides.De plus, d'aprs
l'hypothse de l'existence des ides, il y aura des ides non
seulement des essences, mais de beaucoup d'autres choses : car il y
a unit de pense non seulement par rapport l'essence, mais encore
par rapport toute espce d'tre; les sciences ne portent pas
uniquement sur l'essence, elles portent aussi sur d'autres choses;
et mille autres consquences de ce genre. Mais, d'un autre ct, il
est ncessaire, et cela rsulte mme des opinions reues sur les ides,
il est ncessaire, s'il y a participation des tres avec les ides ,
qu'il y ait des ides seulement des essences; car ce n'est point par
l'accident qu'il a participation avec elles : il ne doit y avoir
participation d'un tre avec les ides, qu'en tant que cet tre n'est
pas l'attribut d'un sujet. Ainsi, si une chose participait du
double en soi, elle participerait en mme temps de l'ternit, mais ce
ne serait que par accident, car c'est accidentellement que le
double est ternel. Donc il n'y a d'ides que de l'essence. Ide
signifie donc essence, et dans ce monde, et dans le monde des ides
; autrement, que signifierait cette proposition : L'unit dans la
pluralit [87] est quelque chose en dehors des objets sensibles [88]
? Et si les ides sont du mme genre que les choses qui en
participent, il y aura entre les ides et ces choses quelque rapport
commun. Car, pourquoi y aurait-il entre les dyades prissables et
les dyades qui sont plusieurs aussi, mais ternelles [89], plutt
qu'en la dyade idale et la dyade particulire, unit et identit du
caractre constitutif de la dyade [90] ? S'il n'y a pas communaut de
genre, il n'y aura de commun que le nom ; ce sera comme si l'on
donnait le nom d'homme Callias et un morceau de bois, sans avoir
remarqu aucun rapport entre eux.Une des plus grandes difficults
rsoudre, ce serait de montrer quoi servent les ides aux tre
sensibles ternels, ou ceux qui naissent et prissent. Car elles ne
sont point pour eux causes de mouvement ni d'aucun changement.
Elles ne sont d'aucun secours pour la connaissance des autres tres
; car elles n'en sont point l'essence, sinon elles seraient en eux.
Elles ne sont point non plus leur cause d'existence, puisqu'elles
ne se trouvent pas dans les objets qui participent des ides.
Peut-tre dira-t-on qu'elles sont causes, de la mme manire que la
blancheur est cause de l'objet blanc auquel elle se mle. Cette
opinion, qui a sa source dans les doctrines d'Anaxagore, et qui a t
adopte par Eudoxe [91] et par quelques autres, est vraiment trop
mal fonde ; il serait ais d'entasser contre elle une multitude de
difficults insolubles. D'ailleurs, les autres objets ne peuvent
provenir des ides, dans aucun des sens o l'on entend ordinairement
cette expression [92]. Dire que les ides sont des exemplaires, et
que les autres choses en participent, c'est se payer de mots vides
de sens et faire des mtaphores potiques [93]. Celui qui travaille
son uvre a-t-il besoin pour cela d'avoir les yeux sur les ides ? Il
se peut, ou qu'il existe, ou qu'il se produise un tre semblable un
autre , sans avoir t model sur cet autre : ainsi, que Socrate
existe ou non, il pourrait natre un homme tel que Socrate. Cela
n'est pas moins vident quand mme on admettrait un Socrate ternel.
Il y aurait d'ailleurs plusieurs modles du mme tre, et, par suite
plusieurs ides : pour l'homme, par exemple, il y aurait tout la
fois l'animal, le bipde, et l'homme en soi.De plus, les ides ne
seront point seulement les modles des tres sensibles ; elles seront
encore les modles d'elles-mmes : tel sera le genre, en tant que
genre d'ides ; de sorte que la mme chose sera la fois modle et
copie [94]. Et puis il est impossible, ce semble, que l'essence
soit spare de ce dont elle est l'essence : comment dans ce cas les
ides qui sont l'essence des choses pourraient-elles en tre spares ?
0n nous dit dans le Phdon , que les ides sont les causes de l'tre
et du devenir [95] ; et, cependant, mme en admettant les ides, les
tres qui en participent ne se produisent pas, s'il n'y a pas de
moteur. Nous voyons au contraire se produire beaucoup d'objets,
dont on ne dit pas qu'il y ait des ides, une maison, un anneau : il
est vident alors que les autres choses peuvent tre ou devenir par
des causes analogues celles des objets en question.Ensuite, si les
ides sont des nombres, comment ces nombres seront-ils causes ?
Est-ce parce que les tres sont d'autres nombres, par exemple, tel
nombre l'homme, tel autre Socrate, tel autre Callias ? Pourquoi
donc les uns sont-ils causes des autres ? car, que les uns soient
ternels, les autres non, cela n'avancera en rien. Si l'on dit que
les objets sensibles ne sont que des rapports de nombres, comme
est, par exemple, une harmonie, il est clair qu'il y aura quelque
chose dont ils seront le rapport. Or, ce quelque chose, c'est la
matire. Il rsulte videmment de l que les nombres eux-mmes ne seront
plus que des rapports d'objets entre eux. Par exemple, supposons
que Callias soit un rapport en nombres de feu, d'eau, de terre et
d'air ; alors, l'homme en soi se composera, outre le nombre, de
certaines substances ; alors, l'ide nombre, l'homme idal, que ce
soit ou non un nombre dtermin, sera un rapport numrique de certains
objets, et non un pur nombre ; et, par consquent, ce n'est pas le
nombre qui constituera l'tre particulier.Ensuite, de la runion de
plusieurs nombres rsulte bien un nombre ; mais comment plusieurs
ides peuvent-elles former une seule ide ? Si ce ne sont pas les
ides elles-mmes, si ce sont les units numriques comprises sous les
ides qui constituent la somme, et que cette somme soit un nombre
dans le genre de la myriade, quel rle jouent alors les units ? Si
elles sont semblables, il en rsulte un grand nombre d'absurdits ;
si elles ne sont point semblables, elles ne seront ni toutes les
mmes, ni toutes diffrentes entre elles. Car en quoi
diffreraient-elles, n'ayant aucun mode particulier ? Ces
suppositions ne sont ni raisonnables, ni d'accord avec la
conception mme de l'unit.Ensuite, il faudra ncessairement
introduire une autre espce de nombre, objet de l'arithmtique, et
tous ces intermdiaires dont parient quelques philosophes. En quoi
consistent ces intermdiaires, de quels principes drivent-ils ?
Pourquoi enfin des intermdiaires entre les tres sensibles et les
ides ? De plus, les units qui entrent dans chaque dyade, viendront
d'une dyade antrieure ; or, cela est impossible. Ensuite, pourquoi
le nombre compos est-il un? Ce n'est pas tout : si les units sont
diffrentes, il fallait s'expliquer comme ceux qui admettent deux ou
quatre lments : tous ils donnent pour lment, non pas ce qu'il y a
de commun tous les tres, le corps par exemple, mais le feu ou la
terre, que le corps soit on non quelque chose de commun entre les
tres. Ici, au contraire, on fait de l'unit un tre compos de parties
homognes comme l'eau ou le feu. S'il en est ainsi, les nombres ne
seront pas des essences. Du reste, il est vident que s'il y a une
unit en soi, et si cette unit est principe, l'unit doit se prendre
sous plusieurs acceptions : autrement il y aurait l une
impossibilit.Dans le but de ramener tous les tres ces principes, on
compose les longueurs de long et de court, d'une sorte de petit et
de grand ; la surface de large et d'troit ; le corps, de profond et
de non-profond [96]. Mais alors, comment le plan contiendra-t-il la
ligne, ou le solide la ligne et le plan ? Car le large et l'troit
diffrent, quant au genre, du profond et de son contraire. De mme
donc que le nombre ne se trouve pas dans ces choses, parce que le
plus et le moins diffrent des principes que nous venons de nommer,
il est vident aussi que, de ces diverses espces, celles qui sont
antrieures ne se trouveront point dans celles qui sont postrieures
[97]. Et il ne faut pas dire que le profond est une espce du large,
car alors le corps serait une sorte de plan. D'ailleurs les points,
d'o viendront-ils ? Platon combattait l'existence du point, comme
n'tant qu'une conception gomtrique [98] : il lui donnait le nom de
principe de la ligne ; les points sont aussi ces lignes
indivisibles dont il parlait souvent. Cependant il faut que la
ligne ait des limites ; et les mmes raisons qui tablissent
l'existence de la ligne, tablissent aussi celle du point.En un mot,
quand le propre de la philosophie est de rechercher les causes de
phnomnes, c'est cela mme qu'on nglige. Car on ne dit rien de la
cause qui est le principe du changement ; et, pour expliquer
l'essence des tres sensibles, on pose d'autres essences : mais
comment les unes sont-elles les essences des autres ? on ne dit
l-dessus que de vains mots. Car, participer, comme nous l'avons dit
plus haut, ne signifie rien. Quant cette cause qui est, selon nous,
le principe de toutes les sciences, ce en vue de quoi agit toute
intelligence, toute nature, cette cause que nous rangeons parmi les
premiers principes, les ides ne l'atteignent nullement. Mais les
mathmatiques sont devenues toute la philosophie d'aujourd'hui, bien
qu'on dise qu'il ne faut s'en occuper qu'en vue des autres choses
[99]. Ensuite, ce que les mathmaticiens admettent comme la
substance des tres, on pourrait le regarder comme une substance
purement mathmatique, comme un attribut, une diffrence de la
substance ou de la matire, plutt que comme la matire elle-mme. Voil
ce qu'est le grand et le petit. C'est cela que revient aussi cette
opinion des Physiciens que le rare et le dense sont les premires
diffrences du sujet. Ce n'est l, en effet, que du plus et du moins
[100]. Et pour parler du mouvement, si c'est le plus et le moins
qui le constituent, il est clair que les ides seront en mouvement :
sinon, d'o est venu le mouvement ? Supposer l'immobilit des ides,
c'est supprimer toute tude de la nature [101].Une chose qui semble
plus facile dmontrer, c'est que tout est un; et cependant cette
doctrine n'y parvient pas. Car il rsulte de l'explication , non pas
que tout est un, mais que l'unit en soi est tout, si l'on accorde
toutefois qu'elle est tout : or, cela mme, on rie le peut, moins
qu'on ne reconnaisse l'existence du genre universel [102], ce qui
est impossible pour certaines choses.Ensuite, dans ce systme on ne
peut expliquer ce qui vient aprs le nombre [103], comme les
longueurs, les plans, les solides ; on ne dit point comment ces
choses sont et deviennent, ni quelles sont leurs proprits. Car ce
ne peuvent tre des ides : ce ne sont pas des nombres ; ni des tres
intermdiaires : ce titre appartient aux tres mathmatiques. Ce ne
sont pas non plus des objets prissables. Il faut donc admettre que
c'est une quatrime espce d'tres.Enfin, rechercher en masse les
lments des tres, et sans tablir de distinctions, quand le mot lment
se prend sous tant d'acceptions diverses [104], c'est se mettre
dans l'impossibilit de les trouver, surtout si l'on se pose ainsi
la question : Quels sont les lments constitutifs ? Car on ne peut
assurment trouver ainsi les principes de l'action, de la passion,
de la direction rectiligne ; si l'on peut trouver les principes, on
ne le peut que pour les essences. De sorte que chercher les lments
de tous les tres, ou s'imaginer qu'on les a trouvs, c'est pure
folie. Et puis, comment apprendra-t-on les lments de toutes choses
? videmment, pour cela il faudrait ne possder aucune connaissance
antrieure. Celui qui apprend la gomtrie a ncessairement des
connaissances pralables, mais il ne sait rien d'avance des objets
de la gomtrie, et de ce qu'il s'agit d'apprendre. Les autres
sciences sont dans le mme cas. Si donc il y a, comme on le prtend,
une science de toutes choses, on abordera cette science sans
possder aucune connaissance pralable. Or, toute science s'acquiert
l'aide de connaissances pralables [105], ou totales, ou partielles,
soit qu'elle procde par voie de dmonstration [106] ou par des
dfinitions [107]; car il faut connatre par avance et bien connatre
les lments de la dfinition. De mme pour la science inductive [108].
Si, d'un, autre ct, la science dont nous parlons tait inne en nous,
il serait tonnant que l'homme, son insu, possdt la plus excellente
des sciences.Ensuite, comment connatre quels sont les lments de
toutes les choses, et arriver sur ce point la certitude ? car c'est
l encore une difficult. On discutera sur les vritables lments,
comme on discute au sujet de certaines syllabes. Ainsi, les uns
disent que la syllabe xa est compose de c, de s et de a ; les
autres prtendent qu'il y entre un autre son, distinct de tous ceux
qu'on reconnat comme lments [109]. Enfin, les choses qui sont
perues par les sens, comment celui qui est dpourvu de la facult de
sentir pourra- t-il les percevoir? Il le devrait cependant, si les
ides sont les lments constitutifs de toutes choses, de la mme
manire que les sons simples sont les lments des sons composs.Il
rsulte videmment de ce qui prcde que les recherches de tous les
philosophes portent sur les principes que nous avons numrs dans la
Physique, et qu'il n'y a pas d'autres principes en dehors de
ceux-l. Mais ces principes ont t indiqus d'une manire obscure, et
nous pouvons dire, dans un sens, qu'on a parl avant nous de tous
ces principes, et dans un autre sens, qu'on n'a parl d'aucun. Car,
la philosophie des premiers temps, jeune encore, et son dbut,
semble bgayer sur toutes choses. Empdocle, par exemple, dit que ce
qui constitue l'os, c'est la proportion [110]. Or, c'est l un de
nos principes, la forme propre, l'essence de chaque objet. Mais il
faut que la proportion soit galement le principe essentiel de la
chair et de tout le reste [111]; ou bien elle n'est principe de
rien [112]. C'est donc la proportion qui constitue la chair, l'os,
et chacun des autres objets ; ce ne sera pas la matire, ce ne
seront pas ces lments d'Empdocle, le feu, la terre, l'eau et l'air.
Empdocle se ft ncessairement rendu ces raisons, si on les lui avait
proposes ; mais il n'a pas mis lui-mme sa pense dans tout son
jour.Nous nous sommes prcdemment expliqus sur cette insuffisance de
l'emploi des principes par nos devanciers. Revenons maintenant aux
difficults qu'on peut soulever relativement aux principes eux-mmes:
ce sera un moyen de faciliter la solution de celles qui pourront se
prsenter plus tard.FIN DU LIVRE PREMIER.
01. La vue nous rvle un grand nombre de diffrences de toute
espce, parce que tous les corps ont une couleur. Aristote, De sensu
et sensili, cap. 1, dit. de Bekker, p. 437.02. On ignore si les
abeilles ont ou non le sens de loue. Aristote, Histor. anim. l. IX,
40, Bekk., p. 627.03. Le chien, le perroquet, le cheval, lne, etc.
Asclpius ap. Brandis, Scholia in Aristot., p. 552.04. Il y a des
animaux qui vivent rduits aux seules impressions des sens. Arist.,
De anima, l. II, 3, Bekk., p. 414.05. La science dans son ensemble
est le rsultat de lexprience de chacun en particulier. Physic.
auscult., l. VII, 3. Bekker, p. 247.06. Cest lexprience qui donne
lart pour rgle notre vie ; linexprience nous fait marcher au
hasard. Polus, ap. Plat., in Gorg., c. II, d. de H. Estienne, p.
448. Polus, dAgrigente, disciple et ami de Gorgias. Voyez le
Gorgias de Platon.07. Cest par la connaissance du gnral que nous
avons lintelligence du particulier. Il ny a pas de mode de
connaissance propre au particulier. Analyl. prior. l. II, 21.
Bekk., p. 67. Voyez aussi Analyt. poster., l. I, 1. Bekk., p.
71.08. .09. 10. .11. Ethic.Nicom. l. VI, 5. Beek.,p. 1179.12. .
C'est le mme mot que nous avons traduit prcdemment par sagesse. M.
Cousin fait observer qu'Aristote passe successivement du sens
populaire de son sens lev qui est la sagesse par excellence, la
philosophie. Nous avons tch de mnager la transition, par l'emploi
des expressions intermdiaires que nous fournissait la langue
franaise.13. Voyez, liv. XII, 10, le dveloppement de cette grande
conception du rle de la cause finale dans l'univers.14. Platon,
dans le Thtte, d. de H. Est. p. 155 : Cet tat, l'tonnement, est
particulirement celui du philosophe, car c'est-l le principe de la
philosophie. 15. . Pour l'appprciation de la valeur philosophique
des mythes, voyez le cours de M. Cousin, 1828, premire leon, p. 22,
et cinquime leon, p. 19, ainsi que quelques arguments de la
traduction de Platon.16. Voyez dans le Protagoras, c. XXX, p. 344,
le passage de Simonide auquel Aristote fait allusion. Voyez aussi
Gaisford, Pt grci minores, t. I, p. 597. Plusieurs critiques ont
essay de restituer les vers de Simonide pars dans le texte de
Platon.17. Ethic. Nicom., X, 7, 8. Bekk., p. 1177, sq. Nous avons
surtout remarqu le passage suivant : Nous ne devons pas, bien que
nous ne soyons que des hommes, nous borner, comme quelques-uns le
veulent, aux connaissances, aux sentiments purement humains ; nous
rduire, tout mortels que nous sommes, une condition mortelle : il
faut nous affranchir au contraire, autant qu'il est en notre
pouvoir, des liens de la condition mortelle, et tout faire pour
vivre conformment ce qu'il y a de meilleur en nous. 18. . Il nous a
t impossible de ne pas paraphraser cette formule mathmatique, ainsi
que celle qui vient plus loin : . En gnral, la langue gomtrique des
Grecs est peu explicite ; il n'en est pas de mme chez nous : nos
formules sont des propositions compltes.19. Cette dernire
expression, grammaticalement inexplicable, est de l'invention
d'Aristote. On la trouve assez frquemment employe dans la
Mtaphysique. Elle dsigne le caractre distinctif de l'tre, ce qui
entre dans la dfinition, la forme sous laquelle on conoit
ncessairement chaque objet. Aristote, outre le mot substitue sans
cesse cette formule les mots : , , , , , , , , . C'est ce que les
scolastiques appelaient quidditas, causa formalis, forma
substantialis.20. . Causa materialis.21. . C'est le principe qui
fait passer le sujet, la matire, du possible, qui est sa nature, la
ralit, la dtermine, la marque d'un caractre distinctif, en un mot
lui donne une forme. Aristote le nomme encore . Causa efficiens.22.
. Le motif, le but de l'action, de tout ce qui est et se fait, la
raison finale des choses, Causa finalis. La locution , dsignant la
cause finale, se rencontre plusieurs fois dans Platon, notamment
dans le Gorgias. Mais c'est Aristote qui, le premier, lui a donn
cette forme substantive : .23. Voyez Physic. auscult., II, 3.
Bekk., p. 194. Ibid., 7. Bekk., p. 198.24. De Milet, 600 ans avant
J.-C.25. Orphe, Muse, Eumolpe et les anciens potes.26. Homre,
Hsiode, passim.27. Le raisonnement est facile complter. Donc le
serment est ce qu'il y a de plus ancien. Or, le serment se jure par
le Styx, par l'eau ; donc l'eau est ce qu'il y a de plus ancien.28.
De Rhgium, VIe sicle avant J.-C. Tennemann, Manuel, t..1, p.99, le
rattache l' cole de Pythagore.29. De Milet, vers 557.30.
D'ApolIonie, contemporain d'Anaximne, ou postrieur de quelques
annes ce philosophe, si l'on en juge par les dveloppements qu'il
donna au principe qui leur est commun.31. VIe sicle. Tennemann le
rattache comme Hippon l'cole de Pythagore.32. Vers 500, pre d'une
cole de sceptiques clbre dans l'antiquit. Aristote rfutera par la
suite plusieurs de ses opinions.33. D'Agrigente, vers 460 ou 444.
Aristote le citera frquemment dans Ia Mtaphysique34. N vers 500 ;
ami et, selon quelques-uns, matre de Pricls. Aristote cite souvent
la proposition fameuse, dbut du livre d*Anaxagore : .35. , , ,
telles sont les dnominations sous lesquelles les anciens ont dsign
ce principe d'Anaxagore. Ici, Aristote donne .36. Les lates.37.
D'le ; vers 460, il fit un voyage Athnes ; il avait alors un peu
plus de 60 ans. Voyez le Parmnide de Platon, sub init. p. 127.38.
Le principe moteur.39. Anaxagore tait son compatriote et son
contemporain; il fut probablement son disciple.40. Simon Karsten,
Parmenid. Eleat. reliqui, p. 42.41. Hsiode, Theogon., v. 116.42.
Aristote n'a pas tenu cette promesse. Nulle part dans la
Mtaphysique la question n'est discute. Elle ne l'est mme dans aucun
des ouvrages d'Aristote qui nous sont rests.43. .44. L'Amiti.45. La
Discorde.46. Allusion au , Deus ex machina. Voyez Alexandre d'Aphr.
Brand. Schol., p. 537; Sepulv., p. 13.47. Platon fait dire Socrate
dans le Phdon, c. XLVII, p. 98 : Je vois un homme qui n'emploie l'
Intelligence aucun usage, et qui donne pour causes l'arrangement de
l'univers, non pas des causes vritables, mais des airs, des thers,
des eaux, et toutes sortes de choses aussi tranges. Voyez toute
cette peinture si vive du dsappointement de Socrate la lecture des
livres d'Anaxagore.48. Ce pome tait intitul . Il en reste un assez
grand nombre de fragments.49. Vers 500. Sa patrie est inconnue. On
croit qu'il fut disciple de Parmnide.50. D'Abdre. N vers 494 ou 490
; selon d'autres, 470 ou 460. Il adopta et dveloppa le systme de
son matre Leucippe. Il crivit en vers comme Empdocle, comme
Parmnide, comme presque tous les anciens philosophes.51. '.52. .53.
.54. Pythagore tait n Samos vers 584.55. Si l'on considre les
nombres, non comme de pures abstractions, mais comme des tres
proprement dits.56. , opportunum tempus, ce qui fait qu'une chose
vient son temps, l-propos.57. , opposita terra, le corps qui, dans
l'ensemble du monde, est oppos la terre. Les vrais Pythagoriciens,
suivant Asclpius et Philopon, appelaient Antichthone, la sphre de
la lune, parce que c'est la lune qui fait les clipses de soleil
pour la terre, et la terre nos clipses de lune, qui sont les
clipses de soleil pour la lune. Brandis, Schol. p. 541. Philop.
fol. 5, a. Mais Aristote n'indique-t-il pas ici un corps purement
imaginaire ? C'est ce que donne penser le choix mme des expressions
: , , etc.58. Alexandre cite le De Clo et le Trait sur les
Pythagoriciens. Ce dernier livre, dont parle aussi Diogne de Larce,
ne nous est point parvenu.59. oppos , tout quadrilatre dont l'un
des cts quelconque est plus grand que le ct correspondant ; dont
les cts ne sont pas parallles ; le quadrilatre irrgulier. St.
Thomas, dans son commentaire sur la Mt., d. d'Anvers, t. IV, fol.
10, a, pense qu'il s'agit ici du rectangle, ou carr long ; mais le
rectangle n'est pas le contraire du carr : tous deux ont galement
leurs angles droits et leurs cts parallles ; ils ont trop de
caractres communs.60. Alcmon est clbre surtout comme naturaliste et
comme mdecin.61. C'est sous ce nom qu'Aristote dsigne ordinairement
les philosophes de l'cole d'Ionie.62. Thals, Anaximne etc.63. De
Samos, vers 444. Mlissus est connu dans l'histoire comme homme
d'tat et comme gnral.64. De Colophon, contemporain de Pythagore. Il
vint en 536 s'tablir en Italie, Vlia ou le, ville qui a donn son
nom l'cole dont Xnophane est le fondateur. Voyez la dissertation d
M. Cousin sur Xnophane, Fragm. hist., p. 9 sq.65. Voyez notamment
Physic. auscult., 1. T. c. 2, 3. Bekk., p. 186-187.66. .67. .68.
Selon les Pythagoriciens, le fini, l'infini et I'unit n'ont pas une
existence diffrente des sujets o ils se trouvent, tandis que les
Ioniens, lors mme qu'ils admettent que la terre et le feu sont
infinis, distinguent le sujet mme, le principe matriel, feu, air ou
terre, et la qualit qu'ils y admettent, savoir : l'infinit ou
l'immensit. Dans le systme des Pythagoriciens, il n'y a pas deux
choses : le sujet et son attribut ; pour eux l'attribut des Ioniens
est le sujet lui-mme : , ; ailleurs, liv. XII, Aristote emploie au
lieu de , d. Brandis, p. 279. Ainsi, les choses ont fait place aux
conceptions mathmatiques, et les termes s'vanouissent dans leurs
rapports. Note de M. Cousin.69. N Athnes, l'an 430 ou 429 avant
J.-C.j mort en 348.70. Disciple d'Hraclite, Cratyle exagra encore
ses doctrines, comme on le verra plus tard, liv. IV, chap. 5 ; il
alla jusqu' condamner les hommes au silence absolu, cause de
l'absolue incertitude de toutes choses.71. N Athnes en 470 ou 469,
mort en 403.72. , et trois lignes plus loin . Les mots et semblent,
pour Aristote, compltement synonymes. Platon distingue
ordinairement ces deux termes l'un de l'autre. Voyez M. Cousin, De
la langue des ides, dans les Fragm. histor.,- p. 160, et les notes
de la traduction franaise de Platon. Mais quelquefois aussi Platon
emploie pour , et rciproquement.73. .74. , 75. , et ailleurs .
Cette expression n'est probablement pas de Platon, mais des
philosophes platoniciens. Voyez Trendelenburg Plat, de ideis, etc.,
p. 47 sq. Elle dsigne le principe matriel, ce qu'Aristote appelle ,
; c'est cette nature potentielle, cet tre indtermin qui est la fois
les contraires, et qui, en se ralisant, peut galement devenir l'un
ou l'autre. Les Pythagoriciens adoptrent aussi cette expression.
Mais, pour eux, la dyade n'est pas la matire en tant que dyade,
elle l'est comme premier terme multiple76. Anaximandre, si l'on en
croit Alexandre d'Aphrodise, Schol, p. 553; Sepulveda, p. 22.
D'autres pensent qu'Anaximandre avait pris pour principe l'infini,
, Diog., II, 1 ; opinion qui peut, du reste, se concilier avec la
remarque d'Alexandre d'Apbrodise ; le dsignerait l'attribut par
excellence, le mode essentiel de l'lment premier.77. Alexandre
d'Aphrodise, Schol., p. 553 ; Sepulv., p. 22 : On demandera comment
il se fait, puisque Platon a parl de la cause efficiente, puisqu'il
a dit : Nous devons trouver, dmontrer quel est le formateur et le
pre de l'univers; puisqu'il a indiqu la cause finale et le but des
choses : Tout, dit-il, est au pouvoir du roi de l'univers, et tout
existe en vue de lui ; on se demandera, dis-je, pourquoi Aristote
ne trouve pas les deux causes en question dans le systme
platonicien. Serait-ce parce que Platon ne les numre pas parmi les
causes ? remarque que fait Aristote dans le livre Sur le bien.
Est-ce parce que Platon ne les donne pas comme les principes de la
production et de la destruction, et parce qu'il n'a pas clairci
suffisamment la notion de ces causes? Quel que soit le motif qui a
dtermin Aristote, on sent qu'il manque ici quelque chose : Aristote
ne nous montre pas Platon tout entier. Qu'on songe au Time, au Xe
liv. des Lois.78. , .79. Voyez plus haut.80. Physic. auscult.,
passim, et particulirement dans les pr